Un « alphabet visuel »… universel ? Quelques mots anglais du cinéma muet américain en France dans les années 1920

DOI : 10.54563/demeter.152

Résumés

Les théoriciens et critiques français des années 1920 envisagent le nouvel art du cinéma à la fois comme un langage universel et comme l’expression d’un génie national. S’invente au cours de ces mêmes années tout un lexique varié et mobile pour dire ce « langage cinématographique »… mais dans quelle langue ? Cet article se concentre sur la relation entre les mots de l’anglais et les mots du cinéma dans les discours français, principalement des années 1920. L’hypothèse explorée est celle de formes filmiques américaines à l’image de leur langue, d’un lien entre les mots et les formes. Louée par certains auteurs français pour sa concision, la langue anglaise semble influer sur le film américain économe, rapide et brutal, privilégiant l’expression directe, autrement dit un cinéma d’action. Parmi les américanismes employés dans les discours français sur le cinéma, certains « mots-idées » comme flash, flash‑back ou l’expression « a gun and a girl » contribuent à forger cet imaginaire du cinéma américain.

French theory of the 1920s considers the new art of cinema as both a universal language and an expression of national spirit. During those years, a manifold and changing lexicon is invented in order to say this “cinematographic language”… but in which language? We examine in this paper the relationship between English words and cinematographic words in French discourses, mainly of the 1920s.The main hypothesis investigated is that American silent film and English language are alike, as if there were a link between words and filmic forms. Praised by French authors for its terseness, English language seems to shape an economical, fast, and violent American cinema, which favors straight expression, in other words a cinema of action. Among the Americanisms which have penetrated French discourses on cinema, some “words-ideas” such as flash, flash-back, or the expression “a gun and a girl”, reveal something of that imagination about American cinema.

Index

Mots-clés

cinéma, Amérique, discours, formes filmiques, langues

Plan

Texte

Dans quelle langue le cinéma se parle-t-il ?

Un langage universel ?

Un des lieux communs des premiers discours sur le nouvel art du cinéma est de le présenter comme un langage universel, langage étant entendu comme l’ensemble des moyens expressifs du cinéma. Cette universalité du « langage cinématographique », supposée ou souhaitée, se comprend dans le contexte d’une conception du cinéma comme langage de l’image seule, comme « expression par l’image1 », se substituant au langage écrit et verbal lorsque, par exemple, on préconise de se passer des intertitres. G.-Michel Coissac, dans son ouvrage de 1929 Les Coulisses du cinéma, en déduit une certaine mission pour le nouvel art : « Puisqu’il est universel, le cinéma doit être compris de tous ; il lui plaît de parler un langage qui n’oblige point à rechercher et de moyens qui demeurent “très public”, à portée de chacun2 ». Universel est entendu comme simple, accessible, un cinéma « très public » qui n’est pas étranger à la perception du cinéma américain à cette époque dans les discours français.

Dans une intervention de 1921, « Il faut sauver le film français », Canudo s’oppose justement à cette idée au nom même de la vocation du cinéma à l’universalité, qui ne doit pas se confondre avec banalité :

Nous ne voulons pas que toute cette douleur humaine soit passée sur le monde, pour que nous continuions à aller voir, chaque soir, en plein Paris, le shériff du Far-West. Il nous faut autre chose. Il nous faut de riches visions d’humanité, et de celle qui est autour de nous en particulier. Le cinéma seul peut la traduire et la répandre partout. Car il est un langage universel3.

Les différentes conceptions de l’universalité du cinéma tantôt favorisent, tantôt desservent le film américain : soit il a la simplicité suffisante pour être accessible à tous et partout, soit il n’est pas à la hauteur des attentes des sociétés en plein bouleversement4. Le film américain et en particulier son représentant le plus fameux, le film d’action de l’Ouest, semble manquer pour Canudo de cette gravité qui lui permettrait de restituer de « riches visions d’humanité » et de remplir ainsi son rôle de langage universel. Cette réception d’après-guerre correspond en outre au sentiment d’invasion du « film étranger5 » sur les écrans français et entre dans une stratégie de défense du « génie national6. »

Une expression nationale ?

La conception du cinéma comme langage universel est en fait contemporaine et sans doute indissociable de toute une réflexion et une rhétorique nationales, sinon nationalistes, sur le cinéma comme art et comme industrie. Tout en étant universel, le cinéma est d’un pays et « comme un livre, comme n’importe quelle œuvre d’art, doit représenter la vie d’un peuple, la race d’où il surgit7 ». Comme le rappelle Christophe Gauthier, « un film est un produit d’un pays donné et à ce titre il doit en refléter les traditions sinon “l’esprit”8 ». Il y a à l’époque un discours traversant sur l’identité d’un film, à travers lequel se met en place la notion d’école cinématographique, dont l’école américaine9. On a donc simultanément, de façon compatible, l’idée d’un cinéma comme langage universel et l’idée d’un cinéma comme traduction d’un pays, toutes les deux nourries d’imaginaire.

Qu’en est-il plus spécifiquement de l’Amérique ? Là encore, ces deux points semblent indissociables d’une opinion dominante dans les discours français des années 1920, celle d’une Amérique sans passé, d’une race sans race, d’un pays jeune, vierge de toute complexité culturelle et artistique :

C’est que les Américains (…) n’ont pas de traditions intellectuelles, ne s’embarrassent d’aucune entrave culturelle. Ils sont nés, esthétiquement, dans l’Art de l’Écran (…) Ils n’ont rien eu à oublier, pour se jeter, âme tendue, corps perdu, dans la nouvelle création de soi-même offerte par l’homme à l’homme. Ils y sont arrivés, frais, légers, libres de tout, aptes à se montrer vraiment neufs dans un art neuf10.

