Revue K - Appel à contribution - Fr-En-It -

16 octobre 2024
Couverture du numéro  Revue K - Appel à contribution - Fr-En-It -

Appel à contribution

 

K. Revue trans-européenne de philosophie et arts

14, 1/2025

 

Science de la soustraction :

le geste d’Ettore Majorana

 

 

Dans La vie de Galilée, Brecht met en évidence le lien entre le développement de la science et la possibilité de la catastrophe finale de l’humanité. Brecht identifie dans l’histoire de Galilée et dans le travail même du scientifique – au début, donc, de ce que l’on appelle la « révolution scientifique » – le moment historique où ce lien devient indissoluble et définitif.

Les éditions suivantes de la pièce témoignent de la prise de conscience progressive de Brecht. Avant que n’éclate la Seconde Guerre mondiale, au moment de l’écriture de La vie de Galilée, au Danemark, en 1938, Galilée est pour Brecht un personnage historique positif qui, en dépit de pressions politiques considérables, parvient à faire vivre son engagement en faveur de la connaissance. Au contraire, après la guerre, Galilée est présenté dans une perspective beaucoup plus sombre et pessimiste. Lorsqu’en 1945 Brecht rédige une nouvelle version de sa pièce, en Californie, Galilée devient en effet celui qui s’est rendu coupable d’une faute inexpiable : il a capitulé face à l’autorité politico-religieuse ; il a incessamment cherché des compromis avec le pouvoir.

Si son jugement sur Galilée change de manière aussi brutale, c’est parce qu’après les bombes sur Hiroshima et Nagasaki Brecht estime qu’aucune exaltation n’est plus possible face à l’évolution des connaissances scientifiques. Dans cette optique, il s’emploie à démanteler une certaine légende de la science, c’est-à-dire l’image du savoir qui a été construite par la bourgeoisie montante : le savant n’est, par prédestination ou par vocation naturelle, ni un héros, ni un saint, ni même un sage qui aurait raison en toute circonstance ; sa recherche, qui ne relève jamais de la seule initiative personnelle, est prise au piège des jeux de domination et de pouvoir qui ne cessent d’en fausser l’orientation. Le récent film de Nolan sur Oppenheimer (2023) montre bien comment le chemin de la science est parsemé de voies sans issue, des impasses qui, dans une alliance de plus en plus stratégique avec les différents pouvoirs, finissent par aboutir à un « cri de douleur universel ».

Dans la pièce de Brecht apparaît, de façon fugace, un personnage – spectral, innommable – qui pouvait peut-être représenter une parabole différente dans le développement de la science, car il ne recule pas, ne serait-ce que d’un pas, sur la question de la responsabilité et de la liberté du philosophe face aux instances du pouvoir. Mais Giordano Bruno a été condamné au bûcher. Après lui, seules les cendres et le silence.

Il semble en effet inimaginable que puisse se répéter une fureur brunienne. L’Europe de Bruno est déjà celle de la disciplinarisation sociale et culturelle, et pourtant, des errances, des tentatives de soustraction à l’ordre raisonnable des choses, des recherches plus libres étaient peut-être encore possibles, comme le confirment certaines recherches de Carlo Ginzburg. Aujourd’hui, le destin de la science semble scellé, comme le montre le cas d’Oppenheimer qui, malgré tout, pense et met en œuvre la bombe parce qu’il a encore foi dans l’autonomie de la science par rapport au pouvoir. Trahison ou pieuse illusion, peu importe aujourd’hui : pour Oppenheimer, l’invention de la bombe est aussi la dernière tentative – extrême, paradoxale – de la science pour mettre fin à la guerre, contre les pouvoirs ou, à la manière de Galilée, à leurs côtés. Toutefois – comme le suggère le film de Nolan – Oppenheimer peut-il vraiment devenir un messager de la paix ? Ou sa figure scelle-t-elle, au contraire, à l’ère atomique, la capture de la paix dans la logique de la guerre ? À une époque où les armes sont conçues pour anéantir l’humanité dans son ensemble, il n’y a pas de dehors par rapport à la guerre (pas même la paix) – sauf à s’évanouir dans le néant.

Nous vivons le « temps de la fin », c’est-à-dire ce temps qui ne peut être remplacé par un autre temps, mais seulement par sa fin, pour reprendre les intuitions de Gunther Anders. Dans la fin, nous avons l’intention, avec ce numéro de K, de mettre à l’épreuve une ultime possibilité, celle du rejet radical, inconditionnel et inconditionnable, pur, du lien entre la science et le pouvoir.

