La conférence d’Antonin Artaud au Vieux-Colombier : à la recherche d’« un point de magique utilisation des choses »

DOI : 10.54563/demeter.93

Résumés

Cet article revient sur la conférence qu’Antonin Artaud a donnée le 13 janvier 1947 au Théâtre du Vieux-Colombier à Paris. Lors de cette séance, devenue rapidement une référence mythique pour toute une génération d’intellectuels et d’artistes d’après-guerre, Artaud a tenté une sortie du cadre double et radicale, en essayant d’aller au-delà de la conférence, mais aussi du théâtre en tant que représentation. L’article interroge la quête paradoxale d’« authenticité » au cœur de cette tentative.

This paper revisits Antonin Artaud’s conference on 13th January 1947 at the Théâtre du Vieux-Colombier. During this session, which quickly became a mythical reference for an entire generation of post-War intellectuals and artists, Artaud attempted a radical, two-fold deviation from both the traditional frameworks of the conference form and of theatre as representation. This paper also inquires into the paradoxical quest for “authenticity” that lies at the core of Artaud’s attempt.

Texte

Et il y a un point phosphoreux où toute la réalité se retrouve, mais changée, métamorphosée, – et par quoi ?? – un point de magique utilisation des choses.
Antonin Artaud, Le Pèse-Nerfs

« Vous savez ce que je peux faire comme conférencier », écrit Artaud à Jean Paulhan pour le convaincre de lui apporter son soutien dans l’organisation de son séjour au Mexique. Et il précise : « Là le théâtre que j’imagine, que je contiens peut-être, s’exprime directement sans interposition d’acteurs qui peuvent me trahir1. »

Ce propos date de 1935, et Artaud a derrière lui une activité significative de conférencier, développée notamment dans le cadre du « Groupe d’études philosophiques et scientifiques pour l’examen des tendances nouvelles », fondé en 1922 à la Sorbonne par le psychanalyste et médecin René Allendy et sa femme Yvonne, et qui a accueilli des intervenants aussi différents que René Guénon, Le Corbusier, Otto Rank, Jean Epstein, Filippo Tommaso Marinetti, Carl Einstein, ou encore les membres du Grand Jeu, Roger Gilbert-Lecomte et André Roland de Renéville, en associant ainsi plusieurs disciplines et fonctions du monde intellectuel. Mais ces lignes à Paulhan ont été écrites aussi après l’aventure du Théâtre Alfred Jarry, et surtout après la mise en scène de la pièce Les Cenci, qui pour Artaud a échoué dans la réalisation du « théâtre de la cruauté », un théâtre devant agir sur la sensibilité des spectateurs à la manière d’une épreuve physique et nerveuse, voire d’« une maladie dont la guérison qui la suit a prouvé au public la nécessité vitale d’un semblable effort2 ». Parmi les nombreuses raisons d’insatisfaction, on peut rappeler le décalage entre l’effet sonore tonitruant qu’Artaud souhaitait obtenir en plaçant les spectateurs « au centre d’un réseau de vibrations sonores » à même de les bouleverser de fond en comble, et la réalité décevante de l’enregistrement des cloches de la cathédrale d’Amiens, à son sens pas assez puissant malgré l’attention portée à la disposition des haut-parleurs dans la salle3.

Ce sentiment d’échec est sans doute à l’origine du besoin qu’Artaud manifeste dans la lettre à Paulhan de se présenter seul face au public, sans collaborateurs qui pourraient faire dévier son projet, ni moyens de la mise en scène qui lui échapperaient, la maîtrise de l’effet lui paraissant essentielle dans l’accomplissement du théâtre de la cruauté, comme cela émerge des différents textes du Théâtre et son double. La conférence lui semble être ici un cadre favorable, non seulement pour parler du théâtre auquel il aspire, mais aussi pour le faire apparaître : ce qui peut étonner, la conférence étant une manifestation publique vouée au simple discours, qui plus est didactique, et dont le cadre énonciatif est considéré comme distinct de la sphère théâtrale, même s’il peut partager avec celle-ci le souci de l’impact sur l’assistance. À l’égard de cette hybridation entre exposé et dimension théâtrale que semble indiquer le propos d’Artaud, il faut cependant rappeler que la voie avait été déjà ouverte, d’une part, par toute une tradition de monologues dramatiques d’auteurs et d’acteurs, née vers la fin du xixe siècle dans le cadre de salons, de soirées et de matinées théâtrales, et pouvant travailler précisément sur le flottement entre monologue, (fausse) conférence et simple causerie, souvent dans un esprit de « fumisterie »4 ; de l’autre, par l’héritage des interventions futuristes et surtout dadaïstes dans les années 1920-22 à Paris, jouant sur l’ambiguïté des frontières entre démonstration publique, revue de cabaret et théâtre5, et dont Artaud peut reprendre le principe du scandale, avec des interventions tapageuses à l’occasion des spectacles du Théâtre Alfred Jarry (souvent pour provoquer plus ou moins directement Breton et les surréalistes6).

Si l’on suit les témoignages, parmi les conférences qu’Artaud a données avant la Deuxième Guerre mondiale et ses longues années d’internement asilaire (1937-1946), « Le théâtre et la peste », qui s’est déroulée le 6 avril 1933 à La Sorbonne, est probablement la plus marquante pour la manière dont Artaud se saisit de l’exposé, précisément pour en faire du théâtre : comme le raconte Anaïs Nin dans son journal, Artaud est en effet passé du discours du conférencier au jeu d’acteur, sans transition, à la manière d’une transfiguration, en interprétant lui-même l’agonie d’un pestiféré. La réaction du public ne se serait pas fait attendre :

Les gens eurent d’abord le souffle coupé. Puis ils commencèrent à rire. Tout le monde riait ! Ils sifflaient. Puis, un par un, ils commencèrent à s’en aller à grand bruit, en parlant, en protestant. Ils claquaient la porte en sortant […]. Mais Artaud continue, jusqu’au dernier souffle. Et il reste là, par terre. Puis, quand la salle est vide et qu’il ne reste qu’un petit groupe d’amis, il marche droit sur moi et me baise la main. Il me demande de l’accompagner dans un café7.

