I. — Introduction et historique
Les ambres sont des résines fossiles issues de Gymnospermes ou d'Angiospermes. Ils ont, depuis longtemps, attiré l'attention des paléontologues pour la qualité et l'excellence de la conservation des organismes animaux ou végétaux qui y avaient été enrobés. Ces organismes sont majoritairement continentaux, donc moins bien représentés dans le reste du registre fossile que les organismes aquatiques, principalement marins. Parmi eux, les arthropodes terrestres sont les plus fréquents, les plus recherchés et les plus étudiés. L'attention des paléontologues s'est donc davantage portée sur la macrofaune, et en particulier sur les insectes (voir par exemple Poinar, 1994) que sur les microfossiles. Pourtant, l'existence de microfossiles est connue depuis longtemps, par exemple des grains de pollen (Goeppert, 1883, cité par Dejax et al., 2001), des filaments mycéliens et des spores (Goeppert & Berendt, 1845) ou encore de bactéries (Galippe, 1920 ; Blunck, 1929). Ce n'est que récemment que l'excellence de la préservation des micro-organismes a conduit à des études descriptives, analytiques avec les travaux de Waggoner (par exemple Waggoner, 1993, 1994a, b, 1996 ; Waggoner & Poinar, 1992 ; Poinar et al., 1993), de Kohring (1995), de Breton (Breton et al.,1999 ; Breton & Tostain, 2005 ; Breton, 2007), de Schmidt (Schmidt et al., 2004 ; Schmidt & Schäfer, 2005 ; Schmidt et al., 2006), de Girard (Girard, 2009, Girard et al., 2008a,b, 2009a, 2009b). Des développements récents ont porté sur les aspects techniques (De Franceschi et al., 2000, Dejax et al., 2001, Ascaso et al., 2003) et sur la contamination possible de l'ambre par des organismes récents (Saint-Martin et al., 2006 ; Girard et al., 2007, Girard et al., 2009b). Enfin, des interrogations portaient sur les durées pendant lesquelles les micro-organismes – bactéries principalement – peuvent rester vivantes (Sneath, 1962 ; Kennedy et al., 1994). Cano & Borucki (1995), appliquant les techniques bactériologiques à l'étude des bactéries de l'ambre de la République Dominicaine (25 – 45 millions d'années), obtiennent la « reviviscence » et la culture d'une bactérie fossile proche de l'actuel Bacillus sphaericus. Ce résultat est immédiatement contesté (Priest, 1995 ; Beckenbach, 1995). Depuis, d'autres travaux ont évoqué cette possibilité de reviviscence et de culture de bactéries fossiles de l'ambre : Staphylococcus succinus Lambert et al., 1998, isolé de l'ambre de la République Dominicaine (Lambert et al., 1998) ; un assemblage « paléomicrobiologique » isolé de l'ambre crétacé (120 millions d'années) d'Israël (Greenblatt et al., 1999), parmi lesquelles une espèce moderne – Micrococcus luteus – est identifiée (Greenblatt et al., 1999). Enfin, une société commerciale, Ambergene®, est créée pour exploiter les utilisations possibles des bactéries fossiles de l'ambre. En 1999, sa banque de données comportait plus de 1600 isolats provenant d'ambres variés (Greenblatt et al., 1999). Néanmoins, la possibilité qu'un acide nucléique intact soit isolé d'un fossile au-delà de quelques centaines de milliers d'années, a fortiori qu'un micro-organisme reste vivant au-delà de ce délai est très généralement contestée.
Au début du 20è siècle, les actinomycètes étaient considérés comme un groupe intermédiaire entre les champignons (filamenteux, avec développement d'un mycélium) et les bactéries dont ils avaient la taille et les spores. Leur nom – actinomycètes – rappelle cette proximité supposée avec les champignons. Waksmann (1950, p. 46) les considère comme un groupe distinct et des champignons et des bactéries. Dès les années 60, avec les progrès de la microscopie électronique, on reconnaît leur nature bactérienne : ce sont d'authentiques procaryotes. On les trouve dans tous les milieux marins, dulcicoles, terrestres ; ils sont particulièrement abondants dans les sols et les composts et certains habitent des milieux extrêmes, étant par exemple thermophiles ou hyperthermophiles. Beaucoup sont pathogènes pour l'homme, les animaux ou les plantes. Parmi les métabolites produits par les actinomycètes, on recense de nombreux antibiotiques, parmi lesquels la streptomycine qui permit de grandes avancées dans la lutte contre la tuberculose dès les années 40. Des fossiles à morphologie d'actinomycètes ont rarement été signalés : calcaires jurassiques d'Ecosse (Ellis, 1915), fougères carbonifères (Smoot & Taylor, 1983), sédiments précambriens [liste dans Knoll, 1977 ; voir aussi les « possible actinomycetes from 1.9 billion-year Gunflint chert, Ontario » Eoastrion bifurcatum Barghoorn et E. simplex Barghoorn, d'après Barghoorn & Tyler (1965) cités par Tappan (1980 : fig. 1.13, p. 35)]. Comme le souligne Waggoner (1993), aucun de ces microorganismes ne peut être attribué à une famille, faute de spores ou de sporanges. C'est effectivement Waggoner (1993) qui décrit le premier actinomycète fossile certain, conservé dans un ambre éocène de l'état de Washington, U.S.A., et il le classe dans la famille des Streptomycetaceae. Waggoner (1994b) décrit encore deux genres fossiles d'actinomycètes dans un ambre du Crétacé supérieur du Mississippi (U.S.A.). Dans l'ambre éocène des Corbières (France), Breton et al. (1999) découvrent des « myceloid bacteria » que Breton (2007) attribue à des actinomycètes. Ce sont ces actinomycètes qui sont décrits ci-dessous.
II. — Contexte géologique
L'affleurement de Douzens (Aude, France) (Fig. 1), situé sur le flanc nord de la Montagne d'Alaric, a été brièvement décrit par Breton et al. (1999). Au dessus d'une barre de 8 m de calcaires lacustres massifs gris, à la surface perforée, encroûtée et irrégulièrement ferruginisée (altération de pyrite probable) [1], une série argilo-marneuse grise débute par un banc calcaire (0,10 m) avec un beau réseau de Thalassinoides isp. et nodules de phosphate, immédiatement surmonté par un lit contenant des galets calcaires perforés à perforations ramifiées millimétriques (Entobia isp. ?) [2]. Suivent :
[3] : 0,4 m d'argiles marneuses gris brunâtre à huîtres coiffé par un banc plus calcaire, sableux, de 0,05 m constitué d'une lumachelle d'huîtres ;
[4] : 1,2 m d'argiles marneuses gris brunâtre, se chargeant vers le haut de lits centimétriques plus calcaires, eux-mêmes coiffés par un niveau de calcaire marneux à huîtres et bois carbonisés de 0,15 m d'épaisseur, à surface perforée et encroûtée. Ces argiles gris brunâtre sont riches en gastropodes (déterminés par Didier Merle (MNHN, Paris) que nous remercions) : Turritella hybrida Deshayes et Turritella sp. très largement dominantes, Batillaria praesubacuta Doncieux et un Vetigastropoda indéterminé rares. En outre, de rares Thericium depereti (Doncieux) et Potamides (Tylochilus) granosus Doncieux sont présents mais n'ont pas été recueillis en place.
[5] : 1,1 m d'argiles marneuses grises avec pyrite altérée (limonite, gypse) coiffées par un banc plus calcaire de 0,1 m d'épaisseur constitué d'une lumachelle d'huîtres. Ce niveau [5] est riche en Ampullidae Globularia sp. et Crommium sp.
[6] : 1,6 m d'argiles marneuses brun – grisâtre se chargeant progressivement en lits calcaires vers le haut.
Les niveaux [2] à [6] sont plus ou moins lenticulaires, et peuvent se dédoubler, disparaître ou varier d'épaisseur en quelques mètres. L'ensemble est affecté d'un pendage 40°N et est daté du Sparnacien supérieur (Plaziat, 1970). La validité du Sparnacien (équivalent de la base de l'Yprésien) est certes largement mise en cause par les stratigraphes, mais il continue à être utilisé dans les Corbières, dans la mesure où cette utilisation n'entraîne aucune ambiguïté.
