Les singularités géologiques de la Sicile

  • The geological singularities of Sicily

DOI : 10.54563/asgn.275

p. 25-38

Résumés

La Sicile, relais entre Maghreb et Apennins depuis le Crétacé moyen, est le secteur le plus complexe et le plus passionnant qui soit entre les deux continents majeurs que sont l’Europe et l’Afrique. Cette zone paléogéographique ionienne sub-perpendiculaire à l'océan Atlantique fut successivement et à plusieurs reprises en distension puis en compression et soumise à de grands décrochements entre le Lias et le Quaternaire. Depuis l’Oligocène l’arc maghrébo-calabrais introduit une complication supplémentaire à laquelle il faut adjoindre l’existence du mystérieux flysch numidien. L’important transfert vers l’est de cet arc au cours de la phase tyrrhénienne conduit à la mise en place de l’actuel arc siculo-calabrais. La Sicile fournit l’une des clés qui doit permettre d’élucider la paléogéographie des chaînes périméditerranéennes toujours en discussion.

Sicily, a link between Maghreb and Apennines since middle Cretaceous time is the most complex sector between both major continents, Europe and Africa. This ionian paleogeographic zone, sub-perpendicular to the Atlantic Ocean was successively a distensive, compressive and strike-slip zone from the Liassic to Present time. Since Oligocene time the Maghrebo-Calabrian arc is a complementary complexity with its mysterious Numidian flysch. Its considerable transference towards the East during the Tyrrhenian phase lead to the present Siculo-Calabrian arc. Sicily is one of the keys for understanding the palaeogeography of the Circum-Mediterranean belts, still under discussion.

Plan

Texte

Prolégomènes à l’article de Paul BROQUET

Cette communication est la synthèse d’une carrière de géologue dont la méthode de travail a été essentiellement la cartographie directe sur le terrain. Toutes les données recueillies ainsi sont fragmentaires mais avérées. Elles contraignent toute interprétation ultérieure. Autour de la Méditerranée, ont été ainsi assemblés, entre 1960 et 2000 environ, de nombreux travaux individuels et collectifs qui ont donné lieu à des centaines de publications, dont une partie dans les colonnes des Annales de la SGN (Blieck et al., 2014).

En 2019, la revue Géochronique a publié deux dossiers bien argumentés (Géodynamique méditerranéenne : mars, n° 149, puis Paléoenvironnements méditerranéens : septembre, n° 151), qui illustrent une approche différente, reposant sur des technologies indirectes (géophysiques et spatiales) qui viennent compléter les observations de terrain et tenter de les intégrer dans une trame cohérente, continue de l’évolution géologique. Si les technologies numériques permettent de traiter d’importants volumes de données, disparates par nature, il faut quand même reconnaître que les informations issues d’un traitement numérique sont déjà un niveau d’interprétation, à la différence des descriptions de terrain. Autrement dit les premières peuvent compléter les secondes mais pas s’y substituer.

Avec le temps et la démultiplication des observations de natures diverses, un autre risque est bien connu des géologues : le glissement sémantique. Une observation naturelle ne se reproduisant jamais à l’identique en changeant de région, le principe même de corrélation admet qu’un nom désignant un objet géologique puisse, de proche en proche, être amené à étendre/restreindre le contenu qui a déterminé sa signification. La transmission de publication à publication est aussi une source potentielle de flou. Ainsi, par exemple, le terme de Néotéthys n’a-t-il plus strictement le même sens dans les articles récents (cf. Géochronique 2019) et dans l’article ci-dessous qui se réfère aux travaux de Stampfli (Géochronique 2011, n° 117). Mais il y a une raison à cette distorsion que le futur chercheur pourra apprécier en retournant aux observations et publications originelles.

C’est pourquoi il était nécessaire de publier cette synthèse qui témoigne de la démarche conduite avec une catégorie d’outils. Aux futurs chercheurs de s’interroger sur les hiatus de détail qui subsistent aujourd’hui entre cette vision large mais fragmentaire, et une image construite avec des moyens très intégrateurs mais sans doute moins précis à l’échelle de l’affleurement.

Historique

Des centaines d’articles géologiques ont été consacrés à la Sicile. Il n’est pas possible de tous les citer et les analyser. Nous essaierons de montrer les principales étapes de la progression de la connaissance géologique tout en sachant que c’est un exercice délicat et toujours subjectif.

Il est difficile de situer l’origine de la connaissance. On peut faire référence à Platon ou à des auteurs arabes qui parlent du phénomène des « maccalube » (volcans de boue) ou plus tard à C. Gemmellaro (1827) qui s’intéresse à l’Etna donc aux phénomènes volcaniques tout comme Prévost (1832) attiré par l’apparition du volcan de l’île Julia au large de Sciacca. On peut situer le début hésitant de la pétrographie endogène avec Hoffman (1839) etc… qui identifie dans les monts Péloritains les roches métamorphiques gneissiques, micaschisteuses, phylladiques, granitiques… Tous ces travaux demeurent néanmoins anecdotiques. L’évolution se produira avec l’apparition progressive des grandes disciplines : la paléontologie, la stratigraphie, la pétrographie, la tectonique, mais c’est dans les années 1960 que la géologie subit une véritable révolution. C’est la période de la recherche pétrolière et universitaire. C’est à cette époque que Louis Glangeaud et André Caire de l’Université Paris Sorbonne ont implanté une équipe de quatre chercheurs en Sicile (Broquet, Duée de l’Université de Lille et Mascle, Truillet de l’Université de Paris). De nombreux articles ont d’ailleurs été publiés à la Société géologique du Nord dès 1964 (Caire).

La période paléontologique, stratigraphique, cartographique et pétrographique

Je situerai le point de départ avec le Professeur G.G. Gemmellaro de Palerme (Gemmellaro, 1872). Cet auteur est le premier grand paléontologue sicilien qui de 1872 à 1904 publie une longue série de travaux sur les faunes du Permien du Sosio, du Trias et du Lias provenant surtout des monts Sicani. C’est la première description de fossiles marins dans les blocs exotiques du Permien de Palazzo Adriano en 1887. Les travaux de cet auteur restent toujours valables de nos jours. Ses recherches ont été prolongées par Di Stefano (1883, 1917). C’est l’avènement de la période paléontologique dont le but principal est de dater les terrains fossilifères et d’individualiser quelques faciès sédimentaires.

Avec Baldacci (1886) et sa description géologique de l’île de Sicile commence la période où la stratigraphie se construit et devient la science qui fournit la clé du passé en permettant l’élaboration des premières cartes géologiques au 1/100 000 qui couvrent toute l’île et qu’il a levées dès 1877 en compagnie de plusieurs ingénieurs parmi lesquels Mazetti, Anselmo… A la même époque on assiste à la naissance de la pétrographie qui est liée à la connaissance des monts Péloritains. Celle-ci commence avec De Stefani (1876) mais s’affirme surtout au siècle suivant. On peut dire que c’est au XIXe siècle que se mettent en place les bases de la connaissance géologique en Sicile.

À l’époque de Baldacci on fait essentiellement appel aux mouvements verticaux et rectilignes. Les cartes de Sicile au 1/100 000 ne comportent pas de failles jusqu’à ce que Suess (1897) en Autriche dans son ouvrage « La face de la Terre » introduise la notion de déplacement tangentiel. De rectilignes les lignes tectoniques deviennent arquées. La notion de grands recouvrements anormaux apparaît dans les Alpes (Bertrand, 1884) et en Sicile (Lugeon et Argand, 1906). À partir de cette date la tectonique s’introduit violemment dans la géologie sicilienne et voit s’affronter partisans et farouches opposants de la théorie « nappiste ».

La période tectonique

Les premières conceptions tectoniques de l’île naquirent avec Lugeon & Argand (1906) qui publièrent trois notes aussi brèves que géniales. Ces publications n’eurent guère d’échos avant 1940 mais s’avèrent de nos jours comme les travaux de remarquables précurseurs. Leurs conceptions « nappistes » eurent une portée considérable dans le monde géologique de l’époque. À la suite de ces deux grands géologues, la littérature géologique sicilienne entretient une polémique opposant les partisans du « nappisme » et les ardents défenseurs de l’autochtonie tel Di Stefano (1917). Ils vont pendant plus de 30 ans s’acharner à défendre des thèses diamétralement opposées. Le travail de ces deux auteurs s’appuie essentiellement sur une réinterprétation des cartes au 1/100 000 de Baldacci. Leurs idées trouvent, en Sicile orientale, un défenseur en la personne de Quitzow (1935) qui admet le charriage des monts Péloritains envisagé dès 1906. Fabiani & Trevisan (1940) démontrent la superposition de deux séries différentes dans les monts de Palerme, établissant les premières bases solides de la connaissance tectonique des chaînes siciliennes.

