Alexandre et les poètes, ou le lyrisme dans le roman épique médiéval : le Restor du Paon et le Parfait du Paon

DOI : 10.54563/bdba.935

p. 49-70

Texte

À travers l’imposant cycle qui, du xiie au xive siècle, se construit autour de la figure d’Alexandre1, je voudrais m’interroger sur la présence de poètes et de musiciens dans une catégorie de romans où on les attend a priori peu, les romans épiques, des récits hybrides aux frontières de la chanson de geste et du roman, car, composés en laisses, ils concilient la célébration épique d’exploits guerriers contre des Orientaux avec la narration d’aventures romanesques. De marginal dans les Romans d’Alexandre du xiie siècle, le rôle de la poésie et de la musique devient en effet central avec le Cycle du Paon, au xive siècle, et surtout dans les deux continuations que Jean le Court dit Brisebarre et Jean de le Mote apportent aux Vœux du Paon de Jacques de Longuyon. Dans le Parfait du Paon, Jean de le Mote nous montre ainsi la métamorphose inattendue d’Alexandre en poète et cite la ballade qu’il aurait composée, ainsi que celles de ses amis. Le roi antique est alors intégré à une cour d’amour et prend part à un concours de poésies qui pouvait évoquer les puys du Nord de la France.

Au xiie siècle, Alexandre de Paris a beau célébrer Alexandre comme une figure de la totalité, il ne lui prête pas le moindre talent poétique. L’insistance sur son éducation savante s’accompagne même de l’effacement de la musique et de l’art de parler aux dames qu’évoquaient le poème d’Albéric et l’Alexandre décasyllabique :

Li rois Felipes quist a l’enfant dotors :
De tote Grece eslut li .vii. meillors.
Cil li apristrent des estoiles les cors,
Del firmament les sovrans raisons,
Les set planetes e les signes auçors,
De nigromance e d’enchanter les flors,
D’escas, de tables, d’esparviers e d’astors,
Parler a dames cortoisement d’amors,
(Alexandre décasyllabique, version du manuscrit de Venise2)

Li quarz lo duyst corda toccar
Et rotta et leyra clar sonar
Et en toz tons corda temprar,
Per se medips cant ad levar ; (Albéric3)

Alexandre de Paris connaît pourtant les idéaux courtois au sens large du terme, comme le montre son portrait d’Olympias, la reine « preus et de grant cortoisie » (br. I, v. 153), qui récompense les faits d’armes des chevaliers et qui « aime rote, harpe et viële et gigue et simphonie / et les autres estrumens o douce melodie » (vv. 155-156)4. Une réinterprétation de l’épisode de la destruction de Thèbes lui permet aussi de glorifier une figure de poète-harpiste5. Le roi grec donne en effet la cité à un musicien et la reconstruit en sa faveur, parce qu’il a été sensible à ses lais (br. I, ll. 125-128). Jamais ensuite ne lui est néanmoins attribuée la volonté de s’entourer de poètes, de jongleurs ou de ménestrels6. Jamais n’apparaît une fascination pour la littérature et ses pouvoirs qu’on pourrait par exemple comparer à celle qu’éprouve l’empereur Conrad dans le Roman de la Rose ou de Guillaume de Dole de Jean Renart7. Son goût pour la poésie épique et l’Iliade, pour les poèmes de Pindare, qu’évoquaient des auteurs antiques, ne trouve pas d’écho, pas davantage que le regret célèbre qu’il aurait formulé de ne pas disposer d’un Homère pour célébrer ses hauts faits8.

Dans la branche III, si la version que donne Alexandre de Paris de la conquête des Amazones promeut les valeurs de l’amour courtois et du chant, c’est dans un épisode secondaire, celui des idylles des deux lieutenants grecs Clin et Aristé (ll. 425-451). L’interprétation d’un lai par les deux Amazones qui viennent à la rencontre des Grecs appartient à leur stratégie de séduction : elles chantent une « chançon o son de grant douçor » (v. 7452), « a haute vois la dïent andeus et a un ton » (v. 7465). Le lai lyrique n’est pas cité, mais son contenu fait l’objet d’un résumé précis : c’est l’histoire de Narcisse, relatée jusqu’à sa métamorphose en fleur, car Alexandre de Paris est ici plus fidèle à Ovide que l’auteur du Lai de Narcisse. Loin d’être arbitraire ou simplement ornementale, l’interprétation du lai entre en résonance directe avec l’intrigue romanesque. Le poème chanté par les deux Orientales sur une figure mythique de l’Autre, un Autre masculin, révèle une part de leur propre identité et peut-être un début de prise de conscience qui va les conduire à un changement. En effet, le sort de Narcisse est celui qui menace les deux Amazones, dont l’une s’appelle d’ailleurs Floré, et qu’elles déjouent en accédant à l’amour pour les chevaliers grecs. Leur transformation en dames courtoises inverse donc celle de Narcisse en fleur. Contrairement aussi aux filles-fleurs que le roi a déjà rencontrées, qui ne chantent pas et ne peuvent échapper à leur statut ontologique hybride (br. III, ll. 189-200), elles rejoignent et intègrent pleinement le monde des humains grâce à l’amour pour un autre et au mariage. La célébration des pouvoirs du chant puis d’un amour courtois reste néanmoins extérieure au personnage d’Alexandre, puisque la même aventure ne se répète pas entre lui et la reine des Amazones, tous deux prisonniers de leur appétit de pouvoir et de leur solitude. Selon Alexandre de Paris, deux des traits essentiels du roi antique sont en effet son insensibilité à autrui et son orgueil, qui le rapprochent de Narcisse : ce qui bien sûr expliquerait l’absence de l’idéal de la « fin’ amor » et de la poésie courtoise, même dans ses rares aventures féminines, notamment celle qui l’unit à la reine Candace (br. III, ll. 246-270). Dans le Roman d’Alexandre de Thomas de Kent, au moment de l’arrivée d’Alexandre, cette reine éthiopienne écoute « vieler et harper un nouvel son » sur l’amour de Didon pour Énée puis sur son suicide, comme si l’intrigue du Roman d’Eneas avait été mise en « chançon » (l. 514). Le poème semble alors annoncer le caractère éphémère de la liaison amoureuse, bien que Candace n’en soit pas l’interprète comme Iseut l’est du « lai de Guirun » dans le Roman de Thomas et qu’elle déjoue ensuite à merveille le sort tragique de Didon9.

On pourrait aussi penser que l’importance extrême accordée aux exploits guerriers et le choix de la diction des chansons de geste, le découpage du récit en laisses, étaient d’emblée peu compatibles avec une exploitation et une mise en valeur de la poésie et du chant courtois. Pourtant, des figures originales de poète et de musicien constituent les héros principaux de romans épiques contemporains. Une œuvre anglo-normande des années 1170, elle aussi composée en laisses de chansons de geste, le Roman de Horn d’un dénommé Thomas, célèbre ainsi les talents de musicien de son héros, alors que des guerres contre des Orientaux assimilés à des Sarrasins constituent le fil conducteur de l’intrigue. L’auteur évoque longuement l’interprétation à la harpe par Horn d’un lai qui célèbre ses amours : la scène prouve alors son exemplarité amoureuse, tout en ayant des implications narratives, puisqu’elle précipite les retrouvailles des amants (ll. 134-137)10. À la fin du xiie siècle, la continuation de Partonopeus de Blois a aussi pour originalité un passage des octosyllabes romanesques à la diction épique des laisses en alexandrins. Or, c’est justement là que son héros, le sultan de Perse, accède à la création poétique, lui aussi par amour. En outre, l’auteur cite ses poèmes, témoignant ainsi d’insertions lyriques qui seraient antérieures à celle du Roman de la Rose de Jean Renart, même si la poésie est alors séparée du chant et de la musique, car adressée sous forme de lettres à la dame11.

