Miroir de la Lune et du Soleil. La cosmologie sensorielle de Cyrano de Bergerac

  • Mirror of the Moon and of the Sun. The Sensory Cosmology of Cyrano de Bergerac

DOI : 10.54563/bdba.1747

p. 99-114

Résumés

Cet article envisage l’Autre Monde de Savinien de Cyrano de Bergerac comme le récit d’une aventure sensorielle. Imagination et vision personnelle enrichissent la représentation traditionnelle des sens, faisant du récit une « expérience des sens ». Voyageant vers la Lune ou le Soleil, le personnage est confronté à une désorganisation de la matière organique. Le miroir de la Lune, ou celui du Soleil, offre alors une image renversée et renversante de l’être au monde.

This article considers The Other World by Savinien Cyrano de Bergerac as the story of a sensory adventure. Traditional representations of the senses are enriched by imagination, and by a personal vision, making the story an « experience of the senses ». When he is traveling to the Moon or to the Sun, the character encounters worlds where normal bounderies of organic objects become blured. The Moon or the Sun offer, through the looking glass, so to speak, a topsy-turvy way of being in the world.

Plan

Texte

« Il y a dans l’univers un million peut-être de choses qui, pour être connues, [demanderaient en vous] un million d’organes tout différents1. »

Je partirai de l’idée que L’Autre monde de Savinien de Cyrano de Bergerac est le récit d’une grande aventure sensorielle, nourrie par une imagination créatrice de fiction qui entend rendre possible l’improbable, « et pourquoi non2 ? », et une vision personnelle qui enrichit les représentations traditionnelles des sens, faisant du récit une expérience des sens – comme on dit une expérience de pensée. On sait que l’Histoire comique a pour toile de fond le décentrement majeur de la cosmologie ptoléméenne qui s’opère entre xvie et xviie siècle, et auquel le procès de Galilée a mis un point d’orgue en 1633. Ce décentrement cosmologique et symbolique est éprouvé par Dyrcona, le voyageur de la Lune et du Soleil, qui entreprend de faire l’essai, de vérifier empiriquement par lui-même l’idée qu’il s’est faite de la pluralité des mondes habités conçue par Giordano Bruno3. Le laboratoire de la fiction rend possible l’expérience des sens, qui en fait apparaître les enjeux anthropologiques et métaphysiques. L’entreprise du voyageur, outre l’inventivité technique qu’elle requiert, qui ne nous intéressera qu’autant qu’elle est liée à la vie corporelle et sensible, engage le corps tout entier dans une expérience à la fois exaltante et bouleversante d’assomption, ou d’enlèvement ascensionnel, de chute et de rencontre d’une altérité radicale. Le texte est mis très vite sous le signe du livre de Campanella, De sensu rerum [et magia], la magie étant soustraite au projet auquel est censé avoir contribué le mentor du narrateur, qui se dit le « démon de Socrate », et lui révèle le secret de la sensibilité, la perception ou la conception universelle, qui lui donne accès à une compréhension des phénomènes qui excède absolument l’expérience sensible des humains limités au bouquet des cinq sens. Être sans organe, pour ainsi dire, puisqu’il est immortel et ne possède pas de corps propre mais s’incarne, ou mieux s’informe en se « soufflant » dans des cadavres ; mais il n’en est pas pour autant un « esprit », affirmant hautement que tout est matière, plus ou moins délinéée, plus ou moins ancrée dans la vie organique. À ce titre, les choux auxquels on « n’a point taillé d’organes semblables aux nôtres », pourraient bien participer de cet « intellect universel » dont les humains n’approchent guère4. Les organes, les sens, désignent à la fois la limitation des capacités cognitives et fictionnantes des hommes, et le lieu d’où peut s’opérer simultanément l’extension de leur vie sensitive, grâce à l’affranchissement des contraintes auquel initie le voyage, et l’extension de leur imagination créatrice sur laquelle parie le texte.

Le voyage dans la Lune imprime le renversement des points de vue et la confrontation de l’humanité du terrien avec celle des habitants de la Lune, peu enclins à admettre l’existence d’un autre monde que le leur, la promotion de leur lune en Terre. Je me suis intéressée à la déstabilisation – la désorganisation ? – physique, matérielle, sensible, de cette humanité organique, propulsée sur une autre scène. Cyrano invente un monde prodigieusement enrichi, un monde de sensations qui ne sont pas les nôtres. Cela implique un travail de déconstruction et de redéfinition des caractéristiques anthropologiques, de mise en question de ce qui semble constituer le propre de l’homme, selon la tradition aristotélicienne des Parties des animaux5 : la station debout, la posture et l’assiette humaine, l’usage des mains, le regard tourné vers le ciel, l’intellect, le langage. Modifier ces caractéristiques et facultés ouvre sur un autre monde, que Cyrano explore sur un mode épicurien, en fondant sa description de la sensibilité lunaire et des modes de vie qu’elle engage sur la théorie de l’atomisme antique, telle qu’on la trouve exprimée dans le poème de Lucrèce6, auquel il imprime une déclinaison singulière.

Le miroir de la Lune, ou celui du Soleil, offre une image renversée et renversante de l’être au monde. Il touche à la gravité, au poids des corps, à leurs mouvements, leur manière de se déplacer, qui impliquent des techniques du corps singulières, des usages différents du toucher, de l’odorat, du goût, usages alimentaires, sexuels, mais aussi d’autres rites mortuaires, d’autres formes de perception, de jugement ou de divertissement. La Lune et le Soleil, ce sont d’autres façons d’habiter le monde offertes à l’avide curiosité du narrateur de Cyrano.

