Les neiges et les femmes d’antan : la conception (im)maculée de la xixe Nouvelle nouvelle

  • The Snows and Women of Yesteryear: the Immaculate Conception of the xixth Nouvelle nouvelle

DOI : 10.54563/bdba.286

p. 257-268

Résumés

La neige de la réécriture revêt une forme pragmatique dans la XIXe Nouvelle nouvelle, attribuée à Philippe Vignier. De la trame du fabliau De l’Enfant qui fut remis au soleil à la texture de L’Enfant de neige, la figure de la femme est appelée à subir elle-même une nouvelle conception, subtilement maculée. Le récit de la secrete fasson propose un modèle d’intelligence émotionnelle similaire à celui de Peter Salovey et John D. Mayer (1990), adaptable au contexte socio-politique bourguignon. Sans être un miroir aux dames, le texte enseigne aux destinatrices implicites la discrétion, le savoir-perdre, le politiquement correct en matière de sexualité (extra)conjugale. En tâchant de situer la XIXe Nouvelle nouvelle dans « l’histoire des émotions incarnées » tracée par Damien Boquet et Piroska Nagy (2011), notre étude propose une exploration de l’oralité féminine et de sa catéchèse mondaine qui se ressource à la Genèse, en passant par le Jeu d’Adam et les fabliaux.

The snow of rewriting takes a pragmatic shape in the XIXth Nouvelle nouvelle, attributed to Philippe Vignier. From the texture of the fabliau De l’Enfant qui fut remis au soleil to that of L’Enfant de neige, the wife’s figure undergoes a new conception, subtly maculated. The story of the secrete fasson proposes a model of emotional intelligence similar to the one theorized by Peter Salovey and John D. Mayer (1990) – one that would fit in the socio-politic context of Burgundy. Without being a mirror for women, the text teaches its implicit addressees how to be discreet, how to lose suitably, how to achieve the politically correct in (extra-)conjugal matters of sexual relevance. In its attempt to inscribe the XIXth Nouvelle nouvelle in the “history of embodied emotions” initiated by Damien Boquet and Piroska Nagy (2011), our study focuses on the exploration of feminine orality and on its modern catechesis rooted in the Genesis, reinvented by the Jeu d’Adam and the fabliaux.

Plan

Texte

Du fabliau à la nouvelle : une matière de neige

Attribuée à Philippe Vignier, écuyer, la XIXe Nouvelle nouvelle invite à un charivari littéraire autour du silence d’une chute de neige : elle fait tomber la risée collective (et corrective) sur une affaire de mariage, déréliction et cocuage.

Entre beaux sires et beaux parleurs du xve siècle, au cœur de la cour de Bourgogne, il est plaisant que la conception d’un enfant de neige fasse du bruit, même si les concepteurs n’en sont que d’anonymes roturiers, un businessman et une businesswoman menant leur vie à Londres, mais vaguant par le monde universel1 : lui, pour quinze années affairées, elle, pour quelques minutes de tropisme jardinier.

Dans l’entourage artistique du duc, formé de conteurs plutôt mûrs et vigoureux2, ce bruit de neige est stylisé selon les normes implicites de l’affect, et théâtralisé au cœur d’une nouvelle où il floconne allègrement autour de la Querelle des femmes, qui n’est pas sans bruire dans les lettres de l’époque3.

Si la neige de la nouvelle est blanche et dure4 – aussi bien que féconde – la dimension fantasmatique de la virilité à l’anglaise se laisse ancrer dans le terroir de Londres, avec son jardin enneigé5 et ses feuilles d’oseille à la taille appétissante, belle et large6. Idyllique malgré le climat, ce cadre est prompt à fournir ung lieutenant7 lorsque le seigneur des lieux s’avise de quitter et requitter son élue.

Tombe la neige… – la femme est « abandonnée8 » et se sent en droit de rejeter la solitude indue à laquelle la condamne son mary, une solitude peuplée d’enfants et jonchée de responsabilités. Face au message silencieusement monologique de son voyageur, l’adventure9 advient oralement à la jeune casanière : sous le coup d’un soudain appetit de menger10 à parfum de reverdie, elle se laisse tenter par ce qu’elle prend pour une feuille encore verte et succulente d’oseille, parfaite pour assaisonner les salades de printemps. Il lui faut donc oser : cette herbe possède la vocation des métamorphoses plaisantes, rehaussant la viande (y compris crue) et tournant le lait en fromage11. Malgré la source biblique et néo-adamique à laquelle elle puise, l’héroïne de la « connaissance » est ici tentée par le plat principal et non par un dessert fruité – comme l’était sa belle devancière du Jeu d’Adam, qui succombait, elle, à une douceur pulpeusement visible. La nouvelle Ève du xve siècle croit « avaler » la sève du passé, printanière hors saison, initiatique hors raison. Monstre intertextuel aussi bien que spectre intersémiotique, elle brasse l’oralité blanche de la réécriture, et assène, à qui veut l’entendre, la savor d’un saver12 acide.