Alors que poètes et musiciens se multiplient dans les romans du xiiie siècle et que le cycle sur Alexandre continue à s’édifier comme une somme des potentialités du roman médiéval, l’obstacle majeur à l’entrée de la poésie lyrique viendrait donc avant tout de l’inaptitude à l’amour qui ne cesse d’être attribuée au personnage. Un seul récit conteste cette insensibilité, mais il reste extérieur au cycle en laisses épiques et émane d’intentions polémiques : le Lai d’Aristote, qui, jusqu’alors attribué à Henri d’Andeli, serait en réalité l’œuvre d’Henri de Valenciennes12. L’enjeu majeur de ce dit, la mise en cause de l’autorité d’Aristote, découle en effet du portrait d’un Alexandre amoureux. Le roi de Grèce, après avoir conquis l’Inde, s’est soumis au pouvoir d’Amour, incarné en une belle Indienne : devenu un « fins amis » (v. 100), il néglige un temps ses devoirs politiques pour se consacrer au service exclusif de sa dame et obéir à « ce qu’Amors commande a fin amant » (v. 140). S’ensuivent les reproches de ses hommes jaloux et les réprimandes d’Aristote. Un dilemme déchire Alexandre, jusqu’à ce qu’il décide de donner la victoire à Amour et privilégie en lui la « volenté de fin ami », comme il l’affirme lui-même (vv. 236-238). L’amour courtois triomphe alors de contraintes politiques discutables, puisque les chevaliers ne réclament que des biens matériels et des fêtes. La jeune femme qui, on le sait, décide de le venger en dépouillant Aristote de sa sagesse de clerc, utilise toutes les ressources du charme féminin pour éveiller le désir charnel du philosophe avant de le transformer en bête de somme et de lui infliger une humiliation publique cinglante.

Quatre strophes de poésies lyriques s’enchâssent dans le récit de la scène de séduction et y jouent un rôle narratif essentiel : l’Indienne interprète en effet trois rondets de carole, ainsi qu’un couplet de chanson de toile selon les termes de l’auteur (vv. 278-517 ; v. 381 « chançon de toile »)13. Alexandre, en position de voyeur et d’auditeur, succombe lui aussi à la beauté de sa voix (v. 313). L’importance accordée au lyrisme de mai et à la célébration chantée d’un amour libre et sensuel, qui rappelle par ailleurs de nombreuses scènes du Roman de la Rose ou de Guillaume de Dole de Jean Renart, est l’un des éléments essentiels du piège tendu à Aristote. Des correspondances étroites relient la scène du lever de l’Indienne, de son entrée dans le verger, puis de sa confection d’un chapelet de fleurs et de ses danses, aux cycles lyriques de rondeaux sur le thème de la Belle Aelis ou de La jus desoz la raime, ainsi qu’aux fêtes de mai et à l’élection d’une reine de mai14, bien que l’amour d’Alexandre pour l’Indienne soit par ailleurs assimilé à la « fin’amor ».

Au-delà de la polémique contre Aristote, Henri de Valenciennes semble aussi défendre le droit d’un roi à la passion amoureuse, même s’il ne donne pas à Alexandre une identité de poète. La brièveté du lai et l’absence de configuration d’une longue durée romanesque lui permettent de supposer, sans avoir vraiment à la montrer, la compatibilité des devoirs d’Amour avec ceux de l’exercice du pouvoir royal, d’autant que, dans l’intrigue, seuls les médisants se posent la question de la « récréantise » d’Alexandre.

Au début du xive siècle, les auteurs du Cycle du Paon, toujours fidèles à la facture épique des laisses, inventent de toutes pièces de nouvelles aventures d’Alexandre en Asie mineure, en exploitant alternativement traditions épiques et traditions courtoises. Leurs principales innovations apparaissent dans les séquences d’inspiration romanesque, car elles privilégient le discours amoureux à travers la peinture de cours d’amour. Néanmoins, la voie initiée par Henri de Valenciennes n’est pas prolongée, car ils ne transforment pas Alexandre en un amant courtois.

Les Vœux du Paon de Jacques de Longuyon relatent ainsi comment Alexandre défend les enfants de Gadiffer de Larris, le seigneur d’Éphèse tué par Émenidus pendant le fourrage de Gadres, contre le roi de l’Inde, Clarus, un tyran luxurieux, puis comment il noue une amitié avec les héritiers de l’Inde, de la Perse et de l’empire de Bagdad. Dans l’espace clos de la chambre de Vénus et à l’instigation du vieillard Cassamus, l’organisation de jeux de société contribue à la naissance du sentiment amoureux et à la formation de trois couples : si la partie du jeu du « Roi qui ne ment » et celle du jeu d’échecs révèlent un art de la conversation courtoise très maîtrisé, elles ne donnent lieu à aucune insertion lyrique. Enfin, Alexandre lui-même ne participe encore que très peu à cette vie de cour exemplaire, car il ne séjourne pas longuement dans la cité et ne s’éprend d’aucune des demoiselles15. En revanche, avec les continuateurs de Jacques de Longuyon, Jean le Court dit Brisebarre et Jean de le Mote, le roi revient au premier plan, tandis que la parole amoureuse se déploie sous des formes nouvelles, dont la poésie lyrique courtoise16.

Le Restor du Paon de Jean le Court repose sur un assemblage a priori arbitraire, celui d’un récit rétrospectif sur la première rencontre entre Alexandre et Éménidus, et d’une longue évocation de la commémoration des voeux du paon, à travers la commande par Édée d’une magnifique pièce d’orfèvrerie qui « restaure » le paon du banquet de Jacques de Longuyon. Le retour au passé propose deux portraits inattendus : Alexandre en jeune homme impatient de prendre épouse et Éménidus en brigand au grand cœur. Rien ne rapproche alors le roi macédonien du modèle de l’amant courtois, car, épris de la fille du calife de Bagdad, il s’en remet à un magicien inquiétant qui lui promet d’enlever la princesse après l’avoir ensorcelée. Les pouvoirs occultes montrent leur pleine efficacité, mais l’enchanteur tente de violer la jeune femme qui est sauvée par Éménidus, chef d’une bande de brigands, dont elle s’éprend avant qu’il ne la donne à Alexandre. L’aventure féminine, après avoir montré une nouvelle fois qu’Alexandre reste étranger aux valeurs courtoises, contraste avec la fête du « Restor du Paon », dont le récit suit sans transition. La maîtresse d’œuvre, Édée, associe en effet la commémoration des vœux à une célébration des vertus de la « fin’amor ». Le roman promeut alors une parole féminine sur les liens de l’amour courtois avec la prouesse, car l’héroïne exprime le désir que le sentiment amoureux devienne l’origine exclusive des exploits chevaleresques. Le travail de la mémoire s’accompagne ainsi d’une réinvention du passé selon le désir féminin, puisque l’amour n’avait pas été la seule source d’inspiration des guerriers dans les Vœux. Édée transforme le paon en une « relique noble et esmerveillans » (v. 1165), une relique amoureuse et non plus guerrière, conformément au désir de paix qui anime tous les personnages féminins de l’œuvre. Son discours se déroule ainsi sur plusieurs laisses au point de former un poème allégorique sur l’amour courtois : elle décrit le paon, en énumérant les pierres et les métaux précieux exploités par les orfèvres, puis les parties du corps de l’animal, pour expliciter minutieusement leur « senefiance » amoureuse, établir des correspondances avec les vertus que doit posséder tout amant courtois (vv. 1164-1305).

