La voix off des images : À propos de la conférence-performance Quand le corps délivre des images

DOI : 10.54563/demeter.101

Résumés

La conférence-performance Quand le corps délivre des images met en scène les éléments constitutifs de la conférence d’histoire de l’art (dispositif oratoire, contenu théorique, PowerPoint avec reproductions d’œuvres) mais avec une conférencière mutique, le texte étant préalablement enregistré et diffusé à travers un dictaphone. Les nombreuses images défilent de manière autonome à un rythme continu, émancipées du texte qui ne les commente pas plus qu’elles ne l’illustrent. La gestuelle décalée de l’oratrice que j’incarne et les objets que je manipule s’ajoutent aux images projetées de corps, brouillant la frontière entre différents registres de présence. C’est ainsi la capacité des objets et des images à produire du discours qui surgit dans cette transmission du savoir sur le mode sibyllin où le montage d’éléments hétérogènes et la collision qu’il provoque exacerbent les affects liés au fait d’incarner, en tant que femme, une parole d’autorité.

The lecture-performance When the body delivers images stages the constitutive elements of the art history conference (public speaking, theoretical content, PowerPoint with reproductions of works) but with a silent speaker, the text being previously recorded and broadcast through a dictaphone. The numerous images parade autonomously at a continuous rhythm, emancipated from the text which does not comment on them any more than they illustrate it. The offbeat gestures of the speaker that I embody and the objects that I manipulate add to the images of the scrolling body, blurring the border between different registers of presence. It is thus the capacity of objects and images to produce discourse that arises in this transmission of knowledge in the sibylline mode where the assembly of heterogeneous elements and the collision it causes exacerbate the affects linked to incarnation, as a woman, a word of authority.

Index

Mots-clés

montage d'images, affect, incorporation du savoir, féminin, recherche-création

Plan

Texte

Mes propositions performatives actuelles, désignées comme des conférences-performances, reposent en partie sur des textes que j’ai écrits et qui ont, pour la plupart, été diffusés dans le cadre d’une recherche universitaire (extraits d’ouvrages, d’articles et de conférences). Un diaporama diffuse par ailleurs des images (un corpus d’œuvres que j’ai, le plus souvent, étudiées). Les ingrédients de la conférence d’histoire de l’art sont donc là, à la différence près que la voix ne provient pas du corps censé la prononcer mais d’un dictaphone à cassettes. Conférencière mutique, je fais image, assumant une proximité avec mes objets d’étude.

L’exercice de la conférence, auquel j’ai dû (ou cru devoir) me soumettre en tant que chercheure, ne me convient clairement pas. Je ne m’y épanouis pas et cela se voit (et ne s’arrange pas avec le temps). Ni mon corps, ni ma voix ne sont alors à leur place, l’un et l’autre défaillant, manifestant négativement mes affects. Cette situation, que je perçois comme dispositif de pouvoir d’une parole savante, m’a toujours personnellement fragilisée, me renvoyant à ma féminité vécue comme illégitime dans ce cadre. Ce n’est donc pas un hasard si, dans mon travail artistique, je me suis attaqué à la forme conférence. Ici réside, pour moi, l’enjeu de la performance : mutique, je me conforme à cette illégitimité, mutique je résiste à cette illégitimité1. Mon investissement de ce format académique vise ainsi à le mettre en question, à le subvertir de l’intérieur.

Au premier abord, mon corps contraint et limité, dans sa posture statique de conférencière, privé de parole, semble répondre au statut de femme-objet en même temps qu’il manifeste son incompatibilité avec un discours d’autorité. Les stéréotypes de la féminité (robe, chaussures à talons que je porte) entrent en conflit avec le savoir que j’incarne en tant que chercheure et que ma voix enregistrée diffuse. Mais cette disjonction, révélatrice d’un malaise, devient paradoxalement le moyen de faire exister pleinement le corps et la voix et de sonder la part affective et subjective du savoir.

Sans vouloir trop alimenter une « mythologie » de la plasticienne, si je me suis tournée vers la création, c’est aussi que, très jeune, j’ai trouvé là le moyen d’exprimer ce qui, dans le langage courant, n’était pas verbalisable ; j’ai souhaité créer un langage dans lequel je me sente à l’aise. Ce refuge de la parole que constituent en ce sens l’art et les images a, selon moi, à voir avec la fonction des mythes que Jean-Pierre Vernant définit ainsi : « Faute de sérieux, ils ne pèsent pas socialement, ils ne tirent pas, sur ce plan, à conséquence. Ils offrent ainsi l’occasion d’exprimer ce qui formulé en d’autres langues, plus officielles, serait indécent, incongru, scandaleux, sacrilège2. »

La conférence-performance se fait ainsi lieu d’accueil du refoulé de la conférence universitaire classique. Mise en critique de la parole d’autorité, elle porte en elle une réflexion sur l’incorporation du savoir et ses modalités de diffusion. Elle est également révélatrice d’un parcours entre pratique et théorie, forme symptomatique de recherche-création.

Entre pratique et théorie : incorporations

Après une formation initiale en école d’art, j’ai dû, dans le cadre de ma thèse en histoire de l’art, théoriser un rapport très pulsionnel aux images. Avant même de connaître Aby Warburg, je pratiquais l’histoire de l’art par le montage d’images et c’est avec un classeur de reproductions d’œuvres antiques et classiques d’Amazones faisant écho à des œuvres contemporaines que j’ai débuté ma recherche. Quand je l’ai découvert, le rapport d’Aby Warburg aux images (dans sa folie même) m’a évidemment interpelée alors que chaque figure mythologique était, pour moi, l’occasion d’une identification, d’une auto-analyse psychologique. J’ai été tour à tour Penthésilée, Léda, Daphné, Arachné ; je faisais corps avec tous ces mythes. Et j’ai en quelque sorte « masqué » cela derrière ma thèse et l’analyse d’œuvres contemporaines de Rebecca Horn, Mona Hatoum, Ana Mendieta, Ghada Amer et Louise Bourgeois, utilisant le format de la thèse pour explorer d’autres registres, plus personnels, plus affectifs. Ce travail a été publié sous un titre, Prêter son corps au mythe3, qui traduit cette incorporation à laquelle je suis particulièrement sensible.

