Que reste-t-il du visage de l’acteur de théâtre ? Maquillage, grimages, transformation

DOI : 10.54563/demeter.420

Résumés

Les traces de la présence de l’acteur, éphémères et souvent indirectes, interrogent la mémoire visuelle du théâtre : image‑reflet ou figuration par séries. Le maquillage théâtral croise une réflexion sur les transformations de la tête et du visage de l’acteur depuis les fards français jusqu’au grimage, catégorie pertinente pour le théâtre russe à partir du xixe siècle. Il s’agit ici de saisir la multiplicité des images qui documentent ces transformations de l’acteur : gravures, peintures, dessins, photographies, genres du portrait et de la caricature. L’art décoratif théâtral russe permet d’isoler un corpus spécifique d’esquisses de grimage (maquettes de maquillage) qui donnent à penser et à voir les capacités de projection et d’imagination figurative du peintre‑décorateur, de l’acteur ou du metteur en scène, mettant en évidence une question génétique d’esthétique théâtrale avec des enjeux de conservation, d’édition et d’exposition.

What remains visually from an actor's presence is both ephemeral and indirect. It highlights the specific features of a theatre visual memory – a reflect‑image and often a serial figuration. Theatre make‑up is analysed in this paper as a part of a broader topic dealing with the actor’s face and head transformations from the French ‘fards’ (cosmetics) to the ‘grim’, a visual category of the Russian theatre from the 19th century. My purpose is to capture and observe the multiplicity of pictures that document the transformations of an actor’s head: engravings, paintings, drawings, photography, the genre of the portrait or caricature. The Russian decorative theatre art encompasses a specific collection of make‑up sketches or models which enables us to see and reflect upon the projective abilities and the figural imagination of both the theatre set‑designer, the director and the actor. It outlines a genetic aspect of theatre aesthetics with such issues as conservation, publishing and the many ways of seeing and exhibiting these artefacts.

Index

Mots-clés

maquillage théâtral, portrait d'acteur, maquette, esquisse, théâtre français xviie-xixe siècles, théâtre russe xxe siècle

Keywords

theatre make-up, actor's portrait, model, sketch, xviith-xixth centuries French theatre, xxth century Russian theatre

Plan

Texte

La pratique du théâtre – spectacles, répétitions, pédagogie – se fait au présent, laissant subsister des traces visuelles, écrites, sonores : notes, sténogrammes de répétitions, enregistrements, Mémoires d’acteur et parfois les éléments théoriques d’un théâtre de recherche1. Toute activité ultérieure se confronte à une mémoire recomposée, faite de clichés graphiques ou photographiques. Elle forme un « à côté » ou parergon2 du théâtre à laquelle s’amalgament récits et anecdotes souvent apocryphes. Cette mémoire est imageante, figurative. Comment en effet être acteur, les diriger, les voir sans mettre en mouvement un flux intense de projections visuelles intérieures ou extériorisées ? Même pour des spectacles que l’on n’a pas directement vus, la mémoire se cristallise sur des reproductions secondaires : programmes, cartes postales, photographies dédicacées, affiches, articles de journal qui fusionnent avec des impressions scéniques. Cette matérialité, devenue numérique, se délègue aux moteurs de recherche quand elle ne se résout pas en reconstructions pédagogiques. En tout cas, l’acteur, ontologiquement, s’efface hors les impressions de salle ou de jeu et une documentation spécialisée. Ces images publiques ou techniques se déposent en sédiments, que les théâtres d’abord, les collections privées et publiques ensuite, conservent avec plus ou moins de ferveur. De ce massif, une part infime est éditée ou mise en ligne. Son mode de publication et d’exposition fait question entre curiosité historique, souci de l’anecdote et archivage. L’esthétique théâtrale et générale y trouvent‑elles leur compte quand le premier regard porté sur ces traces cède facilement à une tentation illustrative ? Rarement l’image est saisie dans son historicité, sa fonction, en mentionnant, par exemple, l’auteur d’une photographie, d’une gravure, d’une affiche, les dimensions d’une carte photographique, en tenant compte des circonstances de la commande, de la production, des usages sociaux. Les images ne sont plus comprises comme des objets liés à une réalité scénique. Ajoutons que leur conservation et leur restauration sont fonction des histoires nationales du théâtre, en particulier de l’existence d’un musée théâtral – la France n’en compte pas, sinon le récent Centre national du costume de scène à Moulins ou la bibliothèque‑musée de l’Opéra – ou de collections rattachées à un théâtre – la Comédie Française possède ainsi en ses murs une riche collection peu visible. Et puis, il faut compter avec la fantaisie des collectionneurs qui peuvent rassembler des souvenirs, avoir le culte d’une époque, d’un acteur, choisir des œuvres pour leur qualité plastique ou constituer des séries déterminées par un principe de classement et des conditions de consultation. Les collections théâtrales françaises au département des arts du spectacle de la Bibliothèque Nationale de France proviennent ainsi de la collection du banquier marseillais Auguste Rondel (1858‑1934) tandis que le Musée théâtral russe est né de la collection d’Alexeï Bakhrouchine (1864‑1929), industriel et mécène, issu d’une famille de vieux‑croyants3. Comment aborder cette mémoire du théâtre en images et en objets ?

Corpus d’images ou d’objets scéniques

Deux cas génériques célèbres permettent de préciser la nature des images théâtrales. Si aucun masque antique n’est conservé et si la grande période de la commedia dell’arte (xviexviisiècles) a transmis peu d’éléments matériels scéniques directs (quelques moules et demi‑masques de cuir), les images de masques abondent dans les deux cas. Elles composent un répertoire de formes qui entretiennent des rapports paradoxaux avec le théâtre du temps et ses réappropriations. Pour l’Antiquité, ce sont des milliers de documents : statuettes de terre cuite, ornements de mosaïques ou de marbre, dessins de manuscrits de l’Antiquité tardive, inscriptions, bas‑reliefs, vases qui attestent d’une large diffusion sans que l’on fasse aisément la part du contexte figuratif et de l’historicité de l’objet représenté. L’esprit philologique, depuis le lexicographe Pollux4 au iie siècle de notre ère jusqu’aux modernes archéologues5, tend vers une typologie formelle6. Mais si, selon une approche plus esthétique, l’on tient compte des figurations de masques antiques au Moyen-Âge, à la Renaissance, à l’âge maniériste ou baroque (des mascarons du Pont‑Neuf aux motifs grotesques7) jusqu’aux réinventions (scéniques, filmiques) du xxsiècle, la réserve figurale devient immense. Elle continue de croître par les découvertes archéologiques et la création artistique car ces images servent de modèles à la fabrication d’objets scéniques nouveaux. L’interculturalité permet d’y inclure jusqu’à des dérivés de masques Nô ou des maquillages inspirés du kathakali indien, comme l’ont fait, dans leurs mises en scène des tragiques grecs Tadashi Suzuki, Philippe Brunet ou Ariane Mnouchkine. Pour parler comme les logiciens, l’extension de la classe « masque antique » se trouve donc soit nulle, soit proliférante. La collection rejoint la mise en scène mais aucun musée ni aucun théâtre ne sauraient contenir ces objets disparates. Ajoutons qu’il faut croiser images et textes (pièces de théâtre, lexiques, traités, romans), que la mise en page, le cadrage, la légende, l’inscription dans telle ou telle série, la diffusion sont signifiants. Les mêmes remarques valent pour la commedia dell’arte dont la rareté des objets subsistants n’a d’égale que la richesse d’images des xviexviisiècles (peintures, dessins, gravures, ornements en bois, ivoire ou porcelaine), prolongée par la stylisation galante des « caprices » du xviiisiècle (Watteau, Gillot, Tiepolo) et une surabondance dans les arts de 1800 à 1910 au moment où cette pratique théâtrale a disparu, devenant, de Hoffmann à Verlaine, de Maurice Sand à Picasso et aux peintres russes du Monde de l’art, disponible pour le rêve. Or ce théâtre d’images permet aux metteurs en scène du xxe siècle Max Reinhardt, Vsevolod Meyerhold, Jacques Copeau la résurrection du genre jusqu’à la première version de L’Arlequin serviteur de deux maîtres de Goldoni, mise en scène par Giorgio Strehler avec les premiers masques, d’abord évoqués pour Arlequin par un maquillage noir8 puis fabriqués par le facteur‑sculpteur Amleto Sartori (en papier mâché en 1947 puis en cuir à partir de 1952). C’est ce spectacle qui redonne vie à la production contemporaine de masques, à leurs usages scéniques et pédagogiques9. L’esthétique théâtrale n’est donc pas réductible à une histoire linéaire. Elle engage des allers‑retours entre la scène, réelle ou imaginée, des textes et des œuvres figuratives. La mémoire des éléments scéniques déborde la question matérielle des objets conservés, incluant leur contenu référentiel ou ornemental et des reproductions de reproductions10. Elle persiste en l’absence du visage des acteurs (antiques ou italiens) et des objets proprement dits (les masques). Qu’en est‑il dès lors, pour le théâtre moderne et contemporain, de la mémoire visuelle, de la documentation matérielle et iconographique du visage de l’acteur transformé ?

