Les seuils limites des rejets de polluants dans l'air par les incinérateurs d'ordures ménagères ne cessent de diminuer. Les respecter est devenu un casse-tête pour les exploitants de ces installations.
Voici comment le résoudre.
En quelques années, le domaine du traitement de l'air des usines d'incinération a connu maints bouleversements. En moins de dix ans, les seuils limites d'émissions ont été plusieurs fois réduits (Arrêtés de 1991 et, en 1997, Circulaire Lepage sur les nouvelles installations). Des normes d'émissions qui seront reprises dans la future directive Incinération qui sera applicable à toutes les installations existantes. Bref, l'ensemble du parc français d'incinérateurs, c'est-à-dire 270 unités, est concerné par ces évolutions, même si tous ne le sont pas avec la même acuité. Sur les 70 gros incinérateurs (plus de 6 Vh), une soixantaine sont déjà conformes aux normes de 1991. Mais nombre d'entre eux devront se soucier de la dioxine, non encore réglementée. Pour les petites unités, l'échéance pour satisfaire aux normes de 1991 est l'an 2000, et beaucoup reste à faire. Ces évolutions prévisibles s'inscrivent dans le contexte de la révision des plans départementaux de gestion des déchets ménagers, avec son lot de nouveaux incinérateurs (en moyenne quatre par an) ou d'usines d'incinération des ordures ménagères (UIOM) à rénover ou à agrandir. Des usines qui posent toutes des problèmes particuliers de traitement des effluents gazeux.
En clair, il n'y a pas de solution universelle. « Mieux, insiste Stéphane Bicocchi, directeur technique chez Cadet international, plus que jamais, grâce aux évolutions techniques des différents procédés, toutes les solutions sont possibles ».
Que des cas particuliers
Point de vue confirmé par Hubert de Chefdebien, chargé des relations extérieures à la CNIM pour qui, techniquement, on peut atteindre les futures normes avec toutes les technologies. En fait, le choix dépend d'un grand nombre de paramètres techniques, économiques et politiques. « Le choix d'une technologie peut dépendre du coût de mise en décharge régional, puisque les procédés produisent plus ou moins de réfiom » précise Allain Maire, le P-DG de Socrématic. Politiquement peuvent se greffer des contraintes comme le refus d'avoir des effluents liquides ou la volonté d'aller au-delà des normes exigées. C'est le cas de la future usine de Rouen pour laquelle les élus se sont fixé comme objectif d'atteindre les normes hollandaises, les plus sévères d'Europe pour les NOx.
Le respect des normes mis à part, la qualité première d'une nouvelle installation ou d'une amélioration sera sa capacité à évoluer. « La réflexion préalable pour une collectivité est de se déterminer sur les performances qu'elle souhaite (réglementation ou au-delà), mais aussi sur la souplesse qu'elle se donne par rapport aux évo1utions réglementaires probables ou incertaines », explique Philippe Bajeat, l'interlocuteur des collectivités à l'ADEME pour ces questions. L'espérance de vie de l'incinérateur va donc jouer un rôle, puisque certaines mises aux normes n'ont pour vocation que de prolonger l'utilisation de quelques années.
Un système évolutif
Pour d'autres, les modifications, comme le traitement de la dioxine, seront suivies d'autres exigences telles que l'abaissement des émissions de mercure ou le traitement des NOx. « L'important lors de la conception de l'installation est de ne pas se fermer les opportunités d'évolution » conseille Hubert de Chefdebien, chez CNIM. Ce qui peut revenir parfois à prévoir simplement la place d'un équipement supplémentaire. « Pour des raisons d'esthétique, on a ces dernières années enfermé les usines d'incinération dans des bâtiments. Cela pose aujourd'hui des problèmes indéniables de place pour faire évoluer les procédés vers les futures normes » constate Philippe Garnier, chez Hamon Research Cottrell. Des tracas que devrait connaitre, par exemple, la Communauté urbaine de Bordeaux, avec la toute nouvelle usine Astria de Bègles.