Ces propos de Canudo font approcher plus près de cette question d’un imaginaire français de l’Amérique, celui d’un pays vierge, né avec et du cinéma, entièrement ouvert, disposé au nouvel art : la rhétorique de l’enfance, omniprésente à cette époque, mêle Amérique et cinéma.

Dans ce bref aperçu, il y aurait encore un point à aborder sur lequel on ne s’étendra pas, celui du film international. On trouve dans les discours de l’époque l’idée que le cinéma américain serait possiblement un art international, soit en prenant en compte son succès, soit en mettant en avant son caractère passe-partout, qui, d’un pays sans tradition mais à la perfection technique et aux larges moyens financiers et industriels, produirait un cinéma sans âme. Ce à quoi s’oppose Léon Moussinac, préservant l’américanité de ce cinéma :

Il n’est pas vrai que les Américains aient cherché une formule internationale. Ils sont demeurés Américains. Mais ils ont étudié les ressources d’un art en formation, ils ont découvert en lui certaines forces de création, ils ont compris la richesse de la matière nouvelle, et, les premiers, ils ont perfectionné assez l’outil pour asservir les grossiers éléments de cette matière11.

Un vocabulaire pour le cinéma…mais dans quelle langue ?

Si le cinéma est un langage visuel, potentiellement universel, il peut ainsi, écrit Canudo, « accompagn[er] n’importe quelle langue12 » : le « langage cinématographique » s’ajouterait-il aux langues existantes et permettrait-il d’en dépasser la diversité ? Les différents discours sur le nouvel art n’en ont pas moins besoin d’un vocabulaire, d’un argot ou d’un « alphabet visuel13 » par lequel dire le cinéma, y compris pour exprimer ce langage cinématographique censé se passer de mot. Cet alphabet s’invente dans une langue singulière et c’est cette articulation entre les moyens expressifs du cinéma (son « langage ») et les mots d’une langue pour les dire qui intéresse ici.

Dans un article de 1922, « Le vocabulaire du cinéma », Jean Pascal s’efforce de « doter la cinématographie, art populaire, d’un vocabulaire à la fois pratique, logique… et français14 ». Dans un contexte précis de défense du cinéma national dans l’après-guerre, le propos de cet article semble dur, sinon xénophobe, contre l’entrecroisement des langues (dont l’anglais) et pour « la grandeur et le prestige » de la langue française. La même année, dans un court texte intitulé « La création d’un vocabulaire cinématographique », Germaine Dulac relève avec justesse que « les mots sont importants en raison de l’état d’esprit qu’ils reflètent et provoquent15 ». Il s’agit avec ces mots de voir, de sentir, d’exprimer et de créer le cinéma. Sans surprise toutefois, Dulac privilégie les mots français, dont on sait la richesse lexicale et imaginative à l’époque. Ainsi, lorsque Canudo écrit que le cinéma « neuf, jeune, (…) cherche ses voix et ses mots16 », on peut entendre à la fois la constitution d’un « langage cinématographique » et la quête des mots pour dire le cinéma : « Mais la confusion règne, là où la définition des mots-idées ne s’est pas encore affirmée. Et le Cinéma cherche non seulement ses modes de réalisation, mais les noms mêmes qui les déterminent en les précisant17. »

Les mots de l’Amérique

On connaît les nombreux mots que l’Amérique a légué au cinéma et qui pénètrent les discours en France dès les années 1910-1920. Un rapide coup d’œil au lexique de Jean Giraud18 permet de les lister : star tout d’abord19 et sa variation all star cast, sex appeal, cameraman, cow boy, sheriff, saloon et Far West, avec le western, le gag, la bathing beauty ou la bathing girl, la vamp, le villain, bien sûr les movies et un peu plus tard les talkies, etc.

Se pose la question de la lecture et de la pénétration dans la France de l’époque des écrits américains sur le cinéma. On peut faire l’hypothèse que l’anglais était lu par certains critiques et théoriciens. Alain Carou rappelle l’importance de l’essai d’Epes W. Sargent, The Technique of the Photoplay20, pour Léon Demachy, qui l’adapte dans une série d’articles « Technique du scénario » début 191421. Jean Joseph-Renaud, dans un article de 1921, mentionne « Freeburg », c’est-à-dire l’universitaire et essayiste américain Victor Oscar Freeburg, et cite un extrait de son essai The Art of Photoplay Making, paru en 191822. Dans Les Coulisses du cinéma, Coissac convoque l’ouvrage de Tamar Lane, What’s Wrong with the Movies ? (1923)23. Certaines revues américaines étaient lues et citées dans les revues françaises, comme on le verra plus loin.

