1. Introduction
Depuis plusieurs années, la « phraséologie étendue » (Legallois & Tutin, 2013) suscite l’intérêt des linguistes, lexicographes et phraséologues : en sus des locutions et des collocations, classiquement traitées dès qu’on s’intéresse aux expressions polylexicales, d’autres types d’expressions font à présent l’objet d’un grand nombre de recherches et travaux. Il ne s’agit cependant pas d’objets nouveaux : différents courants de la linguistique, situés dans le champ de l’analyse du discours ou de la pragmatique, mais aussi dans le champ multiforme de cette phraséologie étendue émergente, les ont repérés et analysés sous des dénominations diverses1, en les différenciant selon leurs propriétés syntaxiques, sémantiques ou leurs fonctions discursives. Ce qui semble plus nouveau, au moins dans le champ francophone, c’est la volonté de les intégrer plus pleinement parmi les objets traités en lexicologie et d’en proposer un traitement lexicographique systématique. Plusieurs travaux ont été conduits en ce sens. On peut citer en particulier Fléchon et al. (2012) sur les pragmatèmes et les clichés linguistiques, ainsi que, dans une perspective contrastive, les recherches sur les actes de langage stéréotypés de Kauffer (2013), et les structures figées de la conversation de Bidaud (2002).
Le projet Polonium PRAGMALEX que nous avons coordonné s’inscrit tout à fait dans cette perspective et a débouché sur un répertoire de formules expressives, présentées selon une microstructure précise (pour le détail, on se reportera à Grossmann & Krzyżanowska, 2020). Une des difficultés d’une telle entreprise, c’est qu’en sus de la polysémie qu’il peut toujours rencontrer, comme pour toute unité linguistique, l’analyste est souvent confronté à de la polyfonctionnalité, c’est-à-dire à des valeurs illocutoires multiples. Ainsi, la formule par pitié s’emploie traditionnellement lorsque le locuteur implore son interlocuteur d'exaucer une requête, mais dans une valeur dérivée, fréquente aujourd’hui, elle marque l’exaspération du locuteur, lorsqu’il souhaite que son interlocuteur cesse une activité, ou au contraire, lorsqu’il veut le presser d’exécuter rapidement une action. Ces valeurs illocutoires dérivées peuvent influencer la combinatoire syntaxique, la formule entrant dans un processus de grammaticalisation. Par exemple, la formule ça craint, sur laquelle nous nous penchons de manière plus détaillée ci-après, accepte une expansion adverbiale intensive (ça craint un max). Cependant, dans certains emplois, ça craint peut en sus avoir un complément indirect, dans le cas d’une dislocation droite : ça craint d’y aller seul la nuit. Cet exemple nous conduit également à interroger les limites de l’emploi formulaire : faut-il restreindre l’analyse à la formule « nue » ou accepte-t-on qu’elle comporte des expansions, même si elle perd souvent dans ce cas, une bonne partie de sa valeur expressive ? Nous situant dans une perspective lexicographique, nous avons accepté de traiter ces emplois lorsqu’ils étaient productifs, en considérant qu’il était intéressant pour l’usager de la langue, de les connaître, même si l’expressivité y cédait le pas à l’assertion descriptive.
2. La notion de formule expressive
Le terme de formule renvoie ici à des expressions plus ou moins contraintes pragmatiquement ou phraséologismes pragmatiques, utilisées dans la conversation (mais repérables également à l’écrit, par exemple dans les dialogues des romans) pouvant englober des structures ayant valeur d’énoncés et présentant divers degrés de figement, au plan syntaxique et au plan sémantique, sémantiquement compositionnelles ou non compositionnelles. Les formules possèdent les propriétés générales suivantes : a) un caractère souvent figé ou semi-figé au plan syntaxique, sans que cette condition soit toujours requise, certaines formules étant syntaxiquement peu figées ; b) un sens compositionnel ou non compositionnel selon les cas, mais stabilisé par la contrainte pragmatique ; c) un emploi pragmatiquement contraint : les formules sont des phrases préfabriquées (Dostie, 2019 ; Tutin, 2019), c’est-à-dire ne sont pas construites par le locuteur lui-même en situation, mais reproduites ; d) une fonction pragmatique : on a affaire à des énoncés autonomes associés à un contexte d’énonciation spécifique, qui impose ou favorise leur emploi à la place d’autres expressions qui pourraient a priori convenir tout autant (Fléchon et al., 2012).
