Violence et cruauté dans la mise en prose bourguignonne d’Othovyen

DOI : 10.54563/bdba.583

p. 61-76

Résumés

Le livre des haulx fais et vaillances de l’empereur Othovyen a été achevé en 1454 à la cour de Bourgogne sous le règne de Philippe le Bon, à la demande de Jean V de Créquy. Il s’agit d’une vaste réécriture en prose qui compile les remaniements des versions en alexandrins de Florent et Octavien et de Florence de Rome. L’auteur de la version bourguignonne du cycle d’Othovyen met à plusieurs reprises l’accent sur la violence et la cruauté, en particulier dans les descriptions des scènes de combats et les récits des agressions commises à l’égard de la belle Florence de Rome. Cette contribution montre comment la violence et la cruauté assurent l’unité de ton et de registre de l’imposant cycle épique en prose, qui repose sur la relation conjointe de hauts faits d’armes et d’aventures pathétiques.

Le livre des haulx fais et vaillances de l’empereur Othovyen was written in 1454 at the court of Burgundy during the reign of Philip the Good, for Jean V of Crequy. It is a vast prose rewriting which contains the rewritings of the alexandrine versions of Florent et Octavien and of Florence de Rome. The author of the Burgundian version of the Othovyen cycle insists more than once on violence and cruelty, particularly in the description of fight scenes and in the stories of aggressions against the beautiful Florence of Rome. This paper shows how violence and cruelty ensure the unity of tone and of register in the imposing epic prose cycle, which is built on the narrative both of feats of arms and of pathetic adventures.

Texte

L’Othovyen bourguignon – ou Le livre des haulx fais et vaillances de l’empereur Othovyen et de ses deux filz et de cheulx quy d’eulx descendirent1 – comporte de nombreuses scènes de guerre qui prennent toutes la forme d’abominables tueries2. Dans un moule formulaire bien sensible dominent alors trois substantifs qui caractérisent l’ensemble des batailles : ochision (‛massacre, tuerie’)3, discipline (‛ravage, carnage’)4 et desconfiture (‛déroute, anéantissement, désastre, ruine’)5. Ces trois qualificatifs sont d’ailleurs souvent associés dans une visée cumulative : par leur grant proece firent tant que a la bataille des Grecz ou ilz assamblerent firent sy grant ochisyon qu’ilz les misrent a desconfiture6. La violence des massacres trouve alors son expression privilégiée dans la description conclusive de la mêlée qui rend compte des champs de bataille jonchés des corps des guerriers trépassés : La y ot telle ochision de payens par les gens du congnestable qui fres et nouveaux furent venus que toute la champaigne estoit couverte de mors et de navrés7. Cette image n’est évidemment pas propre à la prose ; elle constitue un motif éculé de la chanson de geste et elle correspond d’ailleurs ici à un dérimage précis de la source : La en ont maint ou champ ocis et afoulez8. La représentation spectaculaire des ravages perpétrés par les combattants est canonique et innerve les chansons de geste dérimées ; il est néanmoins remarquable de noter combien cette formule est reprise à l’envi dans la prose, sans appui explicite des sources. On la retrouve ainsi disséminée tout au long de la narration des multiples luttes armées : et en y ot tant de mors et d’ochys que tous les champs en estoient couvert9 ; La commencha l’ochision grant et merveilleuse, car en pou d’eure en y ot tant de mors et d’ochis que la terre en fu couverte10 ; Moult grande fu l’ochision quy se fist en la chasse car tous les chemins, mons et valeez furent couvers de mors11. Par conséquent, ce n’est pas la dimension novatrice de la formule qui interpelle, mais bien son caractère répétitif, voire systématique à l’issue des récits de combats.

Le spectacle de désolation est souvent complété par la description topique des corps inertes des chevaliers morts, couchés sur le dos et plongés dans des ruisseaux de sang. En témoigne cet exemple du chap. 257 qui constitue un développement propre à la prose dans lequel l’auteur anonyme compare à trois reprises le combat entre Romains et Grecs à un véritable bain de sang : Puis vindrent aulx lances et aulx espees, dont ilz firent une sy tres orrible ochision d’ommes que le sanc qui de leurs corps yssoit couroit parmy le champ que tost fu couvers de sanc et d’ommes ochis qui la ou sanc se gisoient12. Certes, l’exhibition du sang est bien attestée ailleurs dans les chansons13 ; toutefois, dans la réécriture, elle est beaucoup plus fréquente et forme comme un passage obligé des combats : le prosateur introduit ainsi cette image spectaculaire à intervalle régulier dans son dérimage, sans appui des sources : et y ot sy grant mortalité et sy grant ochision faitte de l’un costé et de l’autre que le sanc des mors y couroit a grans ruys ; et firent, luy et son maistre, tel dissipline des payens que la chambre estoit plaine du sanc des mors quy la gisoient a l’enverse14. L’omniprésence du sang s’accompagne d’une autre spécificité dans la prose : l’instance narrative y endosse fréquemment le rôle de témoin oculaire qui relaie auprès du lecteur le tableau horrifiant de la mêlée et rend témoignage de l’extraordinaire gravité du massacre : hydeuse et orrible chose estoit a voir les corps quy sans vye gisoient mort sur le sablon. Merveilles estoit de voir l’ochision que Octovyen et son lyon y faisoient, car tant en destruirent qu’il n’est nulz quy le ozast raconter15. On voit également à travers cet exemple, que la violence hyperbolique des combats est rendue par un artifice narratif dont use fréquemment le prosateur et qui consiste à souligner le caractère ineffable de la scène16.

 

Les récits de bataille de la prose s’attachent ainsi à mettre en exergue les exploits individuels des héros chrétiens, bras armés de Dieu, dans leur lutte sans fin contre les Infidèles17. Cet infléchissement trouve alors son expression privilégiée dans l’image du guerrier faucheur ravageant à lui seul les rangées ennemies, image bien présente dans les chansons sources, mais sur laquelle le prosateur met l’accent avec une grande insistance18. Il en va ainsi, par exemple, dans le combat mené par Esmeré pour défendre Rome assiégée par les Grecs : deux vers de la source : La leur va detrenchant thiestes et bras et pis […] Li peulles qui le garde en est pour lui fuis19 font l’objet d’une nette amplification dans le remaniement en prose :

Moult tost fu son espee recongneue des Grigoys quy tous luy faisoient voye. Il leur detrenchoit piés, braz et les craventoit. Des grans et pesans cops qu’il leur deppartoit furent forment marry car nulz n’estoit quy de luy s’ozast approchier ; tous luy faisoient voye. Meismement a celle empainte, il abaty le grant estandart de Garsille et ochist celuy quy le portoit20.

