Une sablière dans la grande guerre à Blairville (Sparnacien, Paléocène-Eocène) sur le sud du saillant d’Arras

  • A sandpit in the Great War at Blairville (Sparnacian, Paleocene-Eocene) at the south of the Arras salient

DOI : 10.54563/asgn.1893

p. 29-46

Résumés

Dès octobre 1914, les Allemands sont retranchés dans la sablière de Blairville, point stratégique sur lequel s’appuie le retour sud du saillant d’Arras. Le site, connu des géologues nordistes depuis plus d’un siècle, expose des sédiments fluviatiles sparnaciens (ex-Landénien supérieur continental) qui portent la limite Paléocène-Eocène (PETM). Les sables, coiffés de dépôts de plaine alluviale argileux, occupent un chenal profondément incisé dans la craie et amplifié par une karstification sous-jacente. Des anciennes cartes postales françaises restituent l’état du site avant le conflit. L’exploitation est camouflée dans le bois et encaissée d’une douzaine de mètres. Les occupants l’aménagent en particulier par le creusement de plusieurs souterrains. « Les Journaux des Marches et Opérations des Régiments (JMO) » du Ministère de l’Armée documentent la situation militaire de cette partie du front ainsi que le déroulement de l’offensive Artois-Champagne qui l’impliqua violemment le 25 septembre 1915. Les livres des officiers français Eggenspieler et Laurentin, éclairent la façon dont les alliés réagirent face au retranchement allemand et à l’échec de l’offensive de diversion. Des photographies du retranchement sur cartes postales expédiées de la sablière, révèlent des aspects inconnus de ces infrastructures avant qu’elles ne soient détruites au cours du repli de l’Opération Alberich en mars 1917. Sans faire abstraction d’autres éléments stratégiques ou tactiques, la géologie de la sablière mise à profit par les occupants s’avère avoir été déterminante dans la stabilité du retour sud du saillant d’Arras de 1914 à 1917.

By October 1914, the Germans are entrenched in the Blairville sandpit, a strategic position upon which the southern arm of the Arras salient is fixed. Known by local geologists since more than a century, this site exposes fluviatile Sparnacian deposits (disused ‘Upper Continental Landenian’) that bear the Paleocene-Eocene boundary (PETM). The sands topped by argillaceous alluvial plain sediments rest in a channel deeply incised in the chalk and enhanced by underlying karstification. Ancient French postcards restitute the landscape before the war. The quarry is camouflaged in the wood and encased of about twelve meters. The occupants managed it especially in digging several undergrounds. Reports of the “Journaux des Marches et Opérations des Régiments (JMO)” from the French Ministry of the Army, allow to document the military circumstances of this part of the front and the progress of the Artois-Champagne attack that impacted it violently by the 25 September 1915. The French officers Eggenspieler and Laurentin’s books evidence about the way allied troops reacted facing the German entrenchment and the failure of the attack. Photographic postcards sent from the sand pit unravel unknown aspects of these infrastructures before they were destroyed thanks to the retreat of the Operation Alberich by March 1917. In not leaving aside strategical and tactical considerations, the geology from which the occupants took advantage appears to have been essential in the stability of the south arm of the Arras salient between 1914 and 1917.

Plan

Notes de la rédaction

Cet article, initialement ébauché pour contribuer au mémoire « La terre et le Feu » n’a pas pu, pour des raisons familiales, être mené à son terme dans les délais prévus.

Texte

Introduction

Souterraines ou à l’air libre, les carrières jouèrent des rôles très variés dans les conflits armés. Le plus évident est celui d’abri. Retranchements et refuges plus ou moins élaborés, mais aussi dépôts d’armes, cantonnements ou infirmeries… Parfois des batailles s’y déroulent aussi et le refuge se mue en cimetière. Telles les carrières souterraines de gypse de Montmartre où, en juin 1848, les fédérés poursuivis par Cavaignac furent massacrés. Plus proche de nous et portant un nom évoquant aussi Paris, la carrière Montparnasse, avec quelques autres, basculeront dans l’enfer du Chemin des Dames en avril 1917. Les exemples ne manquent pas (Sbrava, 2011) et, dans la région qui nous concerne, cette diversité est, en particulier, démontrée dans Bergerat et al., 2018 (in Nicot, Fig. 142-143, p. 163 ; Gély, Fig. 150 -153, p. 172-174 ; Montagne, Fig. b, p. 181 ; Harmand et al., Fig. 197, p. 221 ; Obert, Fig. 215, p. 237 ; Devos et Taborelli, Fig. 327, 329, 330, 331, p. 385-389 ; Gely, Fig. b, c, d, p. 392-393). Avec la protection de la roche, l’espace souterrain assure une certaine sécurité autant qu’il dissimule les activités défensives ou offensives. Régionalement, il s’agit principalement de la craie plus ou moins résistante (Bergerat et al., 2018) ou du calcaire lutétien (Devos & Taborelli, 2018).

Figure 1

Figure 1

Le site de Blairville dans le sud du saillant d’Arras entre 1914 et 1918. Schéma des étapes significatives, d’après la carte de la fig. 121, p. 141 in Bergerat et al., 2018, Opération Alberich, German retirements (Somme, January-March 1917) Wikipédia, consulté le 05/04/2021, le croquis du secteur de Rivière, p. 269 in Eggenspieler, 1932.
 
The site of Blairville in the southern part of the Arras salient between 1914 and 1918. Sketch of the significant steps, after the map of the fig.121, p.141 in Bergerat et al., 2018, Opération Alberich, German retirements (Somme, January-March 1917) Wikipédia, consulted the 05/04/2021, the sketch of the Rivière sector, p. 269 in Eggenspieler, 1932.

Abris et retranchements dans les roches meubles semblent plus rares (voir Leroy & Leroy, p. 390-391 ; Duchaussois, fig. 133, p. 153, en reprenant la même source). Aussi, le cas de la sablière de Blairville, ouverte dans les sable et argile du « Landénien continental » (« Sparnacien »), peut-il prendre valeur d’exemple.

Au sud-ouest d’Arras, le site de Blairville est une colline boisée et allongée, orientée NE-SO, dont le point haut était autrefois signalé par le Moulin de Ficheux (1750), repère détruit dès octobre 1914. Le retour sud du saillant d’Arras, entre les champs de bataille de l’Artois et de la Somme (Fig. 1) repose sur ce point stratégique. Les lignes françaises et alliées se fixent à hauteur du Bois des Martinets, une faible ondulation de terrain qui est loin d’avoir les qualités stratégiques du Bois de Blairville (Fig. 2). Au moins dès octobre 1914, les Allemands sont établis dans le bois et dans la sablière qui s’ouvre au SSO vers Blairville. Dans l’espace protégé de l’excavation, une douzaine de mètres plus bas, l’occupant développe un cantonnement et des infrastructures en partie souterraines. A notre connaissance, il n’y en a plus de trace aujourd’hui, aussi les documents produits ici en révèlent-ils des aspects inconnus. Ce secteur du front garde une remarquable stabilité de 1914 à 1917 bien qu’il souffrît très durement, en particulier de l’offensive emboitée Artois-Champagne du 25 septembre 1915 (2e bataille d’Arras, Bergerat et al., 2018). Dès leur arrivée, les envahisseurs, dont on soupçonne une bonne connaissance anticipée du terrain, mettent à profit les caractéristiques géologiques de la sablière qui, conjuguées avec ce qui a pu être interprété comme des erreurs tactiques ou stratégiques (Eggenspieler, 1932 ; Laurentin, 1956), contribueront à l’immobilité des lignes. Aussi le rôle de la sablière dans la fixité du retour sud du saillant d’Arras n’est-il pas sans poser de questions. La sablière est abandonnée et les infrastructures allemandes concomitamment détruites pendant le repli de l’Opération Alberich entre les 17 et 20 mars 1917 (Fig. 1).

Figure 2

Figure 2

Carte et photo aérienne du front à hauteur du Bois de Blairville en septembre 1915. A, carte des lignes alliées et allemandes, s’appuyant respectivement sur le Bois des Martinets en haut à gauche et sur le Bois de Blairville dont on voit la sablière, au centre. B, photo aérienne du site datée du 13 septembre, visualisant l’état des tranchées de part et d’autre. Le nord est orienté à environ 45° vers l’angle en haut et à gauche de la figure. C, château ; S : sentier ; T1, T2 : tranchée reliées à la sablière. Source : site « Mémoire des Hommes », JMO du 268e RI, 26 N 733/2, pages du 25 septembre 1915.
 
Map and aerial view of the front near the Bois de Blairville in September 1915. A, map of the Allied and German positions, respectively supported on the Bois des Martinets, left upper high, and on the Bois de Blairville in the centre of which the sand pit is visible. B, aerial photograph of the site dated 13 September, showing the conditions of the trenches on both sides. The North is oriented at about 45° towards the left high angle of the picture. C, castle; S : pathway; T1, T2 : trenches linked to the sand pit. Source : site « Mémoire des Hommes », JMO du 268èmeRI, 26 N 733/2, 25 September 1915 pages.

