L’eau, une ressource renouvelable convoitée et inégalement repartie

  • Water, a renewable and desirable resource, unequally distributed

DOI : 10.54563/asgn.1008

p. 17-27

Résumés

Le « problème de l’eau » est de grande actualité, on parle parfois de « l’or bleu », de la pénurie actuelle supposée ou annoncée, de l’effet des changements climatiques, de l’augmentation des besoins du fait de la croissance démographique. Cet article tente de réunir quelques éléments de réponse à ces questions, en donnant d’abord un ordre de grandeur des ressources, principalement en flux mais également en stock, puis des besoins, en distinguant les principaux usages de l’eau (domestique, agricole, industriel, besoins des écosystèmes…), et enfin en examinant l’adéquation besoins-ressources, aux échelles globales mais aussi locales. On définit à cette occasion les notions d’eau bleue, d’eau verte, d’eau grise et d’eau virtuelle, que l’on applique au bilan en eau de la France pour définir « l’empreinte eau ». L’effet des changements climatiques est brièvement abordé, suivi des risques de sécheresse extrêmes, des problèmes de grande pénurie et de conflits.

Potential water scarcity is currently considered a common threat to mankind. In this article, we provide some answers to this question, starting with an evaluation of the resources, mostly as the annual meteoric flux, but also freshwater stocks, then of the water needs for domestic, agricultural and industrial use, and ecosystem needs; the balance between needs and resources is examined at the global and local scales. The concepts of blue water, green water, grey water and virtual water are introduced, and used to present the French water balance and its “water footprint”. The expected effects of climate change are summarized, followed by the risks of severe droughts, major water scarcity, and conflicts.

Plan

Texte

I. — Introduction

Des planètes dites telluriques (Mercure, Vénus, la Terre (et la Lune) et enfin Mars), la Terre est celle qui contient de loin la plus grande quantité d'eau, soit qu'elle en ait reçu plus que les autres à la formation du système solaire, ou qu'elle en ait perdu le moins au cours du temps. Si on aplanissait tous les continents et le fond des océans, il y aurait sur Terre un océan uniforme d'une profondeur de près de 3 000 m, alors qu'elle serait pratiquement nulle pour Mercure et la Lune, de 300 m pour Vénus et de 0,20 m pour Mars. La quantité d'eau perdue par la Terre depuis sa formation il y a 4,6 milliards d'années est estimée à environ 3 m de hauteur d'eau par rapport aux 3 000 m d'épaisseur de cet océan fictif uniforme, par dissociation de l'eau sous l'effet du rayonnement solaire dans la haute atmosphère et départ dans l'espace de l'hydrogène (insuffisamment retenu par la gravité) : c'est-à-dire presque rien. L'origine de l'eau sur Terre est débattue ; on cite l'hydrogène initial contenu dans les planétésimaux ayant formé la Terre, ou amené par le vent solaire, qui aurait réagi avec le monoxyde de carbone ; le bombardement ultérieur de la Terre par des météorites ferreuses contenant un peu d'eau. L'hypothèse du bombardement de la Terre par des comètes riches en eau a maintenant du plomb dans l'aile, depuis que la mission Rosetta et sa sonde Phylae posée le 12 novembre 2014 sur la comète 67P/Churyumov-Gerasimenko ont montré que la signature en Deutérium de la glace de la comète est très différente de celle de l'eau sur Terre, comme cela avait déjà été dit à propos du Deutérium de la comète de Halley, qui avait été mesuré par la sonde Giotto en 1986 dans les gaz de la queue de la comète. A moins que les comètes ayant autrefois bombardé la Terre aient été d'une origine différente ?

La Terre est donc riche en eau, pour l'essentiel salée, et heureusement, car c'est l'évaporation de cette eau salée sur les océans qui alimente pour partie le « grand cycle de l'eau », par évaporation, condensation, et précipitation, dont le moteur thermique est le rayonnement solaire. Ce cycle alimente en eau les continents au rythme moyen de 113 000 km3/an et y maintient toute la vie et les écosystèmes que nous connaissons, pour lesquels l'eau douce est indispensable : ces flux sont, depuis toujours, presque entièrement utilisés par les écosystèmes continentaux et même côtiers, la vie s'étant partout développée jusqu'aux limites des ressources disponibles. Sur ce volume, nous en consommons actuellement de l'ordre de 2 500 km3/an. Nous prélevons davantage, mais la partie consommée est celle qui s'évapore et retourne à l'atmosphère (principalement l'eau d'irrigation), le reste s'infiltre dans les nappes et les rivières et peut être réutilisé. Mais prélevons-nous aussi de l'eau sur les stocks d'eau douce contenus dans les aquifères ? La réponse est oui, mais cela ne concerne que quelques pays (dans l'ordre décroissant, l'Inde, les USA, la Chine, le Pakistan, l'Iran et le Mexique, puis de « petits » préleveurs) pour un montant de soutirages dans les stocks estimé entre 100 et 200 km3/an, c'est-à-dire peu de choses par rapport aux prélèvements sur les flux. Mais, pour les pays concernés, cette situation n'est pas durable car les stocks disponibles seront bientôt épuisés, particulièrement en Inde et en Chine, nécessitant de remplacer les prélèvements dans les stocks par des transferts d'eau depuis l'Himalaya, à partir des grands fleuves (Yang Tsé, Ganges…). Nous prélevons aussi sur les stocks d'eau douce en aval des glaciers de montagne, en train de fondre comme en Amérique du Sud, dans les Alpes ou l'Himalaya, du fait du réchauffement. Cette question est critique en Amérique du Sud, où d'ici 20 à 30 ans tous les glaciers andins auront disparu, laissant par exemple la côte Pacifique du Pérou ou la ville de La Paz en Bolivie avec des ressources en eau très fortement réduites. Depuis son apparition sur Terre, l'homme a donc utilisé à son profit et dérobé peu à peu aux écosystèmes naturels une partie sans cesse croissante des ressources issues du cycle hydrologique naturel, essentiellement pour faire fonctionner à son avantage des écosystèmes agricoles artificiels. Insignifiant au début, ce détournement de la ressource est devenu de plus en plus grand, et la part laissée aujourd'hui aux écosystèmes naturels, quand la Terre comporte déjà 7 milliards d'habitants, est déjà bien congrue. Qu'en sera-t-il en 2050 quand la Terre comptera peut- être 9,5 milliards d'habitants ? Ce problème va être examiné en comparant besoins et ressources, en climat actuel et en climat perturbé par les gaz à effets de serre, puis les risques de pénurie ou de conflits.