Certains noms de la presse cinématographique peuvent être considérés comme des passeurs entre Hollywood et la France. Le plus connu est sans doute Robert Florey : d’abord envoyé spécial à Hollywood, il écrit de nombreux livres et articles sur ce sujet24. Quantité de textes sont consacrés à Hollywood, qui exerce son pouvoir de fascination (et de répulsion ?), nourrissant la vision française du cinéma muet américain. Outre les nombreux témoignages sur les studios, on mentionnera Hollywood, roman de mœurs cinématographique de Valentin Mandelstamm (1925)25, Hollywood au ralenti de Charles Meunier-Surcouf (1929)26, Le cinéma américain de Ferri Pisani (1930)27 et un peu plus tard Hollywood La Mecque du cinéma de Blaise Cendrars28, ou Hollywood, ville mirage de Joseph Kessel29. Ces essais sont émaillés de termes anglais, soulignés par des guillemets ou des italiques : roof, bluff, producer, home, excitement, continuity, art-director, long shot, specials, super-features, subtitlers, etc. Joseph Kessel saisit l’écart des langues à propos du mot « producer » : « Si j’emploie à dessein le mot anglais, ce n’est point par un souci – qui serait assez puéril – de couleur locale. En vérité, je ne trouve pas d’équivalent en français ou alors il faudrait des périphrases trop longues. Le terme n’existe pas ici parce que la fonction qu’il désigne fait défaut30 ». Déjà en 1914 Léon Demachy saluait « l’admirable concision31 » de la langue anglaise à propos du mot « photoplay », intraduisible en français, et adaptait le terme « visualiser » « car il exprime, à lui seul, une idée, qui ne pourrait être rendue dans notre langue que par une circonlocution32 ». Éviter les « périphrases trop longues », la « circonlocution » : la présence de la langue anglaise par l’intermédiaire du cinéma américain n’est ni seulement une affaire de folklore ni seulement une question de traduction des réalités d’un pays à l’autre, elle semble être presque une question économique au service du cinématographique, dont nous allons montrer le ressort imaginaire sous‑jacent.

L’anglais d’Amérique : la langue du langage cinématographique ?

C’est une langue, à n’en pas douter, à l’image des Américains eux-mêmes, à l’image du pays, puisque si le cinéma est universel, un film est aussi le produit d’une nation. La langue des américains et le langage de leur cinéma seraient à l’image de leur virginité culturelle et artistique : « Leur qualité visuelle la plus frappante, c’est qu’ils ne parlent pas, ils agissent ; ils ne disent rien, ils expriment33 », écrit Canudo. La réussite du cinéma américain dans l’imaginaire des discours en France tient à cette économie de mots et à cette absence apparente de médiation du langage verbal qui laisseraient place à la frappe visuelle de leur cinéma, celle d’un cinéma d’action.

Dans un entretien rapporté par Robert Florey dans Cinéa en 1922, Maurice Tourneur, cinéaste français installé aux États-Unis, relance cette intuition d’un cinéma américain à l’image de sa langue. Tourneur commence par dire que, selon lui, le cinéma n’est pas un art :

(…) c’est un moyen différent d’exprimer la pensée humaine d’une façon hiéroglyphique, avec des images au lieu de mots, et avec une brutalité qu’aucun autre mode d’expression ne possède. Certains flashes sont aussi violents qu’un coup de poing entre les yeux34.

Tourneur semble associer le fait que le cinéma s’exprime par l’image à une certaine brutalité du medium, comme si ce mode d’expression le rendait intrinsèquement brutal. Il prend pour exemple une forme extrême de l’image, dont il va être question plus loin, une forme-coup-de-poing : le flash, maintenant l’expression en anglais. Y aurait-t-il un lien entre le mot et la forme ? L’entretien continue lorsque Florey demande à Tourneur ce qu’il pense de la production américaine :

Le cinéma, est, je vous l’ai déjà dit, un art brutal, qui ne souffre pas beaucoup de nuances. Le metteur-en-scène a sur sa palette du noir et du blanc, pas de teintes intermédiaires : il doit peindre à larges touches, avec de larges brosses, comme un peintre de décors. Il ne doit pas se payer de mots, il ne doit pas faire de littérature, il ne doit pas, enfin, s’arrêter aux bagatelles de la porte. Il doit se tracer une ligne directe, la suivre et accumuler ses effets, et conserver jusqu’à la fin sa vitesse et sa force initiales. Je me rends parfaitement compte que cette définition paraît s’appliquer davantage à un train express qu’à une œuvre d’Art mais, j’ai voulu considérer seulement la partie technique et matérielle de la question. Or, il m’est arrivé de voyager à travers le monde et je n’ai jamais pu m’empêcher de remarquer le violent contraste éprouvé en embarquant sur un bateau anglais ou américain après avoir débarqué d’un bateau français. Les ordres courts, semblables à des aboiements, le sérieux des officiers, leur courtoisie brève, l’impression “business” de l’ensemble, due non seulement aux mœurs différentes mais aussi à un langage nouveau. Ils disent en un mot ce que nous exprimons en une phrase. Certaines de leurs expressions sont intraduisibles parce que, exprimées en français, elles se diluent et perdent de toute leur force. En d’autres termes ils disent vite ce qu’ils veulent dire et vont droit au but. N’est‑il pas possible de croire que cette qualité qui se remarque dans leur langue est la même qui, appliquée au cinéma leur a donné cette supériorité qui n’est peut-être que momentanée et que des races latines, habituées par leur passé, leur éducation artistique, leurs conventions ataviques ne semblent pas pouvoir obtenir ? (…) Le peuple américain n’a pas de passé, il n’a pas de traditions, c’est un peuple neuf, qui, il y a moins de deux siècles, combattait les Indiens dans les plaines. Il exprime ses pensées d’une façon directe, en d’autres termes, il parlait et agissait le langage du cinéma avant que celui-ci fut inventé.
Maurice Tourneur s’est tu. N’a-t-il pas raison de penser que le langage anglais a influé sur le cinéma américain ? Mais alors d’où provient la dissemblance entre le film anglais et le film américain ? Du peuple ? De la race plus nouvelle et de certaines différences dans le langage. Maurice Tourneur doit avoir raison35.