Des restes de Chéloniens et de Crocodiliens ont été recueillis dans le niveau [1] (D. Vizcaïno, comm. pers.). Un lavage des argiles marneuses du niveau [4] a fourni : gypse secondaire (20g/kg, cristaux isolés ou associations « en sapin » de plus de 1,5 mm) ; Turritella hybrida et Turritella sp. très abondantes, dont un spécimen avec perforations de prédateur, « Ostrea » uncifera Leymerie, rares bryozoaires, rares dactyles de crabes inidentifiables. Un lavage des argiles marneuses brun grisâtre du niveau [6], vers la cote + 3,5 m de la coupe (Fig. 1) a fourni une faune peu abondante : « Ostrea » uncifera, avec parfois surface de fixation sur un végétal cylindrique (observation déjà rapportée par Plaziat (1970) et interprétée comme indicatrice d'une mangrove) ; autres espèces d'huîtres ; Globularia sp. et Crommium sp. ; un rhyncholite de 13 mm de hauteur, probablement de Nautile ; bryozoaires, serpules et dactyles de crabes n'ont pas pu être identifiés ; un petit fragment d'ambre.
Les bois, tous conservés sous la forme de charbon de bois, sont plus abondants à la base de la série en particulier dans le niveau [2] et à la base du niveau [3] de la coupe (Fig.1). Parmi ces bois, D. Pons (comm. pers.) a reconnu l'existence de deux espèces : un conifère Abietinea et un Dicotylédone que l'état de conservation médiocre n'a pas permis d'identifier plus précisément.
Le caractère marin de cette série s'accentue depuis la base de la coupe, à affinités paraliques (populations abondantes et quasi-monospécifiques de Turritelles) jusqu'au sommet dont les sédiments dénotent cependant un milieu de dépôt néritique et proche de la côte.
L'ambre, de couleur rouge grenat, est présent dans la série dans les couches [3] à [6], entre les cotes + 0,15 à +3,60 m. Il est très irrégulièrement réparti, horizontalement et verticalement. De plus, les nodules sont très fragiles et toujours éclatés in situ. Il est donc extrêmement difficile, et risqué, d'assigner une série d'observations à un morceau originel précis et unique. Nous considérons donc « l'ambre de Douzens » comme une entité unique, en gardant toutefois à l'esprit qu'il s'agit de morceaux ayant connu éventuellement des cheminements taphonomiques distincts. Cet ambre a été secrété sur le continent proche, a été transporté ensuite jusqu'au bassin sédimentaire en milieu paralique (évoluant un peu plus tard en milieu plus franchement marin mais toujours très littoral) : nous resterons attentif à cette dualité milieu de sécrétion / milieu de dépôt sédimentaire découlant de l'histoire taphonomique en deux temps des fossiles de l'ambre de Douzens.
III. — Matériel et méthodes
1) Les critères utilisés dans la systématique des Actinomycètes
Pour beaucoup de bactéries, les critères morphologiques, forme et taille des cellules, sont inopérants parce que la différenciation morphologique de ces procaryotes reste limitée. Les bactériologistes ont donc développé des méthodes d'identification fondées sur des critères biochimiques, principalement sur les métabolites utilisés ou produits par les souches de bactéries, ou la chimie de la cellule, en particulier les acides nucléiques. L'obligation, en paléomicrobiologie, de se cantonner à des critères morphologiques, en limite considérablement la portée : Waggoner (1993) précise, à propos de la systématique des bactéries fossiles : « [A] bacterial taxonomy based on morphology alone is usually tentative at best ».
Cependant, les Actinomycètes présentent une différenciation morphologique plus importante que les autres bactéries, et plusieurs étapes de leur développement ou de leur reproduction peuvent avoir un retentissement morphologique. Les principaux critères utilisés pour l'étude des Actinomycètes vivants sont les suivants.
- formation d'un mycélium, ramifié ou non, forme et diamètre des filaments, morphologie de la ramification.
- formation d'un mycélium du substrat (c'est-à-dire dans le milieu de culture), dit « végétatif », et d'un mycélium aérien (au-dessus du milieu de culture) dit « reproductif ». Différenciation morphologique entre ces deux mycéliums.
- fragmentation de l'un ou l'autre (ou des deux) mycélium, en unités de propagation, morphologie et dimensions de ces éléments.
- formations de spores, sessiles ou portées par un sporophore ; morphologie et dimensions des spores ; groupement et organisation des spores ; morphologie et dimensions des sporophores, présence de sacs spécialisés ou sporanges et endosporulation.
Cette morphologie riche, traduisant de plus des étapes du cycle biologique (fragmentation du mycélium, sporulation, dispersion des spores) constitue donc un outil puissant de systématique « Despite the many advances in the taxonomic use of cell chemistry, identification of actinomycetes is still very dependant on morphological characters » (M.P. Lechevalier in Holt, 1989). Cette systématique morphologique ne reflète sans doute pas l'histoire phylogénétique du groupe « Today, the actinomycetes phylogenetic relationships […] is widely accepted; however, it is fundamentally different from the family level classification based on morphology that had been used until just twenty years ago »(Mijadoh in Mijadoh, 1997). La classification proposée par Holt (1989) et celle de Holt et al. (2000) séparent les bactéries en « groupes » informels, pratiques, largement fondés sur des caractères biochimiques. Au sein de ces groupes informels, il arrive parfois cependant qu'une famille soit nommée de manière formelle. La démarche de Mijadoh (1997) semble plus morphologique, et sa classification propose aussi des « groupes » informels à côté de familles. Stackebrandt et al. (1997) publient une classification phylogénétique fondée sur l'analyse des séquences des 16S rRNA/DNA, dans laquelle les taxons sont nommés formellement et hiérarchisés depuis la classe des Actinobacteria Stackebrandt, Rainey & Ward-Rainey, 1997 jusqu'au niveau générique. Malgré cette réorganisation phylogénétique au sein des actinomycètes, les critères morphologiques restent pertinents au niveau des taxons inférieurs, genres et espèces, et, de toute façon, sont les seuls utilisables en paléontologie. C'est pourquoi, bien que nous ayons cité de manière formelle les taxons des niveaux classe, ordre, famille en suivant Stackebrandt et al. (1997), il ne faut pas perdre de vue que nos espèces fossiles ont été classées au sein de ces taxons sur la base exclusive de critères morphologiques, seuls disponibles.
2) Techniques de préparation, d'observation et de mesure
Deux types de préparation ont été utilisés.
- Des lames minces de type pétrographique, mais non couvertes, sont examinées avec les objectifs faibles (jusqu'à x 63 à sec) en mettant sur la préparation une goutte d'huile à immersion synthétique puis en la recouvrant d'une lamelle couvre-objet. La lamelle est enlevée pour l'observation avec l'objectif x 100 à immersion.
- De très fines esquilles d'ambre sont montées dans du baume du Canada entre lame et lamelle. Le baume est séché au moins une semaine à 50°C mais pas cuit. Les premiers essais ont montré que la rétraction du baume au séchage entraîne une forte pression sur les esquilles les plus épaisses qui éclatent en une poussière de fragments inutilisables. C'est ainsi que quelques préparations ont été perdues (Breton et al., 1999). C'est pourquoi nous montons les esquilles d'ambre entre lame et lamelle en calant latéralement la lamelle à l'aide de deux lamelles cassées : la plus grande épaisseur de milieu de montage limite les risques d'éclatement. Mais en même temps, une telle préparation, plus épaisse, empêche parfois l'examen des plans les plus profonds à l'aide des objectifs x 100 à immersion.
Les préparations sont examinées à l'aide :
- d'un Leitz Diaplan ® en fond clair,
- d'un Nachet 400 ® en fond clair, contraste interférentiel et contraste de phase ; l'un et l'autre microscope sont pourvus d'une sortie photo. Les photos sont réalisées avec un réflex argentique (diapositives 24 x 36) et /ou un réflex numérique. La faible profondeur de champ, en particulier lors de l'examen à l'aide de l'objectif x 100 à immersion, permet rarement d'avoir une vue nette de l'ensemble de la structure étudiée. Plusieurs vues sont prises avec des mises au point sur différents plans. Les diapositives, numérisées, et les clichés numériques sont traités sous Photoshop ®, les plages de netteté maximum sont regroupées en une mosaïque sur un cliché unique, désigné dans les illustrations ci-dessous comme « m.a.p » (pour mosaïque de mise au point). Le logiciel Heliconfocus ®, qui rend automatiquement les mêmes services, a été utilisé pour quelques images prises avec un reflex numérique, désigné dans les illustrations ci- dessous comme « HF ». Ces techniques remplacent avantageusement les techniques de microscopie confocale auxquelles l'auteur n'a pas eu accès. Le dessin, au tube à dessiner, permettrait, alternativement, de réunir sur une illustration unique les zones de netteté maximum dans différents plans de mise au point. Cependant, le dessin est probablement perçu comme moins objectif, plus sujet à interprétation qu'une microphotographie, et donc n'a pas été utilisé ici [voir à ce sujet Martin-Gonzales et al. (2007), à propos des euglènes reconnues dans l'ambre cénomanien d'Ecommoy (Sarthe) par Breton & Tostain (2005) : “The authors did not show any micrograph to support this identification but only a drawing of the trapped cells in amber”]. Le repérage de l'observation est donné par le numéro de la préparation, suivi des coordonnées x et y de la platine à mouvements rectangulaires du Nachet 400. Comme ces coordonnées ne sont pas universelles, et que d'autre part une viscosité résiduelle du baume du Canada autorise, même pour des préparations vieilles de quelques années, surtout si elles sont stockées verticalement, un déplacement relatif des esquilles d'ambre, un schéma de localisation sera annexé à chaque préparation comportant un type ou un figuré.