La révolution des années 1960

C’est pendant cette période que la géologie sicilienne réalise ses plus grandes avancées. À partir de 1950 des équipes de géologues structuraux et cartographes travaillent en Sicile pour le compte de compagnies pétrolières (Gulf, Montecatini, Agip…). C’est en 1955 et 1959 que naît la notion d’olistostrome et d’olistolite, dans la région de Valedolmo, sous la plume de Flores ; voir historique, Broquet, 1968, 1970). Sa démonstration découle de l’analyse des forages réalisés dans le bassin centro-sicilien. Cette notion féconde a été poussée à l’excès jusqu’à assimiler la Sicile à un vaste olistostrome (Beneo, 1957). C’est pourquoi il a fallu la compléter par la notion de klippe sédimentaire de manière à distinguer les phénomènes sédimentaires (olistostromes et olistolites) des phénomènes tectoniques (klippes sédimentaires). La première klippe sédimentaire décrite est celle de La Montagnola près de Cammarata par Broquet (1964). Schmidt Di Friedberg (1959) retrouve dans les Madonies la même superposition que dans les monts de Palerme précisant l’extension de la nappe de Palerme que Trevisan (1960) baptise du nom de Panormide (étymologiquement Panormide vient de Panormos, nom grec de Palerme). Schmidt Di Friedberg et al. (1960) introduisent la notion de formation encore utilisée aujourd’hui. Toujours en 1960 Ogniben publie son remarquable « Schéma géologique de la Sicile nord-orientale ». Il ne partage pas l’opinion de Schmidt Di Friedberg quant à l’âge du charriage du Panormide qu’il situe à l’Oligocène. Ce point est encore discuté de nos jours. C’est à partir de 1960 qu’une équipe de recherche française dirigée par le Professeur Caire travaille en Sicile, aboutissant à plusieurs thèses d’état concernant les Péloritains (Truillet, 1968), les Nebrodi (Duée, 1969), les Madonies (Broquet, 1968) et les Sicani (Mascle, 1973). Il est impossible de résumer ici ces thèses et d’en énoncer toutes les découvertes. Elles présentent des affinités mais aussi des divergences avec les données fournies par Ogniben (1960-1970).

La période actuelle - le mobilisme

À partir des années 1970 on entre dans une ère nouvelle. Le dogme des géosynclinaux est mort, la tectonique des plaques lui succède et on part à la recherche des océans perdus et de leurs marges continentales. On écrit beaucoup d’articles. Bien souvent contradictoires, les hypothèses paléogéographiques sont difficiles à contrôler, passant des analyses déductives du passé à des hypothèses inductives peu appuyées sur des faits de terrain. L’accord ne se fait pas sur la paléogéographie de la Sicile. Il y a un tel foisonnement de travaux réalisés entre 1970 et aujourd’hui qu’il est difficile d’analyser avec pertinence cette période où on doit intégrer également toutes les publications géophysiques et océanographiques. Je laisse à des auteurs modernes le soin de le faire.

Signalons les résultats importants obtenus sur l’ouverture de la mer tyrrhénienne (Moussat et al., 1985), sur l’arc calabro-sicilien (Sartori, 2003) et sur les remises en question de la position de la Sardaigne et de la Corse relativement à l’Ibérie (Advocaat et al., 2014). Les dernières cartes synthétiques relatives à la paléotectonique de la Méditerranée centrale sont dues à Barrier et al. (2019).

Le mobilisme induit par la tectonique des plaques s’accompagne d’accrétions diverses. En Sicile, des accidents majeurs sont mobilisés en importants décrochements dextres lors de la phase tyrrhénienne (Miocène supérieur - Pliocène). Ces accidents ont été évoqués depuis longtemps par Ruggieri (1966), Caire (1975 - ligne de Vicari), Ghisetti et Vezzani (1981), mais ils n’ont été bien caractérisés qu’assez récemment par Nigro et Renda (1999), Renda et al. (2000). Ces accidents plio-pléistocènes dits ligne Ustica-Éoliennes et ligne Kumeta-Etna nord contrôlent l’évolution récente du bassin tyrrhénien.

 

En conclusion on peut dire que partant d’une géologie fixiste au XIXe siècle, on a assisté au XXe siècle, après bien des diatribes, au triomphe de la tectonique tangentielle avec ses nappes de charriage pour arriver à l’époque "mobiliste" avec l’avènement de la tectonique des plaques et l’intégration des grands décrochements. On observe un important changement d’échelle et de méthode à partir des années 1990 et surtout au XXIe siècle. On passe de l’échelle des nappes à celle de la lithosphère. Aux coupes de terrain se substituent les coupes lithosphériques appuyées sur des données géophysiques (tomographie sismique etc…). Les relations entre les observations directes (terrain) et indirectes (géophysique) sont souvent difficiles à établir.

Remarques paléogéographiques

Généralités

La Sicile (25 708 km2) est une île montagneuse subdivisée en plusieurs régions naturelles (Fig. 1) qui correspondent aux principales zones paléogéographiques et unités tectoniques définies essentiellement dans les années 1960-1970. Les reconstitutions paléogéographiques ont été influencées par le positionnement d’un océan téthysien séparant l’Europe de l’Afrique et interprété dans l’hypothèse d’une fissure crustale de type californien continue de Gibraltar jusque dans les Alpes (Dercourt et al., 1985 ; Stampfli et al., 2001). Ceci n’est peut-être pas acquis.

Ogniben (1960) admet l’océan téthysien au sud des monts Péloritains en continuité avec l’océan ligure en prolongement de l’océan maghrébin. Tous les flyschs sont admis en position externe par rapport à la ride kabylo-péloritaine logiquement rattachée à l’Europe. En 1970 il précise son schéma (théorie géosynclinale). Bouillin (1986) formule la même hypothèse, or celle-ci ne peut être soutenue pour une raison essentielle : les flyschs maghrébins, maurétaniens, massyliens et calabrais sont différents, s’opposant à l’existence d’un océan unique. L’équipe française (Broquet et al., 1963) avait opté pour l’existence de flyschs crétacés internes et externes par rapport à la ride péloritaine proposant l’insularité des monts Péloritains. Une grande similitude avait cependant été notée (Caire et al., 1965) entre les séries kabyles et péloritaines tant pour leur socle que pour leur couverture calcaire dite chaîne bordière externe. L’insularité du socle calabrais septentrional a également été envisagée (Amodio-Morelli et al., 1976 ; Grandjacquet & Mascle, 1978).

À partir de 1979 Sengor introduit la notion de Néotéthys : océan s’ouvrant par « rifting » et dégageant un bloc allongé séparant la Néotéthys de la Paléotéthys. C’est le continent Cimmérien dont le déplacement vers le NE dégage l’espace océanique néotéthysien. Cette féconde notion trouve son application en Sicile et correspond à ce que j’ai nommé l’océan ionien (série de Sclafani) lequel naît timidement au Permien, s’estompe et prend corps au Lias (Broquet, 1968). Il présente des sauts de dorsale. C’est un domaine marin au caractère océanique mal affirmé et fluctuant au cours du temps. À ce propos j’ai écrit que la Sicile était ionienne car elle est héritière de la Néotéthys dont le descendant actuel est la mer Ionienne. Ceci est sans rapport, bien sûr, avec la zone ionienne définie dans les Hellénides.

Vers l’Est, la zone de Sclafani (Néotéthys) passe au sud des îles de Crête et de Karpathos, peut-être sous la couverture de nappes égéennes miocènes, pour réapparaître à Chypre, Antalya en Turquie jusqu’en Oman, via la Syrie. Le caractère océanique y est plus affirmé ; les phases orogéniques plus précoces avec fermeture progressive de l’espace océanique de l’Est vers l’Ouest

Le nom ancien de la Sicile est « Trinacria » du grec ancien Trinakria (trois pointes) : la pointe sud de Syracuse - monts Hyblei ; la pointe nord-est du cap Peloro - monts Péloritains ; et la pointe ouest de Trapani (Fig. 1). Pour comprendre la géologie sicilienne il faut ôter deux angles à l’île, celui du nord-est comporte un socle paléozoïque métamorphisé à l’époque hercynienne (Truillet, 1968), traversé de granites également hercyniens et avec une couverture calcaire secondaire. Celui du sud présente à l’affleurement une plateforme carbonatée tertiaire. Sa série est bien connue jusqu’au Trias grâce à de nombreux forages d’exploration et d’exploitation pétrolières. Cette géologie devient alors des plus classiques avec un océan ionien dont on peut suivre l’évolution entre le Permien et l’époque actuelle. On verra ultérieurement à quelle période les angles NE et S seront intégrés à la Sicile.