La scène est hallucinatoire : au seuil du matin, sur fond de neige, le visage de la femme se métamorphose, à l’insu de ses parents, enfants, amis, mari, en une mâchoire prête à tout croquer, transposant ainsi l’idée que l’on se fait en 1462 des péchés de la langue, mais aussi d’une Ève sainement réincarnée au sein de la haute bourgeoisie occidentale : Elle, qui jeune estoit et en bon point, et qui point n’avoit de faulte des biens de Dieu, fors seulement de la presence de son mary, fut contraincte […]13. Si la faulte est présentée ici comme une question de manque plutôt que de manquement, c’est le mari qui apparaît d’abord comme fautif, ayant le cœur eschaufé14 d’aventures pérégrines.

Le consensus noblement masculin qui sous-tend cette fantaisie d’immaculée conception (nourrie par Philippe le Bon et son valet de chambre, ainsi que par leurs compagnons de jeux littéraires) puise à une tradition vénérable. En effet, la nouvelle donne une réplique bourguignonne à un fabliau français du xiiie siècle – De l’Enfant qui fut remis au soleil – qui est d’origine indienne et d’ascendance latine15, dont la protagoniste vit près de la Lombardie et vise le ciel en rêvant d’un descendant16.

Du xiiie au xve siècle, la femme a gagné en fécondité, devenant mère sur les deux plans de l’histoire, conjugal et extraconjugal. L’enfant n’est plus unique : il est juste naturel, de plus en plus ; innervé de sucs blancs et désirs à blanchir, le tresbeau filz17 est dépeint comme le membre d’une véritable famille recomposée – selon l’idéal de sa verte génitrice. La logique substitutive, si elle s’applique pleinement au mâle dominant (époux / lieutenant / hère), laisse intact l’éternel féminin : dans les deux versions médiévales du conte, la désirée est une et irremplaçable.

Un modèle d’intelligence émotionnelle : l’éternel féminin à la cour de Philippe le Bon

Essentiellement, la nouvelle du miracle et de la secrete fasson18 propose un modèle d’intelligence émotionnelle19 adapté au paradigme bourguignon du xve siècle, lieu par excellence de la « bâtardocratie » masculine et de l’intégration familiale vaillamment profitable20, mais aussi d’une bourgeoisie prompte à jouer et rejouer les festivités du cocuage, en alimentant un rire rituel, communautaire : celui de la confrérie de noz amis21.

L’image de la mère naturelle se laisse ainsi modeler au gré du contexte historique et de l’intertexte littéraire, comprenant un volet intra-personnel centré sur la régulation de ses propres émotions, aussi bien qu’un volet interpersonnel visant à la reconnaissance et à l’orientation des émotions d’autrui22. Sur les deux plans de sa vie affective, l’héroïne de la nouvelle parvient à dominer, sinon à triompher.

Le moment le plus éprouvant de l’histoire reste celui de la confrontation entre l’épouse infidèle et l’époux revenant, au bout de quinze ans bien remplis. Or, le conteur se plaît à évoquer, à cette occasion, la grande feste […] d’entre le mary et la femme, en célébrant l’oralité partagée comme forme de la vie privée : comme ilz fussent en joyeuses devises et plaisans propos23. C’est le test de la dyade que la belle infidèle doit passer d’abord, et elle entend le faire par la mise en scène et la performance d’un accueil souriant, où la reconnaissance de l’autre est affectivement surinvestie, et où l’échange de douces amabilités lui laisse le temps de pétrir un climat favorable à son œuvre d’intégration alter-familiale – dont le bénéficiaire reste, pour l’heure, invisible. L’excès de cordialité, sinon d’érotisme réchauffé, doit contrebalancer le refroidissement finement préparé et infligé à cet homme distant entre tous, qui a l’opportunité d’apprendre qu’il a pris certains risques en habitant son lit conjugal uniquement six mois sur quinze ans.

