Introduction
De plus en plus d'études arrivent à la conclusion que les particules d'un diamètre aérodynamique inférieur à 2,5 µm (PM2.5) sont de meilleurs indicateurs de risque que les traditionnelles PM10 dans les études sur la santé et la pollution atmosphérique particulaire [1-5]. Cependant, en Europe, la plupart des études épidémiologiques continuent à se baser sur les mesures de fumées noires ou de PM10 fournies par les réseaux de surveillance de la qualité de l'air, afin de satisfaire aux normes européennes [6-8]. La validité des valeurs de PM10 en tant qu'index d'exposition dans les études épidémiologiques ou d'évaluation des risques peut être remise en cause car elles mesurent imparfaitement l'exposition aux particules les plus nocives et ne prennent pas en compte l'éventuelle variabilité spatio-temporelle des ratios PM2.5/PM10.
L'objectif de cette étude est de décrire la variabilité spatiale et temporelle des ratios PM2.5/PM10 dans l'agglomération grenobloise, sur différents sites urbains et au cours de différentes saisons. De plus, des données détaillées de corrélation site par site entre PM2.5 et PM10 viennent illustrer cette étude (profils horaires). En effet, il semble important de considérer les distributions diurnes des particules en terme d'évaluation de l'exposition d'une population.
Méthode
Définition des sites de prélèvement
Le réseau de surveillance de la qualité de l'air grenoblois (ASCOPARG) possède deux sites urbains permanents de prélèvement de PM10. Ces sites sont considérés représentatifs de deux classes d'exposition selon les critères généraux suivants1 :
-
1. site de proximité : situé à moins de 50 m d'une voirie avec une intensité de trafic > 10 000 véhicules/j, ratio NO/NO2 ≥ 1 ;
-
2. site de fond urbain : situé à plus de 50 m d'une voirie, > 10 000 véhicules/j, ratio NO/NO2 < 1.
Le site de proximité grenoblois (site A) est défini spécifiquement par un ratio NO/NO2 proche de ou supérieur à 1 toute l'année, et se situe sur une voirie avec une intensité de trafic de plus de 60 000 véhicules/j en moyenne.
Le prélèvement d'air est effectué à une hauteur de 3 m au-dessus du trottoir. Le site de fond urbain permanent (site B) est défini spécifiquement par un ratio NO/NO2 < 1 toute l'année et se situe à plus de 50 m de toute voirie importante (au cœur d'une zone résidentielle). La route la plus proche a une intensité de trafic < 5 000 véhicules/j. Le prélèvement d'air se fait à 10 m du sol.
Un site de fond temporaire (site C) a été mis en place au cours d'une étude spécifique. Il correspond aux mêmes critères de distance à la voirie et d'intensité du trafic que le site B. Les appareils sont à 6 m du sol et, de manière générale, les résultats ont tendance à montrer de plus forts niveaux de pollution particulaire que ceux observés sur le site B. Pour la période de fonctionnement du site C, des résultats sont disponibles sur six sites mobiles de fond. Par la suite, ces six sites de prélèvement seront considérés comme un seul site (site D, résultats homogènes). Tous les sites se situent dans un quartier à forte densité de population.
Définition des périodes de prélèvement
La variabilité du ratio PM2.5/PM10 a été mesurée sur les sites décrits précédemment à plusieurs périodes au cours des années 1996, 1997 et 1998. Des mesures spécifiques au seul site de proximité ont eu lieu
-
du 28-06-1996 au 03-07-1996 pour la période estivale (1)
-
et du 11-12-1996 au 13-12-1996 pour la période hivernale (2).
La période d'étude sur les sites C et D s'est étalée du 27-1-1997 au 10-4-1997 (3).
Des mesures supplémentaires ont été faites du 15-05-1997 au 18-05-1997 en parallèle sur le site de fond B et sur celui de proximité (A) (4).
Une autre campagne de mesure s'est déroulée pour la période estivale du 23-06-1998 au 07-07- 1998 sur le site B (5) et du 09-07-1998 au 23-07-1998 sur le site A (6).
Enfin, des données sont disponibles sur les sites A et B du 23-11-1998 au 07-12-1998 (7).