II. — Les besoins en eau

La quantité d'eau de boisson minimale recommandée par les médecins est de 2 l/j, qui peut être doublée ou triplée en cas de chaleur et de sécheresse. Si on y ajoute les besoins de la vie quotidienne, ce chiffre atteint, au minimum, 20 l/j par habitant pour les pays les plus pauvres en eau (comme par exemple la zone côtière dépourvue d'eau douce de la Mauritanie) à plus de 500 l/j dans les pays richement dotés ou peu économes (États-Unis, certaines villes d'Argentine, Afrique du Sud, Royaume Uni, etc.). En France, la consommation moyenne est de l'ordre de 250 l/j par habitant en ville (chiffre qui inclut l'eau des installations artisanales, commerces, etc..., les fuites des réseaux et l'eau de lavage des rues et de lutte contre l'incendie) et de moins de 150 l/j par habitant à la campagne. La moyenne mondiale est estimée à 300 l/j, soit 110 m3/an et par habitant. En 2050, les démographes estiment que la population mondiale devrait passer à 9,5 milliards d'individus, la fourchette donnée évoluant entre 8 et 12 milliards (Gerland et al., 2014). Ensuite, la population devrait encore croître, principalement en Afrique sub-saharienne, pour atteindre 11 milliards en 2100, et continuer à croître en Afrique, sauf changement radical ou catastrophe. L'Afrique passerait ainsi de 1 milliard d'habitants en 2000 à 4,2 milliards en 2100, ce qui semble difficilement concevable, vu les difficultés que connaît déjà actuellement ce continent. En prenant comme hypothèse 9,5 milliards d'individus en 2050 consommant chacun 250 l/j, la quantité totale d'eau nécessaire pour satisfaire les besoins domestiques représenterait 867 km3 d'eau par an, soit 0,8% de la pluie qui tombe chaque année sur les continents ou 2,4% de la fraction de l'eau qui s'écoule dans les rivières et dans les nappes souterraines. On voit tout de suite que l'eau domestique n'est pas un problème de quantité, celle-ci existe, il faut cependant la transporter parfois sur de longues distances. Mais cette eau ainsi « utilisée » ne disparaît pas puisqu'elle est, pour l'essentiel, rejetée dans le milieu naturel, et peut éventuellement être réutilisée plus en aval, si nécessaire après traitement. Clairement, la planète ne manquera jamais d'eau « domestique », comme il est convenu de l'appeler.

Qu'en est-il de l'eau nécessaire pour produire les aliments dont l'homme a besoin ? Cette eau agricole est le terme majeur de notre consommation d'eau, au moins dix fois plus que l'eau domestique. Aujourd'hui, quelques 10 000 km3 d'eau par an sont nécessaires pour nourrir 7 milliards d'habitants, dont 6 500 km3 d'eau de pluie entièrement évaporée tombant sur 1,4 milliards d'hectares d'agriculture dite pluviale, et 3,2 milliards d'hectares de terres en pâtures (prairies, savanes arbustives…) et 3 500 km3 d'eau prélevée dans le milieu naturel (rivières, nappes) pour arroser 270 millions d'hectares d'agriculture irriguée. Sur ces 3 500 km3/an d'eau prélevée pour l'irrigation, 1 800 km3/an seulement sont utilement évaporés par les plantes, le reste s'infiltre dans les nappes ou est drainé et participe aux écoulements sur les continents, ou encore est gaspillé par évaporation dans l'air. Ainsi, quelque 8 000 km3 d'eau par an sont réellement consommés pour nourrir les hommes, soit environ 1 150 m3 d'eau par an et par habitant. Ceci représente environ 7% de la pluie sur les continents. Il faut savoir cependant qu'aujourd'hui, environ 1 milliard d'habitants sont sous-alimentés du fait de leur pauvreté. En 2050, si chacun mangeait à sa faim et si les habitudes alimentaires ne changeaient pas, il faudrait donc utiliser réellement de l'ordre de 11 000 km3 par an, soit 10% de la pluie sur les continents, ce qui n'apparaît pas globalement très préoccupant, mais pourrait en revanche devenir localement très difficile, compte tenu de l'inégale répartition spatiale et temporelle de la pluie. La répartition de ces 11 000 km3/an consommés entre agriculture pluviale et irriguée et l'efficacité de l'utilisation de l'eau d'irrigation sont les deux premières variables d'ajustement de l'offre de nourriture (voir infra). Si on prend en compte les évolutions probables des habitudes alimentaires et la quantité d'eau nécessaire pour produire les aliments (Tableau 1), on peut penser que la consommation accrue de viande dans le monde, et particulièrement en Asie, continent traditionnellement plus végétarien, pourrait porter les besoins réels en 2050 à 12 000 ou 13 000 km3/an au lieu de 11 000 km3, car il faut par exemple 13 000 m3 d'eau pour produire une tonne de viande de bœuf, soit 13 fois plus que pour une tonne de blé… La raison en est que les animaux d'élevage sont nourris aujourd'hui aux grains (orge, maïs…) ou au soja, et que la production de ces aliments nécessite déjà pas mal d'eau ; ensuite une tonne de grain donné à un bœuf d'embouche ne « fabrique » au plus que 75 kg de viande. Mais cette consommation de produits d'origine animale est peut-être la variable d'ajustement la plus importante, sur laquelle il est urgent d'agir : elle est, dans les pays développés, en moyenne deux fois trop élevée par rapport aux besoins nutritionnels et ne couvre en moyenne que 70% de ces besoins dans les pays en développement, les pays en transition étant à peu près équilibrés de ce point de vue, mais avec d'énormes disparités internes.

Tableau 1

Produits végétaux m3/t Produits animaux m3/t
Huiles 5000 Bœuf 13 000
Riz, blé, céréales C3 2000 à 1000 Volailles 4 100
Maïs, céréales C4 700 Œufs 2 700
Agrumes 400 Lait 800
Maraîchage 200-400
Pommes de terre 100

Quantités d'eau requises en m3/t pour produire les bases alimentaires. Partie consommée brute (non en matière sèche) des différents produits. D'après Marsily (2006).
 
Water needs (m3/t) to produce basic food. Raw consumption (not in dry matter) of various products. From Marsily (2006).

Tableau 2

Population millions Eau domestique prélevée km3/an Eau Agricole pluviale utilisée km3/an Eau Agricole d'irrigation prélevée km3/an Eau d'irrigation consommée km3/an Eau Industrielle Prélevée km3/an
Europe 512 520 80 225 100 285
Asie 3 612 290 2 900 1 800 830 330
Afrique 853 40 700 200 90 32
Amérique du Nord 489 130 400 400 185 390
Amérique du Sud 367 50 300 100 45 105
Australie, Iles du Pacifique 30 8 30 25 20 3
Russie et ex URSS 310 62 250 500 230 145
TOTAL 6 200 660 5 000 3250 1 500 1 290
Eau consommée 40 5000 1500 130

Estimation des quantités d'eau prélevée et consommée dans le monde en 2000, adaptée de Marsily (2005, 2006), avec des hypothèses de proportionnalité faites sur le nombre d'habitants pour les chiffres mal connus. Ces estimations sont très approximatives.
 
Estimates of water withdrawal and use in the world in 2000 (adapted from Marsily, 2005, 2006), assuming proportionality with the population for the poorly-known data. These estimates are very approximate.

Enfin, combien d'eau est-elle prélevée pour satisfaire les besoins industriels ? On estime aujourd'hui ce chiffre à environ 1 300 m3/an et par habitant. Mais cette fois-ci l'eau industrielle n'est que très peu « consommée », environ 10% ; elle est utilisée puis rejetée à 90% dans le milieu, parfois réchauffée (eau de refroidissement des centrales thermiques) ou plus ou moins dégradée (processus de fabrication industriels polluants), ou seulement turbinée ou utilisée pour la navigation. Ce chiffre peut varier beaucoup en fonction des procédés techniques utilisés, des recyclages réalisés, du prix, des économies d'eau, etc…. L'eau industrielle ne représente en tout état de cause que de l'ordre de 1% de l'eau de pluie sur les continents.