Le débat qui s’ensuit, pour élire celui ou celle qui a prononcé le meilleur des vœux et l’a réalisé à la perfection, révèle au contraire l’incapacité de l’assemblée à déterminer un critère d’excellence, à choisir entre la seule efficacité guerrière et la force du sentiment amoureux et donc à établir des liens harmonieux entre amour et prouesse. C’est Alexandre qui a proposé le débat et le dirige, mais il avoue son désarroi (l. 62). S’il ne sait pas trancher, c’est peut-être avant tout parce qu’il ne s’est jamais initié au code courtois et ne peut comprendre ses partisans. Son hésitation trahit néanmoins un début d’ouverture à des valeurs qui lui étaient jusqu’alors inconnues, car il refuse d’assurer le triomphe aux admirateurs d’une démesure guerrière qui n’aurait aucun lien avec l’amour. Il ordonne finalement l’inscription de chaque vœu sur une feuille et décide de procéder à un tirage au sort. Or le feuillet qui est alors choisi a été mystérieusement ajouté par les dieux et c’est celui d’un mort, Cassamus, le vieil homme des Vœux du Paon, le metteur en scène des échanges courtois dans la chambre de Vénus, celui qui avait encouragé la naissance de liens amoureux, dans l’espoir de mettre leur force au service de la paix.

La scène révèle aussi la contestation d’un personnage anonyme et mystérieux auquel plusieurs interventions sont concédées : le « roi des menestreus ». L’éditeur du Restor identifie ces « menestreus » aux artisans qui ont réalisé le paon. Mais pour désigner ces derniers, l’auteur a toujours utilisé les termes « orfevres » et « maistres » et il n’a jamais été question d’un roi. Le « roi des menestreus » est alors plus vraisemblablement un poète-musicien, attaché à la cour d’Éphèse, le titre de roi renvoyant implicitement à l’organisation d’un puy ou d’une confrérie dans le contexte du xive siècle. Or ce roi tient un discours qui peut surprendre, d’autant que le rapide portrait que l’auteur dresse de lui met d’emblée en cause la légitimité de sa parole :

Quant li fiex Phelippon ot sa volenté dite,
(Li rices rois des Griex qui nul bien ne despite,)
Li roys de menestreus qui les autres aquite,
Se leva en estant par dessus le carpite.
Par grant aage avoit face pale et afflite,
(Barbe blanche et chenue et pas n’estoit petite.)
L’un jour faisoit le fol et l’endemain l’ermite,
(Et comme nains bochus et com contrais habite,
Les preus claime coars, l’un wihot, l’autre herite.)
Ensi que son voloir pour plaire li endite,
De parler s’apresta car chascun li encite. (vv. 1522-32)

Tout en déclarant que les guerriers ne sont jamais de bons juges de leurs actes, le roi des ménestrels défend la prouesse avec une restriction : les exploits chevaleresques qu’il exalte, ce sont ceux que les chevaliers accomplissent pendant les jeux des tournois, et non durant les guerres. Surtout, il n’intègre pas l’amour dans son échelle de valeurs, malgré ce qu’il dit au vers 1547, car il choisit d’élire Gadiffer, que la passion n’inspirait pas lorsqu’il avait juré de tuer Clarvus :

« Sire, dist li varlés, par tous les Diex d’Egipte,
L’ordre des armes ai en mon cuer bien escripte,
De joustes, de tournois, en quoi on se delite,
Ai veü donner le pris d’aucune chose eslite
Mais de guerre morteus qui est en sanc confite,
De quoi la mieudre gens est conquise et adite,
Requise par irreur, par eür desconfite,
Poi en voi donner pris. Mais ele est bien descripte
Entre les biens parlans ou souvent est redite
La proesce des preus. Se la chose est mal dite,
Repris soie a vo gré, ja n’en quic prendre arbitre. »
« Seigneur, ce dist li roys de heraus, c’est tout cler,
Que de guerre mortel voi poi le pris donner,
Mais nus ne doit ces jeus a autres comparer.
Finne amours et reviaus fisent les veus voer.
Desirriers de valoir, les fisent achiever
Et quant il plaist as Diex qu’en joie puet finner,
Nus ne doit le moien fors qu’en joie conter.
Et pour endroit de moy le pris miex assener,
Le doins a Gadifer qui est gentis et ber. (vv. 1533-52)

Dans cette laisse, on constate qu’il est aussi appelé « roys de heraus ». Ce personnage serait donc un illustre héraut d’armes et sa présence signalerait le rôle grandissant de ces officiers dans l’organisation des tournois et des fêtes :

Les officiers d’armes constituent une organisation professionnelle avec sa propre hiérarchie : le poursuivant, le héraut, le roi des hérauts ou le roi d’armes. C’est Jacques Bretel qui nous donne le premier le nom de quelques rois des hérauts […] Dans le Tournoi de Chauvency, les hérauts ont des noms ordinaires – Martin, Garnier, Wauterel- ou des noms qui les rapprochent plutôt des jongleurs et des ménestrels – Sotin, Coquasse, Mausparliers, Baptisiéz- quand ils ne sont pas désignés par leur pays d’origine (…)17.

Plus loin, il n’interprète jamais aucune œuvre poétique et l’auteur le contraint à disparaître du récit, après le rejet par Alexandre de son point de vue. On ignore s’il appartient au groupe de ménestrels qui intervient dans l’ultime scène festive. Cantonnés au seul rôle de musiciens, ces derniers accompagnent de leurs instruments la carole et le rondeau que chante l’une des dames courtoises, Éliot, tandis que l’assemblée reprend le refrain : « ainsi va qui amours demaine a son conmant » (v. 2531). Le poème se termine ainsi sur une citation lyrique, qui dans l’un des manuscrits est accompagnée de portées de musique avec les notes de la mélodie (vv. 2530-34)18. Mais l’interprétation du refrain par toute l’assemblée, si elle s’accorde avec la parole des femmes, semble en décalage par rapport aux idéaux qui animent Alexandre et la plupart des chevaliers, non initiés au code courtois. On aurait pu imaginer qu’en inventant un « roi des menestreus » l’auteur se serve de lui pour promouvoir le chant courtois, mais le personnage est étrangement introduit à contre-emploi, puis contesté, tandis que le dernier mot est donné à une héroïne qui, avec ses compagnes et par le chant, essaie de susciter l’adhésion des guerriers à l’idéal courtois. Le premier vers qu’elle interprète ressemble en outre à celui du dernier rondeau que chantait la jeune indienne à Aristote dans le Lai d’Aristote (« Ainsi va qui Amors maine », v. 465). Est-ce un hasard ou une fausse coïncidence ? Impossible de le savoir, mais on est tenté d’y lire un souvenir implicite du ridicule qui menace ceux qui refusent de s’ouvrir à la passion amoureuse : le clerc dans le Lai d’Aristote, les guerriers aveugles et le « roi des menestreus » dans le Restor. Les ménestrels sont contraints à accompagner une célébration de l’amour qui les écartent du rôle de poète épique et/ou de héraut d’armes que leur roi revendiquait. Ce n’est sans doute pas un hasard si les instruments mentionnés ne sont pas ceux qui accompagnent habituellement le chant amoureux, mais ceux de la guerre : « nacaires » (timbales), « tabours » et « trompes » (v. 2517, 2530) qui sont aussi des symboles de la poésie épique19. Les valeurs de l’épopée doivent s’incliner devant celles du chant amoureux. Le triomphe de l’inspiration courtoise sur le registre guerrier, c’est au reste ce que montre toute la seconde partie du Restor du Paon, qui ne relate aucun combat, qui substitue à l’immédiateté de la violence le discours et la distanciation que permet la réflexion, pour se refermer sur l’espoir de la fin des conflits grâce au triomphe de l’amour.