Ainsi, dans les récits de bataille de la prose, le héros réussit de manière quasi systématique à se frayer un chemin au milieu des ennemis à la seule force de son bras21 et parvient à écraser ses adversaires – ce qui est rendu préférentiellement par la récurrence du verbe craventer (‛aplatir, broyer’)22, mais surtout à les mutiler23.

 

Les descriptions spectaculaires des morts qui jonchent les champs de bataille sont alors mises en relief par un inventaire des blessures sanglantes infligées par les héros de la geste24. C’est dans cette visée que le remanieur accentue par exemple l’issue violente du combat entre Othovyen Fils et un groupe de violeurs et prend plaisir à mentionner à deux reprises le crâne éclaté des adversaires vaincus par le héros :

L’enfant regarda le premier quy devant les aultres s’estoit avanchiés, sy luy donna sy grant cop de son baston sur le healme qu’y luy escartela la teste et chut par terre […] Octovyen releva le baston contremont, sy l’assena par tel vertu que la cervelle luy sailly hors de la teste et cheÿ mors25.

Ailleurs, l’âpreté de la lutte est sensible dans le penchant pour les descriptions sanglantes que semble éprouver le remanieur :

Octovyen advisa le payen et luy bailla sy grant cop d’espee a la traverse qu’il l’assena parmy le col par tel fierté que la teste luy fist voler jus des espaulles et cheÿ sur le col du destrier du roy tellement que les riches paremens du destrier furent taint en sanc vermeil26.

À ce titre, la description des mutilations des ennemis revient comme une image obsessionnelle dans la réécriture bourguignonne, en dehors même des récits de bataille. L’exemple le plus frappant concerne le jugement rendu par Florent à l’encontre des traîtres qui ont gouverné Rome en son absence. Dans Florent et Octavien, la punition par pendaison est simplement évoquée puisque l’auteur de la chanson affirme se désintéresser de ces personnages secondaires :

On les a atellés adonc a maint destrier
Et puis si les ont fait au gibet attachier.
Pour ce vous lairay d’eulx quar plus n’en veul parler,
Car d’eulx on ne pourroit bonne chançon chanter
27.

Dans la prose, en revanche, la punition fait l’objet d’une amplification pleine de complaisance pour la cruauté :

sy fist les trayteurs mettre sur ung chariot et a chaudes espincez de fer ardans, de quarfour en quarfour, leur fist detirer la char piece apprés aultre. Et ainsy tous vif les fist morir par grief tourment, ouquel ilz finerent miserablement leurs vyez, puis les fist depechier et mettre en quatre quartiers. Et quant il ot fait finer les deux principaulx traitteurs, les aultres quy leur estoient aderens fist tout decoler et mettre a mort28.

Ainsi, le prosateur assume pleinement de prendre en charge le récit d’un châtiment cruel et violent.

 

Le goût pour les descriptions sanguinaires culmine au cours du combat singulier qui oppose Florent au farouche Akarius et qui sert d’épreuve probatoire au jeune héros. Le garçon boucher sort en effet vainqueur d’un duel contre le géant sarrasin à qui il tranche les membres un à un (les deux bras, une jambe, puis la tête)29. La source, Florent et Octavien, relate une à une les étapes des amputations successives30 et au cours de l’affrontement, Florent adresse à son adversaire un gab dont la pointe finale, qui insiste sur la cocasserie de la situation engendrée par la mutilation du géant, transforme la vantardise épique en raillerie : Donnez ad ce povre homme, car il n’a nullez mains31. Dans la prose, le jeune chevalier, plein de fougue et de verve, passe maître dans le maniement de l’invective incendiaire ; il achève d’anéantir son adversaire par une parole infamante en déclarant : Puant Sarazin, or suis je seur que jamais n’acollerez la belle Marsabille ! Mais a moy appartient32 ! La prose déplace la provocation hors du champ guerrier, sur le plan de la fin’amor, ce qui modifie considérablement la vantardise centrale et accroît ainsi la portée de celle-ci en ajoutant de la cruauté au macabre.

La cruauté verbale de la vantardise épique est plus marquée encore lors du duel judiciaire entre Othovyen et le traître Conrart, amant de la vieille impératrice. Lors du combat, Othovyen inflige une grave blessure à son adversaire :

sy descendy le cop tout au lonc du visage de Conrart tellement que le nees et les levres et une partye de l’une des joes abaty tout jus par tele maniere que tout a plain les dens de Conrart furent descouvert. Quant le traytre ot sentu le cop et qu’il ot perdu le parler par les levres qu’il ot perdues, il jetta ung moult hault cry pour la grant angouisse qu’il sentoit33.

La description de la blessure est ici assez similaire à celle de la source en vers34, mais dans cette dernière, l’invective du héros repose sur la dérision du comportement ridicule de Couars35 qui tente de parer un nouveau coup de son adversaire en protégeant sa tête de sa main :

Sa main mist sur sa teste Couars a celle fie,
Othovïen le veoit, ne peut qu’il n’en rye
Et luy a dit l’enfant : « cest copt ne cherra mye
36 ! ».

Dans la prose, ce qui accentue la violence de l’épisode, c’est la cruauté de la vantardise épique d’Othovyen :

Conrars recula et leva la main et tasta vers son visage qu’il senty tout deffiguré. Alors Octovyen luy dist : « Conrart, ja n’est besoing que plus tu y mette la main, car tu le saroyes tant escourre que une aultre foys tu le feisses cheoir. Ja poes tu voir ton néz et tes levres quy gisent par terre ; pour tant, n’y tastes plus37 ! »

Le jeune guerrier se complaît ainsi, grâce à l’humour noir, à souligner sans modération le spectacle horrifiant donné par son adversaire démantibulé, réduit à l’état de squelette ambulant.