Les besoins estimés en 2000 en eau domestique, agricole (pluviale et irrigation), et industrielle (Tableau 2) montrent que la totalité des prélèvements d'eau par l'homme a été de 5 200 km3/an auxquels il faut ajouter 5 000 km3/an d'eau de pluie utilisée directement par l'agriculture pluviale, soit 10 200 km3/an, ce qui reste inférieur à 10% des précipitations sur les continents. Comme il a été dit plus haut, le reste des ressources en eau non utilisé par l'homme entretient le fonctionnement des écosystèmes naturels (forêts, zones humides, espaces naturels…), alimente les fleuves et les nappes, qui permettent également l'existence d'autres écosystèmes aquatiques particuliers le long de leur cours ou en zone côtière. L'ensemble de ces systèmes étant en équilibre avec les ressources, tout prélèvement supplémentaire par l'homme se fait nécessairement à leurs dépens ; voyant leurs ressources diminuer, ils doivent soit s'y adapter soit disparaître, si les changements dépassent leurs seuils de « résilience ».

Figure 1

Figure 1

Répartition des zones sèches ou arides. 21,5% de l'humanité se concentre dans les steppes et les zones arides avec seulement 2% des ressources en eau de la planète. D'après UNESCO et Viviroli et al. (2007).
 
Dry zones on earth. 21.5% of mankind is concentrated in the dry zones and steppes with only 2% of the global water resources. From UNESCO and Viviroli et al. (2007).

Tableau 3

Classe climatique Zones de végétation A % POP % Q % q mm a-1
Polaire et Froid Toundra et polaire, Parcs froids 14.8 3.2 11.9 245
Fraîche Toundra forestière, Forêt boréale 11.3 4.0 11.6 313
Tempérée Forêt tempérée, forêt tempérée chaude 9.9 23.3 15.2 465
Steppe Steppe, Chaparral 9.7 13.6 1.9 59
Aride Déserts froids, Déserts chauds 18.5 7.9 0.3 5
Subtropicale Tropicale semi-aride, Forêt tropicale sèche 18.3 24.8 8.8 147
Tropicale Humide Forêt tropicale saisonnière, forêt tropicale pluviale 17.5 23.2 50.3 872

Classification des climats et des zones de végétation, adaptée de Viviroli et al. (2007). L'Antarctique et la partie englacée du Groenland sont exclus. A : proportions de la surface totale des continents (total : 133,6 millions km2) ; POP : proportions de la population globale (total: ~7 milliards d'habitants) ; Q : proportions du débit d'écoulement total (total: 36 000 km3/an) ; q : ruissellement direct.
 
Climate and vegetation zoning, adapted from Viviroli et al. (2007). Antarctica and Greenland are excluded. A : proportions of continental total surfaces (total : 133,6 millions km2) ; POP : proportions of global population (total: ~7 billion inhabitants) ; Q : proportions of total flow (total: 36.000 km3/year) ; q : direct water runoff.

III. — Une ressource en eau pluviale très inégalement répartie

Figure 2

Figure 2

Zones où sévit en 2000 un manque chronique de ressources en eau, du point de vue physique ou économique. Rouge : Déficit physique ; plus de 75% du débit des rivières est prélevé pour les besoins de l'homme, en tenant compte des recyclages. Rose : Plus de 60% du débit des rivières est prélevé. Ces bassins vont bientôt devenir rouge. Orange : Déficit économique en eau. Les ressources sont abondantes par rapport aux usages, avec moins de 25% de prélèvements du débit des rivières, mais la sous- alimentation sévit. La capacité financière en moyens d'équipement fait défaut. Bleu : Ressources en eau abondantes. Prélèvements inférieurs à 25% du débit des rivières. D'après IWMI (2007) et WWAP (2012).
 
Areas where physical and economic water scarcity occur. Red : physical water scarcity ; more than 75% of the river flows are withdrawn for human uses, taking recycling into account. Pink : more than 60% of the river flows are withdrawn ; these areas will soon shift to red. Orange : economical water scarcity ; water resources are abundant relative to water use, with less than 25% of river flows withdrawn, however malnutrition exists ; lack of human, institutional and financial capital limits access to water. Blue : water resources are abundant ; river flows withdrawn are less than 25%. From IWMI (2007) and WWAP (2012).

La ressource en eau renouvelable de la planète est donc quasi-uniquement fournie par les précipitations annuelles sur les continents, qui sont estimées à 113 000 km3/an. Ceci correspond en moyenne à une lame d'eau de pluie de l'ordre de 720 mm/an. Le devenir moyen de cette ressource est alors le suivant (Shiklomanov & Rodda, 2004 ; Trenberth et al., 2007) :

  • 73 000 km3/an repartent vers l'atmosphère, par évaporation directe et surtout par transpiration de la végétation. Cette quantité d'eau alimente à la fois l'agriculture pluviale (6 500 km3/an actuellement) et le fonctionnement des écosystèmes. Ce n'est donc en rien une « perte ». On l'appelle maintenant « l'eau verte ».
  • 3 400 km3/an sont constitués de la fusion des glaciers continentaux arctiques et antarctiques (icebergs), qui fondent en mer et participent au fonctionnement de la circulation générale océanique. La glace de mer, par exemple au pôle Nord, n'en fait pas partie, elle n'est pas alimentée par la pluie sur les continents.
  • 36 000 km3/an constituent l'écoulement total sur les continents, tant dans les rivières que dans les nappes souterraines, que l'on appelle « l'eau bleue ». On distingue :
  • 26 000 km3/an s'écoulant dans les rivières par ruissellement direct lorsqu'il pleut ; une fraction peut en être récupérée par des barrages et utilisée par l'homme pour ses prélèvements ; ce flux sert aussi aux écosystèmes aquatiques lacustres, fluviaux et côtiers.
  • 10 000 km3/an s'infiltrent dans les sols et s'écoulent dans les nappes souterraines, qui alimentent à leur tour les rivières lorsqu'il ne pleut pas (7 800 km3/an), ou vont directement en mer (2 200 km3/an).

Le bilan est ainsi bouclé. Il faut noter que l'eau des précipitations sur les continents provient globalement pour 62% de l'évaporation sur ces mêmes continents, et pour 38% seulement de l'évaporation sur les océans. Localement bien sûr, ces pourcentages peuvent varier. Le temps moyen de résidence de l'eau dans chacun des réservoirs du cycle de l'eau est de 8 jours dans l'atmosphère, 16 jours dans les rivières, 17 ans dans les lacs, 1 400 ans dans les eaux souterraines, 2 500 ans dans les océans et 10 000 ans dans les glaces. En moyenne, une goutte d'eau évaporée parcourt avec le vent environ 1000 km dans l'atmosphère avant de retomber en pluie. La répartition de cette ressource est très inégale sur terre (Fig. 1). Aux latitudes polaires, il pleut très peu, de l'ordre de moins de 200 mm/an, c'est ce qu'on appelle les déserts froids. Les précipitations augmentent ensuite jusqu'aux zones tempérées (pratiquement jusqu'au centre de la France), pour atteindre environ 700 à 1 000 mm/an, puis décroissent (zone méditerranéenne) pour pratiquement s'annuler dans la « ceinture des déserts chauds », ici le Sahara. Au sud de cette zone, les précipitations augmentent à nouveau, dans la zone tropicale et équatoriale, pour y culminer vers 2 300 mm/an. Ce type de répartition est à peu près le même pour tous les méridiens et pour l'hémisphère Sud. Il est dû à la circulation générale de l'atmosphère autour du globe. De plus, les précipitations augmentent en général avec l'altitude (elles doublent tous les 2 000 m) et avec l'exposition au vent ; il pleut par exemple près de 10 m d'eau par an au sommet du volcan du Piton de la Fournaise dans l'île de la Réunion, sur la côte «au vent».