Avec le Parfait du Paon, Jean de le Mote dit Brisebarre apporte au Restor une continuation que, lui-même poète, il consacre en partie à la question de la création poétique et à la poésie courtoise. Il renoue néanmoins aussi avec les récits de guerre et même avec l’horreur épique la plus saisissante, si bien que les dissonances que cherchait à corriger l’auteur du Restor du Paon semblent retentir avec une force nouvelle. La grande innovation du Parfait du Paon, c’est une métamorphose momentanée d’Alexandre en poète courtois durant un concours de ballades. Originaire du Hainaut, travaillant pour l’orfèvre royal Simon de Lille, Jean de le Mote a sans doute dû participer à l’un des puys du Nord de la France20. Dans son poème allégorique Li regret Guillaume, qu’il compose en 1339 pour Philippa, fille du comte du Hainaut Guillaume et reine d’Angleterre, il se représente d’ailleurs lui-même en train de porter une chanson à un puy :

Singneur, jou qui ai fait ce livre
Dormoie une nuit a delivre
En mon lit u couciés estoie.
En dormant melancolioie
A une chançon amoureuse,
Et par samblance grascieuse
Dis k’a .i. puis le porteroie
Pour couronner, se je pooie. (vv. 97-104)21

Le Parfait du Paon dessine alors l’image littéraire du fonctionnement d’un puy qui serait dirigé par des femmes et soumettrait à leur jugement le discours masculin sur l’amour, qu’il se présente ou non sous une forme poétique.

Le récit commence avec une reprise inversée de la situation des Vœux du Paon : les Grecs arrivent devant la ville de Mélide, non loin d’Éphèse, et ils apprennent que le roi Mélidus jure de se venger de la mort de son frère Clarvus et défie Alexandre. Trois des grands barons grecs, Éménidus, Tholomé et Clins, partis en fourrage, sont capturés et envoyés à l’intérieur de la cité, dans la chambre amoureuse du palais de Diane, alors que dans les Vœux du Paon, c’étaient les Orientaux Porrus, Marcien et Cassiel qui se retrouvaient prisonniers à Éphèse. Loin d’y essuyer une humiliation, ils s’éprennent d’emblée des filles de Mélidus, car la chambre « amoureuse et melancolïeuse » (vv. 395-396) encourage, voire suscite, la naissance du sentiment amoureux. L’une des jeunes femmes reste néanmoins sans ami. C’est Sagremore, la fille aînée de Mélidus, qui est aussi la maîtresse de la chambre et qui impose aux trois hommes l’épreuve du jeu-parti, même si à ce terme est préféré celui d’« argus » (v. 556) :

« Seigneurs, dit Sagremore, qui bien savoit resgnier,
A vous m’en atens dont et a Venus premier
Mes nulz ne doit ceenz entrer ne atargier
S’il ne veult contre moy argüer et plaidier
D’amour, d’espoir, d’avis, de loyal desirrier. » (vv. 475-479)

Après leur avoir proposé un sujet de casuistique amoureuse, elle les oblige à « argüer » et « plaidier » contre elle. L’« argus » est un test de vérité, qui permet de reconnaître le parfait amant et incite les autres à progresser. De surcroît, elle les oblige toujours à reconnaître la supériorité de son raisonnement, ce qui lui permet de formuler un petit « art d’aimer » au féminin. Le débat n’aboutit pas à des jeux-partis à proprement parler, puisqu’il n’est pas question de composition poétique, mais Jean de le Mote joue avec cette tradition littéraire à travers sa mise en dialogue, au cœur de l’intrigue romanesque (ll. 16-23). Seule la réponse d’Éménidus prouve d’emblée une sincère adhésion au code courtois (l. 16). Les deux autres chevaliers écoutent en revanche les remontrances de la jeune femme, qui réaffirme les exigences et le sublime de l’amour courtois, tout en redéfinissant le socle des vertus courtoises, lorsqu’elle interroge sur les qualités masculines qui séduisent les femmes et corrige le point de vue masculin.

Pendant la trêve, c’est-à-dire dans la parenthèse d’un hors-temps, Alexandre rejoint cet espace amoureux contrôlé par la volonté féminine. On pourrait pu imaginer qu’il devienne le quatrième amant en s’éprenant de Sagremore, mais à l’intérieur de la chambre « faee » (v. 964) qui a éveillé une sensibilité immédiate à l’amour dans le cœur de ses trois compagnons, il accède à la création poétique sans néanmoins s’ouvrir au sentiment amoureux. Sagremore ne lui impose pas l’épreuve du jeu-parti et, comme s’il était déjà un amant courtois, elle l’engage à chanter une ballade et à lancer un concours de poésies courtoises digne d’un puy (l. 30). Ce concours récompensera d’une précieuse couronne celui qui « plus fera d’oevre agencie, balade plus sentans, plus gaie et mieus puchie » (vv. 1008-10). Le second prix aura droit à un chapelet de fleurs. Le roi, qui avoue humblement son ignorance de l’art de la ballade et se donne comme surnom « Fol y bee » (v. 981), se voit donc contraint de chanter avant d’être amoureux, d’exprimer le sentiment avant de le ressentir. Il se prête de bonne grâce au jeu, suivi par ses trois compagnons prisonniers, alors que les autres Grecs refusent :

Lors escript Alixandres, pense et melancholie
Et chascuns et chascune y regarde et varie ;
Li uns gist, l’autre siet et li autres pietie.
Ainssi font leurs balades par plaisance envoisie ;
Qui la fust a ce don ne fust raison oÿe.
Ains escripsent entr’euls pensant chiere embronchie
Pour gaaignier l’onneur ou chascuns estudie,
Et quant li roys ot fait, ou tant ot courtoisie,
Il a parlé en haut et dist : « Or soit oÿe
La balade qu’ay fait car elle est diffinie. »
Lors quant le roy oÿrent celle noble mesnie
Seoir s’en sont alé ; le chambre ont veroullie.
Grans bans d’ivoire lons, ouvrés d’oevre polie,
D’ymages entailliez d’or fin et de pierrie
Ont en la chambre mis de chascune partie.
De coussins les couvrirent ou li ors reflambie
Et dames et pucelles et la bachelerie
S’assist malle et femelle. L’uevre i fu bien partie
Quar mainte dame i ot et de haute lignie
Qui servoient les .iiii. dont ma matere crie
Si que qui sot parler la pot bien faire amie.
Une chaiere assirent gracïeuse et jolie
Sur une riche table qui fu d’or entaillie.
La s’assist Alixandres, premiers a celle fie.
Buchiforas l’apelle devant la compaignie,
« Or ça, sire, fait il, vous jurés sans boidie
Par la foy que devés Venus et Dyanie
Que ceste balade est par vous faite et furnie
Et qu’aillieurs autres fois ne fu dicte n’oÿe ? »
« Non, respont Alixandres, s’amours me doit aÿe,
Vés ci ou je conmence ; oiés, je vous em prie. »

33
Alixandres escrivee

Puis que j’oi d’amer talent
Ma tresdouce dame france,
Je n’oy painne ne turment,
Mes si joieuse plaisance
Et si haute souffissance
Qu’adés dames deboinaire
Servirai ou que je soie,
Car ce me plaist et doit plaire ;
Ne miex vivre ne porroie.

J’en ay joieus sentement,
J’en ai des bons cognoissance,
J’en vis amoureusement,
J’en cognois douce esperance,
J’en preng peuture et sustance,
J’en sui esquiex de contraire ;
Dont je sivrray ceste voie
Quar ce me plaist et doit plaire ;
Ne miex vivre ne porroie.