La mesure du diamètre des filaments ou des spores, réalisé à l'aide d'un micromètre intégré au Nachet 400 étalonné à l'aide d'un micromètre-objet doit être considérée comme très approximative, pour plusieurs raisons d'ordre optique et d'ordre taphonomique.
► Raisons optiques. À 0,3 – 0,5 µm mesurés, on est très proche du pouvoir séparateur de l'appareil et la mesure précise de l'épaisseur d'une structure ou du diamètre d'un filament serait illusoire, tout au plus peut-on espérer apprécier une fraction de la division du micromètre intégré : 1/3, 1/2 ou 2/3 d'une division seront respectivement notés comme 0,3, 0,5 et 0,7 µm, une division représentant un micromètre sous l'objectif x 100 à immersion. De plus, il nous a semblé que la mesure de la même structure donnait un résultat légèrement différent selon que l'on était en fond clair peu diaphragmé, très diaphragmé ou en contraste interférentiel, fait que le constructeur n'a pas pu nous confirmer.
► Raisons taphonomiques. L'aspect au microscope du mycélium du substrat et du mycélium aérien des actinomycètes vivants est très différent. Le premier est très noir, le second pâle. Vobis in Miyadoh (1997, p.181) l'explique : “The difference between the hydrophilic nature of the substrate mycelium and the hydrophobicity or the aerial mycelium is very conspicuous. This is easy to distinguish by an impression preparation on a cover slip, viewed in a dry system with a light microscope: substrate hyphae are transparent and phase–dark, aerial hyphae are refractive and phase–bright”. Nous retrouvons cette dualité chez l'une des espèces fossiles décrites ci-dessous. Elle présente en effet, presque toujours associés, un mycélium de diamètre supérieur, que nous désignons comme « mycélium robuste, filaments robustes » et un mycélium de plus faible diamètre, nommé « mycélium ténu (ou grêle), filaments ténus (ou grêles) » dans les descriptions ci-dessous. Pour des raisons précisées dans la discussion taphonomique, il est délicat de corréler les deux types morphologiques de mycéliums de l'espèce fossile (robuste/grêle) aux types biologiques des actinomycètes cultivés (du substrat/aérien), sous réserve du paragraphe 4) ci-dessous. Il n'en reste pas moins que, comme beaucoup d'exemples de mycéliums aériens des actinomycètes actuels, les filaments robustes de notre espèce fossile sont généralement pigmentés.
Il n'est pas sûr que la même méthode de mesure (micromètre intégré) appliquée aux filaments pigmentés et aux filaments transparents, donne des résultats homogènes. De plus, peut-être à cause d'une rétraction de l'ambre lors de sa polymérisation, le moule externe d'un filament peut être agrandi par rapport au diamètre original du filament, et ceci d'une manière irrégulière. Nous avons observé ce phénomène dans des ambres cénomaniens.
Les mesures du diamètre des filaments et des spores doivent donc être considérées comme simplement indicatives.
3) Difficultés et pièges de l'étude des micro-organismes de l'ambre
Inclure, à tort, dans la taphocénose microbienne des supposés micro-organismes qui n'en font pas partie peut être la conséquence de deux types de « pièges » déjà soulignés (par exemple par Cloud & Morrison, 1979) à propos des plus anciennes traces de vie.
Les pseudo-fossiles sont souvent des micro-fractures dans la masse de l'ambre, parfois développées autour d'une inclusion, organique ou non. Elles peuvent être structurées plus ou moins concentriquement, avec sans des fractures radiales et ainsi évoquer des spores, cellules ou filaments, mimer des pseudo-organites cellulaires ou des figures de division, ou bien encore, de manière très trompeuse, ressembler à des groupes de cellules semblables aux « unidentified spore clusters » décrits par Waggoner (1994b : pl. 1, fig. 6 – 8) (Breton et al., 1999). Une structure répétitive, en dents de peigne ou en marches d'escalier, est fréquente. Un autre type de pseudo-fossiles est engendré par la pénétration, dans une fissure, d'un fluide, le plus souvent gazeux, qui aboutit à une figure dendritique, fractale ou non.
Chaque inclusion individuelle a été examinée pour authentifier son caractère biologique et écarter les pseudofossiles :
- développement selon une surface ou développement en volume ;
- forte dispersion des tailles, s'il y a plusieurs pseudofossiles ou. faible dispersion des tailles compatible avec une population naturelle ;
- aspect hyalin (pas de contenu) ou présence d'un contenu (par exemple cytoplasme) distinct de l'ambre environnant.
En cas de doute, l'observation a été écartée.
La contamination par des micro-organismes récents pose problème : elle peut s'être produite sur le terrain, dans le gisement de l'ambre, ou, au laboratoire, pendant sa préparation. Toute roche est potentiellement contaminable (voir par exemple Cloud & Morrison, 1979) ; les contaminants eux-mêmes sont variés, depuis les procaryotes (Cloud & Morrison, 1979) jusqu'aux diatomées (Saint-Martin et al., 2006). De nombreuses diatomées localisées dans l'épaisseur de morceaux d'ambre cénomanien des Charentes appartiennent à des espèces actuelles, et proviennent d'une contamination récente. Les diatomées vivantes peuvent coloniser des microfissures, la population progresser vers le centre des morceaux d'ambre, et, éventuellement, les microfissures se refermer (Saint-Martin et al., 2006).
Girard et al. (2009b) ont donc mis au point un traitement permettant de détruire la matière organique, le calcaire et la silice superficiels avant l'examen des morceaux d'ambre, ce qui permet d'éliminer les micro-organismes contaminants à squelette siliceux, calcaire ou organique, ou encore sans squelette. Ils ont également montré que la contamination, en particulier par les diatomées, est très forte si les morceaux d'ambre peuvent séjourner, même brièvement, en eau douce (carrières inondées) ou marine (affleurements littoraux), mais elle est pratiquement nulle pour les gisements de montagne. Dans cette étude de l'ambre de Douzens, dont les conditions de gisement sont bien plus proches de celles des gisements de montagne que de carrières inondées ou de bord de mer, nous n'avons pas systématiquement appliqué ce protocole de décontamination. La principale raison – triviale – est que les préparations examinées étaient faites avant que Girard et al. (2009b) ne découvrent l'intensité possible de cette contamination et ne mettent au point le protocole permettant de décontaminer le matériel. Les morceaux utilisés ici ont été nettoyés dans un bain détergent dans un bac à ultrasons. Une gangue marneuse adhérente a été éliminée à l'aide d'acide chlorhydrique dilué. Les morceaux, rincés à l'eau déminéralisée, ont été séchés après un bain d'éthanol. Conscient des possibilités de contamination, nous avons de plus examiné chaque microfossile isolé, vérifié qu'il se situait en profondeur dans l'ambre et non pas en surface. Nous l'avons examiné en contraste interférentiel, avec différents réglages du prisme, de telle sorte qu'une fissure, même refermée, soit détectée. Le microfossile n'est pas pris en compte s'il y a doute.
4) Le statut des tapis périphériques cyanobactériens et d'actinomycètes de l'ambre
La difficulté de discrimination entre un authentique microfossile et un micro-organisme contaminant récent concerne les micro-inclusions individuelles. Plusieurs ambres crétacés ou éocènes sont pourvus d'un tapis ou feutrage périphérique de micro-organismes filamenteux (Girard et al. 2008a) :
- Cénomanien, Sarthe (France) : cyanobactérie gainée Paleocolteronema cenomanensis Breton & Tostain, 2005 ;
- Cénomanien, Schliersee (Allemagne) : bactérie gainée Leptotrichites resinatus Schmidt & Schäfer, 2005 ;
- Albien supérieur – Cénomanien, Charentes et Aude (France) : cyanobactérie gainée Paleocolteronema cenomanensis et/ou bactérie gaînée Leptotrichites resinatus (Girard, 2008 ; Girard et al., 2008a) ;
- Eocène, Aude et Oise : actinomycètes (ce travail).
