I. – Introduction
Les travaux de terrassement du nouveau centre de secours (caserne des pompiers) de Saint-Éloi, en banlieue Est de Nevers (Nièvre), ont livré, au cours des années 2010-2011, une faune fossile rapportée principalement au Bathonien.
L’objet de cette note est de conserver la mémoire de ce gisement, en présentant la faune fossile récoltée et plus particulièrement les ammonites (Mollusca, Cephalopoda, Ammonoidea), et d’en préciser la stratigraphie. Quelques données complémentaires sur les faunes d’ammonites du Bathonien supérieur de la commune de Saint-Éloi sont aussi ajoutées.
II. – Présentation du gisement
Le gisement de la caserne des pompiers de Saint-Éloi est situé en banlieue Est de Nevers, à environ 5 kilomètres du centre-ville. Ses coordonnées géographiques sont les suivantes : Longitude 3°13’05’’ Est, Latitude 46°59’02’’ Nord (Fig. 1).
La notice de la carte géologique au 1:50 000, feuille n°521 (Nevers) indique que le gisement se situe au niveau du Bathonien J2b-c : marnes avec intercalations de niveaux calcaires (Delance et al., 1988).
Les travaux effectués pour la construction de la caserne des pompiers ont consisté en un décapage de surface sur 15 à 20 000 m2, et entaillant le substratum sur quelques milliers de mètres-carrés. Ils n’ont pas permis de lever un log précis en raison de l’avancement des travaux, mais ont permis d’observer la coupe suivante sur un flanc du terrassement, de haut en bas :
- alternance de bancs pluri-centimétriques à décimétriques de calcaires et de marnes (100 cm)
- marnes bariolées (20 cm)
- calcaire à débit en plaques (25 cm)
- marnes bariolées grises et jaunes (25 cm)
- calcaire beige (30 cm)
- marnes beiges (20 cm)
- alternance de calcaires et de marnes grises (60 cm)
- banc de calcaire gris (base de la coupe), à mollusques perforants (Lithophaga sp.).
III. – Inventaire de la faune fossile
La très grande majorité des fossiles décrits ont été récoltés dans les déblais des terrassements, et leur position dans la coupe ne peut donc être précisée (voir la discussion en point IV.1).
Par ailleurs, notre propos n’étant pas de discuter la systématique des espèces, nous invitons le lecteur à se reporter pour ce faire aux publications citées et à leur bibliographie respective. Dans quelques cas, nous avons d’ailleurs repris entre guillemets des citations d’espèces plus ou moins précises, telles qu’elles apparaissent dans les publications consultées.
1) Échinodermes : oursins (Echinodermata, Echinoidea) et crinoïdes (Echinodermata, Crinoidea)
Les oursins irréguliers suivants ont été identifiés (déterminations Ph. Nicolleau) :
- Collyrites ellipticus (Lamarck, 1816) (Callovien),
- Pygomalus analis (Agassiz, 1835) (Bathonien moyen et supérieur).
Smith & Kroh (2011) indiquent qu’en Europe Pygomalus analis s’étend du Bathonien supérieur au Callovien inférieur, et Collyrites ellipticus du Bathonien au Callovien.
Cependant, Delance et al. (1979) précisent que Pygomalus analis est distribué dans le Bathonien de la Nièvre de la base de la Zone à Subcontractus à la Zone à Discus inclusivement ; Collyrites ellipticus est une espèce courante dans le Callovien inférieur de la Nièvre.
Un crinoïde a aussi été identifié sous la forme de quelques articles isolés : Apiocrinus sp.
2) Crustacés (Arthropoda, Crustacea)
Quelques morceaux de carapaces de crustacés ont été récoltés, ainsi que quelques terriers de type Thalassinoides.
3) Brachiopodes (Brachiopoda)
Les espèces identifiées et leur répartition stratigraphique théorique sont présentées dans le Tableau 1, l’ensemble représentant une trentaine d’individus.
Les déterminations ont été effectuées à l’aide des publications de Almeras (1971), Laurin (1984), et Minot & Branger (2007).