En associant à chaque zone climatique le pourcentage de la population mondiale qui y vit, l'écoulement total et le ruissellement direct s'écoulant dans les rivières, on peut constater que la répartition de la population ne suit pas du tout la disponibilité de la ressource en eau (Tableau 3). Aux régions présentant un déficit en eau pour des raisons physiques (prélèvements supérieurs à 75% des ressources), s'ajoutent celles qui présentent un déficit pour des raisons économiques par manque de moyens pour exploiter la ressource (Fig. 2).

IV. — La « couleur » de l'eau et « l'empreinte eau » de la France

À l'échelle de la France, les chiffres du bilan hydrologique, en km3/an ou milliards de m3/an, sont les suivants (Tableau 4).

Tableau 4

Total des précipitations 479 km3/an
Total de l'évapotranspiration 297 km3/an
Total des écoulements 182 km3/an
Total des écoulements exportés aux frontières (par les fleuves tels que la Meuse…) 18 km3/an
Total des écoulements importés aux frontières (par les fleuves tels que le Rhônes) 11 km3/an
Total des ressources en eau disponibles 175 km3/an
Eaux de surface 100 km3/an
Eaux souterraines 75 km3/an

Bilan hydrologique de la France. D'après Marsily (2009).
 
France hydrological balance. From Marsily (2009).

Les besoins en eau actuels des Français en km3/an sont les suivants (Tableau 5).

Tableau 5

Prélèvements Eau domestique Industrie Irrigation Production d'énergie Total
Eaux de surface 2.6 2.3 3.8 19 8.7 ÷ 19
Eaux souterraines 3.7 1.5 1.1 0.019 6.3
Total 6.3 3.8 4.9 19 34
Eau consommée 14 %
0.880
11 %
0.420
75 %
3.675
2 %
0.380
16 %
5.355

Consommation en eau en 2005 en France. D'après Marsily (2009).
 
France : 2005 water consumption. From Marsily (2009).

L'indication « eau consommée » (ligne 5 du Tableau 5) correspond au fait que lors d'un prélèvement d'eau (lignes 2 et 3 du Tableau 5), cette eau ne « disparaît » pas ! Elle est, pour l'essentiel, rejetée au milieu naturel, éventuellement après avoir été traitée. La « consommation », c'est-à-dire ce qui fait disparaître l'eau du cycle des eaux continentales par évaporation, ne représente que de faibles fractions de l'eau prélevée, sauf en irrigation pour laquelle elle sert justement à être évaporée par les plantes. L'eau restituée au milieu naturel peut être réutilisée par d'autres en aval. Par exemple, les villes en amont de Paris, comme Troyes ou Auxerre, prélèvent de l'eau dans les nappes ou les rivières, et en rejettent la majeure partie dans la Seine ou dans l'Yonne, après l'avoir traitée. Quand cette eau est prélevée dans la Seine à Paris, elle est retraitée pour être purifiée, mais elle a déjà servi en amont plusieurs fois, au moins en partie ! Elle sera elle aussi rejetée dans la Seine et sera réutilisée encore en aval. Le recyclage des eaux usées est donc dès aujourd'hui une réalité. En France, environ 60% de l'eau du robinet provient des eaux souterraines (par sources captées, forages, puits artésiens, etc.) et 40% de prises d'eau en rivières (Tableau 5).

Depuis quelques années, une « couleur » a été donnée à l'eau (Hoekstra & Mekonnen, 2012 ; WWF, 2012) : l'eau « verte » est ainsi celle provenant de la pluie, stockée provisoirement dans les sols, puis qui repart ensuite directement à l'atmosphère par évapotranspiration, utilisée en agriculture pluviale, ou par la végétation naturelle. Elle représente 65% de l'eau de pluie à l'échelle du monde, soit 73 000 km3/an, et 297 km3/an en France. « L'eau bleue » correspond à celle qui s'écoule dans les rivières et les nappes. Il s'agit de celle que nous voyons s'écouler devant nous, principalement dans les rivières. Pour la planète, elle représente 32% de la pluie, soit 36 000 km3/an, et 182 km3/an pour la France. L'eau « grise » correspond à une mesure très approximative de la pollution des eaux : elle est définie comme la quantité virtuelle d'eau qu'il aurait fallu ajouter au rejet d'une eau polluée pour le diluer aux normes de rejet en vigueur. L'« empreinte eau » représente alors la quantité totale d'eau nécessaire (verte + bleue + grise) pour produire un objet donné 1 ou pour la consommation annuelle d'eau d'un individu, d'une collectivité ou même d'un pays. Celle de la France (Tableau 6) ne se limite pas aux quantités d'eau utilisées sur le territoire présentées (Tableau 5). La France importe aussi de façon virtuelle près de la moitié de l'eau qu'elle utilise, il s'agit de la quantité d'eau qu'il a fallu utiliser dans les pays exportateurs pour cultiver les produits agricoles exportés 2, ou les textiles, ou encore les produits industriels que nous achetons sur le marché international. Il s'agit alors de l'eau dite « virtuelle ». Aujourd'hui, les Français « consomment » 106 km3 d'eau (verte + bleue + grise) par an, soit 1750 m3 par habitant : 75 % d'eau verte, 8 % d'eau bleue et 17 % d'eau grise. L'eau domestique représente 3% de cette consommation, l'eau industrielle 10 %, et la production de la nourriture 87 %. Par ailleurs, 47% de l'eau que nous consommons est importée, présente dans les produits agricoles ou industriels achetés à l'étranger, contenant l'eau dite « virtuelle » utilisée pour les fabriquer.

Tableau 6

Type d'eau Verte, km3/an Bleue, km3/an Grise, km3/an
Produits agricoles nationaux 43.7 1.4 3.8
Produits agricoles importés 36.7 4.6 2.1
Produits industrieles nationaux 0.9 3.3
Produits industriels importé 0.6 6.3
Eau domestique 0.6 2.2
Total 80.4 8.1 17.7
Total Général 106.2 km3/an
47 % d'eau importée
76 % d'eau verte
87 % d'eau agricole

Empreinte eau de consommation de la France. D'après WWF (2012).
 
France : water consumption footprint. From WWF (2012).

La part des principaux produits consommés en France a été calculée (WWF, 2012) selon son empreinte eau (Fig. 3A) et selon le pourcentage du total d'eau (virtuelle) arrivant en France dans les produits importés (Fig. 3B). Il apparaît que la majeure partie de l'eau virtuelle importée provient du coton et dérivés. Il faut en effet beaucoup d'eau d'irrigation pour faire pousser du coton, illustré par le désastre de l'assèchement de la Mer d'Aral, due au détournement de l'eau de l'Amou Daria et du Syr Daria, qui viennent de l'Himalaya, pour irriguer le coton en Ouzbékistan. Or la France importe beaucoup de son coton de cette région d'Asie : indirectement, nous sommes donc responsables de cet assèchement !

