Les ressources en eau pour une mise en bouteilles

  • Water resources to bottle

DOI : 10.54563/asgn.2357

p. 183-186

Plan

Texte

Une activité familiale devenue un groupe industriel

La population française est très friande d’eau en bouteille. Et la géologie de la France métropolitaine, très diversifiée, offre une variété de gisements, tant en composition qu’en proportions. Certaines sources sont exploitées depuis des siècles.

Les Sources ALMA sont une société d’origine familiale (Papillaud), crée dans l’Orne en 1954 et qui, comme d’autres groupes, s’est développée en rachetant dans d’autres régions les droits à exploiter diverses sources locales (une trentaine dont : St-Yorre, Vichy-Célestins, Courmayeur, Montcalm, Vals, Rozana, Cristaline…). En Hauts-de-France, les Sources ALMA sont représentées par le groupe Roxane-Nord qui exploite l’aquifère de la craie (Fig. 1) à Pérenchies, Mérignies (source Louise), Busigny. En outre deux sites de prélèvements sont localisés à Saint-Amand-les-Eaux qui ont la particularité d’exploiter une nappe captive dans le Calcaire Carbonifère, sous une couverture de marnes turoniennes.

Fig. 1

Fig. 1

Extrait de la carte géologique au millionième, avec la localisation des sources exploitées par le Groupe Roxane en Nord – Pas-de-Calais.
 
Extract from the millionth-scale geological map, showing the location of springs exploited by Groupe Roxane in Nord-Pas-de-Calais.

Contextes géologiques des gisements

La craie abrite le principal aquifère régional, dont le plancher est constitué des marnes d’âge Turonien moyen, connues sous le nom de Dièves. Les gisements de Pérenchies, Busigny et Mérignies sont dans cette conformation. Dans les trois sites, le gisement est protégé naturellement par une couche d’argiles et sables tertiaires (Thanétien et base de l’Yprésien).

Le site de la Source Louise, à Pont-à-Marcq produit à partir d’un forage représenté en Fig. 2. Une fine couche de limons recouvre la base de l’unité connue sous le nom d’Argile d’Orchies, traversée sur une dizaine de mètres. Elle recouvre elle-même, en continuité, une quarantaine de mètres de sables, de plus en plus argileux en descendant et redevenant franchement sableux à la base. C’est l’unité connue comme Sables d’Ostricourt, d’âge Thanétien. Ces dépôts recouvrent directement la surface d’érosion de la craie. C’est une craie blanche, qui passe vers le bas à une craie à silex et contient quelques passées marneuses. Le contact entre le Coniacien et le Turonien supérieur n’est aucunement singularisé, comme partout dans la région. On peut constater (Fig. 2) que la nappe captive dans la craie est faiblement artésienne dans la série tertiaire puisque le niveau d’eau est naturellement stabilisé vers 17 m de profondeur, soit une bonne vingtaine de mètres au-dessus du toit de la craie.

Fig. 2

Fig. 2

Log du forage exploitant la source Louise ; extrait du rapport de l’hydrogéologue agréée : Barbara Louche.
 
Log of the Louise spring borehole; extract from the report by the certified hydrogeologist: Barbara Louche.

A Saint-Amand-les-Eaux, le contexte est différent. Le site productif est connu sous le nom de Source du Clos de l’Abbaye (BSS000CGCV). La coupe, réalisée en 1975, démarre dans la plaine alluviale de la Scarpe qu’elle traverse sur un peu plus de 1 m. Puis elle traverse les Sables d’Ostricourt sur plus de 30 m pour entrer dans la craie vers la cote -17. La partie aquifère n’est traversée que sur une dizaine de mètres, et n’est pas exploitée. Une quarantaine de mètres de Dièves isole l’aquifère de la craie de celui du Calcaire Carbonifère, sous une discordance traversée vers la cote -70. C’est ce dernier qui produit une eau certes carbonatée, mais aussi sulfatée car le Calcaire Carbonifère renferme des niveaux à évaporites. La recharge de cet aquifère profond s’effectue à partir des affleurements qui longent la frontière franco-belge, entre Basècles et Tournai. Le niveau statique de la nappe du Calcaire Carbonifère se stabilise presque au même niveau que celui de la craie.

On pourrait croire que les Dièves constituent donc une barrière d’étanchéité entre les terrains du socle paléozoïque et la couverture méso-cénozoïque. Mais alors, comment comprendre que dès -50 avant JC, les Romains avaient reconnu une source thermale analogue à ce qu’ils connaissaient en Italie ? Sauf si un séisme d’une intensité suffisante pour faire émerger une faille (M ≥ 6), comme il s’en produit environ 2 par millénaire, ait permis à l’eau de sourdre par un couloir hautement fissuré, quelques temps avant l’arrivée des Romains dans la région. A tout le moins, il faudrait localiser une telle faille, inconnue de la carte géologique à 1/50000 à ce jour.

Qualité des productions

Avant d’être mise sur le marché, une eau en bouteille doit satisfaire à un certain nombre de critères qui sont régulièrement évalués, notamment par l’Agence Régionale de Santé.

