L'objet de cet article est de présenter de manière très synthétique les principales caractéristiques des écoulements de surface dans la région des Hauts-de-France.
Caractérisation du réseau hydrographique
Le territoire
La région des Hauts-de-France (HdF) s'inscrit dans un vaste territoire à la géographie contrastée. Elle occupe un secteur de transition entre les plaines subsidentes du bassin belgo-néerlandais et les plateaux en surrection du Bassin parisien dont l'Artois forme la limite septentrionale. L'axe de l'Artois, à la fois topographique et structural, constitue la limite entre un bas-pays des plaines du Nord se prolongeant en Belgique, sous 80 m d'altitude, et un haut pays qui forme une écharpe de relief culminant autour de 180-200 m, depuis le Boulonnais jusqu'au Hainaut, avec des altitudes plus faibles dans la partie centrale (seuil du Cambrésis). A l'exception du Boulonnais, dont les paysages vallonnés sont modelés dans les calcaires, les reliefs du haut pays, bas-plateau de l'Artois, vallonnements de l'Avesnois et de la Thiérache, et plus au Sud le plateau picard, sont façonnés dans la craie, parfois recouverte de lambeaux de sables tertiaires. Au nord de l'Artois, les sables et argiles tertiaires dominent, sauf au niveau du bombement crayeux formant le dôme du Mélantois (Sud de Lille). Leur succède au nord les formations quaternaires et holocènes (sable, argile, tourbe) constituant la plaine maritime. Les altitudes s'échelonnent entre -3 m NGF à Ghyvelde dans les Moëres (Nord) à près de 295 m NGF à Watigny en Thiérache (Aisne).
Une répartition des écoulements au sein des bassins versants
Le bassin versant est avant tout une surface, une cuvette topographique, qui collecte les précipitations, concentre le ruissellement dans le sens des pentes et transfère les écoulements de l’amont vers un exutoire à l’aval. Il est caractérisé par un système de pentes, un relief, dont la puissance et la distribution influencent fortement son fonctionnement hydrologique. Le bassin versant est délimité par une ligne de partage des eaux, limite fictive qui sépare les pentes qui alimentent deux bassins versants adjacents. Sa reconnaissance, aisée en montagne, peut poser problème dans les régions de plaine où la topographie est peu marquée et peut par ailleurs se trouver altérée par les activités humaines. En plus d’avoir une limite topographique à la surface du relief, un bassin versant a aussi une limite hydrogéologique qui correspond à la ligne de partage des eaux souterraines. Il existe en effet une surface hydrogéologique, le toit de la nappe, dont les pentes divergent et partagent l’écoulement souterrain vers des exutoires (sources, zones humides, cours d’eau) qui peuvent être différents de ceux du bassin versant topographique. Ce dernier collecte aussi ces apports hydrogéologiques qui participent aux écoulements de son réseau hydrographique. Enfin, plus localement (Haut Artois, Haut Cambrésis), des écoulements plus complexes sont aussi alimentés pour partie par des apports de type karstique (réseaux d'écoulement souterrain développés dans les calcaires ou la craie).
Le réseau hydrographique qui draine la région n'est pas homogène. Il se distribue entre des bassins versants de taille très variable, dont les principaux sont la partie amont du bassin transfrontalier de l'Escaut ouvert sur la mer du Nord (21 860 km2 dont 6 532 km2 en France, 20,5 % de la région HdF), le bassin de la Seine, qui draine la partie méridionale du territoire (11 631 km2, 36,6 %) et le bassin de la Somme qui débouche sur la Manche (6 570 km2, 20,7 %). Une série de petits fleuves côtiers draine les écoulements vers la Mer du Nord et la Manche (5 890 km2, 18,5 % ; 77 km2 pour le Wimereux par exemple) et en marge orientale, la Sambre appartient au bassin de la Meuse (1 183 km2, 3,7 %). Les cours d'eau majeurs sont ceux de la Somme, longue de 262 km et totalement inscrite dans les HdF, l'Oise (341 km dont 15 km en Belgique), l'Aisne (350 km). La Scarpe se déroule sur 102 km, 95 km pour l'Authie, 88 km pour la Canche. Dans le même ordre de grandeur, on trouve la section française de l'Escaut (98 km pour un cours de 350 km), de la Sambre (128 km pour 208 km) et de la Lys (85 km pour un total de 195 km). Parmi les petits fleuves côtiers, le Wimereux s'écoule sur 21,6 km, la Liane sur 36 km. On voit que les limites administratives recoupent pour partie les unités de bassins versants (Fig. 2). Les Agences de l'Eau s'appuient sur ce découpage en bassins versants pour la gestion de l'eau. Les Hauts-de-France s'étendent sur le territoire de l'agence Artois-Picardie mais aussi Seine-Normandie depuis le redécoupage administratif des régions. Leurs limites reprennent peu ou prou celles des bassins versants topographiques, sans exclusive. Ces territoires administratifs et opérationnels sont eux-mêmes subdivisés en 448 zones hydrographiques élémentaires.