V. — Les ressources disponibles pourront-elles subvenir aux besoins du XXIe siècle ?

Le problème essentiel de l'eau du XXIe siècle est de nourrir la planète, comme le dit Michel Griffon (2006), économiste au CIRAD (Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement), ou Agrimonde (2010), Leridon & Marsily (2011), ou encore Guillou et Matheron (2011). Les besoins augmentent avec la croissance démographique, encore beaucoup trop forte. Aujourd'hui, trois céréales, le blé, le maïs et le riz, chacune à raison de 700 millions de tonnes par an, fournissent 60% de la nourriture mondiale. La première chose à faire est d'augmenter les rendements, de mieux utiliser l'eau (selon le slogan des Nations Unies « more crop per drop »), c'est-à-dire d'éviter les pertes, ou de choisir des cultures plus productives à quantité d'eau égale (voir Tableau 1). On espère ainsi, au mieux d'ici 2050, des économies d'eau de l'ordre de 20 à 30%, notoirement insuffisantes par rapport aux besoins. On pourrait penser tout d'abord que la solution est ensuite d'augmenter les surfaces d'agriculture irriguée, qui produisent par hectare en général trois fois plus que celles en agriculture pluviale. Au rythme actuel d'augmentation de ces surfaces irriguées, qui n'est que de 1,34 million d'hectares par an, on passerait de 264 millions d'hectares irrigués aujourd'hui à 331 millions d'hectares en 2050, ce qui est aussi notoirement insuffisant. Il faudrait décupler le rythme actuel d'aménagement pour répondre aux besoins croissants, ce qui est peu envisageable. En effet, au prix actuel des céréales, la rentabilité des investissements n'est pas assurée et les financeurs institutionnels (Banque Mondiale, FMI…) se sont détournés depuis 20 ans de ces grands aménagements de retenues d'eau et périmètres irrigués, qui ont également eu pour certains d'entre eux des conséquences environnementales désastreuses et une efficacité économique douteuse. Ces institutions n'y reviennent que lentement. Les opinions publiques occidentales sont aussi extrêmement opposées à la construction de barrages, aux motifs de la protection des populations qu'il faut souvent déplacer, à l'ennoiement des écosystèmes des vallées, et à la modification du régime hydrologique des cours d'eau en aval, aux conséquences écologiques néfastes et certaines. Il faut avoir en tête les protestations des opinions publiques occidentales contre le barrage des Trois Gorges en Chine, ou antérieurement le barrage d'Assouan. Il est exact que la construction de barrages a de graves conséquences environnementales, mais, si la population de la planète ne cesse d'augmenter, ne faut- il pas quand même chercher à la nourrir ? Et de la façon la moins néfaste ? Les occidentaux ont beau jeu de s'opposer à la construction de barrages dans les pays en développement, sachant que les leurs ont été déjà construits depuis belle lurette : chaque Américain dispose en effet de plusieurs milliers de m3 d'eau stockée dans un barrage, un Français un peu moins de 1000 m3, et un Africain… 3 m3 !

Figure 3a

Figure 3a

Empreinte eau de consommation de la France : A – selon les produits consommés ;
 
France : water consumption footprint : A – according to the consumed products ;

Figure 3b

Figure 3b

B – selon la quantité d'eau virtuelle contenue dans les produits importés. D'après WWF (2012).
 
B – according to the amount of virtual water included in the imported products. From WWF (2012).

Puisque l'irrigation n'est pas significativement développée, la solution vers laquelle on se dirige est donc une très forte augmentation de l'agriculture pluviale, occupant actuellement 1,34 milliard d'hectares, devant probablement croître d'ici 2050 de 500 millions à 1 milliard d'hectares. Il s'agit de mettre en culture des terres où il pleut suffisamment, où le climat est favorable, et où les sols sont bons et pas trop en pente ; sur de telles surfaces s'étendent actuellement des écosystèmes naturels. De telles surfaces cultivables en agriculture pluviale sont disponibles, mais pas partout (Tableau 7) : l'Asie et le Moyen Orient/Afrique du Nord sont très proches des limites d'utilisation de leurs sols alors que ces deux zones sont encore en expansion démographique. Ces régions ne seront donc pas capables, en 2050, de se nourrir sans importer massivement. En revanche, l'Afrique sub-saharienne, qui elle est en très forte expansion démographique, a largement les sols nécessaires pour produire la nourriture dont elle aura besoin, si elle s'équipe des moyens pour le faire. L'Amérique latine puis les pays de l'OCDE et la Russie, auraient les moyens de produire bien plus que la nourriture qui leur est nécessaire. On sait que le Brésil et l'Argentine s'y préparent, et que les Etats-Unis sont déjà les premiers exportateurs de denrées alimentaires du monde, la France étant aussi exportatrice de céréales. Selon ce scénario, on se dirigerait vers un dramatique défrichement des zones actuellement non cultivées mais cultivables, qui sont aujourd'hui occupées par la végétation naturelle (forêt, steppe, pampa…). Ceci s'accompagnerait nécessairement de fortes atteintes aux écosystèmes naturels et d'une réduction massive de la biodiversité : mais que faire ? Laisser les nouveaux habitants supplémentaires mourir de faim ? Avons-nous le choix ? Une autre conséquence sera que de nombreux pays perdront tout espoir d'autosuffisance alimentaire et seront dépendants d'autres pays pour leur alimentation, avec les risques de pressions politiques que cela implique et les tensions qui pourront en résulter sur les prix des denrées agricoles en cas de pénuries.

Il faut ajouter à cela que l'agriculture sera aussi sollicitée pour la production de biomasse à des fins énergétiques, ce qui engendrera une tension supplémentaire sur la production alimentaire, mais fait dire aussi que la contribution des bioénergies aux besoins énergétiques mondiaux sera, en tout état de cause, petite. On parle par exemple de 500 millions d'hectares défrichés en plus, qui ne produiraient cependant en 2050 que des biocarburants couvrant de l'ordre de 10% des besoins en énergie de la planète. Quant aux pays « riches » en eau, comme la France, il peut ici ou là, en fonction des saisons, des aléas climatiques, des effets dus aux changements climatiques (cf. infra), y avoir des contraintes de restriction d'usage de la ressource en eau, certes très gênantes pour les consommateurs, mais somme toute non génératrices de catastrophes. Il s'agira pour la puissance publique de gérer les conflits d'usages et de donner la priorité en cas de pénurie à ceux considérés comme les plus importants : eau domestique, bien sûr, mais aussi eau nécessaire aux écosystèmes fragiles, qui sont des usagers également prioritaires pour le maintien de l'environnement et de la biodiversité, tout aussi, sinon plus importants, que les activités économiques (agriculture, industrie). Il est aussi possible de prendre des mesures pour consommer moins d'eau (appareils domestiques économes, douches mélangeant de l'air et de l'eau …), de recycler les eaux usées ou de construire des aménagements permettant d'augmenter la disponibilité de l'eau en période de pénurie, comme des retenues de stockage remplies en hiver, ou même des stockages d'eau dans les nappes souterraines par recharge artificielle, ou des transferts d'eau des régions plus riches vers les régions plus pauvres. Ainsi en Europe, les Alpes constituent un énorme « château d'eau », qui alimente en eau en été, par fusion des glaces, tant l'Italie (le Pô), la France (le Rhône), l'Europe du Nord (le Rhin), que l'Europe de l'Est (le Danube). Napoléon par exemple, au début du XIXe siècle, avait prévu d'alimenter Paris par l'eau du Lac Léman, puis avait abandonné cette idée pour des raisons militaires, craignant qu'un ennemi ne puisse facilement couper le canal amenant l'eau à Paris ! Une autre solution, étudiée au XIXe siècle également, était de faire passer l'eau du Rhône à la Loire, les deux fleuves n'étant pas très distants au niveau de Lyon, puis de la Loire à la Seine, par le canal du Loing. Mais la chimie naturelle des eaux de ces fleuves étant différente, cela aurait pu conduire à des dommages importants aux écosystèmes. Dans la France du Sud-Est, ce type d'aménagement a déjà été construit avec la retenue de Serre-Ponçon sur la Durance, qui constitue le plus grand lac d'eau douce d'Europe, après le Lac Léman. Cette retenue, utilisée surtout en aménagement hydro-électrique, peut satisfaire si besoin est la majorité des demandes estivales de la région, il suffit de construire les adductions.