-
Exprimer clairement les performances que l'on souhaite et ce qu'on refuse (rejets liquides, par exemple). On peut aussi déterminer la technologie que l'on envisage d'adopter. L'intérêt est alors de pouvoir comparer plus facilement deux propositions.
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Faire prendre en compte le contexte local. « Il est plus intéressant que les spécifications exigées ne soient pas seulement des limites d'émissions, mais une vue globale sur l'environnement économique et politique » soutient Allain Maire, de Socrématic.
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Exiger du constructeur qu'il précise les conditions de fonctionnement et de gros entretien associées aux garanties afin qu'aucune ambiguïté ne subsiste.
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Demander des scénarios chiffrés sur l'évolution réglementaire, ce qui donne une idée des conséquences d'un choix technique.
Quatre points à ne pas oublier dans l'appel d'offres
Évolution dela réglementation applicable en France sur les émissions gazeuses des UIOM.
Réglementation |
Applicable |
Future |
|
Polluants |
Arrêté du 25-01-91 |
Circulaire Lepage 24-02-97(usines neuves) |
Directive CEE sur l'incinération (en préparation) |
Poussières |
30 |
10 |
10 |
CO |
100 |
50 |
50 |
HCI |
50 |
10 |
10 |
HF |
2 |
1 |
1 |
S02 |
300 |
50 |
50 |
NOx |
- |
- |
200 |
COT(hydrocarbures |
20 |
10 |
10 |
Mercure |
0,2 |
0,05 |
0,05 |
Cadmium |
0,05 |
0,05 |
|
Autres métaux lourds |
1 à 5 selon les métaux |
0,5 |
0,5 |
Dioxine et furanes |
- |
0,1 |
0,1 |
Les teneurs en polluants sont exprimées en mg/Nm3, sauf pour la dioxine exprimée en mg/Nm3
L'efficacité des techniques par polluant
Technologies |
Poussières |
Métaux lourds |
Gaz acides |
NOx |
Dioxine furanes |
|||
Particulaires |
Gazeux |
HCI,HF,etc. |
SOx |
|||||
Dépoussiéreurs |
Filtre à manches |
+++ |
+++ |
|||||
Électrofiltre |
+++ |
++ |
||||||
Procédés de neutralisation (lavages) |
Voie sèche |
- |
+++ |
+ ( jusqu'à +++ avec charbon actif) |
++ (ou +++ selon temps de séjour et réactifs) |
+ (ou++ pour soude) |
+(+++ avec charbon actif) |
|
Semi-humide |
+++ |
+ |
de +à+++ selon temps de séjour |
+à+++ selon temps de séjour |
+(+++ avec charbon actif) |
|||
Voie humide |
+++ |
+ OU ++ |
+++ |
+++ |
+ |
|||
Condensation |
+++ |
+++ |
+++ |
|||||
Procédés complémentaires |
SNCR |
++ |
||||||
SCR |
+++ |
+++ |
(D'après Bicocchi S. Les polluants et les techniques d'épuration des fumées. Tee & Doc Lavoisier Éd., Paris 1998). + : traitement partiel ; ++ : technologie efficace ; +++ : technologie obtenant de très bonnes performances.
1. Dépoussiérage
Incontournable étape du traitement de l'air, le dépoussiérage est aujourd'hui dominé dans les usines d'incinération d'ordures ménagères par deux techniques : le filtre à manches et l'électrofiltre. On trouve en général l'électrofiltre en amont des laveurs humides, tandis que les filtres à manches sont souvent placés en aval des procédés secs et semi-secs ou semi-humides.