Assez littéralement warburgienne, j’ai toujours élaboré ma réflexion à partir des images et mes intuitions théoriques naissent de montages d’images. La notion de survivance me permet de concevoir un « travail des formes », proche du « travail du rêve4 » décrit par Freud, incluant la notion d’inconscient. L’atlas d’images Mnemosyne, cette « iconologie des intervalles », selon Warburg, met davantage l’accent sur les relations entre les figures que sur la signification de chacune5. L’image est ainsi pensée dans une dynamique complexe et une temporalité non linéaire, faite d’oublis et de revenances. Je ne peux qu’adhérer à cette façon d’envisager une mutation des formes, d’un domaine à un autre ou d’une aire (géographique ou culturelle) à une autre6. En tant qu’artiste, je pars spontanément de l’image pour penser la théorie et notre rapport au monde, j’envisage aisément la force, l’efficacité des images, leur capacité à hanter le réel7.

Cette méthode, qui m’autorise ce qu’une certaine histoire de l’art positiviste interdit, m’a tellement satisfaite que j’ai bien cru, durant ma thèse, avoir déplacé mon « élan créateur » des arts plastiques vers l’interprétation des images. J’ai d’ailleurs cessé de produire plastiquement durant ces quelques années pour finalement revenir à une pratique artistique tout autre, faisant place au geste et laissant justement ressurgir cette incorporation fantasmée. Ceci pour dire que mon approche des œuvres me semble concernée, travaillée par un « faire » artistique, avant que ma pratique performative ne soit travaillée par la théorie.

J’ai, du reste, tout au long de cette recherche de doctorat, beaucoup dansé, particulièrement le tango argentin, réalisant que ce corps, pourtant au centre de mes préoccupations, avait été comme laissé de côté dans ma pratique artistique antérieure, puis dans mon travail théorique. Il s’agissait de le mettre en scène. La fin de ma thèse a ouvert la voie à ce désir : un désir ancien et contrarié. Après diverses expérimentations chorégraphiques autour d’objets de contrainte des corps, je me suis lancée, en 2010, dans un projet de solo avec objets, sur la construction de la féminité dans son lien à la danse8. Le tango argentin, avec ses codes archaïques, ne tarda pas à perdre de son attrait car la danse avait plus fondamentalement remis en mouvement un désir de création quelque peu enfoui, un désir plus fort que la forme, débordant les cadres des genres établis.

Quand j’ai engagé mon travail artistique du côté des arts vivants, c’était donc pour mettre le corps au centre, avec ce que cela impliquait, pour moi alors, d’une mise à distance de la théorie. Celle-ci est revenue, comme c’est souvent le cas, par une autre porte. Je parlerais volontiers, à cet égard, d’un « double retour du refoulé », ma recherche universitaire s’étant en grande partie construite par la mise à l’écart de la création et ma création s’étant en grande partie construite par la mise à l’écart de la théorie. Cette « réconciliation » m’apparaît symptomatique (dans sa lenteur à s’affirmer) de la prégnance chez moi de l’opposition corps esprit. C’est ainsi un double mouvement, de la création vers la recherche et de la recherche vers la création qui s’est opéré, dont la conférence-performance s’est avérée être la résolution.

Les choses ont commencé par un livre-objet (mon premier essai sur l’art publié, recouvert de papier couleur) qui prit place dans la scénographie et la dramaturgie de mon solo. Sa lecture à haute voix me délivrait des rubans trop longs de mes chaussons de danse et des fantasmes liés à la danse. Et puis, j’ai préféré enregistrer cette voix, afin d’être libre de mes mouvements, pour finalement confier ce texte, ainsi que d’autres, à un double de moi, un objet-femme, une poupée gonflable en position d’énonciation à ma place. La forme conférence-performance s’est ainsi progressivement imposée. J’ai, depuis, introduit très largement, dans ma pratique artistique, cette théorie sous forme oralisée, qui devient, par l’enregistrement, un matériau que je mets en scène. À travers la voix off, et dans son frottement aux images et aux objets, le savoir se fait récit, fiction théorique9.

Figure 1

Figure 1

La découpe des culottes, une performance théorique, solo-conférence avec objets pour une interprète

Photo de travail à la Ménagerie de verre dans le cadre des Studiolabs, 2013.

Il y a comme un retour aux sources, à ces images qui ont produit des affects, du sens et du savoir. En désolidarisant le corps de la parole, j’ai trouvé la liberté que je cherchais. Dans cette disjonction, les deux peuvent enfin s’exprimer et, paradoxalement, se réunir. Je suis là avec mon corps et je peux faire entendre ma voix. Ayant transféré ma féminité encombrante et ma parole d’autorité sur les objets que je manipule, je prends des distances avec les conflits qui m’habitent, je les accepte. La transmission des affects et la transmission du savoir se mêlent, soulignant le caractère « situé10 » et incarné de l’activité de recherche. Le corps, la voix, les images : tout devient matériau de montage dans cette forme hybride qu’est la conférence-performance, elle-même montage de deux termes.