Comme on peut le lire dans une lettre adressée à Renéville deux jours après la conférence, Artaud semble convenir du caractère essentiellement raté de sa tentative de concrétiser le théâtre dont il parle, dans la mesure où son jeu, marqué par une identification expressionniste, n’a pas été pris au sérieux. À la différence de l’esprit dada-surréaliste présent encore à l’époque du Théâtre Alfred Jarry, et malgré l’aspect excessif de son interprétation, qui ne devait pas être dénouée d’une forme de distance et même d’humour, vu la simplicité avec laquelle il sort de sa « transe » d’acteur pour aller saluer son amie, il est en effet certain qu’il ne s’agissait pas pour Artaud de susciter le rire ni l’indignation bruyante, ni de faire un « monologue fumiste », mais bien au contraire d’ébranler les spectateurs au plus profond de leur être, en concrétisant la célèbre image d’un théâtre agissant comme la peste, qui « soit un délire » et « communicatif », selon des expressions clés de cette conférence ; un théâtre dont l’un des buts majeurs est de libérer « l’inconscient comprimé » et de pousser « à une sorte de révolte virtuelle ». Pourtant, en dépit des réactions outrées et méprisantes du public, Artaud voit dans sa présentation aussi des moments de justesse :

Elle [la conférence] oscille perpétuellement entre le ratage, et la bouffonnerie la plus complète, et une sorte de grandeur qui ne se maintient pas mais s’établit de-ci de-là en images d’une réussite concrète absolue8.

Dans le cheminement d’Artaud, dont l’insatisfaction ambivalente vis-à-vis de ses propres productions théâtrales est récurrente, la conférence semble être alors un endroit privilégié pour ses élaborations non seulement théoriques, mais aussi d’acteur-metteur en scène, dans la mesure où elle n’est pas considérée comme une scène de théâtre, tout en impliquant la présence d’une assistance et une adresse formalisée. Artaud peut y exposer sa vision du théâtre, comme il le fait par écrit, avec un travail littéraire sur les images et le style, mais avec la grande différence qu’il peut essayer également de la mettre en œuvre, en la matérialisant dans la manière même de dire, mieux, dans la manière de se présenter au public et d’agir sur lui à travers l’art de l’acteur. L’opération qu’Artaud effectue à La Sorbonne semble s’appuyer au moins en partie sur la tension provoquée par la sortie du cadre : si Artaud tire la conférence vers le théâtre, le souvenir de la situation d’origine ne peut pas s’estomper complètement, en lui comme chez l’assistance, ne serait-ce que par le lieu universitaire où cette manifestation se déroule, et parce que le public s’est réuni pour entendre un exposé programmé non par des artistes en quête de scandale, mais par un groupe savant. Il se produit alors comme un jeu de surimpression, qui permet à Artaud d’être délivré de la préoccupation d’atteindre l’idéal que représente pour lui le théâtre de la cruauté, et par là d’essayer de s’en approcher le plus possible, de l’esquisser en quelque sorte. Autrement dit, ce cadre en principe non-théâtral, mais relevant, dirions-nous aujourd’hui, de la « performance », selon la définition large donnée par Richard Schechner comme « showing doing9 », conduit Artaud à s’accorder la liberté d’expérimenter, et de prendre le risque du ratage, tout en exploitant l’effet de rupture avec les attentes circonstancielles.

Mais la manière d’investir la conférence se révèle être opérante au regard également de la critique des institutions du savoir, qu’Artaud élabore pendant la période de son appartenance au groupe surréaliste10, et qu’il développe jusqu’à en faire un thème majeur de sa critique de la modernité, au cœur de ses conférences et de ses publications au Mexique. L’incarnation par Artaud d’un pestiféré marque en effet le refus de la distinction entre le discours et la mise en pratique, et peut être alors regardée comme une dénonciation en actes d’une culture européenne qui n’aurait « jamais coïncidé avec la vie11 » ; une culture définie comme « analytique12 », opérant par dissociation, segmentation, en d’autres termes, basée sur le principe de la séparation, alors que la fonction de la « vraie culture » serait celle d’« exercer la vie13. »

La critique des institutions du savoir sera à nouveau présente dans les notes préparatoires d’une autre conférence restée célèbre, et devenue même une référence mythique pour la génération d’intellectuels et d’artistes d’après-guerre, comme les lettristes, les Nouveaux Réalistes et jusqu’aux poètes de la Beat Generation (via la présence de Carl Solomon, le dédicataire du poème Howl de Allen Ginsberg) et de la constellation de la poésie-action : la conférence qu’Artaud donne au Théâtre du Vieux-Colombier le 13 janvier 1947, et intitulée « Histoire vécue d’Artaud-Mômo – Tête à tête par Antonin Artaud ». Mais à la différence du « Théâtre et la peste », ici il ne s’agit pas pour Artaud d’exposer sa vision du théâtre et de l’illustrer par son incarnation, mais de « s’exposer » par le témoignage de sa propre expérience biographique. Plus encore, il s’agit de changer intégralement l’assistance à travers des révélations issues de son histoire vécue. Là aussi est en jeu une sortie du cadre, mais double et totale : Artaud cherche un placement qui lui permette d’acter son témoignage, en allant au-delà à la fois de la conférence et du théâtre, ou plutôt du théâtre « bourgeois », pour faire advenir un « théâtre vrai », pouvant conduire à une révolution « intégrale ».

*

« J’y suis passé et je ne l’oublierai pas », écrit et dit Artaud dans Aliénation et magie noire, texte d’une émission qu’il enregistrera pour la Radio à son retour à Paris. Et dans un autre texte, « Le Théâtre de la cruauté » – conçu à l’origine lui aussi pour être dit à la Radio dans le cadre de la pièce sonore Pour en finir avec le jugement de dieu – Artaud évoque simultanément la maladie et la référence aux camps de concentration, en les plaçant sur un même plan :

En écoutant la respiration ou le pouls d’un malade,
en prêtant l’oreille, devant les camps de concentration de ces corps rationnés de la misère […]14.