 

Certes, il n’y a rien de bien nouveau dans le transfert de l’univers épique des chansons dans la prose bourguignonne, toutefois la réécriture accroît sensiblement la brutalité des combattants. Ainsi, le prosateur use à plusieurs reprises du verbe mehaigner (‛mutiler, estropier’)38, pour traduire la gravité des blessures infligées par les héros de la geste, qu’il s’agisse de Florent : Flourent se combatoit aux payens et les decoppoit et mehaignoit sy merveilleusement que sy hardy n’y avoit qui l’ozast approchier39, de son jumeau Othovyen : il les detrenchoit et mehaignoit tellement que de tous costés luy faisoient voye40, ou encore du lion de ce dernier :

car le lyon les aherdoit par le moyenne du corps et les morgoit tellement que il les destruisoit. […] mais le lyon luy sailly a l’encontre et se drescha sur ses piés deriere et ahert le roy par les costés par tel force que, volsist le roy ou non, il couvint qu’il tombast par terre et fu tellement mehaignyés qu’il ne se pot sourdre41.

L’assimilation des deux jumeaux au lion n’est d’ailleurs pas ici anodine car, dans le remaniement, la prouesse guerrière ne va pas sans une certaine animalité. Ainsi, dans un passage propre à la prose bourguignonne, Florent est explicitement comparé à une bête sauvage : Il les ochioyt et mehaignoit qu’il sambloit que tous les deuist devourer42. C’est en effet dans ces propres termes, grâce au verbe devourer, que sont décrits les massacres commis par le lion d’Othovyen43. Or, le prosateur introduit également une comparaison qu’il reprend des romans de chevalerie bourguignons contemporains : l’image du chevalier en proie à une puissance diabolique : Il leur arachoit lez healmes des testes et leur copoit piés, poingz et faisoit sy grant ochision d’eulx que tous le fuyoient come ung anemy44. Les hauts faits d’armes paraissent découler d’une nature sauvage et déréglée, ce qui est particulièrement sensible dans un combat, absent de la source, mené par Esmeré :

Mieulx sambloit homme foursené et hors du sens que chose du monde car tant estoit son corps et ses bras soulliéz du sanc de ceulx qu’il ot ochis que a grant paine se peuist recongnoistre, se non aulx grans fais qu’il entreprendoit et menoit a chief45.

Le héros de la geste est défiguré par la violence de ses actes qui le rend méconnaissable ; l’altérité héroïque est ainsi marquée par une forme d’aliénation quasi monstrueuse, qui est peut-être aussi la marque d’une prise de distance du remanieur vis-à-vis du comportement déréglé de son personnage.

 

Le prosateur bourguignon a en effet tendance à figurer l’altérité ethnique ou physique par la monstruosité. L’exemple le plus remarquable est à ce titre celui du nain envoyé en émissaire par le géant sarrasin Akarius à la cour du roi Dagobert. Dans Florent et Octavien, son altérité est rendue sensible par le rire qu’il provoque dans le camp français : et quant il fu choisis, / Pour la façon de luy en ont durement ris46. Dans la prose, le portrait du nain est nettement amplifié :

quant il passoit par les rues en alant au palays il fu moult hués et mocqués des petis enfans, meismement les grans s’esmerveilloient de voir le payen, car tant estoit let et noir que mieulx sambloit ung anemy que aultre chose, car de plus laide figure d’omme ne peuist on avoir veu, tant estoit lait et kamusés47.

Le rejet collectif et la cruauté des moqueries sont causées par la laideur du sarrasin, sur laquelle le narrateur insiste à trois reprises ; le caractère monstrueux du nain est alors souligné par la comparaison avec le diable, mais il est surtout renforcé par le participe passé kamusés ; ce dernier est issu du verbe chamoisier et peut vouloir dire, à propos d’un visage ‛meurtri, écrasé (à la façon des peaux de chamois)’, mais aussi, selon Godefroy, ‛couvert de plaies’ ou encore ‛marqué de petite vérole’48. Ainsi, la monstruosité est bien l’apanage des êtres négatifs ; elle traduit physiquement, par la maladie, les mauvais penchants des personnages qui sont mis au ban de la société.

 

Or, à la fin d’Othovyen, dans la partie relative à l’épisode de Florence au couvent, tous les personnages ayant persécuté la jeune héroïne sont atteints universellement de la lèpre qui les rend laids, difformes et méconnaissables. Macaire, qui avait tenté de violer la jeune femme lorsque celle-ci était sous la protection de Thierry, est ainsi atteint de cette maladie. Alors que la source présente le traître comme un paralytique49, la prose insiste sur la difformité physique qui altère durablement l’apparence du personnage vicieux : il devint sy groz et sy enflé et contrefait qu’il fu incongneu a toutes personnes que aultreffoys l’avoient veu50. On retrouve ainsi une expression semblable au chapitre suivant : elle envoya querir le traittre Makaire qui a une tresgrant doleur y vint et a tresgrant paine car tant estoit enflé que de nul n’euist esté recongneu, sy non de ceulx qui l’avoient amené, tant estoit lait et hideux a voir51. Là où la source décrivait les symptômes de la maladie (squames, tubercules et pustules)52, la réécriture insiste sur la laideur, l’altération et la monstruosité. Les attributs physiques de ce parangon du vice servent alors de modèle à l’ensemble des persécuteurs de la belle héroïne. Ainsi, Gombault, qui avait vendu Florence à des marchands, est lui aussi frappé de paralysie53. La prose insiste là encore sur la défiguration puisque l’infirmité du personnage entraîne sur son visage une difformité monstrueuse :

luy quy estoit palasyneulx et tant contrefait que la bouche luy estoit torse et son visage sy tres desfigurés qu’il n’estoit homme qui par avant l’euist veu qui l’euist sceu recongnoistre, et n’avoit membre depuis le chief jusquez en dessoubz que tout ne tramblast54.

On décèle ainsi dans la prose comme une forme de délectation morbide pour la description des infirmes rassemblés à l’abbaye de Beau Repaire pour y éprouver le pouvoir thaumaturgique de Florence. Alors que la source se contente de mentionner la présence des malades (De contrez et d’enferz mout grant presse i avoit55), le prosateur amplifie le passage et distingue différents types d’infirmités :

puis adviserent les malades qui tous estoient couchiés, les ungs drois, les aultres assys, dont il en y avoit de tant desfigurés que hideur estoit a les voir, les ungs boisteux, les aultres contrefays et aveugles et mesiaulx qui tous attendoyent la grace de Nostre Seigneur56.