On peut noter la présence d’espèces appartenant théoriquement au Bajocien supérieur. Cependant, Delance et al. (1979) avaient aussi récolté des brachiopodes du Bajocien supérieur dans un niveau du Bathonien inférieur ; ils avaient estimé que le Bathonien inférieur dans la région de Saint-Bénin-d’Azy (Nièvre, à une dizaine de kilomètres à l’Est du gisement de Saint-Éloi) avait pu remanier les niveaux sous-jacents, ce qui peut aussi être le cas ici.
4) Mollusques Lamellibranches (Mollusca, Bivalvia)
En raison de leur faible valeur stratigraphique, bien qu’abondants mais en l’absence de documentation spécifique, ils n’ont pas tous été identifiés.
On peut noter, entre autres, la présence de Gryphaeidae (genre Liostrea), Limidae (notamment Ctenostreon rugosum [Smith, 1817] et Plagiostoma hellica [d’Orbigny, 1850]), Pectinidae (genre Entolium), Pholadomyidae (notamment Goniomya literata [Sowerby, 1819]), Pteriidae (notamment Oxytoma costata [Sowerby, 1825]), et Trigoniidae.
5) Mollusques Gastéropodes (Mollusca, Gastropoda)
En raison de leur faible valeur stratigraphique et en l’absence de documentation spécifique, ils n’ont pas tous été identifiés.
On peut noter, entre autres, la présence de Ampulospira sp., Globularia formosa (Morris & Lycett, 1851), Trochotoma acuminata Eudes-Deslongchamps, 1843, et de Pleurotomariidae (notamment du genre Bathrotomaria).
6) Nautiles (Mollusca, Cephalopoda, Nautiloidea) et bélemnites (Mollusca, Cephalopoda, Belemnoidea)
Les nautiles Cenoceras bathonicum auct. et Somalinautilus sp. ne sont représentés que par quelques spécimens.
Quelques rostres et phragmocônes d’une bélemnite ont aussi été récoltés : Belemnites bessinus d’Orbigny, 1842 (syn. Belemnopsis fusiformis [Parkinson, 1811]).
Toutes ces espèces sont attribuables au Bathonien.
7) Ammonites (Mollusca, Cephalopoda, Ammonoidea)
Les espèces identifiées et leur répartition stratigraphique théorique sont présentées dans le Tableau 2. L’ensemble représente environ 280 spécimens récoltés, compte non tenu des individus non identifiables en raison de leur mauvais état de conservation. En Planches I et II sont figurés quelques spécimens parmi les mieux conservés du Bathonien moyen et supérieur ; les spécimens du Bathonien inférieur, beaucoup plus fréquents dans la région (cf. discussion au point IV), ne sont pas figurés.
Les travaux utilisés pour la détermination des ammonites et pour préciser la stratigraphie sont les suivants : Quenstedt (1846-1849), Oppel (1856-1858), Grossouvre (1919), Buckman (1907-1930), Lissajous (1923), Wetzel (1937, 1950), Arkell (1951-1958), Westermann (1958), Énay (1959), Stephanov (1961), Elmi & Mangold (1966), Elmi (1967), Sturani (1967), Hahn (1968, 1969, 1970, 1971), Mangold (1970, 1971), Galácz (1980), Torrens (1987), Dietl (1990), Poirot (1992), Besnosov & Mitta (1993), Courville et al. (1999), Dietze & Schweigert (2000), Kopik (2006), Mangold et al. (2012), Martin & Mangold (2015).
Aussi bien pour l’identification des espèces que pour leur position stratigraphique, les publications les plus récentes ont été retenues à chaque fois que possible. Cependant, certaines espèces n’ont pas donné lieu à des travaux récents, ou ne font l’objet que de données très fragmentaires.