Tableau 7

Monde Asie Amérique Latine Moyen-Orient et Afrique du Nord Afrique sub-Saharienne Pays de l'OCDE (Europe, Amérique du Nord, Japon, …) Russie
Surface cultivée en 2000 (a) 1 600 439 203 86 228 387 265
Surface cultivable (b) 4 400 586 1 066 99 1 031 874 497
a/b 39% 75% 19% 87% 22% 44% 53%

Superficies cultivées et cultivables dans le monde, en millions d'hectares (Griffon, 2006).
 
Global cultivated and cultivable areas, million hectares (Griffon, 2006).

VI. — Y a-t-il une alternative ?

Ce scénario de production alimentaire est catastrophique pour l'environnement de la planète et ne fait pas l'unanimité. Une première alternative est de réduire les pertes et le gaspillage de nourriture. En effet à l'heure actuelle, environ 30% de la nourriture produite est gaspillée en pure perte. Dans les pays développés, il s'agit de nourriture achetée, conservée trop longtemps, ayant atteint sa limite de consommation (ou de vente), et qui est jetée sans même avoir été ouverte, un vrai scandale quand un milliard d'habitants de la planète ne peuvent pas manger à leur faim ! Des produits sont également jetés dès la production, par non-conformité à un standard excessif de forme, couleur ou de goût… Dans les pays en développement, l'essentiel des pertes se produit lors de la récolte, par mauvais ramassage, ou par stockages défectueux. Réduire ces pertes, et réduire également l'excès de consommation de produits animaux dans les pays développés, pourraient réduire de façon très importante la demande en nourriture, et réduire les besoins d'augmenter la production. L'augmentation des rendements agricoles par fertilisation accrue et protection des cultures et meilleure utilisation de l'eau, est indispensable mais ne semble pas suffisante. L'amélioration génétique des plantes pour les faire produire plus en consommant moins d'eau est apparemment un faux espoir, selon Tardieu (2005), car il est établi que si une plante consomme moins d'eau, alors elle produit moins de matière sèche : l'ouverture des stomates règle non seulement la transpiration mais aussi l'entrée de CO2 et la photosynthèse ; réduire l'une réduit aussi l'autre. Mais il faut évidemment poursuivre les recherches pour tenter néanmoins d'améliorer les rendements à quantité d'eau consommée égale, par sélection végétale, génomique par exemple. Reste les cultures hors sol, dites hydroponiques ; la production par unité de surface est très élevée et l'efficacité hydrique également, mais les coûts de production sont aussi très importants. Seuls les pays riches pourront s'y engager. Le défrichement, plus ou moins étendu, semble donc inéluctable si la croissance démographique se poursuit. Le dessalement de l'eau de mer par osmose inverse est en forte croissance (environ 17% par an pour l'eau domestique), à un coût de l'ordre de 0,7 €/m3, et une consommation énergétique de l'ordre de 2 à 4 kWh/m3, mais cela est environ dix fois trop cher et énergivore pour de l'eau d'irrigation, sauf pour certaines cultures à forte valeur (fruits ou légumes primeurs).

VII. — Effets des changements climatiques annoncés

Le réchauffement climatique engendré par l'émission des gaz à effet de serre va-t-il modifier fortement la donne ? En première approximation, si l'on arrive à ne pas dépasser la barre des 2°C d'augmentation des températures moyennes en 2100 (ce qui demande un très gros effort de réduction des émissions de CO2), la réponse semble être non du seul point de vue de la production agricole, bien que les effets hydrologiques du changement climatique soient beaucoup plus incertains et bien moins connus que les effets thermiques. Il apparaît que globalement, l'élévation de température augmente l'évaporation et les précipitations, avec cependant une grosse incertitude sur l'effet de l'augmentation de l'ennuagement. Mais localement, les précipitations vont diminuer dans certaines zones et augmenter dans d'autres ; sur le méridien de Paris par exemple, il pleuvrait plus dans l'Europe du Nord, moins dans l'Europe du Sud et l'Afrique du Nord et plus au Sud du Sahara et dans les tropiques. Globalement, la succession des zones climatiques décrite plus haut se déplacerait vers le Nord dans l'hémisphère Nord, et vers le Sud dans l'hémisphère Sud, mais ceci est encore bien incertain. On estime que le réchauffement climatique risque de faire perdre environ 110 millions d'hectares de terres cultivables, par assèchement, dans les latitudes méditerranéennes, mais en faire gagner 160 millions dans les latitudes nordiques, par réchauffement et déplacement de la limite du permafrost. Enfin, il semble vraisemblable que la fréquence des événements extrêmes (crues, sécheresses) puisse également augmenter, mais cette question demande encore des efforts de recherche soutenus en modélisation du climat et en paléoclimatologie grâce aux archives naturelles. Enfin, l'augmentation de la teneur en CO2 de l'atmosphère devrait augmenter un peu les rendements agricoles, sauf en zone tropicale où ils devraient être réduits. En ce qui concerne la France, on peut s'attendre à une baisse des précipitations, principalement en été, pouvant atteindre 10 à 20%, au cours du XXIe siècle. Dans le bassin de Paris, le débit d'étiage des rivières pourrait être divisé par deux, et l'étiage se prolonger jusqu'à octobre-novembre, contre septembre actuellement. Ceci ne sera pas sans poser des problèmes sérieux d'alimentation en eau de la région parisienne, qui dépend en été des réserves en eau stockées dans les Grands Lacs de Seine (barrages Aube, Marne et Seine), qui risquent d'être insuffisants, la capacité de stockage devra être augmentée, ou encore des transferts à plus longue distance mis en place, comme déjà envisagé au XIXe siècle.

VIII. — Sécheresse et famines

Y aura-t-il bientôt des risques de famines à l'échelle mondiale ? Il semble que la réponse soit malheureusement oui. Déjà, en 1998, des mauvaises récoltes en Asie du Sud-Est, dues à une sécheresse déclenchée par un événement El Niño intense cette année-là, ayant affecté la mousson, avaient entraîné des achats de céréales massifs sur les marchés mondiaux, avec une réduction importante des stocks, rendant périlleuse la situation si la sécheresse s'était prolongée. Or chaque année, la situation devient de plus en plus tendue, du fait de la croissance démographique. Il faut savoir qu'en 1876-1878, par exemple, une sécheresse catastrophique a sévi simultanément en Inde, en Chine, au Brésil et en Ethiopie, pour ne citer que quelques- uns des pays où l'on dispose de données. Il y aurait eu à cette époque coloniale près de 30 millions de morts (Davis, 2006). Une même sécheresse se serait également reproduite en 1896­1900, avec un même ordre de grandeur du nombre des victimes. Ces sécheresses simultanées à l'échelle du globe seraient la conséquence d'événements El Niño d'ampleur exceptionnelle, affectant les zones de mousson, comme il semble s'en produire en moyenne deux fois par siècle (Ortlieb, 2000). Quoiqu'il en soit, et compte tenu en particulier de l'augmentation probable de la fréquence des événements extrêmes due aux changements climatiques et de la croissance continuelle de la démographie, il semble certain que ce type de catastrophe va se reproduire, avec ses conséquences macabres, dans un avenir plus ou moins proche mais imprévisible. Les stocks mondiaux risquent de ne pas être suffisants pour satisfaire la demande. Mais de plus, comme l'a montré le Prix Nobel d'économie Amartya Sen (Sen & Drèze, 1999), la cause la plus fréquente des pertes en vie humaine, en cas de réduction des récoltes, est la perte instantanée du pouvoir d'achat des paysans les plus pauvres, dont les récoltes ont disparu, et d'autres catégories sociales défavorisées qui n'ont plus les moyens d'acheter la nourriture, quand bien même elle serait disponible. Avec la mondialisation croissante des échanges de nourriture dont nous avons parlé, il est probable que les lois du marché vont entraîner, en cas de pénurie, une augmentation vertigineuse des prix mondiaux agricoles et que la famine touchera alors les plus pauvres, même si des stocks existent encore et que les moyens de transport soient disponibles, ce qui était plus difficile au XIXe siècle. Hélas les stocks mondiaux de nourriture sont actuellement très bas : ils étaient traditionnellement, il y a plus de 10 ans, de l'ordre de 6 mois de consommation mondiale, alors qu'aujourd'hui ils sont tombés à moins de 2 mois. Amartya Sen montre que dans le milieu des années 1970, une famine a frappé l'Ethiopie et que des gens sont morts de faim au voisinage de voies de communication faciles, alors que le pays disposait dans d'autres régions de stocks suffisants : les ressources financières des affamés ne leur permettaient pas d'acheter, et l'aide mondiale n'a pas été sensibilisée à temps. Il est probable, bien qu'abominable, qu'il faudra que se déclenche une telle crise pour que le monde se décide à bouger et à créer des stocks plus importants dans les pays où les manques sont les plus probables, c'est-à-dire dans les zones déjà les plus défavorisées et où les moyens financiers ne sont pas réunis pour créer les dits stocks.