L’auteur de la prose dresse ainsi le tableau effrayant d’un lieu peuplé de monstres difformes. Sous forme de commentaire extra-diégétique, il invite même le lecteur à se représenter la scène en faisant appel à son sens de la vue. Il va plus loin encore en convoquant plus loin l’odorat du lecteur lorsqu’il s’attache à décrire, avec une certaine fascination, la monstruosité spectaculaire de Milon, touché par la lèpre :

Nostre Seigneur luy jetta sur luy ung sy grant flayel pour le battre que il luy envoye une lieppre et une poureture sy grande par tout le corps qu’il n’y ot membre ne place wide que toute ne fust couverte de meselerye. Le visage, le neez, la bouche et les yeux avoit sy tres enflé qu’il n’ot puissance de parler ne alainer, et avec ce, avoit les jambes et les piés sy tres enflés qu’il n’euist sceu faire ung seul pas. Et couvint que le seigneur le feist porter hors de son hostel et arriere de gens pour la grant horreur que c’estoit a voir et pour la puantise et l’ordure qui estoit en luy57.

Le procédé est identique aux cas précédemment relevés : la prose suit d’assez près sa source versifiée et reprend la description des symptômes de la maladie58 qui touche le persécuteur de Florence ; toutefois, le prosateur insiste sur la difformité physique des corps des lépreux : la conformation vicieuse devient insoutenable à la vue, ce qui condamne de facto le malade et l’exclut du champ social.

 

À l’inverse, le corps de Florence – parangon de vertu – est célébré comme un modèle de beauté désirable. L’épisode où Milon entraîne de force Florence dans une forêt profonde pour échapper à la cour de Rome et au pouvoir de son frère jumeau Esmeré offre un exemple intéressant à cet égard : dans Florence de Rome, les deux fugitifs s’efforcent de se frayer un chemin dans un sous-bois d’épineux et sont égratignés jusqu’au sang :

La leur font les espines tous leurs draps desquirer,
En maint lieu les faisoient les espines sanner,
Leurs mains et leurs visagez esgratiner
59.

Dans la prose bourguignonne, ces trois vers, qui font l’objet d’un redoublement et d’une amplification, sont réécrits dans une toute autre perspective :

Moult lasse et traveillie estoit la pucelle, sy estoit moult esgratinee et ensanglentee par le visage de ronches et branches par ou elle estoit passee. Se l’euissiez veu en ce point que elle estoit, point ne l’euissiez recongneue tant estoit deffaitte et desfiguree. Sy n’euist esté sy dur cuer que se alors l’euist veue qu’il n’euist eu pityé de le voir. […] Sy poés assez sçavoir quelle pité et quelle doleur pouoit avoir la noble pucelle car il ne luy demouroit robe que des espines ne fust a tous costés deschiree, meismement son trestendre viaire tant desfigurés et esgratinés qu’y n’est langue humaine quy au vray le vous seusist dire sans plourer et partir a ses doleurs60.

Dans le remaniement, l’attention du narrateur est ainsi transférée sur la seule Florence, sur ses habits en lambeaux et sur son visage ensanglanté. S’adressant à deux reprises au lecteur, il souligne l’altération de la physionomie de l’héroïne et met ainsi en exergue le corps violenté et meurtri de la jeune femme persécutée. Cet aspect est par ailleurs accentué dans un ultime portrait de Florence qui n’a pas de réelle équivalence dans la source61 :

Et avec ce, veoit ses draps en pluiseurs lieux rompus et deschirés et son biau viaire tant pale et ensanglenté et ses biaux yeux plains de larmes que pitié ot de le veoir62.

La beauté de Florence est ici rendue manifeste par l’évocation subtile de la nudité, par le contraste entre la blancheur du visage et le sang qui le recouvre, mais surtout par l’attention portée aux yeux de la jeune femme. Les lacérations et les larmes figurent parfaitement le spectacle pathétique d’un être qui souffre. Le prosateur relaie ainsi auprès de son interlocuteur fictif la compassion des personnages (comme ici, celle de dame Béatrix, la femme de Thierry), mais plus encore la convoitise des persécuteurs. Par voie de conséquence, il engendre chez le lecteur un désir de voir (que l’on pourrait qualifier de plaisir scopique, d’après la critique psychanalytique contemporaine) suscité par une forme particulière d’érotisme lié à la violence et la cruauté.

 

En effet, la prose bourguignonne accentue le portrait pathétique de la jeune femme sans défense :

La belle detorgoit ses belles mains, lesquelles estoient touttes ensanglentees et son tresbel visage tant deffait de plourer et tant despecyés des ronces et des espines qu’elle avoit la face tant deschiree que pitié estoit de le voir63.

Là où la source mentionnait les manifestations topiques de la souffrance de la jeune femme : Elle detort ses mains, ses cheviaus va tirant64, la prose décrit avec plus d’insistance les mains et le visage de Florence afin d’en célébrer la beauté. Plus loin, le prosateur accentue de manière sensible la violence commise lors des agressions répétées à l’égard de Florence65 :

Quant Miles ot oÿ la belle Flourence, il le aherdy par les cheveulx, qui moult estoient bel et janne come fin or, sy le baty de cops de poingz et de buffes en le detirant et sachant que pitié estoit de le voir, puis fist tant par sa force que tout battant l’entraina ou bois plus parfont qu’il pot66.

Le prosateur accroît ici de nouveau l’attention portée au corps féminin en introduisant le motif de la chevelure dorée qui prépare la tentative de viol relatée quelques chapitres plus loin :

il prist la pucelle, sy le jetta par terre pour le cuidier enforcier, sy le battoit de poingz en luy esrachant ses beaulx cheveux hors de son chief. […] Millon qui moult grant angoisse avoit sentu courut apprés, sy l’aherdy par ses beaulx cheveux trainant et battant en le jettant par terre pour acomplir sa volempté. […] Puis, quant Milon veÿ que nullement n’en pouoit venir a chief, il prist la belle Flourence en luy disant moult d’injures et le traina battant jusques a ung arbre qui assez prés d’illec estoit ; et la, par ses beaux cheveux l’atacha pendant67.