Les faciès sparnaciens de la sablière du Bois de Blairville

L’exploitation des sédiments paléogènes de Blairville est ancienne. Le sable a été extrait jusque dans les années 1960, et l’argile qui terminait la séquence, utilisée autrefois pour la fabrication de carreaux, semble avoir été entièrement excavée. Actuellement, l’ancienne carrière est une décharge de classe 3 (SAS Gilles Delambre et Compagnie).

Sable et argile du « Landénien continental » (facies sparnacien, Paléocène terminal-Eocène basal) occupent un chenal incisé dans la craie blanche. Le site est individualisé sur les cartes géologiques au 1/80 000 et 1/50 000 (Potier, 1878, Gosselet, 1909, Delattre, 1968). La coupe décrite par Dehay en 1928 et 1936 (Fig. 3A) a encore été observée par Feugueur en 1963. La succession stratigraphique se lit aussi sur la figure 3B, une photographie de la sablière prise par Combier1 entre 1910 et 1914. On y reconnait assez aisément les subdivisions relevées par Dehay et en particulier, superposées aux sables, les couches argileuses (Fig. 3A, couches c à e) qui ont livré ambre, empreintes de plantes et quelques éléments de faune, un gastéropode, des écailles et un fragment de mâchoire de Lepidosteus (Dehay, 1928). En 1901, Leriche publie une nouvelle espèce d’Unio récoltée à la base de l’argile, qui en signe le caractère dulçaquicole. En outre, le paléoenvironnement fluviatile est souligné par la stratification entrecroisée des sables qu’il était encore possible d’observer, il y a peu, dans la partie est du bois (Fig. 3C).

Très tôt, la séquence de Blairville a été mise en parallèle avec le Sparnacien du bassin de Paris (Briquet, 1906) ce que précisent les travaux en cours sur l’intervalle Paléocène-Eocène régional. Ainsi les rattache-t-on maintenant, aux dépôts transgressifs qui envahirent les chenaux fluviatiles creusés lors de la chute majeure du niveau marin de la fin du Thanétien (Fig. 4, Briquet, 1906, Dupuis & Gruas-Cavagnetto, 1985, Dupuis et al., 1998, Dupuis et al., 2011 ; Gulinck, 1965, 1973 ; Leriche, 1901, 1919, 1933, 1945, 1947 ; Schuler et al., 1992 ; Smith & Smith, 1996, Smith et al. ; 2014 ; Steurbaut et al., 2003). Le développement du réseau hydrographique auquel appartient le chenal de Blairville, participe de l’emprise de biotopes continentaux et lagunaires sur les atterrissements méridionaux du bassin de la Mer du Nord à l’Yprésien inférieur (Fig. 4). Un recensement succinct des chenaux connus est porté sur cette carte paléogéographique schématique qui distingue les régions hautes restées en environnement terrestre des zones plus basses envahies par la transgression laguno-marine sparnacienne. Les bas niveaux marins relatifs de l’intervalle sparnacien coïncident avec les phénomènes bio-climatiques du PETM, marqueur global de la base de l’Yprésien (Dupuis et al., 1998 ; annexe 1). La séquence de Blairville est parmi les rares occurrences encore accessibles montrant cette coupure majeure du Paléogène dans le Nord de la France.

Figure 3

Figure 3

La sablière de Blairville. A, coupe de la sablière reprise de Dehay, 1936, Annales de la Société Géologique du Nord, t. LXI, p. 236, légende : a=craie sénonienne ravinée, b=sable landénien fluviatile à stratifications entrecroisées (épaisseur : 8 mètres), c=croûte de grès ferrugineux au contact du sable et de l’argile, d1=base ferrugineuse de l’argile plastique (1m environ), d2=argile noire schisteuse, ligniteuse au sommet 2m, e= alternance de couches de sables et de lits d’argile plastique gris-bleutée ; B, Vue de la sablière avant la guerre entre 1910 et 1915, CPA Combier Macon (Tous droits réservés). Au dernier plan vers le NO, les camions indiquent la base du sable, à l’avant plan à droite, affleurent 3 à 4 mètres d’argiles sparnaciennes ployées en fond de bateau par le soutirage karstique. C, Profil de quelque 3,5 m de haut, orienté sensiblement NS observé en 2020 dans la partie NE du bois. La structure du sable à stratifications entrecroisées suggère une sédimentation instable avec une forte hétérométrie de la charge. L’alternance sable-argile résulte de crues brutales suivies de périodes de décantation d’une eau très turbide. Le prisme à droite du cliché s’interprète comme une barre de méandre recouverte en onlap par l’aggradation de la séquence postérieure à gauche. Les teintes brunes à rousses et les bandes d’illuviation marquent les effets de l’altération quaternaire. Les festons verticaux sont des artéfacts dus aux coups de pelle. (cliché C. Dupuis).
 
The Blairville sand pit. A, section of the sand pit from Dehay, 1936, Annales de la Société Géologique du Nord, t. LXI, p. 236, legend : a= eroded Senonian chalk, b= Landenian fluviatile cross bedded sand (thickness : 8 meters), c= ferruginous sandstone crust at the sand-clay junction, d1= ferruginous base of the plastic clay (about 1 m), d2= shaly black clay, with lignite on top 2 m, e= alternation of sand beds and blue-grey plastic clay layers; B, view of the sand pit before the war between 1910 and 1915, Ancient Postcard from Combier, Macon (All rights reserved). Northwestwards, on the background, the trucks suggest the lower part of the sand, on the right, crop out 3 or 4 meters of Sparnacian clay slightly warped because of a karstic subsidence. C, an approximately NS trending ~3,5 m high profile, observed in 2020 in the NE part of the wood. The cross bedded structure of the sand suggests an instable sedimentation with a strongly heterometric load. The sand-clay alternation is the result of sudden floods followed by decantation intervals of highly turbid waters. The prism on the right of the picture may be interpreted as a point bar onlapped by the aggradation of the successive sequence on the left. Brown and reddish colors and illuvial bands evidence the effects of the Quaternary weathering. The vertical festoons are artifacts produced by the mechanical shovel.(photo C. Dupuis).

La sablière de Blairville dans le front

Les sources d’information

Trois principales sources d’information illustrent le contexte et la place de la sablière dans le cours de la Grande Guerre. La première est militaire. Il s’agit essentiellement des « Journaux des Marches et Opérations » (JMO) accessibles sur le site web « Mémoire des Hommes » du Ministère des Armées. La deuxième est littéraire et fait appel aux témoignages des livres du colonel Eggenspieler (1932) et du lieutenant Laurentin (1956), témoins et acteurs, en particulier de la bataille Artois-Champagne du 25 septembre 1915 à Blairville et Ficheux. La troisième, photographique, réunit une sélection de sept cartes postales anciennes (CPA), françaises et allemandes, images du site disparu, avant et pendant les combats (collection CD).

Les « Journaux des Marches et Opérations »

Les « Journaux des Marches et Opérations » (JMO) consignent la description des attaques et des mouvements des alliés (ainsi que le décompte nominatif des morts et des blessés). En l’occurrence, les JMO du 268e RI (26 N 733/2), relatent les combats qui se sont déroulés dans le secteur Blairville-Ficheux au cours de l’offensive Artois-Champagne. En proviennent, la carte des lignes française et allemande qui tissaient le front entre le Bois de Blairville et le Bois des Martinets (Fig. 2A) ainsi que la photo aérienne du champ de bataille prise le 13 septembre 1915, vingt-trois jours avant (Fig. 2B). Ces documents sont complémentaires. La carte, quelque peu antérieure à la photographie, restitue précisément le plan des tranchées et les contours et détails du bois et de la sablière. De la photo aérienne dont la date de prise de vue est très proche de celle de l’attaque, ressortent nettement les traces des travaux préparatoires des tranchées évoqués ci-après. Les nouveaux boyaux sont bien visibles. De nombreux détails de l’installation allemande sont aussi perceptibles aux abords de la sablière, comme le sentier qu’emprunte la voie ferrée étroite connectée à l’un des souterrains du retranchement (« tunnel Basse-Saxe », § III-3), ou les deux tranchées reliant directement les zones de combat au retranchement dans la sablière (Fig. 2B, T1 et T2).

Colonel Eggenspieler et lieutenant Laurentin, témoins et acteurs

Dans les mouvements incessants des armées, le hasard a fait que les deux officiers se trouvèrent engagés dans l’opération Artois-Champagne du 25 septembre 1915 avec leurs régiments respectifs. Du champ de bataille, leurs livres rapportent, avec le quotidien du front en arrière-plan, leurs perceptions des conditions du terrain, de la troupe et des options stratégiques. Les quelques mots écrits sur les cartes postales allemandes, traduits en annexe 2, apportent une idée du point de vue réciproque du fond de la sablière.