Tourneur dresse un tableau « technique et matériel », dit-il, du cinéma : art brutal, qui « ne doit pas se payer de mots », qui avance en « ligne directe », en vitesse, comme un train express. Or tout se passe comme si le cinéaste associait librement, au beau milieu de son propos, ce tableau d’un cinéma brutal avec la langue américaine : ordres courts, aboiements, sérieux, courtoisie brève, business, un langage qui dit en un mot. Économie, rapidité, brutalité seraient autant les qualités de la langue américaine que celles du cinéma américain, aux yeux du Français et du francophone. On retrouve dans le discours de Tourneur l’opinion d’un peuple sans passé, sans traditions, neuf, sans se soucier de la contradiction évidente entre cette opinion, avec en filigrane le mythe de la terre vierge (et promise ?), et le fait que tout récemment encore les Américains combattaient les Indiens dans les plaines. La langue américaine est cette fois-ci pré-cinématographique, et non pas seulement née avec et par le cinéma, comme prédestinée au cinéma, ou en tout cas à un certain cinéma, brutal, d’action. Nous reposons la question de Florey : « N’a-t-il pas raison de penser que le langage anglais a influé sur le cinéma américain ? »

On trouve déjà cette idée dans le chapitre qu’Henri Diamant-Berger consacre à « la technique américaine » dans son essai Le Cinéma en 1919 :

Les américains sont sobres de gestes et d’expressions : ils n’ont eu ni à corriger ni même à adapter leur jeu pour passer à l’écran. Ils sont, en général, semblables à la ville et au théâtre à ce qu’ils sont au cinéma. Les Américains sont meublés simplement ; à l’écran, ils ont raison. Ils sont amoureux de la précision, de la netteté, de la rapidité ; à l’écran ils ont raison. Ils ont le goût du symbole simple, d’où les « touches », si heureuses à l’écran ; ils aiment bien à ne voir représenter qu’une idée à la fois, claire et concise, d’où le découpage rapide qui est une simplification et une dissection très normales. Enfin, et par‑dessus tout, ils ont le goût de l’action et de l’émotion violente, à quoi répondent bien leurs films36.

Diamant-Berger exprime ici l’imaginaire d’un peuple qui sans transition passe de la vie à l’écran : éthos, décors, rythme, mode de pensée, émotion, l’écran valide cette américanité. Mais à nouveau, Diamant-Berger valorise un certain type de cinéma, largement associé au succès du film américain : un cinéma d’action et de « découpage rapide ».

Quelques « mots-idées » du cinéma muet américain

Il s’agirait donc de dire l’action, la vitesse, la brutalité. Parmi les américanismes dans les discours français, on présentera brièvement, pour finir, quelques « mots-idées » (R. Canudo) qui semblent dire cette adéquation entre la langue anglaise et les formes du cinéma muet américain, suivant une sorte de cratylisme selon lequel il y aurait un lien entre le signifiant et le signifié dans la nomination des formes filmiques.

Découpage et montage

Le cinéma américain est alors étroitement associé à un type de découpage ou de montage37, « extrêmement rapide, tumultueux, angoissant, le plus souvent heureux mais parfois énervant38 ». On retrouve la forme de brutalité identifiée dans ce cinéma : « l’Américain agit par contraste », il opère par des effets d’« opposition brusque et continue39 ». En effet, vue de France la technique nationale se caractérise essentiellement à l’époque par « l’intercalation des scènes à l’américaine40 », le fait de « mener plusieurs actions de front41 », séparément, autrement dit l’alternance des actions.

Diamant-Berger emploie la périphrase de « trouvaille purement américaine42 », sans avoir de terme pour la qualifier d’un seul mot. Tandis qu’en 1927, André Lévinson propose une expression qui a connu une certaine fortune en France, celle d’action parallèle. Cela désigne à la fois un agencement habituel de l’action et un usage sensationnel, étant donné les effets tumultueux de ce procédé, souvent associé aux « sauvetages inoubliables43 » des films de Griffith. Aux États-Unis, les expressions « cut‑back », « flash-back » et « switch-back » désignent l’alternance de l’action, avec les nuances propres à chaque terme : couper (cut), projeter rapidement (flash), commuter l’action (switch), l’intercaler, y revenir44. Excepté le flash-back que le français a retenu, ces expressions ne semblent pas avoir traversé l’Atlantique, malgré leur puissance suggestive de formes, de mouvements, d’opérations cinématographiques. Étrangement, on en trouve une mention dans une lettre de Marcel L’Herbier adressée à Canudo le 16 septembre 1921, où le cinéaste veut rectifier quelques inexactitudes et se défend de mettre son imagination à l’école allemande. Il revendique le caractère français de sa technique et l’absence d’imitation dans son art. Pour cela, quoi de mieux que d’être le premier ?

Comme les cut-back et les plans flous de Rose France (1918) ont précédé l’apparition en France des premiers flous de Griffith (1920), les visions déformées, les expressions synthétiques, les dégradés partiels d’El Dorado sont antérieurs (février) à la projection en France de tout film expressionniste allemand45.