La question des sens est ainsi prise de manière globale, holistique ; elle est thématisée et théorisée tout au long de l’Histoire comique, au cœur d’une écriture et d’une culture burlesques, qui rencontre une philosophie matérialiste, épicurienne. Nous évoquerons cette configuration en deux temps : dans cet autre monde, la gravité détermine l’assiette et des postures qui bouleversent les repères sublunaires. Le voyageur est engagé dans une expérience corporelle et sensorielle7 intense, dans ce monde animé d’une « vie brutale », qui n’est pas sans conséquence. Les sensations interrogent les usages familiers, et les normes éthiques et religieuses de la Terre, dont elles révèlent les paradoxes et les aberrations. Dans un deuxième temps, nous nous intéresserons à quelques fragments des doctes discours des Séléniens, révélateurs du traitement d’une certaine doxa, déviée, entraînée par la métaphore.

Gravité, assiette et postures

Le voyage est une expérience corporelle et sensorielle, qui implique puissamment des sensations kinésiques, liées au mouvement et au geste, et tactiles. Elles sont inaugurées par le mouvement imprimé au corps par ses ascensions vertigineuses. « [...] tout à coup je sens mes entrailles émues de la même façon que les sentirait tressaillir quelqu’un enlevé par une poulie8 » : la comparaison traduit ici la sensation dans un registre familier, matériel, qui évoque les engins utilisés dans le bâtiment, la marine, ou les arts de la scène9, dans un registre proprement comique, si l’on songe aux machines qui permettaient de « guinder » dieux et déesses au firmament des théâtres.

Propulsé dans l’espace, après plusieurs tentatives ingénieuses d’assomption, grâce aux hasards heureux d’un accident mécanique qui lui vaut tout de même d’avoir la peau brûlée, le héros de Cyrano sent enfin son « élévation continuer » : « et ma machine prenant congé de moi, je la vis retomber vers la terre10 ». Icare plus heureux que son prédécesseur, il va continuer sur son élan, et bientôt tomber en effet la tête la première, les pieds en haut, attiré par la masse lunaire. Sorti « hors du monde11 ». On est entré dans le monde de Kepler. Le corps se trouve soustrait à l’influence magnétique de la Terre, et il est désormais soumis à l’attraction de la Lune. Son voyage illustre à la fois le décentrement copernicien, et la théorie keplerienne de la gravitation – qui suppute un empire de la Lune sur l’eau, les marées terrestres12, ou le cas échéant, la moelle des animaux.

Le voyage dans la Lune ouvre les portes d’un monde qui semble obéir à d’autres lois physiques, et donne accès à des expériences inouïes. Le narrateur alunit au Paradis terrestre, où il éprouve sa légèreté, les « fonctions de la vie » ne sont plus qu’un « léger souvenir », le pas devient élastique au contact d’un sol souple : « les petits cailloux n’étaient raboteux ni durs qu’à la vue ; ils avaient soin de s’amollir quand on marchait dessus13. » Cette expérience s’amplifiera lors du voyage solaire. Quand il aborde alors aux « grandes plaines du Jour », il éprouve ce que veut dire être sens dessus-dessous :

Cette terre est semblable à des flocons de neige embrasée, tant elle est lumineuse ; cependant c’est une chose assez incroyable, que je n’aie jamais su comprendre, depuis que ma boîte tomba, si je montai ou si je descendis au soleil. Il me souvient seulement, quand j’y fus arrivé, que je marchais légèrement dessus ; je ne touchais le plancher que d’un point, et je roulais souvent comme une boule, sans que je me trouvasse incommodé de cheminer avec la tête, non plus qu’avec les pieds. Encore que j’eusse quelquefois les jambes vers le ciel, et les épaules contre terre, je me sentais dans cette posture aussi naturellement situé que si j’eusse eu les jambes contre terre et les épaules vers le ciel. Sur quelque endroit de mon corps que je me plantasse, sur le ventre, sur le dos, sur un coude, sur une oreille, je m’y trouvais debout. Je connus par là que le soleil est un monde qui n’a point de centre, et que, comme j’étais bien loin hors la sphère active du nôtre, et de tous ceux que j’avais rencontrés, il était par conséquent impossible que je pesasse encore, puisque la pesanteur n’est qu’une attraction du centre dans la sphère de son activité14.

Expérience d’apesanteur et de décentrement : « point de centre », ni de haut, ni de bas15. On pourrait l’associer à une rêverie embryonnaire, en la rapprochant des représentations que l’on trouve dans les traités d’obstétrique anciens, comme celui d’Eucharius Rösslin, Der Swangern Frauwen und hebammen Rosegarten (Strasbourg, Martin Flach, 1513). De nombreuses gravures montrent des enfants, sans cordon ombilical ni placenta, flottant dans un utérus qui ressemble à une ampoule, dans d’étranges postures acrobatiques défiant la gravité16. Dyrcona, voyageur du soleil, ressemble à ces petits danseurs qui gesticulent dans l’imaginaire archaïque de la naissance.

Cette légèreté de l’être trouve son pendant sur la Lune. Après avoir croqué une pomme dérobée, il rencontre des habitants de l’autre monde : des créatures hybrides, des bêtes-hommes, tout empreints de leur gravité de quadrupèdes. Les grands animaux lunaires sont des hommes, qui ont « la taille, la figure et le visage comme nous17 ». Un siècle plus tard, le grand naturaliste Linné classera les hommes parmi les quadrupèdes, pour la plus grande joie du matérialiste La Mettrie, parfaitement conscient du parti philosophique qu’on peut tirer de cette bévue du naturaliste. Si « nous ne sommes, selon [Linné], que des Quadrupèdes », semblables à « ces hommes sauvages, trouvés marchant à quatre pattes horizontalement dans les bois avec les bêtes », « ou plutôt cette honteuse imitation de la position des Bêtes […] quand d’Amour le Démon familier se fait joyeusement sentir18 », voilà une posture, dit-il, qui ne devrait pas manquer de « frapper l’orgueil, surtout Théologique ».