Le calendrier des périodes de mesure est résumé dans la figure 1, p. 101.
Figure 1. Calendrier des périodes de prélèvement GRIMM.
GRIMM measurement periods calendar.
Matériel
Un échantillonneur GRIMM (G1105) a été utilisé pour mesurer les immissions de PM2.5 et de PM10. Il permet de déterminer le profil granulométrique des particules en masse ou en nombre (un calcul simple permet de convertir les résultats en masse, par approximation), en utilisant une méthode de diffusion de la lumière par les particules. Une diode laser émet un rayonnement de longueur d'onde donnée dans une cellule de mesure. L'air échantillonné traverse ce faisceau laser et la lumière est diffusée selon la surface et la taille des particules contenues dans cet échantillon. Les signaux sont détectés par un capteur dans un angle de 60 à 120 degrés. Un analyseur de pic classe alors les signaux et les trie en fonction du diamètre des particules (0,75-1 ; 1-2 ; 2-3,5 ; 3,5-5 ; 5-7,5 ; 7,5-10 ; 10-15 ;> 15 µm). Le débit d'aspiration est de 1,2 l/min. Les particules se déposent sur un filtre placé derrière la cellule, ce dernier pouvant être pesé à la fin de l'expérience. Le temps d'intégration des données est d'une minute.
Résultats
Tableau 1. Conditions locales des campagnes de mesure à Grenoble : classification des sites et météorologie.
Local conditions during measurements in Grenoble: sites classification and meteorological data.
NO/NO2 |
Trafic |
Température |
Humidité |
Vitesse du vent m/s, |
|
Juillet 1996 |
18,3 |
70,1 |
0,4 |
||
Site A |
1,4 |
69 600 |
|||
Mai 1997 |
18,9 |
75,4 |
0,6 |
||
Site A |
1,1 |
64 680 |
|||
Site B |
0,1 |
< 5 000 |
|||
Juin-Juillet 1998 |
22,1 |
70,0 |
0,6 |
||
Site A |
0,6 |
65414 |
|||
Site B |
0,05 |
< 5 000 |
|||
Décembre 1996 |
3,6 |
94,3 |
1,0 |
||
Site A |
2,8 |
80 309 |
|||
Janvier-Avril 1997 |
8, 1 |
72,1 |
0,7 |
||
Site C |
0,7 |
< 5 000 |
|||
Site D |
|||||
Décembre 1998 |
|||||
Site A |
2,0 |
70 257 |
0,8 |
85,5 |
0,4 |
Site B |
0,7 |
< 5 000 |
Le tableau 1, p. 102, résume, pour les différents sites étudiés, les données sur le ratio NO/NO2 et l'intensité du trafic fournies par l'ASCOPARG [au vu de la caractérisation des sites comme étant de proximité (A) ou de fond (B à D)] ainsi que les données météorologiques sur les périodes de mesure.
Le calcul des moyennes est basé, selon les cas, sur des résultats horaires (données météorologiques) ou journaliers (trafic).
Les données météorologiques sont les mêmes pour chaque site : elles proviennent de la station Météo- France de Saint-Martin-d'Hères. Seuls les critères de définition des sites leurs sont spécifiques.
Typiquement, sur l'agglomération grenobloise, les vents faibles et modérés (< 3 m/s) sont orientés sud-nord et les rares vents forts (> 5 m/s) sont de secteur nord. Globalement, la proportion de vents calmes (< 1 m/s) diminue au cours de l'hiver.
Tableau 2. Concentrations en PM2.5 et PM10 à Grenoble et ratio PM2.5/PM10 selon le site de mesure et la saison.
PM2.5 and PM10 ambiant air concentrations in Grenoble and PM2.5/PM10 ratios, depending on the measurement site and season.