Ainsi, selon la littérature consultée, certaines espèces du Bathonien inférieur existent déjà dans le Bajocien supérieur, ou certaines espèces du Bajocien supérieur peuvent persister dans le Bathonien inférieur, ou ne figurer selon l’auteur que dans le Bajocien supérieur. Les interprétations peuvent aussi être différentes selon les auteurs et selon la limite qu’ils retenaient à la date de leur publication entre le Bajocien et le Bathonien. La base de l’étage Bathonien est maintenant définie comme correspondant à la première apparition de l’ammonite Parkinsonia (Gonolkites) convergens (Buckman, 1925) (Zone à Zigzag, Sous-zone à Convergens pour la province subboréale, Sous-zone à Parvum pour la province subméditerranéenne) (Fernández-López et al., 2009). Dans la région de Nevers, la limite entre le Bajocien et le Bathonien a été étudiée et discutée par Zany et al. (1995).
De même, la répartition et l’extension stratigraphique des espèces dans le Bathonien est variable selon les auteurs et continue de donner lieu à discussions (voir par exemple une synthèse par Page, 1996), ce qui peut entraîner des manques de précisions. Ainsi, et parmi d’autres exemples, le cas de Procerites imitator (Buckman, 1922), amène à se poser des questions sur la pertinence de l’identification spécifique ou stratigraphique selon les auteurs. Procerites imitator est une espèce le plus souvent citée au sommet du Bathonien inférieur ou à la base du Bathonien moyen (pour l’holotype) ; le figuré d’Arkell (1958, pl. 26, fig. 3) du Twinhoe Ironshot (équivalent de la Zone à Retrocostatum, Sous-zone à Blanazense, à la base du Bathonien supérieur) est à rapprocher de Wagnericeras wagneri (Oppel, 1857) (Martin, com. pers.). Dans un autre exemple, nous avons considéré que l’espèce Tulites cadus Buckman, 1921 est limitée à la Zone à Subcontractus du Bathonien moyen, qui est sa position stratigraphique généralement admise. Kopik (2006) avait suggéré qu’en Pologne, Tulites cadus apparaissait au sommet du Bathonien inférieur ; ceci a été invalidé par Zaton (2007) qui a rapporté cette espèce en Pologne à la Zone à Subcontractus du Bathonien moyen.
Les espèces identifiées avec un point de doute sont indiquées dans le Tableau 2 par la mention cf.
L’assemblage faunistique est dominé par les Perisphinctidae (genres Bigotites, Gracilisphinctes, Homeoplanulites, Lobosphinctes, Lobosphinctes [Planisphinctes], Prevalia, Procerites, Procerozigzag, Siemiradzkia, Subgrossouvria, Suspensites, Wagnericeras, Zigzagiceras) qui représentent 46% des individus récoltés.
Les Oppeliidae (Eohecticoceras, Oxycerites, Paroecotraustes, Paroecotraustes [Nodiferites], Prohecticoceras) sont bien représentées (21%), ainsi que les Tulitidae (Bullatimorphites, Morrisiceras, Tulites) avec 21% également.
Les Morphoceratidae (Asphinctites, Ebrayiceras, Morphoceras, Polysphinctites) ne sont que 8%, et les Parkinsoniidae (Parkinsonia, Parkinsonia [Gonolkites], Parkinsonia [Oraniceras]) 3%.
Les autres familles (Clydoniceratidae : Clydoniceras) ne sont que marginales.
On peut plus particulièrement noter, par ordre chronologique, la présence des fossiles stratigraphiques suivants, notamment pour ce qui concerne ici la province subméditerranéenne (au sens de Mangold & Rioult, 1997) :
- Parkinsonia (Gonolkites) convergens : définit la base du Bathonien et la Sous-zone à Convergens, (première sous-zone de la Zone à Zigzag et du Bathonien inférieur de la province subboréale),
- Morphoceras macrescens (Buckman, 1923) : définit la Sous-zone à Macrescens (deuxième sous-zone de la Zone à Zigzag et du Bathonien inférieur des provinces subboréale et subméditérranéenne),
- Siemiradzkia aurigera (Oppel, 1857) : définit la Zone à Aurigerus (deuxième et dernière zone du Bathonien inférieur de la province subméditerranéenne),
- Asphinctites recinctus Buckman, 1924 : définit la Sous-zone à Recinctus, première sous-zone de la Zone à Aurigerus,
- Gracilisphinctes progracilis (Cox & Arkell, 1950) : définit la Zone à Progracilis (première zone du Bathonien moyen des provinces subboréale et subméditérranéenne), et la deuxième sous-zone de la province subméditerranéenne,
- Wagnericeras fortecostatum (de Grossouvre, 1930) : définit la Sous-zone à Fortecostatum (dernière sous-zone de la Zone à Bremeri et du Bathonien moyen de la province subméditerranéenne),
- Procerites quercinus (Terquem & Jourdy, 1869) : définit le premier horizon de la Zone à Retrocostatum et de la première sous-zone du Bathonien supérieur de la province subméditerranéenne,
- Bullatimorphites hannoveranus Roemer, 1911 : définit la deuxième et dernière sous-zone de la Zone à Retrocostatum de la province subméditerranéenne, et la dernière sous-zone de la Zone à Orbis de la province subboréale,
- Enfin, Clydoniceras nivernensis de Grossouvre, 1930 est une forme voisine de Clydoniceras discus (Sowerby, 1813) qui définit la Zone à Discus, deuxième et dernière zone du Bathonien supérieur des provinces subboréale et subméditerranéenne.