Le statut taphonomique de tels feutrages a été brièvement discuté par Breton (2007, p. 132) qui pose la question : « Remarques sur les tapis cyanobactériens et d'actinomycètes dans l'ambre : piégeage ou colonisation ? ». Cette problématique est reprise et développée ci-dessous, dans le paragraphe « Discussion ». De la réponse à la question « piégeage ou colonisation » dépendra l'orientation de la colonie d'actinomycètes par rapport à son substratum, donc in fine l'appréciation de ce qui est filaments du substrat et de ce qui est filaments aériens (voir ci-dessus paragraphe 3.2). Il convient de remarquer que dans le cas de l'espèce où la différenciation entre les deux mycéliums est la plus accusée, la corrélation la plus plausible est la suivante : filaments robustes, noirs = mycélium aérien ; filaments ténus, clairs = mycélium du substrat. En effet, ce sont les filaments robustes dont la croissance est centripète qui colonisent l'ambre. L'ambre étant un milieu non aqueux, ces filaments sont plus facilement corrélés au mycélium aérien hydrophobe. Quelques autres caractères confirmeraient cette corrélation : fragmentation du mycélium plus fréquente sur le mycélium du substrat, formation de rameaux sporifères plus abondante sur le mycélium aérien (malgré l'illogisme biologique qu'il y a à élaborer des spores qui ne pourront pas être dispersées à cause de la viscosité du milieu – la résine – où elles se forment).
IV. — Systématique
Classe ACTINOBACTERIA Stackebrandt, Rainey & Ward- Rainey, 1997
Ordre ACTINOMYCETALES Buchanan, 1917
Famille THERMOMONOSPORACEAE Rainey, Ward-Rainey & Stackebrandt, 1997 in Stackebrandt et al., 1997
Genre Thermomonosporopsis nov. gen.
Etymologie : Qui ressemble (suffixe d'origine grecque –opsis) au genre Thermomonospora. Substantif féminin.
Espèce-type : Thermomonosporopsis waggoneri nov. sp.
Diagnose : Filaments robustes (diamètre : 0,5 – 1,2 µm) pigmentés, plusieurs fois ramifiés plus ou moins régulièrement, rameaux raides. Filaments grêles (0,5-0,8 µm) transparents, plusieurs fois ramifiés plus ou moins régulièrement, ramifications souvent dichotomes à 60°, rameaux raides. Rameaux fertiles sur les deux mycéliums, portés par un pédoncule ramifié ou non. Rameaux sporifères crépus, ramifiés, organisés en une touffe terminale compacte sphérique, hémisphérique ou en forme de parapluie ou encore en manchon cylindrique qui entoure l'apex de l'axe. Spores rondes, claires, mesurant 0,3 à 0,5 µm de diamètre. Fragmentation du mycélium robuste rare, en bâtonnets plus ou moins longs. Fragmentation du mycélium grêle fréquente en bâtonnets ou en cocci. Endosporulation peu fréquente, affectant principalement les filaments grêles.
Différenciation des genres morphologiquement voisins : le tableau I donne les principaux caractères morphologiques permettant de distinguer Thermomono- sporopsis nov. gen. de quatre genres possédant des spores isolées : Thermomonospora, Thermomonosporites n. gen., Saccharomonospora et Thermoactinomyces. On retiendra en particulier la compacité des grappes de spores formant une unité sphérique, en parapluie ou en manchon, qui n'est jamais réalisée à ce point dans les espèces des genres Thermomonospora, Saccharomonospora et Thermoactino- myces, dont certaines possèdent des grappes de spores, toujours plus petites et moins compactes.
Thermomonosporopsis waggoneri nov. sp.2007
Actinomycètes – Breton : p. 130, fig. 3, 4, 12
Figures 2 – 13
Etymologie : L'espèce est dédiée à Benjamin M. Waggoner, dont les travaux sur la micropaléontologie de l'ambre font autorité, et pour son engagement contre les obscurantismes niant l'évolution.
Type : Préparation T 124, 532 x 188, figurée par Breton (2007, Fig. 3,4) et ce travail, Fig. 2, 4, 5.
Origine géographique et stratigraphique du type : Flanc nord de la montagne d'Alaric, commune de Douzens, Aude, France. Ambre déposé dans des sédiments littoraux sparnaciens.
Autre matériel : Sparnacien de Douzens, Aude, France : préparations B 10 ; T 04, 07, 08, 13, 31, 43, 48, 52, 54 (Fig. 10, 12), 58, 62, 68, 71, 73, 78, 94 (Fig. 7), 112, 115, 123, 130, 142 (Fig. 6), 143, 145 (Fig. 13), 161, 174, 175, 176, 177, 182 (Fig. 8, 9, 11) ; 250405-7-1, 250405-7-2. Sparnacien du Quesnoy, Oise, France : préparations Q 01.01, Q 03.
Diagnose et description : Mycélium robuste (diamètre des filaments : 0,6 – 1 – 1,2 µm) formant un tapis de 10 à 15 µm d'épaisseur. Filaments robustes pigmentés, foncés, plusieurs fois ramifiés plus ou moins régulièrement. Rameaux robustes raides. L'apex des filaments robustes peut être légèrement élargi en massue. Mycélium grêle (diamètre des filaments : 0,3 – 0,5 – 0,8 µm) formant un tapis continu de 10 à 20 µm d'épaisseur. Filaments grêles très transparents, plusieurs fois ramifiés plus ou moins régulièrement, ramifications à 60 – 90°, souvent dichotomes à 60°. Rameaux raides. Mycéliums robuste et raide presque toujours associés en périphérie du morceau d'ambre, très généralement avec les rameaux robustes vers le centre du morceau d'ambre (disposition centripète) et les rameaux grêles vers le sédiment entourant l'ambre. Rameaux fertiles sur les deux mycéliums, plus fréquents sur les rameaux robustes. Rameaux fertiles du mycélium robuste portés par un pédoncule ramifié ou non de 0,5 à 1,2 µm de diamètre pour la hampe, parfois localement dilatée, et d'une hauteur totale de 15 à 25 µm (Fig. 3). Les rameaux sporifères (diamètre des filaments 0,1 à 0,3 µm), incolores, crépus, ramifiés, s'organisent en une touffe terminale compacte, sphérique, hémisphérique ou en forme de parapluie de 3 à 15 µm de diamètre ; les spores sont terminales. Rameaux fertiles du mycélium grêle portés par un pédoncule de 6 à 10 µm de hauteur. Rameaux sporifères (diamètre 0,1 – 0,2 µm) flexueux, ramifiés dichotomiquement et organisés en une touffe terminale sphérique de 3 à 11 µm de diamètre (rarement 15 µm) ; les spores sont terminales. Spores rondes, claires, mesurant 0,3 à 0,5 µm de diamètre. Leur diamètre est supérieur à celui (≤ 0,3 µm) du rameau qui la porte. Fragmentation du mycélium robuste peu fréquent, en bâtonnets plus ou moins longs, parfois flexueux. Fragmentation du mycélium grêle fréquente, en petits éléments allongés, parfois ramifiés (Fig. 10) ou en cocci de 0,5 µm de diamètre. Endosporulation observée sur certains rameaux grêles, rarement sur les rameaux robustes (Fig. 11), endospores rondes, mesurant 0,3 à 0,5 µm de diamètre (rameaux grêles). L'endosporulation affecte un rameau dressé terminal ou bien une portion intermédiaire, avant la dernière ramification.
Description complémentaire : L'épaisseur totale du tapis de Thermomonosporopsis waggoneri nov. sp. à la périphérie des morceaux d'ambre est assez constante, inférieure ou égale à 35 µm (Fig. 4, 5). Sa mesure nécessite des observations selon une incidence exactement perpendiculaire, ce qui est rarement le cas compte tenu des techniques de préparation. Vus en plan, ces actinomycètes forment des touffes, elles-mêmes groupées en massifs. De légères ondulations de la surface de base font que l'on peut avoir, en vue en plan, pour une même mise au point, des massifs de mycéliums grêles alternant avec des massifs de mycéliums robustes. D'une manière générale, il est difficile d'avoir les deux mycéliums sur le même cliché (Fig. 7, 8, 9). Les rameaux fertiles sont organisés en boules ou en « parapluies » compacts à l'extrémité d'une hampe ramifiée ou non. Un examen à grandissement insuffisant, inférieur à x 100 à l'immersion, pourrait conduire à la conclusion erronée de l'existence de sporanges, connus dans d'autres genres d'actinomycètes. Cette interprétation pourrait se trouver renforcée par l'existence quasi- constante de pseudo-fossiles sous la forme de micro-fractures en cupules qui « coiffent » les rameaux sporifères en boule ou en parapluie, à petite distance (Fig. 2, 13) ou bien au contact de ces rameaux. L'endosporulation, qui conduit à des spores rondes, a été observée sur des rameaux dressés, et elle affecte quelques rameaux, ce qui permet de la distinguer d'une fragmentation du thalle en cocci qui affecte de plus grandes portions du mycélium. La distinction est parfois impossible (Fig. 12). La présence, en mélange, d'un Streptomyces sp. avec la sporulation caractéristique de ce genre affectant la partie distale de rameaux rectilignes serait indiscernable, dans nos conditions d'observation, de ce qui est interprété ici comme une endosporulation.
