Introduction
Les poussières émises par l’industrie métallurgique concourent de façon notable à la dégradation de la qualité de l’air des zones urbaines voisines, notamment avec des teneurs élevées en particules fines (diamètre inférieur au micromètre) [1] [2] [3]. Ces particules industrielles sont souvent émises dans la basse troposphère par des procédés dits à « haute température » et évoluent très rapidement dans les panaches avant de se disperser [4]. De plus, elles ont un impact sanitaire majeur sur la population, dépendant de leur taille mais également de leur composition chimique, notamment de la spéciation des métaux lourds associés (degré d’oxydation) [5].
De nos jours, il est de plus en plus souvent demandé aux industriels d’évaluer l’impact sanitaire de leurs émissions troposphériques. L’étude des propriétés microphysiques et chimiques de ces particules est devenue incontournable pour déterminer leur cycle de vie et plus particulièrement celui des éléments traces métalliques. La détermination de l’évolution de différents paramètres physico-chimiques qui caractérisent les émissions industrielles tels que la taille et la composition chimique est primordiale pour rendre compte, d’une part, du réel impact sur la santé de ces particules métalliques [6] et, d’autre part, sur le climat [7] et les écosystèmes [8]. En effet, l’analyse seule de la composition élémentaire renseigne uniquement sur la composition moyenne, or ce sont les formes chimiques d’un élément, notamment pour les métaux, qui gouvernent à la fois les propriétés toxicologiques et les modes de transfert dans l’environnement [9][10].
Toutefois, bien que de nombreuses mesures de polluants soient réalisées au sein même des conduits de cheminées, les industriels n’ont aucune obligation de mesurer et de contrôler leurs émissions en dehors de ceux-ci. Ils n’ont donc qu’une connaissance approximative des particules qui quittent réellement le périmètre du site industriel et qui atteignent les zones résidentielles.
Les objectifs de cette étude sont donc :
-
de caractériser la phase particulaire sur le site d’une industrie caractéristique de la région dunkerquoise (métallurgie), par la combinaison de mesures à la source (au sein des conduits de cheminées) et dans l’environnement immédiat, c’est-à-dire au sein même des panaches émis à une distance inférieure à 2 000 m. Cela doit donc nous permettre d’accéder à la connaissance des caractéristiques physico-chimiques des polluants quittant réellement le périmètre du site industriel ;
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de déterminer une signature distincte des émissions de l’industriel dans l’air ambiant par la combinaison de mesures à la fois en amont et en aval de l’émissaire.
Il s’agit de faire progresser les connaissances des processus réactionnels (« évolutions ») rapides concernant les aérosols industriels et plus particulièrement leur fraction fine, c’est-à-dire décrire les modifications que subit l’aérosol lors des toutes premières minutes de son transport. L’originalité de cette étude réside au niveau de l’échelle spatiale du travail : il s’agit d’étudier les phénomènes en champ proche, c'est-à-dire à quelques centaines de mètres des cheminées et autres émissaires, et donc à proximité immédiate de ces sources. Très peu d’études se sont jusqu’à présent intéressées à ces évolutions physico-chimiques rapides en raison de la difficulté de les appréhender avec les outils analytiques classiques [11] [12] [13] [14].
Matériels et Méthodes
Site d’étude
L’agglomération de Dunkerque est une zone d’implantation d’industries lourdes avec notamment la présence de la sidérurgie et de la métallurgie de l’aluminium et du manganèse, qui comptent parmi les plus gros émissaires de poussières du littoral [15]. La région dunkerquoise apparaît donc comme un chantier de choix dans l’étude des émissions de particules fines issues de l’industrie métallurgique, en raison de la part importante des émissions de l’industrie manufacturière, mais également parce qu’il s’agit d’une zone urbano-industrielle où les teneurs en PM2,5 excèdent régulièrement les valeurs maximales préconisées dans les recommandations des institutions internationales de santé faisant autorité dans le domaine.