Montages et disjonctions : faire parler les images et les objets

La conférence-performance Quand le corps délivre des images porte sur les liens entre iconographie classique et performances contemporaines, entre survivance de formules gestuelles dans les représentations, empreinte des images sur les corps et capacité des corps à faire image11. Un diaporama en boucle, avec un défilement de 7 secondes par diapositive, diffuse en alternance des vues de performances d’artistes femmes et des œuvres issues de l’histoire de l’art (en tout 104 images), pendant que, muette, je donne corps, de façon minimale, par la manipulation de quelques objets, à la théorie qui s’expose via ma voix enregistrée sortant d’un vieux dictaphone.

Figure 2

Figure 2

Capture d’une partie du diaporama projeté lors de la conférence-performance Quand le corps délivre des images.

Avatar assumé de l’atlas warburgien, le PowerPoint raconte à lui seul, indépendamment de la voix off qui se superpose plus qu’elle ne commente les images, une histoire de l’art faite de liens, d’écarts et de résurgences. Il y a un déplacement des fonctions habituelles d’illustration des images et de commentaire du texte. Les images ne viennent pas soutenir une théorie mais sont porteuses de sens : elles « pensent12 ». Le « montage d’attractions13 » définit plus largement le dispositif de cette conférence-performance où l’image, la voix et le corps entrent en collision. La frontière entre représentations, traces et présence devient par là même poreuse.

Au début de la conférence-performance Quand le corps délivre des images, assise à la table, en posture de conférencière classique, je semble lire mon papier alors que je fais simplement du play-back sur ma voix enregistrée. Le dispositif de prise de parole, rendu inopérant du fait de la disjonction, apparaît dans son artificialité ; le corps, a priori transparent, affiche sa corporéité. Le texte de la voix off débute ainsi :

La performance artistique se situe au point d’articulation du corps et de l’image, révélatrice des liens complexes unissant le geste et ses représentations. En rupture avec une certaine tradition, un certain régime de représentation, la performance est pourtant travaillée par des images et des mythes. La question de la mémoire est inhérente à cette pratique tant les corps produisent des images qui produisent à leur tour des affects agissant sur les corps. C’est ainsi que certaines images de performances emblématiques entrent en résonance avec des représentations phares de notre imaginaire collectif occidental.

Après ce premier moment de play-back, reprenant en la détournant la situation pédagogique de distribution de photocopies, je me lève pour donner dans le public, à l’aide d’une pince à épiler lumineuse, de petites images pliées, contenues dans la bouche d’une poupée gonflable, laquelle est présentée pliée, dégonflée, sur un plateau argenté. Je me déplace tout d’abord avec le plateau, façon Salomé ou Sainte Agathe, puis j’extrais, de la bouche béante, des images « pornographiques » d’un autre temps : La Vénus d’Urbin du Titien, Suzanne et les vieillards du Tintoret. Les spectateur·rice·s reçoivent, du bout des doigts ou dans le creux de leur main, le cadeau empoisonné, la jolie image qui invite à réfléchir.

Je sers en quelque sorte la féminité sur un plateau. De la bouche ouverte, ne sortent pas des mots mais des images. C’est un peu comme si la poupée avait mal ingéré toutes ces représentations et les régurgitait, métaphore d’une idéologie assimilée de force mais peut-être aussi d’un savoir incarné. L’extraction apparaît comme un geste chirurgical, en même temps qu’elle pourrait évoquer l’eucharistie, par la transmission d’une partie du corps de la poupée. C’est ici le corps réifié des femmes à travers l’histoire de l’art et des représentations qui est donné à voir, en écho aux images projetées qui défilent. Et c’est par l’objet et par l’image que le corps apparaît.

Pendant ce temps de distribution, la voix off poursuit indépendamment de moi, révélant ainsi le montage du corps et de la voix, de la présence et de l’archive. Le texte de cette voix développe une réflexion sur la performance :

L’expérience par le corps, qui définit la performance, ne tient pas à sa seule présence réelle (qui la rattacherait aux arts vivants). Car, plus fondamentalement, la performance rend compte d’une expérience et fait vivre une expérience, qui certes passe par le corps mais délivre aussi un message sur le corps. Et cette expérience met au centre la place du corps (au sens politique) de l’artiste comme du spectateur. Ce corps, que nous avons tout à la fois de plus personnel et de plus commun, se trouve révélé dans toute sa puissance identificatoire. Il apparaît porteur d’autre chose que ce qu’il est physiquement : corps psychique, corps social, surface de projection et d’inscription.
Ce qui est en jeu dans la performance est bien l’impact des images du corps sur les corps et le passage d’un corps individuel à un corps collectif. La performance est ainsi inextricablement liée aux représentations du corps et a fortiori lorsqu’elle n’est visible qu’au travers de ses traces photographiques ou vidéos. Ces traces rendent manifeste la « mise en image » des corps à l’œuvre dans la performance ; elles révèlent en outre ce qui se joue de constructions de mythes dans l’art (avec la figure de l’artiste en premier lieu).

Figure 3

Figure 3

Poupée gonflable présentée sur un plateau d’argent avec images contenues dans la bouche, objet utilisé dans la conférence-performance Quand le corps délivre des images.