Figure 1

Figure 1

Situation géographique
 
Geographical situation

Le domaine ionien comporte de l’intérieur vers l’extérieur, la plate-forme Panormide qui affleure largement dans l’ouest sicilien entre les monts Acci et Sparagio, de Palerme, de Termini Imerese et des Madonies. Elle s’apparente et passe latéralement vers l’E à la série du Gavrovo-Tripolitsa, bien connue dans les chaînes helléniques. Elle est affine à celle qui affleure en Crête. La plateforme Panormide passe vers le S à la zone ionienne radiolaritique de Sclafani qui affleure très largement entre les îles Égades (Marettimo) et le mont Judica en passant par Sclafani. Ce domaine océanique passe vers le S aux séries Sicanes dites de Vicari, Cammarata et Sciacca pour joindre la plate-forme africaine vers le S. Il faut adjoindre les bassins miocènes de Trapani et Caltanissetta (bassin centro-sicilien) qui sont les réceptacles des nappes au Miocène moyen-supérieur (Fig. 5 tirée de Broquet, 1968, Fig. 229). Une question demeure : où se termine au Mésozoïque l’océan ionien vers l’W ? On a toujours considéré la zone de Lagonegro (Calabre méridionale) comme le prolongement de la zone de Sclafani. Il est possible de voir également un lien avec la zone métaradiolaritique d’Ali affleurant sur le bord nord des monts Péloritains (Truillet, 1968). Mais au-delà il n’y a pas de certitude. On pourrait penser, au Jurassique, à la série des Achaiches-Petite Kabylie (Bouillin, 1986). Il est important de tenter de résoudre le problème de la paléogéographie du bord septentrional du microcontinent maghrébin.

Dans les années soixante j’avais été étonné de constater de parfaites analogies de faciès, du Jurassique à l’Oligocène, entre les séries subbétiques qu’étudiait Paquet dans la région de Murcie en Espagne (Paquet, 1969) et la série de Cammarata (Monts Sicani) en Sicile, notamment au niveau des faciès scaglia du Crétacé ; de même pour la série bétique comportant des venues basaltiques au Dogger et présentant des affinités avec la série de Vicari en Sicile. Plus tard dans les années 1970, nommé à Besançon j’avais constaté en suivant l’élaboration de la thèse de Bourgeois (1978) les mêmes parentés de faciès du Jurassique à l’Oligocène entre les séries subbétiques et pénibétiques de la transversale de Ronda et les séries de Cammarata et Vicari en Sicile. Plus tard, Mascle (1979) avait signalé les mêmes convergences de faciès. Ces analogies avaient été considérées comme fortuites faute d’une solution de continuité paléogéographique évidente. Nous verrons que cette solution de continuité peut désormais être envisagée.

Si on tient compte de la non-continuité des séries flyschoïdes calabraises, siciliennes, maghrébines (non-continuité entre les océans liguro-piémontais et maghrébin) de l’insularité de la Calabre septentrionale (Sila) et du domaine Alboran - Kabylies - Péloritains - Calabre méridionale (AlKaPeCam), on peut concevoir au Mésozoïque l’existence de trois domaines océaniques indépendants : ligure au N en prolongement de l’océan alpin, ionien au centre et maghrébin vers l’ouest (Broquet, 2007, 2016). Il est difficile de situer avec précision chacun de ces domaines. Néanmoins, avec les données de terrain fondées sur les zones de faciès, on peut estimer leur position relative et formuler des propositions de reconstitutions palinspastiques. Plusieurs périodes sont importantes : le Crétacé moyen (avant les premières phases tectoniques), l’Oligocène, le Miocène moyen et le Miocène supérieur-Pliocène (après les phases orogéniques principales). La figure 2 essaie d’en schématiser l’évolution.

Tentatives de reconstitutions palinspastiques

Nous choisirons d’établir une première carte au Crétacé (Fig. 2A), vers l’Albo-Cénomanien (-96 Ma environ), c’est-à-dire avant l’importante convergence de l’Afrique vers l’Europe au Crétacé supérieur et à l’Oligocène (Rosenbaum et al., 2002). Ensuite nous montrerons l’évolution à l’Oligocène supérieur - Aquitanien inférieur (Fig. 2B, -22 – 23 Ma environ) lors d’importants changements paléogéographiques et compléterons par le Pliocène (Fig. 2C, vers -3 Ma environ jusqu’à l’époque actuelle). Il faut signaler que les données au Crétacé sont très controversées avec de nombreuses propositions différentes sur la position du bloc AlKaPeCam.

La situation de la plateforme Panormide au Crétacé devient essentielle. Elle borde au N l’océan ionien et se retrouve au Crétacé, lors de son extension maximum, également sur les marges péloritaines et calabraises. Il s’agit de la très importante série de Stilo en Calabre (Aspromonte et Serre) et de Novara dans les monts Péloritains. En Calabre méridionale cette série présente un substratum cambro-ordovicien à carbonifère (Bouillin et al., 1987) et une couverture secondaire discordante sur le substratum. Cette série est particulièrement importante car ses faciès crétacés et oligocènes s’apparentent (Broquet, 2007, 2016) aux faciès de même âge du Panormide des Madonies. On note également que des niveaux du Crétacé de type panormide affleurent en Sardaigne du Sud, dans l’île de San Antioco et de l’Est (région de Cala Gonone - golfe d’Orosei) permettant le passage des Orbitolines et des Rudistes entre Apulie-Baléares et sillon tunisien méridional (séries de Hamman - Zriba et des Djebels Moktar, Zembra - cf. séries du Monte Sparagio en Sicile, de même pour les séries du Bou Kornine et du Monte Acci en Sicile).

L’océan ionien péri-africain, mal caractérisé devient nord-maghrébin (série d’Ali). Il aboutit dans le domaine bétique. Il disparaît consécutivement à la subduction bétique vers le sud au Paléogène. C’est la phase fini-lutétienne de J. Paquet (1969). Cette subduction s’accompagne d’un métamorphisme alpin de haute pression. Il fait disparaître sous la ride kabyle l’ensemble du Bétique externe et interne ainsi que les ophiolites jurassiques nord-maghrébines (formation Mulhacen-Puga, 1977). On peut donc envisager avant le Paléogène une jonction entre les océans ionien et nord-maghrébin comme le suggéraient les convergences de faciès jurassico-crétacé entre leurs zones externes (zones sicanes de Cammarata et Vicari en Sicile et subbétiques et pénibétiques en Espagne). Les ophiolites nord-maghrébines pourraient se rattacher au rift médio-océanique de la zone ionienne de Sclafani jusqu’ici non identifiée. Ainsi néo-téthys, océan ionien et océan nord-maghrébin ne feraient qu’un. Le microcontinent kabyle se trouve donc en position intermédiaire entre la plaque afrique et la néo-téthys. En résumé, vers l’Ouest, l’essentiel des formations issues de l’océan ionien disparait au Paléogène sous le microcontinent maghrébin lors de l’importante subduction bétique vers le Sud. Ceci explique qu’actuellement ces formations ne soient plus visibles entre la Sicile occidentale et le domaine bétique en Espagne. Cette subduction doit s’accompagner d’un important décrochement du bloc AlKaPeCam. Ces données permettent de proposer une reconstitution palinspastique de la Méditerranée Centrale au Crétacé moyen (Fig. 2).

Figure 2

Figure 2

Reconstitution palinspastique de la Méditerranée centrale à l’Albo-Cénomanien (vers -96 Ma - Fig. 2A). Sur ce schéma ont été surimposés :
I— la phase de l’Oligocène-Aquitanien inférieur (-25 à -22 Ma) avec formation de l’arc maghrébo-calabrais (Fig. 2A-B). L’axe du sillon du flysch numidien (en rouge sur la figure) a été positionné ainsi que la situation des diverses formations constituant son substratum ;
1- argiles à Tubotomaculum de la série des « Argille Scagliose » - Arrière-arc ;
2- formation de Gratteri (Madonies) ;
3- formation de Pignolo (Calabre méridionale) ;
4- formation de Paludi (Sila - Calabre septentrionale) ;
5- formation de Portella Colla (Madonies) - Avant-arc.
Lors de cette phase orogénique, la plateforme panormide (fig. 2A, figurée en hachures bleues) est décollée de son substratum. On peut formuler l’hypothèse que ce substratum mis à nu dans l’arrière-arc fournit l’essentiel de la débâcle détritique numidienne à l’Aquitano-Burdigalien.
II— la phase du Miocène moyen (Serravallien, vers -14 Ma). Les charriages s’opèrent orthogonalement à l’enveloppe des arcs.
III— la phase tyrrhénienne avec formation de l’arc siculo-calabrais actuel (Fig. 2C voir l’explication dans le texte).
Le déplacement cumulé apparent de l’arc lors des phases oligocène et tyrrhénienne serait de l’ordre de 450 km en 22 Ma.
Abréviations : A.T.M. = Axe transméditerranéen ; A.N.B. = Axe nord-baléares ; A.N.S. = Axe nord sud tunisien ; A.H. = Avant-pays Hybléen ; A.S.C. = Arc Siculo-Calabrais ; A.S.N. = Axe du Sillon Numidien ; A.V. = Arc Volcanique ; Ba = Baléares ; Cam = Calabre méridionale (Aspromonte - Serre) ; C. bordière = Chaine bordière externe ; C,G,P,S.C. = bassins plio-pléistocènes disjoints de Cefalù, Gioia, Paola, Spartivento- Crotone ; E = Etna ; E.A. = Escarpement Apulien ; E.H. = Escarpement Hybléen ; F.G.M.S. = Flyschs crétacés externes, Gerrouch, Monte-Soro ; L.U.E. = ligne Ustica – Éoliennes ; L.K.En. = ligne Kumeta - Etna nord ; L’T’-LT = Ligne de Taormina ; Pe = Péloritains ; R = formations de Reitano-Troina-Tusa ; V = Vésuve ; flèche double = sens du mouvement actuel de la plaque africaine.
 