Site de mesure |
PM10 |
PM2.5 |
Ratio |
||
Périodes estivales |
Proximité |
Fond |
|||
28-6 → 03-7-1996 |
✓ |
35,6 |
12,2 |
0,34 |
|
15-5 → 18-5-1997 |
✓ |
41,5 |
17,7 |
0,43 |
|
09-7 → 23-7-1998 |
✓ |
8,0 |
2,1 |
0,26 |
|
15-5 → 18-5-1997 |
✓ |
17,3 |
9,1 |
0,53 |
|
23-6 → 07-7-1998 |
✓ |
10,6 |
4,0 |
0,38 |
|
Moyenne pondérée* |
✓ |
21,0 (15,1) |
7,5 (6,4) |
0,31 (0,06) |
|
(écart-type) |
✓ |
12,0 (2,8) |
5,1 (2,1) |
0,41 (0,06) |
|
Périodes hivernales |
|||||
11-12 → 13-12-1996 |
✓ |
22,8 |
18,0 |
0,79 |
|
23-11 → 7-12-1998 |
✓ |
46,1 |
15,7 |
0,34 |
|
21-1 → 10-4-1997 |
✓ |
24,0 |
6,3 |
0,26 |
|
21-1 → 10-4-1997 |
✓ |
19,3 |
6,4 |
0,33 |
|
23-11 → 7-12-1998 |
✓ |
19,4 |
13,3 |
0,69 |
|
Moyenne pondérée* |
✓ |
42,2 (8,9) |
16,1 (0,9) |
0,42 (0,12) |
|
(écart-type) |
✓ |
21,5 (2,3) |
7,0 (2,0) |
0,33 (0,12) |
* Moyenne pondérée par le nombre de jours de mesure correspondant.
Le tableau 2, p. 102, présente les concentrations moyennes en PM2.5 et en PM10 pour les périodes d'été et d'hiver et pour les sites de proximité et de fond, respectivement. Pour chaque série de mesure, le ratio PM2,5/PM10 est calculé.
Le site de proximité grenoblois a des concentrations en PM10 sensiblement plus élevées en hiver (42,2 µg/m3 en moyenne) qu'en été (21,0 µg/m3). Les concentrations en PM2.5 sont aussi plus élevées en hiver qu'en été sur ce même site (16,1 et 7,5 µg/m3 en moyenne, respectivement). Les sites de fond montrent la même tendance (PM10 hiver : 21,5 ; PM10 été : 12,0 ; PM2.5 hiver : 7,0, PM2.5 été : 5,1). Si l'on considère le site A, le ratio varie en moyenne de 0,42 (écart-type : 0,12) à 0,31 (écart-type : 0,06) entre l'hiver et l'été. Si l'on considère les sites B, C et D, le ratio varie de 0,33 (écart-type : 0,12) à 0,41 (écart-type : 0,06) de l'hiver à l'été. Ces moyennes, résumées dans le tableau 2 p. 102, sont pondérées par le nombre de jours de mesure correspondant (celui-ci étant très variable entre les différentes phases).
Le tableau 3, p. 103, synthétise les résultats précédents en présentant aussi une estimation du pourcentage de la masse des PM2.5 dans les PM10 (moyenne et écart-type), selon la saison et le type de site.
Tableau 3. Pourcentage en masse [ % moyen (écart-type)] de PM2.5 dans les PM10 à Grenoble, selon la saison et le type de site.
Percent in mass [mean% (std)] of PM2.5 in PM10, depending on measurement site and season.
Été |
Hiver |
|
Fond |
41 (6) |
33 (12) |
Proximité |
31 (6) |
42 (12) |
Les figures 2 et 3 (p. 103) présentent les profils horaires des particules pour l'une des périodes estivales sur chaque type de site. Cela illustre la très forte corrélation horaire entre PM2.5 et PM10 sur un même site (R de Pearson > 0,80). En regardant en détail le profil horaire du site de fond, des pics « matin » (9h) et des pics « soir » (vers 18h) apparaissent aux heures reflétant la source locale de trafic. Le mercredi est pourtant atypique avec un pic plus tardif le matin et deux pics l'après-midi, de même que le dimanche, avec des pics beaucoup moins marqués. Le profil horaire des particules sur le site de proximité en été est beaucoup plus irrégulier ; on notera que les 15 jours spécifiques de mesures sur ce site ont été marqués par des précipitations courtes mais fortes.
Figure 2. Profil horaire des particules sur site de fond urbain, du 23-06-1998 au 07-07-1998.
Hourly profile of particles on the urban background site, from the 23-06-1998 to the 07-07-1998.