Notre champ d’analyse a été restreint aux formules expressives, au sens large donné au terme expressivité par Legallois et François (2012), c’est-à-dire incluant les dimensions pathémiques, mimésiques et éthiques, que nous reprenons en les adaptant à nos formules. La dimension pathémique (ou mode affectif) traduit la fonction émotive, telle qu’elle peut se marquer à travers différents procédés, liés à la syntaxe, la prosodie, ou au lexique. L’expressivité pathémique s’exprime ainsi de manière évidente dans une formule telle que ma parole !. Cette formule peut exprimer la surprise, l’étonnement, marquer de l’incrédulité, ou encore marquer l’indignation (Bidaud, 2002, p. 184). Dans la fonction mimésique, la force expressive est mise au service de la représentation référentielle ; par exemple, la formule c’est le paradis ! fournit un analogon métaphorique de l’état de chose évalué par le locuteur. Enfin, la dimension éthique traduit l’image de soi que le locuteur vise à produire grâce à l’expression, par exemple une forme de connivence familière dans une formule telle que c’est cool. Beaucoup de formules expressives n’expriment pas seulement, et parfois pas principalement l’expressivité, elles peuvent avoir un rôle structurant dans la conversation (rôle initiatif ou de clôture), ainsi que des valeurs illocutoires spécifiques. Fréquemment réactives et évaluatives, certaines d’entre elles expriment des actes de langage tels que le refus (marqué explicitement dans pas question ou, plus subtilement, dans ça (ne) me dit rien), l’accord (ça roule), la désapprobation (tu parles), sans compter les valeurs ironiques fréquentes pour plusieurs de nos formules (Grossmann, à paraître).
3. Méthodologie générale du projet
3.1. Critère de sélection et extraction des formules dans les corpus
Chaque formule sélectionnée a été testée à l’aide de plusieurs critères : statistique, lexicologique (ayant trait au figement), stylistique et sémantico-pragmatique. Nous détaillons dans Krzyżanowska et al. (à paraître) les critères utilisés. En résumé, nous avons pris en compte la fréquence d’occurrences dans la base orale d’ORFEO et dans le Lexicoscope (au moins 12 occurrences dans l’une ou l’autre de ces bases)2, le degré de figement, la non-variabilité du sujet, la présence d’expressivité, avec une dimension pathémique, la polylexicalité (pour les formules françaises), le choix d’un registre de langue courant ou familier. Ont été exclues les formules vulgaires ou vieillies. Ce critère cependant est toujours délicat, car la définition même de « familier » est assez variable. Très familier a été utilisé, lorsque la formule apparaissait dans des cadres très informels (Gadet, 2003)3. Des explorations complémentaires ont également été effectuées sur trois types de ressources en ligne : Twitter, les forums de sites en ligne et Facebook.
3.2. La démarche contrastive
Lorsqu'on compare des données de deux langues, il ne s'agit pas de fournir une simple traduction, comme c'était le cas dans les études contrastives traditionnelles (Sőrés, 2008, p. 29). Il ne s'agit pas non plus de mettre en parallèle les faits linguistiques étudiés. À l’heure actuelle, la méthode utilisée dans ce type d'approches vise à mettre en équivalence deux analyses conjointement conduites (Loffler-Laurian, 2006), dont la tâche principale est d'établir les conditions de choix des formules correspondantes, traitées de façon globale, et ayant la même valeur pragmatique (Bogusławski, 2013, p. 80-90). En outre, nous nous sommes fixé comme objectif de mettre en évidence les moyens linguistiques mis en œuvre en français et en polonais.
Notre démarche, axée sur différents degrés de correspondance, a pour but de trouver un équivalent d’une formule française aussi proche que possible quant à sa signification et à sa fonction pragmatique, sans négliger pour autant l’impact d’une contrainte sociolinguistique et culturelle sur les modalités d’emploi des expressions étudiées. Dans notre étude, nous avons adopté le principe selon lequel on devrait essayer de concilier les exigences des différentes équivalences : catégorielle, lexicologique, statistique et stylistique (Anscombre, 2008 ; Sułkowska, 2018). Selon le principe d’équivalence catégorielle, à une formule relevant d’une certaine catégorie devrait, dans l’idéal, correspondre une formule de la même catégorie, ayant en outre la même acceptabilité situationnelle. Notre choix a aussi été gouverné par un principe d’équivalence lexicologique : une formule figée est mise en relation avec son expression équivalente, également figée. Il s’agit des formules relevant d’équivalences assimilables, pouvant fonctionner par substitution de blocs figés (ou semi-figés) en raison de leur similitude de valeur pragmatique. Sur le plan sémantique, à côté des formules opaques, on trouve des expressions transparentes, mais pragmatiquement contraintes.
Dans notre étude, il n’est pas question de définir ou de circonscrire la notion d’équivalence, mais de fournir une équivalence plausible qui prend en compte une configuration de paramètres pertinents : formels, pragma-sémantiques, discursifs, affectifs et socioculturels. On y trouve les critères faisant appel à différents niveaux de l’encodage et de la réception du message : le contexte d’énonciation ; le contexte linguistique ; le sens global des formules actualisé en contexte ; une dimension figurative des formules que le figement valide ; les connotations (stylistiques, affectives, sociolectales, stéréotypiques) que les formules rapprochées peuvent véhiculer et l’intégration socioculturelle de ces dernières ; le statut de l’allocutaire à qui la traduction est adressée de manière à pouvoir remplir la fonction de communication.