C’est le paradoxe de la performance que d’être en rupture avec l’image et totalement liée à elle, dans l’éphémère et dans l’archive, dans l’action et dans la fiction, dans la déconstruction de mythes et dans la construction de mythes. Ainsi peut-on bien souvent y voir des réminiscences de figures archétypales, de mythes : figures de martyrs, figures mythologiques de la métamorphose, de l’hybridité, icônes porteuses d’un message collectif, métaphores de la création. En cela, la performance est une pratique fondamentalement questionnante, ouvrant à l’interprétation.
Si l’on peut toujours discuter des « débuts » de la performance, la faisant remonter aux avant-gardes du xxe siècle ou, bien avant, dans des formes proches du théâtre, voire dans des rituels ancestraux, on observe en tout cas un mouvement massif à partir des années 1960 où le corps, en lien avec divers mouvements de contestation sociale, devient le lieu d’un débat, et un enjeu majeur. En introduisant le corps vivant dans l’œuvre, la performance bouscule les catégories disciplinaires de l’art et les règles habituelles de représentation. C’est aussi, pour de nombreuses artistes de cette période, le moyen de mettre au jour la violence faite aux corps dans la société.
Cette insistance sur le corps et ses enjeux politiques ne va pas sans une réévaluation de la corporéité à l’œuvre dans l’art comme de l’économie des corps sexués dans la création. La performance participe en ce sens de la remise en question des fondements implicites de l’art, excluant un certain nombre d’éléments de son champ, dont les femmes en tant que sujet auteur. Jusqu’au dernier tiers du xxe siècle, la figure de l’artiste est quasi-exclusivement masculine. L’épanouissement de la performance est contemporain de l’arrivée sur la scène artistique d’un nombre croissant de femmes, en lien avec le féminisme. Ce mouvement s’accompagne de la production d’écrits théoriques interrogeant la place des femmes et la répartition sexuée des rôles dans l’art. Il s’agit de déconstruire un schéma de domination et de mettre en évidence les enjeux idéologiques et les rapports de domination qui traversent l’art, comme la société.

Ce rituel de distribution et de partage autour de la question du féminin dans l’art, associé à ce moment théorique, en brouillant volontairement la frontière entre le corps et l’image, le présent de l’action et l’archive, le vivant et l’inanimé, invite à l’interprétation. La vérité semble sortir de la bouche de la poupée et son propos muet sur les représentations s’avère éloquent. Les images et les objets parlent autant que la voix (désormais inassignable à un corps et potentiellement attribuable à d’autres corps ou objets). Ces déplacements suggèrent le passage possible d’un corps objet à un corps sujet en même temps qu’ils contrent une définition simpliste de la performance. La répartition habituelle des rôles entre l’émission du discours (pensée comme active) et la réception (pensée comme passive) est perturbée. Le montage de ces différents éléments déploie, en lieu et place d’une démonstration professorale, une pluralité de sens.

Multiplier les corps et les voix, altérer le dispositif oratoire

Si la conférence-performance semble s’émanciper, dans sa théâtralité appuyée, du format habituel de la conférence, elle le travaille surtout de l’intérieur, décalant la situation de prise de parole, plus que la parodiant, afin d’altérer le dispositif oratoire, envisagé comme structure de pouvoir, bastion de la domination masculine. C’est ainsi qu’après le moment de distribution dans le public, de retour à la table de conférence, assise, j’enfile des gants de vaisselle roses. La voix off poursuit sur les stratégies féminines et féministes d’affirmation dans l’art, à travers la performance :

Avec la performance, s’engage une critique de la notion de génie sur laquelle se fonde (globalement) toute l’histoire de l’art occidentale faisant de l’artiste (majoritairement masculin, blanc et bourgeois) un être à part, déconnecté des préoccupations de la vie courante, des contingences. L’identité établie entre masculinité et créativité dispense de parler de l'art des hommes et donne à voir comme incompatible l'association entre féminité et création. Dans le contexte post-moderniste qui est celui de la performance des années 1970, la notion d’universalité, comme la prétendue neutralité de l’art, est discutée.

Je brandis le dictaphone devant mon visage. La voix off scande alors les paroles, comme un slogan de manifestation ou un message terroriste :

Il s’agit, pour des artistes femmes, de se réapproprier leur corps, réifié dans une tradition de l’art très largement masculine. Car si les femmes sont quasi-absentes de l’histoire de l’art en tant qu’artistes, le corps féminin (et singulièrement le nu féminin) se trouve être le grand sujet de la peinture, objet du regard et d’un désir conçu a priori uniquement comme masculin. Cette assimilation pure et simple de la femme à l’image (objet de consommation d’un regard défini comme phallique) a été particulièrement mise en évidence par la critique féministe.

Figure 4

Figure 4

Quand le corps délivre des images

meshs, Lille, 2016.

La performance correspond, pour des artistes femmes, à une affirmation en tant que sujets-auteurs de leurs propres corps. L’enjeu de cette démarche est de montrer son corps loin d’une idéalisation sclérosante ; de revendiquer sa singularité, sa corporéité, sa sexuation, sa sexualité, contre un formalisme désincarné, prétendument asexué, universel, mais prônant en fait des valeurs masculines. La performance relève ainsi de l’affirmation de subjectivités diverses et contribue à une remise en question du modernisme.

Je repose le dictaphone et place sur ma tête une couronne de fleurs, alors que la voix off se fait mielleuse, façon hôtesse de l’air.

La violence de nombreuses actions répond en ce sens à une violence sourde des images à l’encontre des femmes, présente dans la société et à travers l’art. Créer avec son corps de femme devient le moyen d’affirmer un statut d’artiste différent et de mettre en critique une définition étroite de l’artiste et de l’art par un travail sur les images du corps véhiculées par l’art, mais aussi sur le mythe et les mythes qui accompagnent la création.

À la place de la couronne de fleurs, je mets des cornes de taureau. La voix reprend son ton habituel.