On peut aussi remarquer la présence de Tulites juvéniles de moins d’1 cm de diamètre.
La répartition en nombre d’individus récoltés, pour les espèces limitées à un seul des sous-étages du Bathonien, est la suivante :
- Bathonien inférieur : 53% des individus récoltés,
- Bathonien moyen : 32% ; la Zone à Morrisi n’est représentée que par un seul exemplaire de Morrisiceras sp.,
- Bathonien supérieur : 6% ; la Zone à Discus n’est représentée que par un seul exemplaire de l’espèce Clydoniceras nivernensis.
Les trois espèces Eohecticoceras rugeti Elmi, 1967, Procerites costulatosus (Buckman, 1923) et Lobosphinctes (Planisphinctes) tenuissimus (Siemiradzki, 1898), représentées respectivement par 1, 3 et 6 individus, sont habituellement réputées du sommet du Bajocien. Dans le cas présent, i) comme pour les brachiopodes, il pourrait s’agir d’individus remaniés, ou ii) il pourrait s’agir d’espèces persistant dans le Bathonien inférieur, comme l’ont supposé Zany et al. (1995) pour Parkinsonia bomfordi Arkell, 1956 dans les environs de Nevers.
IV. – Discussion
1) Stratigraphie du gisement
La faune récoltée, ammonites principalement, mais aussi brachiopodes, indique que sur le site de Saint-Éloi, l’ensemble du Bathonien est représenté, depuis la base du Bathonien inférieur ; la Zone à Morrisi du Bathonien moyen mériterait confirmation, tandis que la Zone à Discus (dernière zone du Bathonien supérieur) n’est représentée que par un seul exemplaire de Clydoniceras nivernensis.
Il est par ailleurs possible que le sommet du Bajocien soit aussi présent en partie, comme le laissent suggérer quelques brachiopodes et ammonites, mais aucun fossile stratigraphique ne permet véritablement de le confirmer.
Au niveau du décapage effectué avant les terrassements, quelques individus des ammonites suivantes ont été récoltés en surface sur quelques centaines de mètres-carrés :
- Oxycerites sp., attribuables au Bathonien,
- Homeoplanulites cf. H. homeomorphus, du Bathonien moyen,
- Tulites cadus (dont des juvéniles de faible diamètre), Homeoplanulites sandovali Mangold, Martin & Prieur, 2012, Paroecotraustes (Nodiferites) sayni Elmi, 1967, le tout du Bathonien moyen, Zone à Subcontractus.
De plus, divers Perisphinctidae et Parkinsonia ont été observées au niveau du décapage de surface, mais n’ont pas été récoltées. Parkinsonia est attribuable au Bathonien inférieur.
Au niveau de la coupe décrite dans la présentation du gisement, quelques individus des fossiles suivants ont aussi été observés :
- niveau 1 : ammonites (Oxycerites sp., Procerites sp.), brachiopodes, lamellibranches, oursins (Pygomalus analis),
- niveau 4 : nautile, ammonites (Procerites sp., Tulites cadus, cette dernière du Bathonien moyen),
- niveau 7 : ammonites (Tulites de faible diamètre du Bathonien moyen sur un banc de calcaire gris).