Dame a franc cuer excellent
Aournee d’attemprance,
Cuer, corps, penser plainement,
Avis, espoir, desirance
Met en vostre bien voeillance ;
Tous sui pour vo plaisir faire
Douce dame simple et coie,
Quar ce me plaist et doit plaire ;
Ne miex faire ne porroie. (vv. 1021-79)

Suivent sept autres ballades, toutes citées entièrement, avec une alternance de ballades féminines et de ballades masculines (ll. 34-49). Les trois couples déjà formés exploitent la poésie afin de formuler leur déclaration amoureuse et aussi, pour les jeunes femmes, de répondre aux discours masculins des jeux-partis précédents. Les liens entre composition poétique et sentiment amoureux ne cessent alors d’être soulignés, par opposition à la sécheresse de cœur d’Alexandre, qui a eu beau « penser et melancholier » pendant l’écriture de sa ballade, n’en a ressenti aucun émoi. Avec son personnage et lui seul est rompue l’équivalence entre aimer et chanter que répétaient inlassablement les trouvères et que reprennent les poètes du xive siècle22. Éménidus confirme sa supériorité en composant et en chantant son poème « de sentement » (v. 1143), par amour. Du jeu-parti à la ballade se manifeste aussi la progression de Tholomé et de Clin, qui respectent désormais l’éthique courtoise. Alexandre reconnaît lui-même que la ballade de Préamuse suscite une émotion, car elle vient du cœur : « la balade fut faite de dame enamouree » (v. 1214).

Sagremore, quant à elle, refuse d’abord de chanter, non parce qu’elle ignore le désir – elle s’est au contraire proclamée la détentrice de la vérité amoureuse, en vertu d’une expérience passée douloureuse –, mais parce qu’elle n’a plus d’ami attitré et redoute de se perdre jusqu’à la mort si elle s’abandonne à son inclination pour Éménidus, déjà épris de sa sœur (vv. 1220-25).

La réunion des quatre couples de poètes-chanteurs laisse alors attendre qu’Alexandre déclare sa flamme à Sagremore, mais le roi se contente de lui donner pour époux Lyone, l’un des Grecs qui a refusé de participer au concours et prouvé sa méconnaissance des valeurs courtoises et qu’il ne lui recommande d’ailleurs que pour sa prouesse. Comme si la cristallisation amoureuse opérait immédiatement et que l’identité de l’amant comptait finalement peu devant la force du désir, la jeune femme accepte aussitôt, bien qu’elle ait jusqu’alors incarné une forme d’indépendance et d’émancipation. Elle ne consent ainsi à chanter que lorsqu’elle peut s’adresser à un Autre : la poésie non seulement s’inspire d’un sentiment éprouvé, mais aurait besoin d’un interlocuteur consentant (ll. 41-42).

Au roi madédonien, que tous révèrent comme la figure même de l’explorateur – les sculptures de la chambre commémorent le souvenir de son ascension céleste et de son voyage sous les mers –, la découverte d’un domaine qui lui restait inconnu, le domaine poétique, n’inspire donc aucun sentiment nouveau. L’auteur ne s’inscrit pas dans la lignée des récits qui présentent un héros insensible pour ensuite relater son ouverture à l’amour. Rappelons que dans le Roman de la Rose de Jean Renart, cette initiation s’accomplit par le biais de la littérature : l’empereur Conrad s’éprend en effet de Lienor en écoutant le conte de son ménestrel Jouglet, puis il s’initie à la « fin’amor » en interprétant des chansons de trouvère avant d’accéder lui-même à la création poétique.

Toutes les ballades sont ensuite « notee(s) » et « escripte(s) » (v. 1371), car comme l’affirme Buciforas, « Balade vault trop peu quant elle n’est chantee » (v. 1211). Les poètes ont en effet tous chanté, sans accompagnement de musique, sans la présence de ménestrels professionnels. Ils ne jouent eux-mêmes d’aucun instrument, mais savent écrire les notes de la mélodie qu’ils ont inventée23. Après le retrait des poètes, la lecture répétée des ballades – dix lectures pour chacune – est suivie d’un débat (ll. 49-50). Alexandre y reçoit le second prix, la couronne de fleurs, en récompense de son parfait respect des règles poétiques en vigueur, dont l’origine n’est pas évoquée. Alors que des redites ou des chevilles sont reprochées aux autres ballades (« redicte en sens », « un genoul », « un pilier pour nient qui mal i va seant »), la sienne est jugée « de vicez nette » et elle « va moult bien servant » (v. 1418). Mais le jury considère aussi qu’« il ne reva point tres hautement parlant » (v. 1419). Son incapacité à atteindre le sublime s’explique sans doute parce qu’il s’initie à la création poétique sous la contrainte, que la joie qu’il exprime ne relève que de l’artifice, de la convention.

Le premier prix, c’est finalement Clarete qui le reçoit, sans que cette supériorité féminine soit vraiment expliquée. La jeune fille compose en effet sa ballade moins pour exprimer ses propres sentiments que pour célébrer la noble compagnie qu’ils forment tous et le refrain, « Amours, amé, amant, amie, amee » (v. 1355), est particulièrement apprécié du jury (ll. 49-51). Voici une partie de la scène, tout à fait originale, de critique littéraire :

Et cil qui remez furent en la chambre honnouree
S’assirent a conseil et mettent leur pensee
Pour savoir auquel d’yaus l’onnour seroit donnee.
Cascune des balades fu assez regardee,
Lute plus de .x. fois et bien consideree ;
Moult grant descort i ot au jugier et meslee.
Li uns voelt la Dan Clin qu’elle soit coronnee,
Li secons Tholomer en donne sa dictee,
Li tiers Aymelidon et li quars au roy bee,
Li quins a Preamuse, li autres le devee ;
A Saygremore aprés voeullent que soit livree.
Li sept dist, « Preamuse au mains soit estrivee. »
« Mais Clarete, dist l’autres, en ait l’onneur portee
Qui parlé a d’amours, d’amé, d’amant, d’amee.
C’est li meillieur balade qui fust hui recordee. »
« C’est voirs, font li aucun, et c’est la mix ouvree. »

Seigneur, dist Aristez, n’alons point tort faisant !
Vez ci la balade Dan Clin le combatant
Qui est bonne et bien faicte, ne la vois deprisant,
Mez ci ou secont ver a il .i. faus ronmant.
Et en la Tholomer que vez ci ensuivant
Une redicte en sens y est, je vous creant.
En l’Aymon .i. genoul, alés le bien lisant ;
Ce n’est riens qui ne va les vices espluchant.
La balade Alixandre que leüsmez devant
Elle est de vicez nette et va moult bien servant,
Mes il ne reva point tres hautement parlant,
Mes c’est celle des hommes ou m’iroie acordant.
Vez ci Deromadaire qui un poi va vantant,
Et Saigremore dist qu’elle a nouvel amant,
Li mot ne sont pas haut mes il sont bien plaisant.
Et Preamuse aussi en ce ver ci devant
A .i. piler pour nient qui mal i va seant,
Si qu’a verité dire, par les dix d’Abilant,
S’on donnoit pour honneur, royaume, ou terre grant
Si le doit bien avoir Clarete au cuer sachant. »
« Certes, fait lors chascuns et chascune en riant,
Je croy que vos avis ne va point variant.
Or le couronnons donques car il est bien seant
Et donnons le chapel Alixandre le grant. »
(ll. 49-50, vv. 1393-1432)