En ce qui concerne l'équivalence stylistique, le registre familier (pl. styl potoczny), dit aussi non officiel, correspond aux emplois normaux dans une situation de communication sociale aisée, en étant employé dans de nombreuses situations sociales par tous les usagers de la langue. Cette catégorie englobe tous les genres d’énoncés oraux (conversations quotidiennes, salutations, demandes, ordres, souhaits, querelles, blagues, etc.), ainsi que des énoncés écrits (par exemple : notes, remarques, lettres privées, langage d’internet dans certains emplois). Le registre familier se manifeste à travers deux types de variété (ou sous-catégories) : un registre familier plus soigné, ayant un caractère neutre (pl. styl potoczny staranny), ainsi qu’un registre familier relâché ayant un caractère émotionnel (pl. styl potoczny swobodny) (Bartmiński, 1991). Tout comme son équivalent français, le terme polonais styl potoczny swobodny (un registre familier relâché) renvoie à des emplois apparaissant dans des cadres très informels. Quant à l’indication courant, elle semble correspondre en polonais au registre familier plus soigné (pl. styl potoczny staranny). En ce qui concerne le critère de fréquence, la même règle qu'en français (12 occ. au moins dans l’un ou l’autre des corpus de référence) a été appliquée.
4. C’est le bordel vs ça craint
4.1. C’est le bordel
4.1.1. Le paradigme des formules en « c’est »
Wojciechowska (2019) a analysé de manière détaillée, dans le cadre du projet, la structure C’est + Dét. déf. + N et nous reprenons ici en partie certaines de ses analyses. Ces formules ont en commun de comporter en leur début le marqueur c’est (originairement déictique)4, signe d’une opération d’identification faite par le locuteur (Le Goffic, 1994, p. 209-211) où ce (morphologiquement masculin, sémantiquement neutre) est, selon ces mêmes auteurs, un opérateur d’identification. Cette structure d’identification contient l’attribut qui peut selon les cas être un nom (déterminé) ou un adjectif. Le pronom démonstratif élidé c’ peut représenter un terme d’un énoncé précédent, rappeler (ou appeler) un terme présent dans la même construction (La Sierra Leone c’est le bordel, oui, le bordel au carré. / C’est le sacré bordel pour rentrer à Paris). Les formules avec c’est qui ont été sélectionnées relèvent de trois patrons :
– patron a : C'est + Dét. Déf.+ Nprédicatif : c’est la honte, le pied, le paradis, le bordel, le comble …
– patron b : C'est + Dét. Indéf.+ Nprédicatif : c’est une honte, un comble, une plaie …
– patron c : C'est ou Ce n’est + particule nég. pas + Adj ou Nprédicatif : c’est pas vrai, c’est pas grave, c’est pas plus mal, c’est pas la peine.
Ces trois structures ont en commun un caractère nettement évaluatif. La formule C’est le bordel, qui appartient au patron a), entre dans un paradigme de formules à valeur de commentaire négatif ou positif, telles que c’est la galère, c’est la honte, c’est le pied, c’est le bouquet, etc., dans lesquelles le nom a perdu son sens propre pour revêtir un sens métaphorique à valeur dépréciative ou méliorative, associé à une forte intensité. En revanche, le nom conserve son sens habituel dans les formules c’est la honte, c’est le comble, le figement sémantique résultant d’autres facteurs en particulier l’absence fréquente de la mention du référent de l’échelle d’intensité, dans les emplois expressifs. Pour c’est le comble, par exemple, la formule fournit rarement, surtout à l’oral (aucune occurrence trouvée dans la base orale d’ORFEO, l’élément permettant d’identifier le comble dont il s’agit5. Une expansion reste cependant toujours possible (ex. c’est le comble du ridicule6) et nous avons trouvé de tels exemples dans le corpus écrit. À noter que dans la variante c’est un comble, cette possibilité d’expansion est bloquée, au moins dans l’emploi expressif. Aucune expansion n’est possible pour c’est le bouquet, sauf les cas assez rares de renforcement intensif (non mais là c’est le bouquet total franchement, énoncé trouvé sur le forum du jeu en ligne Gamekult).
