Car puis ce temps n'ay acquis seulement / Fors paine et deuil, regret, gemissement : Médée et l’héroïde en langue française dans les XXI Epistres d’Ovide d’Octovien de Saint-Gelais (fin xve siècle)

  • Car puis ce temps n'ay acquis seulement / Fors paine et deuil, regret, gemissement : Medea and the French Heroide in the XXI Epistres d’Ovide by Octovien de Saint-Gelais (Late 15th Century)

DOI : 10.54563/bdba.1907

p. 121-134

Résumés

Le présent article entend étudier l’exemple de l’héroïde de Médée dans sa traduction française par Octovien de Saint-Gelais. Le poète s’écarte de la reproduction fidèle et littérale d’Ovide pour amplifier certains passages caractéristiques de la représentation de Médée comme sujet souffrant. À travers la représentation de Médée se lit une réflexion sur la manière de dire la passion amoureuse en langue française.

This article intends to study the example of Medea’s heroide in its French translation by Octovien de Saint-Gelais. The poet departs from Ovid’s faithful and literal reproduction to amplify certain characteristic passages in the representation of Medea as a suffering subject. The representation of Medea is a reflection on the way in which love passion is expressed in French.

Plan

Texte

La figure de Médée a fait l’objet d’une réception complexe au Moyen Âge. Stefania Cerrito a montré comment la conception du personnage a pu varier entre vision positive de la magicienne et vision cruelle dans la lignée de la version d’Euripide1. La Colchidienne n’est pas uniquement l’autrice d’un scelus nefas qui la priverait de son humanité et qui, par corollaire, en fixerait une image strictement monstrueuse, impassible à toute autre interprétation du mythe. Ainsi, au cours du Moyen Âge, diverses dynamiques de sélection sont à l’œuvre dans le processus de représentation du personnage. Nous souhaiterions ici étudier la figure de Médée à la fin du Moyen Âge, plus particulièrement dans la traduction des Héroïdes d’Ovide par Octovien de Saint-Gelais dans les dernières années du xve siècle. Le poète-traducteur retient comme texte-source les lettres d’Ovide, où Médée apparaît comme une amante esseulée, sujet et objet de son propre discours. Ce choix n’est pas un hasard et sa traduction manifeste un succès2 important des lettres amoureuses d’Ovide en ce début de Renaissance marqué par une « véritable effloraison épistolaire3 ». Cette redécouverte de l’œuvre du poète antique ouvre la voie à une nouvelle représentation textuelle et visuelle de l’héroïne païenne.

La critique a le plus souvent analysé les XXI Epistres d’Ovide selon une approche traductologique, notamment à partir des seuils textuels4. Cette étude entend s’inscrire dans la continuité de ces travaux, en interrogeant l’intentio auctoris présidant à la traduction de l’héroïde de Médée. Il s’agira donc de commenter les choix de traduction d’Octovien dans la lettre de Médée. La Médée d’Octovien, nourrie par la nature de l’hypotexte ovidien et par le transfert du latin au français, présente un double enjeu, mythologique et linguistique. Rappelons que les Héroïdes d’Ovide sont avant tout le lieu d’une parole féminine à la première personne. La restitution du mythe féminin est en ce sens intrinsèquement liée à une constance énonciative, qui plus est dans un autre idiome. Dès lors, quelle est la part d’« altérité linguistique5 » dans cette restitution en langue française de sa lettre amoureuse ? Permet-elle de distinguer une spécificité de la représentation de Médée à la fin du Moyen Âge ? Le poète-traducteur déplace l’enjeu du mythe en en faisant un médium pour dire l’amour en français, au détriment d’un discours sur les agissements passés de la magicienne. C’est pourquoi nous verrons que la figuration de l’amante est indissociable de l’adaptation de son discours amoureux. Au sortir du Moyen Âge, Octovien brosse une peinture des sentiments dramatisée, bien plus pathétique que celle d’Ovide. Plus que tout, c’est l’amante affligée que le poète français préfère et représente.

D’une langue l’autre : translater le vers des Héroïdes

De manière analogue à la traduction de l’Énéide quelques années plus tard en 1500, le passage en langue française des Héroïdes d’Ovide interroge en premier lieu le choix du mètre et celui de la rime. Comment traduire le distique élégiaque ? Comment adapter une prosodie qui n’est plus pertinente en dehors du latin ? En définitive, quels choix prosodiques et métriques du latin au français ? Car, comme le note Paul Zumthor, « toujours le transfert d’une langue à l’autre comporte-t-il un indice de réfraction tenant au poids propre des traditions qui formalisent l’énoncé dans l’idiome vernaculaire6 ».

