L’optimisation des compétences de performance dans l’interaction sociale, à la lumière de la cognition incarnée, de l'éducation musicale et de la psychologie du sport

DOI : 10.54563/demeter.861

Abstracts

Les approches de la cognition incarnée conçoivent la vie mentale comme émergeant de la relation permanente entre les ressources neurales et extra-neurales. Ces dernières comprennent, tout d’abord, le corps dans sa totalité mais aussi les schèmes d’activité mis en œuvre dans un milieu donné, les normes culturelles, les facteurs sociaux, ainsi que les éléments de l'environnement pouvant être utilisés pour améliorer nos capacités cognitives (par exemple, les outils, les dispositifs, etc.). Des travaux récents dans le domaine de l’éducation musicale et de la psychologie du sport ont appliqué les principes généraux de la cognition incarnée à un certain nombre de situations correspondant à leurs domaines respectifs. Les deux disciplines ont ouvert, en particulier, d’intéressantes perspectives relatives à notre compréhension de l’acquisition et du développement des compétences au sein d’un groupe ; à savoir comment les musiciens, les athlètes, les enseignants et les entraîneurs vivent leurs interactions ; et comment l'empathie et la collaboration participent de la mise en place d’une performance efficace. Dans cet article, notre objectif est d’apporter des bases supplémentaires à cette recherche en comparant et développant à la fois des thèmes nouveaux issus de cette littérature interdisciplinaire et des travaux empiriques sur la manière dont les compétences de performance sont acquises et optimisées. Ce faisant, notre propos se concentrera sur : (1) le sentiment d'être ensemble, tel qu’il se joue de manière significative lors de performances musicales et sportives collectives ; (2) la capacité à s'adapter habilement aux exigences émanant au sein d’un groupe dans le cours d’une performance ; (3) le développement des formes de distribution de la mémoire corporelle. Ces catégories seront examinées du point de vue de la science cognitive incarnée et en fonction de leur pertinence pour l’enseignement musical et la psychologie du sport. L’hypothèse proposée est que, par leur rôle clé dans l'acquisition et le développement des compétences appropriées, elles peuvent offrir des outils importants pour aider les enseignants et les entraîneurs à développer de nouvelles stratégies pour améliorer l’apprentissage. Ce faisant, elles permettent de stimuler de nouvelles recherches théoriques et pratiques dans les domaines de la musique et du sport.

Embodied approaches to cognition conceive of mental life as emerging from the ongoing relationship between neural and extra-neural resources. The latter include, first and foremost, our entire body, but also the activity patterns enacted within a contingent milieu, cultural norms, social factors, and the features of the environment that can be used to enhance our cognitive capacities (e.g., tools, devices, etc.). Recent work in music education and sport psychology has applied general principles of embodiment to a number of social contexts relevant to their respective fields. In particular, both disciplines have contributed fascinating perspectives to our understanding of how skills are acquired and developed in groups ; how musicians, athletes, teachers, and coaches experience their interactions ; and how empathy and social action participate in shaping effective performance. In this paper, we aim to provide additional grounding for this research by comparing and further developing original themes emerging from this cross-disciplinary literature and empirical works on how performative skills are acquired and optimized. In doing so, our discussion will focus on : (1) the feeling of being together, as meaningfully enacted in collective musical and sport events ; (2) the capacity to skillfully adapt to the contextual demands arising from the social environment ; and (3) the development of distributed forms of bodily memory. These categories will be discussed from the perspective of embodied cognitive science and with regard to their relevance for music education and sport psychology. It is argued that because they play a key role in the acquisition and development of relevant skills, they can offer important tools to help teachers and coaches develop novel strategies to enhance learning and foster new conceptual and practical research in the domains of music and sport.

Index

Mots-clés

cognition incarnée, interaction, acquisition de compétences, éducation musicale, psychologie du sport

Keywords

embodied cognition, interaction, skill acquisition, music education, sport psychology

Outline

Editor's notes

Cette traduction est publiée avec l’autorisation de la revue et des auteurs.

Text

Introduction

Les musiciens et athlètes accomplis affichent souvent la capacité étonnante de s'adapter et de s'engager, de manière cohérente, avec les demandes changeantes de leur milieu. Un changement soudain de tempo dans une performance musicale ou l'émergence d'une configuration spatiale particulière des joueurs d’une équipe sportive nécessite la production immédiate de nouvelles actions permettant de maintenir la musique « vivante » ou la performance sportive possible. Traditionnellement, ce processus est largement décrit comme un mécanisme automatique, où peu, voire aucune attention n’est consacrée à la production et à la mise en œuvre des nouvelles actions (cf. Dreyfus et Dreyfus, 1986 ; Schmidt et Wrisberg, 2008). Ces formes d’habileté agile sont intégrées de manière fluide dans l’éventail d’actions de chacun, de sorte qu’aucune réflexion explicite n’est nécessaire à leur mise en œuvre (cf. Dreyfus, 2002). En effet, selon ce point de vue, la réflexion n’est pas nécessaire à ce stade puisque nos systèmes cognitifs peuvent déceler et choisir les résultats comportementaux les plus adéquats en réponse aux imprévus sous-jacents à un contexte donné. Il a été avancé que l'automaticité de tels mécanismes se développe à travers le passage progressif d'une phase initiale d’acquisition des compétences à une phase finale de performance, où la tâche (par exemple, répéter et élaborer une « erreur » pour la faire paraître intentionnelle dans une musique improvisée ou dribbler l'adversaire dans un jeu de balle) peut être réalisée sans aucune implication « cognitive » explicite (cf. Papineau, 2013). De ce fait, les musiciens et les athlètes font fi des règles prédéfinies à mesure qu’ils deviennent des experts. C’est uniquement au début du processus, lorsque les compétences sont en train d’être acquises et développées, que ces schèmes ont besoin d’être examinés et discutés. À ce titre, un chanteur débutant comparera sa posture et sa technique respiratoire avec l’enseignement de son/sa professeure avant de commencer à chanter, tout comme le basketteur débutant sera attentif, juste avant de tirer, à ce que sa technique de tir soit conforme aux conseils de son entraîneur. Mais lorsque l’on acquiert un certain niveau d’expertise et que l’on est totalement « absorbé » par la dynamique de l'événement, l’histoire avance et il n’y a plus de temps pour ce type de réflexions inférentielles – c'est-à-dire que l’analyse du mouvement d'une action donnée n'est sans doute plus nécessaire (par exemple, Araújo et Davids, 2011). Ainsi, le footballeur dribblant un adversaire n’a pas à penser ses déplacements, tout comme le guitariste rock aguerri exécutant un morceau solo n’a pas à se remémorer explicitement chaque doigté (cf. Menin et Schiavio, 2012). Les « conceptualisations » et les « réflexions explicites » ne font partie du processus que « lorsque l’attention de l’agent s'estompe ou n'est pas encore fixée. Dans cette perspective, la représentation [consciente] vient soit avant l'acquisition des compétences, comme un passage temporaire et nécessaire pour automatiser une routine (par exemple durant un entraînement), soit après une performance, comme un moyen intellectuel permettant d’analyser a posteriori les principes qui l’ont guidée » (Cappuccio, 2015, p. 219).

Des hypothèses basées sur des résultats similaires ont ouvert des perspectives importantes pour la compréhension de l'expertise et de la performance. Toutefois, elles rencontrent également des limites, notamment lorsque l'ensemble du processus d'acquisition et d'optimisation des compétences est considéré comme évoluant vers un automatisme inconscient. Premièrement, la dichotomie stricte entre les processus conscients et les comportements non conscients semble trop figée pour saisir le phénomène dans sa complexité. Comme le remarquent Sutton et ses collègues :

« parce que les praticiens de différents domaines savent que le fait de prendre conscience d’une action habituellement maîtrisée peut la perturber, ils aiment faire confiance à leur corps, aux routines habituelles de la mémoire kinesthésique. Mais parce qu'ils savent aussi qu’une performance ouverte et flexible est sensible au contexte et, dans l’idéal, extrêmement réactive aux variations subtiles d’une situation donnée, ils veulent aussi pouvoir mettre toute leur expérience à profit sur le moment, pour joindre mémoire et mouvement, en mettant pensée et action en coopération plutôt qu’en concurrence » (Sutton et al., 2011, p. 80).

Deuxièmement, l'ensemble du processus d'acquisition des compétences est souvent conçu comme un accomplissement individuel.

Bon nombre des contributions présentées dans le Tableau 1, par exemple, semblent rester neutres quant à la question de savoir si les compétences individuelles doivent être considérées comme intrinsèquement sociales et quant au rôle potentiel des aspects sociaux dans l’acquisition et le développement de ces compétences. Toutefois, si nous examinons les situations concrètes dans lesquelles les compétences sont acquises, nous constatons que les chercheurs, les éducateurs et les entraîneurs prennent de plus en plus en considération la participation et l'interaction1.