Avec Ettore Majorana, nous nous proposons de donner un nom à ce refus. Il s’agit de suivre l’hypothèse de Leonardo Sciascia (La disparition de Majorana, 1975) selon laquelle Majorana a entrevu ce que Fermi, en 1934, ne parvient pas à voir : les expériences que le groupe de la rue Panisperna réalise sur la radioactivité pourraient conduire à la fission de l’atome d’uranium. Majorana écrit à sa sœur : « La physique n’est pas sur la bonne voie ». Car l’époque de la bombe est aussi celle où « les facultés humaines se perdent mutuellement de vue », comme l’écrit une fois encore Anders, et à ce que font la production et la science ne correspondent plus une raison et une politique capables d’assurer la contemporanéité de l’espèce par rapport à ses propres actions. En des termes presque analogues, Hannah Arendt avait défini les trajectoires de Spoutnik 1 comme le moment à partir duquel « la condition physique et matérielle de nos pensées » ne serait plus en mesure de suivre « ce que nous faisons ». La nature agressée et exploitée ne peut donc pas seulement être l’objet d’une écologie dissociée de son propre enracinement dans les différentes conditions historiques et sociales, c’est-à-dire matérielles ; au contraire, comme l’établiront plus tard les occupants de Notre-Dame-des-Landes dans la préhistoire des Soulèvements de la Terre, « nous sommes la nature qui se défend » des processus extractifs et productifs qui conduisent à sa désuétude et à son caractère socialement résiduel. À une telle instance, la morale bourgeoise a instamment répondu en imputant les effets du développement scientifique aux usages plus ou moins consciencieux qui peuvent en être faits, tandis que ne semblent pas moins effectifs les cadres économiques et institutionnels dans lesquels la recherche élabore le prius de la nature (ce que nous sommes nous aussi) dans la perspective de la découverte. Le geste de Majorana, en ce sens, peut certainement être ramené à un « instinct de conservation : pour soi-même, pour l’espèce humaine », comme le soutient Sciascia, mais il s’agit aussi d’un mouvement qui, avant même de s’opposer à un éventuel scénario de la bombe et de l’extinction, élude un agencement spécifique de relations sociales ainsi que l’orientation de la science dans laquelle elles s’expriment.

Entre-temps, en disparaissant sans laisser de traces, Majorana aura fait de sa personne le chiffre même du statut du réel dans l’univers probabiliste de la physique contemporaine (Agamben, Qu’est-ce que la réalité ? La disparition de Majorana, 2016). De telle sorte, sa disparition serait la décision d’emprunter une autre voie, en s’évanouissant, afin d’échapper à quelque complicité que ce soit : sa seule chance, c’est d’abandonner l’œuvre (le jeune scientifique de Catane, selon Sciascia, « essaie de se soustraire à l’œuvre, à l’œuvre qui, conclue, conclut »).

L’hypothèse que nous entendons vérifier est que le non-faire, jusqu’à l’effacement de soi, est le geste qui reste aux hommes et aux femmes lorsqu’il n’y a plus rien à faire. La défection de Majorana, dans cette optique, est radicale et pure précisément en tant qu’il décide de se soustraire à toute nouvelle capture possible dans le système du pouvoir et du savoir.

Selon cette ligne générale, nous pouvons proposer quelques points sur lesquels les contributions devraient se concentrer :

1)               En avril 2022, huit étudiants d’AgroParis Tech, l’une des plus importantes écoles d’ingénieurs d’agronomie en France, font scandale le soir de leur cérémonie de remise des diplômes dans la prestigieuse salle Gaveau à Paris, en appelant leurs camarades à « déserter », rejetant les « opportunités » offertes par leur école, dans la mesure où les savoirs qui y sont enseignés ne les incitent qu’à participer à la destruction sociale et écologique. Au cœur de cet appel se manifeste précisément la volonté des jeunes étudiants de se soustraire au caractère ouvertement destructeur du savoir scientifique. La proposition de « grandes démissions » est une « arme de la critique » intéressante pour se préparer à affronter sur un plan théorique des savoirs qui, à partir de l’enseignement universitaire, sont définitivement soumis aux logiques des forces économiques et politiques, mais il faut comprendre si et comment cette arme réussit à se transformer en une « critique des armes », c’est-à-dire si elle devient une « force matérielle ». Certains mouvements en France, tels que « Les soulèvements de la Terre », semblent s’engager dans cette voie.