L’internement d’Artaud couvre la période de la Deuxième Guerre mondiale. La nécessité de témoigner, qu’il exprime dans ses lettres, fait ainsi fortement écho à d’autres paroles qui tentent de se faire entendre à la sortie du conflit et à l’ouverture des camps de concentration. Cette coïncidence pousse Artaud à tracer un parallèle entre sa propre condition d’aliéné et celle des déportés, comme dans cette missive à Pierre Bousquet du 16 mai 1946 :

Ayant été déporté d’Irlande, interné au Havre, transféré du Havre à Rouen, de Rouen à l’asile de Sainte-Anne à Paris à l’asile de Ville-Evrard dans la Seine, de l’asile de Ville-Evrard dans la Seine à l’asile de Rodez, je connais les déportations, […] et je ne me serais pas avancé à vous parler de votre déportation en Allemagne en 1942, ainsi que vous me l’avez vous-même demandé, si les circonstances ne m’avaient mis comme vous en état de déportation15.

Cette comparaison entre internement et déportation ne relève pas de la simple coïncidence chronologique, ou d’un sentiment excessif d’empathie. En effet, l’état dans lequel Artaud revient à Paris n’est pas seulement causé par son mal et les traitements reçus ; il résulte aussi, et probablement tout autant, de la condition d’existence des pensionnaires des asiles psychiatriques français pendant la guerre, où les patients subissent notamment une malnutrition féroce, provoquant la mort de milliers d’entre eux16.

Et de fait, après neuf ans d’internement, c’est bien en tant que rescapé témoignant de son expérience qu’Artaud se positionne, et c’est sous cette lumière que ses apparitions publiques sont perçues et relatées par les médias17. Mais Artaud souligne bien la spécificité d’être un rescapé d’asile, comme le revendique le surnom « le Mômo » qu’il se donne lui-même, et qui en marseillais veut dire « toc-toc18 », « fou », « môme » aussi. Et c’est précisément en témoignant de son délire et de sa souffrance singulière que son expérience semble résonner le plus, à l’époque, avec le délire de toute une décade19. Plus particulièrement, il revendique le fait que l’aliéné n’est pas seulement un malade, il est aussi celui qui, grâce à sa souffrance, voit ce que l’homme de raison ne perçoit pas, ou ne peut percevoir que par fragments :

L’atmosphère où nous vivons est pourrie matériellement et physiquement de vers réels, d’apparences obscènes, d’esprit venimeux, d’organismes infects, qu’on peut voir à l’œil nu pourvu qu’on en ait comme moi longuement, âcrement et systématiquement souffert20.

C’est ainsi qu’Artaud veut être « un définitif aliéné21 » qui a la tâche de montrer ce que l’homme du commun ne peut ou ne veut pas savoir, le témoignage acquérant de fait l’épaisseur d’une révélation. Il fait par ailleurs de l’aliéné le révolté par excellence22.

L’intervention d’Artaud au Vieux-Colombier prend forme à partir d’une proposition de Robert Kanters, conseiller culturel de ce théâtre qui « s’occupait notamment des Lundis […], où avaient déjà trouvé place les lectures de la Fuite de Tzara et la conférence de Maurice Nadeau sur le surréalisme23 ». Artaud s’empare de l’occasion qui lui est donnée, d’avoir un théâtre – le même qui avait accueilli en 1935 son exposé avant la première des Cenci au théâtre des Folies-Wagram – et le temps de toute une soirée pour rendre compte de son histoire. Il réunit ainsi trois poèmes – Le Retour d’Artaud-le-Momo, Centre-Mère et Patron Minet et La Culture Indienne – et il écrit un texte qui devait constituer le centre de sa conférence24.

La conférence a toutes les apparences d’un grand événement mondain parisien. Le public afflue – neuf cent spectateurs, selon le compte rendu de Maurice Saillet pour le journal Combat25 –, et la salle se remplit tellement, qu’au moins une centaine de personnes restent debout. Parmi l’assistance on compte, entre autres, Breton, Adamov, Audiberti, Bataille, Blin, Boiffard, Braque, Camus, Gide, Michaux, Paulhan, Picasso, Sartre… Sans oublier une forte présence de la jeunesse26.

Le début de la séance est prévu à 21h. Si l’on suit Saillet, Artaud commence par la lecture des poèmes, puis, au lieu de s’appuyer sur les carnets, il improvise son discours, pour reprendre ensuite la lecture d’un autre poème, l’Insulte à l’Inconditionné. Mais à un certain moment (les témoignages divergent sur l’ordre des événements), Artaud perd le contrôle : ses feuilles tombent par terre ; confus, il se plie pour les ramasser et, au lieu de continuer sa prise de parole, il finit par s’interrompre brusquement. La salle est plongée dans un silence « oppressé » (Saillet) tout au long de la soirée. La tension est rompue par André Gide, qui monte sur scène suivi par Adamov, et embrasse Artaud : c’est la fin de la séance27.

Le public réagit d’une façon qui a pu être interprétée à la fois comme la preuve d’une réussite et celle d’un échec : une réussite, dans la mesure où la salle reste silencieuse, signe du respect éprouvé (c’était l’opinion de Gide, rapportée dans le journal de Prevel) ; un échec, parce que ce silence, au moment du discours improvisé, serait ressenti, par Artaud et par une partie des spectateurs, comme un « vide ». Le silence semble en effet provoqué plutôt par l’état souffrant d’Artaud, que par la qualité de son adresse : en témoignent les « toux, crachats et éternuements impromptus28 » de l’assistance auxquels Artaud, comme tout acteur, est sensible. Ce silence peuplé de manifestations organiques aurait peut-être suffi à Artaud, si seulement le public ne s’était pas limité à percevoir cette souffrance, mais avait voulu en comprendre les raisons ; des raisons se situant aux fondements mêmes de la civilisation moderne, selon un thème récurrent dans les écrits artaudiens depuis les années 1930 et sur lequel nous allons revenir :

Mais je n’étais pas venu là en cabotin donneur de transes, et je crois d’ailleurs que le public est allé plus loin que le cabotin et que c’est la douleur de l’homme, vraiment la douleur de l’homme qui l’a ému ; mais non ses causes dont il s’est toujours refusé à savoir ce qu’elles étaient29.