Tableau 1 | Exemples de travaux sur l’acquisition des compétences

Auteur(s)

Principaux résultats

Miller, 1956 ; Gobet et al., 2001

L'acquisition d’une compétence passe d’un état de traitement et d'exécution des tâches à un niveau supérieur de la Gestalt : regrouper les informations par blocs.

Fitts et Posner, 1967

L’acquisition d’une compétence implique trois niveaux : cognitif, associatif et autonome.

Cundey, 1978

Une compétence correspond à toute performance habile, rapide et précise, incluant un large éventail d’activités mentales.

Newell et Rosenbloom, 1981

L’effet du temps de pratique sur la performance du point de vue des compétences cognitives et perceptivo-motrices.

Adams, 1987

La compétence concerne un large domaine de comportements possibles et elle doit être apprise ; les compétences sont définies par la performance motrice liée à la réalisation particulière d’une tâche spécifique.

Holding, 1989

Toutes les compétences humaines impliquent la coordination de la perception et de l’action.

Schmidt, 1993

L’acquisition de compétences repose sur le traitement de l’information et la sélection de programmes moteurs adéquats.

Dreyfus, 1996

L’acquisition de compétences diverses modifie notre rapport au monde.

VanLehn, 1996

Différents types de compétences impliquent une capacité cognitive ou intellectuelle : d’un traitement explicite, lent et détaché à une performance implicite, automatique et engagée.

Ericsson et Lehmann, 1996

L’expertise est l’adaptation maximale de l’exécutant à l’environnement d’une tâche.

Hurley, 1998

La performance experte mène à des actions ou à des processus qui sont intentionnels mais non consciemment voulus.

Ingold, 2001

Une approche de la compétence par la combinaison d’une approche anthropologique et écologique.

Rosenbaum et al., 2001

Comme résultat de la pratique, la compétence est la capacité d'atteindre avec une probabilité accrue des objectifs dans un certain domaine.

Ericsson, 2006, 2008

La performance experte est relative à l’engagement actif dans une pratique intentionnelle. Le rôle majeur du retour (feedback) immédiat, de la résolution de problème, de l’évaluation et de la possibilité de répéter la performance.

Des approches récentes en éducation musicale, psychologie sportive et dans le domaine des capacités motrices mettent fortement l'accent sur les contingences sociales de l'activité de performance dans le sport et les arts (cf. par exemple Borgo, 2005 ; Davids et al., 2007 ; Hauw, 2018 ; Schiavio et al., 2018a, b). L’on est passé du processus conscient du « respect explicite des règles » menant à une connaissance tacite, à une compréhension plus nuancée, fluide et souple de la manière dont les compétences optimales sont développées (Bril, 2002 ; Araújo et Davids, 2011). Cette démarche est particulièrement utile pour reconsidérer le rôle des modèles internes basés sur des représentations mentales. En musique, par exemple, les représentations mentales des résultats attendus sont traditionnellement pensées comme offrant aux étudiants une base d’apprentissage solide, afin de les aider dans leur parcours (Lehmann, 1997 ; Gruhn, 2006 ; Hallam et Bautista, 2018). De telles représentations sont probablement élaborées après plusieurs heures consacrées à « étudier la partition et jouer de la musique » (Lehmann et Jørgensen, 2018, p. 134), celles-ci étant façonnées par une riche variété de stratégies d'auto-contrôle et d’évaluation (par exemple, McPhail, 2013). En d’autres termes, ce modèle dépeint l’apprentissage musical comme un processus d’entrée-sortie induit par les lois cognitives internes de l’individu. Ainsi, l'atténuation de la différence entre le résultat attendu (compris en termes de représentation mentale) et le résultat effectif devient le principal objectif de l’apprentissage.

Depuis quelque temps, les jeunes musiciens et interprètes sont de plus en plus encouragés à explorer librement leur potentiel musical et la meilleure manière pour eux de s’exprimer dans l’interaction avec autrui, en évitant l’autocontrôle constant de leurs actions (cf. Bowman, 2004 ; Borgo, 2007 ; Schiavio et van der Schyff, 2018). De même, de récents rapports en psychologie du sport ont souligné la nature adaptative des interactions athlète-environnement pendant l'entraînement et les compétitions (par exemple, Hristovski et al., 2012 ; Seifert et al., 2014). À cet égard, il a été démontré que les pratiquants de sports collectifs peuvent modifier de manière collaborative leurs stratégies offensives et défensives pour s’adapter ensemble à l’évolution des contraintes de l’environnement (par exemple, l’équipe adverse) (cf. Duarte et al., 2012). Une adaptabilité semblable a été décrite dans la musique et dans le sport tant sur le plan comportemental que phénoménologique2, à l’aide de démonstrations menées sur la manière dont le soi et les autres, ainsi que le comportement et l’expérience, sont en fait intrinsèquement interdépendants à différents niveaux et moments (par exemple, Schiavio et Høffding, 2015 ; Hauw, 2018 ; Rochat et al., sous presse). Dans la même veine, Jacobs et Michaels (2006) ont considéré qu’une performance experte se présente comme un système dynamique comprenant l'exécutant, les outils, l’environnement et les autres individus. Rodger (2010, non publié) considère également que l’acquisition de compétences induit le développement d’une association action-perception étroite, impliquant des ressources physiques et contextuelles.

Dans cet article, nous visons à renforcer ces travaux de recherche en comparant et en développant davantage des thèmes originaux concernant la manière dont les compétences de performance sont acquises et optimisées par les débutants dans le contexte de la musique et du sport. Nous nous appuierons en particulier sur les recherches récentes dans le domaine de la science de la cognition incarnée (« embodied cognitive science ») (ECS) dans le but de développer une approche plus intégrée sur la manière dont l'action et la pensée se construisent mutuellement de façon dynamique. Les chercheurs inspirés par l'ECS soulignent la profonde continuité entre perception, action, fonctionnement biologique, réflexion et intersubjectivité (Di Paolo et al., 2017). Selon ce point de vue, parler de la localisation physiologique de l'esprit est dénué de sens. Par conséquent, « l’esprit » est considéré ici comme une propriété qui émerge de l'interaction entre un système corps/cerveau et l’environnement (social, culturel, physique) dans lequel l’organisme est situé (Thompson, 2007). S’inspirant de ces approches et parce que les musiciens et les athlètes se forment souvent en groupe et qu’ils partagent des expériences, des actions, des cultures et des « histoires de couplages structurels » (« histories of structural couplings »)3 avec le monde environnant, nous soutenons que l’ECS offre d'importantes ressources conceptuelles pour saisir la richesse du réseau des contingences contextuelles que le sport et la musique impliquent. Nous revendiquons que des perspectives incarnées et phénoménologiques peuvent aider à réconcilier pensée et action, ainsi qu'individualité et collectivité – qui sont souvent considérées comme distinctes lorsqu'il s'agit de l'acquisition de compétences.

L'article se structure comme suit : dans la section suivante, nous introduisons les grands principes de l’ECS, en se concentrant sur ses bases phénoménologiques et interactives. Dans la continuité des travaux récents de Gallagher (2017), Chemero (2009), et Fuchs (2017), nous posons l’hypothèse que les explications du phénomène mental ne peuvent être limitées au système cerveau-corps de l'individu (par exemple, ses normes biologiques internes), ni ne devraient impliquer une séparation entre les processus de cognition de haut et de bas niveau. Nous maintenons plutôt que l’esprit dépend de l’interaction dynamique des cerveaux, des corps et des caractéristiques sociales, culturelles et physiques de l’environnement (Clark, 1997, 2006 ; Donald, 2001 ; Malafouris, 2013). En se concentrant sur le rôle de l’intersubjectivité, nous considérons alors comment les contingences sociales et les interactions réciproques peuvent offrir de nouvelles possibilités d'acquérir, développer et optimiser les compétences de performance. Ce faisant, nous examinons (1) le sentiment d’être ensemble, (2) la capacité à s’adapter habilement aux exigences contextuelles de l’environnement social, et (3) le développement des formes distribuées de la mémoire corporelle. En conclusion, nous discutons de la pertinence de ces catégories dans le cadre de recherches futures, de la théorie et des enjeux pratiques liés à la manière dont les professeurs de musique et les entraîneurs sportifs peuvent développer de nouvelles stratégies afin d’améliorer et d’optimiser l’acquisition de compétences.