Dans ces circonstances, il n’y a peut-être rien de surprenant que la crainte d’un quelconque châtiment (humain et/ou divin), éventuellement nourrie de remords, soit absente de cette scène où pullulent, par ailleurs, les références religieuses : soit l’héroïne est sans peur et sans reproche, soit elle parvient à se maîtriser brillamment, y compris lorsqu’elle doit répondre à la semonce24 (au relent justicier) du père concernant le défilé de ses enfants petits et grands. Nouvelle ironie de l’instance narrative, la belle coupable convoque la belle compaignie de ses enfans, et ose l’exhaustivité – sans oblier celuy qui fut gaigné en l’absence de celuy qui en avoit le nom25. Nous sommes au xve siècle, au sein de la haute bourgeoisie de Londres : la transmission du nom et du patrimoine (la chevance) sont censés se réaliser de manière codifiée, prévisible et consensuelle. L’aliénation du patronyme est donc représentée comme un acte sournoisement efficace, qui laisse présager de l’aliénation des biens ; le verbe gaigner balaie précisément l’aire de cette perte matérielle à encourir. Certes, le public cible connaît bien la pratique de la légitimation des enfants naturels par lettres ducales, et tolère allègrement les écarts aristocratiques lorsqu’ils sont masculins. Mais ici l’écart est le fait (fictionnel) d’une bourgeoise, et la reconnaissance des bâtards, au sein de cette classe et de ce genre, est loin de faire l’unanimité26. La réaction attendue face à un cocuage bourgeois est « l’asouade du temps de carnaval, le châtiment populaire des maris battus ou trompés27 », aussi bien que l’éclatement d’un conflit caractérisé entre les héritiers légitimes et l’intrus usurpateur. Seulement, ce qui s’ensuit dans la Nouvelle nouvelle, selon toute apparence et contre toute vraisemblance psychologique, est une paix de neige, qui vient cristalliser les larmes de frustration maternelle qui inondaient le fabliau de naguère.

Si évolution il y a, au moins dans les mondes de fiction, elle va dans le sens de l’adoucissement des conflits et de l’équilibrage de la balance des genres. Les sentiments apparaissent ainsi comme « moins primitifs28 », plus artificiels et « littéraires » au xve siècle, et ils fleurissent à l’abri d’une morale plus égalitaire que celle du Moyen Âge central.

Dans la nouvelle, la maîtresse se réserve le droit de choisir celui qui, parmi ses proches, est assez pertinent sur le plan affectif (et stratégique !) pour mériter ses égards. Si elle ne fait aucun effort de mimer – et encore moins, de ressentir – de l’empathie pour son lointain, elle tente de garder la face devant son fils naturel, aussi bien que devant ses frères et sœurs plus chanceux. Pour y arriver, elle joue son unique atout : le cliché littéraire et sociologique de la mal-mariée clamant son droit à une vie conjugale suivie, légitime, bénie. Dans ce contexte qui est presque celui d’une mère célibataire, c’est la relation maternelle qui est prioritaire pour l’héroïne, et elle choisit de l’investir ouvertement envers et contre le pater vaguant. Lorsqu’elle se réfère à l’hiver de sa solitude sans soleil, la « bonne femme » se montre à la hauteur du « bon mari » et emprunte le biais de la fiction pour renégocier la bonne distance et le bon rayonnement. Répondre à la rhétorique épistolaire par la contre-rhétorique d’une fable est la meilleure stratégie envisageable, même si cet acte de langage peut passer pour une belle bourde29 plutôt que pour une justification crédible. À son tour, le mari a peut-être connu une lieutenante (ou plusieurs) et procréé en toute largesse sur les lieux de ses errances : toutefois, aucun aveu n’est exigé de lui concernant les fruits de son ardent desir, justement pour qu’aucun aveu ne lui soit adressé. Affinité vaut parité : au cœur échauffé d’aventures, il convient de répondre par un soudain appétit de verdeur. Au goût du sexe fort pour l’adventure en estrange terre30, il convient d’opposer la force du sexe faible à faire vivre toute une maignye31. Et, enfin, à l’absence de jouissance prescrite par un marchand, il convient de riposter par une jouissance de l’absence… en mère nourricière prête à « élever, nourrir et conduire32 » tous les rejetons de son jardin. Pour que l’air passe, pour que la saison du retour succède à celle du departement, la balance doit rester en équilibre, entre marchandage et jardinage.

Or, le défi que la maîtresse lance à son rôdeur-inquisiteur est inattaquable en la présence et la proximité affective des enfants, pour lesquels l’étranger n’est pas le bâtard, mais bien ce parent partant et repartant, sur lequel on ne saurait compter pour une relation de filiation émotionnellement satisfaisante. Le revenant s’avère être un simple pourvoyeur de biens (communs) et de lettres (exclusivement conjugales) : les rapports qu’il entretient avec ses (parfois) proches consistent à leur demander de garder et multiplier ses talents. La veine du fabliau demeure, sur ce point, visible sous la trame de la nouvelle : le mari n’assume pas sa fonction de père in praesentia, se bornant à celle de commerçant in absentia.