La production brute distingue l’eau de source et l’eau minérale naturelle, toutes deux d’origine souterraine, naturellement protégées. L’eau de source doit répondre aux normes des eaux destinées à la consommation humaine. La composition de l’eau minérale naturelle doit être stable dans le temps, et sa composition doit aussi respecter des normes spécifiques propres aux eaux minérales. Ces eaux peuvent être naturellement gazeuses ; elles sont commercialisées sous l’appellation eau minérale naturelle gazeuse. Ce dernier type est absent de la région des Hauts-de-France ; certaines eaux sont gazéifiées parce que le consommateur le souhaite. Les sites de Busigny, Pérenchies et Merignies produisent une eau de source. Le site de Saint-Amand-les-Eaux produit des eaux minérales naturelles, naturellement sulfatées, pour la plupart magnésiennes (Fig. 3). Ceci est dû à la présence d’évaporites dans le Calcaire Carbonifère, dont la dissolution libère des anions sulfatés et du magnésium.

Fig. 3

Fig. 3

Tableau comparatif de la composition minéralogique des sources exploitées par le Groupe Roxane.
 
Comparative table of the mineralogical composition of the sources exploited by the Roxane Group.

Les traitements et contrôles de qualité répondent à des protocoles très stricts (Fig. 4).

Les forages permettant le prélèvement de la ressource en eau sont protégés par des abris sous alarme anti-intrusion, ceints d’une clôture délimitant le périmètre immédiat de protection, placé sous vidéo-protection. Par exemple, la tête du forage F (Fig. 4A) est fermée par une plaque inox boulonné pour éviter l’introduction de toute substance pouvant polluer la nappe ; la présence d’un filtre évent pour filtrer l’air pouvant pénétrer dans le forage lors de la mise en route de la pompe. La tête de puits est également équipée d’une sonde de niveau permettant d’enregistrer en permanence le niveau de la nappe. Un clapet anti-retour évite que l’eau contenue dans la conduite d’exhaure puisse retourner dans la nappe aquifère

Les eaux de sources de Pérenchies, Mérignies et les eaux minérales de Saint-Amand contiennent naturellement du fer dissous. Un traitement spécifique permet de s’en affranchir (Fig. 4B) : A Mérignies, une salle permet le traitement des trois ressources exploitées. Un deferriseur est constitué de deux cuves inox. Dans la première cuve, remplie de pouzzolane, l’eau circule du bas vers le haut, une injection d’air à l’entrée de la cuve complète le dispositif. Le fer dissout présent dans l’eau s’oxyde et les hydroxydes de fer sont retenus dans la cuve suivante. La deuxième cuve est rempli de sable siliceux ; l’eau y circule de haut en bas, les hydroxydes de fer sont retenus par le sable, l’eau ainsi deferrisée peut être conditionnée

L’eau minérale de saint-Amand étant fluorée, une partie du fluor est éliminé par adsorption sur alumine activée. Tous ces traitements sont dûment autorisés par arrêté préfectoral et régulièrement contrôlé par les laboratoires des sites, et suivis par l’Agence régionale de Santé.

Sur les sites de captage (Fig. 4C), le forage est protégé dans un abri sous alarme anti-intrusion. Cet abri est lui-même ceint d’une clôture surmontée de barbelé de type concertina. Cette espace clos constitue le périmètre immédiat de protection. Ce périmètre est-lui même sous vidéoprotection.

Fig 4.

Fig 4.

 

 

 

 

Trois vues sur sites : A – Tête de forage F à la source Léa à Mérignies ; B - Vue sur la salle de deferisation à Mérignies ; C – site de captage et une partie de ses protections.
 
Three site views: A - Borehole head F at the Léa spring in Mérignies; B - View of the Mérignies fertilization room; C - Catchment site and part of its protection.

Conclusion

En conclusion, la diversité géologique et hydrogéologique permet sur le département du Nord d’exploiter des eaux de source et des eaux minérales naturelles de qualité différentes permettant de répondre aux attentes des consommateurs. Cette exploitation raisonnée de la ressource naturelle participe également au développement économique de la région.

Illustrations

  • Fig. 1

    Fig. 1

    Extrait de la carte géologique au millionième, avec la localisation des sources exploitées par le Groupe Roxane en Nord – Pas-de-Calais.
     
    Extract from the millionth-scale geological map, showing the location of springs exploited by Groupe Roxane in Nord-Pas-de-Calais.

  • Fig. 2

    Fig. 2

    Log du forage exploitant la source Louise ; extrait du rapport de l’hydrogéologue agréée : Barbara Louche.
     
    Log of the Louise spring borehole; extract from the report by the certified hydrogeologist: Barbara Louche.

  • Fig. 3

    Fig. 3

    Tableau comparatif de la composition minéralogique des sources exploitées par le Groupe Roxane.
     
    Comparative table of the mineralogical composition of the sources exploited by the Roxane Group.

  • Fig 4.
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    Trois vues sur sites : A – Tête de forage F à la source Léa à Mérignies ; B - Vue sur la salle de deferisation à Mérignies ; C – site de captage et une partie de ses protections.
     
    Three site views: A - Borehole head F at the Léa spring in Mérignies; B - View of the Mérignies fertilization room; C - Catchment site and part of its protection.

Citer cet article

Référence papier

Thierry Vinay, « Les ressources en eau pour une mise en bouteilles », Annales de la Société Géologique du Nord, 30 | 2023, 183-186.

Référence électronique

Thierry Vinay, « Les ressources en eau pour une mise en bouteilles », Annales de la Société Géologique du Nord [En ligne], 30 | 2023, mis en ligne le 15 décembre 2023, consulté le 14 mai 2024. URL : http://www.peren-revues.fr/annales-sgn/2357

Auteur

Thierry Vinay

Directeur qualité et environnement, Groupe Roxane, Sources ALMA t.vinay@sources-alma.com

Droits d'auteur

CC-BY-NC