L'organisation du réseau hydrographique
Si les écoulements sont tributaires des reliefs, depuis les hauteurs de l'Artois par exemple, le réseau hydrographique se distribue d'évidence selon des directions préférentielles (e.g. le parallélisme des cours de la Somme, l'Authie, et la Canche). C'est que l'apparente simplicité des reliefs masque une grande complexité de détail, due au rôle déterminant joué par la tectonique qui découpe la région en une mosaïque de blocs et commande la trame générale du relief ainsi que la disposition d'ensemble du réseau hydrographique, selon une double orientation préférentielle NO-SE et SO-NE (Sommé, 1977 ; Colbeaux et al. 1981). Les effets de cette tectonique sur la morphologie sont d'autant plus opérants que la couverture sédimentaire recouvrant le socle paléozoïque est peu épaisse et, par ailleurs, il est démontré que l'activité tectonique s'est poursuivie tardivement (néotectonique), entre la fin du Pléistocène moyen et le Pléistocène récent (site de Biache-Saint-Vaast, Colbeaux et al., 1981). De ce fait, le réseau hydrographique dans sa configuration actuelle, est l'expression d'un drainage primitif qui a largement évolué jusqu'aux périodes récentes du Quaternaire (Weichsélien). Cet héritage tectonique se manifeste à travers les brusques bifurcations du tracé des cours d'eau du Boulonnais, de l'Aa, de la Deûle, de l'Escaut ou encore à travers l'inadaptation des cours d'eau au calibre de certaines vallées (plaine de la Lys et de la Scarpe par exemple ; Pinchemel, 1954 ; Sommé, 1977). Larue (2000) montre également les effets de la néotectonique sur le cours de l'Oise lors de sa traversée de l'anticlinal du Bray, à laquelle il impute la très inégale épaisseur des remblaiements de fond de vallée et les déformations des profils longitudinaux des lits fluviaux (mouvements verticaux différentiels). Mais on doit également envisager le rôle majeur sur l'hydrographie des apports éoliens massifs des deux derniers cycles, notamment au Weichsélien, remblayant et reconfigurant la topographie des fonds de vallée (Sommé, 1977 ; Deschodt, 2014). Ainsi, dans le bas pays, les tracés fossiles liés à la phase du creusement maximum des cours d'eau durant le Saalien peuvent être plus ou moins distincts du tracé des vallées actuelles. Enfin, à l'échelle régionale, la tectonique détermine des dynamiques alluvionnaires différentes. La subsidence du bassin belgo-néerlandais favorise une dynamique de colmatage sédimentaire, pouvant atteindre un maximum de 25-30 m dans les vallées du bas pays français (plaine de la Lys, Deûle-Marque, Escaut ; Sommé, 1977). Deschodt (2014) y distingue l'accumulation de deux cycles glaciaires (Saalien, Weichsélien) caractérisés par un emboitement de nappes alluviales interstratifiées avec des dépôts éoliens. La surrection du Bassin parisien favorise au contraire le développement de formes subaériennes, les terrasses fluviatiles. Ces terrasses sont le résultat d'une évolution morpho-sédimentaire cyclique à commande climatique, déterminée par l'alternance de cycles glaciaire-interglaciaires d'environ 100 000 ans, qui se conjugue avec le soulèvement lent du Bassin parisien (Artois et plateau picard pour notre région) amorcé au Crétacé supérieur. La surrection est le moteur de l'enfoncement des lits fluviaux, qui travaillent à maintenir leur niveau de base. Contraints par ce moteur tectonique, les cours d'eau incisent et dégagent les nappes alluviales accumulées lors des phases froides et humides pléniglaciaires, les lambeaux résiduels d'alluvions conservés sur les marges des vallées formant les terrasses étagées. Au nord, de petits systèmes de terrasses mis en place essentiellement durant le Pléistocène moyen sont localisés principalement sur la bordure crayeuse de l'Artois (Aa, Lys, Lawe, Clarence), d'autres plus anciens sont observés sur les interfluves du bas pays, sans relation directe avec les écoulements actuels (Sommé, 1977). Au sud de l'Artois, la Somme offre l'exemple majeur d'un système de dix nappes alluviales étagées entre 5-6 m et 55 m d'altitude, dont la mise en place a débuté il y a environ un million d'années (e.g. Antoine, 2019).