S’attaquer au corps du mythe : tel semble être, en effet, le moteur de nombre de performances. Cette démarche révèle, en même temps, ce que l’acte créateur réclame de performance – que ce soit par les attributs brandis, les procédés d’instauration utilisés ou encore les métamorphoses attendues.

M’emparant d’un bouclier, je me lève pour prendre trois poses sur l’estrade évoquant successivement trois grandes figures héroïques de l’art : le Discobole, Atlas, Sisyphe.

Cette réappropriation des mythes relatifs à la création contribue à mettre au jour l’ambivalence de l’acte créateur et le statut instable du génie créateur (en perpétuel mouvement, comme les mythes qui l’instaurent). Certaines performances, en dialoguant avec des représentations anciennes, soulignent combien l’art procède de l’actualisation de mythes, de la mise en scène de soi et de son rapport à l’autre à travers les représentations. L’acte créateur y apparaît foncièrement lié au corps sexué, même quand ce dernier fait l’objet d’un déni et que l’artiste se voit fantasmé comme immatériel ou asexué.
En investissant le mythe du génie créateur (plutôt qu’en le contestant frontalement), ces performances manifestent la nécessité, mais aussi le danger, quand on refuse que l’émancipation soit synonyme de perte ou de renonciation, de « prêter son corps au mythe ». Cette position s’avère ambivalente, faite de déplacements, de résistance mais aussi de paradoxes. Dans cette perspective, la métamorphose (avec le changement d’état, de statut ou d’identité qu’elle permet) apparaît propice à l’avènement d’une forme de combat avec les images, l’animalisation et la monstruosité devenant des armes à double tranchant.
Métaphore de l’acte créateur, la métamorphose définit ce qui, dans l’art, exerce une force sur les corps (celui du spectateur comme celui de l’artiste), entre transformation et altération. Elle cristallise un enjeu majeur : celui d’un possible déplacement, par l’art, des identités. Intrinsèquement lié à l’art et aux mythes, le pouvoir de métamorphose dit en creux la place centrale tenue par les corps, la sexuation et la sexualité dans la création. Avec pour modèle un dieu créateur tout puissant pouvant prendre une apparence ou une autre, la création voit en quelque sorte dans la performance sa modalité d’expression « originelle ». Il ne semblerait pas étonnant que, dans la formulation d’un geste créateur au féminin, des artistes aient eu recours, consciemment ou non, à ces représentations structurantes d’un génie créateur polymorphe.

Revenue à la table de conférence, j’enlève cornes, bouclier et gants et je change la cassette du magnétophone. La voix enregistrée n’est plus la mienne mais celle d’une petite fille de quatre ans qui raconte une histoire « perverse polymorphe ». À nouveau en posture de conférencière, je fais du play-back mais l’écart entre le corps et la voix est patent :

Alors…, i me coupe les fesses, non, i me coupe pas les fesses, i i regarde mes fesses (rires), i regarde ma zézette, le zizi, les fesses, i regarde heu…m, mon nombril, mon ventre, mon nez, mes crottes de nez, i regarde aussi mes j…oues, non pas les crottes de nez, i regarde aussi mes joues, mes yeux. Il est, il est l’intention de couper mes yeux. Et puis finalement il va me manger, c’est le mignon petit loup, c’est le mignon bébé loup, qui lèche une glace. Et chez eux, c’est très accueillant. Et voilà !

Violence et légèreté se mêlent à travers ce récit, en écho au montage des images, lui aussi fondé sur la collision, Le Festin de Térée de Rubens jouxtant Le Festin de printemps de Meret Oppenheim.

Je change de nouveau la cassette du magnétophone et ma voix enregistrée reprend, alors que je place verticalement sur la table le couvercle d’un puzzle représentant une danseuse étoile toute de rose parée :

Cette réflexion sur le corps du mythe et le corps de la création, marquant la performance des années 1960-70, trouve un écho dans le champ de la danse où, à partir des années 1990 en France, de nombreuses démarches développent, à travers la performance au sens strict ou la forme solo, l’idée d’un corps auteur interprète. Il s’agit d’interroger le geste dansé, ses présupposés, son sens et de tenter d’extraire le corps de ses habitudes, en élargissant en particulier le champ de la danse aux arts plastiques. Le corps étant, dans la danse, déjà outil d’expression, c’est la figure de l’interprète qui se voit bousculée. Si le déplacement opéré dans ce domaine est un peu différent de celui visible dans les arts plastiques – où l’introduction du corps marque déjà une rupture, l’enjeu demeure quant au passage d’un corps esthétique à un corps subjectif.

Je saisis deux éventails et me lève pour exécuter de dos devant les images qui défilent une danse minimale : déploiement simple des éventails. Les images du diaporama montrent alors des corps dansants, des couples célèbres : Joséphine Baker, Vénus et Mars…

Dans la danse, le corps peut être considéré comme un outil, instrument du danseur, instrument possible du chorégraphe, mais il est aussi, et peut-être avant tout, porteur d’histoires et de significations. La neutralité du corps existe-t-elle ? Ne sommes-nous pas plutôt face à des fantasmes de neutralité auxquels le corps oppose toujours sa corporéité ? Par définition polymorphe, à la fois enveloppe charnelle et sujet social, réel, fantasmé, imaginaire, physique, sexué, psychique, le corps est ce lieu d’impressions, d’échanges et d’expressions, support privilégié de métamorphoses, lieu d’un déplacement possible, vecteur d’identités multiples, conscientes et inconscientes.

Figure 5

Figure 5

Quand le corps délivre des images

Anis Gras, Arcueil, 2017, dans le cadre des Journées du Matrimoine.