Réconcilier les dichotomies

Un esprit ouvert

L’ECS offre une vision non réductrice de la vie mentale, offrant des perspectives théoriques à des disciplines telles que la biologie, la linguistique, la phénoménologie, l’esthétique, le constructivisme, l’éco-psychologie et la théorie des systèmes complexes, entre autres (cf., par exemple, Shusterman, 2009 ; Stewart et al., 2010 ; Colombetti, 2014). Plus largement, l’ECS repose sur l’idée que les ressources physiques de l'ensemble du corps d'un système vivant et son environnement participent à la conduite des processus cognitifs. Par conséquent, notre capacité à penser, ressentir, raisonner et interagir avec les autres dépend directement de la tendance à interagir entre un système cerveau-corps et sa niche (Johnson, 2007 ; Clark, 2008)4. Puisque les facteurs externes au cerveau sont dits co-constituer l’esprit, cette approche offre une alternative utile aux représentations plus traditionnelles de la vie mentale, souvent basées sur une perspective individualiste et internaliste.

Pour illustrer ce point, nous pouvons considérer les deux approches suivantes : le fonctionnalisme et ce que nous définissons comme l’incarnation internaliste (« internalist embodiment »). Bien qu’étant différentes par plusieurs aspects, ces deux approches partagent une hypothèse commune : la cognition comme propriété de l'individu. Les psychologues fonctionnalistes identifient la cognition aux traitements de données opérant dans l’esprit de l’individu, associant métaphoriquement l'esprit à un dispositif informatique. Pour comprendre un état psychologique, dans ce cadre, il est inutile de se concentrer sur son aspect physique : ce qui importe vraiment, au lieu de cela, est le rôle fonctionnel qu’il joue pour « l’économie cognitive »5 du système. L’hypothèse proposée ici est que cette démarche permet aux chercheurs de mieux explorer la complexité des phénomènes psychiques et de formuler des caractéristiques suffisamment générales pour saisir une large variabilité dans l’exécution physique6. Cependant, les sortes de généralisations nécessaires à l’explication de l’activité cognitive ne vont pas au-delà du système où l’état psychologique est propre à chacun. La psychologie, pour ainsi dire, reste intrinsèque au système présentant les propriétés de causalité instanciant l’état mental étudié.

À titre d’exemple d’« incarnation internaliste », examinons brièvement le travail sur les représentations du format corporel7 (ou « B-formatted ») (cf. Goldman et de Vignemont, 2009). L’idée centrale ici, comme l'explique Gallagher (2017, p. 4-5), est que le cerveau peut développer des représentations internes avec un contenu corporel spécifique, sans qu’elles soient au format propositionnel (ou conceptuel). Parce que le contenu de ces représentations peut impliquer des états intéroceptifs (par exemple, des états physiologiques, des sensations viscérales, etc.), des objectifs moteurs (par exemple, le contrôle et le suivi des résultats en termes de comportement) et des contingences sociales (par exemple, la compréhension des intentions d’une autre personne, réalisée par l’activité neuronale miroir du percepteur8), ils sont pensés pour jouer un rôle explicatif important dans l’ECS. Cependant, certains chercheurs soutiennent que le recours aux modèles internalistes basés sur les représentations échoue encore à capturer l’unité de l’action et de la perception, de la pensée et de l’action, ainsi que de la subjectivité et de l’intersubjectivité. En fait, de ce point de vue, la « cognition sociale [...] est incarnée seulement dans la mesure où les représentations du format corporel impliquées dans la perception miroir sont utilisées pour représenter les actions ou les états mentaux des autres » (Gallagher, 2017, p. 4-5). Dans l’incarnation aussi bien fonctionnaliste qu’internaliste, l’esprit est ainsi décrit en termes de facteurs internes d’un système vivant. Les fonctionnalistes interrogent le rôle causal joué par chaque état mental dans le fonctionnement opérationnel du système, pendant que ceux qui défendent le point de vue internaliste considèrent que l’intégration des états du corps et des états neuronaux de l’agent sont constitutifs de la vie mentale. Dans les deux cas, cependant, le monde extérieur reste, dans un certain sens, détaché des processus internes, qui exemplifient véritablement l'activité mentale. Les ressources internes et externes sont discontinues entre elles – elles relèvent de domaines séparés.

Des recherches plus récentes inspirées par l'ECS et la philosophie phénoménologique offrent un point de vue différent. Si nous considérons le corps comme un outil constitutif de la cognition, il ne peut être examiné que dans son interaction dynamique avec son environnement. En d’autres termes, le corps n’opère pas en vase clos (Chemero, 2009). De ce fait, l’ECS met l’accent sur l’implication nécessairement totale du corps et du monde pour la réalisation de la vie mentale. Cela implique des modèles d’adaptation comportementale, émotionnelle et sociale qui sont mis en œuvre dans un milieu contingent, donnant naissance à un système cerveau-corps-environnement complexe, où des aspects inhérents à chacun de ces éléments sont mutuellement pertinents pour le maintien et le développement du système dans son ensemble (Varela et al., 1991). Un tel point de vue résonne avec les observations antérieures sur la notion de « système fonctionnel » examinée par Luria (1966), qui a défini la flexibilité comme l'ensemble des objectifs constants et cohérents mis en œuvre par les réponses issues de l'environnement. Cependant, l'ECS ne conçoit pas la relation entre le système vivant et l'environnement tel qu'il est saisi par un schéma de stimulation-réponse. Au contraire, les chercheurs dans le domaine de l’ECS soutiennent souvent qu'il y a une adaptation mutuelle entre les niches et les systèmes vivants qui modifie constamment les trajectoires des contraintes intérieures et extérieures, rendant superflu le recours aux intrants et aux extrants. Ces chercheurs s'inspirent donc de plus en plus des ressources offertes par la théorie des systèmes dynamiques – un outil mathématique adopté pour explorer comment les systèmes complexes se développent dans le temps par la convergence et la divergence de leurs éléments (Strogatz 1994 ; Kelso 1995). Des travaux inspirés par de telles idées échangent l’utilisation de mesures de réaction à une stimulation, contre des ensembles « d’équations différentielles qui expriment l'ampleur de la variabilité entre des paires de composants couplés (non linéairement) » (van der Schyff et al., 2018), en l'appliquant à un vaste éventail de domaines, dont la musique (Large et al., 2016 ; cf. aussi Schiavio et al., 2017a ; van der Schyff et Schiavio, 2017a, b ; Walton et al., 2014).

Parce que ce déploiement d’un réseau d'interactivités définit un horizon ouvert de possibilités d'action viable, l'ECS peut nous aider à décrire les processus flexibles d'acquisition et de développement des compétences (Schiavio et al., 2017b). En particulier, comme l'ECS accorde une importance égale aux structures et aux processus internes et externes au système vivant, une approche de l'acquisition des compétences fondée sur un tel point de vue suppose une forte continuité entre l'organisation biologique intrinsèque des systèmes vivants, leur phénoménologie et leur capacité à générer et à maintenir des relations stables avec l'environnement (Weber et Varela, 2002)9.

Dynamiques collectives et émergence de compétences optimales

Imaginez deux jeunes musiciens amateurs improvisant ensemble, ou deux basketteurs non professionnels participant à un match entre copains. Le fait de jouer ensemble les amène à développer leur expertise et une connaissance mutuelle, ce qui nécessite une intégration fluide des ressources mentales et comportementales. Alors qu’il est facile de voir comment les compétences existantes peuvent être améliorées grâce à la participation à de telles pratiques, il est plus compliqué d’expliquer comment de nouvelles compétences peuvent émerger. En effet, la connaissance n'est pas ici transmise entre les deux (leur degré d’expertise est supposé être égal), ni ne peut être détectée dans l'environnement (aucune instruction n'est donnée par un professeur ou un entraîneur).

Une première solution pourrait impliquer ce qui est généralement défini comme de la « psychologie populaire » – chaque individu interprète ce que fait l'autre en fonction de son propre état mental (par exemple, ses intentions, désirs, pulsions, etc.). En analysant et en anticipant systématiquement ce que l’autre a en tête, de nouvelles configurations comportementales peuvent émerger comme des adaptations à ce que l'autre fait (ou est sur le point de faire). Selon cette interprétation, on pourrait dire que les individus en interaction surveillent et modulent constamment leurs schèmes moteurs existants en fonction de ce que les autres pourraient faire, ce qui entraîne des modifications dans leurs actions, qui donnent ensuite naissance à de nouvelles compétences. Toutefois, à y regarder de plus près, ce point de vue implique que la réalisation d'un but donné (par exemple, jouer un vibrato au bon moment pendant une improvisation, trouver le joueur libre lors d'une remontée rapide au basket-ball) reste toujours basée sur le répertoire sensorimoteur personnel de l’individu (cf. Proctor et Vu, 2006). En effet, selon la description classique de James (1890), les plans d'action sont sélectionnés par un individu en fonction de leurs conséquences immédiates. Cela implique toutefois un possible paradoxe. Comment la performance peut-elle devenir efficace dans des situations communes si les possibilités motrices, conformes aux contingences contextuelles du moment, sont limitées par le répertoire d'actions accessible à chaque individu ? Considérons la manière dont un violoniste classique peut répondre à un crescendo inattendu du pianiste avec lequel il est en train de jouer. Les ressources internes déjà existantes sont-elles manipulées et transformées en fonction de ce qu’exige la situation ? Ou bien la génération de nouvelles stratégies comportementales efficaces exige-t-elle que le système vivant négocie en temps réel entre les ressources internes et externes ?