Le colonel Eggenspieler (1932), proche du haut commandement, est chargé de superviser des préparatifs alors très secrets (p. 258). Sa relation est plutôt technique. Au cours d’une inspection, son attention se porte à la nature du sol qu’il juge favorable, « pierreux (calcaire), les tranchées et boyaux… très sains,… ni eau, ni boue » (p. 261). Il est nettement plus réservé au sujet de la préparation des nouvelles tranchées d’attaque dont il stigmatise les erreurs de mise en œuvre en même temps qu’il exprime son scepticisme au sujet de la préparation d’artillerie (p. 267). La position stratégique avantageuse de l’ennemi ne lui échappe pas « il y avait en face de nous, dans les lignes allemandes, le Bois de Blairville et dans ce Bois il y avait une grande carrière dans laquelle les Allemands pouvaient dissimuler et mettre à l’abri tout ce qu’ils voulaient et notamment leurs Minenverfer » (p. 266) (« lance-mines », sortes de mortiers très redoutés, effectuant des tirs courbes de tranchée à tranchée). Ces réserves s’avèreront justifiées. Confrontée à l’extrême violence de la réplique allemande, l’opération de diversion est rapidement déclarée manquée et abandonnée. Eggenspieler n’aura pas à intervenir en soutien avec son bataillon et se mettra immédiatement en marche vers son objectif suivant (p. 272).

Quant au lieutenant Laurentin (1956), il va se trouver terriblement engagé avec son régiment dans cette vaine attaque. Dès son arrivée dans le secteur le 1er septembre 1915, il avait perçu la situation particulière qui régnait sur cette portion du front depuis dix mois. Après la 1re bataille d’Arras d’octobre 1914 qui concerna Blairville et Ficheux pendant plusieurs jours (relatée par Heinrich, auteur des lignes de la CPA de la figure 5B, à lire dans l’annexe 2), une sorte de trêve tacite semblait s’être établie (p. 127). Les travaux préparatoires de l’opération qu’il dirige vont y mettre fin. Très présent sur le terrain, il constate l’excellente préparation des tranchées ennemies (p. 141). Celle-ci est évidente sur la photo aérienne de la figure 2B où la largeur des parapets de craie des tranchées allemandes atteste de l’important approfondissement corrélatif des boyaux. Les tranchées d’attaque françaises contrastent fortement par leur étroitesse et la faiblesse des extensions très peu visibles sur la figure 2B. Réalisant aussi l’importance stratégique de la sablière du Bois de Blairville, Laurentin est interloqué par le fait qu’elle semble ignorée par la préparation d’artillerie (p. 137). Architecte de métier, il a une approche plus sensible, ouverte sur les aspects (in)humains du front. En artiste, il en donne un remarquable témoignage graphique par ses croquis saisis sur le « vif ». Exemple percutant, le 20e croquis de ses carnets qui brosse le champ de bataille à l’issue de l’attaque désastreuse, jonché des cadavres de « ses » hommes, le Bois de Blairville en toile de fond (près de 300 morts d’après Laurentin, 1956, p. 138)2.

La robustesse de l’implantation allemande dans la sablière ressort des appréciations professionnelles d’Eggenspieler et de Laurentin. Le retranchement allemand dans la sablière nourri une inquiétude que les images directes des figures 6 et 7 confirment et documentent.

Figure 4

Figure 4

Le chenal de Blairville dans le contexte paléogéographique de l’Eocène inférieur des bassins de Paris, Dieppe, Londres et belge. Autres occurrences de chenaux initiaux des faciès sparnaciens connus, localités significatives et principales structures héritées actives pendant le Paléogène, axes de l’Artois, du Bray et du Brabant (Bibliographie dans le texte). La gouttière Hoegarden-Leval cerne les nombreux sites à faciès sparnacien fluviatile où l’influence marine est très faible à nulle (dinoflagellés sporadiques) et dépourvus de la faune malacologique laguno-marine présente dans les Sables et Argiles à Ostracodes et Mollusques (SAOM), les Argiles et Lignites du Soissonnais et les Fausses Glaises (C. Dupuis).
 
The channel of Blairville in the paleogeographic context of the lower Eocene of the Paris, Dieppe, London et Belgian basins.Otherknown initial Sparnacian channel occurrences, significant localities and main inherited structures active during the Paleogene, Artois, Bray and Brabant axes (Bibliography in text). The Hoegarden-Leval gutter encompasses the numerous occurrences of Sparnacian fluviatile facies in which the marine influence is very weak or inexistent (dinocysts sporadic) and devoid of the laguno-marine malacological fauna known in the Sables et Argiles à Ostracodes et Mollusques (SAOM), the Argiles et Lignites du Soissonnais and the Fausses Glaises (C. Dupuis).

Les photographies des cartes postales anciennes (CPA) françaises et allemandes

Les recherches destinées à illustrer la géologie du site de Blairville ont amené la trouvaille de cartes postales d’époque illustrant, d’une part, le contexte de la sablière avant le conflit, telles les photographies des figures 3B et 5, et d’autre part, l’occupation et l’aménagement de celle-ci par les Allemands (Fig. 6-7). Le site web de Wailly (Wailly au fil du temps…) affiche quelques CPA allemandes de cette occupation qui ont été consultées.

Le tableau 1 fondé sur ces éléments propose un historique schématique du site en replaçant quelques phases de son évolution et quelques aspects de l’occupation de la sablière par rapport aux étapes principales du conflit. Le tableau 2, en annexe 3, documente la datation des CPA, interprétée en distinguant l’origine des clichés, leur impressions et rééditions de leurs devenirs épistolaires et postaux consécutifs. La transcription et la traduction de la correspondance (non illustrées) des CPA des figures 5B, 6B et 7B, font l’objet de l’annexe 2.

Tableau 1

Etapes du conflit Secteur Blairville-Ficheux Illustration
avant 1914 post 1910 sablière de Blairville Fig. 3B et 5B
1914 déclaration de guerre le 3 août
Bataille d’Arras 4-6 octobre 1914 les Allemands investissent entrée de la sablière CPA écrite le 10 octobre 1914 par un occupant sur le front depuis le 1er octobre, Fig. 5B
stabilisation novembre 1914 -avril 1915 et aménagent la sablière CPA non datée, non écrite, Fig. 6A début du creusement des tunnels
1915 château de la sablière, vue du site, Fig. 5A
offensive Artois-Champagne du 25 septembre 1915 offensive du Bois de Blairville et prise du moulin de Ficheux, attaque repoussée et abandonnée carte du Bois de Blairville, Fig. 2A photo aérienne 13 septembre 1915, Fig.2B
tunnels, déblais sable et de craie, CPA écrite, Fig. 6B
1916 photo de groupe devant le tunnel Basse-Saxe, CPA datée du 28 juin 1916 au recto, Fig. 7A
1917 opération Alberich mars 1917 abandon de la sablière et destruction du retranchement CPA double, écrite, datée 6 mai 1917 au verso, Fig. 7B, expédiée après le repli
1918 Armistice le 11 novembre

Chronologie et illustration de l’occupation de la sablière de Blairville.

Le site avant le conflit

Les figures 3B, 5A, 5B et le tableau 1, restituent le paysage de la sablière avant l’invasion. Sur la figure 3B (cf. § II), l’exploitation photographiée en vue légèrement plongeante, met en scène une dizaine d’ouvriers principalement dans l’angle nord de la sablière, à la fois le plus profond et le plus abrité, là où les Allemands creuseront leurs souterrains. La figure 5B montre le même secteur du front d’exploitation vu vers le nord-est depuis l’entrée de la sablière entre une construction de bois à gauche et l’angle du mur de brique d’une dépendance du « château » à droite dans les arbres. En plus de livrer une image du site, elle a la particularité d’avoir été écrite le 10 octobre 1914, par un des occupants qui l’aura acquise sur place peu après son arrivée (il est au combat dès le 1er octobre ; voir son message en annexe 2, correspondance de la CPA de la figure 5B). Le même cliché a été réimprimé quasi identiquement après 19153, munie cette fois d’un visa militaire (Paris, visé 719). Dans cette réédition, en plus de quelques retouches au paysage, le titre est mis au goût du jour : « Blairville, Pas-de-Calais – la sablière profonde d’une vingtaine de mètres (sic) qui a servi d’abri aux boches »4. Pas plus que la vue de la figure 5B, elle ne restitue l’état des lieux à la fin de la guerre, lequel devait être plus proche de celui de la figure 7B haut, mais un aspect bien antérieur à 1914.

Il en est de même pour la photo de la figure 5A qui révèle la vastitude du site disponible au moment de l’invasion. À gauche, le chemin mène au front d’exploitation qui se devine derrière les arbres en arrière-plan de part et d’autre du « château » qui sera occupé par les allemands et détruit par l’artillerie. La carte est une réédition (tableau 2, annexe 3) et son titre « - Guerre 1914-1916 - La maison de la sablière dont les allemands se sont fait un refuge contre nos obus » rappelle, si besoin était, que l’occupation est en cours au moment de la réédition qui se situerait entre 1915 et 1916. L’absence de dégât de tir d’artillerie sur la construction, pas plus que d’arbres déchiquetés ou cassés tels qu’ils apparaissent en plein conflit sur la photo datée du 27/12/1915 (Fig. 6B), confirme bien qu’il s’agit d’un cliché plus ancien. A contrario, sur une photo allemande datée du 11/01/1915, consultée sur le site web de Wailly (Wailly au fil du temps…), officiers et soldats allemands posent devant le château dont la façade est déjà endommagée. Aussi, le cliché de la Fig. 5A est-il nettement antérieur au conflit et sa prise de vue possiblement contemporaine de celle de la figure 5B. En effet, sur cette dernière, on distingue au bout du chemin qui longe la prairie, à l’entrée de la sablière, la même construction de bois noire sur la gauche à hauteur du château (Fig. 5A-B, flèche). Les deux photos, prises sans doute à peu de temps d’intervalle, restituent un aperçu du site très antérieur à son occupation.