Parler de languir, dans le contexte sourdement conflictuel de ces retrouvailles, revient pour la dame à s’octroyer le beau rôle de beauté vaillante, délaissée et dolente, face à l’Alienus d’allure… alexithymique33. Et si on imagine que les enfants (la plupart adolescents) assistent au dialogue des deux adultes, dont l’un leur est chaleureusement sympathique34 et l’autre à peine reconnaissable, la seule chance de remporter l’adhésion revient à la locutrice éducatrice, qui est chez elle, parmi les siens, pleinement, tendrement. L’abandon dont elle semble se plaindre est ainsi associé à une frustration de nature, allégoriquement parlante et émouvante : assez tost après vostre partement, ung jour j’estoie par ung matin en nostre grand jardin ou, tout a coup, me vint ung soudain appetit de menger une fuille d’oseille qui pour l’heure de adonc estoit couverte et soubz la neige tappie35. De l’attente à l’appétit, en passant par l’enneigement, la chère petite jardinière se laisse contempler dans son être-au-monde le plus matinal – ou enfantin. Elle a l’air de jouer à cache-cache avec la verdure, en Ève comprenant tout à coup qu’elle a laissé passer trop de saisons sans tendre la main vers l’Arbre de la connaissance. Or, le « couvert » est à découvrir, la feuille à feuilleter. Sinon, l’Histoire resterait une page blanche, dans le « grand jardin » des possibles. Une telle déclaration de dénuement a toutes les chances de toucher les témoins-enfants, et de susciter leurs affects viscéralement négatifs : hostilité, insécurité, confusion, révolte, toute une cohorte de ressentiments vont surgir si Monsieur s’en prend à Maman, l’affameur à l’affamée.

À l’appui du conte bleu (ou blanc), d’autres relations affectivement pertinentes sont invoquées : celles que la conteuse entretient avec des entités transcendantes comme Dieu et saint Jean. Elle voudrait rassurer son mari en configurant, avec lui, un monde où tout est possible à qui veut bien croire. Échecs et mat : si la Vierge a pu sortir immaculée des étreintes de ses parents humains36, comment un bon marchant pourrait-il contester une conception tout aussi crédiblement surnaturelle ? L’époux errant ne saurait se montrer hérétique ou « pur », à un âge de l’histoire où ces torts l’emportent37 sur celui d’une incartade tolérée ; aussi entre-t-il dans le moule discursif tracé par sa prêcheuse : M’amye, vous ne dictes chose qui ne soit possible, et que a aultres que a vous ne soit advenue. Loé soit Dieu de ce qu’il nous envoye !38. Il accepte d’ajouter foi à la belle histoire de miracle et secrete fasson, se montrant capable de faire bonne mine à mauvais jeu. Les rieurs sont-ils du côté de la femme ? Il n’aura qu’à les mettre de son côté, en apprenant de la belle conteuse l’art de conter un récit de neige aussi cocasse qu’efficace. Histoire de sauver la face… et de garder l’épouse – en refoulant précisément la crainte de la perdre. Après tout, cela arrange le voyageur (même en posture de souffre-douleur sexuel) d’avoir une mère auprès de ses enfants, et de faire comme si le reste était une fable affable.

Si « la réalité dépend de l’état affectif du moment39 », il est clair que les deux protagonistes préfèrent prolonger cette trêve qui leur permet de bénéficier sans discontinuer des atouts de leur position, selon les normes et standards que leur classe réserve aux émotions de base et à leurs modes d’expression préférentielle. Autrement dit, ils adhèrent à l’« émotionologie40 » de leur milieu, et se gardent de jamais retomber dans la spontanéité d’un départ trop longuement ardent ou d’un séjour trop ardemment glaçant. De part et d’autre, l’égocentrisme affectif cède le pas à l’égo-décentrement.

Le parjure réussit, de par saint Jean41 : le récit remplit la fonction de sacrifier aux bienséances, en usant de licences poétiques devant les enfants. Le confort affectif qui succède à la guerre froide des inculpations/disculpations est une forme de carpe diem : Quand la bonne femme voit que son mary veult condescendre a croire ce qu’el luy dit, elle n’est moyennement joyeuse42. Mais la question qui émerge, face à cette naïve réjouissance, est de savoir si la conteuse croit vraiment que son bon entendeur ait pu croire à l’histoire d’une conception si durement immaculée… Textuellement, elle jubile à l’idée que sa voix a porté, comme si le climat émotionnel de son ménage s’était attiédi à ses mots de neige.

Froideur oblige, dégel mitige : si la mal-aimée a voulu susciter l’amour en se montrant bien-aimable (tout en voilant sa face de bien-aimée d’un autre), elle aura au moins réussi à retenir le grand voyageur auprès d’elle pour dix ans de cohabitation sédentaire, parentale et conjugale, ce qui représente sans conteste le plus grand record de sa vie de couple. Mais est-elle consciente de ce record ? Le voit-elle comme un succès d’intelligence émotionnelle – lui permettant de fidéliser un de noz amis, un cousin ?

Le conteur suggère le contraire : face à l’imminence d’un nouveau départ du sire, la maîtresse fait seulement semblant de s’attrister, rentrant lucidement dans son jeu de mal-mariée (ou de bien-aimée). Apparemment, ce masque lui devient consubstantiel, et le mari va jusqu’à la « rassurer » en recourant à son patron tueur de dragons – « Appaisez vous […] ; s’il plaist a Dieu et a monseigneur saint George, je reviendray de bref »43 – le sous-texte étant un joli avertissement quant aux activités serpentines et fruitières. Mieux : il entreprend, pour la première fois, d’incarner ce pater familias44 que suscite la mater.