Pour répondre à ces questions, il peut être utile d’aborder des exemples d'activités musicales improvisées et collectives (Borgo, 2007 ; Heble et Laver, 2016), de pratiques privées ou de séquences de jeu délibéré en sport10 (Côté et al., 2007 ; Laurin-Landry, 2018 ; Uehara et al., 2018).

Les enfants et les adolescents passent souvent leurs temps de récréation à l’école à jouer au football ou au basket-ball. Dans ces situations, ils sont libres d'explorer leurs possibilités physiques et d’expérimenter divers mouvements et interactions. Parce que les règles de ces « pick-up games »11 sont souples et souvent adaptées au contexte, les jeux peuvent être adaptés à ces règles et réciproquement. Ces « jeux délibérés » offrent donc des possibilités intéressantes pour improviser, explorer, apprendre et trouver des solutions adaptées aux contextes. Par exemple, pour participer à une partie de football avec des adversaires plus âgés et plus expérimentés, un enfant doit développer de nouveaux répertoires d'actions (par exemple des compétences techniques et tactiques) cohérents avec les différentes possibilités qui peuvent être explorées et qui lui permettront de rester dans la dynamique du match. Lire dans l’esprit de l'adversaire n'est pas suffisant. L'adaptation doit être rapide, fluide, dynamique et significative par rapport au contexte. De même, lors d’une improvisation avec un musicien de jazz expérimenté, on peut se rendre compte que la différence de niveau est plus importante que ce qui était attendu. Cependant, de nouvelles solutions visant à optimiser la performance peuvent émerger grâce à un travail constant d’interaction : les deux musiciens peuvent s'adapter l’un à l'autre – par exemple, un solo peut être sciemment répétitif pour permettre à l'autre d'explorer de nouvelles progressions et possibilités harmoniques. Dans la recherche en éducation musicale, il a récemment été soutenu que les contextes qui privilégient la performance et la collaboration peuvent favoriser l’adaptation aux autres et stimuler la confiance ainsi que la compréhension sociale (Higgins et Mantie, 2013), amenant les chercheurs à se concentrer sur les pratiques d'apprentissage informel (Green, 2001, 2008). Dans ces contextes, les significations (musicales) sont transformées de manière récursive et collaborative, suscitant une créativité qui n'implique pas de règles prescriptives ni de mécanismes de lecture de l'esprit (cf. van der Schyff et al., 2016). De même, Ryan et Schiavio (2019), parmi d’autres, ont proposé l’hypothèse que la pratique musicale est intrinsèquement étendue12, suggérant comment les ressources culturelles, sociales et physiques (internes et externes à l’individu) participent du résultat de la performance et sont intégrées de manière fluide à celle-ci. Selon ce point de vue, même une catégorie comme « l'agentivité » peut se répartir entre les individus, donnant naissance à un réseau complexe d'expériences collectives qui peuvent contribuer à la pratique individuelle.

Des recherches récentes en psychologie du sport ont proposé des perspectives similaires. En adoptant des méthodologies qualitatives basées sur des entretiens invitant les athlètes à revivre leurs expériences antérieures, plusieurs études se sont focalisées sur les dynamiques collaboratives dans divers milieux sportifs. Ces études ont, par exemple, porté sur un match de tennis de table (Sève et al., 2002), une épreuve acrobatique (Hauw et Durand, 2004) et un ultra-trail (Rochat et al., 2017, 2018). Ces études soulignent la forte interaction récursive entre les corps en activité, les états internes et les ressources extracorporelles13. On pourrait donc avancer que les actions des athlètes sont le fruit de l'intégration fluide de composantes internes et externes (cf. également Semin et Cacioppo, 2008 ; Hwang et al., 2018 ; van Opstal et al., 2018). Il est important de noter que de tels éléments peuvent uniquement être exploités à travers une action, donnant lieu à des boucles continues où les athlètes façonnent leur action et sont façonnés en même temps par les diverses contingences propres à chaque contexte et associées à (l’objectif de) chaque performance. Ici, l'unité structurelle entre les processus comportementaux et phénoménologiques a été considérée dans les cas où les agents sont en mesure de contrôler et de superviser « de l'intérieur » la dynamique de leur propre performance14.

Le large éventail d'exemples fournis ici montrent à quel point de nouvelles possibilités d'action peuvent être développées et négociées en temps réel au cours de la performance. Les formes unidirectionnelles d'apprentissage sont ensuite échangées contre des « explorations » plus dynamiques des différentes possibilités d'action émergeant des interactions et des affordances de l'environnement (cf. Schiavio et Cummins, 2015 ; Schiavio, 2016). Il apparaît ici que « les formes d’action flexibles et adaptatives, qui ne sont manifestement pas le produit de la délibération ou de la réflexion explicite, peuvent toutefois être mieux comprises comme impliquant certaines sortes d’intelligence (dynamique, incarnée) » (Sutton et al. 2011, p. 78). L'expérience de la performance avec une ou plusieurs autres personnes ne peut être réduite à une simple réponse « aveugle » (« mindless ») à une perturbation externe. Elle émerge du couplage interactif continu et le soutient ; elle englobe des aspects émotionnels, corporels et culturels qui peuvent ne pas être présents dans des contextes individuels ; elle est continue et inclut un large éventail de processus métaboliques et neuronaux singuliers ; et donne, entre autres, à de multiples agents des responsabilités partagées (par exemple, le maintien de l'interaction). À mesure que l'activité conjointe se déroule, les différentes trajectoires comportementales se développent, avec un horizon partagé de possibilités significatives pour de nouvelles (inter) actions à cocréer. Cette dynamique incarnée permet d’éviter la dichotomie entre les domaines comportementaux et réflexifs et, en même temps, déplace l'unité d'analyse de l'individu vers le groupe. Ici, ce qui est significatif devient ce qui est partagé. Dans cette optique, les compétences sont « relationnelles » dans le sens où elles sont partagées et négociées par une communauté de pratique, en même temps qu’elles sont développées et vécues dans un contexte donné. Il peut être particulièrement utile de différencier les expériences intersubjectives des cas où les systèmes vivants s'engagent avec les outils propres à un environnement (par exemple, un instrument de musique, un ballon, etc.). Si ces deux dimensions sont importantes pour l'acquisition de compétences optimales, chacune a sa propre phénoménologie et ses principes fondamentaux – en tant que tels, ils pourraient être mieux décrits de manière autonome. Dans ce qui suit, nous nous concentrons sur l'expérience sociale, incarnée. Nous identifierons d'abord trois catégories qui ne peuvent sans doute émerger que dans un tel contexte, puis nous explorerons leur rôle dans les fondements partagés de l'acquisition des compétences.

Des compétences au-delà de l’individu

De nombreuses compétences individuelles dans le domaine de la musique et du sport sont souvent optimisées et développées en collaboration, grâce à un effort (inter) actif basé sur l'adaptation réciproque et la conscience corporelle (cf. Montero, 2010). Dans de nombreux cas, la performance et l'apprentissage se chevauchent largement, intégrant le soi et l'autre, l'action et la perception, ainsi que le faire et le savoir dans la dynamique contextuelle de l'action. Pour mieux comprendre comment cela est possible, cette partie examine trois dimensions principales de l'acquisition de compétences : (1) le sentiment d'être ensemble, tel qu'il est mis en œuvre de manière significative dans les manifestations musicales et sportives collectives ; (2) la capacité à s'adapter avec habileté aux demandes des autres membres du collectif ; et (3) le développement de formes distribuées de la mémoire corporelle.

Le sentiment d’être ensemble

Les modes d'interaction entre les membres d’une équipe sportive ou d’un ensemble musical ne sont pas pleinement préétablis ; au contraire, ils sont constamment façonnés par les contraintes de l’environnement que les agents apprennent à maîtriser et à exploiter pendant la performance (Fuchs et De Jaegher, 2009 ; Di Paolo et al., 2010 ; Araújo et Bourbousson, 2016 ; Schiavio et van der Schyff, 2016). Gesbert et Durny (2017), par exemple, ont souligné comment les objectifs poursuivis par des footballeurs en compétition (c'est-à-dire essayer de marquer un but tout en maintenant l'équilibre défensif de l'équipe) sont constamment ouverts à des processus interprétatifs qui émergent de leurs interactions avec l'environnement. Selon la partition musicale, les réactions du public, le moment du match, le coéquipier avec le ballon, la position des adversaires, la zone où se trouve le ballon, etc., chaque musicien ou joueur peut constamment réinterpréter la situation de manière à ce que cela fasse sens pour l'ensemble ou l'équipe. Les objectifs poursuivis par les différents individus ne sont donc, d'une certaine manière, jamais totalement « individuels » – ils sont développés, transformés et manipulés à la lumière de contraintes collectives spécifiques, ouvrant un nouvel horizon de possibilités d'actions conjointes. Dans le même esprit, d'autres études ont montré la manière dont une certaine sensibilité aux informations extérieures permet aux membres de l'équipe de saisir l'état de la coordination du groupe à travers le sentiment d’être ensemble – ou de ne pas être ensemble (cf. Lund et al., 2012, 2014). Une part importante de ces expériences correspond au sentiment immédiat d'être affecté par les autres (Colombetti et Torrance, 2009 ; He et Ravn, 2017). Selon Himberg et al. (2018), le sentiment d'agir avec les autres est une part essentielle de la performance collective : parce que l'activité des individus dépend, dans certaines situations, de l'interaction réciproque avec les autres, il est nécessaire de prendre part activement à des processus de coadaptation efficaces. Cela implique des formes partagées d'émotion, d'intelligence et de coordination – la coexistence de l'action et de la perception des coperformeurs dans un couplage continu, où l'expérience individuelle est constituée en partie par ce qui constitue l'expérience de l'autre (Froese et Di Paolo, 2011 ; Tanaka, 2017).