Cette affirmation d’un corps sujet singulier repose paradoxalement sur la mise en évidence des contraintes du corps, sur la mise en scène de corps objets, de corps immobiles, de corps « sans qualités », avec des défauts. Le génie créateur est attaqué dans sa chair. S’attaquer au corps du mythe revient ici à s’attaquer au mythe du corps : le mythe d’un corps maîtrisé, outil « parfait » de la création. Instrumentalisations et contre-performances deviennent le moyen d’exposer son corps au mythe, de faire corps avec le mythe pour mieux le questionner.

Je m’empare à nouveau du dictaphone mais pour altérer le son qui en sort, en actionnant la vitesse de défilement. La voix se fait grave ou aiguë, virile ou féminine, indéterminée, queer :

La performance apparaît comme un lieu possible de déplacement des identités, contre un formalisme du geste, une danse désincarnée, édulcorée. Des féminités, des masculinités, des sexualités diverses sont affirmées (dans une perspective queer). S’engage ainsi une critique des normes, de la normalité, de la normalisation des corps dans la danse et dans la société, pour une prise en compte de l’individu. Les gestes, plus ou moins dansés, sont avant tout des expressions du corps subjectif. Le corps s’affirme et s’affiche en tant qu’auteur et singularité. Il y a, dans ce mouvement conceptuel de la danse, une critique du corps spectaculaire, une réflexion sur la nature des corps à travers le geste dansé.

Je change de cassette pour mettre un morceau de musique : du tango. J’interviens alors sur le PowerPoint manuellement pour faire danser les images en rythme et non plus selon un défilement continu et homogène. Le diaporama devient sensible. Les images de corps, ainsi mises en mouvement, évoquent des corps dansants et désignent une corporéité dansante hors du corps, dénaturée.

La multiplication des modes d’adresse, à l’œuvre dans cette partie, fait dérailler la conférence jusqu’à ses confins : un diaporama musical. La succession de gestes, postures et sons, en partie inattendu·e·s dans une conférence, questionne les limites du genre et ses extensions possibles. L’altération de la voix et du corps participent d’une déconstruction des catégories qui affecte le genre même de la conférence. En tant que forme « impure », hybride, trans ou queer, la conférence-performance recèle une critique de la norme et des convenances de la conférence mais aussi de la transmission en jeu dans ce dispositif oratoire.

Transmettre en mode sibyllin

Brouillage de la voix et des images, multiplication des supports de diffusion, sollicitation de plusieurs registres d’attention : tout est là pour rendre cette « conférence » difficile à suivre, à entendre et à voir. La synchronisation des gestes, discours et images, et les effets de congruence provoqués, créent sens et affects. Seule une écoute flottante est possible. Quelles modalités de transmission cette altération promeut-elle ?

À la fin du morceau de tango, je remets la cassette avec ma voix enregistrée, qui chuchote désormais le texte comme pour une confidence, et je commence alors à fabriquer des rouleaux de papier avec le texte imprimé de ma conférence. Puis je saisis ces rouleaux en tendant mon index vers le ciel dans différentes directions, telle une figure oraculaire. Sur le diaporama, alternent images de sibylles et images de conférences-performances de Louise Hervé et Clovis Maillet, Kapwani Kiwanga, Esther Ferrer14.

Ne pourrait-on faire l’hypothèse que la force d’un geste réside dans sa capacité à faire image, c’est-à-dire à rendre visible, par l’expérience, quelque chose de l’ordre du mythe ? Il n’est pas étonnant que les récits mythiques fassent la part belle aux métamorphoses du corps car c’est bien à travers le corps que s’éprouve tout à la fois la proximité et la différence, les frontières et les porosités.
S’intéresser à l’expérience du geste revient à aborder la capacité du corps à interroger sa propre mémoire et par là la mémoire de l’identité ; à envisager l’empreinte des constructions identitaires sur les corps, ce par quoi le corps est profondément traversé. Cette manière de sonder la mémoire à travers le corps, la mémoire des corps, est certainement le moyen de résister à l’assignation, aux assignations, si activer cette mémoire implique de mettre en mouvement les identités, de transmettre et de se rendre présent à soi-même et aux autres.
Ce processus d’incorporation, peut-être particulièrement chargé de sens pour des artistes femmes, revient ni plus ni moins à subjectiver le mythe. L’expérience du geste (la performance entre autres) devient une manière de défier l’altérité. Cette incarnation, au-delà de la forme et de la technique, est peut-être bien ce que l’on cherche dans l’expérience du geste que procure exemplairement la performance. Et cette réappropriation de son propre corps par le geste renvoie à la condition de l’humain tendant vers sa liberté et à une nécessité : celle de l’interprétation. Pour que le corps, celui de chacun, de chacune, se construise comme sujet, vivant, sentant ; pour que ce territoire, physique et psychique, ne risque pas de se laisser soumettre et sache opposer sa résistance.
Je vous remercie.

Cette fin, réflexive, pose plus explicitement la question du lien entre performance et empowerment et celle de la délivrance du savoir, telle qu’elle est à l’œuvre dans la conférence-performance. Incorporer le savoir, c’est interroger la dimension affective du rapport au savoir mais aussi souligner les dispositifs de transmission (comme celui, spectaculaire, de la pythie). Ces configurations ne sont jamais neutres : la disposition spatiale induit une certaine circulation (ou non) de la parole et confère un statut au locuteur ou à la locutrice.

Par le choix de la forme conférence-performance, je souligne l’importance du corps dans la transmission du savoir et dans le dispositif performatif qu’est la conférence15. Les images permettent-elles de se délivrer des mots ? Les mots permettent-ils de se délivrer des images ? Qui parle ? Où réside le sens ? Les corps-objets, les corps-images n’expriment-ils pas exemplairement les affects des corps contraints ?