Le filtre à manches
Le filtre à manches est constitué de manches filtrantes en feutre ou en tissu suspendues dans un caisson. Les gaz qui pénètrent dans le caisson vont traverser les manches. Les poussières sont alors retenues sous forme d'une couche, appelée gâteau, à la surface du médium filtrant. Principal intérêt du système : le gâteau forme lui-même une médium filtrant plus fin que le tissu, retenant donc mieux les petites particules. En outre, si un réactif a été utilisé en amont, il poursuit son travail dans le gâteau. Le filtre à manches est donc couramment mis en œuvre pour récupérer le charbon actif utilisé dans le traitement de la dioxine et des métaux lourds. Cela dit, si l'investissement s'avère inférieur à celui d'un électrofiltre (en particulier pour les petites et moyennes unités), son exploitation reste plus onéreuse.
L'électrofiltre
L'électrofiltre est une technique qui repose sur des phénomènes de précipitation électrostatique. En passant dans un champ magnétique, les poussières sont chargées et attirées par une électrode sur laquelle elles s'accumulent. Cher à l'investissement pour les petites et moyennes unités, l'électrofiltre a trouvé de nombreuses applications dans les grandes installations en raison d'un coût d'exploitation et d'entretien moins élevé que celui des filtres à manches. L'électrofiltre présente peu de pertes de charges et consomme donc moins d'énergie. Cependant, le rendement d'épuration des poussières est moins bon puisqu'il ne se forme pas de gâteau. L'électrofiltre est donc placé en amont d'un laveur, lequel assure le traitement final des poussières en même temps que la neutralisation des gaz acides.
Actuellement, les électrofiltres pâtissent d'une moindre efficacité pour la captation de la dioxine et des métaux lourds. En effet, le temps de séjour du charbon actif est trop court. Il en faut donc davantage pour atteindre des rejets de dioxine inférieurs au 0,1 ng/Nm3 demandé.
2. Les procédés de neutralisation
La clé de voûte de tout traitement d'air est évidemment la neutralisation des gaz. Trois grandes familles de traitement cohabitent : le système sec, semi-humide, et le traitement humide Leur fonction essentielle est de neutraliser les gaz acides, comme l'acide chlorhydrique (HCl), les fluorures et les oxydes de soufre. Toutes ces techniques sont capables de répondre aux futures normes sur les émissions de gaz d'incinération.
Le traitement par voie sèche
L'épuration par voie sèche consiste à injecter dans le réacteur un produit sous forme solide qui va neutraliser les gaz acides. Traditionnellement, c'est la chaux qui est employée comme réactif. La configuration du procédé est simple, il suffit d'un réacteur de contact suivi d'un filtre à manches. L'investissement nécessaire est faible, le besoin en main-d'œuvre réduit et il n'y a pas d'effluents. Le principal inconvénient de ce procédé est de consommer beaucoup de réactifs. Il faut en effet qu'ils soient en excès par rapport à la quantité nécessaire à la neutralisation. Les résidus sont donc importants. Le coût de la mise en décharge peut alors influer sur le choix de cette technique. Il existe cependant des installations fonctionnant avec recirculation des résidus. Cette solution est notamment mise en œuvre par ABB (qui la met en pratique également pour le traitement semi-humide). Les neuf dixièmes des résidus recueillis dans le filtre à manches sont remis en circulation. « Cela nécessite cependant un atomiseur qui supporte de fortes charges en matière concentrée. Au lieu de 12 %, on est à 20 % de réactif » précise Hélène Sneed, ingénieur commercial chez ABB. Cette recirculation est aussi une solution pour mettre aux normes les anciens systèmes sans augmenter la consommation de chaux, car en définitive le système sec est moins souple que d'autres procédés pour évoluer vers les nouvelles normes. De son côté, le groupe LAB a mis au point un tambour conditionneur qui agglomère les particules ultrafines, permettant ainsi d'améliorer leur captation et d'allonger la durée de vie des manches.
Principe de fonctionnement du traitement par voie sèche.