Un scénario similaire a été examiné dans une étude récente de Schiavio et al. (2018a) (cf. également Gande et Kruse-Weber, 2017). Ici, un programme de pédagogie informelle a été examiné au moyen des entretiens qualitatifs recueillis avec des « facilitateurs » – des musiciens experts qui ont guidé les sessions et permis aux participants de découvrir des possibilités musicales par l'improvisation collective et la pratique musicale coordonnée. Les débutants qui ont participé au programme ont été invités à interagir réciproquement et à s'adapter aux exigences spécifiques de chaque session (par exemple, batterie, chorale, etc.). L'étude montre comment la coopération, la communication non verbale et le sentiment d'appartenance à un groupe sont en relation continue avec des processus cognitifs plus généraux liés à la production de sens et ont favorisé l’émergence d’un sentiment partagé du collectif par le biais d'une (inter) action musicale. Le sentiment d'être ensemble, en particulier, a permis aux débutants de produire de la musique de façon organique – comme membres à part entière d’un collectif. Le programme, du point de vue des « facilitateurs », a fait ressortir le sentiment d'être un groupe, ce qui a permis aux participants de s'entraider et de rechercher activement des configurations musicales adaptées à leur environnement culturel et à l’expérience en cours.

Pour en revenir au sport, Lund et al. (2012) ont décrit la manière dont les rameurs ont progressivement fait l'expérience d'un rythme commun en étant de plus en plus attentifs à leur interaction mutuelle. La tension ressentie entre leurs mouvements pendant la performance leur a permis d'ajuster mutuellement leur action, ce qui suggère que la coperformance est réalisée par une intégration continue des ressources internes et externes, où la conscience et les significations sont développées à travers des formes d'action interactives (cf. également Schaffert et al., 2011, pour une focalisation sur la façon dont le retour auditif peut faciliter les ajustements de la performance en aviron). Dans la même logique, Gesbert et al. (2017) ont décrit comment une équipe de football, pendant les phases de non-possession du ballon, était sensible à la reconnaissance de l’organisation défensive initialement prévue avant de passer au travail collectif de récupération du ballon. La perception de cette organisation attendue – et du sentiment associé d'être ensemble – était cruciale pour chaque joueur afin de commencer ce travail collectif. Les mouvements d'un seul joueur, en raison de sa position ou de sa vitesse de replacement, peuvent simultanément empêcher la reconnaissance de cette organisation collective et le sentiment commun d’être ensemble. Comme la coordination est constamment réactualisée par la dynamique des actions individuelles, le sentiment d'être ensemble est constamment menacé. La sensibilité mutuelle à ces fluctuations de l'expérience est donc considérée comme l'une des principales caractéristiques de l'expertise collective (cf. par exemple, Saury et al., 2010). Par ailleurs, Gesbert et Durny (2017) décrivent comment deux footballeurs partageant le même objectif lors d’une contre-attaque (attaque rapide vers le but adverse) sont capables de développer des stratégies très précises sur la manière d’attaquer le but adverse. Alors qu'ils se rapprochaient du but adverse, l'un d'entre eux (Phil) est devenu sensible à la diminution rapide de la distance qui séparait son coéquipier porteur du ballon (Andrew) de l'adversaire (situé devant lui). Ayant compris qu'il n'avait pas les mêmes attentes qu'Andrew, Phil a cherché à ajuster son comportement. Si cet exemple montre clairement comment l'expérience des footballeurs est répartie entre les différentes couches de la conscience individuelle et collective, il convient également de noter que les individus affichent divers degrés de sensibilité à une telle expérience. En effet, dans le même cas, Andrew s'est concentré sur d'autres informations relatives au contexte et n'a pas perçu la fragilité de ce sentiment d'être ensemble. Il n'a pas été sensible au ralentissement de l'appel de balle de Phil et n'a pas adapté son activité à cette information.

Une adaptation habile

Tout en étant à l'écoute du sentiment d'être ensemble, les membres d’un groupe utilisent et (ré) interprètent souvent les informations liées au contexte pour s'adapter avec habileté aux besoins du comportement collectif (Walton et al., 2015 ; Bourbousson et Fortes-Bourbousson, 2016). Cela aide les individus qui participent ensemble à une activité à faire face, de manière constructive, à un large éventail de contingences, en développant des modèles d'action et de perception qui dépendent de leur comportement mutuellement adaptatif (cf. Fuchs et De Jaegher, 2009). Sur ce point, on peut considérer trois modalités d'adaptation qui ont été récemment observées par analyse inductive, dans des situations spécifiques au football : elles sont dites « locales », « globales » et « mixtes » (Gesbert et Hauw, 2017).

Le mode « local » décrit une adaptation de l’activité du joueur à son environnement proche, comme le comportement d'un adversaire proche ou d'un coéquipier porteur du ballon et de son adversaire direct (par exemple, s’éloigner de l’adversaire direct pour offrir une solution de passe au partenaire porteur du ballon). Le mode « global » décrit l’ajustement d’une activité à l’organisation collective d’une partie de l’équipe. Enfin, le mode « mixte » rend compte des adaptations à l’activité d’un adversaire ou d’un partenaire proche et à celle d’agents plus éloignés. Une étude récente (Gesbert et al., 2017) s’est intéressée à ces différents modes en étudiant comment les joueurs d’une équipe de football s’adaptent les uns aux autres pendant un match. Lorsque la coordination d’une équipe se met en place, de nombreux joueurs parviennent à une bonne perception de cette coordination en passant constamment d’un mode à l’autre. De même, des travaux en cours dans le domaine de la natation synchronisée (Gesbert et Hauw, en préparation) visent à caractériser les modalités d’interaction que ces athlètes utilisent afin de prévoir comment ils vont interagir lorsqu’ils seront confrontés à différentes perturbations provoquées par l’environnement. Adoptant une méthode inspirée par la phénoménologie et basée sur des entretiens qualitatifs, les auteurs décrivent comment deux nageuses (Monica et Isabella) réussissent à structurer leurs actions et s’adaptent l’une à l’autre en dépit des difficultés importantes pour maintenir une distance optimale15. Au cours d’une séance d'entraînement, leur entraîneur les a invitées à se chercher activement l’une l’autre, stimulant une réorganisation des schèmes d’action existants sur la base de leur capacité à s'adapter l’une à l’autre.

L'entraîneur ne leur a pas demandé de remettre en cause leurs compétences motrices acquises, mais a modifié les contraintes de l’exercice (par exemple, la distance). L’objectif était ainsi de favoriser l’émergence d’un nouvel ensemble d’actions nécessitant une reconfiguration sensible de ces connaissances motrices, pour aboutir à l'acquisition de compétences et d’une expertise nouvelles. Encore une fois, on voit que les ressources qui émergent lorsque les agents interagissent de manière significative jouent un rôle constitutif dans le développement des compétences individuelles (Reed and Bril 1996, Hutto et al., 2015). Cela correspond aux résultats d'une récente étude qualitative comparant les expériences d'apprentissage musical dans des cadres individuels et collectifs (Schiavio et al., 2019). Il a ainsi été constaté que si les étudiants comptent souvent sur leur professeur pour optimiser leurs compétences, ils peuvent également bénéficier d'une interaction active avec leurs pairs : en échangeant et en se conseillant les uns les autres, en improvisant ensemble et en partageant leurs expériences personnelles, les débutants trouvent de nouvelles possibilités pour faire évoluer et développer leurs compétences techniques, musicales, expressives et communicatives. Les avantages de l'apprentissage commun sont également reconnus par les professeurs de musique, lorsqu’ils prennent délibérément « du recul » pour laisser à leurs élèves plus de liberté et de responsabilité dans leur propre apprentissage (Schiavio et al., 2018a). Cela suggère que la capacité à s'adapter efficacement aux exigences de l’environnement musical immédiat n'est pas seulement à l’œuvre chez les experts : elle peut également l’être chez les débutants – mais dans un sens plus orienté vers l'apprentissage.