Tout est bien qui s’affine bien : si la marchande a su modérer ses émotions négatives lors de ces dix années de feintise tabouée, c’est peut-être qu’elle a fait son calcul des pertes et des gains. Sa situation de parjure tolérée est à vivre comme un moindre mal, permettant à la famille de conserver sa respectabilité dans l’univers social, au marchand de faire valoir son « nom » et au lieutenant (élu !) de patienter, en fondant.

Sont-ils heureux, ces époux de farce, avec tout ce qui leur reste à taire, la vie durant ! Ils sont quittes et solidement mariés, sinon érotiquement comblés. Pour un Philippe bourguignon, les émois à cultiver par de « bons et riches » bourgeois sont le plaisir de manger à leur faim (en toute saison), la prédictibilité du lendemain, la paix pactisée, la santé sustentée, l’épanouissement perpétué, voire la conscientisation de l’altérité comme forme de suprême indicibilité. Elle n’avouera goutte, lui n’avouera goutte non plus ; en taiseurs arroseurs, ils se valent et se lavent dans la même bonhommie de neige.

La maîtrise de soi, au masculin comme au féminin, repose dans la nouvelle sur la capacité à simuler l’acceptation sereine du décret de Dieu – attitude qui n’était pas concevable au xiiie siècle littéraire, avec la belle tempétueuse du fabliau De l’Enfant qui fut remis au soleil. Le pacifisme versant dans la placidité devient une vertu possible, admirable, voire émulable, au xve siècle bourguignon : la mère séparée du fils n’a plus à se pâmer, à pleurer et à demander pathétiquement où se trouve son disparu. Bien au contraire, elle reste crédible comme « bonne femme » lorsqu’elle fait la joye à son mari et rend grâces à Dieu, même si elle remarque (discrètement !) l’absence du tresbeau filz. Elle se limite à un helas ! et à quelques questions indispensables à l’articulation des deux épisodes neigeux. Si son inquiétude est apaisée et son écoute accomplie, l’héroïne ne se montre ni tresfort esbahy[e], ni moult emerveill[ee]45. Férue de ses propres armes, elle sait faire et refaire sa paix.

Cette Ève médiévale, qui aurait en principe tout à perdre (notamment le paradis !), parvient ainsi à conserver son statut de maîtresse (du logis !), à sauver l’honneur de son couple légitime et même à éviter l’infanticide par cocu interposé… De fait, rien n’interdit au lecteur moderne d’imaginer un chapitre fantôme où l’enfant de neige se cristallise à nouveau, rachetant sa liberté par l’exercice habile de ses jouvence et puissance. La fin reste ouverte, si le récit est couvert46.

Sans être un miroir aux dames47, la XIXe Nouvelle nouvelle tend à promouvoir la discrétion, le savoir-perdre, le politiquement correct en matière d’ethos dyadique et familial. Tout en ridiculisant l’ethos lâchement domestique et en problématisant l’éthique parentale, le texte joue intelligemment sur le « MUM effect » – pour reprendre le jargon psychologique de nos jours – et matérialise sous la forme d’un conte cristallin la tendance universellement humaine à taire les mauvaises nouvelles pour garder les bonnes relations48. Oseuse de par l’oseille, la locutrice de l’histoire fait de cette donnée anthropologique une stratégie personnalisée, lorsqu’elle évite de chiffrer le proufit qu’elle a pu réaliser à partir de ses biens, en l’absence du partenaire légal. Il n’y a rien à déclarer : Si je l’ay plus porté qu’un aultre, il n’est rien que j’en sache49, déclare-t-elle, en évitant le décompte ; qui plus est, elle sait pousser l’évitement jusqu’à suspendre toute inculpation d’infanticide, se fondant sur son intuition féminine, sur ses aides masculines, sur l’excellence marchande du marchand et le score gagnant-gagnant. Le tresbeau filz reste plus proufitable vif.

L’adoption étant définie dans le récit bourguignon comme une transaction bourgeoise dont la chevance est à privilégier, elle finit par coûter à la femme assez cher pour qu’elle puisse en appeler, au besoin, à son secret lieutenant, le jour où elle entendrait sauver le peu de nege50 et l’infini de poésie…

Créatrice et procréatrice, la dame a le fin mot du silence : Or avant […], loé en soit il [Dieu] !51. L’issue (ou chevance) permet à la belle de se retirer dans sa coulisse, libre de tirer les ficelles, de chevir avec, ensemble, ou de chevir tout court.

L’aventure peut toujours advenir, le miracle miraculer, si l’on garde un bon mot à sa portée : autant en emporte la neige – de l’humanité.