La posture a des bénéfices statiques, et sans doute sexuels. Statiques, incontestablement :

Et puis considérez la différence qui se remarque entre nous et eux. Nous autres, nous marchons à quatre pieds, parce que Dieu ne se voulut pas fier d’une chose si précieuse à une moins ferme assiette. Il eut peur qu’il arrivât fortune de l’homme ; c’est pourquoi il prit lui-même la peine de l’asseoir sur quatre piliers, afin qu’il ne pût tomber19.

Figure blasphématoire de la providence divine, la stabilité minérale des bêtes-hommes défie la tradition du corps-fabrique. La structure et l’équilibre architectural revendiqués renvoient à la représentation du corps comme un édifice, ou une statue, qu’on trouve par exemple chez l’anthropographe Jean Riolan, contemporain de Cyrano, qui voit dans le corps le « temple de son maître20 », dans les termes du narrateur. Selon Riolan, la création du grand ouvrier, dit « Fabricant divin, Architecte, Opifex ou Démiurge », le corps humain, « réalise un chef-d’œuvre parfait situé au sommet de l’échelle des êtres21 » ; la tradition antique, enrichie par la théologie chrétienne, proclame la perfection de la fabrique humaine, dont le principe est l’âme, et celle de l’homme debout dont les membres et la symétrie s’inscrivent dans le cercle parfait de l’homme de Vitruve interprété par Léonard de Vinci. D’Aristote aux pères de l’Église, la station droite dégage la tête, la rapprochant d’un ciel habité, à la fois signe et condition de l’intelligence humaine, l’érection étant la marque d’une élection divine. « La stature de l’homme est droite », écrit Grégoire de Nysse, « pour indiquer clairement la différence de dignité qu’il y a entre les êtres courbés sous le pouvoir de l’homme et cette puissance placée au-dessus d’eux22 ». Au rebours, aux yeux des prêtres de la Lune, elle n’est qu’une « posture suppliante » de dominé et de déshérité : « Mais nous autres, nous avons la tête penchée en bas pour contempler les biens dont nous sommes seigneurs23 ». Le monde renversé n’empêche pas la captation biaisée du legs inscrit dans la création du monde, au livre de la Genèse, qui veut que l’homme soit destinataire des choses créées avant lui, pour lui, en même temps qu’il est invité à contempler la beauté du monde.

La station debout, orgueil humain, est dénigrée comme elle le sera, avec des intentions différentes, dans les Voyages de Gulliver de Jonathan Swift, dont les solides équidés du pays des Houyhnhnms plaignent la misère de l’homme, Gulliver ne leur apparaissant que comme un pauvre Yahoo, moins doué même que les singes nus qui peuplent leur contrée :

Mes ongles ne me servaient à rien, ni ceux des pieds de devant ni ceux des pieds de derrière ; du reste mes pieds de devant ne méritaient pas ce nom, puisqu’il ne m’avait jamais vu m’en servir pour marcher et qu’ils étaient trop délicats pour supporter le contact du sol. […] Je ne pouvais donc marcher avec sécurité, car, dès que l’un de mes pieds de derrière glissait, ma chute était inévitable24.

Les bêtes-hommes de Cyrano se targuent donc au contraire d’une « ferme assiette25 », qui garantit ontologiquement et ironiquement leur humanité et leur raison. Face à eux, le voyageur, loin d’être reconnu comme leur ressemblant, est traité comme un animal, susceptible tout au plus d’être domestiqué. Je se croit ainsi « quasi être devenu monstre26 », et se trouve animalisé, brutifié, l’objet d’un procès parodique en humanité, singe ou oiseau, perroquet tout au plus, que bientôt seul le langage va sauver des inquiétudes cléricales.

On voit donc se dessiner la subversion de la tradition humaniste exemplairement formulée par Pic de la Mirandole dans son Discours sur la dignité de l’homme (1486 ou 1487) : « le parfait artisan » intime à Adam d’achever sa « propre forme librement, à la façon d’un peintre ou d’un sculpteur. Tu pourras dégénérer en des formes inférieures, comme celle des bêtes, ou régénérer, atteindre les formes supérieures qui sont divines27 ». L’immersion du voyageur dans un monde renversé le réduit à n’être qu’une forme inférieure, le ramène à la condition d’un animal, et d’un animal domestique, soumis, saisi, emporté, caressé, tâté. Le voici donc dégénérant docilement, et néanmoins représentant notre humanité, mise sur la sellette. Cette dégénération a pourtant été annoncée comme une nouvelle naissance, puisqu’en croquant la pomme prise sur « l’Arbre de Science », il dit s’être senti « chatouillé de ces agréables douleurs, où on dit que l’embryon se trouve à l’infusion de son âme28 ». Cette infusion passe du moins par quelques épreuves, qui l’initie à un monde sensoriel gustatif, olfactif et tactile, en transgressant les limites de son expérience. Les postures des Séléniens participent de la représentation d’une animalité sexuée, sexuelle, qui se vautre pour manger, et rampe sur le dos pour parler. Bien des traits convergent pour rapprocher les quadrupèdes lunaires des animaux, entraînant Je dans leur monde : « Une de ces bêtes-hommes m’ayant saisi par le cou, de même les loups quand ils enlèvent une brebis, me jeta sur son dos29 » ; un autre « m’ayant fort longtemps léché, m’engueula doucement par l’aisselle, et de l’une des pattes dont il me soutenait de peur que je ne me blessasse, me jeta sur son dos30 » ; cet autre traverse la foule et vient « choir aux pieds du roi et se traîna longtemps sur le dos. Cette façon de faire ne me surprit pas, car je savais bien dès longtemps que c’était la posture où ils se mettaient quand ils voulaient discourir en public31 ». Jamais l’homme de la Terre ne songe à s’étonner, à s’offusquer de l’obscénité de cette reptation, à se révolter d’être ainsi brutalisé par contact, traité comme un petit animal, une des « bêtes du roi », ou de la reine. On suppose qu’il est « sans doute la femelle du petit animal de la reine », « un petit homme bâti presque tout comme moi, car il marchait à deux pieds32 » avec lequel il est mis en cage. Il accepte aussi bien la subversion des règles de la civilité ou de l’art oratoire, que des lois organiques de la subsistance même, au bénéfice d’une plasticité absolue, qui lui fait éprouver toutes les nuances « du ridicule au sérieux33 ».