Des fards au maquillage : naissance de l’acteur historiciste

Du maquillage, comme du jeu de l’acteur, rien ne semble se conserver. Tous deux effacent bien vite leur présence. Les acteurs se fardent dans « l’intimité » de la loge (exceptionnellement sous la scène et à vue du public au Théâtre du Soleil d’Ariane Mnouchkine), ils se préparent, comme le met en scène de façon « théâtrale » le tableau représentant Mounet‑Sully se maquillant pour le rôle d’Œdipe dans sa loge du Théâtre‑Français11. De même, dans un geste non moins emblématique – allégorie de l’ontologie vacillante de l’acteur –, ils se démaquillent seuls, devant le miroir, exemplifiant les vertiges de l’identité et les transitions dans la métamorphose du personnage à l’acteur ou la personne :

(Lui) Mais quand le costume est quitté, le fard essuyé, les nerfs détendus, la nature vraie de l'artiste reprend ses droits et, le masque enlevé, le visage apparaît avec une aggravation de la souffrance, qui lui avait fait une nécessité de cet effort12 !

Matériellement, nous ne possédons, pour le théâtre ancien, que des vestiges : table de maquillage de Sarah Bernhardt13, boîtes à poudre, pots à fards, des témoignages ou recompositions indirectes – estampes, affiches, caricatures de presse, publications de revues ou de magazines, photographies à partir du moment où le médium devient pertinent pour la scène14. Pour le maquillage, on peut relier ces gestes artistiques à l’histoire des cosmétiques15, à une théorie du portrait16 dans le contexte du théâtre17. Si pour la période récente, la photographie apporte un surcroît de traces visuelles, il y a aussi des vestiges matériels de ces visages transformés à travers des images multiples au second degré.

Enfarinés, barbouillés, avec ou sans perruques, fardés de blanc, de rouge avec des traits au noir, changés en portraits faciaux de personnages, notamment historiques, reconstruits ou même au naturel, les acteurs semblent surgir comme une galerie de figures – et l’analogie avec cette forme architecturale, muséale et théâtrale, est riche de sens18. Ces séries d’images sont répertoriées par l’édition qui semble les (re)créer, tout en leur ôtant de leur singularité. Il en va non seulement d’une identification mais d’une classification (catalogage) : entrées par « personnages », par « rôles » qui prennent la suite des « types », des « emplois », des « caractères », comiques ou tragiques, de « l’expression » de telle ou telle « passion19 ».

Le xviisiècle est documenté par des estampes, quelques peintures sur toile, sur bois ou sur marbre20. Ainsi, le théâtre de Molière fabrique ou reflète de façon déformée, « l’extravagance » des modes galantes : perruques démesurément longues des valets‑marquis, rouge et blanc des précieuses qu’elles soient coquettes (et c’est du rouge) ou fausses prudes (et c’est du blanc). Les traces de ces éléments sont le début des Précieuses ridicules, la scène entre Mlles Molière et Du Parc dans L’Impromptu de Versailles, les différentes scènes de « portraits » de plusieurs comédies, des descriptions satiriques du jeu des acteurs, les frontispices gravés des éditions, notamment le premier tome des Œuvres de Molière avec, d’un côté, l’acteur en marquis de Mascarille et, de l’autre, en Sganarelle [Figure 1.].

Figure 1.

Figure 1.

Frontispice gravé par François Chauveau pour Les œuvres de Monsieur Molière, tome premier, vol. in‑12, (plusieurs éditeurs), Paris, 1666. Sous le buste de Molière couronné, à gauche le marquis de Mascarille, à droite Sganarelle.

Les portraits d’acteurs se multiplient au xviiie siècle21 : Adrienne Lecouvreur, Mlles Duclos, Clairon et Dumesnil, l’acteur anglais Garrick peint par Hogarth et bien d’autres, Mrs. Siddons en muse de la tragédie par Reynolds alors que sa Mrs. Abington en « Miss Prue » atteste du genre du « portrait dans le rôle22 ». La miniature, la gravure les diffusent selon un principe publicitaire qui annonce l’industrie culturelle du siècle suivant. Les xviiexviiisiècles sont le règne des fards, mode venue d’Italie, liée aux pratiques de Cour et à la coquetterie (l’un des grands emplois comiques, féminin comme masculin, avec les marquis ridicules de Molière et les petits‑maîtres au xviiie siècle), voire à la prostitution déguisée (le « rouge de théâtre » est le fard commun meilleur marché23). S’il y a peu d’images théâtrales de cette réalité scénique, on peut mentionner la série des miniatures à la gouache sur vélin de Fesch et Whirsker, exécutées entre 1760 et 178824.

C’est à la fin des années 1750 qu’une nouvelle visualité de l’acteur se fait jour avec Lekain et Clairon, jouant Voltaire. Alors que la scène, débarrassée de ses « banquettes » (les spectateurs sur la scène), devient « tableau25 », le changement de goût dépouille les ornements baroques pour un néo‑classicisme en gestation : « costume26 », absence de perruque, touche orientaliste persistante avec Lekain dans les rôles de Mahomet, Gengis Khan (L’Orphelin de la Chine de Voltaire) ou d’Orosmane (Zaïre du même) dont la tête se retrouve dans le beau pastel de Lenoir, acquis en 2013 par le Louvre et largement diffusé par la gravure27. Certains acteurs qui participent à ce mouvement de retour à l’antique, de refus de l’appareil de la cour sont liés à la peinture : Brizard a commencé comme apprenti dans l’atelier de Carl Van Loo, John Philip Kemble en Angleterre imite Poussin pour jouer Shakespeare28, Talma rencontre David et ses élèves dont Girodet ou Jules Armand Boucher qui dessine décors et costumes. Sur scène, l’époque réalise des tableaux d’après Vien, David ou Drouais. Talma ne cesse de dessiner, disant de lui‑même : « Je devins peintre à ma manière29 ». Si l’analogie du peintre et de l’acteur remonte à Molière, Diderot tend à mettre sur le même plan l’artiste plastique et le comédien. Talma, comme les comédiens du Paradoxe, travaille ses « études » dans un espace qui tient de l’atelier d’artiste au milieu des tableaux, des dessins et des plâtres et du magasin des accessoires. Le tragédien est censé prendre ses modèles dans la peinture néo‑classique, la statuaire antique30, les albums des antiquaires ou plus prosaïquement dans les publications en série des années 1780 qui se diffusent durant la Révolution, l’Empire et la Restauration31. Il devient possible, à partir du dernier quart du xviiie siècle, d’isoler des séries d’images à usage commercial, comme source du travail des acteurs, peut‑être à partir du Théâtre de la Foire, en tout cas de l’industrie théâtrale à laquelle la Révolution a permis d’éclore. Ce monde benjaminien des galeries (au Palais‑Royal), des passages (à partir du Directoire), de la flânerie marchande est à l’origine de l’emploi moderne du mot maquillage, qui apparaît dans l’argot des théâtres vers 1830 et auquel Baudelaire, à la suite de Théophile Gauthier, donne ses lettres de noblesse esthétiques entre peinture, théâtre et monde social32.