Certes, le corps de Florence est décrit dès la source comme un objet de désir grâce à l’évocation topique des cheveux blonds68 ; cependant, l’attrait pour le corps féminin est nettement accentué dans le remaniement qui évoque à trois reprises l’éclat de la chevelure de la jeune femme. Ainsi, cette insistance traduit moins l’idéal de beauté féminine que la violence du désir masculin. La chevelure défaite est d’ailleurs associée à plusieurs reprises, dans la prose bourguignonne comme dans la chanson source, à la nudité de la jeune héroïne afin d’accroître son état misérable, sa faiblesse et son impuissance, notamment lorsqu’elle est injustement accusée du meurtre de la fille de Thierry et Béatrix : Et Flourence, qui la estoit vestue de sa petite cotte, deschausse et toute eschevelee, mains jointes, tout tramblant, s’escrya [...] ; Alors la pucelle moult ruidement fu prise et aherse a tous costés de ceulx qui la furent, et toute deschausse et eschevelee fu bouttee en la prison moult rudement69. Or, cette description entre directement en résonance avec la situation initiale de l’arrière grand-mère de Florence, la belle Florimonde, épouse d’Othovyen Premier, elle aussi injustement accusée, mais d’adultère avec un valet de chambre :

Alors l’empereur fist venir de ses gens et fist saisir la bonne dame, laquelle moult piteuse et esplouree fu menee hors de sa chambre sans ce que elle fust du tout appareillie, ains fu menee seulement atout sa cotte simple toute eschevelee jusques en la prison70.

La prose bourguignonne accroît de la sorte la dimension cyclique de la geste en rapprochant explicitement les tableaux pathétiques des deux héroïnes persécutées.

 

Plus marquante encore est la reprise par le remanieur de l’analogie traditionnelle dans les textes épiques entre la prise d’une ville et la prise d’une femme, analogie que le Grec Garsille développe de manière explicite dans le texte source :

Et jura Jhesucris, en qui il fu creant,
Que n’en retournera n’en yra repairant,
S’ara conquise Ronme, la chité souffissant,
Et si ara Flourenche, qui qu’en pleur ne qui quant
Et destruira le roy, qui le va refusant,
Et trestous cheux ossi qui li vont conssillant
71.

Dans la partie de la réécriture bourguignonne relative à l’histoire de Florence, l’avenir politique et militaire de la ville de Rome est ainsi mis en relation étroite avec le devenir du corps de Florence soumis au désir masculin. Toutefois, la reprise du topos épique s’accompagne d’une grande cruauté :

[Garsille] jura tout en hault, affin que ceulx qui sur les murs estoient le peuissent entendre, que jamais de la ne s’en partiroit jusques ad ce qu’il aroit la cité prise et destruite et mise a totale ruyne et que l’empereur feroit morir, et sa belle fille, apprés ce qu’il en aroit sa volenté faitte, feroit ardoir et tous ceulx quy l’empereur avoient conseilliet de luy avoir refusé sa fille72.

Il ne s’agit plus pour Garsile, comme dans la chanson source, de s’emparer de la ville et de la fille de l’empereur, mais bien d’anéantir Rome et de posséder sexuellement le corps de Florence avant de la condamner au bûcher73.

La violence atteint son paroxysme lors du siège de Rome. Dans la chanson, Garsille adresse un gab à son adversaire Othon, l’empereur de Rome :

Puis averay ta fille, qui tant a le cler vis,
Et o lui coucheray cincq sepmaines u sis ;
Quant en seray tanez, je te jure et plevis
Que je l’abandonray a trestous mes marchis
Et apriès as gharchons trestous les plus quetis ;
Puis le feray ardoir a ghuise de Juis
74.

Ce passage est repris dans la prose par anticipation ; il est par ailleurs réécrit dans un discours enragé que Garsile adresse à ses hommes avant la bataille, le passage de la vantardise épique à la promesse solennelle accroissant la violence de la menace :

je le venray assegier en sa cité de Romme ne ja, tant que je soye vif, je ne m’en partiray tant que l’aye prise et conquise a ma volenté. Et se chose est que par force le puise prendre, je feray ma volenté de sa fille et apprés l’abandonneray aulx soullars de ma cuisine, puis, pour luy faire plus de despit, je le feray ardoir en cendre75 !

Le projet de nuire à Florence est ici d’une grande violence puisque la promesse de l’humiliation sexuelle s’accompagne de l’assurance d’un viol collectif par des êtres de bas étage. Il n’est pas sans intérêt d’ailleurs de noter que l’on retrouve un calque exact de cette invective dans une biographie chevaleresque contemporaine, l’Histoire des seigneurs de Gavre, preuve que cette menace spectaculaire avait su frapper les esprits dans le milieu littéraire bourguignon :

Il jura et fist serment solempnel que jour qu’il aroit a vivre n’aroit paix ne acord au duc d’Attaines et que, volsist ou non, il aroit sa fille Ydorye pour sa volenté faire, et le tenroit comme sa soignante ; puis aprés le liveroit a ses cuisiniers pour leurs volemptés faire76.

Dans l’Othovyen bourguignon, le repoussant empereur, furieux d’échouer à obtenir la main de Florence et à conquérir Rome, profère donc une menace pour le moins cruelle, dans laquelle le serment de vengeance reflète tout autant sa soif de pouvoir que son envie libidineuse. Du destin de la ville de Rome dépend donc l’avenir du corps de l’héroïne promis au viol et à l’anéantissement. La cruauté du désir masculin s’exprime donc par la violence faite au corps féminin.

 

La comparaison d’orientation verticale que je viens de mener entre la prose bourguignonne et ses sources versifiées tend à montrer qu’il se dégage d’Othovyen nombre de motifs obsessionnels et d’expressions récurrentes, parfois reprises des chansons sources, mais le plus souvent développées de manière autonome, périodique et cyclique. Le présent parcours me permet de confirmer le jugement que j’avais auparavant émis à partir des données matérielles et codicologiques : nul doute que c’est bien le même auteur qui assume la totalité du dérimage77 et l’on peut donc donner crédit aux affirmations du remanieur qui, dans le prologue d’Othovyen, déclare avoir réalisé sa mise en prose à partir d’un seul et unique texte78. La violence et la cruauté concourent, me semble-t-il, à assurer une unité de ton et de registre à l’imposante prose bourguignonne, et à renforcer la cohérence horizontale de l’ensemble des récits compilés dans la geste d’Othovyen. Conformément au projet mis au jour dans son prologue, l’auteur anonyme de la prose bourguignonne, qui affirme vouloir présenter au lecteur les nobles fais d’armes et perilleuses adventures, paines et perilz que jadis advindrent a ung noble empereur rommain, lequel se nommoit Octhovien, de ses effans et de ceulx qui de lui dessendirent79, parvient à associer la violence inhérente aux récits de bataille à la cruauté de péripéties pathétiques. La geste d’Othovyen est ainsi mise au goût du lectorat bourguignon qui apprécie tout autant les beaux vestiges de l’épopée française revivifiée que le genre du récit d’aventures.