Ces questions sont intimement liées à la compréhension de la traduction d’Octovien, en ce qu’elles permettent de saisir les enjeux de cette version française des Héroïdes. L’utilisation d’un nouveau vers et l’instauration d’un système de rimes propre au français contribuent à une nouvelle modulation de la voix de Médée, et par là, à une autre façon de représenter l’héroïne à travers son discours. D’une part, Octovien fait le choix du décasyllabe7 : il décide donc d’utiliser le vers épique, qui correspond à un sujet et à un personnel sublimes selon le concept médiéval de la roue de Virgile. Au Moyen Âge, les personnages féminins des Héroïdes sont considérés comme des mulieres nobiles8, des dames de rang social élevé. Dès lors, leur degré d’extraction nécessite l’usage d’une parole conforme à leur prestige. Outre l’aspect symbolique, il faut aussi noter que l’emploi du décasyllabe est significatif du point de vue de sa souplesse : Octovien est sensible au phénomène de la césure, dont il fait souvent l’usage pour faire entendre son propos. D’autre part, l’introduction de la rime, ici plate, constitue une nouveauté par rapport à l’organisation du vers latin ; elle permet la création d’effets de sens et de connivence entre les mots placés en position finale du vers.

Cette configuration de la traduction révèle chez Octovien une confiance dans le potentiel poétique de la traduction versifiée en langue française. Il en résulte une traduction globale qui est moins proche du texte latin que celle de l’Énéide, et qui privilégie l’interprétation. Si l’on prend en exemple le début de l’héroïde :

Quant me souvient ce que bien me recorde,
De la pitié et grant misericorde
Que j’eu de toy lors que royne et princesse
Fuz de Colcos en florissant jeunesse,
Et que je fuz trop tost legiere et preste
D’obtemperer a la tienne requeste
9.

on constate que le poète français ne cherche pas à simplement trouver des calques à la langue d’Ovide10. L’acte de remembrance, certes commun à Ovide, est ici le lieu d’un rappel du statut perdu de Médée, « royne et princesse », et de ses erreurs. La traduction d’Octovien est volontiers tournée vers une interprétation qui prolonge certains mots ou groupes de mots employés par Ovide11. C’est en ce sens qu’il faut comprend les nombreux ajouts que l’on peut relever dans l’héroïde de Médée. La condamnation de soi présente dans le vers 5 est une réminiscence de la valeur d’irréel du passé du verbe debuerant au vers 4 d’Ovide, dans lequel Médée déclare que les Parques auraient dû lui ôter la vie. On voit donc que la traduction reprend l’idée de regret en la reformulant : la Colchidienne déclare pleinement qu’elle est responsable de ses agissements, en témoigne l’idée d’imprudence présente dans le groupe adjectival « trop tost legiere et preste ». Il y a ainsi un recentrement de l’héroïde sur un jaillissement de la parole à la première personne. Octovien supprime d’ailleurs très souvent les realia mythologiques pour faire de l’expression du « je » le socle principal d’un discours amoureux.

L’héroïde octovienne s’empare donc des moyens qu’offre la métrique française pour moduler la voix de Médée. En l’occurrence, l’usage des césures épiques et lyriques est corrélé au projet de représentation de l’amante. Le rythme 4//6 du vers 18 Ta nef subtile pour tel tresor acquerre (Paris, BnF, ms. fr. 875, fol. 64r°, v. 18) est favorisé par la césure épique qui élide le -e de l’adjectif subtile. Il s’agit par là de faire entendre la rapidité de l’Argo, mais surtout de suggérer celle avec laquelle Jason a fait volte-face, tout autant que l’idée de séduction, prise comme tromperie, sens également disponible pour l’adjectif en moyen français12. L’interprétation permise par la césure participe ainsi d’une image de Médée comme amante dupée. De même, l’analyse de la césure épique du vers 30 : De vouloir prendre ce tresor non pareil (Paris, BnF, ms. fr. 875, fol. 64ro) peut s’interpréter de la même façon. Il s’agit de mettre en relief l’acte de prédation par la mise en valeur du verbe prendre grâce à la césure.

L’emploi de la césure lyrique sert également à nourrir la veine pathétique de l’héroïde. Le vers 345, Mais leurs larmes devant moy receloyent (Paris, BnF, ms. fr. 875, fol. 68v°), rend compte de l’aspect pathétique de l’évocation des serviteurs de Médée réagissant à l’annonce du mariage de Jason et Créuse. La dimension collective s’articule ainsi à l’expérience personnelle de l’amante, comme quand celle-ci adopte la posture du deuil en s’arrachant les cheveux : Cheveulx rompre, mes lasses mains estraindre (Paris, BnF, ms. fr. 875, fol. 66r°, v. 151).