Dans ce cadre, une collaboration a été établie entre notre laboratoire et une société spécialisée dans la production de l’alliage de ferromanganèse, qui était le cinquième plus gros émissaire du Nord-Pas-de-Calais avec 261 tonnes de poussières émises par an en 2008 [15]. Cet alliage de fer et de manganèse est utilisé ensuite en aciérie afin d’améliorer la qualité mécanique de l’acier. Le choix du site industriel retenu repose sur le fait qu’il intègre un atelier de formation d’agglomération de minerai et de coke, suivi d’un procédé électrochimique de fabrication d’alliages de fer et de manganèse (Fe-Mn) par fusion-réduction, suffisamment répandus dans ce secteur d‘activité pour que les résultats soient aisément transposables.
Le procédé industriel (figure 1) se découpe en trois étapes distinctes :
-
une étape de formation de l’aggloméré de manganèse à partir de minerais de manganèse (naturellement riches en fer), d’anthracite et de castine (CaCO3) ;
-
une étape de réduction de l’aggloméré de manganèse en présence de coke au sein d’un four électrique ;
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une étape de concassage et de criblage du produit fini (alliage de ferromanganèse).
Figure 1. Schéma du procédé de fabrication de l’alliage de ferromanganèse et systèmes de filtration utilisés pour les principales sources d’émissions canalisées.
Schematic view of the Fe-Mn alloy manufacturing process and the filtration system used for each main chimney.
Les cheminées dites de « cuisson » et de « refroidissement », situées au niveau de l’atelier d’agglomération, ainsi que celle d’aspiration d’ambiance de la halle de coulée, sont les principaux émissaires canalisés de particules (figure 1). L’atelier d’agglomération émet en continu, tandis que la halle de coulée émet en discontinu, à raison d’environ 2 heures sur un cycle d’une durée moyenne de 6 heures. Les principales caractéristiques pour chacune de ces cheminées sont reprises dans le tableau I.
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Cheminées |
Température à l'émission (°C) |
Débit moyen (Nm3/h) |
Rejets (mg/Nm3) |
Emissions annuelles (t) |
Système de filtration* |
Hauteur (m) |
|
|
Agglomération Cuisson |
A |
180 |
160 000 |
2-3 |
3,1 |
E* + M* |
52 |
|
Agglomération Refroidissement |
B |
100 |
150 000 |
30-35 |
32,3 |
C* |
38 |
|
Halle de coulée |
C |
30-40 |
400 000 |
0,5-1 |
0,6 |
M* |
40 |
* E : électro-filtres, M : filtres à manches, C : séparateur-cyclone
Tableau I. Températures, débits moyens, rejets de poussières, émissions annuelles, système de filtration et hauteur des cheminées « cuisson » et « refroidissement » de l’atelier d’agglomération et de la cheminée d’aspiration d’ambiance de la halle de coulée (VMF, communication personnelle).
Nominal values for emission temperature, flow rate, particulate flux, annual emission and type of filter connected upstream to the main chimneys of the FeMn alloys manufacturing plant (industrial partner data).
La cheminée B dite de « refroidissement », située au niveau de l’atelier d’agglomération, est donc la plus émissive avec plus de 32 tonnes de poussières émises par an. La caractérisation chimique des particules à la source se focalise donc sur l’étude de cette cheminée. Néanmoins, les rejets des autres points d’émission (cheminées A et C) présentent globalement les mêmes grands types de particules en termes de composition chimique et de granulométrie mais en proportions variables.
Méthodologie analytique
Un suivi du panache des émissions de l’industriel a été réalisé par vent local provenant de secteur nord-nord/est en mai et juin 2010 (18 et 21 mai, 17 juin). Les distributions horizontales et verticales du panache de fumées industrielles ont été appréhendées par des mesures optiques faites par LIDAR (LIght Detection And Ranging). Le LIDAR est placé à l’ouest de l’émissaire et permet de fixer précisément la position des sites mobiles de mesures et de prélèvements au sein du panache d’émission métallurgique, au niveau des zones « amont », « aval n° 1, ≈ 500 m » et « aval n° 2, ≈ 1 500 m» (figure 2). Ces sites mobiles de mesures se situent à distance croissante du point d’émission (0 à 1600 m), ce qui correspond à des temps de résidence atmosphérique des aérosols industriels allant de 0 à 5 minutes.