Au tournant du xixe siècle on passe de l’habit de théâtre au costume historique, notamment par la notion de couleur locale, terme qui migre de la théorie picturale vers la scène33. Comme le dit en langage d’acteur Mlle Clairon, l’acteur se « fait une tête », non seulement pour des questions de représentation, mais pour ressembler au personnage ou plutôt à son image. Historicisme et orientalisme façonnent les transformations du visage de l’acteur tout au long du xixe siècle. Les fards avec leur coloration rococo34 le cèdent à un portrait scénique du personnage. Talma transforme sa tête qu’il conçoit, en même temps que le costume de ses rôles, à partir du Charles ix de Clouet, du Brutus en bronze du Capitole, de l’imagerie du chevalier Bayard ou de l’empereur Néron, de la persona de Jean‑Jacques Rousseau. L’acteur historiciste inscrit son apparence visuelle dans une série historique reconnaissable, un type, un caractère devenu visuel. Parfois, nouveau Protée, il varie la métamorphose, se rend méconnaissable ou au contraire joue la méprise de la copie à l’original lorsque l’acteur paraît sur scène grimé comme un contemporain célèbre ou même un spectateur assis dans la salle. Par les théâtres de société et le vaudeville, cet usage s’impose à Saint‑Pétersbourg et dans les théâtres de Russie dans le premier tiers du xixe siècle.

Grimages russes : vers la maquette de maquillage

La mise en évidence des objets scéniques passe par des changements d’époque, des pratiques d’édition, un sens nouveau de l’histoire, une diffusion de l’image de l’acteur qui crée une attente du public. Des emplois de « Pères grimes » (acteurs vieillis et ridés dans la terminologie du xviiisiècle utilisée, par exemple, par le Prince de Ligne dans sa Lettre à Eugénie sur les spectacles) sont tirés les verbes « grimer / se grimer ». Le substantif « grimage » donne le russe grim qui désigne le maquillage, mais aussi les perruques, postiches, barbes, poils, avec l’ajout et le modelé des chairs par le mastic (pour figurer, par exemple, les graisses). Si le maquillage a partie liée avec la peinture et le dessin, le grimage, par sa tridimensionnalité, touche à la sculpture, au genre du portrait (en cire, au pastel, en marbre). Il concerne le maquilleur‑grimeur, le coiffeur ou le perruquier, parfois le costumier, le décorateur, le metteur en scène, qui s’affirme en France dès 180035, et bien sûr l’acteur grimeur ou grimé. Certains acteurs (se) jouent particulièrement de ces transformations : acteurs‑peintres ou dessinateurs (Mounet‑Sully en France, Vassili Samoïlov, Alexandre Lenski en Russie), acteurs‑sculpteurs (Sarah Bernhardt), qui vivent environnés d’une iconographie originale (intérieur des loges, des théâtres, domiciles historicisés). En Russie, Stanislavski (1863‑1938) fonde son activité de mise en scène sur sa proximité avec des peintres, des achats d’objets et d’éléments de costumes anciens, une abondante bibliothèque illustrée. Sa pratique d’acteur commence par les tableaux vivants, figurations plastiques réalisées à l’Opéra privé de son cousin Savva Mamontov qui réunit des peintres (Vroubel, Polenov), des compositeurs (Rimski‑Korsakov), des chanteurs d’opéra (Chaliapine). Cette aptitude intensive à la transformation faciale conduit à deux types d’images et, en un sens, d’objets scéniques. D’une part, ce qui documente a posteriori le visage de l’acteur : illustration de presse ou d’édition (estampes, gravures, photographies, caricatures, dessins). Mais aussi, dès les années 1780 en France, projection du futur visage transformé, autrement dit la maquette qui constitue l’une des sources de connaissance des visages d’acteurs, par essence, disparus.

L’exploration d’un corpus d’esquisses dans la culture théâtrale russe attire l’attention par la réalité figurative du grimage, omniprésente dans le vocabulaire et les publications théâtrales36. Si le théâtre français, au tournant du xixe siècle, voit l’essor du portrait d’acteur en personne, mais aussi dans le rôle, les séries photographiques en Russie renforcent cet aspect. Pour Stanislavski, le grimage est la dernière étape de l’élaboration du rôle avant le spectacle. Il mène à ce qu’il appelle la « caractérisation » qui permet de figurer l’imagination créatrice de l’acteur. Le grimage est un élément essentiel de la création du rôle aux côtés du costume et du jeu. Se grimer est, à cet égard, un geste personnel de l’acteur avec l’aide d’un coiffeur‑grimeur : Stanislavski a ainsi, en la matière, un compagnonnage au long cours avec le bien nommé Gremislavski, l’une des figures‑clés du Théâtre d’art de Moscou.

C’est du côté du peintre‑décorateur que se situe pourtant en Russie l’originalité de ces pratiques. Celui‑ci conçoit, à partir des années 1880, l’ensemble de la ligne visuelle du spectacle : décors, rideaux, costumes, grimages. Ces éléments, réalisés par d’autres dans les ateliers ou les loges, sont projetés par le peintre au moyen de ce que le russe appelle « esquisses » et le français « maquettes » (dessins bidimensionnels). L’affirmation du metteur en scène – elle précède Stanislavski, mais peut lui être corrélée, sa première mise en scène datant de 1891 – se fonde sur le couple qu’il forme avec le hudožnik – autrement dit, le peintre. La conception du spectacle se fait par les esquisses que ce dernier propose au metteur en scène. La scène théâtrale (qui inclut le ballet et l’opéra) constitue de fait un enjeu important pour les peintres des années 1880‑1914. On peut l’expliquer par des singularités de la culture figurative russe (réalisme, sensibilité au portrait, à la couleur, au « décoratif »), mais aussi par une sociologie de l’art : étroitesse du marché, rareté des commandes et des possibilités d’exposer des grands formats. La scène est l’occasion d’interagir avec des mécènes, des musiciens, des acteurs, des metteurs en scène, de concevoir des séries, des grandes toiles, de toucher une variété de matières en mouvement et d’être en interaction originale avec la figure humaine. Le peintre dessine les costumes et l’aspect extérieur du personnage, sans toujours connaître la distribution et donc sans tenir compte de l’identité de l’acteur. Les maquettes permettent de réaliser les costumes et les têtes grimées. Ces esquisses, destinées au commanditaire – Théâtres impériaux, mécènes37, metteurs en scène – sont faites pour séduire, saisir au vif, préfigurer une expression, une gamme de couleurs, le style de l’artiste. Ce sont parfois d’authentiques œuvres d’art graphiques qui tiennent de l’illustration, du document technique avec des indications précises pour les costumes (matières et coupes) ou la fabrication des accessoires. Elles mettent en mouvement l’image par la série puisque le peintre présente d’un coup les esquisses : les décors (le plus important et spectaculaire), les costumes et les grimages (les deux pouvant se confondre). Elles sont corrigées, discutées avec le metteur en scène qui peut changer plusieurs fois de peintre. Ces œuvres ont la vivacité de l’esquisse mais attestent du soin donné à des pièces qui pourront être exposées, vendues, collectionnées. De fait, les expositions d’art russe des années 1900‑1920 comportent souvent une section théâtrale, reflet de cette activité graphique et picturale38. Ces maquettes, réalisées ou non, semblent retenir quelque chose de la matière vivante du spectacle. Parfois, la photographie ou l’illustration permettent de comparer ce qui a été réalisé, d’en relever la proximité ou l’éloignement par rapport à sa préfiguration. La présence du peintre, tout au long du processus de création, lui permet de continuer à dessiner pendant les répétitions ou les premiers spectacles, notamment des caricatures qui, dans les années 1900‑1930, envahissent la presse. Ces éléments sont conservés par les théâtres, les metteurs en scène, les acteurs, et plus tard les musées théâtraux, tels le Musée Bakhrouchine ou les archives d’art et de littérature (rgali). Ils se diffusent par l’édition (almanachs des Théâtres impériaux, revues d’art, comme Apollon ou Le Monde de l’art, revues rattachées aux théâtres, monographies d’artistes, catalogues d’exposition, mémoires d’acteurs). Le maquillage théâtral devient donc visible et repérable du simple fait de son référencement.