Enfin, c’est aussi dans l’espace des rimes qu’Octovien personnalise son discours sur les Héroïdes. La rime plate permet l’écho immédiat d’un vers à l’autre des sonorités de deux termes. Leur association témoigne d’une pensée à l’œuvre chez le poète. Elle lui permet notamment d’interroger la posture d’amante soumise aux passions, comme dans la rime Jason/Raison : Tes yeulx ryans certes amy Jason/ Aveuglerent en moy toute raison (Paris, BnF, ms. fr. 875, fol. 65r°, v. 77-78). Jason y est désigné comme la cause de la perte de lucidité de Médée. En fait, la rime rejoue ici l’opposition passion/raison telle qu’on la trouve chez Cicéron13 : l’amour que Médée porte à Jason a causé chez elle une perte d’acuité. Son aveuglement l’a menée, comme le disent bien les premiers vers de l’héroïde, à une conduite trop tost legiere et preste. Cette perte de sens se rattache chez Octovien à l’acte de rédaction de la lettre. Aux vers 280 et 281, Bien entreprist ma main tel forfaicture/ Quelle n’ose la mettre en escriture (Paris, BnF, ms. fr. 875, fol. 68r°), la rime forfaicture/escriture exploite les conséquences des actions de Médée, ici le meurtre de son frère Absyrtos qu’Octovien ne nomme pas14, en rattachant le crime à l’acte de composition épistolaire15. Le couplage des deux termes réactive de manière suggestive le contenu de la forfaiture, connu à travers la notoriété du personnage. La rime dit l’acte sans le dire à la fois, dans le geste subtil d’une écriture qui se refuse à l'avouer explicitement, mais qui, en le voilant, ne fait que l’évoquer plus intensément.

La traduction d’Octovien de Saint-Gelais est donc une traduction qui développe l’acuité du regard de Médée sur son parcours amoureux. Il faut y voir une poétique de l’amplification, dont l’objectif est d’exploiter certains épisodes de l’héroïde à même de constituer des représentations visuelles de Médée amante abandonnée et dupée.

L’amplification ou l’art de la scénographie

Si l’héroïde d’Octovien suit la trame du texte source16, force est de constater qu’elle est nettement plus longue que son modèle. On compte 212 vers chez Ovide contre 519 chez Octovien, soit plus du double. Le translateur français a donc amplifié l’hypotexte. Mais cette amplification ne se réduit pas à un simple facteur quantitatif, que Stéphane Macé analyse comme un « effet collatéral17 ». Dans les faits, la pratique de l’amplification par Octovien se rapproche du constat que font Catherine Croizy-Naquet et Michelle Szkilnik à propos de l’emploi du concept à la fin du Moyen Âge : « Au tournant des xve et xvie siècles, l’amplification, fondée au Moyen Âge sur la copia et la varietas, semble changer de nature et privilégier l’intensité, le faire voir18. » Sa pratique enregistre ce tournant sans pour autant rompre avec l’usage médiéval. Elle répond notamment à deux objectifs dans l’héroïde de Médée : accroître la composante visuelle et capturer des scènes de l’intime. Ces scènes ne sont pas choisies par hasard dans la mesure où elles représentent des moments significatifs de l’expression du for intérieur, et dans la mesure où elles ciblent l’espace du lit, espace du commerce amoureux auquel Médée n’est plus admise. Ces arrêts sur image s’inscrivent dans la continuité de la définition que Cicéron donne de l’amplification. Celle-ci repose en effet sur un principe de contrepoids et sur une utilisation particulière des passions19. Autrement dit, l’amplification rend compte de l’importance que revêtent ces séquences pour le poète français : en procédant de la sorte, Octovien révèle ce qui selon lui est à exalter pour dramatiser la plainte amoureuse. Par ailleurs, elle témoigne de la double fonction des passions dans la lettre, comprises comme éléments de la persuasion et comme matière qui nourrit le discours amoureux20.

La première séquence à analyser se situe chez Ovide aux vers 57-64, après qu’Éètès a exigé que les Argonautes quittent Iolcos. Médée se réfugie dans son lit et se lamente. Chez Octovien, l’épisode s’étend du vers 126 au vers 156 :

Et quand je fus en ma chambre montee,
D’aspre douleur fus acoup surmontee.
Tantost apres me meiz dedans le lit,
Ou bien peu pris de joye et de delit :
Toute la nuyt fut en larmes passee
Car de pleurer ne peuz estre lassee.

[…]
Ainsi avoye amour de l’une part,
Et crainte et peur qui grand deul me deppart,
Icelle peur feit augmenter et croistre
[66r]
La grande amour qui en mon cuer peult estre.
Que dyray plus ? ainsi passay la nuyt,
En tel travail et soussïeux deduyt.
Lors vint le jour, si entra en ma chambre
La myenne seur, ainsi que je remembre.
Les dommaiges que sur toy sens venir,
Dont de lermes ne me puis contenir.
Icelle seur me veit plourer et plaindre
Cheveulx rompre, mes lasses mains estraindre,
Toute pasmee estendue a l’envers,
Pleine et saisie de souspirs moult divers,
Et si trouva toute pleine ma couche
De larmes d’oeil et de regret de bouche
21.