La sablière de Blairville occupée

Pour résumer, les Allemands prennent rapidement possession de la sablière probablement déjà repérée de longue date. Ils y disposent d’un vaste espace aisément accessible par le chemin qui rejoint le village. Dès 1914, le château et ses dépendances sont occupés et dans la sablière, le retranchement, abris et souterrains, est en cours d’installation, sinon déjà en fonction.

Figure 5

Figure 5

La sablière avant le conflit. A, vue vers le NE du château qui sera occupée par les Allemands, réimpression avant 1916 d’une prise de vue très antérieure (tableau 2). B, aperçu de la sablière vers le NE, entre l’aile gauche du château et la maison de bois pointée sur la figure 5A. (Tous droits réservés).
 
The sand pit before the war. A, towards the NE view of the castle that will be occupied by the Germans, ante 1916 reprint of a very earlier shooting (tableau 2). B, northeastwards glimpse of the sand pit, between the left aisle of the castle and the wooden house pointed on the figure 5A. (All rights reserved).

Les figures 6A, 6B, 7A, 7B réunissent des éléments permettant de reconstituer, au moins partiellement, ces infrastructures et suscitant quelques hypothèses quant à leurs fonctions possibles. Ces aménagements sont groupés dans l’angle nord de la sablière, bénéficiant à proximité du front, du camouflage du bois et de la protection de l’encaissement maximal. Au moins deux souterrains et un abri y ont été établis. Le plus large des souterrains, le « Niedersachsen-Tunnel » (Fig. 7A, tunnel Basse-Saxe) est creusé de niveau avec la voie ferrée étroite qui longe le chemin de Blairville (Fig. 7A-B). Un deuxième souterrain, plus petit, jouxte le bas de l’escalier qui conduit au bois (Fig. 6B et 7A). L’édicule à toit bulbeux, ressemblant à un kiosque (Fig. 6B), ne semble pas correspondre à un creusement horizontal comparable aux autres. Une vue consultée sur le site web de Wailly (Wailly au fil du temps…) montrerait plutôt à cet emplacement le départ d’un puits dans le plat du terrassement où sont aussi disposés le petit tunnel et le départ de l’escalier vers le bois. Cette terrasse est prolongée par une estrade en bois qui rejoint le niveau du tunnel Basse-Saxe par l’intermédiaire de quelques marches (Fig. 6C et 7A). L’abri ainsi formé s’ouvre entre les talus de déblais sous l’estrade au plancher épais et renforcé de sacs de sable (Fig. 6B et 6C). Son entrée, partiellement cachée par une toile de camouflage, communique peut-être avec un espace ménagé sous la terrasse et possiblement avec le kiosque par un puits ? Le tunnel Basse-Saxe abritait sans doute des pièces d’artillerie, tels les « Minenverfer », qui par la voie ferrée, pouvaient parvenir rapidement dans le bois en passant par l’aiguillage situé un peu plus loin vers Blairville (S sur la Fig. 2, Fig. 7B haut, et ci-après). Le petit tunnel qui est opportunément placé au pied de l’escalier menant au bois abritait peut-être un casernement (Fig. 6B et 7A) ?

Une vue d’ensemble assez représentative de ces infrastructures et un aperçu des autres installations réparties le long du chemin de Blairville apparaissent sur la figure 7B. Le cliché du haut ouvre à droite, derrière l’arbre du premier plan, sur le terreplein surélevé qui porte les décombres du château (noté C sur la Fig. 2, intact sur la Fig. 5A). La figure 7B haut, montre à gauche l’aiguillage qui dérive la voie principale vers la branche menant au bois, connectant ainsi le tunnel Basse-Saxe avec la zone des combats (S sur les figures 2A-B). Sur le cliché du bas, en arrière-plan, entre les déblais clairs et le talus sombre passablement éboulé, on reconnait le kiosque et le tunnel Basse-Saxe ainsi qu’entre deux, le petit souterrain au pied de l’escalier rejoignant le bois en diagonale. A gauche, deux baraquements s’adossent au versant à hauteur du départ d’une tranchée (T1 sur la Fig. 2B). La baraque en retrait paraît en constituer l’accès. Outre cette fonction possible, l’usage de ces structures reste incertain, arsenal, cantonnement ? Au-delà des baraquements et vers l’angle de la sablière, se trouvent des structures très dégradées et mal visibles qu’on ne repère que sur ce cliché. Elles comprennent des contreforts et une sorte de portique dont les deux montants dépassant du talus pouvaient marquer l’entrée d’un autre souterrain ? On ne dispose pas d’autre vue de cette infrastructure.

Figure 6

Figure 6

Le creusement des souterrains dans les talus de la sablière. A, vue de l’angle NO de la sablière au début du creusement des souterrains. A droite, le futur tunnel Basse-Saxe est le seul visible. Un abri couvert de sacs de sable est ébauché entre les deux talus de déblais. Au-dessus, à droite, le versant est en cours de terrassement. B, progrès des aménagements du même secteur de la carrière vers 1915 (tableau 2). Le plus grand développement des déblais donne une idée de l’ampleur des creusements. Ils sont constitués de blocs de craie, ce qui indique que le fonçage des souterrains a atteint l’encaissant crayeux du chenal. C, agrandissement de la partie centrale de B montrant (1) l’entrée du tunnel Basse-Saxe, (2) l’encadrement de l’entrée du petit souterrain et (3) le « kiosque ». Les deux derniers édicules sont disposés sur la terrasse surélevée qui surmonte l’abri entre les deux déblais et d’où partent l’escalier et les cheminements vers le bois, suggérant la présence d’un cantonnement à ce niveau. (Tous droits réservés).
 
The subterranean workings in the slopes of the sand pit. A, view of the NW angle of the quarry at thebeginningof the tunnel digging. On the right, the Basse-Saxe tunnel is the only visible.A shelter covered with bags of sand is in course of building between the two slopes of dumps. Above, on the right, the slope of quarry is being floored. B, progress of the installations of the same sector of the quarry around 1915 (table 2). The larger extension of the dumps gives an idea of the magnitude of the diggings. They appear composed of chalk debris indicating that the sinking of the underground excavations have reached the channel wall. C, close up of the middle part of B showing (1) the entry of the Basse-Saxe tunnel, (2) the doorway of the small tunnel and (3) the « kiosk ». The last two small edifices are lying on the elevated terrace that overlies the shelter between the two dump slopes and from which depart the stairs and the pathways up to the wood, both suggesting that quarterings existed at that level (All rights reserved).

Les figures 6A, B et C illustrent le début de ces aménagements, dont la figure double 7B procure une perspective plus large, mais dans un état nettement dégradé, proche du repli. La figure 6A n’est pas datée, elle correspond à une étape manifestement très initiale des travaux souterrains qui ont pu commencer dès octobre 1914, peut-être après les premiers combats à Blairville et Ficheux (4-6 octobre 1914) comme l’indiquerait l’état des arbres déjà partiellement cassés et clairsemés. Le creusement du tunnel Basse-Saxe est en cours dans le versant nord-ouest de la sablière. On remarque que le boisage à angle droit qui en marque l’entrée est semblable à celui de la galerie de la figure 107, p. 132 in Bergerat et al. (2018). Devant, un soldat déverse sur le talus le contenu meuble, sableux, de sa brouette. A droite, le terrassement qui prolongera l’estrade du kiosque est en cours dans l’épaisseur du sable du versant. A gauche, un baraquement occupe l’emplacement de la maison de bois noire de la figure 5B. Des pièces de bois équarris, poutres ou madriers, jonchent le sol de la carrière, prêtes à être utilisées. Le champs de vision plus étroit la figure 6B est centré sur les constructions de l’angle nord de la sablière que détaille la figure 6C. Le talus de déblais, considérablement allongé par rapport à celui du cliché de la figure 6A, traduit l’important avancement des travaux souterrains. D’ailleurs, il est composé de blocs de craie qui indiquent que le fonçage de l’un ou l’autre souterrain aura recoupé l’encaissant crayeux du chenal. La CPA de la figure 6B-C a été oblitérée peu après l’offensive du 25 septembre, mais la prise de vue est sans doute antérieure et il est vraisemblable que les tunnels étaient prêts avant. Peut-être leur creusement a-t-il bénéficié du calme relatif du front de la fin de l’année 1915 évoqué par Laurentin (1956, p. 127 et § III-1b) ? Ou bien même en est-il la cause ? Sur la figure 7B, la CPA écrite le 6 mai 1917 et oblitérée le lendemain, comprend deux vues du retranchement prises avant sa destruction. La photo du haut, et dans une moindre mesure celle du bas, montre le chemin d’accès dont les bas-côtés sont blancs. Il est très probable qu’il ne s’agisse pas de craie, mais plutôt de neige et que les clichés auront été pris au cours de l’hiver 1916-1917 avant le retrait Alberich (Tableau 1). Ainsi peut-on dans une certaine mesure, restituer l’aspect du site de Blairville avant l’invasion et reconstituer quelques structures du retranchement allemand dans la sablière depuis son installation jusqu’à son état peu avant sa destruction au cours du repli Alberich, entre les 17 et 20 mars 1917 (Fig. 1).