Notes

1 Citons pour rappel les cinq manuscrits d’Othovyen (dorénavant O) actuellement conservés : Bruxelles, KBR, ms. 10387 ; Chantilly, Musée Condé, ms. 652 ; Orléans, BM, ms. 466 ; Paris, BnF, ms. n.a.fr. 21069 ; Turin, BNU, ms. L-I-14, fragment (partiellement détruit). Les citations du présent article sont tirées du ms. de Chantilly sur la base duquel j’entreprends l’édition critique du texte. Othovyen est le remaniement en prose de deux chansons de geste en alexandrins associées sans solution de continuité (cf. supra l’Introduction) ; pour faciliter le repérage des citations, les numéros de chapitre en chiffres romains correspondent à la matière dérimée issue de Florent et Octavien et ceux en chiffres arabes réfèrent à la réécriture de Florence de Rome. Retour au texte

2 Cf. la conclusion d’un précédent travail sur les récits de bataille dans Othovyen : M. Marchal, « Les récits de bataille dans Le livre des haulx fais et vaillances de l’empereur Othovyen », dans Actes du séminaire organisé par le centre de Recherche CEMA de l’Université Paris 3 (2015-2017), dir. M. Szkilnik et C. Croizy-Naquet, Le Moyen-Âge (sous presse). Retour au texte

3 il fist tant d’ochision de payens (O, chap. CXLVI, fol. 150va). Retour au texte

4 Moult grant discipline faisoit des Rommains (O, chap. CXXXIX, fol. 145ra). Notons que pour ce sens le DMF donne trois exemples tirés de Florent et Octavien (Dictionnaire du Moyen Français, version 2015 (DMF 2015). ATILF – CNRS & Université de Lorraine. Site internet : http://www.atilf.atilf.fr/dmf). Retour au texte

5 sy y ot moult grande desconfiture et y rechupt moult grant perte le roy Octovyen (O, chap. CXLVI, fol. 150va). Le terme est présent également dans Florence de Rome (dorénavant FR) : Et la desconfitture dura moult longhement (Florence de Rome. Chanson d’aventure du premier quart du xiiie siècle, éd. A. Wallensköld, 2 vol., Paris, Firmin-Didot pour la SATF, 1909-1907, t. 1, v. 3160). Retour au texte

6 O, chap. 199, fol. 187rb ; cf. dans FR : Il ont unne battaille a celéz desconffie (FR, t. 1 v. 1687). Retour au texte

7 O, chap. XXXV, fol. 37vb. Retour au texte

8 Florent et Octavien (dorénavant FO) : Florent et Octavien. Chanson de geste du xive siècle, éd. N. Laborderie, 2 vol., Paris, Champion, 1991 (Nouvelle Bibliothèque du Moyen Âge, 17), t. 1, v. 3828. Retour au texte

9 O, chap. XLVIII, fol. 58rb ; cette formule s’insère dans un développement narratif propre à la prose. Retour au texte

10 O, chap. CXXXIX, fol. 144vb ; cf., à titre de comparaison, la source versifiée : La comença bataille a doulereux content / Dont mainz chivaliers furent occis a grant torment. (FO, t. 2, v. 17789-17790). Retour au texte

11 O, chap. 258, fol. 237ra. Retour au texte

12 O, chap. 257, fol. 235rb. Retour au texte

13 Cf. par exemple : Du sanc qui dez mors ist estoit le pré tous tains (FO, t. 2, v. 18254). Retour au texte

14 O, chap. LXXVII, fol. 87rb ; chap. LXXXVI, fol. 97rb-va. Retour au texte

15 O, chap. CXVIII, fol. 127ra. Cf. aussi une mention similaire répétée à deux reprises au chap. 226 : Moult grant orreur estoit de voir l’ochision quy la se faisoit ; merveilles estoit de voir la grant ochision que la se faisoit (O, chap. 226, fol. 209ra et 210ra). Retour au texte

16 Cf. : Moult grans fu le cry et la noise, car sy grant ochision y ot faitte a cest assamblement que merveilles seroit de le raconter. (O, chap. III, fol. 3vb) ; Moult fierement s’y contindrent les Rommains, car sy tresgrant ochision y ot faite de payens qu’il n’est nulz qui le vous seuist dire. (O, chap. CXLIV, fol. 148rb). Retour au texte

17 Cf. M. Marchal, « Les récits de bataille ». Retour au texte

18 Cette dimension se retrouve d’ailleurs dans la plupart des romans de chevalerie bourguignons : cf. dans L’Art du récit à la cour de Bourgogne. L’activité de Jean de Wavrin et de son atelier, éd. J. Devaux et M. Marchal, Paris, Champion, 2018 (Bibliothèque du xve siècle, 84) les contributions d’A. M. Babbi, « Décrire la guerre dans les romans de la collection de Jean de Wavrin », p. 193-205 (p. 200-205) et M. Marchal, « De l’existence d’un manuscrit de la prose de Blancandin et l’Orgueilleuse d’amours produit dans l’atelier du Maître de Wavrin », p. 265-292 (p. 280-283). Retour au texte

19 FR, t. 1, v. 3059 et v. 3061. Retour au texte

20 O, chap. 226, fol. 209rb-va. Les formules stéréotypées de ce type sont ainsi extrêmement fréquentes dans la prose ; citons un autre exemple : mais tost et isnellement sailly en piés, l’espee ou poing, et frappoit a destre et a senestre ou il decoppoit et ochioit payens par tel vertu que la n’y ot payen sy hardy que de luy s’ozast approchier. (O, chap. CXLIV, fol. 148rb). Retour au texte

21 Cf. par ailleurs deux extraits propres à la prose : L’empereur Flourent, qui par la bataille aloit departant les grans presses en ochiant et decoppant les payens qui tous luy faisoient voye (O, chap. CXXXIX, fol. 145ra) ; Tellement s’y contint que en pou d’eure il fist a la force de ses bras et au trenchant de son espee sy grant place que la presse fu derompue (O, chap. CXLIV ; fol. 148vb). Pour d’autres exemples de ce type, je me permets de renvoyer à mon article : M. Marchal, « Les récits de bataille ». Retour au texte