On le constate d’emblée, Octovien s’empare de ce passage pour son haut potentiel pathétique. Quelle meilleure occasion que l’évocation de Médée pleurant toute la nuit dans son lit pour illustrer la douleur de l’amante ? Octovien donne à voir une Médée en quasi-représentation22 : la chambre et le lit en constituent le décor, ses larmes deviennent les actions de la scène qui se joue. L’arrivée dans la chambre se comprend dès lors comme l’entrée en scène du personnage. Cette introduction coïncide avec le surgissement de la souffrance au moyen de l’adverbe acoup. La souffrance de Médée est rendue plus intensément par le biais de plusieurs procédés. Sémantiquement, l’adjectif qualificatif aspre redouble le substantif douleur et accentue l’idée d’affliction. Par corollaire, l’harmonie imitative créée par l’allitération en [d] du syntagme d’aspre douleur fait retentir la peine de l’amante. On remarque également que l’antéposition de ce même syntagme, complément d’agent du verbe fut surmontee, permet de placer le terme douleur à la césure du décasyllabe. De même, la rime dérivative montee/ surmontee (v. 126-127) superpose plusieurs niveaux de lecture. Elle dit en même temps le mouvement et l’immobilité de Médée, à peine entrée dans la chambre, déjà vaincue par sa douleur et par son incapacité à surmonter l’annonce du départ de Jason.

En fait, Octovien insère du jeu dans les articulations de l’épisode afin de l’exploiter à sa guise. L’arrivée dans la chambre est séparée de l’entrée dans le lit pour articuler le mouvement spatial à des considérations psychologiques. Les vers 128-129 présentent d’abord la progression vers le lit, puis la privation de la joye et du delit reprise dans la rime lit/delit qui traduit l’impossibilité d’accéder à la jouissance amoureuse dans le lieu où celle-ci prend traditionnellement place.

Sans doute faut-il voir une attention particulière chez Octovien au principe rhétorique ante oculos ponere sur lequel Ovide insiste à deux reprises dans cet extrait23. On peut noter que l’amplification du pathétique de la scène se rapproche ici de la figure de l’evidentia24 : la construction du verbe departir au vers 141 met notamment Médée en position d’objet, à la merci de la crainte et la peur. Et si le vers d’Ovide s’apparentait à une sententia sans marquage personnel de première personne, celui d’Octovien reprend l’idée initiale en en faisant une circonstance supplémentaire à la représentation de l’amante éplorée. Ainsi, les choix opérés par le poète français visent bel et bien à offrir une figuration de Médée plus éloquente que celle d’Ovide. À ce titre, la suite du passage est tout entière une réduplication de l’épisode nocturne. L’apparition du jour au vers 146 entraîne l’arrivée de Chalciopé qui, apercevant Médée, donnera lieu à une nouvelle description du personnage, saturée par une évocation encore plus longue cette fois-ci des pleurs et des souffrances.

On voit donc à quel point l’espace du lit est stratégique pour Octovien. En fait, il représente l’espace du dolor et de la privation dans l’héroïde française.

Si Médée réclamait chez Ovide que Jason lui rendît son lit25, celle-ci va jusqu'à imaginer chez Octovien Créuse partageant la couche de Jason :

Vous deux ensemble en la souefve couche,
Dictes de moy maint faulx parler de bouche.
Bien peu prisez mes fais ne ma beaulté,
Bien me jugez femme sans leaulté,
Or vous ryez et en parlez a l’ayse,
Affin que myeulx l’ung a l’autre complaise.
Dy a ta dame qu’elle rye hardiment,
Et soubz drap d’or et riche parement
Preigne sa joye tant qu’elle aura duree
26.

Ce passage fait suite à l’annonce du mariage de Jason et Créuse. Octovien anticipe le souhait de Médée de réintégrer sa place et le thématise. On passe ici d’une Médée en scène à une Médée spectatrice. Celle-ci imagine le nouveau couple dans son intimité, très appliqué à la critiquer sans ambages. La vision de Médée, teintée de réalisme, est par là représentative d’une mise à l’honneur du sens de la vue à la fin du Moyen Âge27. Pensons notamment à la poésie de Villon, et à la ballade des Contredictz de Franc Gontier dans laquelle le « je » regarde un chanoine et sa dame Sidoine par un trou de mortaise. L’intrusion fantasmée de Médée va même jusqu’à évoquer la délicatesse de la couche dite souefve, confort auquel la Colchidienne ne peut plus accéder sur le plan moral. À la souefve couche répond le lit trempé de larmes et les attaques du couple formulent alors une dichotomie de traitement entre les deux femmes. Créuse est la dame de Jason qui pre[nd] sa joye, antithèse de Médée. Ces deux scènes de l’intimité ont ainsi en commun d’amplifier deux passages qui mettent en jeu la posture de Médée comme amante. La Médée du xve siècle recentre la représentation de l’héroïne sur le versant amoureux, contrairement à celle de l’Ovide moralisé, qui se situe entre magicienne et sorcière. L’héroïne subit bien plus qu’elle n’agit en réalité. Mais cette représentation de l’amante outrepasse largement ce type d’épisodes et rejoint des problématiques d’ordre esthétique et poétique quant à la représentation de la passion amoureuse en langue française à la fin du Moyen Âge.