2)               « L’homme se désagrège et se volatilise dans cette même substance dont sont faits les rêves » : la lecture shakespearienne de Majorana proposée par Sciascia suggère que la reconstruction des désertions radicales, comme celle du scientifique de Catane, n’est possible qu’à travers le monde de l’image, et en particulier avec le cinéma.

3)               La disparition de Majorana n’est pas un simple effacement de soi, comme celui imaginé par Mattia Pascal. Elle prend aussi la forme d’un défi im/possible, in/volontaire, lancé à ceux qui continuent à faire. Cette disparition est alors peut-être la tentative d’une infinie multiplication métamorphique, d’une destruction toujours créative de son propre ego, comme celle de Vitaliano Moscarda (Pirandello, Uno, nessuno e centomila), pour rester en Sicile. Si l’horizon est celui, catastrophique, de l’explosion du monde, il s’agit d’expérimenter de nouvelles modalités inédites d’existence dans la fin. Un « style de vie » inopérant, hors du monde ? Dans cette optique, il est possible de réactiver véritablement un dialogue entre science et littérature, en comparant le geste de Majorana à celui des différents « artistes de la faim » du XXe siècle, tels que Marcovaldo, Bartleby ou le Jeûneur de Kafka.

4)               Dans le fracas de plus en plus assourdissant de la guerre, le geste de Majorana peut-il être répété ? Et cette répétition peut-elle avoir une puissance politique ? Peut-on imaginer une lutte contre les guerres en cours qui s’affirme par la non-affirmation du moi ? Et comment les ombres peuvent-elles mettre fin à la réalité de la guerre ?

5)               Pour rester dans la perspective de Nietzsche, la science est-elle aujourd’hui une nouvelle idole ? Est-il permis de concevoir ne serait-ce qu’idéalement des limites à l’exercice de la science qui ne viendraient pas de la science elle-même ? Ou bien devons-nous aujourd’hui céder à une équivalence entre technique et science qui, justement, comme pour la bombe atomique, ne peut que produire la catastrophe ?

 

 

Les propositions devront être envoyées avant le 17 novembre 2024 (2 500 caractères max.)

À l’adresse :krevuecontact@gmail.com

En cas d’acceptation de la proposition, la remise de l’article devra avoir lieu au plus tard le 19 avril 2025.

Après cette date, la contribution sélectionnée sera automatiquement exclue du numéro de la revue.

***********************************************************************************************

Call for papers

 

K. Revue trans-européenne de philosophie et arts

 

14, 1/2025

 

The Science of Subtraction

The gesture of Ettore Majorana

 

In hisLife of Galileo, Brecht highlights the link between the development of science and the possibility of the final catastrophe of humanity. In the story of Galileo and in the work of the scientist himself (i.e. at the beginning of the so-called 'scientific revolution'), Brecht identifies the historical moment in which this link becomes indissoluble and definitive.

Subsequent editions of the play bear witness to Brecht's progressive awareness-raising. Before the outbreak of the Second World War, when writing Life of Galileo in Denmark in 1938, Galileo is for Brecht a positive historical figure who manages to keep his commitment to knowledge alive in spite of significant political pressures. After the war, however, Galileo is presented in a much darker and more pessimistic light. In 1945, when Brecht was writing a new version of his play in California, Galileo was in fact the one who was guilty of an inexplicable sin: he had surrendered to the politico-religious authority; he had constantly sought compromises with power.

Brecht's judgement of Galileo changes so abruptly because, after the bombs on Hiroshima and Nagasaki, Brecht believes that it is no more possible to get excited when facing the development of scientific knowledge. In this sense, he works to dismantle a certain legend of science, that is, the image of knowledge constructed by the emerging bourgeoisie: the scientist is neither by predestination nor by natural vocation a hero, nor a saint, nor a sage who would be right in all circumstances. His research, which never involves personal initiative, is caught up in the games of domination and power, which constantly distort his orientation.

Nolan's recent film, Oppenheimer (2023), shows how the path of science is littered with blind alleys and dead ends, which, in an increasingly strategic alliance with the various powers, eventually lead to a "universal cry of pain".