Enfin, chez les athlètes expérimentés, Lund et al. (2014) ont observé chez les trampolinistes professionnels une meilleure synchronisation des mouvements lorsqu’ils restaient engagés dans le processus de saut en groupe16. Les auteurs décrivent ici comment les athlètes sont devenus progressivement sensibles aux sauts de leurs partenaires grâce au son produit par les deux trampolines pendant l'entraînement17. En d'autres termes, les modes d'ajustement peuvent être développés et améliorés grâce à un processus d'interaction diversifié et multimodal – les athlètes ressentent et façonnent directement la performance de l'autre, et les possibilités d'apprentissage sont continuellement réadaptées par la synchronisation avec les autres. Pour dire les choses plus simplement, sans interaction, de nouvelles solutions appropriées à ce contexte ne pourraient émerger.

Mémoire corporelle distribuée

Selon Fuchs (2017, p. 341), la mémoire corporelle distribuée implique « un ensemble de dispositions comportementales et interactives caractérisant les membres d'un groupe social qui se sont développées au cours d'expériences antérieures partagées et qui préfigurent désormais des interactions similaires au sein du groupe ». Considérons l’ouvrage de référence de Sudnow (1978), où est mise en avant une description phénoménologique détaillée de la trajectoire d'apprentissage nécessaire pour développer des compétences adéquates en matière d'improvisation au piano. Bien que l’objet étudié par Sudnow reste essentiellement son corps et son expérience personnelle, le rôle des autres corps n'est pas écarté. De ce fait, dans un passage souvent cité, Sudnow décrit comme suit le sentiment intense ressenti en regardant son mentor Jimmy Rowles se produire sur scène :

« Je l'ai observé nuit après nuit, je l'ai regardé passer d'un accord à l'autre dans un ample balancement de ses épaules et de toute l’envergure de son torse, je l'ai vu décrire des vagues de mouvements, certaines largement enveloppantes, d’autres subdivisant les larges traits ondulants par d’étroits mouvements de rotation, ainsi, lorsque son bras s’est tendu d’un accord vers l’autre, c’était comme si un point sur son dos délimitait en même temps un petit cercle lui permettant de maintenir le rythme de manière constante dans de très lents tempi » (Sudnow, 1978, p. 82).

Un tel événement, reconnaît Sudnow, a joué un rôle important en l'aidant à développer sa capacité à improviser et à reproduire des phrases musicales au piano. Grâce au corps de son professeur, il a pu accéder à de nouvelles possibilités et configurations motrices qu'il a ensuite explorées en autonomie. Dans ce cas, des comportements individuels ont été forgés par une expérience partagée, et développés après coup pour être approfondis dans d'autres situations. Dans d'autres cas, cependant, les co-acteurs doivent sans attendre interagir et partager leurs compétences au fur et à mesure de la performance. Prenons l’exemple d’une équipe de huit nageuses synchronisées rapporté par l’étude en cours de Gesbert et Hauw18. Pendant la chorégraphie, l’une des nageuses (Barbara) a réussi à mener les autres nageuses sans être en mesure de les voir. Comment a-t-elle pu le faire ? Elle explique : « À ce moment, je sais que les nageuses sont un peu trop éloignées les unes des autres après le dernier mouvement, alors je fais une brasse d'une certaine longueur, je suis sensible au nombre de mouvements à faire dans l'eau afin qu'elles puissent me suivre et que nous soyons toutes à la bonne distance. »

Notons qu’en dehors du bassin, elle ne pouvait pas décrire là où elle devait s’arrêter. Elle a seulement verbalisé son expérience lorsqu'elle a pu se mouvoir dans le bassin. Ses mouvements ont affecté ce qu'elle ressentait, lui permettant d'accéder à des « paysages mentaux », des mots et des expériences jusqu’alors absents. Quand elle a senti qu'elle avait atteint la bonne longueur, elle a décidé de s’arrêter. Bien que cette décision ait été prise intuitivement à partir de son activité corporelle dans le bassin, son action était clairement sous l'influence contraignante de toutes les situations passées (cf. Sutton, 2007 ; Fuchs, 2012, 2016 ; Sutton et Williamson, 2014). Autrement dit, cette sensation spécifique de longueur est à rapporter aux schèmes de mouvements de brasse que la nageuse a développés à partir d’expériences passées, c’est-à-dire à travers de multiples interactions, dans cette configuration particulière, avec d’autres nageuses. En un sens, donc, les schèmes d'action se formant dans la mémoire corporelle de Barbara ne lui appartiennent pas vraiment et ne doivent pas être considérés comme des propriétés de son activité individuelle. Ils peuvent être actualisés à travers son corps en mouvement, mais ils ont été développés grâce aux interactions corporelles avec d’autres nageuses (cf. Hauw et Bilard, 2017). Dans cette optique, Barbara, ses coéquipières, le bassin, l'entraîneur et leurs formes d’interaction sont tous devenus une part constitutive de son parcours d'apprentissage, avec différentes configurations dynamiques mises en œuvre individuellement dans le cadre d'un processus collectif. En d'autres termes, le style de la nage de Barbara peut être compris comme une adaptation continue aux modèles d’interaction réciproque impliquant des personnes et des choses. Pour mieux saisir cette idée, on peut se référer à la notion de « degeneracy » (Bernstein, 1967 ; Mason, 2010 ; Kelso, 2012 ; Komar et al., 2015). Elle permet de décrire comment le même résultat peut être atteint de diverses manières. Par exemple, il a été démontré que les basketteurs experts peuvent utiliser différemment les articulations du bas et du haut du corps (et les segments des membres) pour réussir leur tir tout en faisant face aux contraintes, notamment la distance par rapport au panier ou la position des défenseurs les plus proches (Davids et al., 2013). En d'autres termes, cette notion rend compte des diverses possibilités qu'ont les athlètes d'adapter leur comportement en fonction de leur interaction avec les autres athlètes présents ou des contraintes physiques.

Dans un article récent, Gesbert et Durny (2017) ont décrit comment les joueurs de football peuvent reprendre possession du ballon en exploitant des objectifs spécifiques et indépendants. En fonction de leur position sur le terrain (attaquant, milieu axial, milieu offensif latéral, etc.), ils ont chacun développé une compréhension mutuelle spécifique et compatible avec ce qui était en train de se passer. Même s'ils étaient en phase avec les informations contextuelles communes (telles que leur propre style défensif et/ou la configuration offensive de l'adversaire pour reconnaître une situation potentielle de reprise de possession du ballon), ils n'étaient plus conscients de ce que faisaient leurs coéquipiers. Après avoir repris possession du ballon, les joueurs ont directement prévu ce qui se passerait, de manière individuelle et collective. Ils ont « vu » les choses avant qu'elles ne se produisent grâce à leur capacité à revivre la situation précédente et à la projeter en fonction des nouvelles exigences contextuelles. La répétition de ces situations réalistes durant l’entraînement a provoqué des changements fondamentaux sur la perception de l’environnement par les joueurs. De fait, le développement de cette mémoire corporelle leur a permis de libérer leurs ressources attentionnelles, facilitant ainsi la performance. À cet instant, toutes les possibilités d’interaction développées par les joueurs de football au cours d’interactions répétées lors de compétitions et/ou d'entraînements ont été intuitivement réactivées. Grâce à la mémoire corporelle collective, les joueurs ont correctement compris et contextualisé les mouvements de chaque coéquipier, juste avant de reprendre possession du ballon, améliorant ainsi leur capacité à prévoir et à adapter leur comportement (par exemple, « nous ne sommes pas en position… Wilson est un peu trop loin de son adversaire… Je n'exerce donc pas de pression »). Enfin, comme indiqué précédemment, Lund et al. (2012) ont décrit comment deux rameurs (dont un débutant) ont appris à coordonner leur rythme. Les résultats ont mis en évidence comment, par l’intermédiaire d’ergomètres couplés, l’expérience d’une mutuelle synchronisation a permis aux rameurs de développer une mémoire kinesthésique et implicite d'un rythme asynchrone et leur a donné la possibilité de contrôler leur propre performance. Les mouvements entrelacés des rameurs amènent parfois des divergences rythmiques décrites par la rameuse débutante comme un « tjuk-tjuk » – ou le sentiment de ne pas être ensemble (cf. la section « Le sentiment d'être ensemble »). Par exemple, comme elle avait parfois tendance à glisser dans le siège, elle a noté que ce mouvement était lié à l'expérience d'un rythme asynchrone caractérisé par des gestes qui agissent les uns contre les autres. Cette sensation de « tjuk-tjuk » est devenue un rappel kinesthésique immédiat pour les rameurs pendant la performance, les aidant à rétablir un rythme synchrone.