Acclimatation de la langue amoureuse, acclimatation à la langue française

Au-delà de la simple représentation de Médée, l’entreprise de traduction d’Octovien comporte un enjeu de langue qui touche autant à la composante amoureuse qu’à un art de dire en français. Des Héroïdes d’Ovide aux XXI Epistres d’Ovide, il s’agit bel et bien d’acclimater une langue amoureuse à la langue française, en vulgaire stille comme l’écrit Octovien dans son prologue à destination de Charles VIII28. La question de l’illustration de la langue amoureuse est donc intrinsèquement liée à celle de la langue française en ce début de Renaissance.

Celles-ci sont d’autant plus intriquées qu’elles s’inscrivent dans l’évolution de la lecture des Héroïdes à la fin du Moyen Âge. En effet, Adeline Desbois-Ientile note que :

« […] la traduction d’Octovien de Saint-Gelais est le signe d’un intérêt renforcé porté à l’œuvre d’Ovide, et aux Héroïdes en particulier, comme forme emblématique d’expression de la passion amoureuse à la fin du Moyen Âge29. »

Il convient donc à travers la traduction des Héroïdes de doter la langue française d’un matériau apte à dire la passion amoureuse. À ce titre, l’héroïde de Médée permet de dégager une préférence du poète pour un lexique du dolor et du pathos, en accord avec les scénarios amoureux que rencontrent les héroïnes, que nous représentons sous le tableau suivant :

Occurrences Numéro du/des vers Total
Douleur et douler 9, 37, 40, 121, 128, 311, 420, 456, 509 et 343, 512 11
Dueil 16, 70, 124, 142, 156, 301, 322, 346 8
Piteux et pitié 12, 121, 124, 279, 324, 343, 436, 458, 514 et 2, 206, 444, 12
Triste/Tristesse 114, 121, 325, 331, 337, 404, 436 et 40 8
Larmes 131, 150, 156, 227, 322, 345, 414, 458 8
Plaindre/Complainte 31, 151, 317 et 184, 227, 364 6
Pleurer 21, 132, 151, 322 4
Las et Lasser 40, 152, 255, 277, 331, 352, 454 et 132, 323 9
Regret 16, 58, 123, 156, 406 5
Peine 16, 62, 81, 169, 245, 291, 376, 7
Ennuy 103, 189, 450 3
Peur 142, 143, 241, 336, 350 5
Crainte et Craindre 142, 241, 285, 336, 448 et 280, 287 7

Le relevé des occurrences permet d’apprécier la récurrence d’un certain nombre de termes afférents à une représentation pathétique du sujet amoureux. À travers l’héroïde de Médée se décèle l’élaboration d’une terminologie de la passion amoureuse qui ancre son unité dans le domaine des affects. La surreprésentation de ces termes a donc partie liée avec la réception des Héroïdes à la fin du Moyen Âge. L’héroïde est comprise comme le lieu d’une diction d’amours malheureuses. La Médée d’Octovien rompt ici avec les nombreuses représentations médiévales qui la rattache au mythe d’Euripide : elle se rattache plutôt au traitement qu’en fait Christine de Pizan dans la Cité des dames au xve siècle. Médée est avant tout la « femme amoureuse » dont l’amour « s’oppose à la déloyauté et à l’infidélité de Jason30 ». Cette sélection d’une Médée victime de l’amour justifie alors la surreprésentation de termes à même de dire sa souffrance.

L’une des illustrations les plus saillantes est celle de la désignation du cuer, placée sous le signe de la varietas. Au faulx cuer de Jason (v. 258) s’opposent différentes manières pour Médée d’appréhender son for intérieur : au vers 337, son cuer est triste, au vers 40 triste et doulant, las au vers 331, piteux au vers 343 et plain de destresce au vers 115. À partir d’un même élément se décline une multitude de qualificatifs qui donnent à voir une expérience sensible. C’est pourquoi l’on peut affirmer l’idée d’un lexique français propre à dire la passion amoureuse. Les itérations relevées et surtout leur co-occurrences font passer ces termes de l’échelle de la langue à celle du discours :

Plus se douloit mon piteux cuer tout bas
Mes serviteurs tendrement lamentoyent,
Mais leurs larmes devant moy receloyent
31

L’usage d’un terme en appelle un autre, lequel prolonge cette réaction en chaîne. Si le cuer est piteux, il est besoin d’un verbe pour exprimer sa souffrance, ici douler à la forme pronominale. La lamentation entraîne aussitôt la présence de larmes :

Et mon las cuer faisoit triste devis
Lermes et pleurs de mes yeulx distilloyent
32

On observe une situation identique peu avant ce passage qui fait suite à l’annonce du mariage de Jason et de Créuse. L’irruption d’un terme lié au pathos provoque l’apparition d’autant d’éléments discursifs nécessaires au traitement de l’épisode. Le las cuer nourrit une discussion chargée d’affliction qui débouche sur le binôme synonymique lermes/pleurs et la mention des yeulx, interface entre le for intérieur et l’expression visible du regard.