« La mode est à des systèmes plus sommaires, en exploitation et en coût d'investissement. Et des progrès énormes ont été faits en matière de réactifs » constate cependant Philippe Granier pour expliquer le regain d'intérêt des systèmes secs. Et de fait, l'excès de réactif a été fortement réduit par des améliorations de procédé (températures différentes) et avec l'arrivée de nouvelles chaux comme celles de Lhoist. En outre, les systèmes de neutralisation à sec peuvent se mettre facilement en conformité pour la dioxine et les métaux lourds, simplement en ajoutant du charbon actif, à condition qu'ils soient équipés d'un filtre à manches et que la température soit inférieure à 200 °C. Autre tendance dans le domaine, l'arrivée du bicarbonate de sodium. Ce réactif permet de travailler quasiment sans excès de réactif, avec des résultats plutôt meilleurs que la chaux. Il peut permettre notamment de mettre en conformité des anciennes unités de neutralisation par voie sèche sans gros investissements. Autre avantage : sa manipulation est moins dangereuse que celle de la chaux. Enfin, la CNIM et ALSTOM auraient constaté que les réactifs au sodium avaient un effet sur la dioxine. « Notre département R&D est en train d'étudier les mécanismes de réaction de façon à bien comprendre le phénomène »explique prudemment Hubert de Chefdebien. En cas de succès, une économie supplémentaire pourrait donc être tirée en choisissant ce réactif.
Tous les constructeurs d'installations de traitement de gaz mettent donc à leur catalogue le traitement sec au bicarbonate de soude issu des laboratoires de la société Solvay (procédé Neutrec). La CNIM dispose déjà de références en France. Problème, ce réactif est environ deux fois plus cher que la chaux, mais cet inconvénient peut être surmonté : en effet, Solvay a prévu la reprise des résidus pour les recycler. Autre spécificité : pour être efficace, le bicarbonate doit être broyé avant d'être injecté dans le réacteur. Afin d'optimiser ses performances, certains constructeurs conseillent de placer également un électrofiltre en amont de l'injection du réactif pour retirer les poussières. Une opération qui permet à Solvay de valoriser plus aisément les sels récupérés. « Il n'y a pas de problème sur la qualité de la neutralisation par le bicarbonate, mais il faut s'assurer que contractuellement le coût de traitement des réfiom est bien compris dans l'exploitation, afin d'éviter les incertitudes sur la gestion de ces sels »note Philippe Bajeat à l'ADEME. L'autre idée est de prévoir une installation modulaire qui puisse travailler avec la chaux ou le bicarbonate, propose-t-on chez Hamon Research Cottrell.
La voie semi-humide
Comme le traitement sec, le traitement semi-humide consiste à faire réagir de la chaux avec les gaz acides. Le réactif est pulvérisé sous forme liquide, soit mécaniquement (atomisation), soit par air comprimé. Une première solubilisation de l'HCl permet à celui-ci de réagir avec la chaux en suspension. L'eau s'évapore parallèlement en abaissant la température des gaz et la réaction se poursuit à sec. Le procédé ne génère aucun effluent liquide et, tout comme le procédé sec, il est possible d'envisager une recirculation des résidus en tête d'installation si le constructeur dispose d'atomiseurs capables de supporter de fortes concentrations en réactif. L'excès de ce dernier est réduit par rapport au procédé à sec. Le laveur est suivi d'un filtre à manches. Comme pour le procédé sec, le traitement semi-humide permet l'injection de charbon actif qui agit dans la phase sèche sur la dioxine et les métaux lourds sans surcoût de filtration.
Les aides actuelles de l'ADEME
• Pour les unités d'une capacité inférieure à 6 t/h, qui doivent se mettre en conformité avec l'arrêté 1991 en 2000, l'ADEME soutient l' investissement à hauteur de 15 à30 % en fonction du rendement de désulfuration, qui distinguera les installations qui font le strict minimum de celles qui vont au-delà.