22 Cf. par exemple deux extraits sans appui dans les sources : Il abatoit et craventoit tout ce que devant lui venoit (O, chap. XXX, fol. 31va) ; Moult se penoient de ochir et craventer leurs anemis (O, chap. 184, fol. 176vb). Retour au texte

23 Il leur decoppoit piés, poings (O, chap. XLIV, fol. 49ra) ; il se combatoit et detrenchoit aulx Sarazins piés, poings. (O, chap. XXXV, fol. 37va) ; cf. pour cet extrait, le passage correspondant dans la source : Car entour luy fait voye (FO, t. 2, v. 18317). Retour au texte

24 Pour accentuer l’infirmité des vaincus et marquer ainsi le caractère hyperbolique des blessures infligées par les chefs chrétiens, le prosateur réactive également une ancienne formule épique, pourtant absente des sources : car celuy que a plain cop pooit ataindre n’avoit jamais mestier de myre ne de fulcyen. Moult grant discipline faisoit des Rommains. (O, chap. CXXXIX, fol. 145ra) ; quy de s’espee estoit ataint, jamais de mire ne de medechin n’avoit mestier. Il leur detrenchoit piés, poingz, jambes. (O, chap. 185, fol. 177rb). Retour au texte

25 O, chap. LX, fol. 70va ; cf. dans la source : Et l’enfant frappa l’autre de bonne volenté / Qu’il l’abbati a terre trestout escervellé (FO, t. 1, v. 7930-7931). Retour au texte

26 O, chap. LXV, fol. 77va ; ce passage est propre à la prose. Retour au texte

27 FO, t. 2, v. 16218-16221. Retour au texte

28 O, chap. CXXX, fol. 137ra-rb. Retour au texte

29 il lui abaty l’un des bras tout jus et cheÿ devant lui en la praierye ; donna sy grant cop de la hache sur l’autre bras quant il leva l’espee contremont que le brach et l’espee lui fist voler enmy le champ ; sy haulcha la hache et le fery ung sy merveilleux cop que la jambe et le piet lui coppa tout jus ; et lui trencha la teste jus des espaulles (O, chap. XXVIII, fol. 30ra-rb). Retour au texte

30 Le duel court des v. 2805-2942 (FO, t. 1, p. 94-98) ; cf. plus précisément les v. 2852, 2907, 2930, 2940. Retour au texte

31 FO, t. 1, v. 2911. Retour au texte

32 O, chap. XXVIII, fol. 30rb. Retour au texte

33 O, chap. LXX, fol. 81vb. Retour au texte

34 Par my droit son visaige, la est elle fichie, / Tant qu’un oeul luy a fait voler a celle fie / Et la joe et baulevre luy a tout jus tranchie / Tant que le feel Couars du copt fort se gramye / Et tout en chancellant a haulte voix s’escrie / En soy complaignant fort d’angoissë et d’achie (FO, t. 1, v. 9049-9054). Retour au texte

35 On note avec intérêt que le prosateur change le nom du traître, probablement trop transparent. Retour au texte

36 FO, t. 1 v. 9058-60 ; notons la variante des mss BC plus proche de la leçon de la prose : Conrars ce dist li enfes par le virge Marie / Vous y metez pour nyent vo (le C) main a celle (ceste B) fie / Car certez pour rescoure (escourre C) le cop ne quera mie (FO, t. 2, p. 860). Retour au texte

37 O, chap. LXX, fol. 81vb. Retour au texte

38 Dans tous les exemples relevés, le verbe mehaigner est absent des sources. On note ailleurs dans la prose l’emploi du verbe plaier (‛provoquer une blessure’) : et ses gens navrés et playés a tous costés (O, chap. CXVI, fol. 124va). Retour au texte

39 O, chap. XXXIX, fol. 42vb. Cf. aussi : il ne failloit point de le ochir ou mehaignier (O, chap. XXI, fol. 23va). Retour au texte

40 O, chap. LXV, fol. 77rb. Retour au texte

41 O, chap. LXXII, fol. 83rb ; fol. 83va) ; cet extrait remanie largement le v. 9256 de la source : Et son lÿon aussi maint y en estrangla. (FO, t. 1, p. 298), ainsi que les v. 9313-9322 et 9350-9352 (FO, t. 1, p. 300-301). On trouve plus loin un autre emploi de mehaigner ajouté par le prosateur : et en ochist et mehaigna plus de .vi., dont la n’y ot plus homme sy hardy quy l’ozast approchier. (O, chap. LVIII, fol. 67ra). Retour au texte

42 O, chap. XXXV, fol. 37vb. Retour au texte

43 et le lyon, quy de prés le sievoit, l’ot tantost devoré (O, chap. XLVIII, fol. 57rb) ; Le lyon, quy prés de son maistre estoit, sailly dessus qu’y l’ot tost devouré. Octovyen vint aux deux aultres et raconsievy l’un sy grant cop qu’il couvint qu’il tombast par terre et fu par le lyon tantost devouré. (O, chap. LX, fol. 70va). Retour au texte

44 O, chap. XX, fol. 22va. Othovyen, lui aussi, semble agir au combat sous l’effet d’un sortilège : Octovyen et son lyon y faisoient tel discipline que la ou ilz arivoyent, ilz les faisoient resortir, car quy vous vouldroit dire ou raconter les merveilles que Octovyen y faisoit, pas ne dyriés qu’il fust home mortel, ains dyriés plus tost qu’il fust homme faé. (O, chap. LXV, fol. 77vb). Dans la source, le personnage est déjà comparé à une puissance diabolique : Othovïen aussi qui maint en rue juz / Et son lÿon aussi asprement leur court sus / Qu’il semble que ce soit ung grant deable cornuz. (FO, t. 1, v. 8555-8557). Retour au texte

45 O, chap. 226, fol. 209va. Retour au texte

46 FO, t. 1, v. 2379-2380. Retour au texte

47 O, chap. XXIV, fol. 25va. Retour au texte

48 Fr. Godefroy, Dictionnaire de l’ancienne langue française et de tous ses dialectes du ixe au xve siècle, 10 vol., Genève, Paris, Slatkine, 1982 (éd. orig. Paris, 1881-1902), t. 2, col. 47b. Retour au texte