Les structures avec l’indéfini (patron b) ont également une valeur appréciative, avec les nuances sémantiques bien connues qu’occasionne l’emploi de l’article indéfini par rapport au défini (voir par ex. Wilmet, 1997, p. 128). Certaines formules ont été rencontrées avec un article indéfini tout comme avec un article défini : c’est un comble vs c’est le comble, c’est une honte vs c’est la honte, c’est une plaie vs c’est la plaie. Leur emploi n’est pas toujours interchangeable. Outre des différences dans le fonctionnement syntaxique (par exemple c’est le comble peut avoir une expansion, contrairement à c’est un comble), apparaissent dans certains cas des différences sémantiques manifestes : dans c’est la honte, l’usage du déterminant défini permet de renvoyer, contrairement à la formule construite avec le déterminant indéfini, à une situation où le locuteur est susceptible d’éprouver lui-même le sentiment de honte, comme dans 1a (en emploi expressif) et 1b (emploi descriptif, non expressif) :
(1) |
a. |
Voyager en avion, c’est la honte ! [Libre Belgique, publié le jeudi 18 avril 2019] |
b. |
Et si quelqu'un me voit ? Si j'ai le parachute d'ouvert ? Ce sera la honte. Je ne pourrai plus jamais revenir dans cette boutique. [Lexicoscope : D. Picouly, Le cœur à la craie, 2005] |
On se trouve donc devant une situation courante en linguistique : si les patrons syntaxiques repérés peuvent être associés de manière privilégiée à un type d’emploi, il n’est pas possible d’associer de manière mécanique une structure à un sens et à une valeur illocutoire. Une analyse plus fine, au cas par cas, reste indispensable.
4.1.2. Analyse du fonctionnement de c’est le bordel
La formule c'est le bordel entre dans le cadre syntaxique c'est + Dét. Déf.+ Nprédicatif tel qu’il a été précédemment rappelé. Notons que la formule quasi homonyme, avec le déterminant indéfini n’est réalisable que lorsqu’elle intègre un adjectif intensif :
(2) |
a. |
C’est vraiment un beau bordel, ce mercato (Twitter, 2 sept. 2013) |
b. |
Recycler des cartons qui ont tous la même taille c'est facile, recycler des emballages tous différents c'est un bordel pas croyable. (Twitter, 16 déc. 2016) |
L’utilisation de la même structure sans modifieur ou avec un adverbe seul semble bloquée ou en tout cas peu aisée :
(3) |
? c’est un bordel |
(4) |
? c’est vraiment un bordel ici. |
En revanche, le tour à valeur superlative c’est un de ces qui extrait un exemplaire pour le caractériser comme exprimant particulièrement la propriété du prédicat verbal est tout à fait possible :
(5) |
C'est un de ces bordels cette élection présidentielle en vrai c'est chaud #Presidentielle2017 (Twitter, 2 mars 2017). |
Faut-il considérer ces emplois comme des variantes de la formule avec le déterminant défini ? Nous penchons vers cette solution, dans la mesure où, contrairement à ce qui se passe pour d’autres formules (voir l’exemple de c’est la honte vs c’est une honte, évoqué précédemment), on ne se trouve pas face à une réelle différence de valeur illocutoire, notre critère privilégié pour l’analyse des formules. En contexte, les différentes réalisations, malgré les nuances sémantiques qui les distinguent, ont une même valeur pragmatique, comme le montre la comparaison de l’exemple (5) avec l’exemple fabriqué présenté en (6) :
(6) |
C'est le bordel cette élection présidentielle en vrai c'est chaud |
Comme nous l’avons vu, dans la formule, le marqueur c'est a une valeur d'identification et d’emphatisation ; il peut renvoyer à des éléments déjà évoqués ou à des éléments qui apparaissent dans la suite. Au plan syntaxique, la formule n'est pas figée et peut être intensifiée par insertion d’un adverbe (c'est vraiment le bordel) ou par insertion ou ajout d’un adjectif à valeur intensive (C'est le sacré bordel / C’est le bordel complet). Des adverbes ou des syntagmes prépositionnels circonstanciels (locatifs, temporels, finaux …) complètent souvent la phrase : c’est le bordel, ici, c’est le bordel à Nation, c’est le bordel depuis ce matin, c’est le bordel pour rentrer à Paris, etc.
On peut aussi noter que c’est dans la formule c’est le bordel remplit aussi d’autres rôles. En tant que réactif, le marqueur sert à introduire le commentaire permettant la caractérisation de la situation évoquée et aussi à mettre en relief le segment qu’il introduit (Le Bidois, 1935/1971, § 207), Müller-Hauser (1943, p. 205-220), Gardes-Tamines (1986). Pour Berthelon (1955), « C’est sert à diriger brusquement, vivement l’attention de l’entendeur sur l’élément que l’on souhaite mettre en relief … ». Comme nombre des autres formules étudiées, les adverbes et les adjectifs (insérés ou ajoutés) modulent le degré d'intensité de la formule : soit en l’affaiblissant (par exemple avec un peu : c’est un peu le bordel), soit en la renforçant (ex. c’est le bordel total, c’est un sacré bordel).
Concernant les cooccurrents privilégiés de cette formule (et de celles qui se fondent sur le même patron), on trouve principalement des renforçatifs (Berthelon, 1955) tels que l’adverbe interjectif mais exprimant la surprise, la colère, l’étonnement (Mais c’est le bordel !), et aussi des déictiques ça et ici, lesquels d’une part servent à renforcer l’intensité du contenu exprimé par la formule, et d’autre part, marquent le lien avec le contexte (ça c’est vraiment le bordel ; ici c’est le bordel). Les renforçatifs déictiques peuvent aussi être placés en fin d’énoncé. Enfin, la formule c’est le bordel est fréquemment appuyée par les interjections Ah !, Oh ! (Ah, c’est le bordel !).