Figure 2. Carte de la zone d’étude.
Sampling location map.
La distribution granulométrique des particules atmosphériques est déterminée in Situ à l’aide d’un analyseur de mobilité électrique couplé à un compteur de noyaux de condensation (SMPS) pour les particules de taille comprise entre 10 et 350 nm et d’un compteur optique de particules (OPC) pour les particules de taille comprise entre 400 nm et 20 µm. Des prélèvements de courte durée (20 minutes) ont été réalisés en parallèle, par impaction en cascade (diamètre de coupure 10 µm, 1 µm et 100 nm). Par soucis d’adaptation aux contraintes analytiques, les aérosols ont été collectés sur plusieurs types de substrats adaptés aux analyses globales de particules (membranes en polycarbonate) et aux techniques micro-analytiques employées (supports de bore et grilles pour microscopie en transmission).
En général, les aérosols sont collectés durant plusieurs heures pour obtenir une quantité importante de matière afin de faciliter les analyses globales (limites de détection) [16][17]. Ici, il est nécessaire d’effectuer des prélèvements de courte durée afin de suivre l’évolution rapide de la distribution en taille et de la composition chimique de l’aérosol. La concentration atmosphérique en éléments inorganiques totaux et éléments traces métalliques a ensuite été déterminée par spectrométrie de masse (ICP-MS) et la composition élémentaire à l’échelle de la particule a été obtenue par microscopie électronique (SEM-EDX, TEM-EELS). Si l’analyse individuelle de particules ne nécessite pas vraiment de collecter une quantité de matière minimale, les analyses globales (par ICP-MS) exigent de collecter suffisamment de matière pour que les éléments d’intérêt (Mn, Fe et Al) puissent être détectables. Considérant les limites de détection obtenues sur ces éléments (respectivement 5, 7 et 6 ppb), nous avons ajusté la durée des prélèvements (20 minutes) afin de prélever 0,56 m3 d’air.
Par ailleurs, des échantillons ont également été collectés par impaction en cascade au sein des conduits de cheminées constituant les sources principales d’émissions en collaboration avec le LECES (Laboratoire d’Étude et de Contrôle de l’Environnement Sidérurgique), laboratoire chargé de l’auto-surveillance de l’industriel. Ces particules correspondent à un temps de résidence atmosphérique nul.
Résultats et Discussion
Caractérisation chimique des particules à la source
Les éléments Mn, Al et Fe constituent les matières premières (minerais de manganèse) utilisées pour la production de l’alliage de ferromanganèse et peuvent donc être considérés comme les éléments métalliques majeurs émis par l’usine métallurgique. Cette affirmation est validée avec les teneurs moyennes déterminées en Mn, Al et Fe par ICP-MS pour les particules collectées par impaction en cascade au sein de la cheminée B (respectivement 380, 156 et 75 µg/Nm3 pour la fraction PM0,1-1 et 2 110, 587 et 413 µg/Nm3 pour la fraction PM1-10).
De plus, la composition chimique globale des particules émises à la source est constante au cours du temps pour les éléments métalliques majeurs. Trois prélèvements à intervalle de 45 minutes ont été réalisés au sein de la cheminée B, réputée la plus émissive de l’usine. L’abondance relative du Mn par rapport aux autres éléments métalliques majeurs reste constante quel que soit le prélèvement considéré (figure 3).
Figure 3. Abondance relative du Mn par rapport aux autres éléments métalliques déterminée au sein de la cheminée B pour les trois échantillons collectés.
Metallic pattern of particulate matter for the 3 samples collected in the “B” Chimney.