Figure 3. Profil horaire des particules sur site de proximité urbain, du 09-07-1998 au 23-07-1998.
Hourly profile of particles on the urban proximity site, from the 09-07-1998 to the 23-07-1998.
Les figures 4 et 5 présentent ces mêmes profils horaires pour la période hivernale. Là encore, une très forte corrélation est observée sur un même site entre PM2.5 et PM10 (R > 0,8). Les mesures ayant eu lieu exactement en parallèle sur le site de proximité et le site de fond pour cette période, il est constaté que la corrélation entre les PM10 en fond et les PM10 en proximité est relativement élevée (R = 0,6). Cette corrélation intersite est plus importante pour les PM2.5 (R = 0,7).
Figure 4. Profil horaire des particules sur site de fond urbain, du 23-11-1998 au 07-12-1998.
Hourly profile of particles on the urban background site, from the 23-11-1998 to the 07-12-1998.
Figure 5. Profil horaire des particules sur site de proximité urbain, du 23-11-1998 au 07-12-1998.
Hourly profile of particles on the urban proximity site, from the 23-11-1998 to the 07-12-1998.
Discussion
Les résultats principaux de ces campagnes de mesure des particules atmosphériques sont donc les suivants : il existe une variabilité temporelle relativement faible du ratio PM2.5/PM10, s'étalant en moyenne de 0,31 en été à 0,42 en hiver, pour le site de proximité, et de 0,41 en été à 0,33 en hiver pour le site de fond. On constate également l'absence d'une réelle variabilité spatiale, au cours d'une même saison, entre les deux types de site. La différence du pourcentage de masse des PM2.5 dans les PM10 est de l'ordre de 10 % en été entre un site de fond (41 %) et un site de proximité (31 %) ; elle est du même ordre en hiver (proximité : 42 % ; fond : 33 %). La corrélation temporelle entre les valeurs journalières de PM2.5 et PM10 sur un même site est importante (> 0,80) quelle que soit la saison considérée. La corrélation intersite est aussi importante pour les PM10 (0,6) et les PM2.5 (0,7).
En moyenne (pondérée sur le nombre de jours de mesure), la variabilité spatio-temporelle du ratio PM2.5 /PM10 est donc relativement faible à Grenoble. Cependant, on observe une variance relativement importante des mesures, surtout pour la période hivernale.
La variabilité spatio-temporelle est faible en dépit des différentes conditions météorologiques et sources d'émission (principalement trafic au voisinage du site de proximité ; rôle du chauffage résidentiel en hiver). La vitesseet la direction du ventsont des conditions plus ou moins favorables à la dispersion des polluants. Les précipitations diminuent les concentrations en polluants primaires et secondaires dans l'atmosphère, par dépôt humide. La température influence aussi bien les taux d'émission (du fait, par exemple, des besoins de chauffage) que les éventuelles accumulations de polluants (sous l'influence du gradient thermique vertical). À titre d'illustration, la période d'étude de janvier à avril 1997 a montré des conditions clémentes : le temps a été chaud, ensoleillé et peu pluvieux par rapport à la normale. Pendant cette période, la météo tend donc à réduire les immissions particulaires moyennes, ce qui peut expliquer, en partie, la différence entre les ratios obtenus sur ces mesures (autour de 0,3) et le ratio PM2.5 /PM10 obtenu sur la période de décembre 1996 (0,79). En effet, décembre 1996 a été beaucoup plus rigoureux et surtout plus pluvieux (humidité relative moyenne autour de 90 %) ; les PM10 ont un niveau relativement faible pour cette période (22,8 µg/m3).
Or, au vu des concentrations obtenues en été, on pouvait s'attendre à des concentrations plus élevées de PM10, donc à un ratio PM2.5 /PM10 plus faible ; il est ainsi probable que le dépôt humide explique en partie ce phénomène. De plus, la période de mesure ne porte que sur trois jours, ce qui limite la conclusion à tirer de ce résultat ponctuel.