Au plan sémantique, la formule est peu transparente, le nom bordel perdant son sens initial de ‘maison de prostitution’. Le sens figuré de ‘grand désordre (matériel ou non)’ est cependant lexicalisé et figure dans les dictionnaires, notamment dans le Petit Robert (2021, version électr.). Notons que c’est le bordel est polysémique : la formule, dans son sens concret, est paraphrasable par ‘quel désordre !’ (en parlant d’une chambre, par exemple), tantôt, dans un sens plus abstrait, à propos d’une situation, par ‘quelle pagaille’, quel ‘méli mélo’, voire ‘quelle merde !’. Dans le dialogue et le discours adressé, outre sa valeur évaluative, la formule revêt souvent toute sa fonction expressive :
(7) |
Mais si tout le monde fait comme toi, c'est le bordel ! c'est l'anarchie ! (François Dupeyron, Où cours-tu Juliette, Paris, 2015). |
De nombreux emplois peu expressifs, ont été trouvés dans les corpus lorsqu’il s’agit pour le locuteur de signaler un dysfonctionnement ou un état de choses problématique, comme dans les exemples (8) et (9) :
(8) |
ah oui ah pratique parce que sinon quand tu regardes la liste comme ça c'est le bordel il y a tous les cours possibles quoi [ORFEO : TUFS – Center of Usage-based Linguistic Informatics > 03IAGJ110912] |
(9) |
Oui oui aujourd'hui y'a zéro bus qui parte de la gare routière et qui y vont c'est le bordel à Metz [Twitter : https://twitter.com/ilona_bcl/status/1124648136000057344, consulté le 13.05.2019] |
D’autres formules assez proches de c’est le bordel du point de vue lexical et pragmatique – même si leur combinatoire syntaxique est différente – peuvent être formées à partir du nom bordel : quel bordel !, Le bordel !, Tu parles d’un bordel !. L’interjection Bordel ! a quant à elle un statut très différent, similaire à celui d’un juron.
4.2. Ça craint
4.2.1. Le paradigme des formules avec ça
Sept des formules sélectionnées ont comme tête le pronom ça. L’une d’elles, ça alors, purement interjective, est à mettre à part. Les six autres (ça craint, ça fait rien, ça m’étonnerait, ça (ne) me dit rien, ça roule, ça suffit), correspondent à différents patrons syntaxiques :
– le patron ça + Vemploi absolu : ça roule, ça suffit, ça craint (on aurait pu ajouter ça marche, qui n’a pas été traité dans nos fiches) ;
– le patron ça + Vtrans avec pronom personnel clitique en fonction d’objet : ça m’étonnerait (on aurait pu ajouter ça m’embête, ça me gonfle, ça m’est égal, ça me sidère…) ; le signifié du verbe exprime généralement un affect ; la négation est parfois possible (ça ne m’étonnerait pas, ça (ne) m’embête pas) ; dans d’autres cas, elle est possible mais on perd le cadre formulaire (ça ne m’est pas égal) ; enfin, elle est parfois quasi impossible (? ça ne me gonfle pas, ? ça ne me sidère pas).
– le patron ça + Vtrans avec pronom personnel clitique en fonction d’objet + nég. : ça me dit rien (ça (ne) me plaît pas, ça (ne) m’étonne pas).
– le patron ça + Vtrans + nég. (pas ou rien ) : ça (ne) fait rien
En croisant certaines des dimensions repérées, pour les phrases préfabriquées, par Tutin (2019) et, pour les formules, par Gharbi (2020), on peut catégoriser les différents patrons repérés pour ça + V. selon leurs fonctions illocutoires :
– les réactifs à fonction essentiellement évaluative : ça craint
– les réactifs interactionnels à fonction de régulation : ça roule, ça fait rien, ça suffit, ça tombe bien.
– les réactifs interactionnels personnels ou de point de vue : ça m’étonnerait, ça ne me dit rien.
Toutes ces formules ont une part d’expressivité variable, selon le contexte discursif mais aussi selon la formule elle-même. La formule ça roule a tendance à se pragmaticaliser en tant que simple marque d’accord, perdant peu ou prou sa charge euphorique (encore présente cependant dans certains contextes) ; ça fait rien permet de minimiser un inconvénient qui vient d’être évoqué, ou de réagir poliment à un refus ; la formule ça tombe bien ne véhicule parfois qu’une expressivité minimale : elle permet alors d’embrayer sur une nouvelle thématique, en la reliant à la précédente ou d’amorcer une demande. Il n’en va pas de même pour ça suffit, souvent exclamatif, qui marque la colère ou l’exaspération tout en permettant dans certains cas d’interrompre un propos, ou de réagir à un événement, une situation jugés insupportables. Les interactionnels personnels tels que ça m’étonnerait ou ça ne me dit rien impliquent davantage le locuteur lui-même, qui évalue le degré de probabilité d’un fait en le présentant comme un jugement personnel (ça m’étonnerait), ou en signalant son peu d’enthousiasme devant une éventualité (ça ne me dit rien). Ces formules revêtent des valeurs illocutoires variées en discours.