L’abondance relative du Mn par rapport aux autres éléments métalliques majeurs peut donc être utilisée comme signature chimique de la source industrielle. Ces ratios métalliques vont nous permettre de suivre la dispersion du panache de fumées dans l’environnement immédiat de la source d’émission (moins de 2 000 m des principaux émissaires).
La composition chimique et l’état de mélange des composés constituant les particules ont été déterminés par MEB-EDS en mode automatisé (figure 4A). Au sein de la cheminée B, les composés métalliques (de Mn et/ou Fe) se trouvent majoritairement sous la forme de mélange binaire interne1 avec des composés d’aluminosilicates ou sous la forme de mélange externe2, quelle que soit la classe de taille considérée. Par ailleurs, les particules identifiées comme « aluminosilicates » contiennent également les éléments métalliques Mn et/ou Fe comme éléments minoritaires (< 5 % atomique).
Figure 4. A. Abondance relative des grands types de particules classés en mélange externe (ex : particules métalliques) ou en mélange binaire interne (ex : particules mixtes « aluminosilicate-métalliques ») pour la cheminée B et les classes de taille PM0,1-1 et PM1-10 ;
B. diagramme ternaire Al-Si-(Fe+Mn) pour les particules contenant des éléments métalliques dans l’échantillon collecté au sein de la cheminée B pour l’étage de collection PM0,1-1
A. Relative abundance of individual particles sorted into external (i.e. aluminosilicate, metallic particles) and binary internal mixture types (i.e. mixed aluminosilicate/metallic particles) for each size fraction of the “B chimney”.
B. Al-Si-(Mn+Fe) ternary diagram for Mn- or Fe-bearing particles collected in the “B” chimney for the PM0.1-1 size fraction.
Les particules riches en métaux sont formées à 90 % par des oxydes de manganèse. De plus, les particules contenant du Mn et/ou du Fe sont distribuées dans le diagramme ternaire Si-Al-(Mn+Fe) le long d’un axe Al-Si avec un rapport de 1 environ (figure 4B). Ceci sous-entend qu’elles sont constituées, en mélange interne, d’un aluminosilicate de composition fixe avec des oxydes métalliques en proportion variable. Ces particules sont de formes irrégulières avec une distribution hétérogène des éléments métalliques.
Caractérisation en champ proche des particules émises
Distribution granulométrique des particules
Contrairement aux échantillonnages réalisés en amont du site industriel, les échantillonnages réalisés au sein du panache de fumées industrielles font apparaître une génération de nanoparticules dont la taille est généralement comprise entre 10 et 100 nm (figure 5).

Figure 5. Distribution granulométrique moyenne en nombre, déterminée par SMPS (5-350 nm) et OPC (400 nm-1 µm) en amont et en aval du site industriel pour les trois jours de prélèvements : 18 et 21 mai 2010 et 17 juin 2010.
Average number size distribution determined by SMPS (5-350 nm) and OPC (400 nm-1 µm) at the sampling location upwind and downwind of the metallurgical plant on May 18, May 21 and June 17.
Dans la majorité des cas, les distributions granulométriques présentent deux modes majeurs :
-
le premier, centré sur 50-80 nm de diamètre, caractéristique de particules non volatiles ou de particules issues du mode « accumulation » ;
-
le second, centré sur 10-30 nm, caractéristique de la formations d’aérosols secondaires issus, après grossissement, du phénomène de nucléation [18]. Étant donné le temps de résidence atmosphérique extrêmement court de la masse d’air entre l’émissaire et les points « aval », ces aérosols ne peuvent pas provenir de produits de photo-oxydation de gaz précurseurs, mais directement des gaz émis.
Par ailleurs, contrairement aux mesures réalisées en amont du site industriel, les distributions granulométriques observées en aval sont beaucoup moins reproductibles, bien que la plupart des particules se trouvent au sein du mode « nucléation-condensation » (diamètre inférieur à 100 nm). L’évolution de ces nanoparticules avec le temps, telle qu’elle apparaît lors de prélèvements effectués à distance croissante de la source, est donc très variable et semble liée à la structure de l’atmosphère. En effet, l’abondance relative des deux modes en aval du site industriel dépend fortement du jour de prélèvement et donc des conditions de dynamiques atmosphériques.