Rapports et différences : Différences avec T. tenuis nov. sp. : voir cette espèce.
Répartition stratigraphique et distribution géographique : Ces données sont pour l'instant limitées au matériel décrit ici : Eocène (Sparnacien), Bassin de Paris (Le Quesnoy, Oise : voir Nel et al., 1999) et Corbières (Douzens, Aude), France.
Tableau I
Famille ► | Thermomonosporaceae | Pseudono- cardiaceae | ? | ||
Genres ► Caractères ▼ | Thermomonospo- ropsis n. gen. | Thermomo- nospora | Thermomono- sporites n. gen | Saccharomo- nospora | Thermoacti- nomyces |
Spores isolées | + | + | + | + | + |
Mycélium du substrat et mycélium aérien | + | + | ? | + | + |
Différenciation du diamètre des filaments du substrat / aériens | + (1) | – | ? | – | – |
Pigmentation des filaments aériens (robustes) | + ou – | + ou – fréquemment | + | + ou – | – (2) |
Filaments cloisonnés | – | – | – | – | + |
Axe ou mycélium disparaissant à maturité | – | – | + | – | + ou – |
Fragmentation du thalle | + | – (2) | – | + ou – (3) | – |
Sporophores ramifiés | + | + ou – | + | – | + ou – |
Spores groupées en grappes | + | + ou – (4) | + | – | + (2 espèces) |
Grappes compactes, sphériques ou en parapluie, spores nombreuses | + | – | – | – | – |
Spores formées sur filaments aériens et filaments du substrat | + | + | ? | – | + |
Pédoncule ou axe de diamètre supérieur à celui des sporophores | + | – | + | – | – |
Endosporulation | + (5) | – | – | – | + |
Thermophilie | + (6) | – | + ou – | + (6) |
Différenciation des genres morphologiquement voisins :
+ = oui – = non
(1) filaments grêles / robustes (2) sauf chez une espèce (3) le plus souvent non
(4) T. fusca McCarthy & Cross, 1984 a des grappes de spores denses
(5) voir les remarques dans la description de l'espèce. Semble affecter plus fréquemment les filaments grêles
(6) une espèce mésophile
Thermomonosporopsis tenuis nov. sp.
Figures 14, 15, 32 B
Etymologie : Tenuis (latin) : grêle.
Type : Préparation T 49, 504 x 202, figuré Fig. 14, 15, 32 B.
Origine géographique et stratigraphique du type : Flanc nord de la montagne d'Alaric, commune de Douzens, Aude, France. Ambre déposé dans des sédiments littoraux sparnaciens.
Autre matériel : Même origine, préparations T 49, 67, 145.
Diagnose et description. On insistera sur les différences avec l'espèce-type du genre T. waggoneri nov. sp. La différence entre les rameaux robustes (0,5 – 0,7 µm) et grêles (0,4 – 0,5 µm) est peu accentuée, d'autant plus que les rameaux sont peu colorés. Les ramifications ont la même apparence générale que chez T. waggoneri mais semblent très « raides ». Les rameaux fertiles varient d'une forme sphérique à celle d'un manchon cylindrique qui entoure l'axe, parfois incomplètement. Les dimensions de ces rameaux fertiles varient de 4 x 4 µm (sphériques) à 4 x 15 µm (en manchon). Le pédoncule se poursuit dans l'axe du manchon, sur toute sa longueur. Les spores, uniques et terminales, rondes, mesurent 0,4 – 0,5 µm de diamètre. Le diamètre des rameaux sporifères peu ramifiés, très inférieur à celui des spores, a été évalué à 0,1 µm. Une seule observation a montré une fragmentation du mycélium en bâtonnets. Une endosporulation a été observée une fois. La distinction entre des rameaux de Thermomonosporopsis tenuis et des rameaux grêles de T. waggoneri peut s'avérer impossible en l'absence de rameaux robustes colorés qui dénoteront T. waggoneri, ou de rameaux fertiles en manchon qui permettront d'identifier T. tenuis.
Répartition stratigraphique et distribution géographique : Ces données sont pour l'instant limitées au matériel - type: Eocène (Sparnacien), Corbières (Douzens, Aude, France).
Genre Thermomonospora Henssen, 1957
Espèce-type : Thermomonospora curvata Henssen, 1957.
Diagnose : [excepté les caractères biochimiques] Mycélium végétatif ramifié, ne se fragmentant pas. Spores uniques, sur le mycélium aérien. Les spores, ovales ou sphériques, sont sessiles ou, plus souvent, portées à l'extrémité d'un sporophore ramifié ou non. Possibilité de grappes de spores par répétition de la ramification du sporophore. Les spores peuvent être formées aussi sur le mycélium du substrat. Les espèces du genre peuvent être thermophiles ou mésophiles.
Thermomonospora corbarica nov. sp.
Figures 16, 32C
Etymologie : corbaricus, a, um (adjectif latin) : des Corbières, région géographique d'origine du type.
Type : Préparation T 11, 508 x 200, figuré Fig. 16, 32C
Origine géographique et stratigraphique du type : Flanc nord de la montagne d'Alaric, commune de Douzens, Aude, France. Ambre déposé dans des sédiments littoraux sparnaciens.
Diagnose et description : Autour d'un axe de 0,6 à 1,0 µm de diamètre, très peu ramifié (une seule ramification observée) se répartissent de manière espacée des sporophores ramifiés, tortueux :
- diamètre des rameaux de certains sporophores inférieur à 0,3 µm, longueur 2 à 3 µm, spores terminales mesurant 1 µm ;
- diamètre des rameaux des autres sporophores mesurant 0,3 à 0,4 µm, longueur jusqu'à 6 µm, spores terminales mesurant 0,5 µm.
Remarque : L'axe principal est remarquablement rectiligne. On pourrait invoquer un étirement dans le flux de la résine, mais la disposition des sporophores ne plaide pas en faveur de cette hypothèse. Par prudence, ce caractère très rectiligne de l'axe, inhabituel, n'est pas considéré ici comme un caractère du taxon, et n'est donc pas mentionné dans la diagnose.
Rapports et différences : Au sein du genre Thermomonospora, l'axe peu ou pas ramifié, les sporophores ramifiés, courts, espacés sur l'axe caractérisent l'espèce T. corbarica. Elle se distingue des espèces des genres actuels morphologiquement voisins et à spores uniques Saccharomonospora, Thermoactinomyces et Micromonospora par ses sporophores ramifiés. Il en va de même pour le Paleomonospora tishomingoensis Waggoner, 1994 du Turonien du Mississippi (USA) dont les sporophores, non ramifiés, sont très courts ou absents (Waggoner, 1994b : pl. 1, fig. 4). Contrairement aux Thermomonosporopsis spp., Thermomonospora corbarica n'a pas de sporophores organisés en structure plus ou moins compacte, sphérique, en parasol ou en manchon.
Répartition stratigraphique et distribution géographique : Ces données sont pour l'instant limitées au matériel décrit ici : Eocène (Sparnacien), Corbières (Douzens, Aude, France).
Genre Thermomonosporites nov. gen.
Etymologie : Le suffixe –ites est appliqué aux taxons fossiles ressemblant à un taxon actuel, ici le genre Thermomonospora. Substantif masculin.
Espèce-type : Thermomonosporites arcuatus nov. sp.
Diagnose : Comme pour l'espèce-type et seule espèce du genre.
Différenciation des genres morphologiquement voisins : Le tableau 1 donne les principaux caractères morphologiques permettant de distinguer Thermomonosporites nov. gen. de quatre genres possédant des spores isolées.
Thermomonosporites arcuatus nov. gen., nov. sp.
2007 Actinomycètes – Breton : p. 130, fig. 5
Figures 17 – 20, 32 D
Etymologie : arcuatus, a, um, (adjectif latin), arqué, allusion à la forme générale des colonies.
Type : Préparation T 109, 439 x 200, figuré Fig. 17.
Origine géographique et stratigraphique du type : Flanc nord de la montagne d'Alaric, commune de Douzens, Aude, France. Ambre déposé dans des sédiments littoraux sparnaciens.