M.-R. Jung a analysé l’originalité des formes de ballades que Jean de le Mote a inventées, sans lien avec la musique, et c’est en les étudiant conjointement aux ballades de Jean Acart dans la Prise amoureuse et à celles du Roman de la Dame a la licorne qu’il a montré que l’apparition de la ballade non chantée mais dite est bien attestée de 1332 jusqu’au milieu du xive siècle, soit vraisemblablement avant les premières ballades de Guillaume de Machaut :

Avec 42 pièces connues, le ménestrel Jean de le Mote est l’auteur le plus prolifique de ballades avant Guillaume de Machaut. Aucune de ses ballades ne nous est parvenue avec la musique […] C’est le ménestrel qui a été le premier inventeur de certaines nouvelles formes. Mais l’intérêt du concours de ballades du Parfait du Paon dépasse les questions de forme. En effet, dans le texte, un jury va délibérer sous la présidence d’Aristez, véritable Aristarque. Pour rencontrer des fautes dans les ballades, il faut bien qu’elles s’y trouvent. Et si elles le font, c’est parce que l’auteur Jean de le Mote les y a mises. Suprême astuce que de composer des ballades fautives. Le véritable Aristarque, c’est évidemment Jean de le Mote. Or les fautes ne concernent pas la musique, mais des aspects de la rhétorique, une fausse prononciation, une répétition inadmissible, une expression impropre du point de vue grammatical, une cheville, des problèmes de style ou d’attitude vis-à-vis de l’amour. Douglas Kelly a bien souligné l’importance de ces jugements portés sur le seul texte et sa constitution rhétorique. Jean de le Mote nous apprend, dès 1340, qu’on peut étudier la poésie des formes fixes ou en train de se fixer indépendamment de la musique24.

Après la remise des prix et l’épisode comique de la chambre qui tourne, le roman rompt brutalement avec la joie de la cérémonie courtoise. De nouveaux vœux arrogants sont prononcés devant le « restor » du paon, puis le récit des combats multiplie les scènes atroces de mutilation, de dépeçage des corps, qui s’enchaînent avec un accompagnement très sonore des instruments de musique militaire. La surenchère dans la violence verbale des vœux, puis dans la violence physique des combats apparaît alors comme une mise en échec du raffinement courtois face aux pulsions de mort des guerriers. Seul Mélidus note le passage de la poésie à la guerre sans le déplorer : « Se nos avons hui fait balades et argus / Or soit en autre guise nos maintiens contenus » (vv. 1650-51), car il avait exprimé ses intentions belliqueuses dès le début du roman et n’avait encouragé les échanges amoureux et l’organisation du concours que pour gagner du temps et permettre à ses alliés d’arriver : Porrus l’Indien, Cassiel le Baudrain, Marcien le Perse. Or, dans le passé des Vœux du Paon, ces chevaliers orientaux, sans aller jusqu’à composer des poésies, avaient noué des liens d’amour avec les demoiselles d’Éphèse. Alexandre avait en outre gagné leur amitié, les avait mariés et comblés de faveurs. Dans le Parfait du Paon, le déchaînement de la barbarie est imputé à Mélidus, puis à son neveu Porrus. Leur condamnation émane aussi bien du narrateur que des Grecs ou d’un Oriental comme Marcien. Ce dernier, qui incarnait déjà la sagesse dans l’œuvre de Jacques de Longuyon lorsqu’il condamnait la tyrannie de Clarus, adresse en effet un long discours à l’Indien, pour l’accuser de trahison, d’orgueil et de convoitise (ll. 98-99). Quant au narrateur, il intervient sans relâche pour condamner Porrus, qu’il assimile à un diable, tandis qu’il loue la magnanimité exemplaire d’Alexandre25. À la fin des combats, alors que Porrus, seul de son camp à rester en vie, est vaincu mais, dans son orgueil, ne crie pas merci, le roi grec lui adresse en effet d’ultimes offres de paix, en allant jusqu’à reconnaître leur égalité dans la prouesse, si Porrus accepte de s’exiler (ll. 116-119). À celui qui se souvient du Roman d’Alexandre du xiie siècle, ces concessions traduisent la profonde évolution du héros : dans l’oeuvre d’Alexandre de Paris, le roi grec affichait toujours son orgueil et son refus d’accepter l’existence d’un pair. Porrus accompagne ensuite son refus d’insultes qui rappellent la légende de l’adultère d’Olympias avec Nectanabus et les accusations de bâtardise que lançaient contre Alexandre ses plus odieux adversaires (vv. 3609-15). Que la mort de l’Indien soit parfaitement légitimée n’empêche cependant pas Alexandre d’exprimer regrets et souffrance. Ce sont alors ses hommes qui le réconfortent en lui prouvant l’absence de fondement de ses doutes. Jean de le Mote choisit ainsi de prêter une intériorité nouvelle à son héros, prolongeant ce qu’avait déjà amorcé Jacques de Longuyon, lorsqu’il le montrait soucieux de réparer la faute involontaire commise par Éménidus lors du fourrage de Gadres.

Dans l’ensemble du cycle des Vœux du Paon, Alexandre s’initie ainsi à une autre forme d’exercice du pouvoir royal, fondée sur une mesure et une sagesse plus grandes, mais il est finalement confronté à l’échec de ses tentatives de paix et à la nécessité de la guerre. La découverte des cours d’Éphèse puis de Mélide, l’apprentissage des valeurs courtoises contribuent sans nul doute à expliquer cette modération nouvelle. Lors des jeux de Mélide et notamment du concours de ballades, s’il ne révèle pas un génie poétique, il prouve son humilité en acceptant de se soumettre aux contraintes impérieuses des demoiselles, puis à l’avis et au classement du jury, comme s’il était un candidat parmi les autres, sans chercher à tirer profit de son statut de roi. Il avoue d’emblée avec simplicité son manque d’expérience et d’inspiration avant de se mettre au travail avec application et de respecter à la lettre les règles de la forme poétique qui lui est imposée. La poésie est bien encore liée à une entreprise de civilisation, dont l’impulsion revient aux femmes, elle contribue à un raffinement des mœurs, mais aussi au perfectionnement éthique de ceux qui acceptent de s’y consacrer, et ce n’est sans doute pas un hasard si les traîtres qui œuvrent au déchaînement de la violence n’accèdent jamais à la création littéraire.

On sait que la rédaction du Parfait du Paon coïncide avec l’essor du genre de la ballade, dont Jean de le Mote a contribué à la formation. À la fin de la scène du concours, il signe l’une de ses plus longues interventions d’auteur, pour célébrer ses personnages de poètes et de poétesses, auxquels il se compare, et adresser un hommage appuyé à son mécène, Simon de Lille, qui apprécie ses « biax dis » et lui procure généreusement « vivre, chambre et clerc escrisant » (vv. 1456-57). Il en profite aussi pour déplorer les critiques injustes dont sont victimes les bons auteurs de son temps :

Car pas ne resembloient li prince souffissant
Les fols meleüreus qui sont non entendant
Qui se vont des faiseurs par le païs moquant
Et si appellent « rusez » leur ouvrage poissant.
Tels gens he et harrai le cours de mon vivant
Quar qui iroit tres bien le fait considerant,
Il y a moult de bien et de sens appendant.
Et encore plus di et vois certefïant
Que tout la plus soutil œvre, soiez creant,
Qui soit, et mains prisie ; las ! j’en ay cuer dolant.
Mes mes maistres por qui je fai cesti roumant
Li boins Symons de Lille – ou Dix face garant !-
N’est pas de ciex moquieurs comme j’ai dit devant.
Anchois ainme le fait – bien est apparissant –
Quant il me livre vivre, chambre et clerc escrisant
Pour faire li biax dis ; d’el ne le vois servant,
Et certez je li vois de joieus cuer faisant
Et j’espoir, se Dieu plest, le pere tuit poissant
Que des biens me fera ains qu’il voist defaillant.
Dix li doinst bonne vie ! De li lairay atant. (vv. 1442-61)

