La cathédrale d'Amiens : ses matériaux, sa construction

  • The Amiens cathedral: its materials, its construction

DOI : 10.54563/asgn.462

p. 47-57

Résumés

La cathédrale d’Amiens est un édifice homogène représentatif de l’architecture gothique à son apogée. Cet article décrit les matériaux avec lesquels elle a été bâtie, leur origine géologique, la mise en œuvre du monument et sa signification symbolique, ici particulièrement claire.

The Amiens cathedral is a homogeneous building representative of Gothic architecture at its height. This paper describes the materials with which it was built, their geological origin, the implementation of the monument and its symbolic significance, particularly clear here.

Plan

Texte

I. – Introduction

La cathédrale d’Amiens a été construite pour l’essentiel de 1220 (pose de la première pierre) à 1288 (pose du pavage du labyrinthe). Les travaux des fondations ont été commencés après 1215. L’édifice est situé dans l’angle nord-est du castrum romain, sa façade étant exactement dans l’axe du tracé d’une importante voie romaine. Plusieurs églises l’ont précédé, dont une cathédrale romane, construite à partir de 1137, qui aurait été détruite par un incendie en 1218, date assez douteuse car elle laisserait bien peu de temps à la réalisation des importantes fondations de l’édifice gothique que nous connaissons. Aucune fouille archéologique, aucun sondage récents n’ont été effectués sur l’emprise de la cathédrale, les sources écrites du chantier, les livres de compte de la fabrique, ont été détruits par un incendie en 1258. Les seuls fragments conservés datent du milieu du XIVe siècle et d’à partir de la fin du XVe siècle (Durant, 1901-1903).

Depuis 1206, la cathédrale romane abritait le chef de St Jean-Baptiste, ramené par le croisé Wallon de Sarton, chanoine de Picquigny (une commune dont nous reparlerons), qui s’était procuré cette tête lors du sac de Constantinople (1204). L’initiative de la construction a certainement été prise pour honorer cette relique insigne et donner à Amiens une cathédrale digne de celles de Laon, Paris, Soissons, Chartres ou Reims (en construction) : elle revient à l’évêque Evrard de Fouilloy (1145-1222). Ce prélat avait participé au concile de Latran (1215), où il avait rencontré ses collègues bâtisseurs de cathédrales dans le style nouveau ; il était aussi allé se recueillir en 1219 sur les tombes d’Abélard et d’Héloïse au monastère du Paraclet, dont Héloïse avait été l’abbesse-fondatrice. Nous verrons l’importance de cette démarche, Abélard étant le fondateur de la « disputatio », qui structure la conception de l’art gothique. Les sources de financement devaient être importantes : elles provenaient de l’évêque, de son « chapitre cathédral », dont la mission était de trouver ces ressources, de superviser les travaux et d’assurer l’entretien, mission déléguée à la « fabrique », dirigée par un chanoine. La richesse d’Amiens, tirée de la guède (plante cultivée localement pour la production d’une teinture bleue extraite des feuilles), l’importance des dons provenant de quêtes effectuées lors de l’exhibition des reliques conservées à Amiens (celles de Saint Firmin le martyr, de Saint Firmin le confesseur, auxquels était dédiés la cathédrale romane, ainsi que le chef du Baptiste) : elles étaient transportées en processions alentours ; la générosité des pèlerins et de nobles donateurs peuvent aussi expliquer la rapidité de la construction.

Les architectes de l’édifice furent Robert de Luzarches (1160-1228), à qui on doit la conception générale, à son élève Thomas de Cormont puis au fils de celui-ci, Renaud de Cormont (les deux entre 1228 et 1288). Les cathédrales gothiques marquent la réémergence après l’Antiquité de l’importance de l’architecte, qui conçoit l’ensemble de l’édifice, tant matériellement que structurellement et symboliquement, dirige les maîtres d’œuvre qu’il organise en vastes entreprises ayant recours à du salariat (les constructions romanes étaient des réalisations collectives dans lesquelles les maçons et l’artisanat jouaient un rôle premier). Ces architectes possèdent, nous le verrons, une double formation, pratique et théorique, celle-ci étant donnée au sein de la faculté des Arts par la méthode de la « disputatio ». Bien que la totalité de l’édifice (emplacement, fondations, matériaux de constructions, acheminements, réalisations des machines de chantier, élévation, etc.) ait été conçue avant toute mise en œuvre, nous nous limiterons à envisager successivement les points suivants : les matériaux de construction (en excluant le bois, pourtant essentiel, puisqu’il intervient pour la confection des machines de chantiers, les échafaudages, les cintres, la charpente, les transports et comme source d’énergie pour fabriquer la chaux, les verres, les parties métalliques), la mise en œuvre et la symbolique de l’édifice.

II. – Les matériaux

1) Les pierres du gros œuvre

Deux types de pierre représentent l’essentiel des matériaux du gros œuvre : la craie et le grès quartzeux. Sur la carte ci-dessous (Fig. 1) sont indiqués les sites d’extraction de la craie, en vert et ceux des grès en rouge. Ils sont tous proches, dans un rayon de moins de 12 km.

Figure 1

Figure 1

Carte des sites de prélèvement des pierres du gros-œuvre. En vert : craie, en rouge : grès. Fond de carte : https://www.viamichelin.fr.
 
Map of the stone quarrying sites of the main work. In green: chalk, in red: sandstone. Map background: https://www.viamichelin.fr

1-1) La craie

Les lieux d’extraction de la craie sont multiples : environs d’Amiens, région de Croissy-sur-Celle (Croissy, Fontaine-Bonneleau, Doméliers) au sud, secteur de Picquigny à l’ouest, aval de Bray-sur-Somme à l’est. La craie des environs d’Amiens est essentiellement utilisée sous formes de moellons dans les fondations et les remplissages des voûtes. La pierre « noble » des origines, de 1220 à 1234, est celle de la région de Croissy-sur-Celle (Fig. 2). Le chapitre d’Amiens était alors seigneur de celle-ci. Cette craie, d’âge coniacien inférieur, présente à sa base des niveaux indurés sur plus de 10 mètres, avec de gros bancs de craie gris blanchâtre à gris jaunâtre, parfois dolomitiques. On y observe quelques lits décimétriques à rognons durs, jaunâtres ou ocre. Les silex noirs, noduleux ou tuberculés, sont plus nombreux que dans la craie turonienne (d'après la notice de la carte géologique au 1/50.000, feuille Moreuil).

Figure 2

Figure 2

Localisation des carrières d’extraction initiales de la craie (Extrait des cartes géologiques à 1/50.000 de Poix, Moreuil, St Just en Chaussée et Crévecoeur-le-Grand).
 
Location of the initial chalk extraction quarries (Extract from the 1/50,000 geological maps of Poix, Moreuil, St Just en Chaussée and Crévecoeur-le-Grand).

Figure 3

Figure 3

La craie de Piquigny, moins appréciée des constructeurs, a été utilisée à partir de 1234 pour des raisons de proximité et de transport (Extrait des cartes géologiques à 1/50.000 d'Amiens et Hallencourt).
 
The Piquigny chalk, less appreciated by manufacturers, was used from 1234 onwards for reasons of proximity and transport (Extract from the 1/50.000 geological map of Amiens and Hallencourt).