Figure 7

Figure 7

Aspects du retranchement allemand. A, vue rapprochée de l’entrée du tunnel Basse-Saxe, de la terrasse de l’escalier et des marches taillés dans le sable. Le petit souterrain est à peine visible à gauche au bas de l’escalier. On note la voie de chemin de fer étroite qui sort du tunnel. B, deux vues des retranchements le long du chemin de Blairville. Cliché du haut, entrée de la sablière à hauteur de l’aiguillage qui dérive la voie venant du tunnel Basse-Saxe vers le bois par le sentier S des figures 2A et 2B. A l’arrière-plan derrière l’arbre, le terreplein avec les ruines du château. Cliché du bas, vue des installations délabrées et partiellement enfouies dans les effondrements des talus. On reconnait néanmoins le kiosque et le tunnel Basse-Saxe. Départ de la tranchée T1 (Fig. 2B) à l’arrière des baraquements à gauche. Voir commentaires dans le texte. (Tous droits réservés).
 
Aspects of the German entrenchment. A, closer view of the entry of the Basse-Saxe tunnel, of the terrace, the stairs and the steps carved in the sand. On the left, the small tunnel is barely visible at the bottom of the stairs. Note the narrow railway track coming out the tunnel. B, two views of the entrenchment along the way to Blairville. Upper picture, sand pit entrance around the switch that derived the railway track coming from the Basse-Saxe tunnel to the wood by the trail S of the figures 2A et 2B. On the background, behind the tree, the embankment with the castle ruins. Lower picture, view of the decayed installations partially buried below the collapse of the slopes. The ‘kiosk’ and the Basse-Saxe tunnel are nevertheless recognizable. Starting point of the T1 trench (Fig. 2B) behind the barracks on the left.Comments in the text. (All rights reserved).

Conclusion

Au sud d’Arras, la modeste colline du Bois de Blairville est une sorte d’inversion de relief posée sur un chenal fluviatile d’âge paléocène terminal-éocène basal. Le comblement de ce chenal inaugure la transgression yprésienne avec un cortège fluviatile sparnacien qui signe la base de l’Eocène (PETM) dans le Paléogène du Nord de la France. L’exploitation des sables et argiles de la sablière qui s’est poursuivie jusqu’au siècle dernier, a laissé un vaste espace dont le remblaiement est en cours aujourd’hui par une décharge de type 3.

Le site stratégique, associant le camouflage naturel du bois sur un point haut avec la protection du sous-sol de la sablière en contrebas, est investi par les troupes allemandes dès le début de l’invasion. Profitant du volume considérable de l’exploitation et de la longueur des anciens fronts d’exploitation, les occupants creusent tunnels et abris et installent un puissant retranchement pour soutenir leurs lignes. Quelques éléments de ces infrastructures peuvent être reconstitués et documentés. Tunnels et/ou souterrains, abris, cantonnements, sont concentrés au fond de la sablière au bout du chemin de Blairville. Celui-ci est parcouru par une voie ferrée étroite facilitant autant les approvisionnements divers par le village, que les transferts rapides des pièces d’artillerie tels les minenverfer, depuis le tunnel Basse-Saxe jusqu’aux zones de combat.

L’ampleur des installations et la solidité du retranchement, fondamentalement conditionnées par la géologie de la sablière fondent la stabilité du retour sud du saillant d’Arras. De toute évidence, les choix tactiques des belligérants ont aussi pesé sur cette stabilisation. Ou bien, dès l’invasion, la maitrise totale du site de Blairville faisait partie intégrante des plans de l’envahisseur, ou bien la concrétisation du retranchement et sa mise à l’épreuve effective ont suscité l’option de le conserver coûte que coûte. Les violentes répliques défensives, comme la réaction à l’offensive de diversion du 25 septembre 1915, et l’absence de véritable contre-attaque susceptible de conduire à un déplacement des lignes, accrédite une telle détermination. En outre, de part et d’autre, tabler sur la stabilité de cette partie du front, permettait de diriger les efforts sur des champs de bataille stratégiquement plus complexes et en tout cas plus disputés. En ce qui concerne les alliés, peut-être est-ce une des raisons de l’abandon très rapide de l’attaque du 25 septembre 1915 à Blairville ? Quoiqu’il en soit, la solidité avérée du retranchement rendait le statuquo aussi bien incontournable de fait que tactiquement acceptable. En définitive, la détermination allemande se manifestera jusqu’au bout, puisque ce n’est qu’au prix d’un changement majeur de stratégie que la sablière de Blairville, sera dégagée en mars 1917 avec l’effacement du saillant d’Arras.

Remerciements. — François Delporte (francois.delporte@skynet.be), traducteur (et musicien), s’est chargé de traduire « l’altdeutsche Schrift » des cartes postales allemandes (Annexe 3), aimablement déchiffrées par Norbert Riedl avec le sympathique concours de son fils Alexander. Je les remercie vivement d’avoir ainsi permis de poser une touche sensible sur une approche au recul peut-être un peu cynique. L’auteur remercie les relecteurs.

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Site Wailly au fil du temps https://waillyaufildutemps.wixsite.com/blog/autour-de-la-grande-guerre

Annexe

Annexe 1

Figure 8

Image

Diagramme stratigraphique et paléogéographique simplifié du contexte du chenal de Blairville. Esquisse de la distribution des principales unités lithologiques de l’intervalle Paléocène-Eocène inférieur basal entre le Nord de la France et, suggéré, les bassins de Paris et de Dieppe au sud et au sud-est. Mise en évidence de la longue lacune entre le Thanétien marin et l’Yprésien moyen. Place de la CIE (Carbone Isotope Excursion) marqueur global de la limite Paléocène-Eocène dans les chenaux de la base des faciès sparnaciens. Début du PETM (Paleocene-Eocene-Thermal-Maximum) dans les faciès sparnaciens. Voir commentaires dans le texte.
 
Simplified stratigraphic and paleogeographic diagram of the Blairville channel context. Sketched distribution of the main lithologic units in the Paleocene-basal lower Eocene interval between the Northern France and on the south, the Paris and Dieppe basins (only evoked). Highlighting of the long hiatus between the marine Thanetian and the middle Ypresian. Position of the CIE (Carbone Isotope Excursion), global marker of the Paleocene-Eocene boundary in the channels at the base of the Sparnacian facies. Initiale excursion (CIE, Carbon Isotope Excursion) of the PETM (Paleocene-Eocene-Thermal-Maximum) in the Sparnacian facies. Comments in the text.

Le diagramme de la figure 8 positionne schématiquement les unités classiques, « Landénien marin », « Landénien supérieur » et Yprésien (historique) dans le cadre paléogéographique et stratigraphique du Nord de la France. Fortement simplifié, celui-ci tient néanmoins compte des acquis récents concernant la limite Paléocène-Eocène et l’Yprésien inférieur. On peut aussi montrer que la géodynamique complexe de transgression-régression et soulèvement-érosion enregistrée par ces terrains est en relation avec les événements tecto-magmatiques associés à l’ouverture de l’Atlantique Nord. Ces derniers impactent l’environnement et en particulier la composition isotopique du carbone dont les variations, synchrones dans l’atmosphère et dans l’océan constituent de puissants marqueurs stratigraphiques tant locaux que globaux.

A la fin du Thanétien (~ « Landénien marin ») un vaste bombement appuyé sur les axes structuraux Artois-Boulonnais et Brabant provoque une régression brutale qui installe les environnements sparnaciens sur le NW Européen pour quelques centaines de milliers d’annéesa. Un vaste réseau hydrographique s’incise en même temps que les paysages sont dénudés par l’érosion. En particulier, le « Landénien marin » est éliminé sur de grandes surfaces parfois jusqu’à la craie. La sédimentation reprend avec les sables fluviatiles du « Landénien supérieur » qui comblent des chenaux. Parmi les occurrences reconnues de ces chenaux, reportées sur la carte de la figure 4, le chenal de Blairville (Fig. 3) est un exemple assez bien documenté. Ensuite, le niveau de la mer remonte peu, poussant une transgression dont ne parviennent dans nos régions que les faciès lagunaires les plus proximaux. Les chenaux colmatés sont débordés par les argiles de plaine alluviale et l’étalement de lagunes plus ou moins ouvertes aux influences marines (« Landénien supérieur »). Ces dépôts se cantonnent dans les zones déprimées et/ou subsidentes : gouttière Hoegarden-Leval, bassins de Paris et de Londres, bassin du nord de la Belgique. Ce dernier, qui appartient au bord sud du bassin de la Mer du Nord, est fortement subsident et les couches à faciès sparnacien (Formation de Tienen) y sont reconnues par sondage sous quelques 450 m de Paléogène et de Néogène (sondages d’Ostende -historique-, Kallo, Mol, Knokke). Les surfaces restées émergées enregistrent des évolutions supergènes tels que karstification et silicification, engendrant notamment les quartzites « landéniens » largement développés sur le bassin de Paris (Dupuis, 1979). L’évolution continentale est interrompue par la transgression d’une plateforme boueuses (Argile d’Orchies et équivalents latéraux) dont le début est marqué par plusieurs fluctuations rapides du niveau marin, bien documentées en Angleterre (Harwhich Formation) et un peu dans le bassin de Dieppe et ses bordures orientales (base de la Formation de Varengeville, Galets de Picardie,…). Elles ne sont pas enregistrées dans le Nord en raison d’un taux de sédimentation initial très faible induisant un bilan de dépôt nul ou négatif. Nos prédécesseurs -en particulier lillois- qui avaient reconnu ces singularités sédimentologiques (lacunes, érosions, galets avellanaires, remaniements de faunes,…) en prenaient argument pour y placer, à la suite de Dumont (1849), la base de l’étage Yprésien (historique).