Palinspastic reconstruction of the central Mediterranean area during the Middle Cretaceous (Albian-Cenomanian – 96 Ma - Fig. 2A) with surimposed:
I— Oligocene-Lower Aquitanian phase (-25 to -22 Ma) with maghrebo-calabrian arc formation (Fig. 2A-B). The Numidian flysch axis is indicated by a continuous red line with position of its Oligocene substratum formation:
1 - the back-arc
Tubotomaculummuds (« Argille Scagliose »).
2 - Gratteri Formation (Madonies)
3 - Pignolo Formation (south Calabria)
4 - Paludi Formation (Sila - north Calabria)
5 - External fore-arc Portella Colla Formation (Madonies).
During this orogenic phase the panormide platform (fig. 2A, blue hachured) is detached from his substratum (surface de décollement in french). This uncovered substratum in the back-arc basin can give the numidian quartz detritus in Aquitanian-Burdigalian time. This is a possible hypothesis.
II— Middle Miocene phase (Serravallian, ca. -14 Ma. The thrusts formed perpendicularly to the enveloppe of the arcs.
III— Tyrrhenian phase with formation of the Present Siculo-Calabrian arc (see Fig. 2C, explanation in the text).
The complete arc transfer during Oligocene and Tyrrhenian phases would be about 450 km in 22 Ma.
Abbreviations: A.T.M.= Transmediterranean Axis; A.N.B.= North Balearic Axis; A.N.S.= North - South tunisian Axis; A.H.= Hyblean foreland; A.S.C.= Siculo-Calabria Axis; A.S.N.= Numidian Trench Axis; A.V.= Volcanic Arc; Ba= Balearic isles; Cam= south Calabria (Aspromonte-Serre); C. bordiere= external kabylian dorsal; C,G,P,S.C.= plio - pleistocene separated basins of Cefalu, Gioia, Paloa, Spartivento - Crotone; E= Etna; E.Ap.= Apulian scarpment; E.H.= Hyblean scarpment; F.G.M.S.= external cretaceous Flysch - Gerrouch-Monte-Soro; L.U.E.= Ustica - Eolian Line; L.K. En.= Kumeta - north Etna Line; L’T’-LT = Taormina Line; Pe= Peloritain; R= Reitano-Troina-Tusa formations; V= Vesuvius; double arrow= african plate movement direction.

À l’Albo-Cénomanien s’opère progressivement une jonction entre les trois domaines océaniques par l’intermédiaire de la série des « Argille Scagliose » (A.S., ligurides externes) qui, via la plateforme panormide, se joint à l’océan sud-maghrébin (Broquet, 2016). Il y a fermeture progressive de l’espace nord-maghrébin consécutivement à la subduction bétique au Paléogène.

C’est à l’Oligocène, voire dès l’Éocène (Advocaat et al., 2014) que la phase orogénique sardo-baléare liée au sphénochasme de Gênes provoque un important changement paléogéographique avec formation du premier véritable arc maghrébo-calabrais et installation du sillon du flysch numidien. On retrouve les repères de la dépendance panormide. En effet la formation discordante, calcaro-marneuse de Gratteri d’âge oligocène-aquitanien inférieur ? (substratum du Numidien, Broquet, 1968) présente des affinités d’âge et de faciès avec les séries de Paludi (massif de la Sila-Calabre septentrionale ; Dubois, 1976) et de Pignolo déposée sur les massifs de l’Aspromonte et des Serre, Calabre méridionale (Bonardi et al., 2002). L’âge de la formation Paludi est donné par des nanoflores et rapporté à l’Aquitanien ; celui de la formation Pignolo est attribué à l’Oligocène inférieur-Aquitanien. Il faut rappeler que nous avons assimilé la série de Stilo qui supporte la formation discordante de Pignolo à celle du Panormide (Broquet, 2007, 2016). En résumé, ces séries s’apparentent par le Jurassique (calcaires à Clypeïnes) et le Crétacé (calcaires à Rudistes), par un paléokarst et par les séries Oligocène-Aquitanien inférieur.

Or, la formation de Gratteri se situe au front de l’arc oligocène séparant les Numidiens externe et interne, et par analogie les formations précitées (Paludi et Pignolo) se trouvent dans la même situation paléogéographique en marge du sillon du flysch numidien externe (Fig. 2B). Rappelons que la formation de Gratteri (Oligocène à Aquitanien inférieur ?) a permis de dater dans les Madonies la phase sardo-baléare ou algéro-provençale (Broquet, 1968, 2016) en accord avec l’âge du métamorphisme du substratum des séries oligocènes de Calabre méridionale et dans les Péloritains (-28 à -25 Ma ; Bonardi et al., 2004).

À partir des mesures réalisées sur des filons clastiques (Broquet, 1975) et tenant compte de la rotation post-miocène supérieur de la Sicile, on peut estimer l’orientation de l’axe du sillon numidien entre E - W et NW - SE (Fig. 2A-B). Le positionnement du sillon numidien est fondamental pour la compréhension de l’évolution tectonique de ce secteur. Depuis Gaudette et al. (1975) de très nombreux auteurs ont remarqué dans les grès du flysch numidien la présence de zircons re-sédimentés d’âges anciens. La roche mère de ce flysch demeure encore énigmatique. Les socles panafricains sont rares en Méditerranée centrale ; ils ont néanmoins été reconnus à Galeria (Corse du Nord) ainsi qu’en Algérie septentrionale (grande et petite Kabylie) et en Calabre. La plupart de ces unités avant l’ouverture oligocène devaient se situer à l’est du bloc corso-sarde.

L'évolution tectonique de la Sicile

Il faut faire appel à certains traits du réseau rhegmatique (Fig. 2A) pour expliquer l’évolution paléogéographique et tectonique de la Sicile :

  1. un paléoaxe N - S à N30 dans l’est tunisien pour expliquer la terminaison vers l’est des séries maghrébines et telliennes ;
  2. un axe transméditerranéen au nord du microcontinent maghrébin, subperpendiculaire à l’axe atlantique, jouant, du Lias à l’actuel, alternativement en distension (dépôts des flyschs) et en compression avec importants déplacements sénestres jusqu’à l’Éocène (Yprésien) puis dextres jusqu'à l’Actuel ; en Sicile cet accident correspond à l’axe qui joint Ustica aux îles éoliennes ;
  3. une faille décrochante (transformante ?) nord-baléare joignant le sud de la Calabre septentrionale (en rapport avec l’ouverture de l’océan algéro-provençal).

Nous ne développerons pas la phase du Crétacé supérieur-Éocène propre à l’Apennin et à la Calabre septentrionale (Sila). Nous avons résumé l’évolution tectonique de la Sicile sur une coupe schématique et synthétique (Fig. 3). Ce profil a pour but de montrer uniquement les relations entre les grandes unités structurales affleurant dans les monts Péloritains, Nebrodi, Madonies, jusque dans la région de Gela. Il présente deux ensembles structuralement différents dont l’inférieur est ionien avec toutes les unités séparées par des surfaces de décollement. Il est structuré lors des trois phases oligocène (phase sardo-baléare), miocène moyen et pliocène (tyrrhénienne). Cet ensemble ionien repose sur l’avant-pays hybléen (A.P.H. = plaque africaine) et c’est la série du flysch interne avec le Numidien interne, d’arrière-arc (A.S. + N1) qui occupe la position structurale la plus élevée.

Figure 3

Figure 3

Coupe NE-SW, schématique, synthétique et simplifiée du NE de la Sicile, d’après Broquet (2016). Ce profil a pour but de montrer uniquement les relations entre les grandes unités structurales affleurant dans les monts Péloritains, Nebrodi, Madonies, jusqu’à la région de Gela. Explications dans le texte.
Abréviations : Ensemble ionien : P = Panormide ; FG = Formation de Gratteri oligocène-aquitanien inférieur ? ; A.S. = « Argille Scagliose » Crétacé supérieur-Éocène ; S = Sclafani ; H = série sicane externe ; A.P.H. = avant-pays hybléen (plaque africaine) ; N1 = Numidien interne d’arrière-arc ; N2 = Numidien intermédiaire ; N3 = Numidien externe d’avant-arc ; G.G. = grès glauconieux sicanes ; VL = série burdigalienne de la vallée di Lisca, passage du flysch numidien à la molasse du bassin centro-sicilien ; MP = Miocène élevé - Pliocène d’un bassin discordant et transporté ; Q = Quaternaire ; phi1 = phase Oligocène supérieur-Aquitanien ; phi2 = phase du Miocène moyen - subduction vers le Nord ; phi3 = phase tyrrhénienne. Ensemble maghrébin : A.S.+N1 = série du flysch interne avec Numidien d’arrière-arc ; OMP = Oligo-Miocène Péloritains discordant sur le socle et la chaine calcaire (c) = bassin transporté ; MS = flysch externe crétacé du Monte-Soro ; R = série des « Argille Scagliose » de Troina, de Tusa et de Reitano (Crétacé supérieur à Miocène inférieur) ; phi = phases maghrébines en subduction vers le Nord structurant le bloc KaPeCam.
 