La craie du secteur de Picquigny apporte sa contribution à la cathédrale lorsque, en 1234, le chapitre d’Amiens négocie avec le chapitre de Picquigny le droit d’extraire de la pierre en rive droite de la Somme et de l’acheminer tant par terre que par eau (Fig. 3). La position géologique de cette craie est identique à celle de Croissy. Bien que la pierre ait été moins estimée par les constructeurs, le site présentait le gros avantage d’être plus proche et plus accessible. Enfin, la craie de Sailly-Laurette et d'Etinehem n’a apporté qu’une faible contribution dans les parties supérieures de l’édifice. Celle-ci est différente de celle des secteurs de Croissy et de Picquigny puisque rapportée au Coniacien supérieur (Fig. 4).

Figure 4

Figure 4

Carrières de Sailly-Lorette, utilisées pour les parties supérieures de la cathédrale (Extrait de la carte géologique à 1/50.000 d'Albert).
 
Sailly-Lorette quarries, used for the upper parts of the cathedral (Extract from the 1/50.000 geological map of Albert).

Les pierres étaient taillées dans les carrières : les « francs-bancs » étaient utilisés pour les sculptures et dégrossis sur place ; les pierres destinées aux claveaux et aux piliers étaient taillées selon des gabarits. Cette standardisation générait des gains de temps et de coût (voir infra). On peut remarquer que tous les sites d’extraction de craie se trouvent dans les vallées de la Somme ou de la Selle qui ont permis d’atteindre la base du Coniacien et/ou permettait un transport par voie d’eau. Lors des travaux de rénovation menés au cours du XIXe siècle par Viollet-le-Duc, certains éléments en élévation et sculptures ont été réalisés en calcaire lutétien. Des restaurations ponctuelles récentes ont fait appel à des calcaires de Charente et de Vienne.

1-2) Le grès

Le grès n’est utilisé qu’au niveau des fondations et des soubassements du fait de sa très grande dureté (résistance aux chocs et à l’abrasion) et de son imperméabilité. Deux régions ont contribué à l’approvisionnement de la cathédrale : celle de Rainneville (communes de Rainneville, Molliens au Bois, Pierregot) au nord et celle de Vignacourt au nord-ouest (Fig. 5).

Figure 5A

Figure 5A

Figure 5B

Figure 5B

Carrières d’extraction du grès (Extrait des cartes géologiques à 1/50.000 d'Amiens et Hallencourt).
 
Sandstone quarries (Extract from the 1/50.000 geological map of Amiens and Hallencourt)

« Le grès est de couleur claire, fin, quartzeux, assez bien cimenté par de la silice. Les blocs, épais de quelques décimètres à 1 mètre au plus, à patine beige ou brun rougeâtre, montrent parfois une face mamelonnée qui correspond à la base du banc, au contact du sable non grésifié : exceptionnellement cet aspect mamelonné s'étend à tout le pourtour d'un bloc ; il peut s'agir en ce cas d'une lentille gréseuse formée au sein des sables. L'âge de ces grès est probablement thanétien supérieur, par analogie de faciès avec des grès similaires datés sur la feuille Clermont. D'après Buteux (1865), un grès provenant sans doute de Vignacourt, mais trouvé par des paveurs à Abbeville, a fourni une empreinte de palmier voisin de Chamaerops humilis. L. Delambre (1904) signale également la découverte d'une empreinte de Laurus degener sur un grès, à Montières. » (D’après la notice de la carte géologique au 1/50.000, feuille Amiens). Ces grès se rencontrent au niveau des affleurements notés Rs sur la carte géologique et sont considérés comme des éléments résiduels issus du démantèlement des formations thanétiennes.

1-3) Sous-produits de l’extraction de la craie

Les déchets d’extraction de la craie ont fourni la base de la fabrication de chaux vive. Celle-ci était produite près des carrières, puis transportée sur le site de construction (gain en poids, pas de transport de bois de chauffage, etc.). Mélangée sur le site de la cathédrale à l’eau et au sable (provenant du secteur de Villers-Bocage ?), cette chaux participe au mortier disposé entre les pierres de taille ; elle est aussi utilisée dans les massifs de blocage et le béton de fondation. Les rognons de silex sont, eux aussi, utilisés dans les massifs de blocage des fondations.

2) Les fondations de la cathédrale

2-1) Géologie 

Un forage d’eau réalisé au XIXe siècle tout près de la cathédrale a rencontré de haut en bas : 2,8 m de remblais ; de 2,8 m à 6,1 m des alluvions contenant des travertins et des tourbes ; de 6,1 m à 7,5 m des alluvions marneuses grises, vaseuses ; de 7,5 m à 10,4 m de la marne à silex qui représente la tête de la craie. Le niveau statique de l’eau s’établit à 1,15 m de profondeur

2-2) Technique de fondation

Une étude des techniques de fondation des grands bâtiments de Picardie (Bernard, 1975) a montré qu’au XIe siècle, les murs étaient fondés sur des massifs en forme de trapèze constitués de blocages liés au mortier. Au XIIe siècle, apparaît la fondation en gradins qui génère une augmentation de la surface d’appui et donc une diminution des pressions au sol. Ils sont alors simplement constitués de moellons et de blocage sans parement. Au XIIIe siècle, les fondations deviennent absolument impressionnantes. A Amiens, les fondations en gradins descendent jusqu’à 7 à 9 m de profondeur. Elles sont constituées d’un blocage de moellons et silex entouré de pierres de parement. On pourrait dire que la cathédrale d’Amiens est une des plus hautes et des plus profondes…

a) Fondations périphériques

Un sondage réalisé lors des restaurations du XIXe siècle (Viollet-le-Duc) à l’extérieur du bâtiment a découvert les fondations sur une profondeur de 9 m. Le noyau de la fondation est composé de moellons et de silex noyés dans du mortier. Le lit de terre à briques pourrait être de l’argile utilisée pour étanchéifier le fond de fouille. Le décalage entre chaque assise étant d’environ 15 cm, l’empattement total est de l’ordre de 2,5 m (Fig. 6).

b) Fondations internes

Le même type de fondation, en gradins et avec pierres de parement a été utilisé pour assoir les piliers intérieurs. Des murs à section pyramidale hauts d’environ 5 m qui s’appuient sur un épais (3 m) massif de blocage ont été disposés tant longitudinalement que transversalement dessinant ainsi un treillis dont les intersections correspondent aux piliers principaux (Fig. 7-8). On remarquera que la profondeur (7 à 9 m selon la déclivité du terrain) à laquelle les fondations ont été descendues correspond à peu près à celle du toit de la craie trouvée dans le forage cité précédemment. Il est donc très probable que l’architecte avait souhaité s’affranchir de la mauvaise portance des alluvions et de la compressibilité des tourbes en allant appuyer les fondations sur la tête de la craie.

Figure 6

Figure 6

Fondations extérieures selon un sondage commandé par Viollet-le-Duc en 1853.
 
Outside foundations according to a survey commissioned by Viollet-le-Duc in 1853.

Figure 7

Figure 7

Plan et coupe des fondations du chœur dressés par Henri Wagon d’après Durand (1901-1903).
 