Composition chimique
Les analyses des éléments métalliques associés aux particules collectées en amont et en aval de la source industrielle indiquent un enrichissement significatif des masses d’air en Mn, Al et Fe lors de son passage au-dessus du site industriel (tableau II).
Tableau II. Concentrations en éléments majeurs (Mn, Fe et Al) en ng/m3 dans la matière particulaire collectée en amont et en aval de la source industrielle pour les étages de collection PM0,1-1 et PM1-10.
Concentrations of major elements (Mn, Fe and Al) in ng/m3 in particulate matter collected upwind and downwind of the source for the PM0.1-1 and PM1-10 size fractions.
La comparaison de la concentration en métaux en amont et en aval du site industriel nous donne une idée de l’enrichissement de ces éléments au sein du panache de fumées (x 1000-3000 en Mn à 500 m des principaux émissaires, x 200-600 en Mn à 1500 m). Ainsi, le Mn peut être utilisé comme traceur de la source industrielle de façon fiable et permet de suivre la dispersion du panache en champ proche des émissaires.
De plus, les teneurs en métaux déterminées au sein du panache d’émissions industrielles sont en accord avec celles déterminées à la source. En effet, l’abondance relative du Mn par rapport aux autres éléments métalliques (Mn/Fe et Mn/Al) est du même ordre de grandeur que ceux déterminés au sein de la matière particulaire collectée dans le conduit de la cheminée B (figure 3).
La composition chimique et l’état de mélange des composés constituant les particules collectées en amont et en aval du site industriel pour la journée du 21 mai 2010 ont été déterminés par analyse individuelle de particules (MEB-EDS en mode automatisé) (figure 6). Les résultats obtenus pour cette journée sont tout aussi représentatifs de ceux obtenus pour les deux autres jours de prélèvements. Les résultats obtenus pour l’ensemble des jours de prélèvements sont présentés par ailleurs [19].
Figure 6. Abondance des grands types de particules déterminés par MEB-EDS en mode automatisé pour les particules collectées en amont et en aval du site industriel le 21 mai 2010 pour les fractions récoltées les plus fines PM0,1-1 et PM1-10.
Relative abundance of individual particles obtained by SEM-EDX for particles collected on May 21, 2010 upwind and downwind of the manufacturing plant for the PM0.1-1 and PM1-10 size fractions.
L’aérosol correspondant au bruit de fond environnant (point de collecte « amont ») est constitué majoritairement de particules marines (30 %) et d’aluminosilicates (10 %). Les particules marines sont présentes sous la forme de mélange externe ou bien sous la forme de mélange interne avec des composés d’aluminosilicates, de calcites, carbonées ou métalliques. Ces mélanges binaires internes représentent une proportion importante de la composition chimique de ces particules (38 %). Ces résultats sont donc caractéristiques d’une atmosphère marine vieillie mélangée avec des particules d’origine continentale. Ainsi, la composition chimique des particules émises par le site industriel est significativement différente de celle correspondant au bruit de fond environnant quel que soit le jour d’échantillonnage. Le suivi du panache de fumées de l’industriel en fonction de la distance à l’émissaire est donc tout à fait envisageable.
Les particules collectées en aval du site industriel, au sein même du panache d’émission, sont composées quant à elles essentiellement de particules sous la forme de mélange externe avec une abondance relative importante en particules métalliques (20-35 %) et en aluminosilicates (21-22 %). Par ailleurs, les particules sous la forme de mélange binaire interne représentent une part importante des particules collectées en aval du site industriel (24-40 %). Ainsi, les mêmes types de particules que ceux identifiés à la source sont retrouvés dans l’environnement proche de l’industriel. En effet, les particules classifiées comme « pures métalliques », « mixtes aluminosilicate/métalliques » et « aluminosilicates » sont toujours présentes lorsque le panache atteint les limites du site industriel à 1 500 m des principaux émissaires.