Schematic, simplified and synthetic NE-SW field section of NE Sicily, after Broquet (2016). This section shows the relationship between the large structural units outcropping in the Peloritan, Nebrodi, Madonie, up to the area of Gela. Explanations in the text.
Abbreviations: The whole Ionian: P= Panormide; FG.= Oligocene-lower Aquitanian? Gratteri Formation; A.S.= Upper Cretaceous-Eocene « Argille Scagliose »; S= Sclafani; H= external Sicanian; A.P.H.= Hyblean foreland (african plate); N1= internal back-arc Numidian; N2= middle Numidian; N3= external fore-arc Numidian; G.G.= Glauconitic Sicanian Sandstones; VL= Burdigalian series of the Lisca Valley, passage of the Numidian flysch to the Centro-Sicilian molasse basin; MP= upper Miocene-Pliocene transported and discordant basin (« piggy-back »); Q= Quaternary; phi 1= upper Oligocene- Aquitanian phase; phi 2= middle Miocene phase - north subduction; phi 3= Tyrrhenian phase.
The whole maghrebian: A.S.+N1= internal back-arc Numidian series; OMP = discordant Peloritanian Oligo-Miocene on the basement and on the Peloritanian calcareous chain (c) = transported basin; MS= Monte Soro cretaceous external flysch; R= upper Cretaceous-Miocene Troina, Tusa and Reitano « Argille Scagliose » series; phi= maghrebian phases of the block KaPeCam with subduction to the north.

L’ensemble supérieur, maghrébin, structuré lors des phases maghrébines (subduction vers le Nord) a subi un métamorphisme oligocène-aquitanien moyennement élevé. Il est mis définitivement en place lors de la phase tyrrhénienne par accrétion latérale dextre suivie d’un chevauchement post-pliocène inférieur (décrochement - chevauchement). Il repose sur une surface d’érosion réalisée entre le Tortonien et le Pléistocène (environ entre -7 et -2 Ma d’années) en relation avec l’ouverture de la mer tyrrhénienne pendant la rotation de la Sicile dans le sens horaire. Sa mise en place est encore active.

Les phases tectoniques sont à mettre en rapport avec l’ouverture et la fermeture des bassins. Pour cette raison afin de préciser ces périodes d’ouverture et de fermeture nous avons toujours fait appel aux phénomènes tectono-sédimentaires étayés par la présence de klippes sédimentaires dites d’ouverture ou de fermeture (Broquet, 1968, 1989).

La phase sardo-baléare (Oligocène supérieur-Aquitanien inférieur) - Le Numidien

La période oligocène correspond à un très important changement de paléogéographie qui voit le futur sillon du Numidien (Fig. 2 A et 2 B) s’installer de l’W vers l’E, à cheval sur les séries du flysch crétacé supérieur-éocène (« Argille Scagliose »), du Panormide et de Sclafani (Fig. 4). Il s’agit d’un sillon dont le comblement s’opère de l’W vers l’E. On remarque qu’après la mise en place à l’Oligocène supérieur-Aquitanien basal, des klippes sédimentaires d’ouverture, panormides et d’un wildflysch, arrive la débâcle détritique dont la source pourrait correspondre aux séries du socle panormide d’origine africaine (Grande Apulie-Afrique orientale ? - Continent Cimmérien).

Figure 4

Figure 4

Le bassin du Numidien au Burdigalien (zone N6 de Blow). Le Numidien interne N1 (arrière-arc) repose sur le Crétacé-Éocène de la série des « Argille Scagliose ». Le Numidien intermédiaire N2 est sur l’arc et le Numidien externe N3 représente l’avant-arc.
Abréviations : A.V. = Position de l’arc volcanique avant érosion ; Si = Silexites (zone N5-N6 de Blow) ; Tu = Tuffites (zone N6 de Blow) ; K.S.O. = klippes sédimentaires d’ouverture ; WF= Wildflysch du Panormide externe ; A.S. = série des « Argille Scagliose » du Crétacé supérieur-Oligocène ; P = Panormide (Trias à Oligocène) ; N1 = Numidien interne ; N2 = Numidien intermédiaire en couverture du Panormide interne ; N3 = Numidien externe en couverture des zones du Panormide externe et de Sclafani.
 
The Numidian basin during the Burdigalian (N6 zone of Blow). The internal Numidian N1 (back-arc basin) lies on the Cretaceous-Eocene of the « Argille Scagliose » series. The middle Numidian N2 is on the arc and the external Numidian N3 is the fore-arc basin.
Abbreviations: A.V.= Volcanic Arc before erosion; Si= Silexites (N5-N6 zones of Blow); Tu= Tuffites (N6 zone of Blow); K.S.O.= Sedimentary Opening Klippes; WF= external Panormide Wildflysch; A.S.= upper cretaceous-oligocene « Argille Scagliose » series; P= Panormide (Trias to Oligocene); N1= internal Numidian; N2= middle Numidian covering the internal Panormide; N3= external Numidian covering the external Panormide and Sclafani zones.

À l’Oligocène supérieur on peut voir un arc panormide avec un domaine d’arrière-arc (Numidien interne) et d’avant-arc ou avant-fosse (zone de Sclafani-Numidien externe). Celui-ci passe en continuité au Burdigalien supérieur (série de la vallée Di Lisca) aux dépôts de l’avant-fosse du Miocène moyen-supérieur (Serravallien - Tortonien). Les phénomènes volcaniques associés (Fig. 2B et 4) sont attestés au Miocène inférieur (zones N5-N6 de Blow : Aquitanien supérieur-Burdigalien inférieur) par des produits dérivés : les silexites du Numidien interne d’arrière-arc et les tuffites de Karsa du Numidien externe d’avant-arc (Faugères et al., 1992). L’arc volcanique érodé ne laisse comme témoin que des silexites (bassin du Numidien interne d’arrière-arc) et des tuffites (bassin du Numidien externe d’avant-arc) ou les deux (bassin du Numidien intermédiaire positionné sur l’arc). Des tuffites sont notables également à la même époque dans l’unité de Troïna-Reitano (bassins disjoints de la formation de Tusa, Fig. 2B). Le schéma (Fig. 4) reconstitue le contexte paléogéographique du Numidien avec la formation des silexites (N5-N6) puis l’érosion de l’arc volcanique qui disparaîtrait pour donner naissance aux tuffites (zone N6 de Blow). Dans ce contexte les grès du Numidien interne seraient plus anciens que ceux du Numidien externe comme l’indiquent D’errico et al. (2014) qui donnent un âge nettement plus jeune de -7 Ma pour le Numidien externe des Apennins méridionaux. Cet âge correspond sensiblement à celui de la partie supérieure du Numidien externe des Madonies (avant-arc, Valle di Lisca).

Cette phase s’accompagne d’un léger métamorphisme du substratum de la Calabre méridionale et des Péloritains y compris de leur couverture (série d’Ali) entre -28 et -25 Ma.

La phase du Miocène moyen

C’est la phase principale en Sicile. Elle correspond à la subduction des plaques africaine et apulienne. Il s’agit d’un phénomène d’avant-fosse généralisé sur l’ensemble du secteur méditerranéen (Broquet et al., 1966 ; Hervouet et al., 1987), du Maroc aux Apennins, avec un léger décalage dans le temps d’W en E. En Sicile la subduction de la plaque africaine s’opère au Miocène moyen (vers -14 Ma) provoquant le comblement du bassin centro-sicilien (ou bassin de Caltanissetta) par l’accumulation de klippes sédimentaires de fermeture, d’endo- et d’exo-listostromes. Dans cette avant-fosse implantée sur les unités sicanes (Fig. 5), le matériel allochtone ainsi que le matériel sédimentaire normal proviennent de la marge interne et forment un système progradant du N vers le S, réalisant un talus de progradation tectono-sédimentaire (Broquet et al., 1984). On distingue encore un avant-pays (domaine hybléen-plaque africaine), une avant-fosse (bassin de Caltanissetta) et une marge active et mobile constituée des unités de Sclafani, du Panormide et des « Argille Scagliose » (flysch interne). C’est à cette époque que la Sicile commence à intégrer sa pointe sud de Syracuse (avant-pays hybléen), mais ce n’est qu’au Pléistocène, après la fermeture de l’avant-fosse de Gela, qu’elle prendra sa position définitive (voire Fig. 2C). Il faut noter que l’arc siculo-calabrais positionné au Miocène moyen au nord de la Tunisie orientale qui ne comporte pas d’important bassin de resédimentation garde sensiblement sa structure acquise dès l’Oligocène supérieur.