Ainsi, comme le suggèrent les époux Virmaux, la salle est « médusée, fascinée, littéralement choquée, mais non pas conquise30 ». Et en même temps, d’autres témoignages divergent radicalement sur les impressions des uns et des autres : si certains ont trouvé la séance « pénible » (Prevel), si d’autres auraient refusé même d’y assister, comme Barrault qui ne voulait pas voir la souffrance d’Artaud devenir un sujet mondain, une partie des spectateurs aurait été bouleversée par l’intensité d’une conférence qui n’en était plus une. Audiberti témoigne :

Il donnait une conférence sans analogie avec quoi que ce soit du genre. Il donnait au juste, le spectacle non d’un littérateur patouillant aux thèmes ressassés, mais d’un homme terriblement saisi et obsédé par sa propre humaine réalité, qu’il n’accepte pas. […] Au Vieux-Colombier, il faisait beau de le voir déployer une colère simulée jusqu’à la plus surnaturelle authenticité, la colère, la juste colère d’être embringué dans cette réalité humaine dont les pseudonymes sont, entre autres, guerre, police. Avec ses doigts sur sa face, il se faisait un masque, mais de sa propre substance encore. […] C’était le cri de l’homme excédé par lui-même31.

Prevel pour sa part écrit :

À midi, apéritif avec Audiberti, qui me dit n’avoir jamais vu une chose aussi formidable que la conférence d’Artaud, où tout semblait préparé, minuté : « C’est ce que m’a dit un metteur en scène », me dit-il. […]
Paulhan arrive bientôt. Il me demande ce que je pense de la conférence d’Artaud.
C’était très pénible.
Je n’ai pas trouvé, dit-il.
Je me rends compte qu’il a été bouleversé. Je lui explique mon impression.
À 8 heures, je suis en train de manger avec Rolande. On frappe. C’est Bataille. Il me dit qu’il a été bouleversé par la conférence d’Artaud et qu’il voudrait le voir32.

Cette divergence dans la réception est active au sein même de la réélaboration qu’Artaud fait de la soirée : comme on peut le lire tout au long des lettres envoyées à Breton et à d’autres, Artaud oscille entre le reniement général de la séance et la défense de certains de ses moments comme ayant représenté une entreprise inédite. Il a ainsi « la conviction d’avoir ébranlé le public et la conscience de n’avoir pas réussi à le frapper assez fort33. »

Mais comment Artaud s’était-il préparé pour cette soirée ? Paule Thévenin raconte :

Cette conférence, Antonin Artaud y avait attaché une importance capitale, il l’avait affirmé à plusieurs reprises, et il y travaillait depuis longtemps. Outre les trois cahiers […], il avait, les mois précédents, rempli des pages et des pages en vue de cet événement. Dans le même temps, il préparait Suppôts et Supplications et, de la coulée poétique ininterrompue de ces textes fulgurants, rapides, jaillissants, dont regorgent tous ses cahiers, il extrayait et dictait chaque matin ceux qui constitueraient Interjections. Beaucoup de textes de cette époque pourraient figurer sous ce titre général. Ceux qu’il écrit pour la séance diffèrent pour leur ton, leur mouvement, leur intention d’informer […]. La plupart nous racontent une histoire dont ils veulent nous faire toucher la profonde vérité et, pour cela, empruntent le ton du récit […]34.

La séance est donc conçue comme une conférence : Artaud a écrit le texte à dire, en remplissant trois cahiers. Et non seulement il écrit, mais il répète la lecture du texte en prose :

Il avait passé la journée du 13 chez nous à parfaire et à relire son travail jusqu’à l’instant de se rendre au théâtre. Au cours de l’après-midi, il nous l’avait donné à lire35 .

Même chose pour les poèmes, comme Prevel le rapporte dans son journal36. Pourquoi alors au Vieux-Colombier Artaud ne lit-il pas le texte narratif qu’il avait rédigé et répété, de la même manière qu’il avait lu les poèmes dactylographiés ? Comme il en témoigne dans ses lettres, Artaud improvise parce que, une fois sur scène, il se rend compte que le simple fait de se trouver dans un théâtre amène tout un faisceau de comportements « théâtraux », relevant de l’habitus du spectateur37, alors que lui cherche à entrer dans un « tête-à-tête » avec la salle et (re)vivre son histoire au présent.

Pour quelle raison avoir accepté d’intervenir dans un théâtre, peut-on se demander alors ? Parce que, répond Artaud, c’est le seul lieu public à sa portée qui puisse rassembler un certain nombre de personnes. Mais quand l’un de ses principaux correspondants à cette occasion, Breton, lui rétorque que par le simple fait de se présenter au Vieux-Colombier, il se serait comporté précisément en homme de théâtre, Artaud proteste, à plusieurs reprises, cette accusation le rongeant comme une ritournelle obsédante :

Il y a dans l’avant-dernière lettre que vous m’avez écrite une phrase qui m’a fait tiquer :
« l’homme de théâtre que vous ne pouvez pas ne pas être par le fait que vous apparaissez sur une scène ».
Eh oui, je suis apparu sur une scène, encore une fois, la DERNIÈRE, au théâtre du Vieux-Colombier, mais dans l’intention visible d’en faire sauter le cadre, et de le faire sauter de l’intérieur, et je ne crois pas que le spectacle d’un homme qui brame et hurle des fureurs à en vomir ses intestins soit un spectacle bien théâtral,
d’ailleurs il y a une chose qui s’est passée aussi ce soir-là et qui n’a été jugée par personne à sa véritable valeur, c’est qu’arrivé sur la scène et me trouvant en face de ce public qui avait payé sa place pour m’entendre et se trouvait avec moi enfermé dans une salle de théâtre, il m’a paru tout d’un coup et à pied d’œuvre inutile de poursuivre l’expérience, et au lieu de lire dans le topo que j’avais préparé j’ai plié bagage […].
Je suis parti parce que je me suis rendu compte de fait, que le seul langage que je pouvais avoir avec un public était de sortir de mes poches des bombes et de les lui lancer à la face dans un geste d’agression caractérisé38.