IX. — Conflits liés à la pénurie

Les conflits sur l'eau actuels ou potentiels les plus préoccupants sont liés à la pénurie, au problème du partage d'une ressource devenue insuffisante par rapport aux besoins, soit que ceux-ci aient augmenté, soit que la ressource se soit réduite. Avant d'aller plus loin, donnons deux exemples dramatiques des conséquences potentielles d'une insuffisance des ressources, bien que dans ces deux exemples, la ressource en question ne soit pas l'eau. Il s'agit de l'île de Pâques et du génocide Rwandais de 1994, au cours duquel environ 800 000 personnes (11% de la population) ont été massacrées en un mois. Il est classique de dire que ce génocide a pour origine un conflit ethnique entre Hutus et Tutsis. Le premier à avoir mis en cause cette interprétation est Jared Diamond, géographe américain auteur de « Effondrements » paru en France en 2006, ouvrage qui analyse les cas de catastrophes des civilisations du passé faute d'avoir su gérer leur environnement. Il traite d'abord du cas bien connu de l'île de Pâques, découverte en 1722 par les Hollandais ; cette civilisation totalement isolée, sans contact depuis plusieurs siècles avec le monde extérieur et se croyant seule au monde, a détruit entre le XVe et le XVIIe siècle son environnement en abattant tous ses arbres pour en faire des rondins pour déplacer ces immenses statues de pierre bien connues, les Moaï, qui servaient de symboles de domination aux prêtres ou aux puissants ; l'érosion des sols et la perte des moyens de production alimentaire qui en est résulté n'ont plus permis de maintenir une société estimée initialement entre 6 000 et 30 000 âmes ; en 1680 environ, des révoltes contre les élites, une guerre civile et des massacres incluant du cannibalisme ont réduit cette population à quelques 30% de sa population initiale. Au Rwanda, selon Diamond (2006), c'est la croissance démographique démesurée de ce pays, d'environ 3% l'an, et la réduction continue des moyens disponibles per capita pour produire la nourriture qui a conduit au massacre. Toutes les terres cultivables étaient exploitées ; la population avait atteint la densité de 760 habitants par km², proche de celle de la Grande Bretagne, et n'était plus en mesure de se nourrir compte tenu des méthodes agricoles utilisées. En 1985, la production alimentaire par habitant, après avoir crû de 1966 à 1981, était redescendue au niveau de 1960. C'est la pénurie qui aurait été la cause première des massacres, ce qui serait en partie confirmé par le massacre de Hutus par des Hutus, dans des zones où les Tutsis étaient minoritaires ou absents. Un conflit ethnique est bel et bien présent, il existe historiquement des conflits ancestraux entre les deux communautés, mais l'hypothèse de Diamond est que la cause première du conflit est la raréfaction de la ressource3 et qu'ensuite seulement le conflit s'habille en conflit ethnique, religieux ou culturel, ou est délibérément orienté vers un tel conflit par la propagande. Au Rwanda, la raréfaction de la ressource n'était pas l'eau, c'est un pays très humide, mais la disponibilité de terres agricoles sur lesquelles cultiver pour se nourrir. Ce risque de pénurie avait été anticipé par des agronomes belges (Wils et al., 1986), sans qu'aucune action ne soit prise pour éviter la crise. Mais la même chose peut se produire pour les conflits liés à l'eau, laquelle peut bien souvent être la cause première de la raréfaction des productions. Elle peut servir alors d'étincelle pour ranimer des conflits ancestraux liés à l'ethnie, au nomadisme, à la religion…

Un autre cas du même ordre peut être proposé : celui de la Côte d'Ivoire et du Burkina Faso. La guerre civile qui a sévi en Côte d'Ivoire dans les années 2002-2011 est généralement attribuée à un conflit politique ou ethnique entre partisans du Président Gbagbo, se référant à son identité ivoirienne, contre le candidat Ouattara, d'origine burkinabé, immigré en Côte d'Ivoire avec un grand nombre de ses concitoyens. Il ne s'agit pas d'un conflit entre ces deux pays, mais pourquoi les Burkinabés sont-ils venus si massivement immigrer en Côte d'Ivoire ? Il est certain que la raréfaction des ressources au Burkina Faso, pays sahélien pauvre en eau, du fait de la croissance démographique, jouxtant un pays de la zone humide riche en eau et plus prospère, a certainement joué un rôle (même s'il n'est pas le seul) dans ces migrations de population, à vrai dire assez courantes en Afrique, en fonction des fluctuations du climat. Là encore on risque de se méprendre sur la cause première des conflits, en se limitant au caractère politique, ethnique ou xénophobe des affrontements. Mais ce type de conflits n'est pas réservé à l'Afrique ; on peut citer par exemple le cas de l'immigration des Scandinaves et des Irlandais aux Etats-Unis au XIXe siècle, poussés hors de chez eux par les famines, qui a conduit indirectement au massacre des populations indigènes de l'Amérique du Nord. Que dire de l'actuel conflit à caractère confessionnel en Centre-Afrique ? Est-il seulement confessionnel, ou initié par une raréfaction des ressources ? Le conflit du Darfour serait aussi, selon certains, un conflit engendré par la pénurie, pour l'appropriation des moyens de production entre agriculteurs sédentaires et éleveurs nomades, l'appartenance ethnique ou religieuse n'étant que secondaire. Les conflits actuels au Sud-Soudan sont-ils de même nature ? Que dire de l'actuelle guerre civile en Syrie ? Une étude récente de Gleick (2014) porte sur les sécheresses qui ont très durement frappé la Syrie de 2006 à 2011, peu avant le début de la guerre civile. Le manque d'eau a entraîné des récoltes catastrophiques et une émigration rurale venue gonfler le chômage dans les villes et serait à la base de la rébellion. L'auteur montre que le changement climatique n'est pas seul en cause : la construction de grandes infrastructures en amont sur le Tigre et l'Euphrate par la Turquie aurait contribué à aggraver la situation.