Un corpus théâtral et plastique : quelques stylèmes des esquisses de grimage

Le musée théâtral d’Etat Bakhrouchine est ainsi divisé en plusieurs départements (manuscrits, objets et costumes, photographies, etc.) parmi lesquels une section décorative structurée en trois secteurs : 1) décors ; 2) costumes ; 3) grimages. Cette dernière collection peut être analysée en tant que telle bien qu’il soit parfois arbitraire de la distinguer des maquettes de costumes. La spécificité du corpus tient à la présence essentielle de la figure humaine même si les visages peuvent être absents dans certaines esquisses de Rodtchenko ou de Malévitch. On y décèle, pour les années 1900‑1940, quelques lignes de force et d’abord une corrélation avec les mouvements artistiques : art nouveau, symbolisme, cubo‑futurisme, constructivisme, réalismes (y compris socialiste). La marque de l’historicisme se repère dans le travail du peintre Vroubel à l’Opéra Mamontov ou avec Stanislavski pour une mise en scène d’Othello dans les années 1890. On discerne des traits orientalistes et décoratifs dans l’esquisse pour Fédor Chaliapine dans le rôle d’Olopherne du peintre art nouveau Valentin Sérov [Figure 2.]. La figure de Chaliapine domine la période par sa prégnance plastique, le rôle d’Olopherne étant par ailleurs documenté par plusieurs photographies et tableaux. La veine décorative, parfois « impressionniste », triomphe avec les peintres du Monde de l’art. Ils sont au cœur du projet des Ballets russes, collaborent avec Stanislavski, comme c’est le cas de Mstislav Doboujinski ou Alexandre Benois [Figure 3.], avec Meyerhold – Alexandre Golovine est son principal collaborateur jusqu’en 1917. Après l’exubérance ornementale du Bal masqué de Lermontov en 1917 aux Théâtres Impériaux de Saint‑Pétersbourg, Meyerhold refuse les grimages dans le spectacle‑meeting des Aubes en 1920. Il les associe au naturalisme et aux apprêts du théâtre bourgeois. C’est pourtant dans le sillage de sa pratique symboliste que se sont développés les grimages grotesques de 1906 jusqu’à la fin des années 1920. Meyerhold définit le grotesque comme des « combinaisons de figures humaines avec les figures d’animaux et de plantes39 ». Il le distingue de la caricature et de la stylisation. De fait, on trouve, dans les collections du Musée, des grimages des trois types. Eisenstein, par exemple, élève de Meyerhold, propose dans ses grimages pour Le Mexicain d’après Jack London, pour lequel il est peintre‑décorateur, de beaux exemples de variations grotesques [Figure 4.]. Dans sa mise en scène de La Punaise de Maïakovski en 1929, Meyerhold fait appel à de véritables caricaturistes, le collectif des « Koukryniksy », pour concevoir l’apparence des acteurs, notamment Igor Ilinski alors que la deuxième partie du spectacle est scénographiée par Rodtchenko. C’est la stylisation qui définit, à nos yeux, le graphisme de Nikolaï Akimov [Figure 5.] avec des restes d’une ligne serpentine, caractéristique des projets Art nouveau de Léon Bakst pour les Ballets russes. Un certain réalisme s’affirme à différents niveaux : au cœur même de l’avant‑garde dans les esquisses de Pétrov-Vodkine pour Le Journal de Satan avec la présence affirmée de la ligne du crayon et l’éclat de la couleur rehaussant le visage [Figure 6.]. C’est également le cas des projets des frères Stenberg pour Désir sous les ormes d’Eugene O’Neill, mis en scène par Taïrov en 1926 au Théâtre de Chambre. Quelques plans filmés du spectacle40 témoignent de la surcharge faciale des acteurs dans ce qui s’apparente à des « masquillages » scéniques. Si les Stenberg sont des théoriciens du constructivisme, certaines esquisses indiquent les traits robustes d’un solide réalisme [Figure 7.]. Même le réalisme socialiste du début des années 1940 atteste, à l’occasion, d’une diversité de portraits ou de types qui n’est pas sans intérêt plastique [Figure 8.].

Figure 2.

Figure 2.

Valentin Serov, Esquisse pour le costume et le grimage de Chaliapine dans le rôle d’Olopherne dans l’opéra de A.N. Serov Judith, 1907. Opéra privé de Mamontov, Moscou, (1898), reprise au Théâtre Marinski, 1907, 22,2 x 19,4 cm., papier, mine de plomb, aquarelle, Moscou, Musée central théâtral d’Etat Bakhrouchine.

© Musée Central Théâtral d’Etat A. A. Bakhrouchine, Moscou.

Figure 3.

Figure 3.

Alexandre Benois, Esquisse de grimage pour le rôle de Toinette joué par Maria Lilina dans Le Malade imaginaire de Molière, mise en scène Alexandre Benois et Stanislavski, Théâtre d’art de Moscou, 1913, mine de plomb, papier, Moscou, Musée du Théâtre d’art de Moscou.

© Musée du Théâtre d’art de Moscou.

Figure 4.

Figure 4.

Sergueï Eisenstein, Esquisse de grimage pour le rôle de Ramos dans Le Mexicain d’après J. London, mise en scène V. Smychliaev, assistant et décorateur S. Eisenstein, (première 1921), 1920, papier, mine de plomb, gouache, aquarelle, 14,2 x 12 cm., Moscou, Musée central théâtral d’Etat Bakhrouchine.

© Musée Central Théâtral d’Etat A. A. Bakhrouchine, Moscou.

Figure 5.

Figure 5.

Nikolaï Akimov, Esquisse de grimage pour le rôle de Xénia dans La cassure de B. Lavrenev, mise en scène A. Popov. Théâtre Vakhtangov, Moscou, 35,5 х 22 cm, papier, mine de plomb, encre de chine, 1927. Moscou, Musée central théâtral d’Etat Bakhrouchine. Inscription entre parenthèses : « Jeune fille qui se stylise à l’égyptienne ».

© Musée Central Théâtral d’Etat A. A. Bakhrouchine, Moscou.

Figure 6.

Figure 6.