Une autre caractéristique notable du réseau hydrographique réside dans l'existence de contrastes de densité des drains, le réseau apparaissant plus développé dans certaines parties du territoire que d'autres. C'est le degré de perméabilité du sous-sol qui va conditionner en surface la densité du réseau hydrographique. Le substrat crayeux, constitutif de l'Artois et du plateau picard, est filtrant et limite le ruissellement, justifiant d'une faible densité de drainage superficiel (Somme, Canche, Authie…)(Fig. 3). Les secteurs où affleurent des formations argilo-sableuse relativement imperméables, comme la plaine maritime, les Bas-Champs picards, la plaine de la Lys aval, la Scarpe, le cours moyen de l'Oise, le cours aval de l'Aisne, favorisent un chevelu hydrographique bien plus dense. Cette densité est par ailleurs fortement augmentée si on prend également en compte le réseau artificiel des canaux (plaine maritime, Lys, Scarpe). Un autre secteur de forte densité de drainage se retrouve dans l'Avesnois et la Thiérache, au contact des formations imperméables de l'Ardenne. Pour exemple, le cours de la Sambre marque le contact entre à l'est le socle ardennais favorable au ruissellement (schistes) et à l'ouest des formations sableuses et crayeuses plus perméables. La presque totalité des affluents de la Sambre (Rivièrette, Helpe Majeure et Mineure, Tarsies, Solre) proviennent ainsi de la rive droite ardennaise.
L'écoulement est tributaire des pentes et le cours d'eau ajuste une pente, un profil en long, qui reflète un équilibre entre sa capacité de transport au regard du volume et du calibre de la charge sédimentaire qu'il déplace (Bravard et Petit, 1997). Ce profil est concave sur les rivières pérennes, les pentes étant plus fortes près des sources, alors que l'augmentation du débit vers l'aval permet un transfert de la charge sur des pentes plus faibles. Le profil en long, mesuré sur le fond du lit du cours d'eau, est dans la pratique influencé par les obstacles lithologiques (seuils) et anthropiques (radiers de moulins, barrages, etc) qui forment autant de niveaux de base locaux qui peuvent segmenter la pente de la rivière. Les apports solides d'affluents peuvent également amener à des réajustements intermédiaires pour permettre d'évacuer une charge sédimentaire entrant dans le système fluvial. Eu égard à la faible amplitude des reliefs, les cours d'eau de la région s'écoulent sur de faibles pentes, avec pour le Nord de la France, une rupture assez systématique des profils pour les cours d'eau nés sur les contreforts de l'Artois, accusant de plus fortes pentes à l'amont et sans transition de très faibles pentes à l'entrée dans les plaines du bas pays. La pente moyenne de l'Aa est de 2,3 ‰ de sa source (122 m d'altitude) à Arques où l'altitude n'est plus que de 5 m pour rejoindre la mer à 30 km de distance (pente de 0,0016 ‰). La haute vallée de la Lys a une pente de l'ordre de 4 ‰, elle n'est déjà plus que de 1 ‰ dans le secteur d'Aire (AZI, 2001). Les affluents, au tracé plus court ou pouvant drainer des secteurs plus accidentés présentent régulièrement des pentes plus élevées. La pente moyenne de la Sambre n'est ainsi que de 0,2‰ alors qu'elle est de 2,15 ‰ pour l'Helpe Mineure et de 4,5 ‰ pour la Solre. Les faibles pentes peuvent se traduire en plan par le développement d'un cours sinueux à méandres comme c'est le cas pour la Sambre et la Canche par exemple. Pour comparaison avec le Rhône, dans un contexte plus montagnard, la pente moyenne du Rhône alpestre est de 9 ‰ et elle est de l'ordre de 1 ‰ sur le Haut-Rhône à l'amont de Lyon (bassin versant de 20 300 km2).