Cette quasi-chronologie des formes est plutôt amusante par sa précision – ce faisant elle dit quelque chose de la réception du cinéma américain en France. Griffith, bien qu’il apparaisse tardivement, nourrit abondamment la part d’imaginaire dans la conception d’une école américaine.

L’alternance rapide est donc une forme largement associée au film américain dans les discours français, soutenant l’idée d’une action brutale, contrastée, tumultueuse et attachée à des genres tels que le western, le mélodrame, le thriller et le film de détective.

Flash et flash-back

Deux termes de l’alphabet visuel américain ont connu une meilleure fortune en France : le flash et le flash-back. Contrairement à d’autres mots qui trouvent leur traduction ou leur équivalent en français46, ces deux notions ont été intégrées telles quelles. Elles exportent sans doute moins une définition américaine (elle-même incertaine) que justement un imaginaire, surtout ce mot-idée du « flash ». Jean Arroy le définit ainsi :

Pour épuiser la série des termes techniques, il me reste à définir les termes suivants : Le Flash (au pluriel : Flashes) est une vision brève se composant d’un nombre très restreint d’images qu’on intercale dans d’autres scènes de montage.
Inventé par Griffith qui l’utilisait dans tous ses films, Gance l’a poussé à un degré paradoxal dans La Roue, où les visions hachées au sommet du crescendo de l’emballement du train ne comportaient plus que trois, deux, puis une image. Vision vertigineuse et affolante d’une puissance suggestive insurpassable.
Le flash-back ou rappel de souvenir est une vision intercalée dans le film qui repasse brièvement, comme on s’en souvient. Autre signe visuel dû encore à Griffith, qui est décidément un grand novateur en matière de technique cinématographique47.

Le Flash, l’éclair : le mot est aussi court et explosif que la forme filmique. La définition proposée par Arroy est semblable à celle trouvée dans les lexiques américains des années 1910-1920 : une vision brève, intercalée dans le film. Les Français pouvaient donc avoir besoin du mot et de ce qu’il signifie tout à la fois, efficacement, brutalement. Il ne désigne pas vraiment une action mais plutôt une vision, suspens possible de la conduite de l’action, voire sa mise en péril par l’effet de vertige et d’affolement. C’est un hachage de l’action et de la perception, souvent lié à l’alternance. Le flash a la capacité de devenir un emblème des effets flashants, plastiques et rythmiques d’un certain cinéma américain. Il n’est donc sans doute pas étonnant que le terme soit adopté dans le cadre des expérimentations d’une partie du cinéma français dit d’avant-garde. Ainsi Arroy trace une ligne allant de Griffith, l’inventeur incontournable pour une large part des discours français sur le cinéma américain, à Abel Gance, qui donne à la forme son apothéose.

« A Gun and a Girl »

Nous finirons par une expression qui a également nourrie l’image du cinéma américain : a gun and a girl, un revolver et une fille. Avec sa « résonnance familière et drue de proverbe que la traduction ne peut pas rendre48 », elle a tracé son propre chemin dans les discours français.

Cette expression est attribuée à Griffith dans un article de 1922 paru dans Shadowland49 : le cinéaste, dit-on… aurait dit que… le succès et la popularité des films auprès du public tiennent en une formule : un revolver et une fille, a gun and a girl. On peut la comprendre comme une déploration, de la part du cinéaste, du mauvais goût et des faibles exigences du public. On peut également y lire l’attraction/répulsion d’Hollywood : les filles, le sexe, les armes, la violence, soit le sensationnalisme des films d’action, de détectives, des mélodrames, des serials, etc. Mais pourquoi ne pas y lire également une expression binaire, alternée, un montage en soi, brusque et contrastant ?

L’expression est reprise dans un numéro de Cinéa du même mois, dans une rubrique citant et traduisant directement la revue américaine Shadowland : « D. W. Griffith indique brutalement ce qu’il faut au public : a gun and a girl, une jeune fille et un revolver50 ». La brutalité est ici attribuée au scepticisme ou au découragement du cinéaste, mais elle résonne évidemment depuis l’expression elle-même. Jean Arroy l’emploie en 1925 dans un article intitulé « Le comique au cinéma » :

De même que dans la vie réelle, il est, à l’écran, beaucoup plus facile de faire pleurer que de faire rire.
Pour faire pleurer, il suffit de présenter quelques scènes de la vie de chaque jour – tourments, amour contrarié, abandon, deuil. D’ailleurs, il y a l’art dramatique des vieilles ficelles qui sont réputées infaillibles. Ainsi celle que Griffith emploie dans chacun de ces films, que ce soit la course du Chinois dans les rues brumeuses de Limehouse, entrecoupée des visions de Suzy martyrisée et agonisante (Le Lys brisé), que ce soit la galopade de Danton, alternée avec la montée d’Henriette à l’échafaud (Les Deux Orphelines), que ce soit la débâcle des glaces qui emportent Annie Moore vers une mort certaine (Way Down East), ou que ce soit encore – le chef-d’œuvre du genre – la course endiablée du train et de l’auto, qui apportent la grâce du condamné à mort d’Intolérance.
Comment le spectateur ne marcherait-il pas à fond, quand on lui présente alternativement le train et l’auto luttant de vitesse et le condamné, blême, hagard, les yeux exorbités, la face convulsée, montant au fauteuil d’électrocution51. Griffith connaît bien la mentalité de son public qu’il a résumé dans cette boutade : « a gun and a girl » (un revolver et une jeune fille). Répétez cent fois le procédé de la fin d’Intolérance, dans cent scénarios qui habillent différemment ce squelette d’action, et cent fois, le public se laissera prendre52.