C’est donc seulement une fois qu’il est sur scène, cette scène érigée devant des spectateurs qui ont payé leur place, qu’Artaud veut la faire exploser de l’intérieur, comme il écrit, et cela en commençant par abandonner la lecture du texte en prose. Mais cela est insuffisant, car c’est le lieu même du théâtre qui se révèle être un empêchement. Le jour après la séance, Artaud écrit à Breton :

Très cher André Breton,
Excusez-moi de vous avoir dérangé hier soir lundi 13 janvier pour pas grand’chose, mais en dehors des poèmes (poèmes !) que j’ai récités j’avais préparé une centaine de pages de texte où je racontais l’histoire de ma vie, et arrivé devant le public il m’a semblé qu’il n’y a avait plus lieu, que tout cela était inopportun, déplacé, ne se justifiait pas, et il y a un angle par lequel mon drame particulier touche à la vie générale et c’est le seul justement où il m’a été impossible de me placer parce qu’il m’a paru que les choses que j’avais à dire sur ce point ne pouvaient plus, absolument plus se dire avec des mots, il y aurait fallu la bagarre, la bagarre vraie, or je me suis vu encore une fois, une fois de plus dans une salle de théâtre, devant des gens qui avaient payé leur place pour assister à une séance, et arrivé à pied d’œuvre cette séance ne m’a plus paru possible. C’est tout. […] Dans une rue, devant une barricade je ne serai certes pas de trop […]. C’est à quoi, André Breton, je m’étais 4 fois décidé lundi soir et cela explique les horribles silences qui entrecoupèrent mes paroles, mais à chaque fois je me suis heurté à je ne sais quel barrage obscur qui a empêché, physiquement empêché les mots de sortir de ma bouche39.

Il est significatif que ces réflexions s’adressent à Breton. En effet, celui-ci avait déclaré à plusieurs reprises, et tout particulièrement dans cet après-guerre, son hostilité vis-à-vis du « spectacle ». Plus encore, c’est précisément lors d’une allocution qu’il avait donnée le 7 juin 1946 au Théâtre Sarah Bernhardt à l’occasion du retour d’Artaud à Paris, et qui était aussi sa première prise de parole publique depuis son propre retour des États-Unis, que Breton avait critiqué une société qui, en pleine « menace d’anéantissement » du monde, laissait libre cours à sa tendance à la spectacularisation généralisée, au lieu d’entreprendre une recherche définie d’« authentique » et de « radicale ». Celle-ci s’articulerait autour de trois mots d’ordres adoptés par le surréalisme et présentés comme particulièrement « urgents » dans un tel contexte : « Transformer le monde » ; « changer la vie » ; « refaire de fond en comble l’entendement humain » 40.

C’est en partageant la critique du spectacle comme cause d’aliénation, et la quête de révolte et de transformation, qu’Artaud s’en prend au théâtre contemporain dans ses lettres à Breton :

Cette révolte intégrale viendra, André Breton, mais elle ne viendra pas dans un théâtre, car si sincère soit-on les planches avec le public devant font de l’homme le plus désintéressé un cabotin.
Mais elle viendra par quelque chose qui rappelle le théâtre : la vie dans ce qu’elle a de plus palpitant et enfiévré41.

Mais si pendant la séance Artaud se rend compte, une fois encore, que le théâtre tel qu’il existe, en tant que lieu et activité, n’est pas l’endroit pour réaliser son aspiration de révolte métaphysique, le langage parlé non plus ne peut suffire. À la place des mots, ce sont les silences, ou les coups, qui peuvent prendre en charge cette tâche. Plus encore, il y faut des moyens plus radicaux que le langage : les bombes, la poudre, les barricades42.

Et pourtant, il y a eu un moment dans la soirée dont Artaud se dit entièrement satisfait. Un moment où il aurait trouvé une justesse, et qui n’a pas consisté dans le lancement de bombes ou dans la construction de barricades. Contre toute attente peut-être, il s’agit de la lecture à haute voix des poèmes, définie comme « une application du théâtre de la cruauté » :

J’ai lu trois poèmes de toute ma voix et de tous mes moyens, brisant les cadres de la diction classique qui exige avant tout le contrôle de l’acteur sur lui-même, et essayant de retrouver l’ut enfoui aussi bien de la voix que du nerf humain. Bref une application du Théâtre de la Cruauté. Et je dois dire que la réussite a été complète. On a enfin reconnu que le théâtre n’était jamais allé jusque-là43.

Dans son compte-rendu, Saillet souligne une différence de qualité entre la lecture des poèmes et le moment d’improvisation qui confirme, ou du moins se rapproche, du sentiment d’Artaud. Si en effet l’improvisation lui semble « tomber à vide », à l’inverse la récitation suscite en lui une grande admiration :

Quand il se mit à déclamer de sa voix rauque, coupée de sanglots et de bégaiements tragiques, ses beaux poèmes à peine audibles – nous nous sentîmes entraînés dans la zone dangereuse, et comme reflétés par ce soleil noir, gagnés par cette « combustion généralisée » d’un corps en proie aux flammes de l’esprit44.

Le témoignage de Prevel tend au contraire à relever une continuité dans le rendu d’Artaud : son état est des plus agités, ses moyens globalement très affaiblis, y compris quand il lit les poèmes – et Prevel est à la bonne place pour s’en rendre compte, lui qui le suivait quotidiennement depuis sa sortie d’asile, et qui l’avait donc entendu à maintes reprises, dans tous ses états et à toute heure, déclamer des textes et en improviser, chanter, crier, cogner… Ainsi, pour Prevel, non seulement le discours, mais aussi la lecture des poèmes apparaît pénible : « Je souffre terriblement pendant toute la lecture », « Je suis épouvanté », « J’ai eu peur. Je suis à bout de nerfs », écrit-il45. Nous retrouvons une semblable continuité de réception entre la partie lue et la partie improvisée dans le récit de Paule Thévenin46.