La très grande majorité des fossiles décrits ont été récoltés dans les déblais des terrassements, et leur position dans la coupe ne peut donc être précisée. Au vu des données du décapage de surface et de la coupe, il apparaît néanmoins que les fossiles ne sont pas stratigraphiquement ordonnancés. En effet, i) des Tulites du Bathonien moyen ont été observées à différents niveaux de la coupe, y compris au niveau le plus supérieur, et ii) des Parkinsonia du Bathonien inférieur ont aussi été observées au niveau actuel le plus supérieur.
Plusieurs hypothèses peuvent être avancées pour expliquer cette absence d’ordonnancement :
- il s’agit d’un site où toutes les espèces ont cohabité et se sont fossilisées sur un intervalle de temps très court ; cette hypothèse apparaît peu crédible, les ammonites récoltées se succédant habituellement sur environ 2 Ma ;
- il s’agit d’un niveau condensé, à taux de sédimentation très faible, où les espèces se sont fossilisées très proches les unes des autres dans la colonne stratigraphique ;
- un ou plusieurs cycles d’érosion suivis de sédimentations se sont succédé au cours de l’intervalle de temps géologique considéré (Bajocien supérieur – Bathonien supérieur), les fossiles ayant été remaniés et re-sédimentés ; dans ce cas, le dernier cycle est contemporain ou postérieur à la Zone à Discus du Bathonien supérieur (la dernière représentée sur le site) ;
- la sédimentation s’est déroulée normalement du Bajocien supérieur au Bathonien supérieur au moins, mais des bouleversements ont affecté ultérieurement le gisement, l’ont érodé et ont remanié les fossiles présents.
La présence d’un niveau condensé, s’il permet de justifier une succession du Bajocien supérieur au Bathonien supérieur sur environ trois mètres de puissance, ne permet pas à lui seul d’expliquer l’absence d’ordonnancement stratigraphique des fossiles, et donc leur remaniement. Des reprises d’érosion au cours de la sédimentation sont possibles ; en effet, l’abondance des lamellibranches et gastéropodes suggère, au moins à un moment donné, une tranche d’eau relativement faible, et même une proximité de rivage, et donc la possible présence de courants érosifs. Enfin, des bouleversements ultérieurs affectant et remaniant le gisement initial sont aussi possibles, comme l’atteste la présence de failles notées sur la carte géologique au 1:50 000 à proximité même du gisement.
Enfin, certains des fossiles récoltés sont à l’état de moule interne, ou lorsque le pseudo-test est conservé, certains sont pyritisés (ou la gangue comporte des cristaux de pyrite), tandis que d’autres sont en calcite. Mais il n’est pas possible d’établir une corrélation entre le mode de conservation et les niveaux stratigraphiques théoriques des espèces. La minéralisation ultime apparaît donc postérieure à la fossilisation initiale, et contemporaine ou postérieure à un remaniement du gisement.
2) La faune fossile replacée dans le contexte local
Pour ce qui concerne le Bathonien à l’Est de la Loire sur la feuille Nevers de la carte géologique au 1:50 000, Delance et al. (1988) indiquent que i) l’épaisseur totale du Bathonien inférieur et moyen semble de l’ordre de 40 à 60 mètres mais la majeure partie de la série correspond au Bathonien inférieur ; le Bathonien moyen est mal repéré et paraît peu développé ; ii) le Bathonien supérieur est constitué de deux ensembles calcaires encadrant une épaisse assise marneuse : les brachiopodes et les ammonites récoltés attestent la présence de la Zone à Discus et, vraisemblablement, à la base, de la Zone à Retrocostatum (Delance et al., 1988).