Arroy procède à une étrange association d’idées. Le pouvoir de faire pleurer viendrait des « vieilles ficelles » de l’art dramatique, soit. Ces « vieilles ficelles » sont immédiatement illustrées par des exemples puisés dans les films de Griffith. Or les moments choisis par Arroy ne sont pas des moments d’émotion et de pleurs, mais des climax reposant sur l’intensité de l’action, le suspense, la rapidité et la brutalité. Le but esthétique de ce type d’alternance n’est pas l’émotion, au sens de susciter les larmes du spectateur, et ne concerne pas un moment psychologique du film ; il est plus celui de la sensation, du sensationnalisme, de faire expérimenter au spectateur des « émotions fortes » liées au suspense. Cette vieille ficelle a bien plus de chance d’énerver, au sens littéral de jouer sur les nerfs comme l’écrivait Diamant-Berger, que de faire pleurer. Arroy va plus loin en associant ce « squelette d’action » à la « boutade » de Griffith, a gun and a girl. On peut penser qu’il la convoque d’abord pour souligner la paresse du réalisateur et du public en matière d’émotion cinématographique. Mais il n’est pas interdit d’y lire une association plus inconsciente entre ces grandes scènes d’alternance, de brutalité et de contraste dans le cinéma américain et l’expression a gun and a girl, recélant imaginairement tout à la fois facilité d’un spectacle commercial, binarité d’un art manichéen, puissance de l’alternance des formes.

L’histoire d’Hollywood elle-même se reflète dans cette expression, comme en témoigne le texte de Ferri-Pisani. Les premières années du cinéma américain et les guerres du Trust sont décrites comme des années héroïques, entre film de détective et western, « où l’on “tournait” la Bible le revolver à la ceinture ». L’auteur rappelle qu’alors « commercialement parlant, faire un film c’était “tirer un coup de fusil”53 », ce qui peut être entendu littéralement et métaphoriquement, car nous savons que to shoot en anglais signifie à la fois tirer et filmer. Puis l’histoire d’Hollywood intègre les progrès du film de fiction et Griffith dirige Mary Pickford : « de cette collaboration allait naître la syntaxe de l’écran. Premiers plans, suspensions, flous, fade-outs, virent le jour au studio Biograph54 », explorant et sublimant le visage de l’actrice, et ajoutant aux formes du gun, celles de la girl55.

1 Ricciotto Canudo, L’Usine aux images, Séguier, Arte, 1995, p. 125.

2 G.-Michel Coissac, Les Coulisses du cinéma, Paris, éd. Pittoresques, 1929, p. 2.

3 R. Canudo, op. cit., p. 70-71. Il s’agit de propos recueillis lors d’une intervention de Canudo le 7 juillet 1921 pour la Fédération du Spectacle

4 La prescription de Canudo inviterait à historiciser plus avant la réception du cinéma américain en France : pourquoi ce cinéma du Far West était-il

5 R. Canudo, op. cit., p. 71.

6 Ibid.

7 R. Canudo, op. cit., p. 71.

8 Christophe Gauthier, « Le cinéma des nations. Invention des écoles nationales et patriotisme cinématographique (années 1910-1930) », C. Gauthier, P

9 Une des premières occurrences de cette notion d’« école » en France remonte au texte de Victorin Jasset, « Étude sur la mise en scène en

10 R. Canudo, op. cit., p. 66.

11 Léon Moussinac, « Avoirs américains » (Naissance du cinéma, 1925), repris dans L. Moussinac, L’Âge ingrat du cinéma, Paris, Éditions du Sagittaire

12 Ibid., p. 74.

13 Jean Arroy, « Alphabet visuel », Photo-ciné, n° 11, 2e année, février-mars 1928, non paginé.

14 J. Pascal, « Le vocabulaire du cinéma », Cinémagazine, n° 5, 2e année, 3 février 1922, p. 147.

15 Germaine Dulac, « La création d’un vocabulaire cinématographique » (L’Écho de Paris, 15 avril 1922), repris dans G. Dulac, Écrits sur le cinéma :

16 R. Canudo, op. cit., p. 126.

17 Ibid.

18 Jean Giraud, Le Lexique français du cinéma des origines à 1930, Paris, cnrs, 1958.

19 Voir l’article de Myriam Juan dans ce numéro.

20 Epes W. Sargent, The Technique of the Photoplay, New York, The Moving Picture World, Second Edition, 1913.

21 Les articles, comme le souligne Alain Carou, sont d’ailleurs signés par un pseudonyme de Demachy, Americus. A. Carou, « Le scénario français en

22 Jean Joseph-Renaud, « Les sous-titres », Cinémagazine, n° 14, 22 avril 1921, p. 5-6.

23 Tamar Lane, What’s Wrong with the Movies ?, Los Angeles, The Waverly Company, 1923.

24 Entre autres : Filmland. Los Angeles et Hollywood, les capitales du cinéma (Paris, Cinémagazine Éditions, 1923), Douglas Fairbanks (Paris, Les

25 Valentin Mandelstamm, Hollywood, roman de mœurs cinématographiques, Paris, C. Lévy, 1925.

26 Charles Meunier-Surcouf, « Hollywood au ralenti », L’Art cinématographique v, Paris, F. Alcan, 1929.

27 Ferri-Pisani, « Le Cinéma américain », L’Art cinématographique vii, Paris, F. Alcan, 1930.

28 Blaise Cendrars, Hollywood, La Mecque du cinéma, Paris, Bernard Grasset, 1936.

29 Joseph Kessel, Hollywood, ville mirage, Paris, Gallimard, 1937.

30 Ibid., p. 27.

31 Americus [L. Demachy], « La Technique du scénario », Le Courrier cinématographique, n° 3, 4e année, 17 janvier 1914, p. 45.

