Commentaire sur l'article « Caractérisation des résidus miniers des mines abandonnées de Kettara et de Roc Blanc (Jebilet Centrales, Maroc) » de S. Nfissi, Y. Zerhouni, M. Benzaazoua, S. Alikouss, A. Chtaini, R. Hakkou & M. Samir, Ann. Soc. géol. Nord, t. 18, p. 43-53, 2011

  • Comment on the paper “Characterisation of the tailings of abandonned quarries of Kettara and Roc Blanc (Jebilet central, Morocco)” by S. Nfissi, Y. Zerhouni, M. Benzaazoua, S. Alikouss, A. Chtaini, R. Hakkou & M. Samir, Ann. Soc. géol. Nord, t. 18, p. 43-53, 2011

DOI : 10.54563/asgn.1497

p. 171-172

Texte

Nfissi et al. (2011) présentent un travail dont l'objectif est de montrer le potentiel polluant des déchets miniers des anciennes mines de Kettara et Roc Blanc. Leur approche consiste à caractériser les résidus solides des deux mines et à leur faire subir des tests de lixiviation. Les résultats de ces tests et les mesures de perméabilités sont utilisés pour montrer le potentiel de pollution des eaux par le drainage minier acide et les métaux lourds.

Concernant l'échantillonnage, les auteurs ne semblent pas avoir pris en considération l'hétérogénéité des matériaux, car ils auraient dû distinguer, au niveau du site de Kettara, les minéraux de l'encaissant, la minéralogie primaire du gisement (paragenèse sulfurée) et les minéraux secondaires (oxydes, hydroxydes et sulfates). Ces derniers sont reconnaissables à l'œil nu et couvrent toute la surface du site. Parmi ces minéraux secondaires, seule la goethite a été identifiée par les auteurs. Au niveau de Roc Blanc, les minéraux présents dans ces tas sont : quartz, pyrite, pyrrhotite, sidérite, sphalérite, chalcopyrite, freibergite, galène, dolomite, calcite, pyrargyrite, stéphanite et phengite, dans un encaissant pellitique, avec des silicates (séricite, chlorite, biotite, muscovite) (Essarraj et al., 2011).

D'après les analyses chimiques, effectuées sur les mêmes échantillons ayant servi pour la diffraction des rayons X (Nfissi et al., 2011, tableau III), certains éléments chimiques présentent des teneurs trop faibles pour que les phases minérales qui les portent soient identifiées par DRX (galène, chalcopyrite, calcite, feroan par exemple). Il aurait été plus judicieux de présenter la minéralogie par échantillon pour avoir une idée sur la répartition spatiale des minéraux. On pourrait également compléter et comparer ces résultats avec les analyses chimiques de leur tableau III. Sur leur figure 3, les auteurs (Nfissi et al., 2011), présentent les mêmes références (KT1, KT2 et KT 3) à deux endroits différents. Ils choisissent, pour montrer le potentiel d'impact des solides entreposés sur la nappe phréatique, deux points d'échantillonnage des eaux souterraines (puits Kp1 et Kp2) en aval de l'usine de Kettara. Sur le terrain, l'aval de l'usine (dans le sens hydrologique et hydrogéologique) se trouve vers le sud-ouest, et non vers le nord-est (Fahdi et al., 2010). Les points d'échantillonnage en question, tels qu'ils sont mentionnés sur la carte, n'existent pas sur le terrain ; le puits le plus proche, dans cette direction par rapport aux tas et la piste, se trouve à environ 700 m au nord-est de Kp1 et Kp2 et de l'autre côté de la piste. Deux autres puits, distants l'un de l'autre d'une dizaine de mètres, se trouvent à environ 650 m au sud-est et toujours en amont des tas (Fig. 1). L'absence de Cd et de Hg ou leur présence dans les eaux de ces puits, ne peut pas apporter une preuve sur l'effet des résidus, puisqu'ils sont hors de leur influence de par leur position en amont. Les travaux de Fahdi et al. (2010) montrent bien que les eaux de surface au pied des haldes sulfurées de Kettara sont acides (pH de 2 à 3) et que leur influence chimique sur les eaux souterraines en aval est surtout due aux sulfates. Il n'y a cependant aucune trace des métaux lourds dans ces eaux. Toughzaoui et al. (2012) ont montré que l'effet des haldes sulfurées n'est pas seul, mais combiné à celui des eaux usées du village de Kettara, déversées juste en aval du site. La qualité chimique de ces eaux est de potabilité moyenne (selon les normes marocaines), avec une aptitude moyenne à l'irrigation (selon les diagrammes de Riverside) et une bonne qualité pour l'élevage (selon les normes de McKeen) (Toughzaoui et al., 2009).