La figure 8 montre comment l’argile repose directement sur les terrains thanétiens, accusant un contraste lithologique très tranchée, argile sur sable. On comprend aisément que la conception de l’Yprésien ait pu légitimement naitre dans une telle configuration. On saisit aussi combien l’intercalation sporadique des faciès sparnaciens a pu engendrer de discussions quant au choix de la base de l’étage. C’est ce type de controverse que la commission internationale de stratigraphie (International Commission of Stratigraphy, ICS, www.stratigraphy.org) résorbe en supervisant, pour la base des étages, la définition de repères stratigraphiques non ambigus dans des séries aussi continues que possible. La communauté des géologues est sollicitée pour désigner et documenter un critère de limite et proposer une section de référence (GSSP)b au sein d’un groupe de travail ad hoc agissant dans le cadre d’un IGCP (International Geological Correlation Programme, UNESCO) en l’occurrence l’IGCP 308.

Au terme des travaux de l’IGCP 308 (Aubry et al., 2007), c’est l’anomalie négative de la composition isotopique du carbone δ13Cc (en ‰) liée au PETM (Paleocene-Eocene-Thermal-Maximum) qui a été choisi comme critère pour la limite Paléocène-Eocène (base de l’Yprésien). Cet épisode « hyperthermique » inaugure l’étage le plus chaud du Paléogène qui est jalonné par plusieurs autres crises thermiques jusqu’à l’optimum climatique qui le clôture. Concrètement, c’est la déviation négative du δ13C (3 à 4 ‰ pour le carbone organique) dénommée CIE (Carbone Isotopique Excursion) qui fixe le début de l’Eocène. Elle est globalement reconnue aussi bien dans les environnements marins que continentaux ce qui en fait un critère stratigraphique très efficace. Elle s’explique par un enrichissement du carbone en isotope léger δ12C des émissions cataclysmiques de gaz à effet de serre (méthane notamment), liées à la Province Ignée Nord Atlantique (NAIP), pendant la phase finale de l’ouverture de l’Atlantique Nord. Deux origines sont très probables. L’une est la pyrolyse de la matière organique des sédiments du bassin (pétrolifère) de Norvège au contact de sills intrusifs. L’autre est la décomposition des hydrates de méthane sous-marins par la baisse de pression hydrostatique induite par la surrection de la dite province. L’épisode sparnacien correspond à l’individualisation et à d’inflation des chambres magmatiques à l’origine du bombement qui affectait une surface d’un rayon de plus de mille km centré sur l’actuel point chaud de l’Islande. Celui-ci entraine la régression et les bas niveaux eustatiques sparnaciens et déclenche l’incision des chenaux, tel celui de Blairville (Fig. 4). Quant à la transgression yprésienne, elle concrétise l’effacement de l’intumescence et l’affaissement des chambres magmatiques consécutifs aux éruptions du magma. L’intensité des phénomènes volcaniques sous-marins est amplifiée par leur caractère phréato-magmatique. Les téphras à dominante basaltique violemment expulsées constituent une grande part de l’Yprésien moyen dans le bassin de la Mer du Nord et affleurent par exemple au Danemark. Leurs manifestations distales parviennent jusque dans nos régions, où elles sont notamment connues à la base de la Formation de Varengeville.

Annexe 2

Textes des cartes postales écrites des figures 5B, 6B et 7B. Les cartes postales des figures 6A et 7A, sans correspondance, portent seulement l’adresse de la même destinataire “Frau Erna Leiters, Post Neustadt, Bezirk Hannover” et ne semblent pas avoir été expédiées.

La correspondance originale est écrite en « altdeutsche Schrift », écriture Sutterlin dérivée du gothique et aujourd’hui inusitée. Décryptage et traduction par François Delporte avec le concours gracieux d’Alexander Riedl et de son père Norbert.

Fig. 5B : recto, néant ; verso, “Herrn E. Freyberg, Rothenuffeln b. Minden, Westf. (Sehr schlecht zu lessen, Kaum leserlich sogar mit Lupe). Frankreich, 10./10.14, Liebe Familie Freyberg, nun bin ich schon seit 1/10. Im Schlachtgetümmel Diese Karte schon schreibe ich aber im Schrizengraben…? Über uns brüllen die Artillerie geschosse. Das Wetter ist augenblicklich Kühl und nas. Die Kämpfe sind sehr heis. Hoffentlich siegen wir baldengütlig. Mir geht es durch Gottes Führung oder Fügung sehr gut. Viele Grüse Ihr ergebener…?” Heinrich

Monsieur E. Freyberg, Rothenuffeln, région de Minden, Westphalie. France, 10/10/14. Chère famille Freyberg, je suis au front depuis le 1/10 déjà. Je vous écris d'ailleurs cette carte depuis les tranchées (... ?). Les projectiles d'artillerie rugissent au-dessus de nos têtes. Le temps est froid et humide pour l'instant. Les combats sont particulièrement acharnés. J'espère que nous gagnerons bientôt pour de bon. Je vais très bien, grâce à Dieu. Amicalement, Votre dévoué (... ?) Heinrich

Fig. 6B : recto, néant ; verso, Herrn Eugen Wagner, Fabrikant, Kirchen//insfurt bei Tübingen. Absender/W. Feldw.Dürr 11.Inf.Reg.119, Lieber Eugen! Zum Jahreswechsel sende ich Dir und Deiner werten Familie dis besten Glückroüsche und hoffe, dass wir einader gesund wiedertreffen. Albert hat Dir jaschon Näheres geshrieben. Schreibe Dir spâter ausführlicher Mit den herzl. Grüsen Dein Fritz

Monsieur Eugen Wagner, fabricant, Kirchentellinsfurt, région de Tübingen. Expéditeur : Adjudant Dürr, 11e Compagnie du 119e régiment d'Infanterie de réserve.
Cher Eugen ! A l'occasion de cette nouvelle année, je t'envoie ainsi qu'à ta chère famille mes meilleurs voeux, en espérant que nous nous retrouverons en bonne santé. Albert t'a déjà donné des détails par écrit. Je t'enverrai une plus longue lettre ultérieurement. Avec mes plus cordiales salutations, Fritz

Fig. 7B : recto, “Sandkuhle Blairville” ; verso, “Felpost Herrn Heiner Kleinemeyer, Spradow Nr.63 Bünde Westf. Abs. Gefr.Briekmann 3/R.J.R. 55 Zur Zeit der alten Stellung 6.V.1917 Lieber Heinrich! Es ist schon langeher, dass ich dir schrieb, glaubich: doch War…? Wir habe auch allerhand Sport gemacht. Augenblicklich leigen wir in Ruhe, aber in wichtiger Ruhe! Wen nauch…? ist, aber jedenfalls kein Schützengraben ‘ding’? Mir gehts gut. Viele Grüs Dein, Walter Spannrich

Monsieur Heiner Kleinemeyer, Spradow n° 63 Bünde, Westphalie Photo : du temps de l'ancien poste, Expéditeur : Caporal Briekmann 3./ R. I. R. 55 (vraisemblablement le 3e bataillon du 55e régiment d'infanterie de réserve), 6/5/1917, Cher Heinrich ! Il y a bien longtemps que je t'ai écrit, je pense, mais (...? explication de cette absence de courrier). Nous avons également fait beaucoup de sport. Nous sommes actuellement au repos, mais un repos bien nécessaire ! Si (... ? allusion au confort de l'endroit où il se trouve), cela ne ressemble en aucun cas à une (?... sorte de) tranchée. Je vais bien. Amicalement, Walter Spannrich

Annexe 3

Tableau 2

prise de vue impression réédition datée, écrite oblitération opérations dans la sablière
Fig. 3B après 1910 – avant 1914 Combier -
Fig. 5B Avant 1914 Ledieu -
Fig. 5A
Ledieu-Longuet post 1915
invasion, Allemands à Arras, le 31/08/14
bataille d’Arras, 4-6 /10/ 1914, à Blairville - Ficheux
Fig. 5B 10/10/1914 11/10/1914 occupation de la sablière avérée
Fig. 6A fin 1914- début 1915 Fig. 6A - - début du creusement des tunnels
Fig. 6B avant le 27/12/1915 Fig. 6B - 27/12/1915 souterrains en fonction
offensive Artois-Champagne, 25/09/1915
Fig. 7A 1915-1916 ? Fig. 7A 28/06/1916 - groupe devant le tunnel Basse-Saxe
Fig. 7B avant repli Alberich de 1917 Fig. 7B 06/05/1917 07/05/1917 état avant repli
repli Alberich, 03/1917

Interprétation chronologique des photos des cartes postales (en bleu, françaises ; en jaune, allemandes) et commentaires.
 