Kouzma Petrov‑Vodkine, Esquisse de grimage pour Satan dans Le journal de Satan d’après Léonid Andreïev, mise en scène G. Gay, Pétrograd, Théâtre académique d’Etat de drame (première 1923), 1922, 31,6 x 31,9 cm., papier, mine de plomb, aquarelle, Moscou, Musée central théâtral d’Etat Bakhrouchine.

© Musée Central Théâtral d’Etat A. A. Bakhrouchine, Moscou.

Figure 7.

Figure 7.

Vladimir Stenberg, Esquisse de grimage pour un rôle masculin dans Désir sous les ormes d’E. O’Neill, mise en scène A. Taïrov, Théâtre Kamerny, Moscou,1926, papier, mine de plomb, pierre noire, sanguine, gouache, 16,1 x 11, 4 cm. Moscou, Musée central théâtral d’Etat Bakhrouchine.

© Musée Central Théâtral d’Etat A. A. Bakhrouchine, Moscou.

Figure 8.

Figure 8.

Vladimir Lebedev, Esquisses de grimages pour Le Front d’A. Korneïtchouk, mise en scène L. Roudnik, troupe du Grand Théâtre Dramatique de Léningrad en 1942 à Kirov, Moscou, Musée central théâtral d’Etat Bakhrouchine.

© Musée Central Théâtral d’Etat A. A. Bakhrouchine, Moscou.

La présence du peintre‑décorateur, dans le couple qu’il forme avec le metteur en scène, l’importance de la « caractérisation » (harakternost’) de l’acteur mettent en évidence une préfiguration figurative du rôle. Cette donnée est d’abord « décorative » – décors, costumes, grimages projetés et unifiés par une même vision plastique. Elle appartient aussi à la vie de l’acteur qui cherche et conçoit son apparence scénique extérieure en étroite relation avec la mise en scène, surtout si l’acteur est également metteur en scène comme c’est le cas de Stanislavski [Figure 9.], Mikhaïl Tchekhov ou Solomon Mikhoels au Théâtre juif (goset). Les recherches graphiques de l’acteur font alors partie de son processus de création. M. Tchekhov a ainsi laissé un ensemble de croquis de l’image future de son Don Quichotte41 et le peintre Alexandre Tychler a cherché, de concert avec Mikhoels, le grimage, le geste et l’expression du Roi Lear en 1935. Ces ébauches en série témoignent d’une génétique du rôle et de sa visualisation.

Figure 9.

Figure 9.

Constantin Stanislavski, Grimage pour le rôle de Michael Kramer dans Michael Kramer de G. Hauptmann, mise en scène C. Stanislavski et V. Loujski, Théâtre d’Art de Moscou, 1901, Carnet de Stanislavski consacré au grimage, Moscou, Musée du Théâtre d’art de Moscou.

© Musée du Théâtre d’art de Moscou.

Du point de vue historique, ces images doivent être croisées avec les photographies des spectacles, des acteurs dans le rôle, des illustrations diverses. On peut les rapprocher des cahiers de mise en scène, des critiques. Elles sont un élément de la fabrique du spectacle. Du point de vue plastique, on a, face à soi, des œuvres étranges, rehaussées de couleurs, jouant avec des formats divers, la qualité du papier, la sérialité d’une galerie de portraits. Pour de grands peintres russes (Serov, Vroubel, Polenov, Benois, Bakst, Sapounov, Malévitch, Chagall, Pétrov‑Vodkine, Exter, Tatline, Rodtchenko), elles peuvent figurer comme section d’une exposition, d’un catalogue. Parfois, prises en elles‑mêmes, elles passeraient inaperçues, simples projets graphiques que rien ne distinguent de milliers de portraits. Leur nature théâtrale en fait des traces scéniques à la présence troublante. Qu’elles représentent l’image du personnage, le portrait de l’acteur dans le rôle ou la vie du plateau, elles retiennent quelque chose de l’éphémère théâtral. Il y a dans ces images deux identités – celle du personnage (type, rôle ou caractère, ces termes n’étant pas synonymes) et celle de l’acteur au naturel ou imaginée en vue du rôle. Cela se marque à la variété des inscriptions, fréquentes sur ces œuvres : tantôt y sont portés les noms des acteurs, tantôt ceux des personnages, parfois une combinaison des deux. Il y a en réalité deux approches possibles : 1) une organisation a priori de la ligne graphique et plastique du spectacle et des rôles harmonisant les projets de costumes, les décors (parfois les lumières) ; 2) une projection de l’image du personnage, de sa tête et de son expression en fonction de l’identité, des caractéristiques physiques ou scéniques d’acteurs précis induisant un style de jeu ou un choix de mise en scène. Ces œuvres entrouvrent un aspect du processus de création, vu par le peintre, parfois par l’acteur‑dessinateur [Figure 10.] avec la séduction d’une présence figurale sans doute en partie illusoire.

Figure 10.

Figure 10.

Constantin Stanislavski, Dessin pour le grimage de Brutus dans Jules César de Shakespeare, mise en scène de Némirovitch-Dantchenko au Théâtre d’art de Moscou, le rôle de Brutus est interprété par Stanislavski, dessin daté de 1904, Moscou, Musée du Théâtre d’art de Moscou. À gauche visage de Stanislavski, à droite celui de Brutus grimé.

© Musée du Théâtre d’art de Moscou

L’image du maquillage comme opérateur scénique

L’identification de l’objet scénique pose la question de son devenir, de sa conservation, de sa publication (édition et exposition y compris numériques), voire de son catalogage ou de sa description. Le maquillage de l’acteur met en relief sa nature iconique : non seulement, il a été une image, inséparable du visage de l’acteur, mais seule une image, un souvenir (indirectement des gestes ou des instruments) peuvent en témoigner. Tout comme l’on ne voit son visage que dans un reflet alors qu’une image mentale nous en est constamment présente, l’acteur ne peut voir autrement les couleurs peintes et le modelé qui transforment son visage. Et pourtant une image‑objet se conserve. A posteriori, une figuration documentaire peut fixer l’apparence de sa tête, image d’image qui sert de support à l’analyse historique, à l’imaginaire d’un acteur, d’une époque, à l’interprétation d’un personnage. Parfois, elle nous laisse libres d’extrapoler l’habileté de l’acteur, son effet sur le public, quelque chose d’une animation, en particulier dans la caricature ou le croquis. L’image de l’acteur devient alors un analogon du jeu. N’est‑ce pas, aux côtés des textes, ce qui permet d’imaginer le jeu de Molière et de Mlle Clairon, de Rachel et de Mounet‑Sully, d’Ellen Terry ou de la Duse, de Stanislavski, Mikhaïl Tchekhov, et bien sûr des acteurs plus récents ? L’image fixe saisit quelque chose de la vie disparue de l’acteur, de son identité transformée. Les techniques de dessin et de peinture des grimages russes aiguisent le regard théâtral comme le fait la photographie sur son terrain propre.

De quoi la maquette de maquillage est‑elle la présence ? Le trouble vient peut‑être de la confusion d’une vie plastique et d’une vie théâtrale des acteurs, le décalage étant à même d’enclencher un processus de création, comme si l’image pouvait se faire impulsion à l’action. Ce corpus russe invite à explorer ou constituer des ensembles équivalents dans d’autres cultures théâtrales (Angleterre, Allemagne, France, Italie). Il interroge également l’exposition et la publication de ces œuvres. Une première approche contextuelle donnerait à voir cet objet scénique, en croisant une multiplicité de sources et d’éléments (textes et variété d’images). L’autre, plus immédiate, isolerait l’image‑tête‑visage, laissant courir l’imagination et les processus d’association. Ces deux possibilités ne recouvrent‑elles pas deux modes d’exposition muséale : une approche plus ethnographique, décorative ou historique qui replace l’objet dans son environnement et une saisie plus disjonctive qui vise la singularité d’une présence fantomatique qu’on ne sait toujours à quoi ni à qui assigner mais qui peut, à son tour, s’incarner dans d’autres images transformées ? Faire jouer ces deux possibilités nous paraît essentiel.