Sur la commune de Saint-Éloi, les travaux en tranchée de l’autoroute A77, bien qu’entaillant le substratum sur plusieurs mètres de hauteur, n’avaient pas livré, à notre connaissance, d’association faunistique notable. Seule une ammonite Bullatimorphites latecentratus (Quenstedt, 1886) (coll. J.-F. Demaizière), attribuable à la base du Bathonien moyen (Zone à Progracilis), avait pu être récoltée dans la tranchée du pont d’Aubeterre (Fig. 1 ; coordonnées géographiques : Longitude 3°12’21’’ Est, Latitude 46°59’38’’ Nord ; J2b-c Bathonien selon la carte géologique). Celui-ci se situe à 1,4 km au Nord-Ouest du gisement de la caserne des pompiers décrit dans cet article, et dans la même formation géologique au sens de la carte géologique.
Toujours au niveau du pont d’Aubeterre (Fig. 1), les champs labourés ont fourni en surface (récoltes personnelles) une faune d’ammonites du Bathonien supérieur : Alcidellus cf. A. tenuistriatum de Grossouvre 1888, Bullatimorphites hannoveranus Roemer, 1911, Clydoniceras nivernensis, Homeoplanulites sp. ? (cf. H. marcelli Mangold, Martin & Prieur, 2012, et cf. H. choffatiaformis [Besnosov, 1993]), Homeoplanulites aequalis (Roemer, 1911), Homeoplanulites mangoldi (Dominjon, 1969), Oxycerites orbis Giebel, 1852 (syn. O. oppeli Elmi, 1967), Paroecotraustes waageni Stephanov, 1961, et un spécimen présentant une costulation très divisée (Pl. II, Fig. 23) rapporté à Prevalia sp. ?
Le gisement de la caserne des pompiers de Saint-Éloi apparaît donc tout à fait remarquable de par le nombre et la diversité des ammonites qu’il a livrées sur l’ensemble du Bathonien, et les récoltes du pont d’Aubeterre permettent de préciser la faune locale du Bathonien supérieur. La faune fossile récoltée à Saint-Éloi permet de plus d’attester de la présence du Bathonien moyen, ainsi que de la Zone à Retrocostatum du Bathonien supérieur.
3) La faune fossile replacée dans le contexte de la région de Nevers
Dans les environs immédiats de Nevers, les données stratigraphiquement les plus complètes sont celles de Zany et al. (1995), avec notamment deux coupes ; la première est située en bord de Loire environ quatre kilomètres au Sud-Ouest de la ville, et la seconde dans la ZAC de Nevers, à environ 4 kilomètres à l’Ouest du centre-ville (soit 4 kilomètres au Nord de la coupe précédente). Ces deux coupes ont fourni des assemblages faunistiques riches en ammonites. La coupe du bord de Loire fait apparaître le sommet du Bajocien supérieur (Sous-zone à Bomfordi) et le Bathonien inférieur (Sous-zones à Convergens, à Macrescens, à Recinctus, et à Tenuiplicatus). La coupe de la ZAC de Nevers comprend quant à elle les Sous-zones à Macrescens, à Recinctus et à Tenuiplicatus. Dans les deux cas, les niveaux ne dépassent donc pas le sommet du Bathonien inférieur.
A 10 kilomètres à l’Est de Saint-Éloi, les gisements de Saint-Bénin d’Azy (Nièvre) et de la petite région des Amognes (entre Nevers et Saint-Bénin d’Azy) ont livré une faune fossile particulièrement riche en ammonites, aussi bien en nombre d’individus qu’en espèces (Delance et al., 1979 ; Énay et al., 2001 ; Roger et al., 2006). Ainsi, Énay et al. (2001) estiment que plus de 50 000 ammonites y ont été récoltées. Cependant, ces gisements sont rapportés au Bathonien inférieur, et même généralement limités à la partie supérieure de la Zone à Zigzag (Sous-zone à Macrescens) et à la partie inférieure de la Zone à Aurigerus (Sous-zone à Recinctus = Yeovilensis) (Delance et al., 1979 ; Énay et al., 2001 ; Roger et al., 2006). La Sous-zone à Tenuiplicatus est cependant présente au-moins sporadiquement, et a livré « Asphinctites gr. tenuiplicatus et Micromphalites sp. » (Zany et al., 1995). Ainsi, les faunes d’ammonites de la partie supérieure de la Zone à Aurigerus du Bathonien inférieur, et de la base du Bathonien moyen (Zone à Progracilis) sont beaucoup plus rares et beaucoup moins riches en individus (Roger et al., 2006). Elles ont livré « Parkinsonia wuerttembergica, Bullatimorphites sp., et des Perisphinctidae ». Il en est de même pour les faunes des Zones à Subcontractus et à Morrisi du Bathonien moyen, qui, à Sainte-Marie (une douzaine de kilomètres au Nord de Saint-Bénin-d’Azy), ont fourni des « Tulitidés (dont Tulites subcontractus), Morrisiceras morrisi, Oxycerites sp., Gracilisphinctes sp., Oecotraustes sp., et des Perisphinctidae » (Roger et al., 2006).