Drawing and section of the foundations of the choir as established by Henri Wagon after Durand (1901-1903).

Figure 8

Figure 8

Assemblage de deux coupes extraites de la monographie de Durand (1901-1903).
 
Assembly of two sections from Durand’s (1901-1903) monograph.

2-3) Réalisation des travaux

Le volume de matériaux excavés a dû être d’environ 55.000 m3 dont une grande majorité se trouvait sous le niveau de la nappe d’eau. Les techniques utilisées à l’époque ont dû être le batardeau et la pompe constituée d’un bac manœuvré par un système de bras en balancier avec contrepoids. Les batardeaux ont dû être multiples, constitués de pièces de bois probablement étanchéifiées avec de l’argile. Ces batardeaux en bois sont probablement à l’origine de la légende tenace selon laquelle la cathédrale est fondée sur pilotis.

3) Les dallages

Le dallage intérieur a été refait à plusieurs reprises. Il aurait été réalisé à l’origine en carreaux de pierre de Senlis (calcaire lutétien) et en pierre noire (calcaire carbonifère) de Belgique. Des réfections et remplacements ont été effectués au cours des XVIIe, XVIIIe et début XIXe siècles. En 1894, une dernière réfection rétablit le dessin original ainsi que le labyrinthe qui avait été détruit en 1827. Les carreaux blancs sont en marbre Lunel d’Hydrequent et les carreaux noirs en marbre de Basècles (entre Tournai et Mons), tous deux d’âge viséen (Moliniacien).

Au XVIIIe siècle (1768), l’évêque du moment décida d’embellir le chœur selon le style de l’époque : le baroque, et il utilisa pour ce faire de nombreuses variétés de marbre qui servirent à la réalisation de mobiliers sculptés, de garnitures des pieds de colonnes, tablettes, etc… et fit refaire le dallage. Au niveau des stalles, ont été utilisés des marbres blancs et noirs ainsi que du marbre rouge de Rancé largement exploité dans les Ardennes belges (Frasnien). Au niveau du sanctuaire (autel principal), ont été utilisés : du marbre blanc – de la brèche dite d’Alep (ou encore brèche d’Aix) qui est une brèche de pente jaune et violette d’âge Crétacé supérieur, témoin de la surrection de la Montagne Ste Victoire – du marbre Portor, une brèche noire à veines jaunes de St Maximin la Sainte Baume (toujours Crétacé supérieur) – du marbre rouge du Languedoc, extrait vers Caune-Minervois dans l’Aude, du même type et à peu près du même âge que le marbre de Rancé. Le parvis a été refait en 1864-1865 en « petit granit » encore dit marbre d’Ecaussinnes au NE de Mons. C’est un calcaire crinoïdique daté du Tournaisien.

4) Les toitures

La nature de la couverture d’origine n’apparaît pas clairement dans les ouvrages consultés. Une première flèche fut bâtie après 1305 à la croisée du transept. Elle était réalisée en charpente de bois couverte de plomb et d’ardoises. Elle fut frappée par la foudre et brûla le 15 juillet 1528. L’incendie fut éteint par les habitants puis par une pluie d’orage, après que charpentiers et couvreurs se soient employés à isoler la flèche de la charpente du grand comble en découvrant celle-ci de ses ardoises sur 5 m et en sciant ses bois dans cet espace (Duvanel, 2012, p. 167-168). La nef était donc alors couverte d’ardoises. En 1357-1358, il a été payé 22.540 tuiles et « fêtissures » ainsi que 69 jours de couvreurs de tuiles mais aussi neuf jours de couvreur en ardoises (mais était-ce pour la cathédrale elle-même ?). Différents artisans sont attachés au service du chapitre : maçons, plombiers, couvreurs de tuiles, couvreurs d’ardoises, « couvreurs d’herbes » (chaumes)… En 1588, est attesté l’approvisionnement annuel de tuiles et d’ardoises. Est-ce à dire que les deux types de matériaux étaient en place, par exemple les ardoises pour le comble principal et les tuiles pour les bas-côtés ? Ou les ardoises sont pour la cathédrale et les tuiles pour d’autres bâtiments ?

A la fin du XVIIe siècle - début du XVIIIe siècle toute la couverture semble être en ardoises. En 1778-1779, il est procédé à l’achat de 3.076 ardoises pour le renouvellement de la couverture du grand comble « que le chapitre a fait venir de fort loin » (Archives de la Somme, Chapit. d’Amiens, Arm I, 1, 62bis. Compte de 1778-79 in Durand, 1901). Mais le lieu d’origine n’est pas précisé. En 1806, il est attesté que la couverture est en ardoises avec quelques lacunes en tuiles. Plusieurs campagnes récentes ont amené au renouvellement des ardoises. La commune de Labassère, près de Bagnères-de-Bigorre (Hautes Pyrénées) signale que les carrières de la commune, dont l’époque de plus forte activité se situe entre 1850 et 1910 (époque de Viollet-le-Duc), auraient participé à la réfection de la cathédrale. Ces ardoises sont extraites des flyschs noirs de la zone nord-pyrénéenne (Albien moyen à Cénomanien moyen). La dernière campagne (2014-2017) a concerné la couverture du bas-côté sud de la nef et a utilisé 13.800 ardoises violines provenant des carrières de Penrhyn près de Bethesda au Pays-de-Galles. Elles sont datées du Cambrien et leur schistosité sur place est subverticale.

5) Les vitraux

Autre élément issu du minéral, les vitraux connaissent une période faste en même temps que l’art gothique gagne en puissance. Les vitraux d’origine étaient déjà fortement dégradés en 1806 et de nombreuses parties avaient été remplacées par du verre ordinaire. Ces vitraux ont été démontés lors du conflit de 1914-1918 et une partie détruite lors d’un incendie chez un artisan parisien. Aujourd’hui, il n'y a plus que le vitrail axial de l'abside à posséder encore une verrière du milieu du XIIIe siècle (1269). La technique de fabrication du verre au 13e siècle était celle du verre potassique obtenu à partir d’un mélange de sable marin, de cendres et d’un pigment porté à fusion. Cette époque marque l’avènement du bleu qui était alors produit le plus souvent à partir de smaltite (arséniure naturel de Co, Ni et Fe) et dont la source la plus proche se trouvait en Saxe. Ce minéral était grillé (obtention de monoxyde de Co) puis calciné avec de la silice et de la potasse et enfin broyé entre meules pour aboutir au pigment commercialisé. D’autres pigments étaient préparés à partir d’oxyde de Cu ou de Mn pour obtenir des rouges, d’oxyde de fer ou d’aluminium pour les jaunes, la malachite ou le bioxyde de Mn pour le vert etc… Les principaux centres de fabrication de verre se trouvaient en Normandie et en Lorraine.Dans un deuxième temps, après découpe des plaques colorées étaient appliquées les grisailles. Ce sont en quelque sorte des dessins plus ou moins sombres réalisés à partir d’un mélange de poudre d’oxyde de Cu ou de Fe, de poudre de verre et d’un liant (vinaigre, gomme arabique). La découpe de verre et son dessin étaient ensuite cuits à une température d’environ 600°C.