In Brecht's play Galileo appears fleetingly, a ghostly, unnameable figure who could perhaps represent another parable in the development of science, because he does not step back on the issue of the philosopher's responsibility and freedom when facing the demands of power. But Giordano Bruno was burnt alive. Only ashes and silence remain.

Indeed, it seems inconceivable that a Brunian furore could be repeated. Bruno's Europe is already one of social and cultural discipline, but wanderings, attempts to escape the rational order of things, freer research were perhaps still possible, as some of Carlo Ginzburg's research confirms. Today, the fate of science seems to be sealed. The case of Oppenheimer shows a person, who, in spite of everything, thinks and builds the bomb because he still believes in the autonomy of science in relation to power. Betrayal or pious illusion is of little importance nowadays. For Oppenheimer, the invention of the bomb is also the last, extreme and paradoxical attempt of science to put an end to war, either against the powers or, in Galilean fashion, at their side. But as Nolan's film shows us, can Oppenheimer really become a messenger of peace? Or does his figure, in the atomic age, seal the imprisonment of peace in the logic of war? In an age in which weapons are designed to annihilate the whole of humanity, there is no outside to war (or even peace). The only solution remains disappearing into thin air.

We are living in the 'time of the end', that time which, to borrow the insights of Gunther Anders, cannot be replaced by another time, but only by its end. Within the end, inside of it, this issue of K wants to test a post-human opportunity, that of a radical, unconditional, pure rejection of the connection between science and power.

By choosing Ettore Majorana, we propose to give a name to this refusal. We are following Leonardo Sciascia's hypothesis (The Disappearance of Majorana - La scomparsa di Majorana, 1975), according to which Majorana glimpsed what Fermi could not see in 1934: the experiments on radioactivity carried out by the Via Panisperna group could lead to the splitting of the uranium atom. Majorana writes to his sister: «Physics is on the wrong track». Because the age of the bomb is also the age in which, as argued by Anders, «human faculties lose sight of each other”, and the actions of production and science are no longer matched by reason and politics capable of ensuring the contemporaneity of the species with regard to its own actions.

In almost similar terms, Hannah Arendt had defined the orbits of Sputnik 1 as the moment from which «the physical, material condition of our thoughts» would no longer be able to follow «what we do». An assaulted and exploited nature cannot be the object of an ecology dissociated from its own rootedness in different historical and social periods, i.e. material, conditions, but, as the inhabitants of Notre-Dame-des-Landes would later note in the prehistory of Les soulèvements de la Terre, «we are nature defending itself» against the extractive and productive processes that lead to its desuetude and socially residual character. To such an instance, bourgeois morality has responded insistently by attributing the effects of scientific development to the more or less conscientious uses that can be made of it, while the economic and institutional frameworks in which research elaborates the prius of nature (which is also us) in the perspective of discovery seem no less fatal. In this sense, Majorana's gesture can certainly be attributed to an «instinct of preservation: for oneself, for the human species», as Sciascia argues, but it is also a movement that, even before opposing the possible scenario of the bomb and extinction, disguises a specific set of social relations and the orientation of science in which they are expressed.

Meanwhile, by disappearing without a trace, Majorana will have made his person the very figure of the status of the real in the probabilistic universe of contemporary physics (Agamben, What is Real? Che cos'è reale? La scomparsa di Majorana, 2016). In this way, his disappearance is the decision to take a different path, to vanish, in order to avoid any complicity: his only chance is to abandon the work (the young scientist from Catania, according to Sciascia, «tries to evade the work, the work that ends»).

The hypothesis we want to test is that a non-doing gesture, to the point of self-extinction, is the gesture left to men and women when there is nothing left to do. From this point of view, Majorana's defection is radical and pure precisely because he decides to escape any possible new capture within the system of power and knowledge.

 

In this general context, the lines of research may thus focus around the following areas of investigation:

 

1) In April 2022, eight students from AgroParisTech, one of the leading agricultural engineering schools in France, caused a scandal when, on the evening of their graduation ceremony in the prestigious "Salle Gaveau" in Paris, they called on their fellow students to "defect" and reject the "opportunities" offered by their school, because the knowledge they were being taught was only leading them to participate in the social and ecological destruction. At the heart of this appeal, there is precisely the willingness of young students to avoid the obvious destructiveness of scientific knowledge. The proposal of a “great resignation” is an interesting “weapon of critique” to theoretically arm oneself against a knowledge that, starting from university education, is definitively subjected to the logic of economic and political forces, but we need to understand if and how this weapon succeeds in transforming itself into a “critique of weapons”, that is, if it becomes a “material force”. Some movements in France, such as 'Les soulèvements de la Terre', seem to be going in this direction.