Autre matériel : Sparnacien de Douzens, Aude, France : préparations T 51, 494 x 155 : Fig. 18, 19 ; T 45, 461 x 210 : Fig. 20; T 46, 524 x 191 et 509 x 194 ; T 47, 497 x 198 ; T 62, 500 x 171 ; T 73, 492 x 176.
Diagnose et description : Autour d'un axe courbe, coloré, peu densément ramifié, de 0,6 à 0,8 µm de diamètre (une observation à 1 µm de diamètre par « élargissement taphonomique ») s'organise une grappe de sporophores ramifiés ou non, de 0,2 µm de diamètre. L'ensemble peut atteindre 250 µm de longueur, le manchon de sporophores mesurant jusqu'à 15 µm de diamètre. La grappe de sporophores présente en général une extrémité effilée. Les sporophores peuvent être tous du même côté de l'axe, ils sont alors du côté convexe. Les spores, mesurant 0,3 à 0,5 µm de diamètre (0,5 µm à maturité), sont isolées à l'extrémité du sporophore, subsphériques à ovales (et alors leur grand axe est dans le prolongement du sporophore. L'axe de la grappe disparaît à maturité.
Répartition stratigraphique et distribution géographique : Ces données sont pour l'instant limitées au matériel décrit : Eocène (Sparnacien), Corbières (Douzens, Aude, France).
Famille NOCARDIACEAE Castelli & Chalmers, 1919 1989 Nocardioform Actinomycetes – Holt : 2348-2350 ; 2000 Group 22 – Holt et al. : 625-626]
Genre Nocardia Trevisan, 1889
Espèce-type : Nocardia asteroides (Eppinger) Blanchard, 1896
Diagnose : [à l'exclusion des caractères biochimiques] Mycélium végétatif rudimentaire à extrêmement ramifié, de 0,5 – 1,2 µm de diamètre, se fragmentant en éléments non mobiles, bactéroïdes, bacilliformes ou coccoïdes. Mycélium aérien parfois visible seulement au microscope, mais toujours présent. Des conidies en chaînes courtes à longues, médiocrement à bien définies, peuvent occasionnellement être présentes sur le mycélium aérien ou plus rarement sur les deux mycéliums. Pas d'endospores, sporanges, sclérotes ni synnemata. Pas d'élément mobile.
Nocardia ? cousini nov. sp.
Figures 21, 22, 32F
Etymologie : Je dédie cette espèce au paléontologue havrais Rémi Cousin, en témoignage d'amitié.
Type : Préparation T 109, 437 x 202, figuré Fig. 21, 22.
Origine géographique et stratigraphique du type : Flanc nord de la montagne d'Alaric, commune de Douzens, Aude, France. Ambre déposé dans des sédiments littoraux sparnaciens.
Diagnose et description : Mycélium ténu, représenté probablement par les hyphes du substrat, d'un diamètre de 0,2 – 0,4 µm, formant un tapis de 15 à 20 µm d'épaisseur, et se fragmentant en bâtonnets et en cocci. Mycélium robuste, probablement constitué par les hyphes aériens (diamètre des filaments 0,5 µm), élancés, très peu ramifiés, croissant perpendiculairement au substrat sur une longueur de 20 à 25 µm, parfois hélicoïdaux. L'extrémité des filaments robustes est fréquemment dilatée. Cette dilatation, ovale, mesure 1 x 2 µm.
Remarque : Le groupe des « Nocardioform Actinomycetes » rassemble des Actinomycètes qui forment un mycélium fugace qui se fragmente en éléments ayant la forme de bâtonnets ou de cocci (Holt, 1989). D'une part, des taxons inclus dans ce groupe peuvent ne pas présenter ce caractère, d'autre part, d'autres Actinomycètes peuvent, eux, le montrer. Le regroupement informel, sous ce terme, de taxons d'apparence semblable n'est donc pas satisfaisant et conduit certainement à un groupe hétérogène et polyphylétique, dont certains genres montrent une diversité morphologique extrême.
Rapports et différences : L'opposition entre un mycélium grêle touffu, très ténu et se fragmentant, et un mycélium robuste formé de filaments élancés aux ramifications rares, à l'apex dilaté et ne formant pas d'arthrospores constitue une originalité morphologique suffisante pour distinguer Nocardia ? cousini de toute autre morphoespèce d'Actinomycète. Le genre Nocardia lui-même montre une assez grande diversité morphologique et se trouve donc mieux défini par ses caractères biochimiques que morphologiques. Dans ce contexte, le classement de la nouvelle espèce N. cousini dans le genre Nocardia est douteux et provisionnel, tous les caractères observables morphologiquement du genre Nocardia n'ayant pas été retrouvés dans le matériel examiné.
Répartition stratigraphique et distribution géographique : Ces données sont pour l'instant limitées au matériel décrit : Eocène (Sparnacien), Corbières (Douzens, Aude, France).
Nocardia ? crispa nov. sp.
Figures 23-25, 32E
Etymologie : crispus, a, um (adjectif latin) : frisé, tordu, allusion à l'aspect crépu des filaments.
Type : Préparation T 109, 492 x 199, figuré Fig. 23, 24.
Origine géographique et stratigraphique du type : Flanc nord de la montagne d'Alaric, commune de Douzens, Aude, France. Ambre déposé dans des sédiments littoraux sparnaciens.
Diagnose et description : Filaments noirs ou sombres, mesurant 0,6 µm de diamètre, moyennement à très ramifiés et à parcours extrêmement sinueux, tortueux, donnant un aspect « crépu » caractéristique.
Remarque : L'attribution au genre Nocardia est encore plus incertaine que pour le taxon précédent, aucun caractère lié à la multiplication (fragmentation du mycélium, sporulation) n'ayant été observé.
Répartition stratigraphique et distribution géographique : Ces données sont pour l'instant limitées au matériel décrit : Eocène (Sparnacien), Corbières (Douzens, Aude, France).
Famille ? MICROMONOSPORACEAE Krassilnikov, 1938, emend. Koch et al., 1996 1989 Section 28 Actinoplanetes – Holt : 2418 – 2450 2000 Group 24: Actinoplanetes – Holt et al. : 653 - 666]
Genre Actinoplanes Couch, 1950
Espèce-type : Actinoplanes philippinensis Couch, 1950.
Diagnose : [hormis les caractères biochimiques] Mycélium fin, ramifié, ne se fragmentant pas. Spores produites au sein de sporanges sphériques ou subsphériques à très irréguliers, 3-20 x 6-30µm, portés par un court sporangiophore ou bien sessiles. Spores formées par fragmentation des hyphes à l'intérieur du sporange, sphériques, subsphériques ou en courts bâtonnets, mobiles.
Actinoplanes ? girardi nov. sp.
Figures 26, 27, 32G
Etymologie : En l'honneur de Vincent Girard dont les travaux sur les micro-organismes de l'ambre sont de très haute qualité.
Type : Préparation T 178, 563 x 158, figuré Fig. 26.
Origine géographique et stratigraphique du type : Flanc nord de la montagne d'Alaric, commune de Douzens, Aude, France. Ambre déposé dans des sédiments littoraux sparnaciens.
Autre matériel : Préparations T 45, 461x210 ; T 49, 522x159 ; T57, 478x183 ; T 59 [non coordonné] ; T 171 : 448x128* ; T178, 563x158.
Diagnose et description : Sporanges sphériques, dont le diamètre mesure 10 à 12 µm, à parois minces, et qui laissent échapper des spores très nombreuses, légèrement anguleuses à sphériques, mesurant 1 à 1,3 µm de diamètre.
Description complémentaire : La libération des spores de ces sporanges a été observée plusieurs fois. Les sporanges, localement abondants (on en a compté jusqu'à 10 dans une plage de 120 x 80 µm) n'ont jamais été observés en continuité avec un mycélium.