• Pour le traitement de la dioxine, il existe une aide générale de l'ADEME à hauteur de 50 % jusqu'en fin 1999/début 2000.
Une variante de ce procédé est appelée semi-sec que certains dénomment aussi traitement sec refroidi. L'opération d'évaporation-refroidissement et le contact à sec se font consécutivement. Sur cette technique, Fumilav vient d'innover en concevant une buse unique pour le refroidissement par l'eau et l'injection de chaux à sec, ce qui permet de gagner une tour de réaction. « Par rapport à du semi-humide, l'avantage du semi-sec est que le traitement de la dioxine et des furanes est encore plus simple », souligne Jean-Luc Coulbault, directeur commercial de Fumilav. Il faut toutefois noter que sur certains traitements semi-humides, la période de neutralisation à sec est assez longue pour que le charbon actif soit injecté dans le réacteur comme dans le semi-sec.
À ne pas oublier
L'important, c'est la pulvérisation. « La pulvérisation de lait de chaux est d'autant plus efficace que la maintenance est préventive », souligne Philippe Granier, chez Hamon Research Cottrell. Un argument développé par la CNIM qui met en avant ses turbines d'atomisation de grand diamètre, lesquelles tournent à vitesse lente pour éviter l'usure et font l'objet de nettoyages préventifs en marche pour éviter l'encrassement. Chez
LURGI, les disques d'atomisation ont fait l'objet de nombreuses recherches, mais toute la difficulté est de s'adapter, notamment à la dureté de l'eau.
Chez LAB enfin, des buses bifuides ont été mises au point pour allier performances d'atomisation avec simplicité d'exploitation d'un système sans pièces tournantes dans le réacteur.
Le traitement humide
La mise en conformité de l'usine d'Antibes a été faite en injectant du charbon actif en amont du réacteur semi-humide.
Si le traitement humide a connu ses heures de gloire pendant la dernière décennie, en particulier pour les grandes installations (où l'investissement au départ est déjà important), c'est notamment pour sa capacité à descendre à des seuils très bas d'émissions de gaz acides et en raison du peu de rejets solides. Le procédé consiste, après un dépoussiérage (généralement par électrofiltre), à favoriser le contact entre les gaz et une solution de lavage. Les gaz sont donc saturés en eau (dans ce qu'on appelle le quench), ce qui a pour effet d'abaisser fortement la température. Ils subissent ensuite un lavage qui doit être à deux étages (« acide » et « basique ») pour capter efficacement le HCl et les oxydes de soufre. Le lavage acide se fait à l'eau, et le lavage basique avec un réactif qui est souvent de la soude. « En exploitation, le système humide est confortable et permet facilement de répondre pour les gaz acides aux normes de la future directive » souligne Hervé Pernin, spécialiste des installations de combustion à l'ADEME. Certains constructeurs placent les deux étages de traitement en une seule tour. « Cela prend moins de place, mais le coût de construction est plus élevé », note Allain Maire, P-DG de Socrématic.
Principe de fonctionnement du traitement humide à deux réacteurs.
Malgré ces excellentes performances par rapport aux autres procédés et les faibles quantités de réactif nécessaires, les traitements humides subissent aujourd'hui le double coup du refus des effluents liquides et de la peur de la dioxine.
« Le rejet de sels est de plus en plus mal toléré », souligne Hubert de Chefdebien. Mais c'est surtout la dioxine qui s'oppose aujourd'hui au développement du traitement humide. « L'adaptation du procédé est plus difficile pour les poussières et la dioxine », souligne Hervé Pernin. « L'humide ne réunit plus les conditions techniques et économiques optimales pour résoudre ce problème » confirme Stéphane Bicocchi. Car, pour adapter un procédé humide, il faut réchauffer les gaz en sortie de laveur pour atteindre les 100 à 120 °C nécessaires à la réaction avec le charbon actif, injecter le charbon et ajouter un filtre à manches. Le surcoût peut paraitre prohibitif et l'exploitation demande de l'énergie qui ne pourra plus être valorisée par l'unité d'incinération. « Si l'énergie n'est pas récupérée, alors ça vaut le coup. Sinon, c'est anti-économique » conclut Jean-Luc Coulbault, de Fumilav.