 

2) «Man dissolves and disappears in the same substance as dreams are made on»: Sciascia's Shakespearean reading of Majorana suggests that the reconstruction of radical desertions, such as that of the scientist from Catania, is only possible through the world of images, in particular through cinema.

 

3) Majorana's disappearance is not a simple erasure of himself, as Mattia Pascal imagines. It also takes the form of an im/possible, in/voluntary challenge to those who continue. Perhaps, then, this disappearance is an attempt at an infinite metamorphic multiplication, an ever-creative destruction of the self, like that of Vitaliano Moscarda (Pirandello, One, No One and One Hundred Thousand), in order to remain in Sicily. If the horizon is the catastrophic one of the explosion of the world, it is a matter of experimenting with new forms of existence within the end. An inactive 'lifestyle', outside the world? To this extent, it is possible to really reactivate a dialogue between science and literature, comparing Majorana's gesture also with those of the various "starvation artists" of the 20th century, such as Marcovaldo, Bartleby or Kafka's Fasting.

 

4) In the increasingly deafening noise of war, can Majorana's gesture be repeated? And can this repetition have a political power? Is it possible to imagine a struggle against the ongoing wars, affirmed by the non-assertion of the self? And how can shadows put an end to the reality of war?

 

5) Is science today a new idol, as in Nietzsche? Is it permissible, even ideally, to imagine limits to the workings of science that do not come from science itself? Or must we now give way to an equivalence between technology and science which, as in the case of the atomic bomb, can only lead to catastrophe?

 

 

Submit your proposal by 17 November 2024 (max. 2,500 characters)

Send to: krevuecontact@gmail.com

If the proposal is accepted, the paper must be delivered by 19 April 2025.

After this date, the selected paper will be automatically excluded from the journal issue.

 

***********************************************************************************************

Call for papers

 

K. Revue trans-européenne de philosophie et arts

 

14, 1/2025

 

 

Scienza della sottrazione:

il gesto di Ettore Majorana

 

 

Nella Vita di Galileo Brecht mette in evidenza il nesso fra lo sviluppo della scienza e la possibilità della catastrofe finale dell’umanità. Brecht individua nella vicenda di Galileo, e nell’opera stessa dello scienziato – all’inizio cioè di quella che viene definita la “rivoluzione scientifica” – il momento storico in cui questo legame diviene indissolubile e definitivo.

Le redazioni successive del dramma testimoniano della progressiva presa di coscienza da parte di Brecht. Prima dello scoppio della Seconda Guerra mondiale, all’epoca della scrittura della Vita di Galileo, nel 1938 in Danimarca, Galileo è per Brecht un personaggio storico positivo che, nonostante delle pressioni politiche considerevoli, riesce a mantener vivo il suo impegno per la conoscenza. Invece, dopo la guerra, Galileo viene presentato in una prospettiva molto più scura e pessimista. Quando, nel 1945, in California, Brecht redige una nuova versione del suo dramma, Galileo diventa, in effetti, chi si è macchiato di una colpa inespiabile: si è arreso di fronte all’autorità politico-religiosa; ha cercato continui compromessi col potere.

Il giudizio di Brecht su Galileo cambia in modo tanto repentino perché, dopo le bombe su Hiroshima e Nagasaki, Brecht ritiene che non sia più possibile nessuna esaltazione di fronte allo sviluppo della conoscenza scientifica. In quest’ottica lavora per smantellare una certa leggenda della scienza, cioè quell’immagine del sapere che è stata costruita dalla borghesia in ascesa: lo scienziato non è, per predestinazione o vocazione naturale, né un eroe né un santo e nemmeno un saggio che avrebbe ragione in ogni circostanza; la sua ricerca, che non implica mai solo un’iniziativa personale, è irretita nei giochi della dominazione e del potere che ne falsano continuamente gli orientamenti. Il film recente di Nolan su Oppenheimer (2023) mostra bene come il cammino della scienza sia cosparso di vicoli ciechi, impasse che, in un’alleanza sempre più strategica coi diversi poteri, conducono infine ad un “grido di dolore universale”.

