Mère coupable, mère pardonnée. La faute maternelle de Jocaste, du Roman de Thèbes à Jean Mansel

  • Guilty Mother, Forgiven Mother. The Maternal Fault of Jocasta, from the Roman de Thèbes to Jean Mansel

DOI : 10.54563/bdba.1938

p. 157-170

Résumés

Coupable d’inceste, mais inconsciente de sa faute, Jocaste est un personnage ambigu. Au fil des adaptions du mythe, le jugement moral et le châtiment que cette figure subit peuvent suivre deux schémas narratifs différents, qui correspondent à autant de versions anciennes de la légende : dans la tragédie de Sophocle, Jocaste se suicide dès qu’elle découvre l’inceste ; dans les Phéniciennes d’Euripide (comme dans la Thébaïde de Stace) elle tente de mettre un terme au conflit entre ses deux fils, mais elle se suicide à l’épée en réalisant que ses efforts sont vains.
Il en est de même pour la littérature française qui, au cours du Moyen Âge, s’approprie à plusieurs reprises la légende thébaine. À travers la présente contribution, nous tentons de montrer comment la narration en langue d’oïl de cette période présente la vie de Jocaste et à travers quels procédés narratifs. Pour ce faire, cet article prend en considération un corpus large, du xiie au xve siècle, du Roman de Thèbes à la Fleur des histoires de Jean Mansel.

Guilty of incest, but unaware of her fault, Jocasta is an ambiguous character. Within the medieval adaptations of the myth, this figure undergoes different interpretations, that can follow two main narrative schemes, which correspond to as many ancient versions of the legend: in Sophocles’ tragedy, Jocasta commits suicide as soon as she discovers the incest; in The Phoenician Women of Euripides (as in Statius’ Thebaid) she tries to avoid the conflict between her two sons, but commits suicide with a sword when she realises that her efforts are futile.
This dynamic concerns the French literature, which during the Middle Ages constantly re-tells the Theban legend. In this paper we show to what extent French medieval literature elaborates the life of Jocasta and through which narrative devices. To do so, this article takes into consideration a large corpus, from the 12th to the 15th century (from the Roman de Thèbes to the Fleur des histoires of Jean Mansel).

Extrait

Parmi les personnages féminins qui peuplent la mythologie grecque, de nombreux récits exploitent le thème d’une maternité tragique. Destinée à incarner une culpabilité de caractère maternel, ces femmes créent, à travers le mythos, un logos sur le délit annoncé. Le matricide motivé par la vengeance est relaté dans l’histoire d’Éryphile, mère d’Alcméon et d’Amphiloque, et dans celle de Clytemnestre, tuée par son fils Oreste. Althée, mère de Méléagre, est la protagoniste d’un infanticide, tout comme Agavé, mère de Penthée, et Médée, épouse trahie par Jason. À côté de ces figures, celle de Jocaste est moins marquée par une seule faute que par un sort malheureux qui, à son insu, se traduit en une multiplicité de péchés. C’est aussi par la complexité de son histoire que Jocaste, du Moyen Âge jusqu’à l’époque moderne, demeure une matrice artistique inépuisable, tant dans la littérature qu’au théâtre, jusqu’au cinéma.

Jocaste est un personnage qui incarne une maternité affectée, du début à l...

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Référence papier

Valeria Russo, « Mère coupable, mère pardonnée. La faute maternelle de Jocaste, du Roman de Thèbes à Jean Mansel », Bien Dire et Bien Aprandre, 38 | 2023, 157-170.

Référence électronique

Valeria Russo, « Mère coupable, mère pardonnée. La faute maternelle de Jocaste, du Roman de Thèbes à Jean Mansel », Bien Dire et Bien Aprandre [En ligne], 38 | 2023, mis en ligne le 08 décembre 2024, consulté le 28 avril 2024. URL : http://www.peren-revues.fr/bien-dire-et-bien-aprandre/1938

Auteur

Valeria Russo

Univ. Lille, ULR 1061 – ALITHILA – Analyses Littéraires et Histoire de la Langue, F-59000 Lille, France, Post-doc ERC AGRELITA

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