1 Une version préliminaire de cette recherche en cours a été présentée oralement aux premières Assises de la recherche de la Galerie Colbert (atelier

2 Ce concept, tiré de Derrida, a permis de considérer la peinture comme maquillage :Jean‑Claude Lebensztejn, Annexes-de l’œuvre d’art, Bruxelles, La

3 De nombreuses familles d’industriels et de philanthropes russe du xixsiècle se rattachent à ce schisme au sein de l’orthodoxie russe remontant au

4 Ce professeur de rhétorique grec dédie à l’empereur Commode son Onomasticon, construit de façon thématique. Le livre iv porte sur les sciences et

5 Par exemple, les Monuments Illustrating Old and Middle Comedy et Monuments Illustrating New Comedy de TBL. Webster (publiés en 1960 et 1961

6 C. Mauduit, J.‑C. Moretti, « Pollux, un lexicographe au théâtre », Revue des Études Grecques, t. 123, fasc. 2, 2010. p. 521‑541.

7 F. Viatte, D. Cordellier, V. Jeanmmet(dir.), Masques, Mascarades, Mascarons, cat. exp., (Paris, Musée du Louvre, 19 juin‑22 sept. 2014) Paris

8 Odette Aslan, « L’Arlequin serviteur de deux maîtres » in Odette Aslan, Denis Bablet (dir.), Le masque. Du rite au théâtre, éditions du cnrs, 1988

9 G. Filacanapa, G. Freixe et B. Le Guen (dir.), Le masque scénique dans l’antiquité, à paraître aux éditions Deuxième époque.

10 Revue d’Histoire du Théâtre, n° 237, dossier Mémoires de l’éphémère : quel patrimoine pour les arts vivants ? (contributions de Béatrice Picon‑

11 Louis‑Edouard Fournier (1857‑1917), Mounet-Sully se maquillant dans sa loge avant une représentation d’Œdipe-Roi de Jules Lacroix, 1893, 60,2 x 79

12 Texte dialogué de 1894, griffonné en songeant à Sarah Bernhardt cité in Anne Penesco, Mounet‑Sully. « L’homme aux cent cœurs d’homme », Paris, Les

13 Conservée avec quelques autres reliques de sa loge au Théâtre de la Ville, ancien théâtre Sarah Bernhardt.

14 Revue d’Histoire du Théâtre n° 283 et 284, dossier La photographie de scène en France, 2019 et Brigitte Joinnault (dir.), La Photographie au

15 Catherine Lanoë, La Poudre et le fard. Une histoire des cosmétiques de la Renaissance aux Lumières, Seyssel, Champ Vallon, 2008.

16 Parmi d’autres : Hans Belting, Faces. Une histoire du visage, trad. Nicolas Weill, Paris, Gallimard, 2017 ; Visages du Grand Siècle. Le portrait

17 Pour l’aspect d’art « mineur », le modèle de théorisation est à nos yeux l’Histoire du portrait en cire de Julius von Schlosser (1911), Paris

18 Wolfram Prinz, Galleria. Storia e tipologia di uno spazio architettonico, Modena, Franco Cosimo Panini, (1977) 2006, trad. Alessandro Califano.

19 Cf. le traité de Le Brun et ses réinterprétations graphiques ou théoriques (comme Le Paradoxe sur le comédien de Diderot), notamment à partir de

20 Molière, Madeleine Béjart dans les costumes des Précieuses ridicules (bnf).

21 Maria Inès Aliverti, La naissance de l’acteur moderne. L’acteur et son portrait au xviiie siècle, Paris, Gallimard, 1998.

22 Nicholas Penny (ed.), Reynolds, cat. exp. (London, Royal Academy of Arts, 9 janv.-31 mars 1986), Londres, Royal Academy of Arts, 1986, cat. 151 et

23 Catherine Lanoë, op. cit., p. 294.

24 Joël Huthwohl, Comédiens & Costumes des Lumières. Miniatures de Fesch et Whirsker. Collections de la Comédie-Française, Saint‑Pourçain‑sur‑Siou

25 Pierre Frantz, L’esthétique du tableau dans le théâtre du xviiie siècle, Paris, puf, 1998.

26 Le terme renvoie d’abord aux mœurs d’une époque.

27 Xavier Salmon, Pastels du Musée du Louvre. xviiexviiie siècles, Paris, Musée du Louvre / Hazan, 2018, p. 206‑209. Une version peinte à l’huile

28 Peter Thomson, The Cambridge Introduction to English Theatre, 1660‑1900, Cambridge University Press, 2006, p. 206.

29 Talma, Réflexions sur Lekain et sur l’art théâtral (1825), Paris, Desjonquères, 2002, p. 37.

30 Mario Fazio, François‑Joseph Talma. Le théâtre et l’histoire de la Révolution à la Restauration, Paris, cnrs Éditions, p. 45‑57, trad. Jérôme

31 Jean-Charles Levacher de Charnois, Costumes et annales des grands théâtres en figures au lavis et coloriées, périodique couvrant les années 1786‑

32 Théophile Gauthier, De la mode, Paris, Poulet-Malassis et de Broise, 1858, p. 29-32 et Charles Baudelaire, « Éloge du maquillage », chap. xi du

33 Pierre Frantz, op. cit., p. 87-114.

34 Melissa Hyde, Making Up the Rococo: François Boucher and His Critics, Los Angeles, Getty Research Institute, 2006.

35 Roxane Martin, L’Émergence de la notion de mise en scène dans le paysage théâtral français (1789-1914), Paris, Classiques Garnier, 2013.

36 La revue Artist, lue par Stanislavski, comprend dès son n° 1 en 1889 (« section mise en scène ») un « Manuel de grimage théâtral ». La revue

37 L’ouverture de l’Opéra privé de Mamontov en 1885 est précédée d’une activité « amateur » à laquelle collaborent les plus grands peintres russes et

38 Expositions des peintres et des groupes, en particulier du Monde de l’art. Diaghilev, outre sa fonction d’impresario, a conçu plusieurs

39 Vsevolod Mejerhol’d, Lekcii [Cours de mise en scène]. 1918-1919, Moscou, ogi, 2001, p. 137

40 Publiés en 2013 par la revue Teatr, le site colta.ru en coopération avec le Musée Bakhrouchine : https://vimeo.com/65031223

41 Marie-Christine Autant-Mathieu (dir.), Mikhaïl Tchekhov/Michael Chekhov. De Moscou à Hollywood. Du Théâtre au cinéma, Montpellier, L’Entretemps

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Notes

1 Une version préliminaire de cette recherche en cours a été présentée oralement aux premières Assises de la recherche de la Galerie Colbert (atelier « (Extra)ordinaires ? Nouveaux objets de l’histoire de l’art »), le 13 janvier 2021.

2 Ce concept, tiré de Derrida, a permis de considérer la peinture comme maquillage : Jean‑Claude Lebensztejn, Annexes-de l’œuvre d’art, Bruxelles, La part de l’œil, 1999, p. 69‑111.

3 De nombreuses familles d’industriels et de philanthropes russe du xixsiècle se rattachent à ce schisme au sein de l’orthodoxie russe remontant au xviisiècle.