Le titre de cette conférence-performance, « Quand le corps délivre des images », est d’ailleurs ambigu et polysémique : le corps permet-il de se défaire des images ou est-il porteur d’images ? La délivrance est-elle libération ou transmission ? Peut-on se libérer des images et des mythes qui structurent nos imaginaires ? Se défaire d’une imagerie sclérosante, n’est-ce pas renoncer à ce qui nous a construit·e et nous constitue ? La libération est-elle toujours souhaitable, jusqu’à quel point ? Sans doute, avec cet idéal de délivrance, faut-il avoir en tête les possibles dérives totalitaires et prendre garde aux pouvoirs de l’affect. Le fonctionnement « sur le modèle de l’art » des totalitarismes, tel que l’a révélé en particulier Éric Michaud, devrait toujours être à l’horizon de ces pensées potentiellement démiurgiques16.

Figure 6

Figure 6

Visuel de présentation pour la conférence-performance Quand le corps délivre des images.

Le « Quand » de la formule installe une temporalité, évitant l’affirmation massive (« Le corps délivre des images ») et suggérant un moment où les choses éventuellement basculent. C’est une manière d’insister sur le processus et sur l’insaisissable de cette métamorphose. « Quand le corps délivre des images » désigne ce moment où le corps fait image, devenant support d’un imaginaire iconographique et où simultanément l’image prend vie, échappant à son destin fixe. Cet éphémère du geste peut d’ailleurs n’être que dans le regard et l’interprétation d’une spectatrice ou d’un spectateur, invisible aux yeux des autres.

Dans ce moment fragile, impalpable et néanmoins « efficace », me semble résider l’enjeu de la performance, et celui de la conférence-performance : ses contradictions apparentes, ses espaces de résistance, entre conformation et émancipation. Cette fonction critique, que l’image et la performance, comme la conférence et la performance, exercent l’une sur l’autre, dessine les contours d’une anthropologie de l’art attentive au geste, à ce qui se passe entre les corps et les images, entre la situation courante de diffusion du savoir et la dimension artistique. Dans cette perspective, conférer et performer, dire et faire image, participent d’un même mouvement de transmission par le corps, d’un même geste d’adresse et de délivrance.

Le propre de la conférence-performance serait ainsi de « déplacer » le discours officiel de la conférence, et du savoir, vers des terrains plus plastiques, plus polysémiques, a priori moins édifiants mais aussi peut-être plus parlants. En prêtant ma voix aux images, aux objets et à mon corps réifié, je cherche sans doute à faire entendre la violence d’une féminité réduite au silence : la voix off des images. Et, à travers cette oralité dissidente, je fais aussi le pari d’une théorie augmentée, d’un savoir déplacé, d’une transmission incorporée.

1 À cet égard, c’est assez logiquement que j’ai proposé une forme performative pour l’exposé de 20 minutes de ma soutenance d’habilitation à diriger

2 Jean-Pierre Vernant, « Frontières du mythe », Mythes grecs au figuré, Stella Georgoudi et Jean-Pierre Vernant (dir.), Paris, Gallimard, 1996, p. 25

3 Prêter son corps au mythe. Le féminin et l’art contemporain, Paris, Le Félin, 2009.

4 Sigmund Freud, Le rêve et son interprétation, Paris, Gallimard (1901) 1925, trad. de l’allemand par Hélène Legros.

5 Sur ce point, voir Philippe-Alain Michaud, « Zwischenreich. Mnémosyne, ou l’expressivité sans sujet », Les Cahiers du Mnam, n° 70, Hiver 1999-2000

6 Sur cette question, voir en particulier Philippe-Alain Michaud, Aby Warburg et l’image en mouvement, Paris, Macula, 1998.

7 Voir, à ce sujet, Georges Didi-Huberman, L'image survivante. Histoire de l'art et temps des fantômes selon Aby Warburg, Paris, Éditions de Minuit

8 la découpe des culottes, une performance théorique, solo-conférence avec objets pour une interprète de 50 mn, a obtenu le soutien de La Ménagerie

9 Mes dernières conférences-performances tendent ainsi à s’émanciper de ces écrits théoriques préexistants pour développer un récit plus intime. Par

10 Sur la question des « savoirs situés », voir Donna Haraway, Simians, Cyborgs, and Women. The Reinvention of Nature, Londres, Free Association

11 Cette conférence-performance d’environ 25 mn a été créée en 2016 avec le soutien de la Ménagerie de verre dans le cadre des Studiolabs.

12 Cette idée est développée dans l’ouvrage de Jacques Aumont, À quoi pensent les films, Paris, Nouvelles éditions Séguier, 1996

13 Sur le montage chez Eisenstein, voir Jacques Aumont, Montage Eisenstein, Paris, Albatros, 1979.

14 Cette partie reprend des éléments de la délivrance des sibylles, conférence-performance sur la conférence-performance créée en 2015.

15 Sur cette question, voir Jean-Philippe Antoine, « Un art exemplaire : la conférence-performance », Catalogue du Nouveau Festival, Paris, Centre

16 Éric Michaud, Un art de l’éternité. L’image et le temps du national-socialisme, Paris, Gallimard, 1996.

Notes

1 À cet égard, c’est assez logiquement que j’ai proposé une forme performative pour l’exposé de 20 minutes de ma soutenance d’habilitation à diriger des recherches. En effet, l’idée de présenter à nouveau, devant un jury, dos au public, un exposé sous sa forme classique, à l’instar de la soutenance de thèse, m’aurait paru contraire à tout ce que j’ai mis en place dernièrement. La soutenance se devait d’être performative : ma parole serait préenregistrée ; le jury serait dans le public ; je mettrais en spectacle ce spectacle institutionnel de la légitimation intellectuelle ; ce serait la seule condition viable pour moi.