On perçoit donc quelle est la force sémantique du lexique amoureux d’Octovien. Certains vers sont même saturés par la seule présence de substantifs et d’adjectifs : A cuer et de tristesse las (v. 40), deception, barat et tromperie (v. 36) et surtout Fors peine et deuil, regret, gemissement au vers 16. La composition quasi-nominale de ces vers concourt à fixer des images de Médée à l’échelle du vers. La traduction d’Octovien est ainsi représentative d’une volonté de doter la langue française d’un lexique sur l’amour. Cette langue amoureuse, si on la désigne ainsi, retourne manifestement vers l’élégie qu’Ovide avait déjà intégrée dans la tessiture des Héroïdes. Médée pour Octovien est l’amante avant d’être la magicienne.

Au terme de cette étude, on retiendra qu’Octovien contribue aussi bien à l’adaptation des Héroïdes en langue française qu’à l’adaptation de la langue amoureuse à l’œuvre dans ces lettres33. Sa traduction de l’héroïde de Médée replace l’héroïne païenne dans une filiation d’amantes abandonnées avant de rappeler son statut de magicienne et le meurtre de son frère. Dans cette perspective, le poète français a visiblement amplifié la composante visuelle de l’héroïde pour produire une représentation bien plus colorée par le dolor et le pathos. La Médée-épistolière devient ainsi une illustration du sujet amoureux en proie aux passions en ce début de Renaissance.

Notes

1 S. Cerrito, « Les métamorphoses de Médée au Moyen Âge. Analyse du mythe dans les versions françaises, italiennes et espagnoles », dans Réception et représentation de l’Antiquité, dir. A. Petit, Bien dire et Bien aprandre, t. 24, 2006, p. 39-56. Parmi les études sur Médée au Moyen Âge, on retiendra également : L. Barbieri, « Les Héroïdes dans l’Ovide moralisé : Léandre-Héro, Pâris-Hélène, Jason-Médée », dans Les translations d’Ovide au Moyen Âge. Actes de la journée d’études internationale à la Bibliothèque royale de Belgique le 4 décembre 2008, dir. A. Faems, V. Minet-Mahy et C. van Coolput-Storms, Louvain-la-Neuve, Institut d’études médiévales de l’Université catholique de Louvain, 2011 (Publications de l’Institut d’études médiévales. Textes, Études, Congrès, 26), p. 235-268 et Id., « Les Héroïdes d’Ovide en langue d’oïl et les correspondances amoureuses dans la littérature courtoise », dans La lettre dans la littérature romane du Moyen Âge. Journées d’études (10-11 octobre 2003, École Normale Supérieure), dir. S. Lefevre, Orléans, Paradigme, 2008 (Medievalia, 62), p. 103-139. Il faut également mentionner l’article de P. Deleville et M. Possamaï-Pérez, « Médée au Moyen Âge : les interprétations de l’Ovide moralisé », dans Figures littéraires grecques en France et en Italie aux xive et XVe siècles, dir. C. Gaullier-Bougassas, Turnhout, Brepols, 2020 (Recherches sur les réceptions de l’Antiquité, 1), p. 119-129. Retour au texte

2 Voir notamment J. Monfrin, Études de philologie romane, Genève, Droz, 2001 (Publications romanes et françaises, 230), p. 757-786 et l’article de C. J. Brown, « Du manuscrit à l’imprimé : Les XXI Epistres d’Ovide d’Octovien de Saint-Gelais » dans Ovide métamorphosé. Les lecteurs médiévaux d’Ovide, dir. L. Harf-Lancner, L. Mathey-Maille et M. Szkilnik, Paris, Presses de la Sorbonne nouvelle, 2009, p. 69-82. Retour au texte

3 E. Doudet, « La relation épistolaire chez les Grands Rhétoriqueurs : une autre voie vers la Renaissance ? », dans La lettre dans la littérature romane du Moyen Âge, p. 285-213 (cit. p. 186). Retour au texte

4 Voir A. Pollock-Renck, « Les Héroïdes à la fin du Moyen Âge : pour une définition élargie de l’acte traducteur », Anabases, t. 29, 2019, p. 239-252. Retour au texte

5 Translations médiévales. Cinq siècles de traductions en français au Moyen Âge (xiexve siècles). Étude et Répertoire, 3 vol., dir. Cl. Galderisi, Turnhout, Brepols, 2011, t. 1, p. 90-91. Retour au texte