Nel dramma di Brecht appare in maniera fugace, una figura – spettrale, innominabile – che forse poteva rappresentare una diversa parabola nello sviluppo della scienza perché non arretra di un passo sulla questione della responsabilità e la libertà del filosofo di fronte alle istanze del potere. Ma Giordano Bruno è stato arrostito. Solo le ceneri e il silenzio dopo di lui.

In effetti, sembra inimmaginabile che si possa ripetere un furore bruniano. L’Europa di Bruno è già quella del disciplinamento sociale e culturale, eppure delle erranze, dei tentativi di sottrazione all’ordine ragionevole delle cose, delle ricerche più libere erano forse ancora possibili, come confermano alcune ricerche di Carlo Ginzburg. Oggi, il destino della scienza sembra suggellato, come dimostra il caso di Oppenheimer, il quale, malgrado tutto, pensa e mette in pratica la bomba perché ha ancora fiducia nell’autonomia della scienza rispetto al potere. Tradimento o pia illusione poco importa oggi: per Oppenheimer, l’invenzione della bomba è anche l’ultimo – l’estremo, paradossale – tentativo della scienza di mettere fine alla guerra, contro i poteri o, galileanamente, al loro fianco. Tuttavia, come lascia vedere il film di Nolan, può Oppenheimer diventare veramente messaggero di pace? Oppure, invece, la sua figura suggella nell’era atomica la cattura della pace nella logica della guerra? Nell’età in cui le armi sono concepite per annientare l’umanità nel suo insieme, non c’è un fuori rispetto alla guerra (neppure la pace), se non svanendo nel nulla.

Viviamo il “tempo della fine”, cioè quel tempo che non può essere sostituito da un altro tempo, ma solo dalla sua fine, per riprendere delle intuizioni Gunther Anders. Dentro la fine, con questo numero di K intendiamo saggiare una chance postrema, quella del rifiuto radicale, incondizionato e incondizionabile, puro, del legame della scienza con il potere.

Con Ettore Majorana proponiamo di dare un nome a questo rifiuto. Si tratta di seguire l’ipotesi di Leonardo Sciascia (La scomparsa di Majorana, 1975), secondo cui Majorana intravede quello che Fermi, nel 1934, non riesce a vedere: gli esperimenti che il gruppo di via Panisperna effettua sulla radioattività possono condurre alla scissione dell’atomo di uranio. Majorana scrive alla sorella “La fisica è su una strada sbagliata”. Perché l’epoca della bomba è anche quella in cui “le facoltà umane si perdono vicendevolmente di vista”, come scrive sempre Anders, e al fare della produzione e della scienza non corrispondono più una ragione e una politica in grado di assicurare la contemporaneità della specie rispetto alle proprie azioni. In termini quasi analoghi, Hannah Arendt aveva definito le orbitazioni dello Sputnik 1 come il momento a partire dal quale “la condizione fisica, materiale dei nostri pensieri” non sarebbe più stata più in grado di inseguire “quello che facciamo”. La natura aggredita e sfruttata, dunque, non può essere solo l’oggetto di un’ecologia dissociata dal proprio radicamento nelle differenti condizioni storiche e sociali, cioè materiali, ma come avrebbero poi stabilito gli occupanti di Notre-Dame-des-Landes nella preistoria di Les soulèvements de la Terre, “noi siamo la natura che si difende” dai processi estrattivi e produttivi che ne comportano la desuetudine e il carattere socialmente residuale. A una tale istanza, la morale borghese ha insistentemente replicato imputando gli effetti dello sviluppo scientifico agli usi più o meno coscienziosi che se ne possono fare, laddove a risultare non meno fattive ci paiono le cornici economiche e istituzionali in cui la ricerca elabora il prius della natura (che anche noi siamo) nella prospettiva della scoperta. Il gesto di Majorana, in questo senso, si potrà certamente ricondurre a un “istinto di conservazione: per sé, per la specie umana” come sostiene Sciascia, ma è anche un movimento che prima ancora di opporsi all’eventuale scenario della bomba e dell’estinzione, delude uno specifico assetto dei rapporti sociali e l’orientamento della scienza in cui si esprimono.