Cyrano opère un brouillage ironique en redistribuant les traits humains et animaux de manière créative, sans respecter le schéma du monde à l’envers. La qualification de bêtes-hommes le suggère, en soulignant une hybridation philosophique anti-cartésienne, qui fait correspondre posture et comportement animal, du plus grossier au plus raffiné, et facultés humaines, raison et langage. Leur animalité provocante définit l’humanité des habitants de la Lune : animaux par leurs postures, les mouvements de leur corps, leur manière de se déplacer. La logique zoologique voudrait que la tête « penchée en bas34 » du quadrupède lui permette de se nourrir, cette posture mettant sa bouche à portée de nourriture, et l’empêche de parler. Mais Cyrano tire d’autres conséquences de cette logique, puisque les bêtes-hommes sont douées de langages parlés « sans la langue35 », de formes d’expression différentes du langage articulé, gestuelles et musicales ; et mieux encore, se nourrissent sans la bouche. Le voyageur découvrira leurs livres aussi, qui peuvent accompagner une déambulation, puisque pour les lire, « les yeux sont inutiles ; on n’a besoin que d’oreilles36 ».

Il y a sur la Lune des physionomes ou médecins chargés de « gouverner la santé », en ordonnant un régime spécifique à chacun selon ses qualités plastiques et esthétiques :

[...] il ne juge des diverses façons dont il nous faut traiter que par la proportion, figure et symétrie de nos membres, par les linéaments du visage, le coloris de la chair, la délicatesse du cuir, l’agilité de la masse, le son de la voix, la teinture, la force et la dureté du poil37.

En fonction de ces données, on préférera par exemple un lit « de violettes et de lys38 », ou telle alimentation, puisque les Séléniens se nourrissent de fumées (comme dans les Histoires vraies de Lucien39), au fumet carné, ou végétal, selon leur complexion. Ce qui trouvera une explication atomiste classique, exposée par un docteur au « petit animal ». Sa vision de l’Univers repose sur l’idée d’une matière éternelle, la Création n’ayant pu naître de rien, et cette matière est décrite en termes d’atomes conçus comme des corps solides à géométrie variable, cubiques, ronds, hexagones ou ovales. Selon lui, les atomes permettent d’expliquer l’opération des sens, suivant en cela le modèle lucrétien, dont il détaille toutefois l’application aux cinq sens, toucher compris, alors que le poème de Lucrèce ne lui accorde pas beaucoup d’attention, ce qui fait partie de ces différences par rapport au texte source, indéniablement présent dans le traitement du goût et de l’odorat qui est proposé par le docteur de la Lune. On peut ainsi estimer que Cyrano renforce la présence de la tradition atomiste, matérialiste qui fonde la philosophie lunaire. Le goût s’explique par la forme et la combinaison de « petits corps », dont la géométrie est différente selon qu’il s’agit d’une poire ou d’une prune ; par analogie, on conçoit facilement que la douleur d’une blessure par pique ou par balle ne saurait être la même. L’odorat est réduit à « une émission continuelle de petits corps qui se déprennent de leur masse et qui frappent notre nez en passant40 », ce qui d’une part est admis comme la vulgate commune à la Terre et à la Lune, et peut sans doute expliquer qu’on puisse se nourrir de fumée sur la Lune. Mais on remarquera que la théorie, ou « l’exposé doxographique41 », n’est pas ici directement mis en relation avec les pratiques culturelles de la Lune, ou l’extension du domaine des sens dans la trame narrative, puisqu’il renvoie à un modèle explicatif archaïque.

La malheureuse brute terrienne est « si peu de chose42 ». Cyrano parodie à plaisir le thème du dénuement de l’homme transmis par la tradition chrétienne, enchaînant problème de statique, posture ridicule qui l’apparente « possible [à] quelque espèce d’autruche, vu que je portais comme elle la tête droite43 », appareil sensoriel limité à ce « qui peut être ouï, vu, touché, fleuré ou savouré44 », répression sexuelle, face à la grande santé lunaire. Impertinence théologique que cette créature bestiale. Sur la Lune, point d’abstinence, et au contraire une sexualité exposée, orientée vers la génération, « la propagation charnelle45 ». On espère des petits de son union avec l’Espagnol, « bâti presque tout comme moi46 », « le roi et la reine [prenaient eux-mêmes assez souvent la peine] de me tâter le ventre pour connaître si je n’emplissais point47 ». L’humour carnavalesque homo-érotique de Cyrano se passe ici de commentaires, Madeleine Alcover en ayant souligné la candeur subversive48. Sur la Lune est revendiquée une philosophie du plaisir (masculin) contre la continence « pire que la mort49 », qui prône le destin biologique contre toute idée morale50 qui pourrait être attachée à la procréation, et à une paternité qui ne donne aucun droit à celui qui s’en acquitte, ni aucune obligation à sa progéniture. La constitution même des hommes les destine manifestement à la sexualité, prolifique ou non, la continence est une aberration, preuve en est que Dieu « n’arrache point les génitoires à vos moines, à vos prêtres, ni à vos cardinaux51 ». Lesdites « parties honteuses52 » se portent même en sautoir de bronze, et au fil du texte la figure même du créateur, de ce Dieu qui a pourvu à cette sexualité sans tabou, cède le pas à « mère nature » :

Les femelles ici, non plus que les mâles, ne sont pas assez ingrates pour rougir à la vue de celui qui les a forgées ; et les vierges n’ont pas honte d’aimer sur nous, en mémoire de leur mère nature, la seule chose qui porte son nom. Sachez donc que l’écharpe dont cet homme est honoré, où pend pour médaille la figure d’un membre viril, est le symbole du gentilhomme, et la marque qui distingue le noble d’avec le roturier53.