Selon Taithe (2008), la question hydrique n'est plus celle des grands fleuves mais celle des aquifères souterrains. Selon lui, 445 aquifères communs à deux ou plusieurs Etats ont été recensés par l'UNESCO. Qu'ils se renouvellent ou qu'ils soient fossiles, mieux connaître leurs stocks va nécessiter d'importants investissements. Sans aide, les Etats dépourvus de moyens scientifiques seront incapables de discuter avec leurs voisins plus puissants – tel est le cas du Bangladesh face à l'Inde – de l'usage équitable et raisonnable des réservoirs souterrains d'eau douce. Enfin pour d'autres, comme la CIA (2013), c'est le couple « eau-alimentation » et « eau-énergie » qui va engendrer les tensions majeures dans le futur. La violence pourrait connaître d'autres formes, allant de la famine, endémique ou catastrophique en années sèches, aux grandes épidémies. La croissance démographique et la pauvreté en milieu rural s'accompagnent d'une croissance démesurée des grandes mégalopoles. Il existe aujourd'hui plus de vingt villes de plus de dix millions d'habitants (dont plus de dix-sept dans les pays en voie de développement), contre trois en 1950. On en comptera plus de cinquante en 2025. Les conditions d'hygiène (approvisionnement en eau et assainissement) dans ces grandes villes sont parfois effrayantes, les autorités hésitant souvent à construire les aménagements nécessaires, de peur de voir la croissance s'accélérer encore, ou ne disposant pas des ressources pour le faire. Ces agglomérations pourraient favoriser l'éclosion et la transmission de nouvelles maladies. Galland (2008) rapporte que pendant la première guerre d'Iraq en 1991, le bombardement par les troupes américaines des installations électriques a interdit la fourniture d'eau potable aux populations, faute d'énergie, ainsi que le traitement des eaux usées. Il estime à 45 000 le nombre d'enfants qui seraient décédés suite aux maladies hydriques engendrées par l'impossibilité de traiter les eaux. Le même phénomène se serait reproduit lors de l'invasion de 2003, engendrant des hépatites, des fièvres typhoïdes et le retour du choléra. Il ne s'agit pas véritablement d'un conflit lié à l'eau, mais de l'eau impliquée dans un conflit ayant une autre origine.

X. — Conclusion

Le vrai « problème de l'eau » sur Terre est en réalité celui de la croissance démographique, principalement en Afrique. L'Asie va aussi très vite avoir des besoins en eau et en terres cultivables supérieurs aux ressources locales, la rendant bientôt incapable d'assurer son autosuffisance alimentaire. L'Asie et l'Afrique du Nord-Moyen Orient ne pourront s'alimenter qu'en important massivement de la nourriture, ce qu'on appelle de « l'eau virtuelle », ou en laissant émigrer leurs populations. L'Amérique du Sud paraît alors être le principal continent capable de fournir la production agricole nécessaire, mais au prix de défrichements gigantesques, réduisant encore un peu plus la part de la planète réservée aux écosystèmes naturels et la biodiversité. L'Europe du Nord, la Russie et l'Amérique du Nord pourront aussi fournir une partie des besoins. L'Afrique sub-saharienne pourrait devenir autosuffisante, malgré une très forte croissance démographique, en mettant en culture une vaste partie de ses espaces naturels ; mais elle est aujourd'hui déficitaire, et peine déjà à faire mieux que de maintenir son taux de dépendance. Il est à craindre cependant que des crises climatiques majeures (sécheresses par exemple, liées à des événements El Niño) engendrent, dans un avenir imprévisible, des conflits et des famines dramatiques simultanées sur plusieurs continents. Les autres problèmes de l'eau apparaissent secondaires devant le problème précédent ; ils portent sur les effets des changements climatiques, sur la distribution d'eau potable, sur les risques de pénurie dans la zone méditerranéenne, sur la qualité de l'eau et des écosystèmes et sur les crues. Une bonne ingénierie de l'aménagement, conçue pour respecter et conserver les écosystèmes naturels, et une gestion cohérente et patrimoniale de la ressource devraient permettre de les résoudre, si les moyens matériels nécessaires y sont consacrés à temps.

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WWF (2012). — Rapport Empreinte eau de la France. Thierry Thouvenot et al. World Wildlife Fund, Paris : 37 p

Notes

1 Il faut par exemple 2 400 litres d'eau pour fabriquer un hamburger (pour produire le pain, produire la nourriture pour alimenter le bétail qui donne la viande, etc.) et 140 litres pour une tasse de café…. Retour au texte

2 Il ne s'agit pas seulement de l'eau contenue dans les produits importés, comme la quantité d'eau contenue par exemple dans les fruits et légumes, mais bien de l'eau qu'il a fallu consommer dans le pays exportateur pour irriguer les cultures, ou fabriquer les produits, etc. Retour au texte

3 L'économiste Daniel Cohen désigne par « poches de Malthusianisme » ces situations locales où la population devient en nombre supérieure à la capacité de production des écosystèmes. Retour au texte

Illustrations

  • Figure 1

    Figure 1

    Répartition des zones sèches ou arides. 21,5% de l'humanité se concentre dans les steppes et les zones arides avec seulement 2% des ressources en eau de la planète. D'après UNESCO et Viviroli et al. (2007).
     
    Dry zones on earth. 21.5% of mankind is concentrated in the dry zones and steppes with only 2% of the global water resources. From UNESCO and Viviroli et al. (2007).

  • Figure 2

    Figure 2

    Zones où sévit en 2000 un manque chronique de ressources en eau, du point de vue physique ou économique. Rouge : Déficit physique ; plus de 75% du débit des rivières est prélevé pour les besoins de l'homme, en tenant compte des recyclages. Rose : Plus de 60% du débit des rivières est prélevé. Ces bassins vont bientôt devenir rouge. Orange : Déficit économique en eau. Les ressources sont abondantes par rapport aux usages, avec moins de 25% de prélèvements du débit des rivières, mais la sous- alimentation sévit. La capacité financière en moyens d'équipement fait défaut. Bleu : Ressources en eau abondantes. Prélèvements inférieurs à 25% du débit des rivières. D'après IWMI (2007) et WWAP (2012).
     
    Areas where physical and economic water scarcity occur. Red : physical water scarcity ; more than 75% of the river flows are withdrawn for human uses, taking recycling into account. Pink : more than 60% of the river flows are withdrawn ; these areas will soon shift to red. Orange : economical water scarcity ; water resources are abundant relative to water use, with less than 25% of river flows withdrawn, however malnutrition exists ; lack of human, institutional and financial capital limits access to water. Blue : water resources are abundant ; river flows withdrawn are less than 25%. From IWMI (2007) and WWAP (2012).

  • Figure 3a

    Figure 3a

    Empreinte eau de consommation de la France : A – selon les produits consommés ;
     
    France : water consumption footprint : A – according to the consumed products ;

  • Figure 3b

    Figure 3b

    B – selon la quantité d'eau virtuelle contenue dans les produits importés. D'après WWF (2012).
     
    B – according to the amount of virtual water included in the imported products. From WWF (2012).

Citer cet article

Référence papier

Ghislain de Marsily, « L’eau, une ressource renouvelable convoitée et inégalement repartie », Annales de la Société Géologique du Nord, 22 | 2015, 17-27.

Référence électronique

Ghislain de Marsily, « L’eau, une ressource renouvelable convoitée et inégalement repartie », Annales de la Société Géologique du Nord [En ligne], 22 | 2015, mis en ligne le 15 juin 2022, consulté le 21 mai 2024. URL : http://www.peren-revues.fr/annales-sgn/1008

Auteur

Ghislain de Marsily

Sorbonne Universités, UPMC - Université Paris 6 ; CNRS ; EPHE ; UMR 7619 Metis ; 4 place Jussieu, 75005 PARIS, et Académie des Sciences ; gdemarsily@aol.com

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