Au niveau du site de Roc Blanc, les auteurs choisissent également deux points d'échantillonnage des eaux souterraines (RBe1 et RBe2), récoltés à une distance de 500 m l'un de l'autre à l'aval des résidus. Ces puits se trouvent, selon la carte, entre les tas de résidus, et selon l'échelle présentée, la distance entre eux est beaucoup plus courte. Sur le terrain, le puits RBe1 n'existe pas, mais il y en a un qui se trouve à une quarantaine de mètres de RBe2.

Les tests de lixiviation, sont généralement destinés à prévoir le largage de certains polluants dans la nature. Dans le cas des mines de Kettara et Roc Blanc, les résidus sont sur place depuis longtemps (trente ans pour Kettara), les tests de lixiviation ne sont pas nécessaires puisqu'on peut avoir directement les informations sur l'effet des solides sur les eaux de surface et souterraines. Les auteurs, au niveau de la conclusion de l'article, se focalisent sur le potentiel de pollution des eaux par les résidus solides. Ils en consacrent la moitié pour mettre en évidence l'urgence de l'atténuation des effets du Drainage Minier Acide et justifier des études en cours. Ces études proposent la « stabilisation des rejets miniers par des stériles riches en calcaires, issus de l'exploitation des phosphates » à partir de résultats de tests permettant d'identifier le potentiel de pollution des eaux (génération de DMA) et non pas la pollution elle-même.

Figure 1

Figure 1

Localisation des puits KPx et KPx1-2 par rapport à Kp1 et Kp2, Jebilet centrales, Maroc.
 
Location of KPx and KPx1-2 wells as compared to Kp1 and Kp2 wells, central Jebilet, Morocco.

Pour le site de Kettara, les projets de réhabilitation, en vue de réduire le DMA, semblent inutiles, sauf si les auteurs les intègrent dans une stratégie globale d'adaptation au changement climatique en prévision d'événements pluviométriques intenses, car, jusqu'à présent le climat semi- aride a joué en faveur de la limitation du lessivage et des infiltrations. Les forts taux d'évaporation dans la région favorisent la formation de minéraux secondaires qui piègent les métaux lourds et forment une couche qui imperméabilise les milieux récepteurs des solutions acides (Fig. 2), ces milieux sont essentiellement des schistes fracturés. Les eaux des puits influencées par les sulfates provenant des résidus de Kettara peuvent être utilisées dans l'élevage et l'irrigation, la réhabilitation ne concernera pas la pollution par les eaux usées du village et enfin, le village de Kettara est relié au réseau d'eau potable contrôlé par l'Office National de l'Eau Potable Marocain (ONEP). L'alimentation du village est assurée par un puits se trouvant à environ 2,7 Km, à vol d'oiseau, en aval des tas. Pour le site de Roc Blanc, Les travaux présentés par Nfissi et al. (2011) méritent d'être approfondis et sont par conséquent insuffisants pour justifier des travaux de réhabilitation. Les auteurs doivent mettre en évidence la pollution spatiale et temporelle qu'engendreraient les résidus dans la chimie des eaux.

Figure 2

Figure 2

Accumulation d'eaux acides dans le site de Kettara. a - Détail de la couche formée par les minéraux secondaires, apparus lors de l'évaporation des eaux de la saison pluvieuse précédente et partiellement remis en solution par les eaux de la présente saison ; b - Sol schisteux fracturé ; c - Eaux acides provenant du lessivage des tas et de la remise en solution partielle des minéraux secondaires ; d - Couche imperméable de minéraux secondaires couvrant le sol schisteux, bloquant ainsi l'infiltration des eaux acides vers la nappe phréatique.
 
Acid water accumulation in the site of Kettara. a - Details of the layer formed by secondary minerals, which appeared by evaporation of water from the previous rainy season, and were partially leached by the waters of this season; b - Fractured schist ; c - Acidic waters from the heap and partial leaching of secondary minerals ; d - Impermeable layer of secondary minerals covering the slaty ground, blocking the acid water infiltration into the groundwater.

Bibliographie

ESSARRAJ S., LEISEN M., BOIRON M.C., CATHELINEAU M. & HIBTI M. (2011). — Minéralogie et géochimie des fluides minéralisateurs du gisement argentifères de Roc Blanc, Jebilet, Maroc. In : 7ème Colloque International « Magmatisme, Métamorphisme et Minéralisations associées » (3MA, Kénitra, 29-30 Mai 2011). Résumé : 29.

FAHDI G., GUERMOULI H., BENKADDOUR A., EL AMARI K., HIBTI M., MARAH H., RAIBI F. & TOUGHZAOUI S. (2010). — Incidence du drainage minier acide sur la qualité des eaux souterraines au niveau de la mine de Kettara ; hydrogéochimie élémentaire et isotopique. In : Integrated Water Resources Management and Challenges of the Sustainable Development (Second International Conference, Agadir, 24–26 March 2010). Résumé : 23.

