I. — Introduction
Comme d'autres grandes métropoles construites sur des formations géologiques aquifères et possédant un sous-sol fortement anthropisé (Tokyo, Osaka, Shanghai,…), Paris présente une situation hydrogéologique très perturbée provoquant des désordres aussi bien en surface qu'en profondeur.
Afin d'identifier des zones susceptibles de présenter un risque, l'élaboration d'un modèle hydrogéologique des aquifères parisiens est indispensable. Dans un premier temps, une étude sur la compréhension du fonctionnement des nappes et de ses différents acteurs est abordée, avant de décrire la conceptualisation d'un modèle hydrogéologique de Paris et les difficultés rencontrées.
II. — Contexte parisien
Paris est implantée à proximité du centre du Bassin Parisien dans une plaine alluviale qui comporte un grand nombre de systèmes aquifères recoupés par la Seine (Mégnien, 1979). Cette étude ne s'intéresse qu'aux nappes affleurantes contenues dans les formations géologiques comprises entre le Cénomanien et l'Holocène.
1) Géologie et hydrogéologie
L'Île-de-France, a été affectée par différents événements tectoniques qui ont permis la mise en place d'une trame fine d'ondulations avec au centre deux grands axes tectoniques : l'Anticlinal de Meudon au sud, et le Synclinal de la Seine au nord (Mégnien et al, .1980)
Depuis plus d'un siècle, Paris fait l'objet de nombreuses études géotechniques, associées à un grand nombre de sondages, nécessaires à l'aménagement de son sous-sol. Néanmoins, l'extension géographique et l'épaisseur des formations sédimentaires n'étaient pas connues en tout point de Paris. Afin d'y remédier, un modèle géologique en 3 dimensions de la capitale (Fig. 1) a été réalisé à partir de plus de 20 000 sondages, issus de fichiers du Bureau des Recherches Géologiques et Minières (BRGM) et de l'Inspection Générale des Carrières de Paris (IGC). Un tri a été effectué sur la base de données initiale pour écarter plus de 2 000 données aberrantes (erreurs de géoréférencement ou d'identification des formations).
Cette approche géologique combinée à 647 essais de pompages, provenant de la Régie Autonome des Transports Parisiens (RATP) et de la Ville de Paris, permet d'identifier d'un point de vue hydrogéologique, les couches perméables et semi-perméables en distinguant les différentes formations aquifères (nappe des Sables de Fontainebleau, nappe du Travertin de Brie, nappe du Bartonien, nappe du Lutétien, nappe de l'Yprésien supérieur, nappe du l'Yprésien inférieur et nappe de la Craie) qui sont recoupées par la nappe des alluvions anciennes. A Paris, seul l'Argile Plastique sparnacienne et les Glaises vertes sannoisiennes sont très peu perméables. Au centre, se développe un aquifère multicouche composé de cinq nappes principales relatées dans de nombreuses publications comme étant « l'aquifère parisien » (Diffre, 1969 ; Prunier-Leparmentier, 1988). Cet ensemble est surmonté par deux nappes perchées sur les buttes témoins (Montmartre, Belleville). Le réseau hydrographique parisien est l'archétype d'un milieu très fortement urbanisé avec un sol imperméabilisé à plus de 80 %, ce qui perturbe la recharge naturelle des nappes qui se fait alors principalement par les fuites des réseaux d'adduction. A Paris, le volume d'une année de recharge des nappes par le réseau d'eau usée associé au réseau d'eau non potable équivaut au volume de quatre années de recharge par la pluie.
Ces perturbations sont accentuées par les prélèvements d'eau dans les nappes (Fig. 2) nécessaires à la géothermie de très basse température, à la protection d'ouvrages, ou à des chantiers de construction. Leur volume déclaré à la Section Assainissement de la ville de Paris est de 11 millions m3/an, alors que le volume réel serait compris entre 20 et 30 millions de m3/an. Ces prélèvements d'eau perturbent les circulations des nappes affleurantes en créant des cônes de dépressions piézométriques, comme au centre de Paris, et allant même jusqu'à créer une inversion du sens d'écoulement impliquant une alimentation de la nappe par la Seine (Prunier-Leparmentier, 1991).
2) Bâti souterrain
Paris est caractérisé par un sous-sol extrêmement anthropisé avec un taux d'occupation de 20 %. Les différentes structures recensées sont : 147 parkings publics et 7 600 privés, 12 400 caves, 378 stations de métro ou de RER, 263 km de tunnel ferroviaire, 8,2 km² de carrières. 14% du bâti souterrain, hormis les carrières qui n'atteignent pas les zones saturées, baignent dans les nappes en modifiant leur écoulement.
La figure 3 est une représentation tridimensionnelle de l'occupation du sous-sol associée au toit de la nappe phréatique. Elle montre, selon trois angles de vue différents, la répartition géographique, ainsi que la profondeur atteinte par les structures souterraines. La vue de dessous précise les différentes constructions qui interfèrent avec les nappes.
III. — Conceptualisation du Modèle
La création d'un modèle mathématique hydrodynamique, s'étendant sur l'emprise de la capitale, nécessite la conceptualisation des formations géologiques en fonction de leurs propriétés hydrogéologiques. Cette étape permet de créer un système comportant 6 couches aquifères et 5 couches semi-perméables qui sont complétées par des limites à flux nul ou à potentiel imposé selon notre zone d'étude.
Ces valeurs de calage sont obtenues à partir de cartes piézométriques de 2010 des différentes nappes parisiennes que nous avons réalisées à partir de 669 piézomètres répartis sur la capitale et sa proche banlieue. Le modèle est ensuite discrétisé en 607 171 mailles carrées de 50 mètres de coté en intégrant les données du sous-sol nécessaires à la modélisation (nature des formations géologiques et de son affleurement, présence et type de la structure souterraine, l'existence de cours d'eau, le volume des prélèvements ...)
Ce modèle mathématique hydrodynamique a pu être construit, et permet à ce jour de faire des simulations, en régime permanent, qui mettent en évidence le rôle des prélèvements d'eau sur le comportement des nappes à Paris.
IV. — Conclusion
La conceptualisation d'un modèle hydrodynamique en milieu urbain doit passer dans un premier temps par la réalisation d'un Système d'Information Géographique (SIG) du sous-sol en 3 dimensions. Cette étape est complexe et nécessite de récupérer de très nombreuses données issues de différents gestionnaires. Pour Paris, il n'y avait aucun précédent, et cela a impliqué la cartographie en 3 dimensions de 20 000 infrastructures souterraines associées aux formations géologiques à partir de plus de 20 000 sondages.
Le calage du modèle hydrodynamique passe par l'élaboration de cartes piézométriques des différentes nappes parisiennes réalisées à partir des 669 piézomètres appartenant à l'IGC, à la RATP et au BRGM. La dernière carte piézométrique de Paris remontait à 1988 (Prunier-Leparmentier, 1988). Le modèle mathématique réalisé et calé grâce à l'ensemble de ces données permet de simuler le comportement des nappes selon le régime actuel avec cependant des incertitudes concernant la piézométrie des nappes plus profondes. Ce type de modélisation est un outil qui devient fondamental afin d'identifier les zones susceptibles de subir des désordres en cas de modification du régime actuel, comme par exemple avec la venue d'une crue centennale, et de définir les mesures de prévention nécessaires. Quant aux incertitudes du modèle, elles mettent en évidence la nécessité de regrouper l'ensemble des données collectées par les différents aménageurs et gestionnaires des infrastructures souterraines afin de pouvoir le fiabiliser plus encore.