32 Americus [L. Demachy], « La Technique du scénario », Le Courrier cinématographique, n° 6, 4e année, 7 février 1914, p. 38.

33 R. Canudo, op. cit., p. 66.

34 Robert Florey, « Ce que Maurice Tourneur a dit à “Cinéa” », Cinéa, n° 43, 3 mars 1922, p. 11.

35 Ibid., p. 11-12.

36 Henri Diamant-Berger, Le Cinéma, Paris, Renaissance du Livre, 1919, p. 177-178.

37 Voir également l’article de Laurent Le Forestier dans ce numéro.

38 H. Diamant-Berger, op. cit., p. 148.

39 Ibid., p. 188.

40 Ibid., p. 171.

41 Ibid., p. 146.

42 Ibid., p. 193.

43 « Mais le procédé majeur du montage c’est celui de l’action parallèle, auquel nous devons les sauvetages inoubliables dans Les Deux orphelines ou

44 Sur ces trois termes, voir notamment Marion Polirsztok, Action, Spectacle, idée. Formes du cinéma muet américain, Milan, Mimésis, coll. Formes

45 R. Canudo, op. cit., p. 143-144.

46 Quand bien même l’imaginaire de ces mots mériterait qu’on s’y attarde : dissolve, fade, close up, long shot…

47 Jean Arroy, « Alphabet visuel », op. cit.

48 J. Kessel, op. cit., p. 37. On aurait également pu travailler sur une autre expression emblématique de la culture américaine, « boy meets girl »

49 Frederick J. Smith, « The Public and the Photoplay », Shadowland, vol. 6, n° 3, may 1922, p. 47.

50 Cinéa n° 55, 26 mai 1922, p. 13.

51 Il s’agit évidemment d’une potence pour pendaison et non d’un fauteuil d’électrocution.

52 Jean Arroy, « Le comique au cinéma », Cinémagazine, n° 1, 5e année, 2 janvier 1925, p. 29.

53 Ferri-Pisani, op. cit., p. 76.

54 Ibid., p. 97.

55 Jean-Luc Godard a su se souvenir de la charge imaginaire de cette expression dans ses Histoire(s) du cinéma.

Bibliographie

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Smith Frederick J., « The Public and the Photoplay », Shadowland, vol. 6, n° 3, may 1922, p. 47 et 57.

Notes

1 Ricciotto Canudo, L’Usine aux images, Séguier, Arte, 1995, p. 125.

2 G.-Michel Coissac, Les Coulisses du cinéma, Paris, éd. Pittoresques, 1929, p. 2.

3 R. Canudo, op. cit., p. 70-71. Il s’agit de propos recueillis lors d’une intervention de Canudo le 7 juillet 1921 pour la Fédération du Spectacle et le Club des Amis du Septième Art, et publiés dans Comoedia le 8 juillet 1921.

4 La prescription de Canudo inviterait à historiciser plus avant la réception du cinéma américain en France : pourquoi ce cinéma du Far West était-il bon avant la Grande Guerre et ne suffirait plus après la guerre ?

5 R. Canudo, op. cit., p. 71.

6 Ibid.

7 R. Canudo, op. cit., p. 71.

8 Christophe Gauthier, « Le cinéma des nations. Invention des écoles nationales et patriotisme cinématographique (années 1910-1930) », C. Gauthier, P. Ory, D. Vezyroglou (dir.), « Pour une histoire cinématographique de la France », Revue d’Histoire moderne et contemporaine, n° 51-54, 2004/4, p. 58.

9 Une des premières occurrences de cette notion d’« école » en France remonte au texte de Victorin Jasset, « Étude sur la mise en scène en cinématographie », Ciné-journal, n° 165 à 170, 21 octobre-25 novembre 1911. Il écrit ainsi : « On voyait, vers cette époque, apparaître sur le marché des films informes, de mauvaise qualité photographiquement, mal joués, aux personnages sans jambes, avec des scénarios incompréhensibles ou ridicules, qui nous regardaient avec stupeur ou ironie. C’était l’École américaine qui naissait ». (Ciné-journal n° 167, 4 novembre 1911). Merci à Christophe Gauthier de m’avoir communiqué ce texte.

10 R. Canudo, op. cit., p. 66.

11 Léon Moussinac, « Avoirs américains » (Naissance du cinéma, 1925), repris dans L. Moussinac, L’Âge ingrat du cinéma, Paris, Éditions du Sagittaire, 1946, p. 35.

12 Ibid., p. 74.

13 Jean Arroy, « Alphabet visuel », Photo-ciné, n° 11, 2e année, février-mars 1928, non paginé.

14 J. Pascal, « Le vocabulaire du cinéma », Cinémagazine, n° 5, 2e année, 3 février 1922, p. 147.

15 Germaine Dulac, « La création d’un vocabulaire cinématographique » (L’Écho de Paris, 15 avril 1922), repris dans G. Dulac, Écrits sur le cinéma : 1919-1937, Paris, Paris Expérimental, 1994, p. 26.