Conclusion

Comme les compétences sont souvent considérées comme étant la propriété d'un seul agent, leur acquisition est conçue dès lors comme un processus individuel basé sur la raison, le talent et la pratique personnelle. Cependant, les études s’intéressant aux réalisations individuelles peuvent conduire à l’hypothèse d’une forte discontinuité entre les états psychologiques intérieurs et le comportement extérieur. L'accent mis sur les réponses automatiques (c'est-à-dire l'action « sans esprit ») peut ne pas résoudre cette dichotomie. En effet, postuler une complète automaticité en réponse aux imprévus liés au contexte, afin d'expliquer la performance musicale ou sportive, maintiendrait la séparation entre les processus de haut et de bas niveau. Comme le soulignent Sutton et ses collaborateurs (2011), « les théoriciens ont tendance à évacuer complètement la psychologie de l’action, courant ainsi le risque de négliger l'interaction complexe entre les facteurs dynamiques incarnés et les facteurs cognitifs » (p. 89). Comme nous l'avons vu, toutefois, l'ECS offre une voie à suivre : en déplaçant le niveau d’analyse du comportement individuel vers la dynamique collective, nous serions à même de comprendre mieux comment le travail collaboratif contribue aux apprentissages, comment les mécanismes d’adaptation nécessaires dans le cadre d’une performance s’inscrivent souvent dans des environnements humains enrichissants et comment les usages et les répertoires d’actions sont distribués au sein d’une communauté de pratiques.

Ces perspectives pourraient entraîner une reconceptualisation importante des cadres d'apprentissage. Les outils inspirés par l'ECS, permettant de comprendre et de développer les compétences, peuvent aider les enseignants et les entraîneurs à trouver de nouvelles façons d'améliorer le processus d'apprentissage. De nombreuses études dans les domaines de la musique et du sport ont montré comment les apprenants utilisent des comportements préférentiels (par exemple, Lund et al., 2012 ; Laroche et Kaddouch, 2015) – c'est-à-dire qu’ils réitèrent spontanément les actions les ayant auparavant conduits à une performance optimale. Les entraîneurs et les enseignants peuvent ainsi, au sein de différentes situations de pratique collective, aider les apprenants à explorer des voies qui se situent en dehors de leur zone de confort. Ce processus nécessite une familiarisation avec la dynamique d'interaction impliquant (1) de nouvelles opportunités basées sur le sentiment d'être ensemble, (2) une adaptation constante à ce qui se passe autour de soi et (3) une prise de conscience des formes distribuées de la mémoire corporelle pour aider les sportifs et interprètes à prendre des décisions ensemble et à agir comme un seul individu lorsque cela est nécessaire. Il doit y avoir des éléments de continuité entre les différentes voies explorées, et cette exploration peut être développée en autonomie ou sous une supervision constante. Dans les deux cas, chaque apprenant peut s'épanouir et progresser à partir d'un point de départ défini et en s'appuyant sur l'interaction avec autrui. En explorant ensemble de nouvelles opportunités, les apprenants peuvent partager « l’instant présent », ainsi que des réflexions et des impressions sur leur pratique.

Une manière prometteuse de prendre en compte cette dimension dans les contextes d'apprentissage est d’utiliser explicitement des techniques de « reconstitution » (« re-enactment »). Dans le contexte du sport, par exemple, les vidéos sont largement utilisées afin de fournir un retour d'information après la performance et aider les athlètes à (re) connecter les sensations et les résultats de leur activité (par exemple, Hauw, 2018). Cependant, le retour d'information est très souvent associé à des remarques normatives sur les résultats ou le comportement (par exemple, « tu devrais le faire comme ça ! »). Pour cette raison, il a été proposé qu’une démarche réflexive autour des vidéos permettrait d’obtenir de meilleurs résultats (par exemple, Hauw, 2009). Le but n'est pas ici de comparer une performance à un modèle de comportement attendu ou idéal, mais plutôt de générer une reconstitution – ou une forme de revécu artificiel de l’expérience – à l'aide de la vidéo, qui peut ensuite être liée à un exemple normatif afin de travailler. Hauw (2018) a décrit comment l'utilisation de telles reconstitutions permettait de résoudre des problèmes ou de remédier à des perturbations du comportement moteur, de modifier une attitude contre-productive en compétition et de superviser le développement à long terme des athlètes. Dans ces cas, on demande aux athlètes de revivre leurs sensations (y compris corporelles) qu'ils ont éprouvées dans diverses situations. Cela implique un effort pour se « déconnecter » du moment présent et se projeter dans une situation antérieure. Les athlètes sont capables de décrire comment ils ont géré leurs interactions avec l'environnement et comment ils ont créé leurs propres situations (Hauw et Durand, 2007 ; Villemain et Hauw, 2014 ; Mohamed et al., 2015 ; Antonini Philippe et al., 2016 ; Gesbert et al., 2017 ; Gesbert et Durny, 2017 ; Rochat et al., 2018). Les vidéos ou autres traces d’une performance passée sont ainsi très utiles pour préserver et retrouver les marqueurs propres aux dynamiques de cette performance. D’autant que les techniques de reconstitution ne se limitent pas aux seules informations visuelles : elles peuvent également impliquer des signaux auditifs (Pizzera et al., 2017 ; cf. également, pour des revues, Sors et al., 2015, et Schaffert et al., 2019). En général, ces interventions peuvent aider les apprenants à « sentir » de nouveau, sans mouvement manifeste, la dynamique de l'action. À première vue, il peut sembler que soit dans ce cas perdu le type de comportements exploratoires associés aux trois modes décrits ci-dessus. Au lieu de cela il y a moyen de stimuler une sorte d'exploration mentale : les athlètes peuvent se voir offrir la possibilité d'analyser leur propre activité en évaluant la pertinence de leurs actions par rapport au contexte, ou peuvent être incités à envisager de nouvelles possibilités en provoquant un changement dans la façon dont ils vivent leur activité. Par exemple, existe-t-il des moyens plus efficaces pour atteindre de meilleures performances ? Comment les activités collectives impliquant les membres de l’équipe peuvent-elles être encouragées et développées dans le cadre d’interactions futures ? Les athlètes peuvent aussi être invités à évaluer simultanément leurs performances en fonction de leurs possibilités d'adaptation individuelles et collectives (par exemple, MacNamara et Collins, 2011 ; Gesbert et al., 2018). Dans ce dernier cas, des discussions et une réflexion partagée donneraient encore le sentiment d'être ensemble et permettraient peut-être de dégager ainsi des possibilités d'adaptation qui seraient développées collectivement. Des pratiques similaires peuvent ainsi aider à saisir la nature non dichotomique de la pensée et de l'action, dégageant de ce fait d’importantes perspectives méthodologiques qui peuvent être utiles aussi bien à la compréhension des différents processus à l’œuvre dans l’acquisition des compétences qu’aux futurs développements de l'éducation et de la pédagogie. Dans l'éducation musicale, l’utilisation d’un modèle similaire pourrait impliquer l'adoption de stratégies dites « conscientes » et le recours à la compétence métacognitive (cf. Concina, 2019). Comme l'indique Nielsen (1999), Jorgensen (1995) propose qu'avec les problèmes liés aux objectifs d'apprentissage, le contenu de la pièce, les supports d'apprentissage, la répartition du temps et les méthodes nécessitent d'être explicitement pris en compte et traités. Une extension possible de ces pratiques pourrait inclure « l'exploration mentale » (Høffding et Schiavio, 2019) de situations collectives, où il est demandé aux agents de rendre explicitement compte de ce qui se passe dans les moments de pratique commune. Bien qu'il n'y ait pas de consensus sur la manière de mettre en œuvre de façon cohérente des pratiques similaires dans différents contextes, l'adoption de ces stratégies peut constituer un contrepoint approprié aux pédagogies musicales d’improvisation et aux pratiques moins formalisées de sport et de jeu.

Traduction de l’article intitulé « Optimizing Performative Skills in Social Interaction : Insights From Embodied Cognition, Music Education, and Sport Psychology », publié dans Frontiers in Psychology, le 16 juillet 2019. Doi : 10.3389/fpsyg.2019.01542.

Cette traduction est publiée avec l’autorisation de la revue et des auteurs.