6 P. Zumthor, Le masque et la lumière. La poétique des grands rhétoriqueurs, Paris, Seuil, 1978 (Poétique, 19), p. 103. Retour au texte

7 Le même vers sera employé dans sa traduction de l’Énéide. Le choix du décasyllabe semble être le vers préféré des écrivains vernaculaires dans les correspondances à la fin du Moyen Âge en raison de sa « maniabilité » selon E. Doudet (« La relation épistolaire chez les Grands Rhétoriqueurs », p. 191 et p. 193). Retour au texte

8 G. Przychocki, Accessus Ovidiani, edidit, prolegomenis, epilegomenis instruxit Gustavus Przychocki, Kraków, Nakładem Akademii Umieje̜tności, 1911 (Symbolae ad veterum auctorum historiam atque ad medii aevi studia philologa, 1), p. 16-22. Retour au texte

9 Paris, BnF, ms. fr. 874, fol. 60r°, v. 1-6. Le ms. de Paris, BnF, fr. 875 ne comprend pas le folio 63 sur lequel commence l’héroïde de Médée. Nous citons ici le ms. BnF, fr. 874. Retour au texte

10 Cf. L. Dugaz, « Pour en finir avec la Renaissance ? L’exemple d’Octovien de Saint-Gelais et de sa traduction de l’Énéide de Virgile (1500) », Questes, t. 33, 2016, p. 114-116. Retour au texte

11 […] At tibi Colchorum, memini, regina uacaui,/ Ars mea cum peteres ut tibi ferret opem./ Tunc, quae dispensat mortalia fata, sorores/ Debuerant fusos euoluisse meos./ Tum potui Medea mori bene. Quidquid ab illo/ Produxi uitam tempore, poena fuit. (« […] Quoique reine de Colchide, je m’employais pour toi, il m’en souvient, lorsque tu imploras le secours de mon art. Alors les sœurs qui règlent le destin des mortels auraient dû jusqu’au bout dérouler mon fuseau ; alors Médée aurait pu mourir en beauté ; depuis lors, ce qui s’est continué de ma vie ne fut que douleur. », Ovide, Héroïdes, éd. H. Bornecque, trad. M. Prevost, revue et corr. par D. Porte, Paris, Les Belles Lettres, 2002 (1re éd., 1928) (Collection des Universités de France. Série latine, Collection Budé, 48), XII, v. 1-6, p. 70) Retour au texte

12 C’est le sens d’‘habile’, ‘adroit’ ou encore ‘rusé’ qui est suggéré ici. Le vaisseau aurait les mêmes qualités, ou plutôt les mêmes défauts, que son marin. Retour au texte

13 Impulsio est, quae sine cogitatione per quandam affectionem animi facere aliquid hortatur, ut amor, iracundia, aegritudo, violentia et omnino omnia, in quibus anima ita videtur affectus fuisse, ut rem persicere cum consilio et cura non potuerit ; et id, quod fecit, impetu quodam animi potius, quam cogitatione fecerit. (« La passion est un mouvement de l’âme qui pousse quelqu’un à agir sans qu’il réfléchisse : par exemple l’amour, la colère, le chagrin, l’ivresse et d’une manière générale tous les états dans lesquels on voit que l’âme a été tellement ébranlée qu’elle n’a pas pu considérer les choses avec sagesse et application, et qu’elle a réalisé l’acte par une espèce d’impulsion mentale plutôt que par réflexion. », Cicéron, De l’invention, éd. et trad. G. Achard, Paris, Les Belles Lettres, 1994 (Collection des Universités de France. Série latine, Collection Budé, 320), II, V, p. 150) Retour au texte

14 De la même façon que pour les realia mythologiques, Octovien a supprimé dans ce passage la mention explicite du père, de la mère, de la sœur, et surtout, du frère. Retour au texte

15 La conjonction des actes et de l’écriture n’est en soi pas une nouveauté. Les Héroïdes d’Ovide ne cessent d’inscrire l’acte d’écriture au sein de l’écriture même de la lettre. Ce qui constitue l’originalité d’Octovien est surtout lié à la manière dont il met en dialogue le meurtre et la question d’une écriture qui se désigne elle-même. Retour au texte

16 L’héroïde d’Octovien s’achève sur la formulation d’un projet de vengeance comme chez Ovide. Le poète français n’outrepasse donc pas la fin du texte source. Retour au texte

17 S. Macé, « L’amplification, ou l’âme de la rhétorique. Présentation générale », Exercice de rhétorique, t. 4, n° 4, 2014, p. 1-24 (cit. p. 9). Cet article constitue pour nous la référence pour une histoire du terme et de ses emplois au cours des siècles et nous nous appuyons beaucoup sur ses considérations. Retour au texte