Figure 5

Figure 5

Coupe N-S de l’avant-fosse centro-sicilienne d’après Broquet (1968 fig. 229). Cette avant-fosse repose sur les unités sicanes avec un flysch permien en substratum. Les unités de la marge active (zones du flysch interne, du Panormide et de Sclafani) se mettent en place par un mécanisme tectono-sédimentaire (Klippes Sédimentaires de Fermeture) qui contribue au comblement du bassin.
 
N-S field section of the Centro-Sicilian foredeep after Broquet (1968 fig. 229). This foredeep lies on the Sicani units with a Permian flysch substratum. The active margin units (internal flysch, Panormide, Sclafani zones) took place by tectono-sedimentary phenomena (filling klippes) and contributed to filling the foredeep.

La phase Tyrrhénienne

Il se produit un nouveau changement paléogéographique (Fig. 2C) qui présente néanmoins une certaine analogie avec la période oligocène. La phase tyrrhénienne correspond à l’ouverture, sous l’effet d’une dérive de l’arc calabro-sicilien vers l’ESE (Moussat et al., 1985), des bassins à croûte océanique de la mer tyrrhénienne : bassin de Vavilov de -4,5 à 2,6 Ma et de Marsili de -1,8 Ma (Serri et al., 2001) ; l’ouverture commence à l’W et migre progressivement vers l’ESE.

Après le Miocène moyen, lorsque la zone de subduction se bloque, vers le Tortonien, la poussée continue de s’exercer et provoque l’assèchement de la Méditerranée qui devient une énorme mer morte sursalée par suite de la fermeture de l’isthme de Gibraltar avec dépôts de sel entre -6,5 et -5,3 Ma environ. Elle provoque également l’apparition de déformations plicatives, de failles de chevauchement tardives intra-tortoniennes affectant les bassins de resédimentation, par exemple le modeste bassin de Trapani à l’W de la Sicile (Broquet Trimaille, 1982), et d’importants décrochements. Sur les figures 2 et 3 on observe, bordant les monts Péloritains, la trace de l’accident trans-méditerranéen nommé ici ligne Ustica-Éoliennes sur laquelle se greffe une faille courbe : ligne Kumeta-Etna Nord également nommée ligne de Vicari, passant au sud de Marettimo. À propos de cette faille, si l’on tient compte de la rotation de la Sicile, elle pourrait avoir une orientation N30-N40 et s’apparenter aux axes N-S à N30 tunisiens. Ce qui la caractérise actuellement c’est qu’elle sépare deux secteurs à croûtes différentes, tout comme la faille de Sangineto en Calabre. Sur ces décrochements majeurs se forment des structures typiquement liées aux décrochements et coulissements (Caire, 1975). On note une importante amygdale fusiforme concernant les monts de Palerme, les Madonies, les Nebrodi (Fig. 2C) et qui forment une importante navette au contact de la faille de décrochement principale. Cette navette est affectée de failles de Riedel (Renda et al., 2000). Ces structures s’inscrivent dans ce que Caire (1974) appelait la gerbe droite qui diverge à partir de la mer sardo-baléare en dualité avec la gerbe gauche alpine qui s’enroule autour de la plaine du Pô. Le jeu de la faille de décrochement principal Ustica-Éoliennes est à l’origine de la rotation de la Sicile. Elle déverrouille le système et permet le transfert de l’arc siculo-calabrais dont le ventre se place sur le plan de subduction ionien. En effet, après la mise en place des nappes dans le bassin centro-sicilien on note un pivotement de la Sicile de 50 degrés au moins ; celui-ci est estimé difficilement à partir de la rotation des axes de contraintes principales après le Miocène de N45 à N100-120 (Broquet, 1975 ; Letouzey & Tremolières, 1980). Ces mesures demeurent imprécises car elles sont effectuées sur des formations ayant été transportées. Dans le plateau hybléen cet axe de raccourcissement est évalué entre N100 et N135 (Letouzey et Tremolières, 1980). Ghisetti et Vezzani (1981), en s'appuyant sur une analyse structurale et sur le paléomagnétisme, estiment la rotation horaire de la Sicile à 50° par rapport à la plateforme hybléenne. Si l’essentiel de la rotation doit s’opérer surtout entre le Tortonien (-7 Ma) et le Pléistocène (-2 Ma) en concomitance avec l’ouverture des bassins tyrrhéniens, on peut penser que la mise en place de l’arc calabro-sicilien est encore légèrement active. En effet, on peut le constater actuellement avec les déformations qui affectent quelques tronçons arqués de l’autoroute du soleil dont certaines courbes se déforment et se referment. De même on observe actuellement de nombreux phénomènes tectono-sédimentaires dans le détroit de Messine (olistostromes et premières klippes sédimentaires qui rendent utopique l’édification d’un pont entre Sicile et Calabre. Il est important de signaler que la pointe sud de la Sicile (avant-pays hybléen - plaque Afrique), en subduction au Serravallien a pris une position presque définitive au front du bassin centro-sicilien. Les études de paléomagnétisme (Channel et al., 1980) ont révélé que cette plateforme n’avait pas subi de rotation.

Sur le trajet de la faille décrochante de Vicari (ligne Kumeta-Etna Nord) alternent extensions et compressions. Au contact de la faille sur les points de compression maximale se produisent des extrusions diapiroïdes à rejet kilométrique où le noyau rigide perce la pulpe flyschoïde, à l’image du noyau de cerise perçant sa chair sous la pression des doigts. Ceci s’observe bien dans la région de Sclafani et Vicari (Broquet, 1968). Sur le trajet de cette faille on observe également des structures en fleur, par exemple vers Nicosia (Fig. 3). Celles-ci ont parfois été confondues avec des rétrochevauchements. La complexité est d’autant plus grande que ces structures s’opèrent sur des séries transportées et retransportées.

Une carte à 1/25 000 du sud des Madonies (Torre et al., 2013) montre qu’à l’est de Caltavuturo et Sclafani l’accident joue en chevauchement pluri-hectométrique vers le sud après le Pliocène inférieur (-3 Ma), probablement après la mise en place quasi totale de l’arc calabro-sicilien et sous l’effet d’une contrainte pléistocène ? à N130-N150. Cette observation est importante, en effet la faille de Vicari (axe Kumeta-Etna Nord) borde au nord le bassin centro-sicilien. Elle recoupe toutes les nappes (Fig. 3) situées sur la bordure nord du bassin centro-sicilien et son rejet pourrait reporter plus au nord l’ancienne bordure de ce bassin. Quant à l’âge du chevauchement, il est post-pliocène inférieur (-3 Ma). Il semble difficile d’être plus précis. Il pourrait correspondre à l’âge de la fermeture du bassin de Gela, c’est-à-dire vers -1 Ma, accompagnant l’inversion de subsidence du bassin centro-sicilien dont le Pliocène culmine actuellement à 1 000 m d’altitude et le Quaternaire à près de 600 m (Glangeaud et al., 1961).

On retiendra que le massif des Madonies a subi l’action des trois phases tectoniques principales ce qui explique sa complexité structurale. Lors de la phase tyrrhénienne, la Sicile intègre son troisième angle au NE, le cap Peloro avec le socle péloritain et les duplicatures de flyschs crétacés externes (série maghrébine du Monte-Soro, Guerrouch) et le Miocène transporté (Numidien d’arrière-arc, Reitano, Oligo-Miocène péloritain).

L'arc siculo-calabrais

Il est limité par le décrochement senestre de Sangineto au nord et par la ligne dite de Taormina au sud, décrochement dextre en relation avec l’accident trans-méditerranéen (ligne Ustica-Éoliennes). Il sépare la mer tyrrhénienne (environ 3 600 m de profondeur) de la mer Ionienne (4 100 m de profondeur au niveau de la plaine abyssale de Messine). Le sillon ionien est bordé par deux escarpements abrupts de 3 km de hauteur : les escarpements apulien (plateforme apulienne) et africain (plateforme hybléenne).

La lithosphère océanique en subduction est soulignée par une zone de Benioff (Sartori, 2003) déformée sur une longueur de 700 km ; sa largeur est inférieure à 250 km pour atteindre 450 km de profondeur au maximum. L’âge de la croûte océanique n’est pas connu (Permien à Tertiaire) de même que sa nature au centre du bassin ionien actuel (océanique ou continentale amincie) où elle est recouverte par plusieurs kilomètres de roches sédimentaires. Si l’on se réfère aux sauts de dorsale possibles, dans la zone ionienne, entre le Permien et le Trias supérieur-Lias et entre le Crétacé et l’Oligocène, lors d’un changement radical de paléogéographie, on pourrait envisager hypothétiquement que cette croûte océanique (?) ait un âge oligocène.