La projection du genre de la ballade dans un lointain passé antique vise aussi sans doute à sa promotion : l’attribution de tels poèmes à Alexandre et à ses amis contribue à lui donner ses lettres de noblesse. L’écriture improvisée de poèmes simples et « point tres hautement parlant » (v. 1419) pourrait ainsi être liée à la fiction des débuts lointains et encore imparfaits de cette forme poétique, à l’invention d’une « antiquité » de la ballade26. Dans le prologue de son Roman du Châtelain de Coucy et de la Dame de Fayel, Jakemes affirmait déjà que « jadis li prince et li conte / que Amours metoit en son conte / faisoient cans, dis et partures / en rimes de gentes faitures : / ensi grascioient Amours »27. La spécificité de l’initiation d’Alexandre à la poésie, c’est néanmoins qu’il ne compose pas par amour : ce manque, qui n’est jamais déploré comme tel mais qui est censé expliquer la simplicité de sa ballade, ne trahit sans doute pas la moindre ironie de l’auteur, qui au contraire s’inscrit implicitement dans la prestigieuse lignée du roi antique et qui ne réduit pas son respect des règles formelles à un formalisme vide de sens. Peut-être ce manque est-il nécessaire pour suggérer les progrès accomplis par les poètes de son époque, auteurs d’« œuvres subtiles », conformément à l’idée médiévale du transfert du savoir et des arts d’Orient en Occident.

Notes

1 Sur ce cycle, nous nous permettons de renvoyer à notre étude Les Romans d’Alexandre, Aux frontières de l’épique et du romanesque, Paris, Champion, 1998, ainsi qu’à notre article, « La fortune du Roman d’Alexandre d’Alexandre de Paris : continuations et création d’un cycle (xiie-xve siècles) », Anabases 2, 2005, Université de Toulouse, pp. 147-159. Retour au texte

2 Vv. 63-71, éd. M. S. La Du, The Medieval French Roman d’Alexandre, vol. I, Text of the Arsenal and Venice Versions, Princeton, 1937. Retour au texte

3 Albéric, vv. 100-103, éd. A. Foulet, The Medieval French Roman d’Alexandre, vol. III, Version of Alexandre de Paris, Variants and Notes to Branch I, Princeton, 1949. Retour au texte

4 The Medieval French Roman d’Alexandre, vol. II, Version of Alexandre de Paris Text, éd. E. C. Armstrong, D. L. Buffum, B. Edwards, Princeton, 1937, Elliott Monographs 37 ; trad. L. Harf-Lancner, Paris, Le Livre de Poche, 1994. Retour au texte

5 Nous avons étudié cet épisode dans « La prise de Thèbes par Alexandre et les origines mythiques de la cité béotienne dans les Romans d’Alexandre », Mélanges Aimé Petit Paris, Champion, 2007, pp. 331-342. Retour au texte

6 Une fois seulement, à l’approche de Babylone, il demande à un jongleur, Élinant, de le divertir et ce dernier lui chante fort à propos l’histoire de la révolte des Géants contre Jupiter (br. III, l. 348). Retour au texte

7 Édition F. Lecoy, Paris, Champion, 1962. Retour au texte

8 Dans le Pseudo-Callisthène, nous lisons : « Ensuite, il (Alexandre) arrive en Phrygie, et, venu jusqu’au fleuve Scamandre, dans lequel Achille avait plongé, il y plongea lui aussi. Puis, lorsqu’il vit que le bouclier aux sept peaux de bœufs n’était pas bien grand, ni aussi merveilleux qu’Homère l’avait écrit, il dit aussi : « Bienheureux vous autres qui avez eu la fortune d’avoir un héraut comme Homère, vous qui, dans ses poèmes, êtes assurément de grands hommes, mais qui, d’après ce qu’on voit de vous, n’êtes point dignes de ses écrits ! ». Sur ce, un poète s’avança pour lui dire : « Roi Alexandre, nous chanterons tes hauts faits mieux qu’Homère. » Mais Alexandre lui dit : « Je désire plutôt être le Thersite d’Homère qu’un Agamemnon de ton cru ! » (Le Roman d’Alexandre du Pseudo-Callisthène, trad. G. Bounoure et B. Serret, Paris, Les Belles Lettres, 1992, livre I, 42, p. 45). Retour au texte

9 Thomas de Kent, Le Roman d’Alexandre, éd. B. Foster et I. Short, trad. C. Gaullier-Bougassas et L. Harf-Lancner, Paris, Champion, 2003. Voir aussi mon article « Alexandre et Candace dans le Roman d’Alexandre de Paris et le Roman de Toute Chevalerie de Thomas de Kent », Romania, t. 112, 1991, pp. 18-44. Sur le rôle de mise en abyme que joue le « lai de Guirun » dans le roman de Thomas, L. Rossi, « Suggestion métaphorique et réalité historique dans la légende du cœur mangé », Il cuore, Micrologus, XI, 2003, pp. 469-500. Retour au texte

10 Thomas, Le Roman de Horn, éd. M. K. Pope, Oxford, 1955 et 1964, 2 vol. Retour au texte

11 Partonopeu de Blois, éd. J. Gildea, Villanova, 1957-1970, 2 t. ; éd. et trad. O. Collet et P.-M. Joris, Paris, Le Livre de Poche, 2005. Voir mon article « Roman et lyrisme courtois : Partonopeus de Blois et Galeran de Bretagne », Cahiers de Recherches Médiévales, 11, 2004, pp. 197-212. Retour au texte

12 Éd. d’A. Corbellari, Les Dits d’Henri d’Andeli, Paris, Champion, 2003, pp. 73-90 (CFMA, 146) et trad. par le même auteur, Les Dits d’Henri d’Andeli, Paris, Champion, 2003, pp. 75-87 (traductions CFMA, 66). Voir F. Zufferey, « Henri de Valenciennes auteur du Lai d’Aristote et de la Vie de saint Jean l’évangéliste », Revue de linguistique romane, 68, 2004, pp. 335-358 et A. Corbellari, La Voix des clercs, Littérature et savoir universitaire autour des dits du xiiie siècle, Genève, Droz, 2005. Retour au texte

13 Sur le procédé des insertions lyriques, on se reportera à la synthèse de M. B. McCann Boulton, The Song in the Story, Lyric Insertions in French narrative Fiction, 1200-1400, University of Pennsylvania Press, Philadelphia, 1993. Retour au texte

14 Main se leva bele Aelis et La jus desoz la raime, éd., trad. J. Dufournet, Anthologie de la poésie lyrique française des xiie et xiiie siècles, Paris, Gallimard, 1989, pp. 54-59. Voir J. Bédier, « Les fêtes de mai et les commencements de la poésie lyrique au Moyen Âge » et « Les plus anciennes danses françaises », Revue des deux mondes, respectivement 1896, 1906, pp. 146-172, 398-424. Retour au texte