18 C. Croizy-Naquet et M. Szkilnik, « Préface », dans Faire long. L’amplification médiévale, dir. C. Croizy-Naquet et M. Szkilnik, Paris, Presses de la Sorbonne nouvelle, 2021, p. 9-22 (cit. p. 10). Retour au texte

19 Amplificatio est gravior quaedam affirmatio, quae motu animorum conciliat in dicendo fidem. (« l’amplification est une sorte d’affirmation de plus de poids, qui rend le discours convaincant en jouant sur les passions. », Cicéron, Partitiones oratoriae, 53 ; citation et traduction issues de S. Macé, « L’amplification, ou l’âme de la rhétorique », p. 3, §10) Retour au texte

20 Médée doit faire l’usage des passions pour convaincre Jason mais elle est elle-même soumise aux passions. L’amplification passe donc par une présence plus marquée des passions dans la lettre. Retour au texte

21 Paris, BnF, ms. fr 875, fol. 65v°-66r°, v. 126-156. Retour au texte

22 Notons en outre que les Héroïdes d’Ovide ont toujours été rapprochées du genre théâtral, notamment en raison de la mise en scène du discours épistolaire. Retour au texte

23 Ante oculos taurique meos segetesque nefandae,/ Ante meos oculos peruigil auguis erat. (« Devant mes yeux les taureaux et les moissons abominables, devant mes yeux se trouvait le dragon qui veille sans dormir. », Ovide, Héroïdes, éd. cit., XII, v. 59-60, p. 72) Retour au texte

24 A. Estèves, « Evidentia rhétorique et horreur infernale : le portrait de Tisiphone chez Stace », Bulletin de l’Association Guillaume Budé : Lettres d’humanité, t. 60, 2001, p. 390-409 (cf. p. 391). Retour au texte

25 Redde torum. (« Rends-moi ce lit. », Ovide, Héroïdes, éd. cit., XII, v. 193, p. 77) Retour au texte

26 Paris, BnF, ms. fr 875, fol. 70r°, v. 426-434. Retour au texte

27 Notons d’ailleurs que cette attention au sens visuel rejoint l’avis de C. Croizy-Naquet et M. Szkilnik sur le changement de la nature de l’amplification à la fin du Moyen Âge (cf. supra, n. 18). Retour au texte

28 Le prologue a été édité par Anneliese Pollock-Renck (cf. A. Pollock-Renck, « The Prologue as Site of translatio auctoritatis in Three Works by Octovien de Saint-Gelais », Le Moyen Français, t. 73, 2013, p. 89-110 (p. 108-110)). Anneliese Pollock-Renck donne en préambule de la transcription la liste des manuscrits qui comprennent le prologue à Charles VIII. Retour au texte

29 A. Desbois-Ientile, « Lemaire de Belges, Ovide Belgois. Le cas des Epistres de l’amant vert », dans Ovide en France du Moyen Âge à nos jours. Études pour célébrer le bimillénaire de sa mort, dir. S. Cerrito et M. Possamaï-Pérez, Paris, Classiques Garnier, 2021 (Rencontres, 512, Ovidiana, 13), p. 225-239 (cit. p. 225-226). Retour au texte

30 S. Cerrito, « Les métamorphoses de Médée au Moyen Âge », p. 54. Retour au texte

31 Paris, BnF, ms. fr 875, fol. 68v°, v. 343-345. Retour au texte

32 Ibid., v. 332-333. Retour au texte

33 En ce sens, la traduction d’Octovien rejoint la question renaissante topique de l’illustration de la langue française. Sur ce point, nous renvoyons à l’article de Pascale Chiron qui envisage la traduction des Héroïdes dans la perspective du xvie siècle, voir Cf. P. Chiron, « Traduction et “conversion” des épîtres héroïdes d’Ovide à la Renaissance », Anabases, t. 17, 2013, p. 119-133. Retour au texte

Citer cet article

Référence papier

Nicolas Mazel, « Car puis ce temps n'ay acquis seulement / Fors paine et deuil, regret, gemissement : Médée et l’héroïde en langue française dans les XXI Epistres d’Ovide d’Octovien de Saint-Gelais (fin xve siècle) », Bien Dire et Bien Aprandre, 38 | 2023, 121-134.

Référence électronique

Nicolas Mazel, « Car puis ce temps n'ay acquis seulement / Fors paine et deuil, regret, gemissement : Médée et l’héroïde en langue française dans les XXI Epistres d’Ovide d’Octovien de Saint-Gelais (fin xve siècle) », Bien Dire et Bien Aprandre [En ligne], 38 | 2023, mis en ligne le 08 décembre 2024, consulté le 11 décembre 2024. URL : http://www.peren-revues.fr/bien-dire-et-bien-aprandre/1907

Auteur

Nicolas Mazel

Laboratoire CIHAM-Lyon 2 (UMR 5648) et Centre d’Études Médiévales (Genève)

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