Quoi qu’il en soit, ce qui importe ici, c’est la réélaboration que fait Artaud, en ce qu’elle va confirmer et par la suite déterminer une direction de travail fondamentale dans sa quête. La distinction qu’il fait entre l’improvisation « en prose » et la lecture des poèmes met en effet en relief le croisement, se présentant à ce moment-là sous la forme d’une alternative, entre le désir d’une « parole vraie », sans aucune médiation qui risquerait d’en fausser l’impact, et la nécessité de travailler assidument et régulièrement la profération. Cette opposition entre « authenticité » et travail régulier et précis se reflète, et commence à se résoudre, dans les propos contrastés qui caractérisent la correspondance autour de la séance, où Artaud alterne, comme je l’ai rappelé plus haut, entre exultation et accablement. Si c’est ce dernier qui semble prévaloir, la fierté avec laquelle Artaud peut décrire sa lecture à haute voix des poèmes laisse pressentir qu’il va trancher pour l’affirmation d’un travail en amont. Le sentiment d’échec de cette conférence le conduit en effet à préciser la nécessité d’un entraînement qui permette une maîtrise, et par là même l’éclosion d’une parole « vraie », autrement dit, d’une parole efficace. Car l’échec serait dû à un décentrement par rapport à un point précis qu’Artaud cherche depuis l’époque du Pèse-Nerfs 

Et il y a un point phosphoreux où toute la réalité se retrouve, mais changée, métamorphosée, – et par quoi ?? – un point de magique utilisation des choses47.

La réussite est donc une question de placement au niveau de la profération : il s’agit « de retrouver l’ut enfoui aussi bien de la voix que du nerf humain48 », comme Artaud l’écrit à propos de sa conférence, car de ce placement dépend une capacité d’action, voire de transformation. Artaud donne ainsi à la profération un pouvoir de changement, en réélaborant à nouveaux frais la référence au rituel magico-religieux et à l’alchimie qui était au centre des textes recueillis dans Le Théâtre et son double, dont la préface partait de la nécessité de retrouver une « culture en action ». Et c’est précisément à la lumière de ce modèle magique et alchimique, qui demande une grande exactitude pour atteindre une efficacité concrète, et qui pour Artaud serait au cœur du théâtre qu’il cherche, que l’on peut comprendre les enjeux dont a été chargée la séance au Vieux-Colombier, et les critères à l’aune desquels sont jugés la réussite ou l’échec de l’événement. Plus précisément, si le moment de l’improvisation exprime le refus du spectacle et la tentative d’en sortir – le spectacle étant défini par Artaud, dans ses dernières notes avant de mourir, comme le dispositif par excellence qui opère une séparation dans et avec l’expérience, en faisant passer comme virtuelles des forces qui ont au contraire des effets bien concrets, « envoûtants »49 –, celui de la lecture à haute voix indique une issue se situant du côté du rituel. Cette quête autour de l’oralité, qu’Artaud a entamée avec régularité pendant les dernières années d’internement dans l’asile psychiatrique de Rodez, en mettant en pratique les propos sur l’art de l’acteur contenus dans « Un Athlétisme affectif », jusqu’à en faire le pivot de toute une entreprise de guérison et de transformation, porte désormais à elle seule l’entreprise du théâtre de la cruauté50.

Un tel travail autour de la profération, visant donc une action de refondation de l’être humain à travers le souffle, la voix et le travail sur le langage, s’articule avec les propos contenus dans les notes du texte en prose publiées par Paule Thévenin dans l’édition des œuvres complètes. À la lecture de ces notes, on s’aperçoit en effet qu’Artaud avait placé au cœur même de son propos non seulement une critique virulente de l’approche scientifique et de tout son corollaire institutionnel51, mais aussi et plus particulièrement une condamnation de l’institution médicale, en ce qu’elle est responsable selon lui de l’oubli du corps, voire de la forme et du (dys)fonctionnement de celui‑ci :

L’anatomie où nous sommes engoncés est une anatomie analytique, logique, créée par des ânes bâtés, médecins et savants qui n’ont jamais pu comprendre un corps simple […]. Et qui se sont emparés du corps et l’ont refait à leur image, d’êtres multiples, imperceptibles et compliqués. C’est le fonctionnement on peut dire syllogistique de l’organisme qui est cause de toutes les maladies […]52.

Plus encore, Artaud affirme que la mort même est « un état inventé53 ». Pour sortir de cette emprise majeure, il faut alors faire la révolution : et à rebours des révolutions de l’histoire occidentale, cette révolution doit partir justement du corps, plus encore, elle est une affaire de corps :

Bien des chambardements ont eu lieu dans l’histoire, bien
d’inexpiables soulèvements qui ont tourné court et consenti,
si inexpiables qu’ils se soient sentis être,
à laisser passer l’éponge sur eux,
parce que toujours le corps fut repoussé de la bagarre,
et que c’est l’esprit et pas lui qui a dirigé les révolutions54.

La poésie proférée serait alors cette pratique permettant une intégration fondamentale entre l’esprit et le corps, et du corps même. Plus encore, en travaillant dans et par la question de la profération, Artaud souhaite atteindre un langage qui soit action, une action thérapeutique sur lui-même et sur l’assistance, contre toute une civilisation basée à ses yeux sur une scission fondamentale avec la vie.

La séance au Vieux-Colombier représente ainsi un moment d’élaboration cruciale, dans la mesure où, à la suite de cette expérience où se cristallise une haine du spectacle, Artaud va définitivement se diriger vers une recherche autour de la profération fondée sur une « technique55 » de lecture à haute voix de poèmes : une profération qui doit engager l’interprète tout entier, dans un « affreux élan56 », à travers un travail sur le souffle, la voix, le cri, le rythme, les mouvements dans l’espace. Cette direction sera formulée, annoncée et performée lors des séances de lecture à haute voix qui vont se dérouler en juillet 1947 – celles de la Galerie Pierre organisées à l’occasion d’une exposition des dessins du même Artaud57. Artaud y programme notamment la lecture de trois textes – une introduction, Aliéner l’acteur et Le théâtre et la science – qui sont à la fois des poèmes et des manifestes pour la pratique de la lecture à voix haute, proclamée ici de manière explicite comme la clé de voûte du « théâtre de la curation cruelle » (une expression qui revient plusieurs fois dans le texte introductif aux deux séances et dans Le théâtre et la science). Dans ces textes, le théâtre est conçu comme un « creuset » où il s’agit de faire une « révolution physiologique » (Le théâtre et la science) pour libérer l’homme d’emprises et forger ex-novo la condition de l’homme à partir de son anatomie même.