NFISSI S., ZERHOUNI Y., BENZAAZOUA M., ALIKOUSS S., CHTAINI A., HAKKOU R. & SAMIR M. (2011). — Caractérisation des résidus miniers des mines abandonnées de Kettara et de Roc Blanc (Jebilet Centrales, Maroc). Ann. Soc. géol. Nord, 18 : 43-53.

TOUGHZAOUI S., EL AMARI K., BENKADDOUR A., HIBTI M., MARAH H. & RAIBI F. (2009). — Etude de la qualité des eaux souterraines de la région de Kettara (Maroc). In : 2ème congrès international « Eaux, Déchets et Environnement union des pays de la méditerranée » (Eljadida, Maroc, 12-13 novembre 2009). Résumé : 122.

TOUGHZAOUI S., BENKADDOUR A., EL AMARI K., HIBTI M., MARAH H. & RAIBI F. (2012). — Incidence du drainage minier acide sur la qualité des eaux souterraines au niveau de la Mine de Kettara ; hydrogéochimies élémentaire et isotopique. In : Integrated Water Resources Management and Challenges of the Sustainable Development (Second International Conference, Agadir, 24–26 March 2010). Proceedings. IHP-VII Series on Groundwater, 4: 209-214 ; UNESCO, Paris.

Illustrations

  • Figure 1

    Figure 1

    Localisation des puits KPx et KPx1-2 par rapport à Kp1 et Kp2, Jebilet centrales, Maroc.
     
    Location of KPx and KPx1-2 wells as compared to Kp1 and Kp2 wells, central Jebilet, Morocco.

  • Figure 2

    Figure 2

    Accumulation d'eaux acides dans le site de Kettara. a - Détail de la couche formée par les minéraux secondaires, apparus lors de l'évaporation des eaux de la saison pluvieuse précédente et partiellement remis en solution par les eaux de la présente saison ; b - Sol schisteux fracturé ; c - Eaux acides provenant du lessivage des tas et de la remise en solution partielle des minéraux secondaires ; d - Couche imperméable de minéraux secondaires couvrant le sol schisteux, bloquant ainsi l'infiltration des eaux acides vers la nappe phréatique.
     
    Acid water accumulation in the site of Kettara. a - Details of the layer formed by secondary minerals, which appeared by evaporation of water from the previous rainy season, and were partially leached by the waters of this season; b - Fractured schist ; c - Acidic waters from the heap and partial leaching of secondary minerals ; d - Impermeable layer of secondary minerals covering the slaty ground, blocking the acid water infiltration into the groundwater.

Citer cet article

Référence papier

Khalid El Amari, Mohamed Hibti et Abdelfattah Benkaddour, « Commentaire sur l'article « Caractérisation des résidus miniers des mines abandonnées de Kettara et de Roc Blanc (Jebilet Centrales, Maroc) » de S. Nfissi, Y. Zerhouni, M. Benzaazoua, S. Alikouss, A. Chtaini, R. Hakkou & M. Samir, Ann. Soc. géol. Nord, t. 18, p. 43-53, 2011 », Annales de la Société Géologique du Nord, 19 | 2012, 171-172.

Référence électronique

Khalid El Amari, Mohamed Hibti et Abdelfattah Benkaddour, « Commentaire sur l'article « Caractérisation des résidus miniers des mines abandonnées de Kettara et de Roc Blanc (Jebilet Centrales, Maroc) » de S. Nfissi, Y. Zerhouni, M. Benzaazoua, S. Alikouss, A. Chtaini, R. Hakkou & M. Samir, Ann. Soc. géol. Nord, t. 18, p. 43-53, 2011 », Annales de la Société Géologique du Nord [En ligne], 19 | 2012, mis en ligne le 06 juillet 2022, consulté le 15 mai 2024. URL : http://www.peren-revues.fr/annales-sgn/1497

Auteurs

Khalid El Amari

Laboratoire Géoressources, URAC 42, Faculté des Sciences et Techniques Marrakech BP. 549, Bd Abdelkarim Khattabi, Guéliz, 40000 Marrakech (Maroc). Courriel : elamari@fstg-marrakech.ac.ma

Mohamed Hibti

Laboratoire Géoressources, URAC 42, Faculté des Sciences et Techniques Marrakech BP. 549, Bd Abdelkarim Khattabi, Guéliz, 40000 Marrakech (Maroc). Courriel : hibti@fstg-marrakech.ac.ma

Abdelfattah Benkaddour

Laboratoire Géoressources, URAC 42, Faculté des Sciences et Techniques Marrakech BP. 549, Bd Abdelkarim Khattabi, Guéliz, 40000 Marrakech (Maroc). Courriel : abbfattah@yahoo.fr

Droits d'auteur

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