6) Les polychromies

Les sculptures de la cathédrale étaient entièrement recouvertes d’enduits colorés composés en général d’un pigment d’origine minérale et d’un liant. La nature du liant n’a pas pu être déterminée dans le cas d’Amiens. Les pigments minéraux sont les suivants (Pallot-Frossart, 2002, p. 85-89) : pour les rouges, l’ocre rouge – pour les jaunes, l’ocre jaune – pour le vert, la malachite (carbonate de cuivre hydraté : Cu2CO3(OH)2) – pour le blanc, le blanc de plomb ou céruse, un carbonate de plomb de formule 2 PbCO3•Pb(OH)2 – pour le noir, le charbon de bois – pour les bleus : en ce qui concerne le bleu du tympan du portail du « beau dieu », il s’agirait d’un mélange d’indigo (l’indigo extrait de la guède était une spécialité amiénoise) et d’un composé minéral riche en fer mais qui n’a pu être identifié – en ce qui concerne le « beau dieu » lui-même, il s’agit d’azurite (carbonate de cuivre hydraté : Cu3(CO3)2(OH)2. (Fig. 9). La source la plus fréquente pour ce minéral, à l’époque, était la Hongrie.

La mise en place des différentes préparations colorées était précédée d’un revêtement de la pierre au blanc de plomb connu pour ses propriétés siccatives. On remarquera l’absence de pigments onéreux utilisés pour d’autres édifices (Notre-Dame de Paris, Senlis…) tels que le lapis-lazuli ou leur rareté tel le vermillon (ou cinabre, sulfure de mercure) utilisé pour les statues les plus emblématiques. Les principales sources de cinabre étaient Almaden en Espagne, Idria dans le Frioul et le Palatinat en Allemagne. Certaines villes s’étaient fait une spécialité du commerce des pigments : Venise en Italie, Nuremberg en Allemagne et celle qui semble assez indiquée pour notre cathédrale : Bruges en Belgique.

Figure 9

Figure 9

Schéma synthétique des stratigraphies comparées de la tunique et du manteau du Beau-Dieu (Zambon et al., 2000, p. 242).
 
Synthetic diagram of the comparative stratigraphies of the tunic and of the coat of the Beau-Dieu (Zambon et al., 2000, p. 242).

7) Les métaux

Les métaux font aussi appel au sous-sol et aux ressources minérales. Ici la traçabilité est souvent très difficile à rétablir.

7-1) Le plomb

On le rencontre en de nombreux endroits et à différentes époques : joints entre les découpes des vitraux, en périphérie des toitures (raccords étanches), en couverture de parties en bois et exposées, chenaux, dans l’alliage des tuyaux d’orgue, et dans les pigments sous forme oxydée (céruse). La source principale de plomb a toujours été la galène, un sulfure de plomb et cette galène était également la principale source d’argent métal. La monnaie médiévale était principalement basée sur celui-ci et le plomb métal en quelque sorte un sous-produit. La métallurgie comprenait d’abord un grillage pour transformer le sulfure en oxyde puis une réduction de l’oxyde en métal en présence du carbone du charbon de bois. Malléable et ductile, il est facile à travailler mais il est surtout imperméable aux liquides et résiste très bien à la corrosion par formation d’une couche superficielle de sels auto-protectrice. Et c’est justement au niveau des couvertures qu’il est le plus fréquemment utilisé. Dans un constat de 1806, tout le pourtour des pans de toiture était garni par « une ligne de fleurs de lys et de pointes de plomb en demi fleurs de lys ». Le faîtage en plomb ne semblait pas être antérieur au XVe siècle. En 1876, un ouragan découvrira une grande partie de la toiture dont la totalité du transept et tout le faîtage en plomb sera arraché à cette occasion. L’utilisation du plomb la plus visible est certainement le clocher de la croisée avec sa flèche. En 1528, la foudre tomba sur la flèche du précédent clocher. Il était probablement édifié avec une charpente de bois et recouvert de plaques de plomb. L’incendie le détruisit complètement. Le plomb passa en fusion et les cloches s’abattirent. On le reconstruisit presqu’aussitôt. On envisagea de le couvrir d’ardoises (c’était le matériau à la mode) mais finalement on opta pour les plaques de plomb de 3 mm d’épaisseur qui furent achetées à Dieppe en 1530. En 1534, il fut doré à la feuille. On estime la masse de plomb utilisée à 71 tonnes (Fig. 10). En 1628, il fut raccourci de 4 à 5 m suite aux dégâts d’un fort coup de vent. Plusieurs réfections des plomberies eurent lieu aux XVIIIe et XIXe siècles et la dernière dans les années 1973-1980.

Figure 10

Figure 10

La flèche de la croisée.
 
The arrow of the transept crossing.

Lors des réfections du XIXe siècle, les chapelles ont reçu une couverture de plaques de plomb, à très faible pente, invisibles depuis le sol. Le premier bas-côté du chœur est également couvert de plomb. Les tuyaux des orgues sont fréquemment constitués d’un alliage de zinc (majoritaire) et de plomb en proportions variables selon la sonorité voulue. Le premier grand orgue de la cathédrale remonte à 1422 mais il a été plusieurs fois modifié au cours des XVIIe, XVIIIe et XIXe siècles.

7-2) Le fer

On le retrouve au niveau des vitraux sous la forme d’armatures pour l’assemblage des panneaux de verre, des diverses grilles dont celles de la clôture du chœur réalisées entre 1755 et 1768, des clavetages métalliques de la charpente posés au XVIIIe siècle, des charpentes métalliques des bas-côtés refaites au XIXe siècle, et de la ceinture de renfort du triforium. Le temps avait révélé quelques insuffisances dans la conception de l’ouvrage et des déformations et fissures étaient apparues. En 1498, des arcs-boutants, implantés trop hauts, sont doublés par un second arc s’appuyant plus bas au niveau de la nef. En outre, une ceinture de barres métalliques, réalisées en « fer d’Espagne » réputé alors le meilleur, est installée le long du mur extérieur au sol du triforium (Fig. 11). Elle est toujours en place et exempte d’oxydation !

Figure 11

Figure 11

Deux éléments de la ceinture de renfort du triforium (boucle, fourchette et clavettes).
 
Two elements of the triforium reinforcing belt (buckle, fork and key).

7-3) Le cuivre

Il est essentiellement présent en deux endroits particuliers : les cloches et les tombeaux des deux premiers évêques bâtisseurs de la cathédrale. Le matériau de base des cloches est l’airain (le bronze de l’art campanaire), composé de 78% de cuivre et de 22% d’étain. Les cloches qui étaient sous la flèche de la croisée ont été détruites en 1527. Dans les deux tours de la façade, se trouvent deux bourdons refondus en 1786. Marie pèse 6 tonnes et Firmin 5 tonnes. Cinq autres cloches sont également présentes. La première a été refondue en 1672. La deuxième date de 1531, les 3e, 4e et 5e ont été refondues en 1633. Les deux premiers évêques bâtisseurs sont Evrard de Fouilloy (évêque de 1221 à 1222) et Geoffroy d’Eu (évêque de 1223 à 1236). Leurs tombeaux sont réalisés en bronze, encore un alliage Cuivre-Etain, et ont été coulés en une seule pièce. Ce sont les seuls exemplaires de la grande statuaire en bronze du XIIIe siècle qui ont pu survivre au-delà de la révolution du XVIIIe siècle. Signalons enfin l’aigle du lutrin, daté de 1341, réalisé en cuivre blanc qui est un alliage de cuivre, de zinc et d’arsenic (c'est-à-dire une sorte de laiton). Aux XIIIe et XIVe siècles, le plus gros centre européen de production de cuivre se situait dans l’actuelle Slovaquie. Le minéral source était la chalcopyrite.