Une anthropisation forte et précoce
La forte artificialisation du réseau hydrographique est un trait marquant du Nord de la France. Dans le bas pays, en grande partie le bassin de l'Escaut, Sommé (1977) constate qu'en raison de l'indigence des écoulements, le réseau hydrographique holocène s'est difficilement individualisé. Il en conclut que les rivières n'apparaissent véritablement dans l'histoire qu'avec les interventions humaines et que le réseau hydrographique du bas pays est essentiellement artificiel. Il apparait aujourd'hui que nombre de cours d'eau sont canalisés, ou doublés par des canaux (canal latéral), avec des interconnexions entres bassins, engendrant une hydrologie influencé par l'homme. Derville (1990) explique que l'indigence des routes médiévales a contribué à l'aménagement des rivières du Nord dès le XIIe siècle, Lys, Scarpe, Escaut et leurs affluents, afin d'exporter massivement les productions du haut pays vers le bas pays et l'Europe du Nord (essentiellement le blé). Plus tard, la reconfiguration de la frontière lors du traité d'Utrecht en 1713 entraîna la création d'une série de canaux parallèles à cette nouvelle frontière afin de détourner vers Dunkerque le commerce des Pays-Bas français. La royauté conçut ainsi un projet de jonction, en partie réalisé, entre Condé et Dunkerque, recoupant à angle droit les voies d'eau conduisant traditionnellement à Bruges et Anvers (Derville, 1990). On peut également évoquer l'exemple de la capture anthropique de la Scarpe, ayant eu une incidence majeure sur l'hydrographie de ce bassin versant. Son tracé actuel est le résultat du creusement, autour du millénaire, d'un petit canal à travers le seuil de Vitry-en-Artois qui dévia les eaux du cours amont de la Sensée vers la ville de Douai et le cours supérieur de la Scarpe (Louis, 2009). Le bassin versant de la Scarpe actuelle est ainsi passé de 770 km2 à plus de 1 320 km2 (+ 71 %) (Deschodt, 2014). Dans la plaine maritime, le delta de l'Aa, c'est la poldérisation du littoral à partir du XIe siècle qui amena le développement d'un maillage complexe et dense de digues, écluses, watergangs, becques et canaux, contribuant au drainage des terres et à leur assèchement. L'Aa est canalisé dès 1114 en reliant Saint-Omer à Gravelines (IIW, 2023). Les plaines humides comme celle de la Scarpe ont également fait l'objet d'opérations de drainage dès les XII-XIIIe siècle. (Deudon, 2018). D'importants réseaux de canaux ont été creusés de part et d'autre de la rivière jusqu'au XIXe siècle. (courant de la Traitoire, le Décours). A partir du XVIIIe siècle se sont multipliées les campagnes d'assèchement des zones humides (les grands dessèchements) également propices aux aménagements hydrauliques (canaux de drainage, aqueducs-siphon, ponts, vannages…). Des réaménagements importants ont lieu au XIXe siècle pour calibrer les voies navigables au gabarit Freycinet (l'Oise à partir de 1835, la Sambre française entre 1832 et 1836 par exemple). L'activité minière a également contribué à augmenter le maillage des canaux pour le transport du charbon (SRAVE, 2012). C'est d'ailleurs pour relier le Nord, ses ressources houillères et agricoles, avec le bassin de la Seine que la liaison entre l'Oise et l'Escaut a été inaugurée en 1810 par Napoléon, suite à la construction du tunnel de Riqueval, dernier ouvrage stratégique permettant le franchissement du seuil du Cambrésis par voie navigable. À l'échelle locale du bassin minier du Nord, l'extraction des eaux d'exhaure induites par l'exploitation du charbon a contraint les Houillères à réorganiser le réseau de surface (nouveaux fossés, reprofilages, endiguements) et à installer de nombreuses stations de relevage des eaux. Aujourd'hui, VNF gère dans le Nord-Pas de Calais un réseau hydraulique de 681 km de voies d'eau dont 236 km de voies à grand gabarit (SRAVE, 2012).