Une observation critique des CPA permet de les situer chronologiquement. On porte attention, aux dates des correspondances et des oblitérations lorsque les CPA ont voyagé, à la présence d’un visa (en France, le visa militaire sur les cartes postales est instauré à partir de 1915), à la teneur du titre et, avec précaution, aux mentions manuscrites et autres indications au recto et au verso. Les clichés destinés à la correspondance avec l’Allemagne impliquent une prise de vue promptement suivie d’un développement sur site. D’ailleurs, les cartes allemandes sont des tirages photographiques, non pas imprimés par phototypie comme c’est le cas des autres. Les cartes peuvent ne pas avoir été envoyées, ni expédiées immédiatement après écriture et/ou porter des oblitérations postérieures. Les CPA françaises documentent le site dans un état antérieur à l’invasion. Celui-ci n’étant plus accessible, des clichés originaux ont été réédités au cours du conflit (Fig. 5A). La CPA de la figure 5B a été acquise et expédiée au début de l’occupation de la sablière, investie probablement avant que les photographies allemandes ne soient disponibles. Celle de la figure 6A n’est pas datée. On y voit le début du creusement des tunnels dans l’angle nord de la sablière vraisemblablement entre la fin de l914 et le début de 1915, période coïncidant avec le calme relatif du front (Laurentin, 1956). La figure 6B-6C avec les aménagements achevés, porte une date de peu postérieure à l’offensive Artois-Champagne. Il très probable qu’elle soit bien antérieure, les installations allemandes ayant montré leur efficacité à ce moment-là. La carte de la figure 7A, adresse écrite, non expédiée est daté au recto. Elle détaille l’entrée du tunnel Basse-Saxe dont sortent les rails d’une voie étroite. Très posée, elle ressemble à une photo souvenir. La carte double de la figue 7B, écrite et oblitérée postérieurement au repli Alberich, comprend deux vues complémentaires des installations avant leur destruction. Apparaissent, sur la vue du haut, à droite les décombres du château et à gauche, l’aiguillage qui met en communication le bois et le tunnel Basse-Saxe (Fig. 7A). Sur la vue du bas, les effets des tirs d’artillerie, arbres déchiquetés et cassés forment le décor des installations encore occupées mais endommagées et recouvertes par des éboulements du talus. Les silhouettes de quelques occupants sont visibles. On note la blancheur des déblais des tunnels qui rappelle leur nature en partie crayeuse, mais qui ne peut expliquer la blancheur du sol, surtout sur le cliché du haut, interprétée comme de la neige.
 
Chronologic interpretation of the ancient postcards (French in blue; German in yellow) and comments.
 
A critical scrutinization of the ancient postcards allows to classify them chronologically. One pays attention, at the dates of the correspondences and of the obliterations when the cards have travelled, at the presence of a visa (in France, a military visa on the postcards was instituted in 1915), at the title content and with caution, to the written mentions and any front and back indications. The pictures dedicated to the correspondence with the Germany imply a shooting quickly followed by a processing on the spot. So, the German postcards are photographic prints, non-printed by collotype as for the others. The cards may have been not sent, nor mailed immediately after writing and/or bearing later obliteration. The French postcards document the conditions of the site before the invasion. When the site became inaccessible during the wartime, original pictures were reprinted (Fig. 5A). The postcard of the figure 5B was bought and sent soon after the beginning of the sand pit occupation before the German photographs were available. The postcard of the figure 6A is not dated. It shows the first steps of the digging of the tunnels in the north angle of the sand quarry between the end of l914 and the early 1915, the time interval coinciding with the relative quietness of the front (Laurentin, 1956). The figure 6B-6C of the completed installations, bears a date slightly postdating the Artois-Champagne attack. It is probable that it was much older, the German entrenchment having already demonstrated its efficiency. The postcard of the figure 7A, address written but not sent, is dated on the front. It details the entry of the Basse-Saxe tunnel from which come out a narrow-gauge rail trail. This is a very posed picture resembling a souvenir photo. The double card of the figure 7B, written and obliterated after the Alberich retreat, gives two complementary views of the entrenchment before their destroying. At the top of the picture, to the right, appear the rubble of the castle, and on the left, the switch that connects the wood and the Basse-Saxe tunnel is visible (Fig.7A). On the bottom view, the effects of artillery fire, jagged and broken trees, prevail in the scenery of the installations still occupied but damaged and covered by the crumbling of the slopes. Silhouettes of some occupants are discernible. The whiteness of the tunnel dumps reminds their partially chalky origin, but cannot explain the pallor of the ground, especially on the top photo, interpreted as snow.

Notes

1 On doit à Jean Combier, photographe et imprimeur, la couverture photographique de 90 % des villages de France à partir de 1910, laquelle servit à produire d’innombrables cartes postales (Combier, 1905, page 138). Retour au texte

2 Edition des carnets de guerre de Maurice Laurentin revus par Ménie Grégoire, sa fille. Ce dessin poignant figure aussi dans les JMO du 268e RI (Ministère des Armées). Retour au texte

3 D.A. Longuet, imprimeur de photo, 250, Faubourg Saint-Martin, Paris. Retour au texte

4 Elle n’est pas reproduite ici, de toute façon redondante. Retour au texte

a L’intervalle de temps déduit des âges portés sur la figure 4 donne la durée probable de l’épisode sparnacien. L’âge de ~56 Ma du PETM (CIE) est bien connu grâce à un calibrage astronomique et à des datations radiométriques de volcanites de la NAIP. L’âge du début de l’Yprésien moyen obtenu sur la glauconie de la base de la Formation de Varengeville (Argile des Craquelins), en dépit de sa bonne qualité, est probablement trop jeune. 54,8 Ma est l’âge maximal compte tenu de la marge d’erreur des mesures. On sait par ailleurs que le PETM dure environ 200 000 ans, durée qui ne couvre pas tout l’intervalle sparnacien. En effet, les travaux en cours montrent l’existence consécutive d’autres crises thermiques plus haut dans l’épisode sparnacien (Garel et al., 2020). Retour au texte

b Dans le cas de la limite Paléocène-Eocène, le GSSP a été choisi dans la carrière de Dababiya en Haute-Egypte, à 40 km au sud de Louxor (Dupuis et al., 2003). Retour au texte

c δ13C=(13C/12C)éch. – (13C/12C)std./ (13C/12C)std.× 1000, avec éch., pour l’échantillon mesuré et std., pour le standard (Pee Dee Belemnite). L’abondance naturelle des deux isotopes est de 98,89 % pour 12C et 1,11 % pour 13C. Retour au texte

Illustrations

  • Figure 1

    Figure 1

    Le site de Blairville dans le sud du saillant d’Arras entre 1914 et 1918. Schéma des étapes significatives, d’après la carte de la fig. 121, p. 141 in Bergerat et al., 2018, Opération Alberich, German retirements (Somme, January-March 1917) Wikipédia, consulté le 05/04/2021, le croquis du secteur de Rivière, p. 269 in Eggenspieler, 1932.
     
    The site of Blairville in the southern part of the Arras salient between 1914 and 1918. Sketch of the significant steps, after the map of the fig.121, p.141 in Bergerat et al., 2018, Opération Alberich, German retirements (Somme, January-March 1917) Wikipédia, consulted the 05/04/2021, the sketch of the Rivière sector, p. 269 in Eggenspieler, 1932.

  • Figure 2

    Figure 2

    Carte et photo aérienne du front à hauteur du Bois de Blairville en septembre 1915. A, carte des lignes alliées et allemandes, s’appuyant respectivement sur le Bois des Martinets en haut à gauche et sur le Bois de Blairville dont on voit la sablière, au centre. B, photo aérienne du site datée du 13 septembre, visualisant l’état des tranchées de part et d’autre. Le nord est orienté à environ 45° vers l’angle en haut et à gauche de la figure. C, château ; S : sentier ; T1, T2 : tranchée reliées à la sablière. Source : site « Mémoire des Hommes », JMO du 268e RI, 26 N 733/2, pages du 25 septembre 1915.
     
    Map and aerial view of the front near the Bois de Blairville in September 1915. A, map of the Allied and German positions, respectively supported on the Bois des Martinets, left upper high, and on the Bois de Blairville in the centre of which the sand pit is visible. B, aerial photograph of the site dated 13 September, showing the conditions of the trenches on both sides. The North is oriented at about 45° towards the left high angle of the picture. C, castle; S : pathway; T1, T2 : trenches linked to the sand pit. Source : site « Mémoire des Hommes », JMO du 268èmeRI, 26 N 733/2, 25 September 1915 pages.