L’amour, pas la guerre, dans cet « autre monde ». À coup sûr, pas de génération spontanée, sinon on se demande « pourquoi Dieu ne vous a pas fait naître à la rosée du mois de mai comme les champignons, ou, tout au moins, comme les crocodiles du limon gras de la terre échauffé par le soleil54 ». Diderot développera sur un mode fantasmatique dans Le Rêve de d’Alembert la tentation onirique d’une sexualité sans congrès, qui anéantisse le toucher, le contact des épidermes, et avec lui la différence des sexes. Cyrano rejette l’hypothèse de la génération spontanée (ou la réserve aux crocodiles) au profit d’une sexualité vouée à la fois à la propagation et à une jouissance sans fin, débarrassée de l’idée du péché : « Pourquoi [commettrais]-je un péché quand je me touche par la pièce du milieu et non pas quand je touche mon oreille55 ou mon talon ? Est-ce à cause qu’il y a du chatouillement56 ? » Dans le corpus du tact propre au roman, le chatouillement a une place érotique de choix, associé ici au plaisir solitaire, là à un rituel collectif d’endormissement57 :

Dès que je fus étendu sur mes fleurs, j’aperçus […] ces trois ou quatre jeunes garçons qui m’avaient déshabillé à souper, dont l’un se mit à me chatouiller les pieds, l’autre les cuisses, l’autre les flancs, l’autre les bras, et tous avec tant de mignoteries et de délicatesse qu’en moins d’un moment je me sentis assoupir58.

Le fils de l’hôte s’étonne « vu combien la religion de votre pays est contre nature et jalouse de tous les contentements des hommes, que vos prêtres n’ont fait un crime de se gratter, à cause de l’agréable [douceur] qu’on y sent59 ». Un siècle plus tard, Claude-Nicolas Le Cat décrira cette « sensation hermaphrodite » qui décuple la sensibilité, et procure un plaisir ambivalent :

L’organe peut être encore rendu sensible, comme il faut qu’il soit pour le chatouillement, par une disposition légèrement inflammatoire, c’est à cette cause qu’il faut rapporter les démangeaisons sur lesquelles une friction fait un si grand plaisir […] voisin de la douleur60.

Différentes sensations tactiles appartiennent ainsi à une culture de la volupté raffinée, légitimant la jouissance pour elle-même, et faisant place à des plaisirs hétérodoxes. On voit donc comment par contiguïté les questions de l’assiette et de la posture, jouent un rôle critique dans un récit d’exploration sensorielle, qui interroge une longue tradition anthropologique et religieuse qui trouve son couronnement dans l’humanisme et la philosophie rationaliste.

Microcosme. Le monde des poux

L’exploration du corpus du tact dans les États et empires de la Lune conduit à observer la manière dont Cyrano subvertit le discours doxographique d’une autre manière, en explorant l’analogie bien connue de la Renaissance entre macrocosme et microcosme. Il s’agit ici d’un passage explicatif qui illustre une nouvelle interprétation de la pluralité des mondes. Le monde y apparaît comme un système comparable à une poupée-gigogne, faite d’une pluralité de mondes emboîtés, ou « un macrocosme formé d’infinis microcosmes61 ». Changement d’échelle : on était dans le cosmos, voyageant de planète en étoile, on se retrouve sur un cuir chevelu. C’est l’histoire d’un « petit peuple62 » de poux qui habitent leur monde, soit un corps humain – le vôtre, dont la peau prend vie, se mue en paysage composé de ses imperfections, de ses irrégularités, qui deviennent ses ressources et sa météorologie :

quand quelqu’un d’eux a voyagé depuis l’une de vos oreilles jusqu’à l’autre, ses compagnons disent de lui qu’il a voyagé aux deux bouts du monde, ou qu’il a couru de l’un à l’autre pôle ? Oui, sans doute, ce petit peuple prend votre poil pour les forêts de son pays, les pores pleins de pituite pour des fontaines, les bubes et les cirons pour des lacs et des étangs, les apostumes pour des mers, les fluxions pour des déluges ; et quand vous vous peignez en devant et en arrière, ils prennent cette agitation pour le flux et le reflux de l’océan63.

L’analogie entre macrocosme et microcosme est « familière à la Renaissance64 » ; mais il semble qu’il s’agit moins ici de l’analogie ou de la correspondance entre l’homme et le monde, que d’une manière de la revisiter, à la recherche d’une représentation de mondes infiniment petits et redoutablement proches. Elle rend visible l’invisible, que donnent à voir paradoxalement et dans une tout autre scénographie les scènes d’épouillage paisibles de la peinture de genre, de Gerard ter Borch à Greuze. On trouve en effet les mêmes images bouffonnes chez Giordano Bruno, penseur de l’infini et de la pluralité des mondes : il associait sur un mode burlesque sémiotique pathologique et événements météorologiques, « cathares, érésypèles, calculs, vertiges » vus comme autant de « brouillards, pluies, neiges, éruptions65 ». Cyrano s’en tient à la surface du corps, à son enveloppe, à l’intimité corporelle parasitée, à la peau et aux agressions comme aux caresses qu’elle subit. Il redéploie toute une palette de sensations épidermiques, qu’il se fait un plaisir de cartographier et détailler. Il file la métaphore pourrait-on dire, parodiant la belle idée exprimée par Jean Riolan, pour qui Dieu « fit en dernière main l’homme comme un petit monde, dans lequel ainsi que dans un portrait raccourci, toutes les choses célestes et terrestres sont par le menu représentées66 ».