De manière générale, l'humidité relative est assez élevée en moyenne (plus de 70 % sur toutes les périodes de mesure) à Grenoble, mais les pluies sont généralement fortes et sporadiques. Les précipitations vontdonc énormément influencer les immissions mesurées. De plus, Grenoble est caractérisée par la faible vitesse de ses vents (plus de 50 % du temps tout au long de l'année, les vents sont inférieurs à 1 m/s). Le vent n'est donc pas à même de disperser efficacement les concentrations en particules en dehors de l'agglomération. Elles auraient alors tendance à se concentrer autour des principales sources, notamment les grandes voiries. Cela expliquerait la relative hétérogénéité des résultats de PM10 d'une part et de PM2.5 d'autre part, entre le site de proximité (60 000 véhicules/j en moyenne) et le site de fond, moins exposé directement aux émissions automobiles (< 5 000 véhicules/j). Cependant, en proportion, la différence entre PM2.5 et PM10 est la même sur site de fond et sur site de proximité : le ratio PM2.5/PM10 est donc comparable sur les deux types de site.
Le matériel utilisé pour effectuer les différentes mesures réalisées mérite d'être discuté. Le calcul en masse est effectué en considérant que toutes les particules ont une masse volumique identique, quel que soit leur diamètre, ce qui n'est sans doute pas exact. Toutefois, le choix de considérer les valeurs massiques a été préféré pour permettre, si nécessaire, une comparaison avec les valeurs habituellement annoncées par les réseaux de surveillance. Ces derniers utilisent, en effet, des systèmes de microbalance (TEOM) ou des techniques faisant appel à des coefficients empiriques pour obtenir des résultats en masse jauge bêta, fumées noires).
Le comptage en nombre des particules présenterait l'avantage de permettre une comparaison entre les différentes mesures, et surtout de mieux appréhender la répartition granulométrique des particules collectées. L'estimation de leur impact sur la santé serait aussi plus précis, la forme et la composition des particules étant liées à leur diamètre [3]. Qui plus est, les résultats de mesures optiques, comme ceux obtenus par microbalance, sous-estiment généralement les concentrations en particules par rapport à des mesures gravimétriques. Allen et al. [9] montrent en effet que les composés organiques semi-volatils, qui représentent une part substantielle de la masse des particules (et particulièrement de la traction fine), peuvent être perdus par le chauffage du filtre du TEOM.
Brook et al. [10] ont mené une étude sur la variabilité spatio-temporelle des particules, en utilisant une base de données canadienne. Parmi tous les sites étudiés (19 sur l'ensemble du pays) sur une période de 2 à 10 ans, les PM2.5 représentaient 49 % des PM10. Une grande variabilité du ratio PM2.5/PM10 était observée entre les sites du territoire, avec un ratio moyen variant de 0,4 à 0,7. Le ratio varie aussi selon la saison sur un site donné. Les concentrations en PM2.5 augmentent d'été en hiver, avec un ratio supérieur en hiver d'autant plus important que les sites sont influencés par un fort trafic routier. Wright et al. [11] ont aussi montré une variation substantielle du ratio PM2.5/PM10. Dans ces cas, il ne semble donc pas raisonnable d'estimer uniformément le rapport PM2.5 /PM10 en se basant simplement sur les niveaux de PM10. Dans la dernière étude citée, le ratio moyen montrait que 50 % de la masse en PM10 était composée de PM2.5 (sur une période s'étalant de janvier à octobre 1994).
Burton et al. [12] ont étudié la variabilité spatiale des concentrations en particules au sein de l'agglomération de Philadelphie au cours des étés 1992 et 1993, sur huit sites différents. Cette fois, les ratios moyens PM2.5/PM10 étaient semblables sur les différents sites, quel que soit leur caractère (site de fond ou de proximité), variant de 0,71 à 0,77. Les PM2.5 représentaient 75 % des concentrations en masse des PM10. De fortes corrélations temporelles entre les concentrations en PM2.5 et PM10 étaient observées sur tous les sites. Pour ces auteurs, la variabilité en PM2.5 apparaît comme le déterminant principal de la variabilité des concentrations en PM10. L'uniformité des concentrations en PM2.5 sur l'agglomération de Philadelphie a amené les auteurs à conclure que les sources de PM2.5 étaient régionales. Les concentrations en PM2.5 n'étaient pas affectées par les phénomènes locaux pris en compte dans leur analyse : densité de population, vitesse et direction du vent. Cependant, les données d'intensité du trafic n'ont pas été explorées. Contrairement aux particules fines, les particules dites grossières (« coarse particles » fraction se situant entre 2,5 et 10 µm) sont dépendantes de ces facteurs locaux. Les précédents résultats vont dans le même sens qu'une autre étude locale menée par Suh et al. [13], qui portait sur la variabilité spatiale des concentrations en ions ammonium et en sulfate (constituants majeurs des PM2.5 dans la zone d'étude aux États-Unis). De même, une autre étude menée à la fois à Philadelphie et à Saint Louis [4] indique que la mesure de particules sur un site central est une meilleure approximation de la concentration en particules fines sur l'ensemble de l'agglomération que de la fraction grossière.
