Jean-Pierre Debaere nous a quittés le 26 février dernier. Fidèle de la SGN depuis de très nombreuses années il a fait partie de l’équipe d’engagés qui a sorti notre Société du marasme dans lequel elle était tombée à la fin des années 1990. À cette époque, au sein du Conseil d’Administration piloté successivement par Francis Amedro, Francis Robaszinsky et Alain Blieck, il a accepté la fonction de rédacteur en chef, qu’il a dû abandonner à regret ensuite en raison de problèmes croissants de vision, tout en restant un membre très actif au sein des instances de pilotage.
Né en 1945 à Lille, il a suivi toute sa scolarité dans la métropole et, passionné par l’observation de la nature et l’environnement, il a choisi de devenir géologue et a rejoint les bancs de la faculté des Sciences de Lille au sein de l’Institut de Géologie qui héberge maintenant le Musée d’Histoire Naturelle de Lille. Entre 1965 et 1968, il a ainsi intégré un groupe d’une dizaine d’étudiants ayant eux aussi choisi la filière géologie pour leur parcours d’études supérieures. C’est au sein de cette équipe de passionnés engagés qu’il a forgé de fidèles amitiés avec « ses copains de promo » dont il était particulièrement fier et qui ont marqué le paysage de la géologie régionale : avec en particulier John Terry, Christian Dupuis, Claudine Brousmiche, Henri Maillot, Jean-Louis Mansy… et Jacky Mania qui témoigne ci-dessous de ces années riches en souvenirs :
« Nous avons effectué nos études universitaires entre 1965 et 1968 en partie à l'ancienne faculté des Sciences de la Place Philippe Lebon et de la rue Gosselet (avec le siège de la SGN au n° 23) et l'Institut de Géologie situé à proximité du Musée d'Histoire Naturelle.
Un groupe d'une dizaine d'étudiants (dont Jean-Pierre) avaient choisi la filière géologique, après l'année de Propédeutique SPCN (Sciences Physiques Chimiques et Naturelles). Pour obtenir la licence de Géologie il fallait valider 4 certificats de base sur deux ans… permettant ensuite de préparer un Diplôme d’Études Supérieures. Les cours se tenaient dans l’amphithéâtre et les travaux pratiques dans les étages à l'arrière de l'Institut Gosselet. Les visites du musée étaient très instructives et exceptionnelles pour de jeunes nordistes.
Les certificats de la géologie comportaient les intitulés suivants : géologie générale, géologie historique 1 puis 2 l'année suivante, paléontologie et paléobotanique, pétrographie, minéralogie, géologie appliquée… la géologie structurale n'est apparue qu'après le déménagement des Sciences de la Terre à Villeneuve d'Ascq vers 1967 (SN5).
À partir de 1969-70 est apparu le Diplôme d’Études Approfondies en Sciences Naturelles (mention géologie appliquée) permettant de préparer une thèse de 3e cycle.
Des sorties à la découverte des formations géologiques régionales (Artois, Boulonnais, Avesnois…), s'organisaient entre les étudiants lillois pour améliorer notre compréhension de la géologie.
En mai 1968 Michel Waterlot (maître de conférences) organisa une visite de la chaîne pyrénéenne centrale puis le 1er stage de terrain hors de la France sur le massif de la Maladeta en Espagne (secteur nord de Benasque). Nous étions une douzaine d'étudiants répartis sur un secteur qui comportait le levé des formations granitiques, métamorphiques et sédimentaires ce qui complétait notre formation initiale. L'ambiance était amicale et les séances de synthèse en fin de journée studieuses. Plusieurs diplômes en géologie ont ainsi été initiés en 1969 et 1970 par les professeurs du SN5.
Jean-Pierre a poursuivi sa carrière au Laboratoire des Ponts et Chaussées de Sequedin. Beaucoup d'échanges ont été fructueux lors des levés des cartes géologiques de Desvres et de Boulogne sur Mer. Les prospections de terrain par sondage ont permis de définir l'avant-projet des futures structures routières ainsi que les ouvrages de la traversée de la vallée de la Liane par un pont des viaducs (dont celui d'Echinghen sur l'autoroute A16 mis en service en 1997).
C'est un ami qui, avec les autres géologues du réseau des Ponts-et-Chaussées, nous a toujours aidés pour faciliter les visites de chantier des étudiants lillois et avec qui j'ai partagé d'agréables réunions de la Société comme secrétaire de la SGN de 1977 à 1979 et comme vice-président en 1980. J'ai également, à sa demande, participé à l'examen de quelques notes en hydrogéologie. »
Au sein du Réseau Scientifique et Technique de l’Équipement et plus particulièrement au Laboratoire Régional des Ponts et Chaussées de Lille entre 1968 et 2007, guidé à ses débuts par José Leplat et très imprégné des enseignements d’Antoine Bonte, il a successivement assuré les fonctions d’adjoint au chef de section géologie-terrassement, chef de section géologie-terrassements puis chef du groupe géotechnique à une époque où les études de tracés routiers en accompagnement du tunnel transmanche étaient particulièrement abondantes et complexes. Il a ainsi piloté les études géotechniques des autoroutes A26 entre St-Omer et Cambrai, A16 entre vallée d’Authie et Boulonnais mais également d’autres grands travaux structurants tels que le TGV Nord entre Bapaume et Arras ainsi que la ligne 2 du métro de Lille. Fort de son expérience régionale il a alimenté de nombreux ouvrages géotechniques thématiques ou revues, publiés par le Laboratoire central des Ponts et Chaussées (Craies du Nord de la France, Argile des Flandres, sols de qualité douteuse, craies de l’A16, …).
À chaque fois que l’occasion se présentait, et souvent après d’âpres négociations (souvent fructueuses), il essayait de faire payer des sondages de reconnaissance « un peu plus profonds que nécessaire » afin d’alimenter les géologues régionaux dans leurs recherches. L’exemple le plus fameux est un sondage carotté continu de 40 m dans la craie au cours des campagnes de l’A16… pour étudier un simple déblai sans difficultés techniques d’à peine 3 mètres de profondeur. Quand les Maîtres d’Ouvrage rechignaient un peu trop il tentait de les amadouer en disant « Mais Monsieur, vous contribuez à la science »… ce qui marchait parfois.