Notes

1 La XIXe Nouvelle, par Philipe Vignier, escuier de Monseigneur : Les Cent Nouvelles nouvelles, éd. F. P. Sweetser, Genève, Droz, 1996 (1re éd., 1966) (Textes littéraires français, 127), p. 126-130 (cit. p. 126). Cf. de même Les Cent Nouvelles nouvelles, éd. P. Champion, Genève, Slatkine Reprints, 1977 (1re éd., 1928) (Documents artistiques du xve siècle, 5), p. 61-63 ; Les Cent Nouvelles nouvelles, trad. R. Dubuis, Paris, Champion, 2005 (Traductions des Classiques du Moyen Âge, 69), p. 91-94 ; Autour des Cent Nouvelles nouvelles. Sources et rayonnements, contextes et interprétations. Actes du colloque international organisé à l’Université Littoral Côte d’Opale, Dunkerque, 20-21 octobre 2011, dir. J. Devaux et A. Velissariou, Paris, Champion, 2016 (Bibliothèque du xve siècle, 81), p. 295-299 (« L’Enfant de la Neige. Adaptation de la nouvelle 19 par Claude Mastre »). Retour au texte

2 « The older men with whom the duke was on friendly terms predominate amongst the raconteurs, though younger blood is not unrepresented, and the bulk of the storytelling was done by the middle aged and the vigorous ». E. De Blieck, The Cent nouvelles nouvelles, Text and Context. Literature and History at the Court of Burgundy in the Fifteenth Century, Thèse de doctorat, University of Glasgow, 2004, p. 224 (http://theses.gla.ac.uk/40983/). Retour au texte

3 Sur les racines médiévales de ce phénomène relevant de la longue durée, et sur le rayonnement européen de la « gigantesque polémique sur la place et le rôle des femmes dans la société », cf. Revisiter la Querelle des femmes. Discours sur l’égalité / inégalité des femmes et des hommes, de 1750 aux lendemains de la Révolution, dir. É. Viennot, coll. N. Pellegrin, Saint-Étienne, Publications de l’Université de Saint-Étienne, 2012 (L’École du genre. Nouvelles recherches, 8). Retour au texte

4 Les Cent Nouvelles nouvelles, éd. F. P. Sweetser, p. 128. Retour au texte

5 Le « refroidissement général du climat au xive et au xve siècle » n’est plus à prouver ; cf. E. Le Roy Ladurie, « Histoire et Climat », Annales. Économies – Sociétés – Civilisations, t. 14/1, 1959, p. 3-34, ici p. 4. Retour au texte

6 Les Cent Nouvelles nouvelles, éd. F. P. Sweetser, p. 128 : l’objet de la convoitise féminine se distingue, par sa taille, des autres objets éligibles. Retour au texte

7 Ibid., p. 127. Autant dire un homme censé remplacer l’époux, en temps et lieu. Il n’est point question pour ce remplaçant de s’occuper des autres personnes et biens délaissés par le marchand, qui restent à la charge de l’épouse. Retour au texte

8 Ibid., p. 126 : Ardent desir de veoir pays, savoir et cognoistre pluseurs experiences […], nagueres si fort eschaufa l’atrempé cueur et vertueux courage d’un bon et riche marchant de Londres en Angleterre, qu’il abandonna sa belle et bonne femme et sa belle maignye d’enfans, parens, amis, heritages, et la pluspart de sa chevance. Retour au texte

9 Le verbe advenir est employé par le marchand à l’égard de cette grossesse incompréhensible, mais concevable comme une grâce divine (ibid., p. 128). Retour au texte

10 Ibid. Cette soudaineté signale peut-être l’éveil de la « Vénus endormie » qui hante les écrits médicaux du xve siècle ; cf. E. Bonnaffoux, « “Réveiller la Vénus endormie” : le plaisir sexuel et ses limites dans le discours médical de la première moitié du xve siècle », Questes, t. 37, 2018, p. 51-68. Retour au texte

11 Sur le mode d’emploi culinaire de l’oseille à l’époque médiévale, cf. R. Philips et N. Foy, The Random House Book of Herbs, New York, Random House, 1990, p. 23. Retour au texte

12 Le Jeu d’Adam, éd. et trad. V. Dominguez, Paris, Champion, 2012 (Champion Classiques – Moyen Âge, 34), p. 222, 224, v. 250-251. Retour au texte

13 Les Cent Nouvelles nouvelles, éd. F. P. Sweetser, p. 127. Retour au texte

14 Le mari de la XIXe Nouvelle nouvelle place son cueur et courage ailleurs, comme le signale subtilement le premier paragraphe de l’histoire, en parlant de son ardent desir de connaître pluseurs experiences (ibid., p. 126 ; cf. supra, n. 8). Retour au texte

15 « Sans doute d’origine indienne, ce conte très répandu en Europe est attesté pour la première fois dans un manuscrit latin du xe siècle ». Contes, diableries et autres merveilles du Moyen Âge, trad. Cl. et C. Lecouteux, Paris, Imago, 2013, p. 140 (chap. VI, « Sagesse, ruse et sottise »). Retour au texte