4 Ce professeur de rhétorique grec dédie à l’empereur Commode son Onomasticon, construit de façon thématique. Le livre iv porte sur les sciences et les arts parmi lesquels la mousikè et consacre un développement au théâtre et aux masques (§ 133‑154). Les 44 types mentionnés ont été considérés comme un « catalogue ».

5 Par exemple, les Monuments Illustrating Old and Middle Comedy et Monuments Illustrating New Comedy de TBL. Webster (publiés en 1960 et 1961 avec plusieurs rééditions).

6 C. Mauduit, J.‑C. Moretti, « Pollux, un lexicographe au théâtre », Revue des Études Grecques, t. 123, fasc. 2, 2010. p. 521‑541.

7 F. Viatte, D. Cordellier, V. Jeanmmet (dir.), Masques, Mascarades, Mascarons, cat. exp., (Paris, Musée du Louvre, 19 juin‑22 sept. 2014) Paris, Louvre éditions, 2014.

8 Odette Aslan, « L’Arlequin serviteur de deux maîtres » in Odette Aslan, Denis Bablet (dir.), Le masque. Du rite au théâtre, éditions du cnrs, 1988, p. 173‑174.

9 G. Filacanapa, G. Freixe et B. Le Guen (dir.), Le masque scénique dans l’antiquité, à paraître aux éditions Deuxième époque.

10 Revue d’Histoire du Théâtre, n° 237, dossier Mémoires de l’éphémère : quel patrimoine pour les arts vivants ? (contributions de Béatrice Picon‑Vallin, Joël Huthwohl et Catherine Guillot), 2008.

11 Louis‑Edouard Fournier (1857‑1917), Mounet-Sully se maquillant dans sa loge avant une représentation d’Œdipe-Roi de Jules Lacroix, 1893, 60,2 x 79,2 cm, huile sur toile, Paris, Musée Carnavalet, 1913. https://www.parismuseescollections.paris.fr/fr/musee-carnavalet/oeuvres/mounet-sully-se-maquillant-dans-sa-loge-avant-une-representation-d-oedipe#infos-principales. Site consulté le 14 juin 2021.

12 Texte dialogué de 1894, griffonné en songeant à Sarah Bernhardt cité in Anne Penesco, Mounet‑Sully. « L’homme aux cent cœurs d’homme », Paris, Les éditions du Cerf, 2005, p. 108.

13 Conservée avec quelques autres reliques de sa loge au Théâtre de la Ville, ancien théâtre Sarah Bernhardt.

14 Revue d’Histoire du Théâtre n° 283 et 284, dossier La photographie de scène en France, 2019 et Brigitte Joinnault (dir.), La Photographie au théâtre, xixexxie siècles, Villeneuve d’Ascq, Presses universitaires du Septentrion, 2021 avec notre contribution.

15 Catherine Lanoë, La Poudre et le fard. Une histoire des cosmétiques de la Renaissance aux Lumières, Seyssel, Champ Vallon, 2008.

16 Parmi d’autres : Hans Belting, Faces. Une histoire du visage, trad. Nicolas Weill, Paris, Gallimard, 2017 ; Visages du Grand Siècle. Le portrait français sous le règne de Louis xiv. 1660‑1715, cat. exp. (Musée des Beaux‑Arts de Nantes 20 juin‑15 sept. 1997), Paris, Somogy, 1997 ; Portraits publics. Portraits privés. 1770‑1830, cat. exp. (Paris, Galeries Nationales du Grand Palais 4 oct. 2006‑9 janv. 2007), Paris, Réunion des musées nationaux, 2006.

17 Pour l’aspect d’art « mineur », le modèle de théorisation est à nos yeux l’Histoire du portrait en cire de Julius von Schlosser (1911), Paris, Macula, 1997, trad. Edouard Pommier.

18 Wolfram Prinz, Galleria. Storia e tipologia di uno spazio architettonico, Modena, Franco Cosimo Panini, (1977) 2006, trad. Alessandro Califano.

19 Cf. le traité de Le Brun et ses réinterprétations graphiques ou théoriques (comme Le Paradoxe sur le comédien de Diderot), notamment à partir de la physiognomonie, reprise de l’antique (Pseudo-Aristote) ou de Lavater. Pour la théorie de l’expression : Reensselaer W. Lee, Ut pictura poesis. Humanisme & Théorie de la Peinture. xvexviiie siècles, Paris, Macula, (1967) 1998, p. 53‑67, trad. Maurice Brock.

20 Molière, Madeleine Béjart dans les costumes des Précieuses ridicules (bnf).

21 Maria Inès Aliverti, La naissance de l’acteur moderne. L’acteur et son portrait au xviiie siècle, Paris, Gallimard, 1998.

22 Nicholas Penny (ed.), Reynolds, cat. exp. (London, Royal Academy of Arts, 9 janv.-31 mars 1986), Londres, Royal Academy of Arts, 1986, cat. 151 et 78.

23 Catherine Lanoë, op. cit., p. 294.

24 Joël Huthwohl, Comédiens & Costumes des Lumières. Miniatures de Fesch et Whirsker. Collections de la Comédie-Française, Saint‑Pourçain‑sur‑Sioule / Moulins, Bleu autour / cncs, 2011.

25 Pierre Frantz, L’esthétique du tableau dans le théâtre du xviiie siècle, Paris, puf, 1998.

26 Le terme renvoie d’abord aux mœurs d’une époque.

27 Xavier Salmon, Pastels du Musée du Louvre. xviiexviiie siècles, Paris, Musée du Louvre / Hazan, 2018, p. 206‑209. Une version peinte à l’huile est conservée à la Comédie-Française : La Comédie-Française s’expose au Petit Palais, Paris Musée, 2011, cat. 101.

28 Peter Thomson, The Cambridge Introduction to English Theatre, 1660‑1900, Cambridge University Press, 2006, p. 206.

29 Talma, Réflexions sur Lekain et sur l’art théâtral (1825), Paris, Desjonquères, 2002, p. 37.

30 Mario Fazio, François‑Joseph Talma. Le théâtre et l’histoire de la Révolution à la Restauration, Paris, cnrs Éditions, p. 45‑57, trad. Jérôme Nicolas.

31 Jean-Charles Levacher de Charnois, Costumes et annales des grands théâtres en figures au lavis et coloriées, périodique couvrant les années 1786‑1789 et Recherches sur les costumes et les théâtres de toutes les nations avec des estampes en couleur et au lavis, 1790 et 2e édition en 2 vol., 1802. Cf. Marie-Claire Planche-Touron, « Talma et le goût de l’antique dans les dessins de Pierre-Narcisse Guérin » in P. Bourdin et F. Le Borgne (dir.), Costumes, décors et accessoires dans le théâtre de la Révolution et de l’Empire, Clermont-Ferrand, Presses Universitaires Blaise-Pascal, 2010, p. 143‑159.

32 Théophile Gauthier, De la mode, Paris, Poulet-Malassis et de Broise, 1858, p. 29-32 et Charles Baudelaire, « Éloge du maquillage », chap. xi du Peintre de la vie moderne in Curiosités esthétiques. L’Art romantique et autres Œuvres critiques, Paris, Garnier Frères, 1962, p. 489-494. On retrouve chez ces deux auteurs le même éloge de l’artifice de la poudre de riz et du soulignement des traits au noir. Gauthier élude le mot, non la chose.

33 Pierre Frantz, op. cit., p. 87-114.

34 Melissa Hyde, Making Up the Rococo: François Boucher and His Critics, Los Angeles, Getty Research Institute, 2006.

35 Roxane Martin, L’Émergence de la notion de mise en scène dans le paysage théâtral français (1789-1914), Paris, Classiques Garnier, 2013.

