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Toujours à l’écoute de ce qui fait le quotidien des gens, Pollution atmosphérique consacre cette fois un numéro aux odeurs.

On le sait, les odeurs font partie des nuisances les plus anciennes, attachées à l’homme, à ses activités et à son habitat. Associées à la densification de ce dernier dans l’histoire, et devenues massivement urbaines au Moyen Âge, les plus tenaces ont été progressivement repoussées à l’extérieur, avec le développement de l’hygiène et le rejet à la périphérie des activités industrielles ou artisanales. Voilà du convenu.

La réalité est en fait très complexe : obéissant à ce grand classique simplifié selon lequel, en pollution atmosphérique, la concentration est égale à la conjonction de l’émission et de la dispersion, le devenir d’une odeur est sous contrôle de la chimie, mais aussi, de manière tyrannique, des mouvements de l’air. Ceux-ci ne peuvent être réduits à de simples vitesses et directions horizontales du vent : les processus qui commandent ce dernier horizontalement ou verticalement (stabilité ou instabilité), engendrent des comportements différents selon qu’ils sont synoptiques (à l’échelle de centaines de kilomètres) ou thermiques, dus à des contrastes locaux de températures (terre/mer, montagnes/vallées, villes/campagnes). Ainsi, comme tous les polluants atmosphériques, les odeurs passent et repassent deux fois par jour sur une même ville littorale en régime de brises thermiques, et ce recyclage risque d’accroître les concentrations…

Selon la climatologie locale, que le vent soit synoptique ou thermique, il y a donc des trajectoires différentielles des odeurs, et l’idée que la probabilité d’odeur est la même tout autour d’un émissaire est totalement erronée : sous cet angle au moins, l’espace n’est pas isotrope.

Ce rappel fondamental mais peu connu effectué, voici une autre manifestation de la complexité : l’origine des odeurs et de leur appréciation. D’une part, les occasions de générer des odeurs sont quasiment infinies et, d’autre part, il n’y a pas d’odeur sans perception, ce qui interdit de ne considérer que l’aspect physico-chimique de l’émission et met en jeu le binôme objectif-subjectif. Certains se régalent de l’odeur du colza en fleurs, d’autres l’exècrent ! Et ce « parfum » lié à la phénologie de la plante a par définition une existence temporaire.

D’où la notion de durée et d’intensité : que craindre le plus : le phénomène chronique ou l’accident, le « pic » ? Car l’odeur peut aussi être un révélateur d’une pollution de l’air voire d’activités susceptibles de toxicité, comme on le pense souvent, y compris pour des odeurs faibles ou quasi inexistantes, bien qu’il n’y ait pas de relation entre intensité et gravité de l’odeur : le monoxyde de carbone ne sent rien, comme la radioactivité, tueuse bien que non perceptible.

Avec l’accroissement des exigences en matière de confort, mais aussi d’hygiène et de santé, la tolérance diminue vis-à-vis des odeurs dites désagréables, qu’il s’agit d’éliminer et dont on recherche l’origine, qu’elles soient ponctuelles ou multiples : la prise de conscience de la nuisance aboutit à des plaintes qui établissent le problème, assoient le constat.

Mais la tendance actuelle est à la fois d’avoir pour objectif l’atteinte d’un niveau de désagrément acceptable par tous et la participation de tous – habitants et pas seulement experts – pour qualifier la nuisance et la caractériser. D’autant que les machines ne détectent pas mieux que le nez humain, du moins pour l’instant. L’avenir est-il aux nez bioélectroniques dans ce domaine ?

References

Electronic reference

Pierre Carrega, « Lettre de la rédaction », Pollution atmosphérique [Online], 234 | 2017, Online since 30 juin 2017, connection on 11 décembre 2024. URL : http://www.peren-revues.fr/pollutionatmospherique/5226

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Pierre Carrega

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