Évolutions physico-chimiques de ces particules au cours de leur transport atmosphérique
On peut noter (figure 6 – autres particules mixtes métalliques) l’émergence de nouveaux types de particules tels que les particules mixtes « métalliques/carbonées » au sein du panache de fumées. Ces mélanges résultent probablement de l’adsorption de composés organiques volatils (COV) ou de suies à la surface de ces particules mixtes [20].
Les particules métalliques sont constituées généralement d’oxydes de Mn et/ou de Fe (40 %) ou d’oxydes de Mn/Fe associés avec du carbone (60 %). Cependant, à 1 500 m du point d’émission, un autre type de particules est également détecté : 30 % des particules métalliques se trouvent à cette distance sous la forme de sulfates de manganèse. Ce type de particules n’avait pas été observé à la source. Ceci est vraisemblablement lié à la condensation d’acide sulfurique H2SO4 (émis par la source) à la surface de ces particules. En effet, étant donné le temps de résidence très court du panache dans l’atmosphère (de l’ordre de quelques minutes), la formation de sulfates métalliques ne peut résulter de l’oxydation du SO2 émis, à la surface des particules [21].
Enfin, des évolutions physiques telles que l’agglomération avec des particules préexistantes sont aussi observées. En effet, les particules contenant des métaux sont associées à des éléments terrigènes en proportions variables. À la source, la composition élémentaire des particules riches en Fe et Mn était telle que le rapport Al/Si était voisin de l’unité (figure 4B), quelle que soit la gamme de taille considérée. Ces mêmes particules sont également identifiées dans les échantillons collectés en champ proche, mais en proportion relative plus faible. Par ailleurs, lorsqu’on s’éloigne de la source d’émission (point de mesures Aval 2 – 1 500 m), on voit apparaître la génération de nouvelles particules riches en Si. Ces particules, non identifiées au sein des principaux émissaires, sont probablement formées par agglomération de particules métalliques émises par la source avec des particules d’aluminosilicates d’autres origines (enrichissement en Si).
Conclusion
La caractérisation de la phase particulaire sur le site d’une industrie caractéristique de la région dunkerquoise (métallurgie) a été entreprise par la combinaison de mesures à la source et dans son environnement immédiat, c’est-à-dire au sein même des panaches émis à une distance inférieure à 2 000 m. Une campagne de prélèvement des aérosols dans les panaches a été menée en mai et juin 2010.
L’étude de l’évolution de la distribution granulométrique des particules montre une importante augmentation du nombre de nanoparticules (10-100 nm) lors du passage des masses d’air au-dessus du site industriel, certainement liée à des processus de nucléation, suivis d’un grossissement rapide par condensation. Deux modes granulométriques majeurs sont prédominants : l’un centré sur 50-80 nm caractéristique de particules non volatiles directement émises par le site industriel, l’autre centré sur 10-30 nm caractéristique de la formation d’aérosols secondaires. Une forte abondance relative des particules métalliques (oxydes de Fe et Mn) au sein des cheminées et dans les panaches est observée. Ces particules se trouvent sous la forme de mélanges externes ou sous la forme de mélange interne binaire avec des composés minéraux (aluminosilicates). Ces particules évoluent très rapidement, dès les premières minutes de leur émission. En effet, des associations non identifiées à la source sont retrouvées au sein des panaches, comme par exemple l’existence de particules contenant du Mn et du Fe, associés à du carbone résultant probablement de l’adsorption de composés organiques volatils ou de suies à la surface des particules métalliques émises. On observe également la formation rapide de sulfates de manganèse et de fer à partir d’oxydes ou l’agglomération de particules métalliques avec des particules d’aluminosilicates préexistant dans l’atmosphère. Ces nouvelles particules de composition chimique et d’état de mélange différents modifient les propriétés physico-chimiques des aérosols atmosphériques et affectent donc leur temps de résidence dans l’atmosphère ainsi que leur toxicité.