16 De l’Enfant qui fu remis au soleil, dans Nouveau recueil complet des fabliaux (NRCF), éd. W. Noomen et N. van den Boogaard, 10 vol., Assen, Maastricht, Van Gorcum, t. 5, 1990, p. 209-221, 415-417. Retour au texte

17 Les Cent Nouvelles nouvelles, éd. F. P. Sweetser, p. 127. Retour au texte

18 Ibid., p. 128. Retour au texte

19 P. Salovey et J. D. Mayer, « Emotional Intelligence », Imagination, Cognition, and Personality, t. 9/3, 1990, p. 185-211. Retour au texte

20 Cf. A. Duda, « La Perception des bâtards au xve siècle : l’exemple des pays bourguignons », dans Bâtards et bâtardises dans l’Europe médiévale et moderne, dir. C. Avignon, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2016 (Histoire). Retour au texte

21 Les Cent Nouvelles nouvelles, éd. F. P. Sweetser, p. 128. Ainsi que l’assure Maurice Daumas en sondant les assises médiévales d’une figure joviale, devenue un mythe culturel à la Renaissance, « le cocuage correspond donc à une seule configuration, celle dans laquelle un homme s’empare de la femme d’un autre homme. Tous les hommes mariés peuvent l’être : tel est même leur destin que d’entrer dans la Grande confrérie. Comme toutes les confréries, celle qui regroupe les maris trompés possède un livre de rôles, un lieu de réunion (la taverne), une bannière (pour processionner), un saint patron (on parle dans le Roman de la Rose de la confrérie saint Arnoul). On dit aussi d’un cocu qu’il fait partie de nos amis. Car le cocu a de nombreux amis : ceux de sa femme sont aussi les siens ; ils le cajolent toujours et parfois l’engraissent. Le cocu est donc un personnage très sociable » : M. Daumas, « Les rites festifs du mythe du cocuage à la Renaissance », Cahiers de la Méditerranée, t. 77, 2008, p. 111-120 (https://journals.openedition.org/cdlm/4369#tocto1n2). Retour au texte

22 P. Salovey et J. D. Mayer, « Emotional Intelligence », p. 189. Retour au texte

23 Les Cent Nouvelles nouvelles, éd. F. P. Sweetser, p. 127. Retour au texte

24 Ibid. Retour au texte

25 Ibid. Retour au texte

26 « Certaines couches de la société sont farouchement hostiles aux bâtards : ce constat est particulièrement vrai chez les roturiers riches et puissants chez lesquels l’apparition des bâtards reconnus reste rarissime car extrêmement mal perçue. Les bâtards de ce milieu étaient généralement rejetés car les charges et offices de valeur à pourvoir dans ce milieu étaient relativement limités en nombre : il n’était donc pas envisageable de pourvoir des bâtards alors que ces places n’étaient même pas assurées pour les enfants légitimes » : M. Harsgor, « L’Essor des bâtards nobles au xve siècle », Revue historique, t. 514, avril 1975, p. 319-354 (cit. p. 348). Retour au texte

27 M. Daumas, « Les rites festifs du mythe du cocuage à la Renaissance », p. 116. Cf. de même ibid., p. 115-117, sur le temps long du cocuage. Retour au texte

28 N. Balochov, « Le Développement des structures narratives du fabliau à la nouvelle », dans Épopée animale, fable, fabliau. Actes du IVe colloque de la Société Internationale Renardienne, Évreux, 7-11 septembre 1981, dir. G. Bianciotto et M. Salvat, Paris, PUF, 1984 (Publications de l’Université de Rouen, 83 – Cahiers d’études médiévales, 2-3), p. 29-38, ici p. 30-33. Retour au texte

29 Les Cent Nouvelles nouvelles, éd. F. P. Sweetser, p. 128. Retour au texte

30 Ibid., p. 127. Retour au texte

31 Ibid., p. 126. Retour au texte

32 Ibid., p. 127 : Ce filz fut elevé, nourry et conduit avec les aultres ses freres d’un costé. Retour au texte

33 Cf. J. Céline, « L’Alexithymie : entre déficit émotionnel et processus adaptatif », Psychotropes, t. 12/3, 2006, p. 193-209 (DOI : 10.3917/psyt.123.0193). Retour au texte

34 La sympathie est à saisir ici au sens étymologique, de faculté à sentir avec ou à éprouver les émotions d’autrui. Retour au texte