Ce théâtre n’a plus besoin d’aucun moyen de mise en scène : son action est menée uniquement par un acteur qui est en même temps un poète, œuvrant en présence d’un public. Ces poèmes-manifestes ont été lus par Artaud et par Colette Thomas. À l’encontre de toute représentation comme de tout exposé savant, ces lectures à la Galerie Pierre cherchent à ce que le propos fasse corps avec l’action qui y est décrite : celle de la profération, qui s’élance vers l’assistance sans détours, « dans un but de perforation réelle58. »

Bibliographie

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Notes

1 Antonin Artaud, Lettre à Jean Paulhan, Paris, 19 juillet 1935, Œuvres, Évelyne Grossman (éd.), Paris, Gallimard, coll. Quarto, 2004, p. 661. Retour au texte

2 Antonin Artaud, Lettre à Natalie Clifford Barney, cité par Mireille Brangé, « Les dispositifs de reproduction sonore dans le théâtre d’Artaud. Entendre la cruauté », J.-M. Larrue, M.-M. Mervant-Roux (dir.), Le Son du théâtre, XIXe-XXIe s., Paris, cnrs éd., 2016, p. 235-245, p. 244. Retour au texte

3 Voir Antonin Artaud, « Les Cenci », Œuvres, op. cit., p. 639-640. Pour une analyse du travail sonore d’Artaud dans Les Cenci, voir Bénédicte Boisson, « Une ‘‘bande-son’’ trop peu écoutée : la musique de scène des Cenci d’Antonin Artaud », Le Son du théâtre, J.-M. Larrue, M.-M. Mervant-Roux (dir), op. cit., p. 246-260 . Retour au texte

4 Voir Françoise Dubor, L’Art de parler pour ne rien dire, Le monologue fumiste fin de siècle, Rennes, pur, 2004. Retour au texte

5 Voir Michel Sanouillet, Dada à Paris, Paris, cnrs éd., 2005. Retour au texte

6 Artaud avait été exclu du groupe surréaliste en 1926. Retour au texte

7 Extrait du journal d’Anaïs Nin, Antonin Artaud, Œuvres, op.cit., p. 397. Retour au texte

8 Antonin Artaud, Lettre à André Rolland de Renéville, 8 avril 1933, Œuvres, op.cit., p. 398. Retour au texte

9 Voir Richard Schechner, Performance. Expérimentation et théorie du théâtre aux usa, Christian Biet (éd.), éd. Théâtrales, 2008, trad. par Anne Cuisset et Marie Pecorari. Retour au texte

10 Voir Antonin Artaud et Michel Leiris, « Lettre aux recteurs des Université européennes » (1925), Œuvres, Antonin Artaud, op.cit., p. 153. Sur les liens entre surréalisme, ethnologie et critique de l’institution muséale, voir Vincent Debaene, « Les surréalistes et le musée d’ethnographie », Labyrinthe, 2002/2, n° 12. URL : https://www.cairn.info/revue-labyrinthe-2002-2-page-.htm Retour au texte

11 Antonin Artaud, « Le théâtre et la culture »,dans Le Théâtre et son double, Œuvres, op. cit., p. 505. Retour au texte

12 Id., « L’Éternelle trahison des blancs » (section : « Textes mexicains »),dans Œuvres, op. cit., p. 682. Retour au texte

13 Id., « Le théâtre et la culture », dans Le Théâtre et son double, Œuvres, op. cit., p. 507. Retour au texte

14 Id., Pour en finir avec le jugement de dieu, Œuvres, op. cit., p. 1660. Retour au texte

15 Id., Lettre à Pierre Bousquet, Rodez, 16 mai 1946, dans Œuvres, op. cit., p. 1068. Retour au texte

16 Antonin Artaud, Projet de lettre à Pascal Pia, 14 janvier 1947, dans Œuvres, op. cit., p. 1196. Voir Sylvère Lotringer, Fous d’Artaud, Paris, Sens et Tonka, 2003, p. 30. Retour au texte

17 Un exemple est l’épisode de juin 1946 de la transmission Paroles de Paris intitulé « Conférence sur Antonin Artaud », à propos de la manifestation au Théâtre Sarah Bernhardt en son hommage : des extraits de ses enregistrements au Club d’Essai y sont présentés comme « un témoignage après ses années de maladie. » Retour au texte

18 Jacques Prevel, En compagnie d’Antonin Artaud, Paris, Flammarion (1974) 2015, p. 109. Retour au texte

19 Voir Jean-Louis Brau, Antonin Artaud, Paris, La Table Ronde, 1971, p. 226. Retour au texte

20 Antonin Artaud, Le Théâtre et la science, Œuvres, op. cit., p. 1546. Retour au texte

21 Ibidem. Retour au texte

22 Antonin Artaud, Aliéner l’acteur, Œuvres, op. cit., p. 1522. Retour au texte

23 Paule Thévenin, dans Histoire vécue d’Artaud-Mômo. Tête-à-tête par Antonin Artaud, Œuvres Complètes, Antonin Artaud, t. xxvi, Paris, Gallimard, 1994, p. 197. Retour au texte

24 Ibid., p. 197. Retour au texte

25 Voir le compte rendu de Maurice Saillet, publié dans Combat, 24 janvier 1947. Retour au texte

26  Saillet lie cette présence massive de la jeunesse à une circulation souterraine des écrits artaudiens : « Tout porte à croire que les livres d’Artaud tirés à petit nombre et introuvables depuis longtemps, circulent avec une mystérieuse continuité et lui gagnent chaque jour de nouveaux lecteurs […] ». (Ibid.). Retour au texte

27 Pour un autre agencement des événements voir par exemple Sarane Alexandrian, Le Surréalisme et les rêves, « Trois témoignages », dans Œuvres, Antonin Artaud, op. cit., p. 1192. Retour au texte

28 Antonin Artaud, Projet de lettre à Pascal Pia, 14 janvier 1947, dans Œuvres, op. cit., p. 1194. Retour au texte

29 Id., Lettre à Maurice Saillet, Paris, 29 janvier 1947, dans Œuvres, op. cit., p. 1199. Retour au texte

30 Alain Virmaux, Odette Virmaux, « La séance du Vieux-Colombier (ou le Discours abandonné) », Obliques, Artaud, Alain Virmaux, Odette Virmaux (dir.), n° 10-11, 1976, p. 79-84, p.  82. Retour au texte

31 Jacques Audiberti, « Le salut par la peau » (1948), cité dans Alain Virmaux, Odette Virmaux, « La séance du Vieux-Colombier (ou le Discours abandonné) », Obliques, Artaud, op. cit., p. 83. Je souligne. Retour au texte