En dehors d’une faune abondante du Bathonien inférieur, dans la petite région des Amognes, les champs fournissent sporadiquement des Tulitidés du Bathonien moyen, ammonites des genres Bullatimorphites, Tulites et Morrisiceras (récoltes personnelles).
Pour le Bathonien supérieur, Delance et al. (1979) ont figuré une coupe à la limite des Zones à Retrocostatum et à Discus, immédiatement à l’Est du village de Saint-Bénin d’Azy, dans laquelle ils ont récolté les ammonites « Oxycerites subinflexus, O. gr. oppeli, Clydoniceras cf. discus, Delecticeras legayi, Prohecticoceras retrocostatum, Paraecostraustes waageni variabilis, Homeoplanulites gr. pseudoannularis, H. ybbsensis, H. bugesiacus, Bomburites suevicum, Cadomites (Polyplectites) claramontanus ».
Roger et al. (2006) indiquent aussi que le Bathonien supérieur (carte géologique, feuille de Saint-Saulge) a fourni les ammonites « Hecticoceras retrocostatum, Paraecotraustes maubeugi, Perisphinctes sp., Bullatimorphites bullatus, Oxycerites sp., Gracilisphinctes sp. », ce qui indique la Zone à Retrocostatum, et, localement, « Clydoniceras discus, Delecticeras sp. et Bullatimorphites sp. » de la Zone à Discus du Bathonien terminal.
Delance et al. (1988) indiquent enfin les ammonites suivantes dans le Bathonien supérieur à l’Est de Nevers : « Clydoniceras discus, Delecticeras legayi, Paroecotraustes maubeugei, Homeoplanulites, Bullatimorphites bullatus », attestant de la Zone à Discus, et vraisemblalement, à la base, de la Zone à Retrocostatum.
Les données du Bathonien au Sud immédiat de Nevers (carte géologique feuille de Sancoins) n’apportent pas d’éléments nouveaux pour la faune d’ammonites (Clozier et al., 1983).
Le gisement très localisé de Saint-Éloi apparaît donc particulièrement riche en nombre d’espèces, et permet de compléter la connaissance des faunes d’ammonites pour le Bathonien de la région de Nevers.
V. – Conclusions
L’ensemble des gisements de la commune de Saint-Éloi (caserne des pompiers et pont d’Aubeterre) a livré une riche faune d’ammonites. La faune fossile récoltée, et tout particulièrement les ammonites, ont permis de préciser la stratigraphie du gisement de la caserne des pompiers de Saint-Éloi, celle-ci couvrant peut-être le sommet du Bajocien, et l’ensemble du Bathonien. Pour le Bathonien supérieur, elle permet aussi d’attester de la présence de la Zone à Retrocostatum, qui ne l’était pas jusqu’alors localement.
De par sa richesse en nombre d’espèces, le gisement de la caserne des pompiers de Saint-Éloi permet aussi de compléter la connaissance des faunes d’ammonites du Bathonien dans la région de Nevers, et tout particulièrement de celles du Bathonien moyen et de la base du Bathonien supérieur, qui n’étaient jusqu’alors que très partiellement représentées et connues.
Remerciements. — Les auteurs remercient tout particulièrement :
- Mme Sylvie PETIT (Saint-Menoux, Allier) pour sa contribution aux récoltes de terrain ;
- M. Philippe NICOLLEAU (Aiffres, Deux-Sèvres) pour l’identification et les précisions apportées sur les oursins ;
- Les relecteurs de cet article pour les améliorations et corrections apportées.