On observe, du NW au SE, en position interne, un bassin tyrrhénien d’arrière-arc dont le substratum à croûte continentale amincie résulte d’un étirement tectonique vers l’ESE de 350 km (Moussat et al., 1985), laissant apparaître sur 50 à 70 km de large la croûte océanique (bassins de Marsili et Vavilov) puis un arc volcanique typique (îles éoliennes) : sept îles de -1,5 à -2 Ma disposées selon un alignement semi-circulaire qui se prolonge jusqu’au Vésuve. En position intermédiaire on trouve l’arc siculo-calabrais allochtone, à croûte continentale, surtout constitué de terrains cristallins (Péloritains - Calabre méridionale) ; c’est la marge active mobile bordant un domaine externe à olistostromes et klippes sédimentaires d’ouverture avec en position externe un bassin d’avant-arc (bassin ionien). C’est, mutatis mutandis, l’image du sillon numidien (Fig. 4) qui comporte à l’Oligocène trois parties similaires : une partie interne océanique (argile à Tubotomaculum) avec un arc volcanique, une partie intermédiaire avec les klippes sédimentaires d’ouverture du Panormide et un sillon externe ionien (zone de Sclafani). Les bassins d’arrière-arc à avant-arc deviennent communicants, au moins à partir du Burdigalien inférieur (zone N6 de Blow) lors du dépôt des grès numidiens sur l’ensemble du sillon. Ces grès scellent les klippes sédimentaires panormides au niveau du Numidien intermédiaire. Bien entendu, dans les deux cas, l’alimentation principale en matériel détritique ne peut se faire que du NW vers le SE.

Actuellement au front de l’arc volcanique des îles éoliennes (fig. 2C) on note la formation de bassins disjoints à partir du Tortonien (bassin de Cefalu - Gioia - Paola) où se seraient accumulés 2 500 m de dépôts plio-pléistocènes. Il s’agit de bassins liés au décrochement dextre mio-pléistocène probablement de type « pull-apart ». Un bassin transporté est posé sur l’arc lui-même (bassin de Crotone-Spartivento). Ces bassins sont à l’image de ceux où se sédimentaient les dépôts gréso-micacés (de type Troïna- Reitano-Tusa, bassins de type « pull-apart ») qui à l’Oligo-Miocène ourlaient le domaine numidien (Fig. 2B). De même existait un bassin transporté, posé sur l’arc lui-même, c’est l’Oligo-Miocène péloritain (Duée, 1969 ; Truillet, 1968). Au Miocène, l’âge de ces formations dépend de la période d’ouverture des bassins. La matière détritique est d’origine locale (bassin transporté et « pull-apart ») ou lointaine avec un transport important (sillon du flysch numidien). Cet arc tyrrhénien est hérité de l’arc oligocène et son transfert par rapport au bloc corso-sarde serait de l’ordre de 450 km en 22 Ma.

En résumé, la chronologie très resserrée des événements de la phase tyrrhénienne et de la mise en place de l’arc siculo-calabrais serait la suivante :

  • au Tortonien supérieur (vers -8 à -7 Ma) on assiste au blocage du plan de subduction de la plaque Afrique avec fermeture de l’isthme de Gibraltar. C’est la singularité de la période d’assèchement messinienne (-6,5 à -5,3 Ma) ;
  • après quelques timides incursions marines on observe au Pliocène inférieur (-5,3 Ma) à la remise en eau profonde de la Méditerranée ;
  • depuis le Tortonien supérieur il y a un jeu permanent et saccadé des accidents décrochants majeurs (L.U.E. et L.K.En.) et des structures associées (navette nord-sicilienne) ;
  • pendant le Pliocène inférieur (vers -4,5 Ma), ouverture initiale de la mer tyrrhénienne à N120 (bassin de Vavilov) avec pivotement horaire d’environ 50° de la Sicile et mise en place des monts Péloritains probablement entre -3 et -2 Ma. C’est alors que la composante intermédiaire de compression à N30 fait fonctionner en chevauchement la faille de décrochement sud-péloritaine, de même probablement que les derniers chevauchements des Sicani (Broquet, 1968 ; Mascle, 1973) ;
  • au Pliocène moyen vers -3 Ma mise en place de l’arc siculo-calabrais dont la concavité est placée sur le plan de subduction ionien ;
  • formation de l’arc volcanique des îles éoliennes (-1,5 à -2 Ma) ;
  • au Pléistocène on assiste au rejeu de l’arc siculo-calabrais avec mise en place des klippes sédimentaires d’ouverture de l’actuel bassin ionien alors que la dernière klippe de fermeture à Gela (-1 Ma) ferme définitivement le bassin de resédimentation centro-sicilien.

On retiendra l’extrême jeunesse de la tectonique active de ce secteur de la Méditerranée centrale dont les points essentiels sont le transfert de l’arc maghrébo-calabrais en continuité depuis l’Oligocène (-22 Ma) et l’intrigante rotation de la Sicile essentiellement entre le Tortonien supérieur et le Pliocène moyen. Le survol de la géologie sicilienne serait incomplet si l’on ne nommait pas le plus grand strato-volcan basaltique d’Europe : l’Etna (3 340 m environ) sur la côte est de l’île (volcanisme pléistocène moyen et quaternaire).

Conclusion

La Sicile est singulière. Elle est génétiquement ionienne. La plateforme panormide opère au Crétacé moyen une liaison entre les domaines ionien, apenninique, apulien vers l’Est, tunisien et maghrébin vers l’Ouest, sarde vers le Nord-Ouest (fig. 2). Mais la Sicile s’avère complexe parce qu'elle est née de trois océans primordiaux, l’océan ionien génétiquement depuis le Permien et les océans ligure et sud-maghrébin par héritage tectonique lors des trois phases principales qui la construisent. La Sicile devient africaine au sud par subduction vers le Nord à partir du Miocène moyen et maghrébine au Nord-Est par accrétion latérale dextre à partir du Miocène supérieur-Pliocène, en conséquence de l’énorme migration de l’arc maghrébo-calabrais vers l’Est-Sud-Est (de l’ordre de 450 km en 22 Ma) et la mise en place de l’arc siculo-calabrais. La dernière phase tectonique tyrrhénienne surprend par sa jeunesse et la rotation de la Sicile intrigue. Nous insistons plus particulièrement sur la position du sillon oligo-miocène numidien. Celui-ci est situé en position interne, par rapport au bloc AlKaPeCam (arrière-arc), et en position d’avant-arc par rapport à la zone ionienne de Sclafani, contrairement à l’idée communément admise d’un sillon situé sur la marge africaine, en position totalement externe par rapport au bloc AlKaPeCam.

Remerciements. — J’adresse mes remerciements au Comité éditorial de la SGN et à Francis Meilliez qui m’ont permis d’exprimer ce que je croyais hier et ce que je crois encore aujourd’hui des singularités de la géologie de la Sicile.
Remerciements particuliers à :
Alain Blieck pour sa relecture minutieuse des références bibliographiques.
Patrick Rolin et Joris Mavel pour le traitement informatique des figures.

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Illustrations

  • Figure 1

    Figure 1

    Situation géographique
     
    Geographical situation

  • Figure 2

    Figure 2

    Reconstitution palinspastique de la Méditerranée centrale à l’Albo-Cénomanien (vers -96 Ma - Fig. 2A). Sur ce schéma ont été surimposés :
    I— la phase de l’Oligocène-Aquitanien inférieur (-25 à -22 Ma) avec formation de l’arc maghrébo-calabrais (Fig. 2A-B). L’axe du sillon du flysch numidien (en rouge sur la figure) a été positionné ainsi que la situation des diverses formations constituant son substratum ;
    1- argiles à Tubotomaculum de la série des « Argille Scagliose » - Arrière-arc ;
    2- formation de Gratteri (Madonies) ;
    3- formation de Pignolo (Calabre méridionale) ;
    4- formation de Paludi (Sila - Calabre septentrionale) ;
    5- formation de Portella Colla (Madonies) - Avant-arc.
    Lors de cette phase orogénique, la plateforme panormide (fig. 2A, figurée en hachures bleues) est décollée de son substratum. On peut formuler l’hypothèse que ce substratum mis à nu dans l’arrière-arc fournit l’essentiel de la débâcle détritique numidienne à l’Aquitano-Burdigalien.
    II— la phase du Miocène moyen (Serravallien, vers -14 Ma). Les charriages s’opèrent orthogonalement à l’enveloppe des arcs.
    III— la phase tyrrhénienne avec formation de l’arc siculo-calabrais actuel (Fig. 2C voir l’explication dans le texte).
    Le déplacement cumulé apparent de l’arc lors des phases oligocène et tyrrhénienne serait de l’ordre de 450 km en 22 Ma.
    Abréviations : A.T.M. = Axe transméditerranéen ; A.N.B. = Axe nord-baléares ; A.N.S. = Axe nord sud tunisien ; A.H. = Avant-pays Hybléen ; A.S.C. = Arc Siculo-Calabrais ; A.S.N. = Axe du Sillon Numidien ; A.V. = Arc Volcanique ; Ba = Baléares ; Cam = Calabre méridionale (Aspromonte - Serre) ; C. bordière = Chaine bordière externe ; C,G,P,S.C. = bassins plio-pléistocènes disjoints de Cefalù, Gioia, Paola, Spartivento- Crotone ; E = Etna ; E.A. = Escarpement Apulien ; E.H. = Escarpement Hybléen ; F.G.M.S. = Flyschs crétacés externes, Gerrouch, Monte-Soro ; L.U.E. = ligne Ustica – Éoliennes ; L.K.En. = ligne Kumeta - Etna nord ; L’T’-LT = Ligne de Taormina ; Pe = Péloritains ; R = formations de Reitano-Troina-Tusa ; V = Vésuve ; flèche double = sens du mouvement actuel de la plaque africaine.
     