Ainsi, la formule ça craint, contrairement aux autres figurant dans cette série, ne régule pas obligatoirement l’interaction. Purement commentative, elle est certes réactive, elle n’a pas de fonction initiative ou de clôture, elle ne vise pas à opérer un changement du thème conversationnel (comme peut le faire ça tombe bien), ne peut marquer ni l’accord (comme ça roule), ni le refus (comme ça ne me dit rien). En revanche, comme nous allons le voir, elle est souvent fortement expressive.
4.2.2. Analyse du fonctionnement de ça craint
La formule est formée du pronom démonstratif ça et du verbe craindre, toujours intransitif dans cet emploi quasi-impersonnel. On a affaire à une structure semi-figée syntaxiquement, à construction impersonnelle. Il n’y pas de possibilité d’insertion, mais l’expansion est possible. La variation sur le sujet est possible, dans le cas de la dislocation avec double marquage (mais il ne s’agit plus alors de la formule proprement dite) :
(10) |
son quartier, il craint (corpus ORFEO) |
La variation sur le tiroir verbal est également possible :
(11) |
Saint-Tropez, ça craignait vraiment trop : un truc de vieux, un truc de bourges [Lexicoscope, N. Kaprielian, Le manteau de Greta Garbo, 2014]. |
Nous avons distingué deux emplois : le premier essentiellement expressif comme en (12) permet de marquer la peur, le dégoût, la répulsion (parfois de manière plaisante) :
(12) |
ohhhhh le covid, ça craint (Twitter, 21 mai 2020) |
Le second emploi est plus descriptif et peut avoir, secondairement, une valeur de mise en garde ou d’avertissement :
(13) |
la Bastille euh oh, mais c'est où c'est vers le Bois de Vincennes oh, mais ça craint un peu là-bas [ORFEO : CFPP (O) > Anita_MUSSO_F_46_11e] |
L’expansion par un adverbe intensif possible pour les deux usages (ça craint un peu, un max) mais dans la fonction 2, il peut y avoir un complément indirect :
(14) |
Ça craint d'y aller en short mais sinon je vais crever (Twitter, 11 mai 2015) |
Dans la formule ça craint, l’expressivité mimésique résulte de différents procédés syntaxiques, absents des autres formules en ça + V que nous avons évoquées : modification de la valence verbale, perte de la transitivité, oblitération de l’expérient7. On rencontre également une certaine polysémie, la formule pouvant avoir un emploi assez concret, pour signaler par exemple qu’un quartier est dangereux, ou un emploi plus abstrait (voir angl. it sucks), traduisant alors simplement l’évaluation fortement négative que fait le locuteur d’un phénomène (les manœuvres politiques, ça craint). La forte charge évaluative de la formule a aussi à voir avec la dimension éthique, en ce qu’elle présente le locuteur comme un sujet énonçant des jugements catégoriques, visant à le démarquer nettement d’un état de chose négatif. Son emploi traduit une certaine décontraction, ou, sur un plan plus externe, identifie le locuteur comme appartenant à un groupe utilisant un « parler jeune » ou un parler « populaire » (Avezard-Roger & Chatar-Moumni, 2011), même si ce point est sans doute à nuancer, la formule s’étant aujourd’hui banalisée.
4.3. Bilan concernant les deux formules analysées
Si l’on considère leurs structures syntaxiques et sémantiques, mais aussi leurs fonctions pragmatiques et discursives, les deux formules sont fort différentes, bien qu’on puisse leur trouver aussi quelques proximités, notamment le caractère essentiellement réactif et évaluatif. Dans c’est le bordel tout comme dans ça craint la dimension pathémique est secondaire par rapport à la fonction d’évaluation négative. Les deux formules analysées ont en commun d’être intensives, ce qui est en partie lié au fait que toutes les deux contiennent un élément d'origine déictique (c'est et ça). Bien qu’elles soient toutes deux négatives, leur motivation est également très différente : c’est le bordel mobilise une métaphore, le sens de lieu de prostitution ayant glissé vers celui de désordre, matériel ou abstrait, ce qui permet de catégoriser négativement un très grand nombre de situations ou d’événements. On peut rapprocher ce fonctionnement d’autres formules en c’est, construites également à partir d’un nom métaphorique : c’est la galère, ou avec une valeur positive cette fois, c’est le paradis. La formule ça craint a un rôle purement réactif, contrairement aux autres formules en ça + V figurant dans notre sélection qui ont clairement un statut responsif dans l’interaction (ex. ça roule, ça suffit, ça fait rien…). Sa construction (avec modification de la valence verbale reposant sur une alternance causative8) conduit à créer une certaine opacité sémantique, qui renforce l’expressivité mimésique et facilite également son utilisation en tant que formule de connivence. Enfin, en tant que syntagmes réactifs et évaluatifs (linguistiquement économiques), les deux formules c’est le bordel et ça craint s’emploient aussi comme titres de journaux, noms de page sur les réseaux sociaux, ou constituent une partie du titre des blogs ou forums sur lesquels les internautes laissent leurs commentaires subjectifs (Je sais pas quoi faire, c'est le bordel dans ma tête ! ; Les joueurs français, ça craint !).