Mais ce faisant, la peau n’est pas seulement magnifiée comme au microscope, d’invention récente, pour décrire le monde des poux en « insectes sociaux67 », elle devient pleinement surface tactile qui subit toutes sortes de démangeaisons, non seulement « cuir » dont on voit les pores, les poils et les bulbes, mais terrain de bataille entre poux et cirons, jonché de cadavres, qui nourrissent ampoules, croûtes et apostumes (ou boutons) en tout genre, provoquant démangeaisons, gratelle, chair pourrie. Chacun les supporte selon son tempérament humoral, le bilieux moins bien que le flegmatique. La peau ainsi habitée donne lieu à des spéculations médicales sur la cicatrisation, sur le rôle de tous ces « petits animaux68 » expulsés avec le sang d’une blessure, enfin morts quand « la chair pourrie devient insensible69 » alors qu’ils s’emploient à « boucher70 » la plaie. Quel est l’effet sur le lecteur de ce détail qui peut susciter le dégoût ? Il semble que la métaphore s’autonomise, et qu’on en oublie la visée cosmologique, ou la représentation philosophique du monde, emportée par l’impression qu’ici se joue tout autre chose, et comme l’envers de la déclinaison épicurienne de la sensation, qui noue cosmologie et éthique du plaisir ou du bien-vivre. On peut suggérer qu’il pourrait s’agir de mettre en place sur un mode burlesque une manière lucide et provocante d’affronter la « vie brutale71 » et l’être mortel, tantôt assailli, tantôt réparé par ces animalcules que bientôt révéleront les travaux de Leuwenhoek, et de se débarrasser par là de la crainte de la mort.

L’image de cette peau habitée, lésée, irritée, soumise à ces exsudations et excroissances qui procurent des sensations intolérables est comme la figure négative du phénomène du toucher. Elle semble illustrer en quelque sorte la théorie du toucher qu’on pourrait extrapoler du poème de Lucrèce. Les corps, « toute matière palpable72 » émettent des « petits corps » : ce sont les « simulacres » de Lucrèce, ces pellicules fines émanant des corps, et censées traverser les pores ou « pertuis », petites ouvertures de la peau ou du cuir. Quand nous « les épreignons du sujet manié, comme l’eau d’une éponge quand nous la pressons73 », ces petits corps transmettent diverses sensations : « les durs viennent faire à l’organe rapport de leur solidité ; les souples, de leur mollesse ; les raboteux, de leur âpreté ; les brûlants de leur ardeur ; les gelés, de leur glace74 ». Cyrano transforme le poème de Lucrèce, où les simulacres des choses, leur reflet matériel, sont définis comme des « sortes de membranes légères, détachées de la surface des corps et qui voltigent en tout sens dans les airs75 ». Il y ajoute sa patte, développe la représentation de l’opération du toucher, de l’organe du toucher. Il met en scène un toucher rude, exposé à des sensations extrêmes, à la douceur mais aussi à la douleur de lésions brutales, provoquées non par de frêles pellicules, mais par des corps solides, atomes, parasites, ou armes, pique, pistolet, ou carreau d’acier. En outre, et c’est ce qui rend le texte vivant, concret, proche de l’expérience – on n’a pas affaire à un discours théorique abstrait, ou à une paraphrase poétique de Lucrèce – il évoque la main, la qualité de la peau, de l’organe du toucher, de la peau, tissure, contexture plus ou moins réceptive aux sensations qui sont les siennes, selon son état :

Et qu’ainsi ne soit, nous ne sommes plus si fins à discerner par l’attouchement avec des mains usées de travail, à cause de l’épaisseur du cal qui, pour n’être ni poreux, ni animé, ne transmet que malaisément ces fumées de la matière76.

Je conclus d’un mot sur Cyrano, qui fait jouer des expériences inouïes, des sensations qui ne sont pas les nôtres, procurées par la culture raffinée d’un monde animal, sensuel, épicurien, et inscrit en même temps dans son texte une expérience intime, concrète, celle de l’homme de guerre peut-être, ou du manouvrier à la peau dure, calleuse, déclinant tout un éventail de sensations haptiques, tactiles, olfactives, des plus délicieuses aux plus pénibles. Cette expérience sensorielle relève d’une pensée matérialiste, qui destitue la vision humaniste et chrétienne de l’homme en mettant en question la morale, les interdits marqués par la tradition théologique. Elle est porteuse d’un discours critique acerbe sur les sens interdits de la civilisation perfectionnée terrestre, du toucher en particulier, dont longtemps il semble qu’il ne sera plus parlé. Le texte de Cyrano se tient sur le seuil du silence même de la figuration concrète, non allégorique, des sens77, jusqu’à ce qu’il soit réévalué, ce dont l’Encyclopédie de Diderot et D’Alembert portera témoignage :

TOUCHER, s. m. (Physiolog.)​​ le toucher est un des sens externes, à l’aide duquel nous concevons les idées du solide, du dur, du mol, du rude, du chaud, du froid, de l’humide, du sec, & des autres qualités tangibles, de la distance, de la démangeaison, de la douleur, etc.Voyez Sens, Solide, Dur, etc. Le toucher est de tous nos sens le plus grossier, mais en même temps le plus étendu, en ce qu’il embrasse plus d’objets que tous les autres ensemble : même quelques-uns réduisent tous les autres sens au seul sens de l’attouchement78.

Chez Cyrano, la présence des sens, du toucher entre tous, sous ses différents aspects kinésiques, haptiques et tactiles, suggère la reconfiguration de la sensibilité humaine à partir de l’expérience de celui qui risque sa peau79. On est aux antipodes du discours classique qui marquerait la faiblesse épistémologique des sens dans une tout autre perspective que celle du démon de Socrate, pour qui il ne s’agit pas de la critique rationnelle des illusions et des erreurs auxquels ils conduisent, mais de leur capacité limitée à concevoir le monde, à imaginer leurs propres ressources sensorielles et narratives.