32 Jacques Prevel, En compagnie d’Antonin Artaud, Bernard Noël (texte prés. par), Paris, Flammarion, 1974, p. 134-135. Retour au texte

33 Alain Virmaux, Odette Virmaux, « La séance du Vieux-Colombier (ou le Discours abandonné) », Obliques, op. cit., p. 85 Retour au texte

34 Paule Thévenin, « Note de présentation », dans Antonin Artaud, Histoire vécue d'Artaud-Mômo : tête à tête, op. cit., p. 198. Retour au texte

35 Ibid., p. 228. Retour au texte

36 Jacques Prevel, En compagnie d’Antonin Artaud, op.cit., p. 106. Retour au texte

37 La notion de « séance » est à cet égard éclairante. Voir Christian Biet, « Pour une extension du domaine de la performance (xviie-xxie siècle). Événement théâtral, séance, comparution des instances », Communications, n° 92, Paris, Seuil, 2013, p. 21-35. Retour au texte

38 Antonin Artaud, Lettre à André Breton, Ivry, 1 ou 2 mars 1947, dans Œuvres, op. cit., p. 1218-1219. Retour au texte

39 Id., Lettre à André Breton, Paris, 14 janvier 1947, dans Œuvres, op. cit., p. 1327. Retour au texte

40 André Breton, « Hommage à Artaud », dans La Clé des Champs, Œuvres Complètes, t. iii, Paris, Gallimard, coll. Bibliothèque de la Pléiade, 1999, p. 736-739. Retour au texte

41 Ibid., p. 1330. À propos de cette dernière formule, on peut rappeler que cette conférence a remplacé le projet d’Artaud de mettre en scène Les Bacchantes d’Euripide. Retour au texte

42 Ibid., p. 1328 Retour au texte

43 Antonin Artaud, Lettre au docteur Jean Dequeker, Paris, 31 janvier 1947, dans Œuvres, op. cit., p. 1203. Retour au texte

44  Maurice Saillet, Combat, 24 janvier 1947. Retour au texte

45 Jacques Prevel, En compagnie d’Antonin Artaud, op. cit., p. 132-134. Retour au texte

46 Voir Paule Thévenin, dans Histoire vécue d’Artaud-Mômo, Antonin Artaud, op. cit., p. 198. Retour au texte

47 Antonin Artaud, Le Pèse-Nerfs, Œuvres, op. cit., p. 162. Retour au texte

48 Id., Lettre au docteur Jean Dequeker, Paris, 31 janvier 1947, dans Œuvres, op. cit., p. 1203. Retour au texte

49 Voir à ce propos Antonin Artaud, Pour en finir avec le jugement de Dieu, texte intégral suivi de variantes, extraits de presse et 8 lettres à Fernand Pouey, René Guignard, Wladimir Porché, René Guilly, le R.P. Laval, Paule Thévenin, Paris, K éditeur, 1948, p. 53. « Envoûtement » est l’un des termes les plus récurrents dans les écrits d’Artaud de cette période. Retour au texte

50 Voir Marco De Marinis, La danza alla rovescia di Artaud: il secondo teatro della crudeltà (1945-1948), 2e éd., Rome, Bulzoni, 2006. Retour au texte

51 « Les écoles, la Sorbonne, les facultés ont été faites pour et par des ignares qui avaient besoin d’étudier pour apprendre, et d’apprendre pour savoir,/fils de cette race de bestiaux incapables d’une initiative propre/et qui n’ont jamais su agir,/fils de cette race de bestiaux assassins. » Antonin Artaud, Histoire vécue d’Artaud-Mômo, op. cit., p. 92. Retour au texte

52 Ibid., p. 157. Retour au texte

53 Antonin Artaud, « Le théâtre et la science », dans Œuvres, op. cit., p. 1545. Retour au texte

54 Id., Histoire vécue d’Artaud-Mômo : tête-à-tête, Œuvres Complètes, t. xxvi, Paris, Gallimard, 1994, p. 23. Retour au texte

55 Id., « Aliéner l’acteur », dans Œuvres, op. cit., p. 1520-1521. Retour au texte

56 Id., Trois textes écrits pour être lus à la Galerie Pierre, dans Œuvres, op. cit., p. 1536-1537. Retour au texte

57 Voir Cristina De Simone, « Deux séances de lecture à la Galerie Pierre », dans Proféractions !, Poésie en action à Paris (1946-1969), Dijon, coll. Écart absolu, 2018, p. 75-84. Retour au texte

58 Antonin Artaud, Trois textes écrits pour être lus à la Galerie Pierre, dans Œuvres, op. cit., p. 1536-1537. Retour au texte

Citer cet article

Référence électronique

Cristina De Simone, « La conférence d’Antonin Artaud au Vieux-Colombier : à la recherche d’« un point de magique utilisation des choses » », Déméter [En ligne], 5 | Été | 2020, mis en ligne le 01 septembre 2020, consulté le 13 décembre 2024. URL : https://www.peren-revues.fr/demeter/93

Auteur

Cristina De Simone

Cristina De Simone est maîtresse de conférences en histoire et esthétique du théâtre à l’université de Caen-Normandie. Ses recherches s’attachent notamment à l’étude des pratiques expérimentales de l’oralité au xxe siècle, en reliant poésie, théâtre et musique sous l’angle des Performance studies et des Sound studies. Auteure d’une histoire de la poésie-performance dans la capitale française après la deuxième-guerre mondiale et jusqu’au tournant de Mai 68 (Proféractions ! Poésie en action à Paris (1946-1969), Dijon, Les presses du réel, 2018), ses principales publications portent sur Carmelo Bene, Antonin Artaud, les lettristes, l’Internationale situationniste et les poètes sonores actifs dans les années 1950‑1970. Elle a notamment co-dirigé un numéro de revue sur Carmelo Bene (D’Après Carmelo Bene, Revue d’Histoire du Théâtre,n° 263, Juillet-Septembre 2014-3) ainsi qu’un numéro consacré à l’Internationale situationniste, le théâtre et son héritage dans les pratiques de la performance artistique d’aujourd’hui (Internationale situationniste. Théâtre, performance, Théâtre/Public, n° 231, Janvier 2019).

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