16 R. Canudo, op. cit., p. 126.

17 Ibid.

18 Jean Giraud, Le Lexique français du cinéma des origines à 1930, Paris, cnrs, 1958.

19 Voir l’article de Myriam Juan dans ce numéro.

20 Epes W. Sargent, The Technique of the Photoplay, New York, The Moving Picture World, Second Edition, 1913.

21 Les articles, comme le souligne Alain Carou, sont d’ailleurs signés par un pseudonyme de Demachy, Americus. A. Carou, « Le scénario français en quête d’auteurs (1908-1918) », 1895, n° 65, hiver 2011.

22 Jean Joseph-Renaud, « Les sous-titres », Cinémagazine, n° 14, 22 avril 1921, p. 5-6.

23 Tamar Lane, What’s Wrong with the Movies ?, Los Angeles, The Waverly Company, 1923.

24 Entre autres : Filmland. Los Angeles et Hollywood, les capitales du cinéma (Paris, Cinémagazine Éditions, 1923), Douglas Fairbanks (Paris, Les Publications Jean Pascal, 1926), Deux ans dans les studios américains (Paris, Les Publications Jean Pascal, 1926).

25 Valentin Mandelstamm, Hollywood, roman de mœurs cinématographiques, Paris, C. Lévy, 1925.

26 Charles Meunier-Surcouf, « Hollywood au ralenti », L’Art cinématographique v, Paris, F. Alcan, 1929.

27 Ferri-Pisani, « Le Cinéma américain », L’Art cinématographique vii, Paris, F. Alcan, 1930.

28 Blaise Cendrars, Hollywood, La Mecque du cinéma, Paris, Bernard Grasset, 1936.

29 Joseph Kessel, Hollywood, ville mirage, Paris, Gallimard, 1937.

30 Ibid., p. 27.

31 Americus [L. Demachy], « La Technique du scénario », Le Courrier cinématographique, n° 3, 4e année, 17 janvier 1914, p. 45.

32 Americus [L. Demachy], « La Technique du scénario », Le Courrier cinématographique, n° 6, 4e année, 7 février 1914, p. 38.

33 R. Canudo, op. cit., p. 66.

34 Robert Florey, « Ce que Maurice Tourneur a dit à “Cinéa” », Cinéa, n° 43, 3 mars 1922, p. 11.

35 Ibid., p. 11-12.

36 Henri Diamant-Berger, Le Cinéma, Paris, Renaissance du Livre, 1919, p. 177-178.

37 Voir également l’article de Laurent Le Forestier dans ce numéro.

38 H. Diamant-Berger, op. cit., p. 148.

39 Ibid., p. 188.

40 Ibid., p. 171.

41 Ibid., p. 146.

42 Ibid., p. 193.

43 « Mais le procédé majeur du montage c’est celui de l’action parallèle, auquel nous devons les sauvetages inoubliables dans Les Deux orphelines ou Way Down East de Griffith ou le Robin des Bois de M. Allan Dwan. », André Lévinson, « Pour une poétique du film », L’Art cinématographique iv, Paris, Alcan, 1927, p. 84.

44 Sur ces trois termes, voir notamment Marion Polirsztok, Action, Spectacle, idée. Formes du cinéma muet américain, Milan, Mimésis, coll. Formes filmiques, 2017, p. 59-65.

45 R. Canudo, op. cit., p. 143-144.

46 Quand bien même l’imaginaire de ces mots mériterait qu’on s’y attarde : dissolve, fade, close up, long shot…

47 Jean Arroy, « Alphabet visuel », op. cit.

48 J. Kessel, op. cit., p. 37. On aurait également pu travailler sur une autre expression emblématique de la culture américaine, « boy meets girl », qui résume elle aussi un schéma narratif incontournable. Joseph Kessel dans Hollywood, ville mirage lui consacre à juste titre un chapitre et maintient l’expression en anglais, car « la phrase américaine a une vigueur, une résonnance familière et drue de proverbe que la traduction ne peut pas rendre ». Vigueur, familiarité, mordant : on retrouve les caractéristiques de la langue anglaise que Maurice Tourneur applique aux formes du cinéma américain.

49 Frederick J. Smith, « The Public and the Photoplay », Shadowland, vol. 6, n° 3, may 1922, p. 47.

50 Cinéa n° 55, 26 mai 1922, p. 13.

51 Il s’agit évidemment d’une potence pour pendaison et non d’un fauteuil d’électrocution.

52 Jean Arroy, « Le comique au cinéma », Cinémagazine, n° 1, 5e année, 2 janvier 1925, p. 29.

53 Ferri-Pisani, op. cit., p. 76.

54 Ibid., p. 97.

55 Jean-Luc Godard a su se souvenir de la charge imaginaire de cette expression dans ses Histoire(s) du cinéma.

Citer cet article

Référence électronique

Marion Polirsztok, « Un « alphabet visuel »… universel ? Quelques mots anglais du cinéma muet américain en France dans les années 1920 », Déméter [En ligne], 4 | Hiver | 2020, mis en ligne le 01 février 2020, consulté le 29 mars 2024. URL : https://www.peren-revues.fr/demeter/152

Auteur

Marion Polirsztok

Marion Polirsztok mène un travail de recherches et d’enseignements en esthétique et histoire du cinéma muet américain. Elle est l’auteure de l’essai Action, Spectacle, idée. Formes du cinéma muet américain (Mimésis, 2017).

Droits d'auteur

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