Thivernal est le premier incinérateur humide sans rejets liquides réalisé en France.
Principe de fonctionnement du traitement humide sans effluents.
Tableau : Quel coût pour le traitement del'air ?
Pour une UIOM de 100 000 Van avec récupération d'énergie (vapeur-électricité) |
|
Usine respectant les normes de 1991 |
|
Investissements |
|
Équipement hors génie civil |
170 MF |
Traitement SOx |
0 |
Traitement dioxine |
0 |
Traitement NOx |
0 |
Génie civil |
50 MF |
Total Investissements |
|
Plage de variation |
220 à 270 F/t |
Exploitation |
|
Analyses et contrôles |
0,12 MF |
Gros entretien |
2,9 MF |
Autres postes |
9,68 MF |
Total charges fixes |
12,7 MF |
Catalyseur |
0 |
Réactifs |
0,68 MF |
Évaluation des réfiom |
5,25 MF |
Gros entretien |
2,9 MF |
Autres postes |
4,27 MF |
Total charges proportionnelles |
13,1 MF |
Coût d'exploitation résultant, investissement compris |
|
Plage de variation |
440 à 510 F/t |
Pour pallier cet inconvénient, les unités de lavage humide pourraient être dotées de systèmes de traitement des NOx par voie catalytique : une technologie qui permettrait également de détruire les molécules chlorées. Cette solution n'est pas jugée très opportune à l'heure actuelle par une majorité des professionnels. En effet, personne ne connaît encore les normes d'émission des oxydes d'azote. Et pour le cas où celles-ci seraient modérées, le coût d'installation d'une voie catalytique serait hors de proportion avec les résultats à obtenir. « En outre, il faudra sur dimensionner le réacteur catalytique (SCR) pour qu'il puisse traiter la dioxine », estime-t-on chez CNIM. À l'ADEME, on enfonce le clou. « La SCR ne servira qu'à traiter 20 % de la dioxine, les 80 % restant étant déjà captés dans les poussières », constate Hervé Pernin. Sans compter que le choix d'une SCR ne résoudra pas le cas des métaux lourds. « Les rendements en traitement humide pour capter les métaux lourds (notamment le mercure) ne permettront pas d'atteindre les 0,05 mg/Nm3 », affirme-t-on à l'ADEME et chez certains professionnels, même si LAB affirme pouvoir répondre à cette contrainte. Résultat, un traitement au charbon actif serait de toute manière nécessaire. Cela dit, dans ce domaine, LAB propose une solution originale de traitement de la dioxine en système humide qui permettrait de ne pas remettre en cause cette filière dont il est le spécialiste. « L'intérêt du procédé est qu'il n'assure pas seulement l'adsorption. Il y a en effet destruction grâce à certains additifs contenus dans les effluents », explique Dominique Blanc, ingénieur commercial chez LAB. Plusieurs installations fonctionnent déjà ou sont en cours de construction comme à Mulhouse et à Bruxelles. À noter que plusieurs concurrents de LAB se sont essayés sans grand succès sur cette voie de recherche.