49 Il ot le vis enflé, plus vermoel que garence, / Demi le cors perdu, s’ot enflee la pance, / Contrez iert devenus, s’aloit a la potance. […] Makaires ot le cors dolereus et frarin, / Il ot le ventre groz asez plus d’un roncin, / Demi le cors perdu […] Mout estoit a messaize, s’ot le cors enfremin. (FR, t. 2, v. 5840-5842 et v. 5849-5853). Retour au texte

50 O, chap. 262, fol. 241ra. Retour au texte

51 O, chap. 263, fol. 242rb. Retour au texte

52 Il estoit si enflez a pou qu’il ne crevoit, / De poacre et de liepre li vis li reluisoit, / S’estoit si depeciez que degiet resembloit. / Makaire s’i estoit o le cors maleoit, / Il iert envenimez, toz jors de soif moroit. (FR, t. 2, v. 5985-5989). Retour au texte

53 Palezin l’ot feru, tot le cors li sorprent, / La boche li ot torse, tuit li perent li dent, / De la moitié de soi ne pot fere niant, / Contrez iert devenuz, mout avoit marremant, / A dous batons aloit, ne pooit autrement. (FR, t. 2, v. 6026-6030). Retour au texte

54 O, chap. 264, fol. 242vb. Retour au texte

55 FO, t. 2, v. 5982. Retour au texte

56 O, chap. 263, fol. 242ra. Retour au texte

57 O, chap. 261, fol. 240rb-va. Retour au texte

58 Deus a desus son cors si grant flael gité, / De liepre et de poacre l’a si forment grevé, / Ne pot avoir s’alaine, le nez ot estopé / Et le front depecié et le vis boceré, / Les jambes avoit grosses et li pié sont crevé. (FR, t. 2, v. 5797-5801). Retour au texte

59 FR, t. 1, v. 2593-2595. Retour au texte

60 O, chap. 218, fol. 201rb-201vb. Retour au texte

61 Quant Flourenche pierchurent, qui telz draps ot viestis (FR, t. 1, v. 2811). Retour au texte

62 O, chap. 220, fol. 204vb. Retour au texte

63 O, chap. 219, fol. 202va. Retour au texte

64 FR, t. 1, v. 2660. Retour au texte

65 On peut signaler également le redoublement à quelques chapitres d’intervalle d’une expression similaire : sy le fery du plat de l’espee sur les espaulles sy grant cop que il fist la belle baissier sur le col de son pallefroy (O, chap. 214, fol. 199ra) ; Alors Milon, du plat de son espee, luy donna tant de cops que par pluiseurs foys le faisoit abaissier sur l’archon de la selle. (O, chap. 218, fol. 201va). Retour au texte

66 O, chap. 215, fol. 199va ; Cf. la source, par contraste : Et quant Milles l’oÿ, qui le coer ot renart, / De bien battre Flourence n’ot point le coer couart. […] Or s’en va li glous Milles par my le bos plainnier. (FR, t. 1, v. 2452-2456). Retour au texte

67 O, chap. 219, fol. 203va-vb. Retour au texte

68 Lors le fiert et refiert, prist soy a aÿrer, / Si le va par les tresches par my le bos traynner. / Li cheviaus de son chief sambloient d’or tout cler, / Con penne de paon les fist estincheler. […] A un arbre est venus et puis le fist cliner / Les biaus cheviaus Flourenche y va les glous nouer. (FR, t. 1, v. 2734-2737 et v. 2743-2744). Retour au texte

69 O, chap. 237, fol. 218va ; fol. 218vb. Cf., par comparaison : Et Flourence crioit trestoute eschievelee ; Adont fu la puchielle moult laidement tiree, / Em pur son pelichon trestoutte eschevelee / Fu mise en unne tour, qui fu grande et quaree (FR, t. 1, v. 3668 ; v. 3682-3684). Retour au texte

70 O, chap. IX, fol. 8rb. Cf. la source, par contraste : Adonc a comandé bien hault affin qu’om l’oye, / C’om maine tost la dame en prison et comvoye. (FO, t. 1, v. 524-525). Retour au texte

71 FR, t. 1, v. 857-862. Retour au texte

72 O, chap. 183, fol. 174va. Retour au texte

73 On peut relever également la menace préalable de l’émissaire de Garsille : Et se chose est que sy hardys soyez d’atendre, il vous prendera par force et vostre fille que tant amez, puis vous fera morir et vostre fille livrer a perdiction (O, chap. 176, fol. 170rb) ; cf. par contraste l’extrait équivalent dans la source : Ou vous voeilliés ou non, je vous di sans fausser, / Il avera vo fille a mouillier et a per. (FR, t. 1, v. 583-584). Retour au texte

74 FR, t. 1, v. 936-941. Retour au texte

75 O, chap. 166, fol. 164vb-165ra. Retour au texte

76 Histoire des seigneurs de Gavre, éd. R. Stuip, Paris, Champion, 1993 (Bibliothèque du xve siècle, 53), p. 90 (chap. 32, l. 19-25). Retour au texte

77 Cf. M. Marchal, « La mise en prose bourguignonne de Florence de Rome : de la chanson de geste à la vraye hystore », dans La Littérature française à la croisée des littératures européennes. Actes du VIe Colloque de l’AIEMF, Turin, Università degli Studi di Torino, 28 septembre-1er octobre 2016, Le Moyen Français (sous presse). Retour au texte

78 Cf. selonc ce que j’ay trouvé en ung livre en ryme dont je ne sçay le nom de l’acteur (O, prologue, fol. 1va-1vb). Retour au texte

79 O, prologue, fol. 1va. Retour au texte

Citer cet article

Référence papier

Matthieu Marchal, « Violence et cruauté dans la mise en prose bourguignonne d’Othovyen », Bien Dire et Bien Aprandre, 34 | 2019, 61-76.

Référence électronique

Matthieu Marchal, « Violence et cruauté dans la mise en prose bourguignonne d’Othovyen », Bien Dire et Bien Aprandre [En ligne], 34 | 2019, mis en ligne le 01 mars 2022, consulté le 19 mai 2024. URL : http://www.peren-revues.fr/bien-dire-et-bien-aprandre/583

Auteur

Matthieu Marchal

Université de Lille, EA 1061 – ALITHILA – Analyses Littéraires et Histoire de la Langue, F-59000 Lille, France

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