7-4) L’étain

Ce métal a été mentionné pour les bronzes des cloches et des tombeaux. On le trouve aussi à l’état non allié sous la forme de formes losangiques en semis sur la tunique du Christ du portail central.

7-5) L’or

L’or est présent à l’état de feuilles utilisées en décoration. La plus importante quantité de dorure à la feuille a été celle qui recouvrait entièrement les plombs de la flèche de la croisée. Il n’en reste plus rien aujourd’hui. Il s’intègre aussi aux polychromies d’origine et fut appliqué sur une préparation à base d’ocre jaune.

7-6) L’argent

En 1486, un nouveau maître autel fut installé. Il était en argent massif et pesait 1576 marcs (1 marc = 250 g) soit environ 400 kg. Il fut vendu par le chapitre et fondu pour racheter aux espagnols les cloches dont ils s’étaient emparés en 1597 et leur payer une amende (Rivoire, 1806, p 188).

III. – La mise en œuvre

1) Les travaux initiaux

Les lieux de travail permettant l’édification d’une cathédrale sont dispersés, entre les carrières, la forêt, les ateliers (travail du verre), le chantier etc. La fabrique organise l’approvisionnement, minimise cette dispersion, les coûts de transport et de construction induits. Les matériaux correspondant à la destruction des édifices anciens sont récupérés, utilisés sur place. Nous avons dit, à propos de la craie, que le chapitre cathédral commence à exploiter des carrières qui lui appartiennent, puis achète les droits d’exploitation d’autres carrières pour compléter les approvisionnements, rapprocher les lieux d’extraction et de chantier, pouvoir utiliser les voies d’eau aptes aux transports que sont l’Avre, la Selle, la Somme. Les matériaux peuvent aussi être achetés à des fournisseurs, comme c’est le cas pour les métaux, les verres et les pigments. Comme la fabrique gère les carrières de craie, elle minimise aussi les coûts en faisant sélectionner in-situ par les carriers les craies selon leurs qualités : les « francs-bancs » sont réservés, nous l’avons vu, aux sculptures et dégrossis sur place ; les bancs se prêtant à la construction fournissent les pierres à bâtir, mais, là encore, une sélection s’opère entre celles qui vont être utilisées dans les voutains et qui peuvent être d’une moins bonne qualité, celles qui sont belles et dures, pourront résister à l’érosion, celles de parement ou encore celles de construction des colonnes ou des voûtes d’arêtes, nous y reviendrons. Les chutes et débris sont transformés sur place en chaux vive, nous l’avons dit. C’est dire que se met en place toute une économie de la construction, qui comporte des trésoriers, des comptables, des « dépensiers », des ingénieurs, des surveillants et différents corps de métiers, avec leurs hiérarchies respectives, tous travaillant de manière coordonnée (Bernardi, 2011, p. 69-88). La construction de la cathédrale d’Amiens conduit aussi à des nouveautés, anticipant une certaine forme « d’industrialisation » : les premières piles élevées dans la nef et le transept sont bâties comme à Chartres, Paris, Reims etc. avec maçonnage des pierres participant soit à l’édification des colonnes, soit à celle des colonnettes : ces piliers « cantonnés » sont ainsi formés d’un noyau cylindrique et de colonnettes (4 ou 8) équidistantes (Fig. 12) (Sandron, 2012, p. 41-68).

Figure 12

Figure 12

Coupe sur une pile de la nef et coupe sur une pile du chœur avec le profil des colonnettes. Dessins extraits de l’abrégé de l’histoire de l’église cathédrale d’Amiens (1727).
 
Section of a pillar of the nave and section of a pillar of the choir with the profile of the columns. Drawings from the "abrégé de l’histoire de l’église cathédrale d’Amiens" (1727).

Mais bientôt se met en place une production en série d’éléments moulurés, comme c’était le cas pour les corniches. Tous les claveaux des voûtes sont identiques, fabriqués à la carrière grâce à des gabarits ; toutes les piles ultérieures sont réalisées par alternance décalée de 90° d’assises constituées de deux moitiés identiques où une demi-colonne et deux colonnettes sont taillées dans un même bloc de craie grâce à un autre gabarit (André & Boniface, 2012, p. 70) (Fig. 13).

Figure 13

Figure 13

Coupe d’un pilier d’après Kimpel (1977). Abréviations : a : pilier engagé des bas-côtés, b : pilier de la nef, c : pilier du chœur.
 
Section of a pillar after Kimpel (1977). Abbreviations: a: engaged pillar of the aisles, b: nave pillar, c: choir pillar.

La standardisation réduit le nombre de types de pierres nécessaires et leur temps de fabrication, minimise les déchets, diminue sensiblement les coûts. Cette solution, particulièrement élégante, sera retenue dans les chantiers en cours de Reims (ouest de la nef), de Beauvais (transept) et dans tous les chantiers ultérieurs. La réflexion intellectuelle de l’architecte permet de tirer de ses plans, des schémas, ces gabarits fournis à des tailleurs de pierres qui peuvent travailler même en hiver : l’organisation du travail est encore renforcée, les coûts et les temps réduits, ce qui contribue à expliquer la rapidité avec laquelle la cathédrale d’Amiens a été achevée et sa remarquable homogénéité. Cette hiérarchisation a peut-être été calquée sur l’organisation des métiers du textile, dont Amiens tirait sa fortune. Immédiatement après la fin de la construction du gros-œuvre, de 1290 à 1380, les chapelles de la nef sont construites entre les culées des contreforts qui, de ce fait, deviennent invisibles de l’extérieur sur la hauteur des bas-côtés, masqués qu’ils sont par les murs, non porteurs, encadrant de larges verrières ; les arcs appartenant initialement aux murs latéraux extérieurs des bas-côtés sont alors récupérés et remontés au fond des chapelles. Cet agrandissement se fait ainsi dans le respect absolu du plan initial (Fig. 14).

Figure 14

Figure 14

Plan de la Cathédrale au XIIIe siècle d’après Viollet-le-Duc (1854).
 
13th Century drawing of the Cathedral after Viollet-le-Duc (1854).

Nous avons dit qu’au XVe siècle, il est remarqué que les murs ont tendance à se déverser vers l’extérieur. Pour y remédier et donner une stabilité à l’édifice le système de contrebutement est renforcé, entre 1498 et 1526, en doublant par le dessous les arcs du chœur, ce qui est peu visible de l’extérieur, en chargeant aussi les culées, en reprenant les piliers des bas-côtés du chœur et en établissant à l’intérieur du triforium un chaînage composé de tirants identiques en « fer d’Espagne », longs de 4 m, d’un poids de 100 kg environ, assemblés par tenons et mortaises (boucles et fourchettes) avec clavettes alternativement verticales et horizontales (voir le paragraphe "métaux" ci-dessus et la Fig. 11).