Pour résumer, une relative variabilité des concentrations en particules et des ratios PM2.5/PM10 peut être observée au sein d'une agglomération urbaine française, comme c'est le cas dans certaines villes de la côte Ouest des États-Unis. Cependant, la littérature montre aussi, ailleurs, une relative homogénéité de ces facteurs, entres autres sur la côte Est des États-Unis. On observe donc, sur cette base, une importante variabilité entre régions du monde, dépendante de la saison (été, hiver), de la classification des sites (de proximité, de fond) et des conditions locales. Les différences peuvent être expliquées par les diverses situations météorologiques et topographiques, mais aussi par les sources d'émission locales et régionales.
Pour utiliser ces données aux fins de l'évaluation de l'exposition d'une population, il semble intéressant de considérer aussi les distributions diurnes des polluants. Zhang et al. [14] ont mesuré les concentrations en PM2.5 et en PM10 sur les sites de l'agglomération de Philadelphie au cours de l'été 1992. Les concentrations maximales en PM2.5 sont observées au cours de l'après-midi, avec un pic de concentration entre 18 et 19h, ce qui reflète la source locale de trafic. Des résultats similaires sont trouvés à Grenoble. D'ailleurs, une étude comparable menée à Grenoble sur la corrélation entre les sites de prélèvement dans la mesure des particules en suspension aboutit aux mêmes résultats [15]. En revanche, cette même étude a montré une différence de répartition verticale des particules, avec des concentrations plus importantes au premier qu'au cinquième étage d'un immeuble. L'étude conduite par Wilson [4] confirme bien l'existence d'une forte corrélation entre PM2.5 et PM10 (mais non entre PM2.5 et PM2.5-10) sur un même site ainsi qu'entre les concentrations de PM2.5 sur deux sites différents (non pour PM2.5-10). L'ensemble des autres études énumérées ci-avant vont dans ce sens.
La relation temporelle entre PM2.5, particules ultrafines (< 0,1 µm) et fumées noires a été caractérisée à Washington au cours de l'été 1994 [16]. L'analyse préliminaire ne montre pas de corrélation entre les concentrations journalières en nombre de particules ultrafines et des PM2.5 ou des fumées noires ; une corrélation significative de 0,25 était cependant trouvée entre PM2.5 et fumées noires. Ces résultats sont compatibles avec le peu de variabilité temporelle journalière, les sources locales, et la durée de vie courte des particules ultrafines par rapport aux plus grosses fractions granulométriques. Si ces résultats sont robustes à travers les saisons et les régions, les études épidémiologiques basées sur les seules valeurs de PM10, par ailleurs indicateur de risque plus pauvre que les PM2.5, pourraient ainsi être remises en question en raison de la médiocre caractérisation de l'exposition.
Conclusion
La variabilité spatio-temporelle du ratio PM2.5/PM10 à Grenoble est relativement faible, malgré l'hétérogénéité des conditions météorologiques ou des sources d'émission. Cependant, les résultats hivernaux ont une variance importante. Ces données descriptives, comparées à celles de la littérature, montrent l'intérêt de campagnes de mesures répétées des PM2.5 à différentes périodes de l'année et sur différents sites, afin d'améliorer la caractérisation des expositions lors d'études épidémiologiques ou d'évaluation des risques.
Les auteurs tiennent à remercier le Réseau ASCOPARG de surveillance de la qualité de l'air grenoblois, et particulièrement Nicolas Vigier, pour son support technique très précieux.