5. Le contraste entre le français et le polonais
Dans notre analyse, nous partons du constat que toutes les formules comparées s’interprètent comme réalisant le même type d’acte de langage, à savoir un acte expressif, celui qui traduit l’état psychologique du locuteur. Compte tenu du type de contexte d’énonciation spécifique dans lequel elles apparaissent, nous nous attachons à examiner quelles valeurs illocutoires sont véhiculées par les expressions mises en contraste pour passer ensuite à leurs caractéristiques pertinentes sur le plan syntaxique, lexico-sémantique et discursif. Pour répondre aux objectifs définis, la formule polysémique ça craint a été mise en relation avec ses deux équivalents en polonais : 1. do bani ‘ça ne sert à rien, c’est nul’ ; 2. strach się bać ‘avoir très peur’ (litt. ‘la peur d’avoir peur’). Le sens global de ce dernier peut être rendu par la paraphrase comme suit : ‘X a tellement peur qu’il a même peur d’avoir peur’. La formule dont il est question sert à exprimer une intensité très forte, due à une accumulation de mots sémantiquement proches.
La deuxième formule étudiée c’est le bordel a pour correspondant l’expression sémantiquement très proche : co za burdel. Cette parenté sémantique s’explique par le fait que la formule polonaise contient le nom emprunté au français par intermédiaire de l’allemand (Bordell). En polonais contemporain, le mot burdel, résultat du processus d’assimilation, possède le même sens dénotatif que son correspondant en français.
Certains écarts d’ordre structurel qu’on a pu établir entre les deux formules françaises mentionnées et leurs expressions équivalentes sont dus aux spécificités typologiques de deux langues concernées. Ainsi, toutes les expressions mises en contraste possèdent une structure syntaxique propre : ça craint est une construction verbale intransitive, construite avec le pronom qualifié de quasi-impersonnel, alors que son premier équivalent en polonais correspond au syntagme prépositionnel, où la préposition do (‘pour, destiné à’) impose au nom bania (‘récipient de forme ronde’)9 la forme casuelle du génitif (do + banigénitif). La formule do bani est construite sur le même patron syntaxique que celui des expressions équivalentes : do kitu, do luftu, do chrzanu (‘ça ne sert à rien, c’est nul’). Quant au deuxième équivalent, il constitue une construction impersonnelle comportant le nom prédicatif strach (‘peur, crainte’), suivi de l’infinitif się bać (‘avoir peur, craindre’).
La formule c’est le bordel est rangée à son tour parmi les structures attributives (souvent exclamatives, partageant le cadre syntaxique c’est + Dét. Déf. + Nprédicatif, tandis que son correspondant polonais est une structure exclamative, constituée de la partie figée co za (pronom nominal interrogatif co + préposition za), et du nom burdel ‘bordel’. Il est intéressant de signaler que la formule co za burdel est construite selon le « moule préétabli »10 : co za + N pouvant engendrer les séries d’expressions de même structure, comme co za bajzel ‘quel bordel’, co za syf ‘quelle merde’, co za wstyd ‘quelle honte’, co za odwaga ‘quel courage’, etc.
En ce qui concerne la stabilité formelle et sémantique des structures évoquées, il faut noter que les formules françaises et leurs expressions correspondantes présentent soit divers degrés de figement, soit un degré de figement semblable. Ainsi, ça craint, dont la motivation sémantique reste en partie accessible en raison du sens du verbe craindre (malgré la modification de valence opérée, voir section 4.2.2.) est syntaxiquement semi-figée. En revanche, ses équivalents en polonais do bani et strach się bać sont entièrement figés du point de vue syntaxique. Sur le plan sémantique, strach się bać possède un sens non compositionnel, mais cette formule peut être traitée comme partiellement transparente en raison du sens du verbe bać się (‘avoir peur’) et de celui du nom strach (‘peur, crainte’), qui participent au sens global. Par contre, la formule do bani est complètement démotivéesuite à la désémantisation des constituants au profit de son sens global.