36 La revue Artist, lue par Stanislavski, comprend dès son n° 1 en 1889 (« section mise en scène ») un « Manuel de grimage théâtral ». La revue publie également des grimages d’acteur.

37 L’ouverture de l’Opéra privé de Mamontov en 1885 est précédée d’une activité « amateur » à laquelle collaborent les plus grands peintres russes et Stanislavski dès 1878. Le relais sera pris par l’Opéra privé de Sergueï Zimine de 1903 à 1917 et le renouvellement des scènes impériales de Saint‑Pétersbourg grâce aux peintres du Monde de l’art et à l’entreprise de Diaghilev, célèbre pour ses tournées parisiennes (22 Ballets ou Saisons russes de 1906 à 1929).

38 Expositions des peintres et des groupes, en particulier du Monde de l’art. Diaghilev, outre sa fonction d’impresario, a conçu plusieurs expositions à Saint-Pétersbourg (Palais de Tauride, 1905) et Paris (Salon d’automne, 1906). Zimine fonde dès 1904 un Musée d’art théâtral lié à son opéra. Le Pavillon soviétique à l’Exposition internationale des arts décoratifs à Paris en 1925 comporte une importante section théâtrale.

39 Vsevolod Mejerhol’d, Lekcii [Cours de mise en scène]. 1918-1919, Moscou, ogi, 2001, p. 137

40 Publiés en 2013 par la revue Teatr, le site colta.ru en coopération avec le Musée Bakhrouchine : https://vimeo.com/65031223

41 Marie-Christine Autant-Mathieu (dir.), Mikhaïl Tchekhov/Michael Chekhov. De Moscou à Hollywood. Du Théâtre au cinéma, Montpellier, L’Entretemps, 2009, p. 83-88 et p. 169-176.

Illustrations

Figure 1.

Figure 1.

Frontispice gravé par François Chauveau pour Les œuvres de Monsieur Molière, tome premier, vol. in‑12, (plusieurs éditeurs), Paris, 1666. Sous le buste de Molière couronné, à gauche le marquis de Mascarille, à droite Sganarelle.

Figure 2.

Figure 2.

Valentin Serov, Esquisse pour le costume et le grimage de Chaliapine dans le rôle d’Olopherne dans l’opéra de A.N. Serov Judith, 1907. Opéra privé de Mamontov, Moscou, (1898), reprise au Théâtre Marinski, 1907, 22,2 x 19,4 cm., papier, mine de plomb, aquarelle, Moscou, Musée central théâtral d’Etat Bakhrouchine.

© Musée Central Théâtral d’Etat A. A. Bakhrouchine, Moscou.

Figure 3.

Figure 3.

Alexandre Benois, Esquisse de grimage pour le rôle de Toinette joué par Maria Lilina dans Le Malade imaginaire de Molière, mise en scène Alexandre Benois et Stanislavski, Théâtre d’art de Moscou, 1913, mine de plomb, papier, Moscou, Musée du Théâtre d’art de Moscou.

© Musée du Théâtre d’art de Moscou.

Figure 4.

Figure 4.

Sergueï Eisenstein, Esquisse de grimage pour le rôle de Ramos dans Le Mexicain d’après J. London, mise en scène V. Smychliaev, assistant et décorateur S. Eisenstein, (première 1921), 1920, papier, mine de plomb, gouache, aquarelle, 14,2 x 12 cm., Moscou, Musée central théâtral d’Etat Bakhrouchine.

© Musée Central Théâtral d’Etat A. A. Bakhrouchine, Moscou.

Figure 5.

Figure 5.

Nikolaï Akimov, Esquisse de grimage pour le rôle de Xénia dans La cassure de B. Lavrenev, mise en scène A. Popov. Théâtre Vakhtangov, Moscou, 35,5 х 22 cm, papier, mine de plomb, encre de chine, 1927. Moscou, Musée central théâtral d’Etat Bakhrouchine. Inscription entre parenthèses : « Jeune fille qui se stylise à l’égyptienne ».

© Musée Central Théâtral d’Etat A. A. Bakhrouchine, Moscou.

Figure 6.

Figure 6.

Kouzma Petrov‑Vodkine, Esquisse de grimage pour Satan dans Le journal de Satan d’après Léonid Andreïev, mise en scène G. Gay, Pétrograd, Théâtre académique d’Etat de drame (première 1923), 1922, 31,6 x 31,9 cm., papier, mine de plomb, aquarelle, Moscou, Musée central théâtral d’Etat Bakhrouchine.

© Musée Central Théâtral d’Etat A. A. Bakhrouchine, Moscou.

Figure 7.

Figure 7.

Vladimir Stenberg, Esquisse de grimage pour un rôle masculin dans Désir sous les ormes d’E. O’Neill, mise en scène A. Taïrov, Théâtre Kamerny, Moscou,1926, papier, mine de plomb, pierre noire, sanguine, gouache, 16,1 x 11, 4 cm. Moscou, Musée central théâtral d’Etat Bakhrouchine.

© Musée Central Théâtral d’Etat A. A. Bakhrouchine, Moscou.

Figure 8.

Figure 8.

Vladimir Lebedev, Esquisses de grimages pour Le Front d’A. Korneïtchouk, mise en scène L. Roudnik, troupe du Grand Théâtre Dramatique de Léningrad en 1942 à Kirov, Moscou, Musée central théâtral d’Etat Bakhrouchine.

© Musée Central Théâtral d’Etat A. A. Bakhrouchine, Moscou.

Figure 9.

Figure 9.

Constantin Stanislavski, Grimage pour le rôle de Michael Kramer dans Michael Kramer de G. Hauptmann, mise en scène C. Stanislavski et V. Loujski, Théâtre d’Art de Moscou, 1901, Carnet de Stanislavski consacré au grimage, Moscou, Musée du Théâtre d’art de Moscou.

© Musée du Théâtre d’art de Moscou.

Figure 10.

Figure 10.

Constantin Stanislavski, Dessin pour le grimage de Brutus dans Jules César de Shakespeare, mise en scène de Némirovitch-Dantchenko au Théâtre d’art de Moscou, le rôle de Brutus est interprété par Stanislavski, dessin daté de 1904, Moscou, Musée du Théâtre d’art de Moscou. À gauche visage de Stanislavski, à droite celui de Brutus grimé.

© Musée du Théâtre d’art de Moscou

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Référence électronique

Stéphane Poliakov, « Que reste-t-il du visage de l’acteur de théâtre ? Maquillage, grimages, transformation », Déméter [En ligne], 6 | Été | 2021, mis en ligne le 01 septembre 2021, consulté le 20 avril 2024. URL : https://www.peren-revues.fr/demeter/420

Auteur

Stéphane Poliakov

Stéphane Poliakov est metteur en scène, membre du collectif Spectacle‑Laboratoire, maître de conférences à l’Université Paris 8, membre de l’unité de recherche Scènes du monde. Il est agrégé de philosophie, ancien élève de l’ens‑rue d’Ulm. Formé à la pratique du jeu et de la mise en scène en Russie, en Italie et en France (ensatt, Lyon), notamment sous la direction d’Anatoli Vassiliev (1998‑2008), il consacre ses travaux de recherche au théâtre de mise en scène russe, principalement Stanislavski dont il traduit les écrits théoriques. Il s’intéresse aux interactions esthétiques entre jeu de l’acteur, mise en scène et arts visuels. Il a publié aux éditions Actes sud‑papiers Anatoli Vassiliev : l’art de la composition ; Constantin Stanislavski et co‑traduit L’Analyse‑Action de Maria Knebel. Il mène des recherches d’esthétique sur le maquillage de l’acteur (France, Russie) dans le cadre de la préparation d’une habilitation à diriger des recherches.

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