Notes

1 Savinien de Cyrano de Bergerac, Les États et Empires de la Lune et du Soleil, éd. M. Alcover, Paris, Champion, 2004 (Champion Classiques – Littératures, 1), p. 64. Retour au texte

2 Ibid., p. 80-81. Retour au texte

3 Giordano Bruno, L’Infini, l’univers et les mondes, éd. et trad. B. Levergeois, Paris, Berg International, 1987. Retour au texte

4 Savinien de Cyrano de Bergerac, Les États et Empires de la Lune et du Soleil, éd. cit., p. 114. Retour au texte

5 Aristote, Les Parties des animaux, éd. P. Louis, Paris, Les Belles Lettres, 2002 (Collection des Universités de France. Série grecque – Budé, 131) (1re éd., 1956). Retour au texte

6 M. Alcover, La Pensée philosophique et scientifique de Cyrano de Bergerac, Genève, Droz, 1970 (Histoire des idées et critique littéraire, 109), p. 65. Retour au texte

7 « Nous n’appelons vulgairement corps que ce qui peut être touché », Savinien de Cyrano de Bergerac, Les États et Empires de la Lune et du Soleil, éd. cit., p. 63. Retour au texte

8 Ibid., p. 205. Retour au texte

9 Cf. M. Traversier, « Techniques et techniciens du spectaculaire, xve - xviiie siècles », Revue d’Histoire du Théâtre, t. 278, 2018, p. 6-14. Retour au texte

10 Savinien de Cyrano de Bergerac, Les États et Empires de la Lune et du Soleil, éd. cit., p. 29. Retour au texte

11 Ibid., p. 39. Retour au texte

12 Galilée, Dialogue sur les deux grands systèmes du monde, trad. R. Fréreux et F. de Gandt, Paris, Éditions du Seuil, 1992 (Points. Sciences, 139 – Sources du savoir), p. 652 : Kepler « a pourtant prêté l’oreille et donné son assentiment à un empire de la Lune sur l’eau, des propriétés occultes et autres enfantillages du même genre ». Retour au texte

13 Savinien de Cyrano de Bergerac, Les États et Empires de la Lune et du Soleil, éd. cit., p. 31. Retour au texte

14 Ibid., p. 233-234. Retour au texte

15 Cf. Y. Hersant, « Giordano Bruno, le grand transgresseur », dans La limite : xvies Entretiens de La Garenne Lemot, éd. J. Pigeaud, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2012 (Interférences). Retour au texte

16 M.-F. Morel, « Fœtus virtuels dans les traités médicaux des siècles classiques (xviexviiie siècles) », Spirale, t. 60, 2011/4, p. 37-44. Retour au texte

17 Savinien de Cyrano de Bergerac, Les États et Empires de la Lune et du Soleil, éd. cit., p. 51. Retour au texte

18 Julien Offray de La Mettrie, Ouvrage de Pénélope ou Machiavel en médecine, éd. F. Markovits, Paris, Fayard, 2002 (Corpus des œuvres de philosophie en langue française), p. 152. Retour au texte

19 Savinien de Cyrano de Bergerac, Les États et Empires de la Lune et du Soleil, éd. cit., p. 88. Retour au texte

20 Ibid., p. 53. Retour au texte

21 S. Carvallo, L’Homme parfait. L’anthropologie médicale de Harvey, Riolan et Perrault (1628-1688), Paris, Classiques Garnier, 2017 (Histoire et philosophie des sciences, 15), p. 149. Retour au texte

22 Grégoire de Nysse, La Création de l’homme, éd. J. Laplace et J. Daniélou, Paris, Éditions du Cerf, 1944 (Sources chrétiennes, 6), ch. VIII, 144b. Retour au texte

23 Savinien de Cyrano de Bergerac, Les États et Empires de la Lune et du Soleil, éd. cit., p. 89. Retour au texte

24 Jonathan Swift, Voyages de Gulliver, trad. J. Pons, Paris, Gallimard, 1976 (Folio, 597), p. 300. Retour au texte

25 Savinien de Cyrano de Bergerac, Les États et empires de la Lune et du Soleil, éd. cit., p. 88. Retour au texte

26 Ibid., p. 51. Retour au texte

27 Jean Pic de la Mirandole, Discours sur la dignité de l’homme, dans Œuvres philosophiques, éd. O. Boulnois et G. Tognon, Paris, PUF, 1993 (Épiméthée), p. 3-9. Cf. S. Manon, « La plasticité, principe de la dignité humaine. Pic de la Mirandole », PhiloLog, 2009 [en ligne]. Retour au texte

28 Savinien de Cyrano de Bergerac, Les États et Empires de la Lune et du Soleil, éd. cit., p. 33. Retour au texte

29 Ibid., p. 51. Retour au texte

30 Ibid., p. 67. Retour au texte

31 Ibid., p. 98. Retour au texte

32 Ibid., p. 75. Retour au texte

33 Ibid., p. 116. Retour au texte

34 Ibid., p. 89. Retour au texte

35 B. Parmentier, « Parler sans la langue. Langages et corps dans les États et Empires de Cyrano de Bergerac », Littérature Classiques, t. 53 – supplément, 2004, p. 219-236. Retour au texte

36 Savinien de Cyrano de Bergerac, Les États et Empires de la Lune et du Soleil, éd. cit., p. 136. Retour au texte

37 Ibid., p. 115. Retour au texte

38 Ibid., p. 134. Retour au texte

39 Cf. Lucien de Samosate, Œuvres. Opuscules 11-20, éd. J. Bompaire, Paris, Les Belles Lettres, 1998 (Collection des Universités de France. Série grecque – Budé, 384), Histoires vraies, I-23. Retour au texte

40 Savinien de Cyrano de Bergerac, Les États et Empires de la Lune et du Soleil, éd. cit., p. 132. Retour au texte

41 I. Moreau, « Les stratégies d’écriture libertines et l’héritage gassendien : Cyrano disciple infidèle ? », Dix-septième siècle, t. 233, 2006/4, p. 615-633. Retour au texte