À la différence des exemples que nous venons d’évoquer, c’est le bordel et sa formule équivalente co za burdel se caractérisent par une proximité sémantique et un degré de figement relatif. Les deux expressions sont syntaxiquement semi-figées et désignent soit le désordre des choses, soit celui de l’esprit, des idées. Leur caractère expressif transparait à travers une forte intensité qu’elles véhiculent.
Dans les deux langues comparées, il y a également possibilité d’insertion d’un adjectif modulant le degré d’intensité élevé (c’était un sacré bordel, pl. co za cholerny burdel!). Notons en outre qu’en polonais, la surenchère lexicale s’exprime à l’aide des deux intensifieurs différents qui se succèdent à l’intérieur de la même formule : [la partie figée co za = ‘un très grand’] + l’adjectif intensif cholerny + N.
Le point commun est que les deux formules évoquées font partie d’un paradigme de formules à valeur de commentaire négatif dans lesquelles les noms (bordel, pl. burdel) ont généralement perdu leur sens propre pour prendre une valeur métaphorique.
Du point de vue pragmatique, c’est le bordel et co za burdel servent à exprimer une attitude de désapprobation face à une situation chaotique (‘grand désordre, matériel ou non’). La valeur illocutoire négative des expressions découle des connotations péjoratives qui se sont attachées au mot-tête (bordel, pl. burdel).
En ce qui concerne la formule ça craint, elle a deux équivalents distincts en polonais : do bani (‘cela ne sert à rien, c’est nul') et strach się bać (‘avoir très peur’). Le premier, au niveau du contenu sémantique, est pourvu du sème évaluatif /négatif/. De plus, contrairement à la formule française, il ne peut pas exprimer le dégoût ou la répulsion. Dans strach się bać, son deuxième équivalent, la composante évaluative négative est inférée à partir de l’appréciation négative de l’élément déclencheur de l’émotion dont il est question (ce qui provoque le sentiment de peur).
La description de toutes les formules étudiées sur le plan pragmatique nous amène à les traiter comme des équivalents approximatifs.
Les idiosyncrasies relèvent des spécificités typologiques des deux langues. Ainsi, les formules mises en contraste possèdent des structures syntaxiques différentes : fr. structure attributive (c’est le bordel) vs pl. structure averbale (co za burdel) ; fr. construction intransitive avec le pronom qualifié de quasi-impersonnel (ça craint) vs pl. construction impersonnelle avec un prédicat spécial sous la forme nominale, suivi d’un verbe pronominal à l’infinitif (strach się bać).
Il convient de signaler que même si la formule de langue-cible met en œuvre des moyens lexicaux et structuraux différents, elle peut être sémantiquement et/ou pragmatiquement proche de la formule de langue-source, comme c’est le cas de ça craint et de strach się bać. Toutes les formules étudiées ont un caractère polylexical et sont porteuses d’une dimension appréciative négative.
6. Conclusion
Dans la langue-source, la description des formules, comme c’est le cas de tout phraséologisme, est précédée par la mise au jour de leurs patrons sémantico-syntaxiques. En l’occurrence, les deux structures analysées, c’est le bordel et ça craint ressortissent respectivement du patron c'est + Dét. déf. + Nprédicatif pour l’une, du patron ça + Vemploi absolu pour l’autre. À cette étape, il est parfois possible d’associer propriétés syntaxiques et caractéristiques sémantiques. La prise en compte des spécificités de chaque formule est cependant nécessaire, comme c’est le cas pour ça craint, dans laquelle craindre prend un sens causatif, propriété qui la distingue nettement des autres membres de la série. En définitive, c’est bien la valeur illocutoire qui permet le classement le plus économique des formules. Celles-ci sont également très sensibles à la dimension diatopique. Nous avons pris comme point de référence le français de France, en indiquant parfois – trop rarement –, dans le champ Variantes, qui permet de consigner les réalisations proches, ou parmi les équivalents, la formule correspondante issue d’un autre pays francophone. Par exemple, ça craint n’est pas utilisé par le français du Québec (qui utilise c’est sketch, dans certaines des acceptions de la formule française). Ce type d’informations mériterait d’être consigné de manière systématique.
En ce qui concerne la démarche appliquée pour la langue-cible, quelques éléments sont également à souligner, caractérisant la démarche suivie pour la sélection et l’analyse des formules : le linguiste lexicographe est ici tenu de composer avec des principes (équivalence catégorielle, lexicologique, statistique et stylistique) qui ne sont pas toujours convergents. Pour chaque formule candidate – plusieurs se révélant parfois nécessaires pour une même formule française –, c’est la hiérarchisation des valeurs illocutoires qui permet de jauger in fine les meilleurs équivalents approximatifs. À la glose lexicographique de mettre ensuite en évidence leurs propriétés syntaxiques et sémantiques spécifiques ainsi que, parfois, la manière idiosyncrasique qu’ont le ou les correspondants choisis de conceptualiser la réalité extralinguistique.