2) Les restaurations du XIXe siècle

De 1844 à 1861 ont lieu des travaux de restauration de la cathédrale, menés successivement par deux architectes. François-Auguste Cheussey, entre 1844 et 1847, respecte scrupuleusement le monument ; Eugène Viollet-le-Duc, de 1850 à 1861, donne libre court à sa fantaisie. S’il contribue à sauver la cathédrale, il en modifie assez sensiblement l’aspect : il utilise des calcaires lutétiens pour remplacer des pierres de Croissy qui avaient été altérées, il met en œuvre des mortiers mal adaptés qui se décomposeront rapidement, ce qui nécessitera une reprise à la fin du XXe siècle. Mais les transformations les plus importantes accomplies par cet architecte concernent la polychromie et l’aspect de la façade : il la transforme dans le goût du XIXe, en modifiant le couronnement des tours, les balustrades, le haut de la galerie des Rois, dans un style néo-flamboyant. La façade actuelle est donc un mixte Moyen-Âge – XIXe siècle.

IV. – La signification de la cathédrale

Nous avons indiqué à plusieurs reprises qu’une cathédrale gothique est l’œuvre d’un architecte, qui en conçoit entièrement le plan permettant le développement des travaux menés par divers corps de métiers. Ainsi à Amiens, Robert de Luzarches a-t-il conçu l’essentiel du gros-œuvre avant d’entreprendre la mise en œuvre des fondations, puisqu’à l’aplomb de chaque nœud du réseau des fondations se trouve un fût des piliers de la nef ou des bas-côtés : ces colonnes sortaient à peine du niveau du sol à sa mort. Au XIIIe siècle, la formation des architectes est à la fois pratique, sur les chantiers, et théorique, à l’université, au sein de la « Faculté des Arts » : il importe de connaître le climat intellectuel dans lequel celle-ci dispense ses enseignements pour pouvoir interpréter les grandes caractéristiques des ouvrages qui nous sont parvenus (Maitte, 2015, p. 37-58). Au Moyen-Âge, les problèmes philosophiques sont posés dans un espace chrétien. Pour les clercs, le dogme constitue un tout donné devant lequel toute raison individuelle doit s'incliner. Mais ce dogme est constitué de deux parties : la Bible et les écrits des « Pères de l’Église ». Parmi ces derniers on trouve l’œuvre d’Augustin d’Hippone (354-430), dont la philosophie est une sagesse qui doit permettre de trouver Dieu. On ne peut croire ce que l’on ne comprend pas : il faut donc s’établir dans la foi et rechercher Dieu par l’intelligence et la volonté. Comme la vérité est toujours cohérente, lorsqu’une contradiction se manifeste entre foi, observation et raison, c’est que nous ne comprenons pas au moins l’un de ces trois termes : il ne faut jamais donner un sens littéral ni à l’écriture (elle est l’œuvre d’hommes qui ont pu mal transcrire la révélation divine) ni à la science (elle n’est jamais achevée), aussi devons-nous toujours laisser notre intelligence en éveil. Pour expliquer comment Dieu se fait entendre de nous, Augustin use d’une métaphore : l’« Illumination » : la pensée humaine est illuminée par la pensée divine.

Dès le Haut Moyen-Âge, les sciences profanes sont enseignées dans les « arts libéraux » : le trivium (grammaire, rhétorique, dialectique) puis le quadrivium (arithmétique, géométrie, musique et astronomie). Elles forment la propédeutique à la science divine, la théologie. Pour les hommes de cette époque, le monde, créé par Dieu, est un tout hiérarchiquement ordonné selon deux "régions cosmiques" totalement différentes, le Ciel et la Terre. Au centre se trouvent la Terre et les quatre éléments (terre, eau, air, feu). C’est une région de génération et de corruption, de début et de fin, de naissance et de mort. Au-dessus est situé le Ciel, empli d’un cinquième élément, l’éther et limité par la sphère des étoiles fixes. Il est parfait, immuable, contient les sept planètes, dont le Soleil, qui tournent d’un mouvement circulaire et uniforme. C’est le domaine de Dieu et des Saints. Bientôt, les sciences de la nature fournissent des symboles illustrant la réalité morale, dont témoignent les chapiteaux de l'art roman : foi et raison concordent.

Cet équilibre est remis en cause à partir du Xe siècle : le commerce se développe, les techniques progressent, un enrichissement se produit, les villes s’agrandissent. En leur sein vivent des jeunes audacieux attirés par le rayonnement et la richesse d’un autre monde qui s’étend au sud, à partir de l’Andalousie et de la Sicile, les pays d’Islam. Ces chrétiens s’imprègnent des savoirs qu’ils y rencontrent, traduisent des manuscrits de l’arabe. Le phénomène s’amplifie aux XIe et XIIe siècles : les savoirs, profanes, des pays d'Islam passent dans la chrétienté. Les ouvrages qu’étudient les latins sont parfois emplis de connaissances totalement ignorées en Europe. La terminologie employée est obscure : on transcrit alors directement les mots arabes, dont le latin médiéval s’enrichit (alambic, alcali, alchimie, algèbre, borax, élixir, luth, rebec, zénith, zéro…). Mais les échanges sont aussi techniques (les moulins, etc…).

Sous l’influence de l’arrivée massive de ces savoirs, un changement de perspective s’opère dans la chrétienté : Bernard de Chartres (1080 ? – 1160), écrit « nous sommes comme des nains assis sur les épaules de géants. Nous voyons donc plus de choses que les anciens et de plus éloignés, non par la pénétration de notre propre vue ou par l’élévation de notre taille, mais parce qu’ils nous soulèvent et nous exhaussent de toute leur hauteur gigantesque ». Un climat d’émulation intellectuelle, de recherche fébrile règne dans tous les centres de savoirs. L’ancien équilibre entre foi et raison est rompu. Les maîtres de l’École de Chartres font placer parmi les sculptures du portail royal de la cathédrale, les statues personnifiant les sept arts libéraux : on y reconnaît Euclide, Cicéron, Aristote, Ptolémée, Pythagore. L'évocation de cette cathédrale permet de l’indiquer : cette période marque de début de « l’art Gothique », qui nous intéresse à Amiens. Il est produit par la rencontre d’une nouvelle démarche intellectuelle et d’innovations techniques majeures dans l’art de la construction que sont les arcs-boutants (ils dissocient le contre-buttage des forces et les murs extérieurs, qui ne sont plus porteurs et ne nécessitent plus de lourds contreforts) et les voûtes d’arêtes (elles diminuent considérablement le poids à supporter). L’abbé Suger (1081-1151) fonde cet art à la Basilique Saint Denis, qu’il fait construire pour qu’elle devienne la nécropole des rois. La lumière, solaire et symbolique, y entre à profusion.