Remarque : Le terme « sporange » est utilisé ici dans son acception fonctionnelle « sac contenant des spores », selon l'usage anglo-saxon (Holt, 1989 ; Lechevalier, 1989, Holt et al., 2000 ; Mijadoh, 1997). Le fait que ces sporanges n'aient jamais été observés en relation avec le mycélium où ils ont été formés laisse planer une imprécision sur leur position systématique. L'attribution douteuse au genre Actinoplanes a été faite par élimination. Un certain nombre de genres d'Actinomycètes susceptibles de produire des sporanges ont été écartés sur le critère du nombre de spores (sporanges oligosporés), de la forme non sphérique des sporanges ou de la forme des spores. L'espèce Actinoplanes ? girardi aurait pu être placée au sein du groupe informel des Maduromycètes dans le genre Streptosporangium Couch, 1955. Néanmoins, les espèces connues compatibles avec la diagnose et les dimensions de notre nouvelle espèce possèdent soit une membrane du sporange épaisse et des spores germant dans le sporange (par exemple Holt, 1989 : figures 30.30, 30.31 et 30.32) soit une membrane très fine et fragile qui éclate immédiatement dans l'eau ou bien ne peut pas être observée en microscopie optique (Holt, 1989 : p. 2545). De plus, le type de formation des spores par fragmentation (cloisonnement transversal) d'hyphes internes au sporange permet de comprendre qu'une spore immature puisse présenter un aspect légèrement anguleux tout en restant isodiamétrique. Enfin, la question d'un rapprochement avec le genre fossile Streptosporangiopsis Waggoner, 1994 (espèce-type S. russelli Waggoner, 1994 dans l'ambre du Crétacé supérieur du Mississippi) se pose. La description originale de ce taxon prend en compte les hyphes et le développement des sporanges, données dont nous ne disposons pas ici. De plus, les sporanges semblent, chez S. russelli, rester solidaires du sporangiophore, tandis qu'ils s'en séparent chez A. ? girardi, nov. sp.
Répartition stratigraphique et distribution géographique : Ces données sont pour l'instant limitées au matériel décrit : Eocène (Sparnacien), Corbières (Douzens, Aude, France).
Famille STREPTOMYCETACEAE Waksmann & Henrici, 1943, emend. Rainey, Ward-Rainey & Stackebrandt, 1997 1989 Section 29 Streptomycetes and related genera– Holt : 2451 – 2508
2000 Group 25: Streptomycetes and related genera – Holt et al. : 667 – 675]Genre Streptomyces Waksmann & Henrici, 1943
Espèce-type : Streptomyces albus (Rossi-Dora, 1891) Waksmann & Henrici, 1943
Diagnose : [sans les caractères biochimiques] Mycélium végétatif (diamètre 0,5-2,0 µm) très ramifié qui se fragmente rarement. A maturité, le mycélium aérien forme des chaînes de trois à nombreuses spores.
Streptomyces vizcainoi nov. sp.
Figures 28-30,32H
Etymologie : Je dédie cette espèce au paléontologue audois Daniel Vizcaïno, en témoignage d'amitié.
Types : Holotype : Préparation 7.1.PM.A : 493 x 82, figuré Fig. 28. Paratypes : Préparation T 171 : 471 x 213, figuré Fig. 29 et T 173 : 445 x 223 : figuré Fig. 30.
Origine géographique et stratigraphique du type : Flanc nord de la montagne d'Alaric, commune de Douzens, Aude, France. Ambre déposé dans des sédiments littoraux sparnaciens.
Autre matériel : Préparations T 165 : 496 x 163 et 426 x 191 ; T 169 : 462 x 132 ; T 173 : 546 x 226.
Diagnose : Hyphes mesurant 0,3 µm de diamètre, formant deux types de mycéliums : mycélium sombre, y compris en contraste de phase, avec des filaments ramifiés très tortueux, ne se fragmentant pas (mycélium du substrat possible) ; mycélium clair, peu tortueux, peu ramifié, droit et perpendiculaire au substrat au début du développement, formant des chaînes apicales droites ou flexueuses de plus de quinze arthrospores, de même diamètre (0,3 µm) que les filaments en fin de développement (mycélium aérien).
Description complémentaire : Aucune fragmentation du mycélium n'a été observée. En plus des chaînes d'arthrospores apicales du mycélium aérien, il a été rarement observé sur le mycélium du substrat la formation par endosporulation de spores intermédiaires de 0,3 µm de diamètre, ou bien (paratype T 171 : 471 x 213) une fois, de spores latérales rondes, sessiles, de 0,5 µm de diamètre.
Streptomyces vizcainoi est toujours observé dans des fragments d'ambre riches en débris végétaux. Les colonies de cet Actinomycète sont soit situées sur les débris végétaux, soit en paquets « flottant » dans l'épaisseur de l'ambre, et parfois étirés dans la direction de l'écoulement de la résine. Les débris végétaux de la préparation T 165 sont « polarisés ». S'ils portent des S. vizcainoi, le mycélium aérien clair, à filaments ténus, formant des chaînes de spores est situé d'un côté ; le mycélium du substrat sombre, tortueux, très ramifié, de l'autre. On peut penser à une microlitière végétale dont les éléments sont emportés par le flux de résine. L'un et l'autre mycéliums peuvent ainsi se retrouver en paquets isolés « flottant » dans l'épaisseur de l'ambre. En début de développement, le mycélium aérien est formé de filaments clairs, érigés, droits, peu ramifiés, perpendiculaires au support, de même longueur. Ils se ramifieront et formeront des chaînes de spores apicales ultérieurement.
Rapports et différences : L'attribution au genre Streptomyces se fonde sur la présence d'un mycélium du substrat ramifié, ne se . fragmentant pas et d'un mycélium aérien portant des chaînes terminales d'arthrospores. Celles-ci sont longues et simplement flexueuses (type morphologique Rectiflexibles). Le diamètre des filaments (0,3 µm) est plus faible que celui de la plupart des représentants du genre (0,5 – 2,0 µm). L'aspect du mycélium aérien en début de croissance – filaments peu ramifiés érigés perpendiculairement au substrat – peut évoquer celui de Nocardia ? cousini nov. sp. On retiendra chez ce dernier la fragmentation du mycélium du substrat et l'absence de chaînes d'arthrospores sur les filaments aériens. Waggoner (1993) a décrit, dans l'ambre éocène de l'Etat de Washington un Actinomycète cf. Streptomyces sp. Les spécimens qu'il décrit ont des hyphes et des spores de 1 – 2 µm de diamètre. Ce taxon, que Waggoner laisse en nomenclature ouverte, est donc probablement distinct de S. vizcainoi nov. sp. bien que de même âge (Eocène) et, comme lui, recueilli dans l'ambre.
Autres bactéries
L'ambre de Douzens contient parfois des microinclusions de très petite taille (0,3 – 2 µm), en forme de bâtonnets ou de cocci (Breton et al., 1999). Leurs dimensions et la forme générale sont les seuls caractères disponibles : il serait donc vain de les décrire et de les nommer. En effet, s'il peut s'agir de bacilles ou de cocci appartenant à des groupes de bactéries autres que les Actinomycètes, ces inclusions peuvent aussi être des spores d'Actinomycètes ou résulter de la fragmentation de leur mycélium. Cette dernière possibilité est d'autant plus plausible que les Actinomycètes sont très abondants dans l'ambre de Douzens.
V. — Discussion
1) La diversité des Actinomycètes de l'ambre sparnacien de Douzens
Bien que la « richesse » des caractères morphologiques varie d'une espèce à l'autre, les neuf espèces décrites se répartissent pour moitié environ dans la famille des Thermomonosporaceae, pour moitié entre trois autres familles. Compte tenu du « filtre taphonomique », et du fait que la définition de nos taxons est nécessairement strictement morphologique, cette diversité de la taphocénose traduit une forte diversité de la biocénose originelle. En effet, tous les taxons actinomycètes de la biocénose originelle n'ont pas été fossilisés (ou retrouvés, reconnus et étudiés !). De plus, la biodiversité, exprimée en nombre de morphoespèces, est inférieure à la biodiversité prenant en compte les espèces distinguées sur des critères biochimiques ou métaboliques.
Les Actinomycètes se trouvent aujourd'hui dans tous les milieux : marins (voir Weyland, 1986), eau douce, terrestres et parasites animaux ou végétaux. L'inventaire des autres micro-organismes de l'ambre sparnacien des Corbières a été établi par Breton et al. (1999) et Breton (2007) et comprend des :
- filaments mycéliens peu fréquents, et pouvant être le plus souvent rapportés à des Imperfecti ;
- algues : Trentepohlia sp. ; cf. Chaetonemopsis pseudobulbochaete Gauthier – Lelièvre, 1954 ; cf Dichotomosiphon sp. ; Zygnemataceae avec zygospores Ovoidites sp. ; Chlorococcales ;
- protistes incertae sedis ;
- abondantes spores, rarement identifiables. Une spore ailée est possiblement un phycome de Prasinophyte cf. Pterospermella sp. ;
- métazoaires : spermatodesmes,
- fragments de végétaux supérieurs en décomposition.