L'abondance et le régime des cours d'eau
Des précipitations moyennes (650-800 mm, Norrant, 2023), dont les 2/3 sont prélevées par les sols et la végétation, et un sous-sol souvent crayeux favorisant l'infiltration, font que les écoulements de surface sont faibles, souvent qualifiés d'indigents (Fig. 2). Dacharry (1995) constatait à l'époque une certaine méconnaissance de l'hydrologie régionale, inféodée à ces faibles débits impropres aux aménagements hydroélectriques, à laquelle s'ajoutait la difficulté de la mesure, les cours d'eau étant souvent interconnectés avec les canaux qui en influencent les débits. Pour prendre l'exemple de la Lys à l'aval d'Aire-sur-la-Lys, les débits peuvent être amplifiés par des excédents issus du canal à grand gabarit, des rejets d'eaux (station d'épuration d'Estaires), des réalimentations artificielles par des eaux souterraines (Verchin) lors des étiages (SOGREAH, 1998). A l'inverse, des prélèvements pour les besoins de l'industrie et l'alimentation en eau potable, pour l'approvisionnement du canal à grand gabarit, les pompages agricoles, vont réduire les écoulements. Autre exemple, le territoire des wateringues, entre Calais et Dunkerque, rejette en moyenne à la mer 14 m3/s d'eaux gravitaires ou pompées, alors que le débit de l'Aa à Arques (amont du delta) n'est que de 4,9 m3/s (IIW, 2023). Le "rendement" des bassins versants peut se mesurer par le débit spécifique (débit brut/surface du bassin versant en l/s/km2) qui permet la comparaison en faisant abstraction de la taille des organismes fluviaux. Les données suivantes sont extraites des fiches des stations hydrométriques mises à disposition du public sur le site de l'HydroPortail (https://hydro.eaufrance.fr/). La Somme est le fleuve qui écoule le plus d'eau en région, environ 35 m3/s pour un bassin versant de 5 640 km2 à la station d'Abbeville, ce qui équivaut à un débit spécifique de 6,2 l/s/km2. Ce sont des valeurs comparables que l'on va retrouver pour la majorité des cours d'eau, 5,6 l/s/km2 pour l'Escaut et 6,7 l/s/km2 pour la Lys à la frontière, 7 l/s/km2 pour l'Oise à Creil, 7,9 l/s/km2 pour l'Aisne à Soissons. Le bassin versant qui offre le meilleur rendement est celui de la Liane avec 18,4 l/s/km2 : elle draine une partie de la boutonnière du Boulonnais, dans des formations relativement imperméables hors du domaine de la craie, et par ailleurs son haut bassin reçoit des précipitations abondantes (plus de 1 000 mm). La Sambre (12,2 l/s/km2) et ses affluents (13,5 l/s/km2 pour l'Helpe Mineure) présentent également des débits plus élevés car s'écoulant sur des terrains favorables au ruissellement. Pour comparaison, le débit spécifique du Rhône à Lyon, qui caractérise son bassin versant montagnard, est de 28,5 l/s/km2 (580 m3.s-1/20 300 km2) et celui de l'Arve à Bonneville, un affluent du Rhône en rive gauche, atteint 44,6 l/s/km2.