Sous la direction de Christian Hauer, dans le cadre d’un séminaire du Master Arts de l’Université de Lille, année universitaire 2020-2021

Édité dans sa version originale par : Claudia Gianelli, Istituto Universitario di Studi Superiori di Pavia (IUSS), Italy

Révisé dans sa version originale par : Mauro Murgia, University of Trieste, Italy ; Francesco Foroni, Australian Catholic University, Australia ; Theresa S. S. Schilhab, Aarhus University, Denmark ; Filippo Gomez Paloma, University of Salerno, Italy

1 Étroitement liés de par leur nature même à l’idée de performance, le sport et la musique constituent deux domaines idéals pour explorer les

2 Associée à des auteurs comme Husserl, Merleau-Ponty et Heidegger, la phénoménologie est une tradition philosophique qui explore les structures de l’

3 De façon très simplifiée, ce terme se réfère aux modèles de développement et d’évolution des échanges entre des systèmes vivants et leur

4 Il est fait référence ici au concept de « cognitive niche », qui renvoie, pour le résumer très rapidement, à l’idée d’écosystème. [NdT]

5 De l’anglais « cognitive economy » : la tendance des processus cognitifs à minimiser les efforts liés au traitement des données et à l’utilisation

6 Considérons le cas extrême d'une créature ayant une organisation biochimique complètement différente de la nôtre (par exemple un alien). Puisqu’il

7 Le « format corporel », tel que défini par Goldman, désigne un système de représentation interne du corps. [NdT]

8 Cela fait référence aux propriétés fonctionnelles des « neurones miroirs » – un ensemble de neurones sensorimoteurs qui s'activent lorsqu'ils

9 Ces idées ont été systématiquement explorées par les chercheurs qui défendent une vision plus radicale de l'ECS – « Enaction » (cf. Di Paolo et al.

10 Selon la définition proposée par Daphne Lauren-Landry (2018, abstract), « [l]e jeu délibéré est un engagement précoce dans une activité physique

11 Les « pick-up games » sont traditionnellement définis comme des jeux qui sont spontanément lancés par leurs participants.

12 Concept selon lequel l’environnement fait partie, à tout instant, des processus cognitifs propres à l’individu (cf. Andy Clark et David Chalmers

13 Les signaux corporels provenant de l’action en cours (cf. l’impression de courir trop vite) peuvent être associés avec les affordances propres à un

14 Par exemple, les trampolinistes pratiquant des sports acrobatiques ont déclaré avoir une conscience claire de ce qui se passe à certains moments (

15 Il est en effet ressorti des entretiens que la vérification et le maintien de la distance entre les nageuses étaient leur principale préoccupation.

16 Le trampoline synchronisé est caractérisé par un acte de compensation continue. Le principal objectif pour les athlètes est ainsi de convenir

17 Cela s'aligne sur les travaux récents dans le domaine des sciences du sport qui soulignent le rôle de la rétroaction auditive dans l'optimisation

18 L’étude est maintenant disponible : Vincent Gesbert et Denis Hauw, « Analyse des modalités d'interaction enactées par les nageuses artistiques lors

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Notes

1 Étroitement liés de par leur nature même à l’idée de performance, le sport et la musique constituent deux domaines idéals pour explorer les dynamiques sociales, incarnées et créatrices impliquées dans l’acquisition de compétences. Tandis que chacun de ces domaines s’inscrit dans des traditions, des contextes et des objectifs spécifiques, un point leur est commun : le contrôle des compétences, de même que leur développement et leur optimisation.

2 Associée à des auteurs comme Husserl, Merleau-Ponty et Heidegger, la phénoménologie est une tradition philosophique qui explore les structures de l’expérience et de la conscience.

3 De façon très simplifiée, ce terme se réfère aux modèles de développement et d’évolution des échanges entre des systèmes vivants et leur environnement.

4 Il est fait référence ici au concept de « cognitive niche », qui renvoie, pour le résumer très rapidement, à l’idée d’écosystème. [NdT]

5 De l’anglais « cognitive economy » : la tendance des processus cognitifs à minimiser les efforts liés au traitement des données et à l’utilisation des ressources. [NdT]

6 Considérons le cas extrême d'une créature ayant une organisation biochimique complètement différente de la nôtre (par exemple un alien). Puisqu’il est assez simple d’imaginer que ce système vivant possède la même disposition psychologique que nous à ressentir la douleur (par exemple), il est soutenu que la psychologie devrait traiter de généralisations abstraites plutôt que de substrats neurologiques ou physiques.

7 Le « format corporel », tel que défini par Goldman, désigne un système de représentation interne du corps. [NdT]

8 Cela fait référence aux propriétés fonctionnelles des « neurones miroirs » – un ensemble de neurones sensorimoteurs qui s'activent lorsqu'ils effectuent une action et lorsqu'ils observent la même action effectuée par un autre individu (di Pellegrino et al., 1992 ; Gallese et al., 1996 ; Rizzolatti et al., 1996). Leur activation, comme Rizzolatti et Sinigaglia (2010) le suggèrent, peuvent transformer les représentations sensorielles de l’activité motrice des autres en une représentation motrice (une représentation du corps-formaté) similaire dans le cerveau de l’observateur.

9 Ces idées ont été systématiquement explorées par les chercheurs qui défendent une vision plus radicale de l'ECS – « Enaction » (cf. Di Paolo et al., 2017 ; Gallagher, 2017) – qui met l'accent sur la manière dont la complexité cognitive d'un organisme est déterminée de manière récursive par (1) ses propres lois métaboliques et (2) les structures (méta-métaboliques) inhérentes à sa niche (Maturana et Varela, 1980). Ici, nous nous concentrerons principalement sur les racines phénoménologiques de l’ECS.

10 Selon la définition proposée par Daphne Lauren-Landry (2018, abstract), « [l]e jeu délibéré est un engagement précoce dans une activité physique intrinsèquement motivante qui procure une gratification immédiate ainsi qu’une expérience de plaisir ». [NdT]

11 Les « pick-up games » sont traditionnellement définis comme des jeux qui sont spontanément lancés par leurs participants.

12 Concept selon lequel l’environnement fait partie, à tout instant, des processus cognitifs propres à l’individu (cf. Andy Clark et David Chalmers, The Extended Mind, 1998). [NdT]

13 Les signaux corporels provenant de l’action en cours (cf. l’impression de courir trop vite) peuvent être associés avec les affordances propres à un environnement (cf. la forme particulière de la piste) et les façons qu’ils ont d’informer sur les données d’une situation particulière (cf. une « mauvaise » sensation de saut au-dessus d’une haie pousse l’athlète à être plus prudent lors de la réception). En raison de l'interaction entre les ressources internes et externes, ils ne peuvent pas être considérés comme des représentations du format corporel.

14 Par exemple, les trampolinistes pratiquant des sports acrobatiques ont déclaré avoir une conscience claire de ce qui se passe à certains moments (par exemple, Hauw et Durand, 2007).

15 Il est en effet ressorti des entretiens que la vérification et le maintien de la distance entre les nageuses étaient leur principale préoccupation.

16 Le trampoline synchronisé est caractérisé par un acte de compensation continue. Le principal objectif pour les athlètes est ainsi de convenir ensemble du degré de compensation exigé pour les aider à conserver leur timing.

17 Cela s'aligne sur les travaux récents dans le domaine des sciences du sport qui soulignent le rôle de la rétroaction auditive dans l'optimisation des performances (par exemple, l'utilisation des sons pour détecter l'intention de l'adversaire) (cf. Allerdissen et al., 2017 ; Camponogara et al., 2017 ; Sors et al., 2017, 2018).

18 L’étude est maintenant disponible : Vincent Gesbert et Denis Hauw, « Analyse des modalités d'interaction enactées par les nageuses artistiques lors d'une chorégraphie », Conférence ACAPS (Association des chercheurs en activités physiques et sportives), 30/10/2019, https://www.researchgate.net/publication/337032354_Analyse_des_modalites_d%27interaction_enactees_par_les_nageuses_artistiques_lors_d%27une_choregraphie_collective [NdT]

References

Electronic reference

Andrea Schiavio, Vincent Gesbert, Mark Reybrouck, Denis Hauw and Richard Parncutt, « L’optimisation des compétences de performance dans l’interaction sociale, à la lumière de la cognition incarnée, de l'éducation musicale et de la psychologie du sport », Déméter [Online], 8 | Été | 2022, Online since 15 septembre 2022, connection on 19 mars 2024. URL : https://www.peren-revues.fr/demeter/861

Authors

Andrea Schiavio

Centre for Systematic Musicology, University of Graz, Graz, Austria

Vincent Gesbert

Faculty of Social and Political Sciences, Institute of Sport Sciences, Université de Lausanne, Lausanne, Switzerland

Mark Reybrouck

Musicology Research Unit, KU Leuven, Leuven, Belgium & Department of Musicology, IPEM, Ghent University, Ghent, Belgium

Denis Hauw

Faculty of Social and Political Sciences, Institute of Sport Sciences, Université de Lausanne, Lausanne, Switzerland

Richard Parncutt

Centre for Systematic Musicology, University of Graz, Graz, Austria

Translators

Nine Agneray

Agata Anikeeva

Luc Deduytschaever

Jules Dejardin

Éric Demaecker

Myriam El Ouartassi

Élodie Fortin

Boris Gilles

Antoine Jumel

Geoffrey Lesage

Livio Ratti

Lucien Valles

Copyright

CC-BY-NC