  • Figure 3

    Figure 3

    La sablière de Blairville. A, coupe de la sablière reprise de Dehay, 1936, Annales de la Société Géologique du Nord, t. LXI, p. 236, légende : a=craie sénonienne ravinée, b=sable landénien fluviatile à stratifications entrecroisées (épaisseur : 8 mètres), c=croûte de grès ferrugineux au contact du sable et de l’argile, d1=base ferrugineuse de l’argile plastique (1m environ), d2=argile noire schisteuse, ligniteuse au sommet 2m, e= alternance de couches de sables et de lits d’argile plastique gris-bleutée ; B, Vue de la sablière avant la guerre entre 1910 et 1915, CPA Combier Macon (Tous droits réservés). Au dernier plan vers le NO, les camions indiquent la base du sable, à l’avant plan à droite, affleurent 3 à 4 mètres d’argiles sparnaciennes ployées en fond de bateau par le soutirage karstique. C, Profil de quelque 3,5 m de haut, orienté sensiblement NS observé en 2020 dans la partie NE du bois. La structure du sable à stratifications entrecroisées suggère une sédimentation instable avec une forte hétérométrie de la charge. L’alternance sable-argile résulte de crues brutales suivies de périodes de décantation d’une eau très turbide. Le prisme à droite du cliché s’interprète comme une barre de méandre recouverte en onlap par l’aggradation de la séquence postérieure à gauche. Les teintes brunes à rousses et les bandes d’illuviation marquent les effets de l’altération quaternaire. Les festons verticaux sont des artéfacts dus aux coups de pelle. (cliché C. Dupuis).
     
    The Blairville sand pit. A, section of the sand pit from Dehay, 1936, Annales de la Société Géologique du Nord, t. LXI, p. 236, legend : a= eroded Senonian chalk, b= Landenian fluviatile cross bedded sand (thickness : 8 meters), c= ferruginous sandstone crust at the sand-clay junction, d1= ferruginous base of the plastic clay (about 1 m), d2= shaly black clay, with lignite on top 2 m, e= alternation of sand beds and blue-grey plastic clay layers; B, view of the sand pit before the war between 1910 and 1915, Ancient Postcard from Combier, Macon (All rights reserved). Northwestwards, on the background, the trucks suggest the lower part of the sand, on the right, crop out 3 or 4 meters of Sparnacian clay slightly warped because of a karstic subsidence. C, an approximately NS trending ~3,5 m high profile, observed in 2020 in the NE part of the wood. The cross bedded structure of the sand suggests an instable sedimentation with a strongly heterometric load. The sand-clay alternation is the result of sudden floods followed by decantation intervals of highly turbid waters. The prism on the right of the picture may be interpreted as a point bar onlapped by the aggradation of the successive sequence on the left. Brown and reddish colors and illuvial bands evidence the effects of the Quaternary weathering. The vertical festoons are artifacts produced by the mechanical shovel.(photo C. Dupuis).

  • Figure 4

    Figure 4

    Le chenal de Blairville dans le contexte paléogéographique de l’Eocène inférieur des bassins de Paris, Dieppe, Londres et belge. Autres occurrences de chenaux initiaux des faciès sparnaciens connus, localités significatives et principales structures héritées actives pendant le Paléogène, axes de l’Artois, du Bray et du Brabant (Bibliographie dans le texte). La gouttière Hoegarden-Leval cerne les nombreux sites à faciès sparnacien fluviatile où l’influence marine est très faible à nulle (dinoflagellés sporadiques) et dépourvus de la faune malacologique laguno-marine présente dans les Sables et Argiles à Ostracodes et Mollusques (SAOM), les Argiles et Lignites du Soissonnais et les Fausses Glaises (C. Dupuis).
     
    The channel of Blairville in the paleogeographic context of the lower Eocene of the Paris, Dieppe, London et Belgian basins.Otherknown initial Sparnacian channel occurrences, significant localities and main inherited structures active during the Paleogene, Artois, Bray and Brabant axes (Bibliography in text). The Hoegarden-Leval gutter encompasses the numerous occurrences of Sparnacian fluviatile facies in which the marine influence is very weak or inexistent (dinocysts sporadic) and devoid of the laguno-marine malacological fauna known in the Sables et Argiles à Ostracodes et Mollusques (SAOM), the Argiles et Lignites du Soissonnais and the Fausses Glaises (C. Dupuis).

  • Figure 5

    Figure 5

    La sablière avant le conflit. A, vue vers le NE du château qui sera occupée par les Allemands, réimpression avant 1916 d’une prise de vue très antérieure (tableau 2). B, aperçu de la sablière vers le NE, entre l’aile gauche du château et la maison de bois pointée sur la figure 5A. (Tous droits réservés).
     
    The sand pit before the war. A, towards the NE view of the castle that will be occupied by the Germans, ante 1916 reprint of a very earlier shooting (tableau 2). B, northeastwards glimpse of the sand pit, between the left aisle of the castle and the wooden house pointed on the figure 5A. (All rights reserved).

  • Figure 6

    Figure 6

    Le creusement des souterrains dans les talus de la sablière. A, vue de l’angle NO de la sablière au début du creusement des souterrains. A droite, le futur tunnel Basse-Saxe est le seul visible. Un abri couvert de sacs de sable est ébauché entre les deux talus de déblais. Au-dessus, à droite, le versant est en cours de terrassement. B, progrès des aménagements du même secteur de la carrière vers 1915 (tableau 2). Le plus grand développement des déblais donne une idée de l’ampleur des creusements. Ils sont constitués de blocs de craie, ce qui indique que le fonçage des souterrains a atteint l’encaissant crayeux du chenal. C, agrandissement de la partie centrale de B montrant (1) l’entrée du tunnel Basse-Saxe, (2) l’encadrement de l’entrée du petit souterrain et (3) le « kiosque ». Les deux derniers édicules sont disposés sur la terrasse surélevée qui surmonte l’abri entre les deux déblais et d’où partent l’escalier et les cheminements vers le bois, suggérant la présence d’un cantonnement à ce niveau. (Tous droits réservés).
     
    The subterranean workings in the slopes of the sand pit. A, view of the NW angle of the quarry at thebeginningof the tunnel digging. On the right, the Basse-Saxe tunnel is the only visible.A shelter covered with bags of sand is in course of building between the two slopes of dumps. Above, on the right, the slope of quarry is being floored. B, progress of the installations of the same sector of the quarry around 1915 (table 2). The larger extension of the dumps gives an idea of the magnitude of the diggings. They appear composed of chalk debris indicating that the sinking of the underground excavations have reached the channel wall. C, close up of the middle part of B showing (1) the entry of the Basse-Saxe tunnel, (2) the doorway of the small tunnel and (3) the « kiosk ». The last two small edifices are lying on the elevated terrace that overlies the shelter between the two dump slopes and from which depart the stairs and the pathways up to the wood, both suggesting that quarterings existed at that level (All rights reserved).

  • Figure 7

    Figure 7

    Aspects du retranchement allemand. A, vue rapprochée de l’entrée du tunnel Basse-Saxe, de la terrasse de l’escalier et des marches taillés dans le sable. Le petit souterrain est à peine visible à gauche au bas de l’escalier. On note la voie de chemin de fer étroite qui sort du tunnel. B, deux vues des retranchements le long du chemin de Blairville. Cliché du haut, entrée de la sablière à hauteur de l’aiguillage qui dérive la voie venant du tunnel Basse-Saxe vers le bois par le sentier S des figures 2A et 2B. A l’arrière-plan derrière l’arbre, le terreplein avec les ruines du château. Cliché du bas, vue des installations délabrées et partiellement enfouies dans les effondrements des talus. On reconnait néanmoins le kiosque et le tunnel Basse-Saxe. Départ de la tranchée T1 (Fig. 2B) à l’arrière des baraquements à gauche. Voir commentaires dans le texte. (Tous droits réservés).
     
    Aspects of the German entrenchment. A, closer view of the entry of the Basse-Saxe tunnel, of the terrace, the stairs and the steps carved in the sand. On the left, the small tunnel is barely visible at the bottom of the stairs. Note the narrow railway track coming out the tunnel. B, two views of the entrenchment along the way to Blairville. Upper picture, sand pit entrance around the switch that derived the railway track coming from the Basse-Saxe tunnel to the wood by the trail S of the figures 2A et 2B. On the background, behind the tree, the embankment with the castle ruins. Lower picture, view of the decayed installations partially buried below the collapse of the slopes. The ‘kiosk’ and the Basse-Saxe tunnel are nevertheless recognizable. Starting point of the T1 trench (Fig. 2B) behind the barracks on the left.Comments in the text. (All rights reserved).

Citer cet article

Référence papier

Christian Dupuis, « Une sablière dans la grande guerre à Blairville (Sparnacien, Paléocène-Eocène) sur le sud du saillant d’Arras », Annales de la Société Géologique du Nord, 29 | 2022, 29-46.

Référence électronique

Christian Dupuis, « Une sablière dans la grande guerre à Blairville (Sparnacien, Paléocène-Eocène) sur le sud du saillant d’Arras », Annales de la Société Géologique du Nord [En ligne], 29 | 2022, mis en ligne le 01 décembre 2022, consulté le 14 mai 2024. URL : http://www.peren-revues.fr/annales-sgn/1893

Auteur

Christian Dupuis

Géologie fondamentale et appliquée, Faculté Polytechnique, Université de Mons, 9 rue de Houdain, 7000 Mons, Belgique, christian.dupuis@umons.ac.be

Droits d'auteur

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