Les débats et l’enseignement sont alors profondément marqués par Pierre Abélard (1079-1142). Dans le « Sic et Non », il effectue le relevé des nouvelles contradictions qui apparaissent entre foi et raison, propose de les résoudre par la disputatio, qui fonde une nouvelle dialectique cherchant l’unité et la synthèse grâce à l’opposition des contraires. Ceci débouche, au XIIIe siècle, sur une réforme profonde de l’enseignement (qui adopte la disputatio comme méthode), sur la création des universités (où la Faculté des Arts enseigne le trivium et le quadrivium), sur la rédaction de Sommes, qui construisent des raisonnements dans lesquels est d’abord exposée une question, puis les arguments d’une autorité, ensuite les arguments contraires, avant de proposer une solution logique rétablissant la clarté en résolvant les contradictions en une nouvelle concordance entre foi et raison. Ces Sommes établissent une philosophie, la Scolastique, au sein de laquelle on trouve réponse à toutes les questions d’ordres naturel ou spirituel et constitue une « géographie de la pensée » qui imprègne tout l’art gothique : lui aussi cherche à résoudre les contraires par la « disputatio », lui aussi cherche un « principe de clarification » dans une structure générale. Cet art se développe dans des régions dont l’extension coïncide avec l’aire d’influence de l’université de Paris (Panofsky, 1967, p. 97-113).

Alors que l’église romane donnait l’impression, intérieure et extérieure, d’être peu pénétrable, la cathédrale gothique sépare nettement la ville du sanctuaire mais en étant lisible à la fois de l’extérieur et de l’intérieur. De l’extérieur : sa façade est une véritable introduction qui permet de comprendre la coupe intérieure de l’édifice (la rosace montre la hauteur de la nef, les fenêtres latérales celle des bas-côtés, le nombre de ceux-ci trouve sa correspondance dans les portails latéraux). De l’intérieur : les parties et sous-parties de l’édifice s’organisent en des divisions homologues pour constituer un tout (la voûte d’ogive se retrouve dans la nef, les bas-côtés, le transept, le déambulatoire, l’abside, les chapelles, rayonnantes ou non).

Alors que les constructions mérovingiennes ou romanes présentent des plans soit longitudinaux (hérités des basiliques romaines), soit en croix centrées (imitées du style byzantin), l’architecture gothique trouve leur synthèse en adoptant un plan longitudinal avec transept dans lequel toutes les parties et sous-parties sont, ici aussi, homologues : les travées, de la nef, des bas-côtés, du transept, possèdent la même fonction logique que l’enchainement des arguments dans un raisonnement scolastique et mènent à la clarté. Dans tout l’édifice, la tripartition devient la règle, architecturale et symbolique (la Trinité). Ainsi dans le plan longitudinal : nef, transept et chœur, qui possèdent des fonctions liturgiques et symboliques différentes. Ainsi dans le plan transversal, avec la nef et les bas-côtés. Ainsi en élévation avec les piles, le triforium et les fenêtres. Cette tripartition, très claire à Amiens, permet aussi de résoudre la contradiction entre deux nécessités : obtenir l’harmonie verticale de l’élévation de la nef et l’harmonie horizontale de la perspective (Fig. 15).

Figure 15

Figure 15

Coupe longitudinale de la nef d'après Durand (1901-1903).
 
Longitudinal section of the nave after Durand (1901-1903).

Cette harmonie horizontale n’est pas bloquée par le chevet de l’église mais s’y résout, puisque les rectangles du plan des travées de la nef et du chœur s’y déforme de manière à assurer les continuités du rythme et de la vue : à Amiens, les murs des chapelles absidiales s’épaississent vers l’extérieur pour masquer la courbe du mouvement. L’harmonie verticale n’a pas été trouvée d’emblée par les architectes gothiques : de Saint-Denis à Reims, une diversité des synthèses se présente même, selon les acteurs des disputatio, mais cette évolution va de pair avec la disparition progressive, par économie de pensée et d’action, de tout élément n’ayant pas une fonctionnalité précise : Laon conserve des piliers de la nef munis de chapiteaux hérités du roman ; ils nuisent à la fluidité de l’harmonie verticale et vont disparaître progressivement d’édifice en édifice. A Amiens, on adopte, nous l’avons dit, des « piliers cantonnés », formés d’une colonne et de quatre colonnettes : chacun de ces éléments peut être mis en correspondance avec un arc (doubleaux de la nef ou des bas-côtés, grands arcs de la nef) (Fig. 16) ; les chapiteaux n’ont plus de fonction et ne restent qu’à l’état de traces. Cependant, les ogives diagonales ne sont pas « exprimées » dans les piliers cantonnés, pas plus que les voutains.

Figure 16

Figure 16

Schéma de principe d’une voûte sur croisée d’ogives.
 
Conceptual scheme of a vault on a warhead crossing.

Pour résoudre ce problème et atteindre une harmonie totale, à Saint Denis, terme de l’évolution, tous les éléments des voûtes (doubleaux, formerets, ogives et voutains) trouvent une correspondance dans un élément de la colonne qui les exprime (nervure pour les arcs, creux pour les voutains). Partout se retrouvent les traces de l’opposition des contraires qui donne, grâce à la « disputatio » leur résolution. A Amiens toutes les différences sont résolues dans un même ensemble ; la pensée de l’architecte donne une similitude à tous les éléments d’une même classe ; toutes les classes se résolvent en différents niveaux logiques ; tous les niveaux logiques s’articulent selon un mode unique pour donner une structure claire et lisible. L’orientation de la cathédrale elle-même, le chevet dirigé vers la position du soleil au solstice d’hiver, la façade selon celle au solstice d’été, contribue, comme tous les autres éléments, à permettre à l’homme de s’élever avec fluidité vers Dieu. L’architecte a pensé cette synthèse, nous venons de le montrer, depuis les matériaux qu’il a choisis jusqu’à l’édifice de clarté qu’il a conçu.

Remerciements. — Nous devons les renseignements sur lesquels est fondé cet article principalement aux ouvrages de Rivoire (1806), de Durand (1901-1903), aux cahiers manuscrits de l'abbé Lucien Guerlé (après 1901, collect. part.), que nous a gentiment confiés un membre de sa famille, Monsieur Laurent Roussel, et à l’amabilité de Monsieur Etienne Poncelet-Somville, Architecte en chef des monuments historiques (Lille). Nous tenons à leur exprimer ici toute notre gratitude.

Bibliographie

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BERNARD H. (1975). – Essai sur la Genèse des Fondations Gothiques dans les régions du Nord et de Picardie. Revue archéologique de Picardie, 2-2 : 85-100 ; https://www.persee.fr/doc/pica_0398-3064_1975_num_2_2_1202

BERNARDI P. (2011). – Bâtir au Moyen-Âge. Paris, CNRS éditions, 336 p.

BUTEUX C.J. (1865). – Esquisse géologique du département de la Somme. Mém. Acad. Sc. Agr., Comm., Belles Lettres et Arts, dép. de la Somme, 3e édition.

DELAMBRE L. (1904). – Note sur les calcaires et les grès à Nummulites trouvés à Saint-Acheul. Société Linnéenne du Nord de la France, XVII : 180.

DURAND G. (1901-1903). – Monographie de l’église cathédrale Notre Dame d’Amiens. Amiens, A. Picard et fils, 1-3 ; https://archive.org/details/gri_33125013916800/page/n4

DUVANEL M. (2012). – Les charpentes et la flèche. In : La grâce d’une cathédrale. Amiens. Strasbourg, La Nuée Bleue : 167-168.

KIMPEL D. (1977). – Le développement de la taille en série dans l’architecture médiévale et son rôle dans l’histoire économique. Bulletin monumental, 135 : 195-222.