L'ambre étudié a donc fossilisé des organismes susceptibles de vivre dans des milieux d'eau douce, terrestres ou marins. Seules les algues permettent une discrimination paléoenvironnementale : Trentepohlia sp. indique un milieu terrestre humide (sols, rochers, troncs) ; cf. Chaetonemopsis pseudobulbochaete, cf. Dichotomosiphon sp. et les Zygnemataceae indiquent un milieu dulcicole. Parmi les actinomycètes, Thermomonosporopsis waggoneri est de loin l'espèce la plus abondante dans l'ambre sparnacien des Corbières. Si l'espèce est proche du genre Thermomonospora, ce que laissent supposer les caractères morphologiques et reproductifs, et a des exigences écologiques comparables, elle peut être une espèce mésophile des sols et des végétaux en décomposition,
Les Actinomycètes de l'ambre sparnacien des Corbières se sont donc développés en milieu terrestre humide à dulcicole, pour certains associés à des végétaux en décomposition. En se fondant sut les résultats d'un travail de Lakshmanaperumalsany et al. (1986) sur les Actinomycètes de l'estuaire du Vellar (Inde), et « avec toutes les réserves qu'impose cette transposition actualistique », Breton (2007) suggère que l'ambre sparnacien des Corbières, riche en Actinomycètes et relativement plus pauvre en autres bactéries (voir ci-dessus, le paragraphe « autres bactéries ») et en champignons correspond à une sécrétion estivale de résine, ce que tendrait à corroborer la possible mésophilie de l'espèce dominante.
2) Le statut taphonomique des Actinomycètes de l'ambre sparnacien des Corbières : piégeage ou colonisation ?
Breton (2007), en comparant les tapis cyanobactériens de l'ambre cénomanien d'Ecommoy (Sarthe) aux tapis d'Actinomycètes des Corbières pose la question « piégeage ou colonisation ? ». En effet, Néraudeau (in litt.) et Girard (2008) pensent que les Palaeocolteronema cenomanensis Breton & Tostain, 2005 (cyanobactérie filamenteuse à gaine) qu'ils observent dans l'ambre crétacé des Charentes (Archingeay, Cadeuil, Charente-Maritime) ont colonisé des boules de résine préexistantes. Ils argumentent de la direction générale centripète de la propagation des filaments, de l'existence de nodules totalement enveloppés par une croûte très riche en P. cenomanensis et de l'observation par Schmidt & Schäfer (2005), lors d'expériences d'actuotaphonomie, de la croissance de bactéries gainées dans la résine fraîche en milieu aqueux.
Nous avions cependant (Breton, 2007) conclu que les cyanobactéries de l'ambre d'Ecommoy et les Actinomycètes de l'ambre de Douzens y avaient été piégés, collés à la surface d'une résine relativement fluide, éventuellement sous l'eau. De nouvelles observations nous conduisent à nuancer cette conclusion. En effet, si des observations plaident en faveur du piégeage, d'autres ne peuvent s'expliquer que par la colonisation de la surface et la croissance des Actinomycètes dans la résine. Nous pensons que ce sont des actinomycètes (dans le cas de l'ambre de Douzens), des cyanobactéries ou autres bactéries (dans les cas des ambres crétacés) piégés qui ont colonisé la surface du morceau de résine fraîche, pas encore polymérisée : piégeage et colonisation sont donc presque concomitants et ont pu survenir successivement au tout début de l'histoire taphonomique du morceau d'ambre.
a) Arguments en faveur du piégeage
Les Actinomycètes Thermomonospora corbarica, Thermomonosporites arcuatus, Nocardia ? cousini, Streptomyces vizcainoi, et les sporanges de Actinoplanes ? girardi sont toujours situés en profondeur dans l'ambre, soit isolés, soit associés à des débris végétaux. Les filaments peuvent être étirés dans le flux de la résine. Sur certains fragments végétaux en décomposition, fragments de feuilles vraisemblablement, les colonies de Streptomyces vizcainoi sont polarisées (préparation T 165 : voir le paragraphe « Systématique »). Thermomonosporopsis waggoneri peut aussi, mais plus rarement, se retrouver en paquets isolés dans l'ambre. Habituellement, il forme, ainsi que T. tenuis, un tapis fossilisé en surface de l'ambre. Dans plusieurs préparations, ce tapis comporte, de l'extérieur vers l'intérieur :
- une couche minérale représentant au moins pour partie le sédiment originel piégé puisqu'il contient le mycélium grêle ;
- le mycélium robuste portant les sporophores ;
- un ambre clair contenant, superposés à une certaine distance des gazons d'actinomycètes, les filaments cf. Dichotomosiphon sp. et des microinclusions isolées (voir Breton, 2007 : fig. 3 et 12).
Une telle disposition s'explique au mieux par un piégeage, le flux de résine ayant fossilisé sans déplacement la superposition observée sédiment / tapis de Thermomonosporopsis spp. fertiles / filaments algaires. Le piégeage explique également la présence évoquée plus haut des autres Actinomycètes à l'intérieur de l'ambre.
b) Arguments en faveur de la colonisation
Il convient d'abord d'observer que l'argument principal (et convaincant) invoqué par Néraudeau (in litt.) et par Girard (2008) en faveur de la colonisation de nodules d'ambre, à savoir l'enveloppement intégral de certains nodules par les micro-organismes n'a pas pu être examiné à Douzens (non plus qu'à Ecommoy) où nous n'avons pas recueilli de nodule entier, l'ambre étant toujours fragmenté dans le gisement. Deux observations sont retenues en faveur de la colonisation. D'une part, on a observé un tapis homogène de Thermomonosporopsis waggoneri sur la section d'une « larme » (ou « stalactite) d'ambre sparnacien de Douzens, non déformée, et qui ne peut donc avoir piégé des actinomycètes sur tout son pourtour. D'autre part, un tapis de T. waggoneri s'est développé autour d'une microperforation de l'ambre (de 40 – 60 µm de diamètre) aujourd'hui emplie de calcite : préparation T 177 ; 534 x 185, Fig. 31). Cela implique que la colonisation et la croissance des Actinomycètes aient eu lieu après un durcissement relatif de la résine, suffisant pour que cette perforation de se referme pas.
VI. — Conclusions
Cette étude de l'ambre sparnacien de Douzens (Aude, France) met en évidence un processus taphonomique original. Si les autres taxons d'Actinomycètes se sont trouvés fossilisés par piégeage dans la résine, Thermomonosporopsis waggoneri nov. gen., nov. sp. y a été inclus par un double processus : piégeage, mais aussi par colonisation de la surface de la résine, après un durcissement relatif, et croissance centripète.
Pour la première fois, une flore d'Actinomycètes diversifiée (huit morphoespèces) est décrite dans l'ambre. La préservation d'organes reproducteurs (sporophores, spores, sporanges) et l'observation de caractères liés à la croissance (dualité du mycélium) ou à la multiplication (fragmentation du mycélium) ont permis de définir précisément ces huit espèces, répartis entre six genres dont deux nouveaux, et de proposer une hypothèse de placement au sein de familles actuelles. L'originalité de la morphologie des rameaux sporifères des deux espèces du genre Thermomonosporopsis nov. gen. et de l'espèce du genre Thermomonosporites nov. gen. justifient leur inclusion dans des genres nouveaux. Pour le reste, la morphologie des Actinomycètes du Sparnacien de Douzens est très comparable à celle des espèces actuelles, confirmant le conservatisme morphologique couramment admis chez les protistes, et en particulier chez les procaryotes. Dans le cas de l'ambre sparnacien des Corbières, la résine a coulé dans des collections d'eau douce ou bien sur la terre ou des rochers humides. Elle y a piégé, avec d'autres microorganismes, des Actinomycètes, dont certains ont pu coloniser des nodules de résine après un durcissement relatif. Les nodules de résine durcie ont ensuite été remaniés, avec un très court trajet car ils ne présentent pas d'usure, dans des sédiments marneux très littoraux. Des indices laissent penser que la sécrétion de résine a été plutôt estivale. La méso- ou la thermophilie probable de certains taxons d'Actinomycètes indique un climat chaud, ou, au moins, une température moyenne à élevée au niveau des végétaux en décomposition dans lesquels ils se développaient.
Remerciements. — Mes remerciements les plus chaleureux vont à tous ceux qui, d'une manière ou d'une autre, m'ont aidé, sur le terrain ou au laboratoire, m'ont approvisionné en matériel ou ont échangé des idées, ont étudié les flores et faunes d'accompagnement, ou ont participé aux premières recherches et en particulier Rémi Cousin, Céline Gauthier, Vincent Girard, Alain Havard, Didier Merle, Didier Néraudeau, Denise Pons, Hervé Sider, Florent Tostain, Daniel Vizcaïno. Les critiques, très positives et pertinentes, apportées par les deux rapporteurs, Mme Christine Strullu-Derrien et M. Daniel Vachard, qui se sont penchés sur une première rédaction de cet article ont permis de l'améliorer grandement : ils en sont vivement remerciés. La publication de ce travail a été faite dans le cadre d'un partenariat entre l'auteur et Science Action Haute Normandie, le C.C.S.T.I. de Haute Normandie.