E intanto, scomparendo senza lasciare tracce, Majorana avrà fatto della sua persona la cifra stessa dello statuto del reale nell’universo probabilistico della fisica contemporanea(Agamben, Che cos’è reale? La scomparsa di Majorana, 2016). In questo modo, la sua scomparsa è la decisione di prendere un’altra strada, svanendo, per eludere qualsiasi complicità: l’unica chance è quella di abbandonare l’opera (il giovane scienziato catanese, secondo Sciascia: “tenta di sottrarsi all’opera, all’opera che conclusa conclude”).

L’ipotesi che intendiamo verificare è che il non-fare, fino alla cancellazione di sé, è il gesto che resta agli uomini e alle donne quando non c’è più niente da fare. La defezione di Majorana, in quest’ottica, è radicale e pura proprio in quanto decide di sottrarsi ad ogni possibile nuova cattura dentro il sistema di potere e di sapere.

Secondo questa linea generale proponiamo alcuni punti su cui i contributi dovrebbero concentrarsi:

 

1)     Nell’aprile del 2022, otto studenti dell’AgroParisTech, una delle principali scuole di ingegneria agraria in Francia, creano uno scandalo perché la sera della loro cerimonia di laurea nella prestigiosa “Salle Gaveau” di Parigi, hanno invitato i loro compagni a “disertare”, rifiutando le “opportunità” offerte dalla loro scuola, perché i saperi appresi in essa spingono solo a partecipare alle distruzioni sociali ed ecologiche. Il cuore di questo appello è proprio la volontà dei giovani studenti di sottrarsi alla distruttività conclamata del sapere scientifico. La proposta di “grandi dimissioni” è una interessante “arma della critica” per attrezzarsi teoricamente contro dei saperi che, a partire dalle formazioni universitarie, sono definitivamente sottomessi alle logiche delle forze economiche e politiche, ma occorre capire se e come quest’arma riesca a trasformarsi in una “critica delle armi”, cioè se diventa una “forza materiale”. Alcuni movimenti in Francia come “Les soulèvements de la Terre” sembrano tracciare questa via.

 

2)     “L’uomo si disgrega e svanisce in quella stessa sostanza di cui sono fatti i sogni”: la lettura shakespeariana che Sciascia propone di Majorana suggerisce che la ricostruzione delle diserzioni radicali, come quella dello scienziato catanese, è possibile solo attraverso il mondo delle immagini, in particolare con il cinema.

 

3)     La scomparsa di Majorana non è una semplice cancellazione di sé, come quella che immagina Mattia Pascal. Essa si configura anche come una im/possibile, in/volontaria sfida a coloro che continuano a fare. Allora, forse quella scomparsa è il tentativo di un’infinita moltiplicazione metamorfica, una distruzione sempre creativa del proprio self, come quella di Vitaliano Moscarda (Pirandello, Uno, nessuno, centomila), per restare in Sicilia. Se l’orizzonte è quello catastrofico dell’esplosione del mondo, si tratta di sperimentare nuove inedite modalità di esistenza dentro la fine. Uno “stile di vita” inoperoso, fuori dal mondo? In quest’ottica è possibile riattivare davvero un dialogo fra la scienza e la letteratura, paragonando il gesto di Majorana anche a quello dei diversi “artisti della fame” del Novecento, come Marcovaldo, Bartleby o il digiunatore di Kafka.

 

4)     Nel fragore sempre più assordante della guerra, il gesto di Majorana può essere ripetuto? E questa ripetizione può avere potenza politica? È immaginabile una lotta contro le guerre in corso che si affermi con la non-affermazione del proprio sé? E come delle ombre possono mettere fine alla realtà della guerra?

 

5)     Alla Nietzsche, la scienza oggi è nuovo idolo? È lecito concepire anche soltanto idealmente dei limiti per l’operare della scienza che non provengono dalla scienza stessa? Oppure, attualmente bisogna cedere il passo a una equivalenza tra tecnica e scienza che, appunto, come con la bomba atomica, non può che produrre la catastrofe?

 

 

Invio proposta entro il17 novembre 2024 (2.500 battute max.)

Inviare all’indirizzo:krevuecontact@gmail.com

Nel caso in cui la proposta venga accolta, la consegna dell’elaborato deve avvenire entro il 19 aprile 2025.

Dopo questa data si prevede l’automatica esclusione del contributo selezionato dal numero della rivista.

**************************************************************************************************

 

Retour aux actualités