    Palinspastic reconstruction of the central Mediterranean area during the Middle Cretaceous (Albian-Cenomanian – 96 Ma - Fig. 2A) with surimposed:
    I— Oligocene-Lower Aquitanian phase (-25 to -22 Ma) with maghrebo-calabrian arc formation (Fig. 2A-B). The Numidian flysch axis is indicated by a continuous red line with position of its Oligocene substratum formation:
    1 - the back-arc
    Tubotomaculummuds (« Argille Scagliose »).
    2 - Gratteri Formation (Madonies)
    3 - Pignolo Formation (south Calabria)
    4 - Paludi Formation (Sila - north Calabria)
    5 - External fore-arc Portella Colla Formation (Madonies).
    During this orogenic phase the panormide platform (fig. 2A, blue hachured) is detached from his substratum (surface de décollement in french). This uncovered substratum in the back-arc basin can give the numidian quartz detritus in Aquitanian-Burdigalian time. This is a possible hypothesis.
    II— Middle Miocene phase (Serravallian, ca. -14 Ma. The thrusts formed perpendicularly to the enveloppe of the arcs.
    III— Tyrrhenian phase with formation of the Present Siculo-Calabrian arc (see Fig. 2C, explanation in the text).
    The complete arc transfer during Oligocene and Tyrrhenian phases would be about 450 km in 22 Ma.
    Abbreviations: A.T.M.= Transmediterranean Axis; A.N.B.= North Balearic Axis; A.N.S.= North - South tunisian Axis; A.H.= Hyblean foreland; A.S.C.= Siculo-Calabria Axis; A.S.N.= Numidian Trench Axis; A.V.= Volcanic Arc; Ba= Balearic isles; Cam= south Calabria (Aspromonte-Serre); C. bordiere= external kabylian dorsal; C,G,P,S.C.= plio - pleistocene separated basins of Cefalu, Gioia, Paloa, Spartivento - Crotone; E= Etna; E.Ap.= Apulian scarpment; E.H.= Hyblean scarpment; F.G.M.S.= external cretaceous Flysch - Gerrouch-Monte-Soro; L.U.E.= Ustica - Eolian Line; L.K. En.= Kumeta - north Etna Line; L’T’-LT = Taormina Line; Pe= Peloritain; R= Reitano-Troina-Tusa formations; V= Vesuvius; double arrow= african plate movement direction.

  • Figure 3

    Figure 3

    Coupe NE-SW, schématique, synthétique et simplifiée du NE de la Sicile, d’après Broquet (2016). Ce profil a pour but de montrer uniquement les relations entre les grandes unités structurales affleurant dans les monts Péloritains, Nebrodi, Madonies, jusqu’à la région de Gela. Explications dans le texte.
    Abréviations : Ensemble ionien : P = Panormide ; FG = Formation de Gratteri oligocène-aquitanien inférieur ? ; A.S. = « Argille Scagliose » Crétacé supérieur-Éocène ; S = Sclafani ; H = série sicane externe ; A.P.H. = avant-pays hybléen (plaque africaine) ; N1 = Numidien interne d’arrière-arc ; N2 = Numidien intermédiaire ; N3 = Numidien externe d’avant-arc ; G.G. = grès glauconieux sicanes ; VL = série burdigalienne de la vallée di Lisca, passage du flysch numidien à la molasse du bassin centro-sicilien ; MP = Miocène élevé - Pliocène d’un bassin discordant et transporté ; Q = Quaternaire ; phi1 = phase Oligocène supérieur-Aquitanien ; phi2 = phase du Miocène moyen - subduction vers le Nord ; phi3 = phase tyrrhénienne. Ensemble maghrébin : A.S.+N1 = série du flysch interne avec Numidien d’arrière-arc ; OMP = Oligo-Miocène Péloritains discordant sur le socle et la chaine calcaire (c) = bassin transporté ; MS = flysch externe crétacé du Monte-Soro ; R = série des « Argille Scagliose » de Troina, de Tusa et de Reitano (Crétacé supérieur à Miocène inférieur) ; phi = phases maghrébines en subduction vers le Nord structurant le bloc KaPeCam.
     
    Schematic, simplified and synthetic NE-SW field section of NE Sicily, after Broquet (2016). This section shows the relationship between the large structural units outcropping in the Peloritan, Nebrodi, Madonie, up to the area of Gela. Explanations in the text.
    Abbreviations: The whole Ionian: P= Panormide; FG.= Oligocene-lower Aquitanian? Gratteri Formation; A.S.= Upper Cretaceous-Eocene « Argille Scagliose »; S= Sclafani; H= external Sicanian; A.P.H.= Hyblean foreland (african plate); N1= internal back-arc Numidian; N2= middle Numidian; N3= external fore-arc Numidian; G.G.= Glauconitic Sicanian Sandstones; VL= Burdigalian series of the Lisca Valley, passage of the Numidian flysch to the Centro-Sicilian molasse basin; MP= upper Miocene-Pliocene transported and discordant basin (« piggy-back »); Q= Quaternary; phi 1= upper Oligocene- Aquitanian phase; phi 2= middle Miocene phase - north subduction; phi 3= Tyrrhenian phase.
    The whole maghrebian: A.S.+N1= internal back-arc Numidian series; OMP = discordant Peloritanian Oligo-Miocene on the basement and on the Peloritanian calcareous chain (c) = transported basin; MS= Monte Soro cretaceous external flysch; R= upper Cretaceous-Miocene Troina, Tusa and Reitano « Argille Scagliose » series; phi= maghrebian phases of the block KaPeCam with subduction to the north.

  • Figure 4

    Figure 4

    Le bassin du Numidien au Burdigalien (zone N6 de Blow). Le Numidien interne N1 (arrière-arc) repose sur le Crétacé-Éocène de la série des « Argille Scagliose ». Le Numidien intermédiaire N2 est sur l’arc et le Numidien externe N3 représente l’avant-arc.
    Abréviations : A.V. = Position de l’arc volcanique avant érosion ; Si = Silexites (zone N5-N6 de Blow) ; Tu = Tuffites (zone N6 de Blow) ; K.S.O. = klippes sédimentaires d’ouverture ; WF= Wildflysch du Panormide externe ; A.S. = série des « Argille Scagliose » du Crétacé supérieur-Oligocène ; P = Panormide (Trias à Oligocène) ; N1 = Numidien interne ; N2 = Numidien intermédiaire en couverture du Panormide interne ; N3 = Numidien externe en couverture des zones du Panormide externe et de Sclafani.
     
    The Numidian basin during the Burdigalian (N6 zone of Blow). The internal Numidian N1 (back-arc basin) lies on the Cretaceous-Eocene of the « Argille Scagliose » series. The middle Numidian N2 is on the arc and the external Numidian N3 is the fore-arc basin.
    Abbreviations: A.V.= Volcanic Arc before erosion; Si= Silexites (N5-N6 zones of Blow); Tu= Tuffites (N6 zone of Blow); K.S.O.= Sedimentary Opening Klippes; WF= external Panormide Wildflysch; A.S.= upper cretaceous-oligocene « Argille Scagliose » series; P= Panormide (Trias to Oligocene); N1= internal Numidian; N2= middle Numidian covering the internal Panormide; N3= external Numidian covering the external Panormide and Sclafani zones.

  • Figure 5

    Figure 5

    Coupe N-S de l’avant-fosse centro-sicilienne d’après Broquet (1968 fig. 229). Cette avant-fosse repose sur les unités sicanes avec un flysch permien en substratum. Les unités de la marge active (zones du flysch interne, du Panormide et de Sclafani) se mettent en place par un mécanisme tectono-sédimentaire (Klippes Sédimentaires de Fermeture) qui contribue au comblement du bassin.
     
    N-S field section of the Centro-Sicilian foredeep after Broquet (1968 fig. 229). This foredeep lies on the Sicani units with a Permian flysch substratum. The active margin units (internal flysch, Panormide, Sclafani zones) took place by tectono-sedimentary phenomena (filling klippes) and contributed to filling the foredeep.

Citer cet article

Référence papier

Paul Broquet, « Les singularités géologiques de la Sicile », Annales de la Société Géologique du Nord, 28 | 2021, 25-38.

Référence électronique

Paul Broquet, « Les singularités géologiques de la Sicile », Annales de la Société Géologique du Nord [En ligne], 28 | 2021, mis en ligne le 01 février 2022, consulté le 15 mai 2024. URL : http://www.peren-revues.fr/annales-sgn/275

Auteur

Paul Broquet

37 rue Danton, 25000 Besançon (France) paul.broquet@wanadoo.fr

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