35 Les Cent Nouvelles nouvelles, éd. F. P. Sweetser, p. 128. Retour au texte

36 Les théologiens du bas Moyen Âge recourent aussi à des fantasmes végétaux purifiants : « la prophétie d’Isaïe était une source solide à la fin du xive siècle pour justifier l’Immaculée Conception de la Vierge selon un raisonnement intéressant : l’image de la tige illustrait selon eux la pureté de la Vierge en matière de péché. Cependant, leur raisonnement est incroyablement fallacieux, car ces théologiens prennent appui sur la glose ordinaire qui mettait en valeur la conception virginale du Christ par la Vierge, pour démontrer qu’elle désignait déjà la conception immaculée de la Vierge » : S. Lepape, « L’Arbre de Jessé : une image de l’Immaculée Conception ? », Médiévales, t. 57, automne 2009, p. 113-136 (cit. p. 121) (http://journals.openedition.org/medievales/5833). Retour au texte

37 Sur les bûchers dressés contre les purs au xve siècle, cf. J. Théry, « Les Derniers feux des cathares », Histoire National Geographic, t. 10, janvier 2014, p. 66-79. Retour au texte

38 Les Cent Nouvelles nouvelles, éd. F. P. Sweetser, p. 128. Retour au texte

39 D. Goleman, L’Intelligence émotionnelle, trad. Th. Piélat, 2 vol., Paris, Robert Laffont, 1997-1999, t. 1, p. 366. Retour au texte

40 P. N. Stearns et C. Z. Stearns, « Emotionology : Clarifying the History of Emotions and Emotional Standards », American Historical Review, t. 90, 1985, p. 813-836, ici p. 813. Retour au texte

41 C’est le patron de Tristan et Yseut dans le roman de Béroul. Cf. Ph. Walter, Le Gant de verre. Le mythe de Tristan et Yseut, La Gacilly, Artus, 1990, p. 133 : « Lorsque les amants boivent le philtre, il fait très chaud ; on peut supposer que toute la fureur amoureuse et démoniaque de la Saint-Jean est passée dans la potion ». Retour au texte

42 Les Cent Nouvelles nouvelles, éd. F. P. Sweetser, p. 128-129. Retour au texte

43 Ibid., p. 129. Retour au texte

44 Exemplaire s’il gouverne sa maignye, selon le livre durablement influent de Gilles de Rome, De Regimine principum (1277-1288), traduit en français et diffusé au bas Moyen Âge dans les plus belles cours d’Europe ; cf. A. Galloway, « Political Literature and Political Law », dans Cambridge Companion to Medieval Law and Literature, dir. C. Barrington et S. Sobecki, Cambridge, Cambridge University Press, 2019 (Cambridge Companions to Literature), p. 109-120, ici p. 112. Retour au texte

45 Les Cent Nouvelles nouvelles, éd. F. P. Sweetser, p. 127, où ces formules traduisent la réaction de son mari face au miracle premier. Retour au texte

46 Le dénouement renoue conventionnellement les fils de l’intrigue, en tabouant la suite (naturelle !) de l’histoire : Si elle se doubta que la chose allast aultrement, l’ystoire s’en taist et ne fait pas mencion, fors que son mary lui rendit telle qu’elle luy bailla, combien qu’il en demoura tousjours le cousin (Les Cent Nouvelles nouvelles, éd. F. P. Sweetser, p. 130). La satisfaction masculine d’une belle revanche n’est guère sans nuage. Retour au texte

47 Genre bien représenté au milieu du xve siècle : cf. Le miroir aux dames, poème inédit du xve siècle, éd. A. Piaget, Neuchâtel, Paris, Leipzig, Attinger, Picard, Harrassowitz, 1908 (Recueil de travaux publiés par la Faculté des lettres sous les auspices de la Société académique, 2) ; Les Miroirs des Dames au tournant du Moyen Âge et de la Renaissance. Actes du colloque tenu à l’Université Littoral – Côte d’Opale les 13 et 14 décembre 2018, dir. J. Devaux, M. Marchal, S. Menegaldo et A. Velissariou, Cahiers de Recherches médiévales et humanistes, à paraître. Retour au texte

48 P. Salovey et J. D. Mayer, « Emotional Intelligence », p. 199. Retour au texte

49 Les Cent Nouvelles nouvelles, éd. F. P. Sweetser, p. 128 Retour au texte

50 Ibid. Retour au texte

51 Ibid., p. 130. Retour au texte

Citer cet article

Référence papier

Brîndușa Grigoriu, « Les neiges et les femmes d’antan : la conception (im)maculée de la xixe Nouvelle nouvelle », Bien Dire et Bien Aprandre, 36 | 2021, 257-268.

Référence électronique

Brîndușa Grigoriu, « Les neiges et les femmes d’antan : la conception (im)maculée de la xixe Nouvelle nouvelle », Bien Dire et Bien Aprandre [En ligne], 36 | 2021, mis en ligne le 01 février 2022, consulté le 19 mai 2024. URL : http://www.peren-revues.fr/bien-dire-et-bien-aprandre/286

Auteur

Brîndușa Grigoriu

Université Alexandru Ioan Cuza, Iași

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