MAITTE B. (2015). – Une histoire de la lumière, de Platon au photon. Seuil, Paris, 394 p.

PALLOT-FROSSART I. (2002). – Polychromies des portails sculptés médiévaux en France. In : VERRET D. & STEYAERT D., La couleur et la pierre. Actes du colloque d'Amiens (12-14 Octobre 2000), Amiens ARP, Paris A. et J. Picard : 85-89.

PANOFSKY E. (1967). – Architecture gothique et pensée scolastique. Traduit par Pierre Bourdieu, Paris, Minuit, 216 p.

RIVOIRE M. (1806). – Description de l’église cathédrale d’Amiens. De Maisnel fils, Amiens, 248 p. ; https://archive.org/details/bub_gb_3tMAAAAAcAAJ/page/n2

SANDRON D. (2012). – La cathédrale gothique : du projet au chantier. In : ANDRE A. & BONIFACE X. (dir.), La grâce d’une cathédrale. La Nuée Bleue, Amiens, Strasbourg : 41-68.

VIOLLET-LE-DUC E. (1854-1868). – Dictionnaire raisonné de l'architecture française du XIe au XVIe siècle. Bance-Morel, Paris, 10 vol.

ZAMBON L., GRUNENWALD D. & HUGON P. (2000). – La polychromie du portail central de la cathédrale d’Amiens. In : VERRET D. & STEYAERT D., La couleur et la pierre. Actes du colloque d'Amiens (12-14 Octobre 2000), Amiens ARP, Paris A. et J. Picard : 233-247.

Autres sources

Cartes géologiques au 1/50.000 du BRGM, feuilles Poix, Crévecœur-le-Grand, Hallencourt, Amiens et Moreuil.

GUERLE L. (s.d. après 1901). – Deux manuscrits de compilations sur la cathédrale d’Amiens de l’abbé Lucien Guerlé (seconde moitié du XIXe siècle). Collection particulière.

Illustrations

  • Figure 1

    Figure 1

    Carte des sites de prélèvement des pierres du gros-œuvre. En vert : craie, en rouge : grès. Fond de carte : https://www.viamichelin.fr.
     
    Map of the stone quarrying sites of the main work. In green: chalk, in red: sandstone. Map background: https://www.viamichelin.fr

  • Figure 2

    Figure 2

    Localisation des carrières d’extraction initiales de la craie (Extrait des cartes géologiques à 1/50.000 de Poix, Moreuil, St Just en Chaussée et Crévecoeur-le-Grand).
     
    Location of the initial chalk extraction quarries (Extract from the 1/50,000 geological maps of Poix, Moreuil, St Just en Chaussée and Crévecoeur-le-Grand).

  • Figure 3

    Figure 3

    La craie de Piquigny, moins appréciée des constructeurs, a été utilisée à partir de 1234 pour des raisons de proximité et de transport (Extrait des cartes géologiques à 1/50.000 d'Amiens et Hallencourt).
     
    The Piquigny chalk, less appreciated by manufacturers, was used from 1234 onwards for reasons of proximity and transport (Extract from the 1/50.000 geological map of Amiens and Hallencourt).

  • Figure 4

    Figure 4

    Carrières de Sailly-Lorette, utilisées pour les parties supérieures de la cathédrale (Extrait de la carte géologique à 1/50.000 d'Albert).
     
    Sailly-Lorette quarries, used for the upper parts of the cathedral (Extract from the 1/50.000 geological map of Albert).

  • Figure 5A
  • Figure 5B

    Figure 5B

    Carrières d’extraction du grès (Extrait des cartes géologiques à 1/50.000 d'Amiens et Hallencourt).
     
    Sandstone quarries (Extract from the 1/50.000 geological map of Amiens and Hallencourt)

  • Figure 6

    Figure 6

    Fondations extérieures selon un sondage commandé par Viollet-le-Duc en 1853.
     
    Outside foundations according to a survey commissioned by Viollet-le-Duc in 1853.

  • Figure 7

    Figure 7

    Plan et coupe des fondations du chœur dressés par Henri Wagon d’après Durand (1901-1903).
     
    Drawing and section of the foundations of the choir as established by Henri Wagon after Durand (1901-1903).

  • Figure 8

    Figure 8

    Assemblage de deux coupes extraites de la monographie de Durand (1901-1903).
     
    Assembly of two sections from Durand’s (1901-1903) monograph.

  • Figure 9

    Figure 9

    Schéma synthétique des stratigraphies comparées de la tunique et du manteau du Beau-Dieu (Zambon et al., 2000, p. 242).
     
    Synthetic diagram of the comparative stratigraphies of the tunic and of the coat of the Beau-Dieu (Zambon et al., 2000, p. 242).

  • Figure 10

    Figure 10

    La flèche de la croisée.
     
    The arrow of the transept crossing.

  • Figure 11

    Figure 11

    Deux éléments de la ceinture de renfort du triforium (boucle, fourchette et clavettes).
     
    Two elements of the triforium reinforcing belt (buckle, fork and key).

  • Figure 12

    Figure 12

    Coupe sur une pile de la nef et coupe sur une pile du chœur avec le profil des colonnettes. Dessins extraits de l’abrégé de l’histoire de l’église cathédrale d’Amiens (1727).
     
    Section of a pillar of the nave and section of a pillar of the choir with the profile of the columns. Drawings from the "abrégé de l’histoire de l’église cathédrale d’Amiens" (1727).

  • Figure 13

    Figure 13

    Coupe d’un pilier d’après Kimpel (1977). Abréviations : a : pilier engagé des bas-côtés, b : pilier de la nef, c : pilier du chœur.
     
    Section of a pillar after Kimpel (1977). Abbreviations: a: engaged pillar of the aisles, b: nave pillar, c: choir pillar.

  • Figure 14

    Figure 14

    Plan de la Cathédrale au XIIIe siècle d’après Viollet-le-Duc (1854).
     
    13th Century drawing of the Cathedral after Viollet-le-Duc (1854).

  • Figure 15

    Figure 15

    Coupe longitudinale de la nef d'après Durand (1901-1903).
     
    Longitudinal section of the nave after Durand (1901-1903).

  • Figure 16

    Figure 16

    Schéma de principe d’une voûte sur croisée d’ogives.
     
    Conceptual scheme of a vault on a warhead crossing.

Citer cet article

Référence papier

Jean-Jacques Belin et Bernard Maitte, « La cathédrale d'Amiens : ses matériaux, sa construction », Annales de la Société Géologique du Nord, 26 | 2019, 47-57.

Référence électronique

Jean-Jacques Belin et Bernard Maitte, « La cathédrale d'Amiens : ses matériaux, sa construction », Annales de la Société Géologique du Nord [En ligne], 26 | 2019, mis en ligne le 01 mars 2022, consulté le 16 mai 2024. URL : http://www.peren-revues.fr/annales-sgn/462

Auteurs

Jean-Jacques Belin

16 rue Emile Payen F-59310 Nomain ; belin.jean-jacques@wanadoo.fr

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Bernard Maitte

Université de Lille, Cité scientifique, P5, 59655 Villeneuve d’Ascq cedex ; bernard.maitte@univ-lille.fr

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