15 Les Vœux du Paon, éd. R. L. Graeme Ritchie, The Buik of Alexander by John Barbour, Edinburgh and London, 1921, t. 2, 3 et 4 (Scottish Text Society). Voir A. Giacchetti, « Le personnage d’Alexandre dans les Vœux du Paon », Mélanges Jean Frappier, Genève, Droz, 1970, t. I, pp. 351-364 ; J. L. Grigsby, « Courtesy in les Vœux du Paon », Neuphilologische Mitteilungen, t. 86, 1985, pp. 566-575 ; M. Gosman, « Au carrefour des traditions scripturaires : les Vœux du Paon et l’apport des écritures épique et romanesque », Au carrefour des routes d’Europe, Senefiance 20, Aix en Provence, 1987, t. I, pp. 551-565 ; R. Blumenfeld-Kosinski, « The Poetics of Continuation in the Old French Paon Cycle », Romance Philology, 39, 1986, pp. 437-447 ; M. Szkilnik, « Courtoisie et violence : Alexandre dans le Cycle du Paon », Alexandre le Grand dans les littératures occidentales et proche-orientales, Paris, Université de Paris X-Nanterre, pp. 321-339. Sur les scènes de jeux, on se reportera à E. Langlois, « Le jeu du Roi qui ne ment et le jeu du Roi et de la Reine », Mélanges Chabaneau, Erlangen, 1907, pp. 163-173 ; E. Hoepffner, « Les Vœux du Paon et les Demandes amoureuses », Archivum Romanicum, 4, 1920, pp. 99-104 ; H. Bellon-Méguelle, « Mener joieuse vie : la partie d’échecs dans les Vœux du Paon de Jacques de Longuyon », Ce est li fruis selon la letre, Mélanges C. Méla, Paris, Champion, 2002, pp. 148-159 ; F. Guichard-Tesson, « Jeux de l’amour et du langage », Le Moyen Français, 38, 1997, pp. 21-43 ; M. Felberg-Levitt, « Jouer aux « Demandes d’amour » », Le Moyen Français, 38, 1997, pp. 93-124. Retour au texte

16 Jean le Court, dit Brisebarre, Le Restor du Paon, éd. R. J. Carey, Genève, Droz, 1966 ; Jean de le Mote, Le Parfait du Paon, éd. R. J. Carey, Chapel Hill, University of North Carolina Press, 1972. Sur Jean Brisebarre, voir A. Thomas, « Jean Brisebarre, trouvère », Histoire littéraire de la France, 36, 1927, pp. 35-66 ; G. Gros, Le Poème du puy marial, étude sur le serventois et le chant royal du xive siècle à la Renaissance, Paris, Klincksieck, 1996, pp. 41-52. Retour au texte

17 M. Stanesco, « Le héraut d’armes et la tradition littéraire chevaleresque », Romania, 106, 1985, pp. 233-253 (pp. 242-243 pour la citation). Le Tournoi de Chauvency de Jacques Bretel a été édité par M. Delbouille (Bibliothèque de la faculté de Liège, 1932) et a donné lieu en 2007 à un colloque à l’Université de Metz (Lettre et musique en Lorraine du xiiie au xve siècle, Autour du Tournoi de Chauvency, colloque des 27 et 28 février, 1er mars 2007). Dans le Roman du Châtelain de Coucy et de la Dame de Fayel de Jakemes (éd. J. E. Matzke et M. Delbouille, Paris, SATF, 1936) apparaît aussi un « roi des hiraus » (v. 2002). Retour au texte

18 Ces portées sont reproduites par l’éditeur à la page 210 de son édition. Retour au texte

19 Plus haut dans le récit de la fête, les instruments évoqués étaient plus divers : « La oïst on vïeles tromper et grailoier / Et orgues orgener, taborer et busquier, / Harper et chitoler, baler et pietijer / Et biaus dis recorder, canter et versÿer / Et efforciement karoler et treschier » (vv. 1326-30), et l’auteur avait mentionné l’interprétation de chansons sans les citer : « La poüst on oïr mainte note et maint son. / Et respondre et chanter mainte boine canchon, / Des gais, des amoreux dont il i ot fuison » (vv. 1448-50). Retour au texte

20 Sur Jean de le Mote, voir A. Thomas, « Jean de le Mote, trouvère », Histoire littéraire de la France, 36, 1927, pp. 66-86 ; M. A. Rouse et R. H. Rouse, « The goldsmith and the peacocks : Jean de le Mote in the household of Simon de Lille, 1340 », Viator, 28, 1997, pp. 281-303 ; J. I. Winsatt, Chaucer and his french Contemporaries. Natural Music in the fourteenth Century, University of Toronto Press, 1993. Retour au texte

21 Li Regret Guillaume, comte de Hainaut, éd. A. Scheler, Louvain, 1882. Sur les puys, on se reportera à M. Gally, Parler d’amour au puy d’Arras, Lyrique en jeu, Orléans, Paradigme, 2004, à M. Rösler, « Der Londoner Pui », Zeitschrift für französische Philologie, XLI, 1921, pp. 112-116, et pour les xive et xve siècles à G. Gros, Le poète, la Vierge et le Prince du Puy, Paris, Klincksieck, 1992. Pour une première édition commentée du concours dans le Parfait, voir F. Gennrich, « Der Gesangswettstreit im Parfait du Paon », Romanische Forschungen, 58-59, 1944-1945, pp. 208-232. Retour au texte

22 D. Lechat, « La place du sentement dans l’expérience lyrique aux xive et xve siècles », L’expérience lyrique au Moyen Âge, Perspectives médiévales, 2002, supplément au n°28, pp. 193-207. Retour au texte

23 Seule Préamuse remet la sienne sans la notation de la mélodie, mais ce manque, nous dit-on, est compensé par l’accord des mots poétiques et des sentiments ressentis par la poétesse. Retour au texte

24 M.-R. Jung, « La naissance de la ballade dans la première moitié du xive siècle, de Jean Acart à Jean de le Mote et à Guillaume de Machaut », L’analisi linguistica e letteraria, 2000, VIII, pp. 8-29 (p. 15 et p. 18 pour la citation). M.-R. Jung cite D. Kelly, Medieval Imagination. Rhetoric and the Poetry of courtly Love, University of Wisconsin Press, Madison, 1978, pp. 255-256. Voir aussi l’article plus ancien d’E. Hoepffner, « Die Balladen des Dichters Jehan de le Mote », Zeitschrift für romanische Philologie, 35, 1911, pp. 153-166. Retour au texte

25 Voir par exemple la laisse 116. Retour au texte

26 La comparaison avec les ballades que Jean de le Mote a par ailleurs insérées dans son poème allégorique Li regret Guillaume ou qu’il a échangées avec Philippe de Vitry prouve qu’il savait composer des ballades plus complexes. Voir E. Pognon, « Ballades mythologiques de Jean de le Mote, Philippe de Vitri, Jean Campion », Humanisme et Renaissance, 5, 1938, pp. 385-417 ; E. Pognon, « Du nouveau sur Philippe de Vitri et ses amis », Humanisme et Renaissance, 6, 1939, pp. 48-55 ; F. N. M. Diekstra, « The poetic exchange between Philippe de Vitry and Jean de le Mote : a new edition », Neophilologus, 70, 1986, pp. 504-519. Retour au texte

27 Éd. J. E. Matzke et M. Delbouille, Paris, SATF, 1936, vv. 11-15 ; éd. et trad. C. Gaullier-Bougassas, à paraître chez Champion. Retour au texte

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Référence papier

Catherine Gaullier-Bougassas, « Alexandre et les poètes, ou le lyrisme dans le roman épique médiéval : le Restor du Paon et le Parfait du Paon », Bien Dire et Bien Aprandre, 25 | 2007, 49-70.

Référence électronique

Catherine Gaullier-Bougassas, « Alexandre et les poètes, ou le lyrisme dans le roman épique médiéval : le Restor du Paon et le Parfait du Paon », Bien Dire et Bien Aprandre [En ligne], 25 | 2007, mis en ligne le 01 mars 2022, consulté le 18 mai 2024. URL : http://www.peren-revues.fr/bien-dire-et-bien-aprandre/935

Auteur

Catherine Gaullier-Bougassas

Université Charles-de-Gaulle – Lille 3

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