Le régime d'un cours d'eau décrit la variation des écoulements tout au long de l'année, on le représente généralement sur la base de l'année calendaire. Il reflète les conditions du climat, auxquels s'ajoutent les paramètres locaux du bassin versant (géologie, relief, végétation, aménagements…). Il s'inscrit dans la durée et voit fluctuer annuellement à peu près dans les mêmes temporalités des périodes de hautes et de basses eaux. Les cours d'eau régionaux relèvent d'un régime sous influence océanique avec une alimentation par les pluies et un contrôle thermique saisonnier. Ce type de régime dit « pluvio-thermal » est caractérisé par des hautes eaux d'hiver et des basses eaux d'été (Fig. 4). Cette structure d'ensemble masque une diversité de détail que l'on peut schématiquement réduire à deux types de dynamique. Les cours d'eau régulés par les échanges avec la nappe de la craie montrent une bonne stabilité des débits. Les écarts saisonniers sont faibles, le rapport du débit mensuel le plus élevé au débit le moins élevé est de l'ordre de 1,3 pour la Somme et la Canche, 1,5 pour l'Authie, entre 2 et 2,5 pour la Lys amont, l'Escaut et l'Oise moins exclusivement inféodés au domaine de la craie. Les cours d'eau drainant des substrats moins perméables réagissent plus directement aux précipitations et au ruissellement. L'irrégularité des écoulements caractérise ce type de régime, le rapport entre les mois extrêmes étant de 4,2 pour l'Helpe Majeure, de 7 à 7,67 pour la Sambre, l'Yser et la Liane. Cette irrégularité s'observe également pour les périodes et les hauteurs des hautes et basses eaux (Dacharry, 1995).
La faiblesse des écoulements n'écarte pas pour autant l'occurrence des phénomènes extrêmes que sont les crues et les étiages. Les eaux s'épandent dans le lit majeur des hydrologues, ou lit d'inondation que Derruau (1974) définit comme "la zone que le fleuve inonde et qu'il peut recouvrir des alluvions modernes des cartes géologiques". Les crues lentes de plaine dominent sur le territoire, avec une montée progressive des eaux, sans exclusive d'autres dynamiques, eu égard à la diversité des contextes, des petits bassins versants homogènes à la complexité des grands bassins versants. Dans les pays de la craie, des précipitations importantes en volume peuvent engendrer des inondations par remontée de nappe dans les parties basses du lit majeur (Somme, Canche, Authie). Ces inondations peuvent s'étendre sur des surfaces considérables, plusieurs milliers d'hectares, divers éléments aggravants comme la présence de réseaux de drainage, l'obstacle des moulins ou encore l'urbanisation facilitent l'envahissement par les eaux. Le sous-calibrage des cours d'eau holocènes, incapables d'évacuer les volumes en jeu, est aussi un facteur aggravant évoqué par exemple sur la Canche et la Sambre (AZI, 1997, 2001). Les durées de submersion peuvent être importantes, plus de 3 mois sur la Canche en 1995, elles dépassent 15 jours pour la crue centennale de l'Authie (AZI, 2006). A l'opposé, la Liane connait des crues brèves et brutales, en raison de l'occurrence de fortes précipitations sur des terrains faiblement perméables et aux pentes plus fortes qui favorisent la concentration du ruissellement des eaux. Les crues ne dépassent que rarement 24 h et peuvent se multiplier sur la saison (AZI, 1996). On retrouve cette combinaison de phénomènes sur la Lys, associant fortes précipitations et ruissellement qui engendrent des crues d'une durée de 2 à 4 jours. Sur la Sambre, c'est la crue des affluents de rive gauche (les deux Helpes) qui engorgent son fond de vallée. Les inondations sont plus longues, entre 10 et 15 jours (AZI, 2001). L'Oise est dominée par des inondations lentes par débordement provoquées par les précipitations hivernales s'abattant sur un sol souvent saturé en eau (Hydratec, 2013). Pour les étiages estivaux, Dacharry (1995) évoque des débits très faibles, moins de 1 l/s/km2, sur les petits cours d'eau sans recharge souterraine de l'Avesnois, du Boulonnais et les plaines du bas pays, qui plus est sollicités par les activités humaines. Le calcul du Débit Caractéristique d’Etiage (DCE), correspondant au débit égalé ou non dépassé 10 jours par an, donne des valeurs de 0,1 l/s/km2 sur l'Yser à Bambecque, 0,63 l/s/km2 sur la Sambre à Marpent et 1,99 l/s/km2 sur la Lys à Aire-sur-la-Lys. A l'opposé les cours d'eau qui restent soutenus l'été par la nappe de la craie, maintiennent des débits plus importants : 4,9 l/s/km2 sur l'Authie à Dompierre et 7,3 l/s/km2 sur la Canche à Brimeux.