42 Savinien de Cyrano de Bergerac, Les États et Empires de la Lune et du Soleil, éd. cit., p. 88. Retour au texte

43 Ibid., p. 92. Retour au texte

44 Ibid., p. 65. Retour au texte

45 Ibid., p. 109. Retour au texte

46 Ibid., p. 75. Retour au texte

47 Ibid., p. 88. Retour au texte

48 Ibid., p. ccii-ccviii. Retour au texte

49 Ibid., p. 108. Retour au texte

50 Cf. Denis Diderot, Supplément au Voyage de Bougainville, ou de l’inconvénient d’attacher des idées morales à ce qui n’en comporte pas. Retour au texte

51 Savinien de Cyrano de Bergerac, Les États et Empires de la Lune et du Soleil, éd. cit., p. 109. Retour au texte

52 Ibid., p. 142. Retour au texte

53 Ibid., p. 143. Retour au texte

54 Ibid., p. 109. L’idée est présente dans la rêverie élémentaire de l’Espagnol : « Je leur demande premièrement si l’eau n’engendre pas du poisson [...] » (ibid., p. 83). Retour au texte

55 Dans Jacques le fataliste et son maître, Diderot explore précisément l’oreille comme zone érogène, et l’ouïe comme moyen de jouissance contagieuse, Jacques se trouvant par hasard témoin auditif d’une scène d’amour (Denis Diderot, Jacques le Fataliste et son maître, éd. B. K-Toumarkine, Paris, Flammarion, 2012 (GF, 1310) (1re éd., 1997), p. 56). Retour au texte

56 Savinien de Cyrano de Bergerac, Les États et Empires de la Lune et du Soleil, éd. cit., p. 109. Retour au texte

57 Dans L’Oiseau blanc conte bleu, Diderot reprendra l’idée de cette technique du corps associée au pouvoir des fables. Cf. J. Starobinski, « Du pied de la favorite au genou de Jacques », dans Diderot, un diable de ramage, Paris, Gallimard, 2012, p. 83 et sq. Retour au texte

58 Savinien de Cyrano de Bergerac, Les États et Empires de la Lune et du Soleil, éd. cit., p. 72. On notera que Cyrano multiplie les emplois métaphoriques de chatouiller/chatouillement ou démangeaison. Retour au texte

59 Ibid., p. 109. Retour au texte

60 Claude-Nicolas Le Cat, Traité des sens, Rouen, [s. n.], 1740, p. 10. Retour au texte

61 M. Alcover, La Pensée philosophique et scientifique de Cyrano de Bergerac, p. 58. Retour au texte

62 Savinien de Cyrano de Bergerac, Les États et Empires de la Lune et du Soleil, éd. cit., p. 116. Retour au texte

63 Ibid., p. 117. Retour au texte

64 M. Alcover, La Pensée philosophique et scientifique de Cyrano de Bergerac, p. 59. Retour au texte

65 P.-H. Michel, La Cosmologie de Giordano Bruno, Paris, Hermann, 1962 (Histoire de la pensée, 9), p. 287 (cité dans M. Alcover, La Pensée philosophique et scientifique de Cyrano de Bergerac, p. 59). Retour au texte

66 Cité par S. Carvallo, L’Homme parfait, p. 157. Retour au texte

67 Cf. O. Perru, « La problématique des insectes sociaux : ses origines au xviiie siècle et l’œuvre de Pierre-André Latreille », Bulletin d’Histoire et d’Épistémologie des Sciences de la Vie, t. 10, 2004, p. 9-37. Retour au texte

68 Savinien de Cyrano de Bergerac, Les États et Empires de la Lune et du Soleil, éd. cit., p. 118. Retour au texte

69 Ibid., p. 119. Retour au texte

70 Ibid. Retour au texte

71 Ibid., p. 146. Retour au texte

72 Ibid., p. 131. Retour au texte

73 Ibid. L’image de l’éponge apparaît dans le développement sur le goût chez Lucrèce, De la nature, trad. H. Clouard, Paris, Garnier-Flammarion, 1964 (GF, 30), p. 134. Retour au texte

74 Savinien de Cyrano de Bergerac, Les États et Empires de la Lune et du Soleil, éd. cit., p. 131. Retour au texte

75 Lucrèce, De la Nature, éd. cit., p. 120. Retour au texte

76 Savinien de Cyrano de Bergerac, Les États et Empires de la Lune et du Soleil, éd. cit., p. 132. Retour au texte

77 Cf. E. Méchoulan, Corps imprimé. Essai sur le silence en littérature, Montréal, Balzac-Le Griot, 2000 (L’Univers des discours). Retour au texte

78 Diderot et d’Alembert, Encyclopédie ou dictionnaire […], Paris, 1765, t. 16, p. 445b. Retour au texte

79 Cf. M. Serres, Les Cinq sens, Paris, Grasset, 1985 (Philosophie des corps mêlés, 1), p. 23. Retour au texte

Citer cet article

Référence papier

Caroline Jacot Grapa, « Miroir de la Lune et du Soleil. La cosmologie sensorielle de Cyrano de Bergerac », Bien Dire et Bien Aprandre, 37 | 2022, 99-114.

Référence électronique

Caroline Jacot Grapa, « Miroir de la Lune et du Soleil. La cosmologie sensorielle de Cyrano de Bergerac », Bien Dire et Bien Aprandre [En ligne], 37 | 2022, mis en ligne le 10 octobre 2023, consulté le 13 novembre 2024. URL : http://www.peren-revues.fr/bien-dire-et-bien-aprandre/1747

Auteur

Caroline Jacot Grapa

Univ. Lille, ULR 1061 – ALITHILA – Analyses Littéraires et Histoire de la Langue, F-59000 Lille, France

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