2 Jean-Pierre Vernant, « Frontières du mythe », Mythes grecs au figuré, Stella Georgoudi et Jean-Pierre Vernant (dir.), Paris, Gallimard, 1996, p. 25-42.

3 Prêter son corps au mythe. Le féminin et l’art contemporain, Paris, Le Félin, 2009.

4 Sigmund Freud, Le rêve et son interprétation, Paris, Gallimard (1901) 1925, trad. de l’allemand par Hélène Legros.

5 Sur ce point, voir Philippe-Alain Michaud, « Zwischenreich. Mnémosyne, ou l’expressivité sans sujet », Les Cahiers du Mnam, n° 70, Hiver 1999-2000, p. 42-61.

6 Sur cette question, voir en particulier Philippe-Alain Michaud, Aby Warburg et l’image en mouvement, Paris, Macula, 1998.

7 Voir, à ce sujet, Georges Didi-Huberman, L'image survivante. Histoire de l'art et temps des fantômes selon Aby Warburg, Paris, Éditions de Minuit, 2002.

8 la découpe des culottes, une performance théorique, solo-conférence avec objets pour une interprète de 50 mn, a obtenu le soutien de La Ménagerie de Verre (avec plusieurs résidences entre octobre 2010 et février 2014), puis a bénéficié d’une résidence d’interprète à Micadanses, de janvier à avril 2014, permettant sa finalisation sous forme scénique au Studio May B, Micadanses, Paris, le 29 avril 2014. Adapté sous forme de conférence-performance de 25 mn, le projet a enfin été présenté à la Fondation Ricard, le 22 septembre 2014 dans le cadre des Partitions (performances), programme proposé par Christian Alandete.

9 Mes dernières conférences-performances tendent ainsi à s’émanciper de ces écrits théoriques préexistants pour développer un récit plus intime. Par ailleurs, la dimension fictive du savoir fait l’objet d’un investissement particulier par le Laboratoire de la contre-performance, collectif d’artistes et chercheur·e·s dont je fais partie.

10 Sur la question des « savoirs situés », voir Donna Haraway, Simians, Cyborgs, and Women. The Reinvention of Nature, Londres, Free Association Books, 1991, § 9 “Situated Knowledges: The Science Question in Feminism and the Priviledge of Partial Perspective”, p. 183-202.

11 Cette conférence-performance d’environ 25 mn a été créée en 2016 avec le soutien de la Ménagerie de verre dans le cadre des Studiolabs.

12 Cette idée est développée dans l’ouvrage de Jacques Aumont, À quoi pensent les films, Paris, Nouvelles éditions Séguier, 1996

13 Sur le montage chez Eisenstein, voir Jacques Aumont, Montage Eisenstein, Paris, Albatros, 1979.

14 Cette partie reprend des éléments de la délivrance des sibylles, conférence-performance sur la conférence-performance créée en 2015.

15 Sur cette question, voir Jean-Philippe Antoine, « Un art exemplaire : la conférence-performance », Catalogue du Nouveau Festival, Paris, Centre Pompidou, 2009, p. 28-33. Ce texte a été repris et augmenté pour l’ouvrage Quand le discours se fait geste. Regards croisés sur la conférence-performance, Vangelis Athanassopoulos (dir.), Dijon, Les Presses du réel, 2018.

16 Éric Michaud, Un art de l’éternité. L’image et le temps du national-socialisme, Paris, Gallimard, 1996.

Illustrations

Figure 1

Figure 1

La découpe des culottes, une performance théorique, solo-conférence avec objets pour une interprète

Photo de travail à la Ménagerie de verre dans le cadre des Studiolabs, 2013.

Figure 2

Figure 2

Capture d’une partie du diaporama projeté lors de la conférence-performance Quand le corps délivre des images.

Figure 3

Figure 3

Poupée gonflable présentée sur un plateau d’argent avec images contenues dans la bouche, objet utilisé dans la conférence-performance Quand le corps délivre des images.

Figure 4

Figure 4

Quand le corps délivre des images

meshs, Lille, 2016.

Figure 5

Figure 5

Quand le corps délivre des images

Anis Gras, Arcueil, 2017, dans le cadre des Journées du Matrimoine.

Figure 6

Figure 6

Visuel de présentation pour la conférence-performance Quand le corps délivre des images.

Citer cet article

Référence électronique

Anne Creissels, « La voix off des images : À propos de la conférence-performance Quand le corps délivre des images », Déméter [En ligne], 5 | Été | 2020, mis en ligne le 01 septembre 2020, consulté le 17 avril 2024. URL : https://www.peren-revues.fr/demeter/101

Auteur

Anne Creissels

En tant que chercheure, Anne Creissels s’intéresse depuis plusieurs années aux pratiques d’incorporation du savoir et du langage, auxquelles elle a consacré une partie de son récent ouvrage Le Geste emprunté (Paris, Le Félin, 2019). Parallèlement, en tant qu’artiste dans le champ de la performance, elle a particulièrement investi le format hybride de la conférence-performance. Son travail a été présenté notamment à la Fondation Ricard et au Musée de la chasse et de la nature à Paris, au Musée des Beaux-arts d’Arras, à Anis Gras à Arcueil, au centre d’arts de Wazemmes, à Mains d’Œuvres à Saint-Ouen et à l’artothèque de Strasbourg. Lors de colloques et journées d’étude, elle propose le plus souvent des interventions sous forme performative.

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