Cet ouvrage, très bien illustré, en est à sa quatrième édition d’un survol de l’ensemble du secteur minier en France, hors hydrocarbures. Limité à 248 pages, auxquelles ont collaboré 36 contributeurs, il est très bien venu dans les départements du Nord et du Pas-de-Calais où l’exploitation charbonnière a tant marqué les paysages, les populations et la culture régionale que l’on y concevait difficilement d’autres types de mine que la houille. Son ambition est de couvrir l’histoire minière des 250 dernières années. Toutes les sources sont bien indiquées. L’ouvrage est divisé en 7 parties : les activités minières et les entreprises (81 pages) ; les techniques minières (22 pages) ; la sécurité (18 pages) ; l’Après-Mine (20 pages) ; la mémoire de la mine (20 pages) ; la mine en France aujourd’hui et demain (10 pages). Le Code Minier distingue les substances dont l’exploitation relève de la mine (enjeu stratégique justifiant la prévalence de l’Etat) de celles qui relèvent du droit des carrières. Seule la mine est concernée ici. Le Code Minier ayant beaucoup évolué depuis 1970, on sent bien que les avis ne sont pas unanimes sur les bienfaits d’une évolution qui s’avère tellement contraignante que la France s’expose au risque d’être entièrement dépendante de l’étranger pour sa fourniture en matières premières minérales de type minier. Mais par ailleurs les géologues savent bien que si les aléas de l’évolution géologique ont dispersé des gisements nombreux et variés sur le territoire français, aucun n’a jamais été en capacité d’assurer l’autonomie nécessaire au pays. L’ouvrage contribue à ce débat à fleurets mouchetés. La conscience de l’empreinte environnementale de chaque exploitation est relativement récente hors de quelques cas particulièrement sévères. La prise de conscience est réelle, certains auteurs sont même tiraillés. Mais personne n’aborde vraiment la question de fond : quelle société voulons-nous ? Et avec quelles pratiques par rapport à la consommation de matières primaires ? Il est vrai que ce n’était pas le sujet du livre.
Les exposés sur les techniques sont certes brefs, mais laissent entrevoir que vouloir exporter d’un gisement à l’autre un modèle économique unique a contribué à étouffer des exploitations pouvant répondre à des besoins locaux sans prétention à alourdir les investissements imposés par ce modèle unique. Les pages sur la sécurité attestent d’efforts réels, mais toujours en retard sur l’événement. Certes, on ne traite les accidents qu’après coup, et il est facile de le stigmatiser aujourd’hui. Mais ces expériences montrent bien la nécessité d’anticiper mieux l’exploitation d’une matière première. Ce qui ramène à la question du besoin : faut-il absolument trouver un gisement pour produire un matériau, ou faut-il réfléchir au fondement de ce qui apparaît au premier abord dans notre société comme une impérieuse nécessité ?
Les pages sur l’après-mine sont très révélatrices du sentiment que le lecteur peut qualifier d’inachevé, de gâchis, de préservation, voire de sauvetage, selon sa sensibilité. Toutes bien écrites – ce qui n’est pas facile dans un format réduit – la tentation est d’évaluer la qualité du traitement d’après-mine au taux de ré-industrialisation des territoires. C’est une vue réaliste, mais de court terme (moins d’un siècle). Toutes les migrations historiques sont d’abord des mouvements d’adaptation à la recherche de ressources plus satisfaisantes. Dans la « vieille Europe », la mobilité du chasseur-cueilleur a disparu. Plus les sociétés se sont enracinées sur un territoire, plus il leur est difficile de penser que, rationnellement, une matière première minérale n’est pas renouvelable, et que le terme de son exploitation est inéluctable. Ce constat ne résout en rien les problèmes réels immédiats, c’est évident. Les incidences à long terme (au-delà du siècle) sont d’un autre ordre. On ne fait pas des trous impunément ! Qu’ils soient aériens ou souterrains, tous les trous ont déstabilisé les terrains alentours, et modifié les circulations de l’eau. Mais les processus géologiques ne se manifestent pas sur l’instant ; ils prennent leur temps. Et il est vrai que ce ne sont pas les compagnies minières qui ont étendu les espaces urbains au-dessus de cavités souterraines ou en aval de haldes qui, par définition, sont à limite de stabilité. Faut-il rappeler l’accident de 1979 survenu au Pays de Galles ? Mais cette question n’est pas non plus le sujet du livre.
La découverte de la richesse patrimoniale est également très bien évoquée et illustrée. Qu’il s’agisse des sites, des matériels, des productions culturelles. Certes le bassin minier du Nord – Pas-de-Calais a su « jouer de grandes partitions » (mise en place pionnière du Centre Historique Minier de Lewarde, classement au patrimoine mondial de l'UNESCO en tant que « paysage culturel évolutif »), mais de nombreux sites parsèment la France qui témoignent d’une époque et d’une culture locale associée. Tous méritent d’être valorisés. Peut-être faudrait-il imaginer des circuits qualifiés « culture industrielle » à l’échelle des régions.
Enfin évoquer la nécessité d’un avenir minier sur le territoire français était une entreprise qui n’est certes pas dans l’air du temps, mais qui est une nécessité sur laquelle il faut réfléchir. Mais pour cela il y a un très gros chantier à organiser pour mettre à portée du citoyen les outils qui lui permettront de comprendre les questions évoquées plus haut et de réfléchir à des solutions où l’intérêt général sera pris en compte. L’illustration « schématique de la place dans notre vie quotidienne des minéraux et des roches de notre sous-sol » (pages 238 et 239) devrait être affichée dans toutes les écoles primaires, comme support de discussion.
En résumé, un ouvrage abondamment illustré, bien écrit et divers dans les points de vue abordés, utile pour se faire une réelle vision du domaine minier (hors hydrocarbures) en France.