En fait, l'évolution logique du procédé serait de le rendre propre (sans effluents). Ces derniers sont récupérés dans des laveurs et pulvérisés en tête d'installation dans une tour d'évaporation. Mise en œuvre plusieurs fois par CNIM et ALSTOM, cette configuration offre à l'exploitant la possibilité de traiter à la fois la dioxine et les métaux lourds. Seule contrainte, que le dépoussiéreur avant les laveurs soit bien un filtre à manches. Chez ABB, LURGI et LAB, qui pratiquent aussi cette combinaison, ce sont plutôt les anciens systèmes semi-humides qui sont transformés en humides sans rejets liquides. En clair, le réacteur du traitement semi-humide ne sert plus qu'à évaporer puis à traiter la dioxine. Ensuite, après le dépoussiéreur, une tour de lavage est installée pour bénéficier des performances de neutralisation. Certaines sociétés voient aussi dans ce schéma un traitement combiné. Dans ces cas-là, le premier réacteur dans lequel est réinjecté l'effluent sert aussi à traiter par voie semi-humide les gaz, par ajout de réactif. ABB estime que cette consommation de réactif est inutile compte tenu des performances du traitement par voie humide. Cette solution semble aujourd'hui être bien acceptée pour « upgrader » des traitements un peu anciens. Elle nécessite cependant de disposer d'un peu de place. Il faut en outre s'assurer qu'elle est bien maîtrisée afin d'éviter des réactions incontrôlées dans l'évaporateur. Chez CNIM notamment, on ne mélange pas les effluents acides et basiques pour éviter la formation de gypse et limiter la maintenance.
Ces solutions laissent la porte ouverte au traitement des NOx qui pourra éventuellement être un système non catalytique.
Le traitement par condensation
Un procédé plus marginal aujourd'hui est la condensation. Il est proposé par une seule société en France, Speic, qui met en œuvre une technologie développée par Pont-à-Mousson et Sogéa il y a quelques années. Le principe repose sur l'utilisation de l'eau contenue dans les fumées pour les laver. Le lavage se déroule à très basse température (40 à 50 °C), ce qui améliore la captation des gaz acides et permet même de condenser les métaux lourds. Le coût d'exploitation de ce procédé est peu élevé, notamment grâce à une faible consommation énergétique et à une utilisation limitée de réactifs. En outre, il n'y a pas de panache sortant de la cheminée et il est possible de travailler avec des matériaux plastiques moins chers.
Les usines de Rochefort-sur- Mer (17), d'Argenteuil (95) et d'Annecy (74) utilisent ce système.
Les questions à ne pas négliger
• Le garnissage des tours : voir l'équilibre entre l'investissement et les coûts d'exploitation. Une tour sans garnissage est plus chère à l'achat, mais moins coûteuse en maintenance. Le garnissage peut aussi se saturer de dioxines qui peuvent être relarguées ensuite
• La panache : l'humidité produit un panache important en sortie de cheminée. Le traiter nécessite de l'énergie, mais n'apporte rien du point de vue environnemental. Il semble plus judicieux aujourd'hui d'aborder ce problème sous l'angle de la communication.
Pour en savoir plus
Les bureaux d'études spécialisés
• Béture Environnement, tél. : 01 30 60 61 00.
• Cadet International, tél. : 0320 33 57 87.
• Trivalor, tél. : 04 79 72 73 83.
Les constructeurs
• ABB Énergie, tél. : 01 41 9745 00.
• CNIM, tél.: 01 44 31 11 00.
• Fumilav, tél. : 0479 624577.
• Hamon Research Cottrell, tél.: 01 45 19 36 36.
• Inor Von Roll , tél. : 01 47 10 03 50.
• Krebs-Speichim (procédé d'électrofiltre Écoret), tél. : 01 55 91 80 00.
• LAB SA, tél. : 04 78 63 70 90.
• LURGI, tél. : 01 49 11 3700.
• NPI C/o Gec Alstom Stein Industrie, tél. : 01 34 65 45 45.
• Procedair, tél. : 01 30 87 45 50.
• Socrématic, tél. : 01 34 32 40 50.
• Solvay (procédé Neutrec) , tél. : 01 40 75 81 46.
• Speic, tél. : 01 39 67 10 00.
À lire
• Bicocchi S. Les polluants et les techniques d'épuration des fumées, cas des unités de destruction thermique des déchets. Tec & Doc Lavoisier Éd., Paris 1998.