Panorama des géothermies à la française

  • Overview of French geothermal energy

DOI : 10.54563/asgn.2636

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La géothermie est une énergie locale et renouvelable disponible sur l’ensemble du territoire. Elle est mobilisable à partir de la surface de la Terre et jusqu’à des profondeurs supérieures à 5 kilomètres. Sa valorisation moderne sur le territoire national commence dans les années 1970 après des utilisations historiques de sources thermales. Son développement se fait par à-coups, au gré des chocs pétroliers, crises géopolitiques et des incitations publiques. Dans le contexte actuel, tant de lutte contre le changement climatique que d’adaptation à ses effets, il apparait nécessaire de la déployer massivement et à toutes les échelles. Depuis 2023, « un plan d’action pour accélérer son développement » a été mis en place par le Ministère de la transition énergétique [1] et vise à lever les freins à son développement.

1. Les géothermies

La filière française de géothermie se décompose en deux grandes familles : la géothermie de surface et la géothermie profonde. Les caractéristiques de ces opérations et leurs usages sont présentés en Figure 1. Le point commun entre toutes les installations est qu’elles mobilisent une température stable du sous-sol tout au long de l’année. En fonction de la profondeur de la ressource et du contexte géologique, hydrogéologique et géodynamique, il est possible de mobiliser le fluide géothermique en circuit ouvert (prélèvement et réinjection d’une ressource souterraine via un ou plusieurs forages) ou d’extraire de l’énergie via des échangeurs souterrains en circuits fermés (tubes enterrés). Grâce à la diversité des solutions techniques et à la multitude de contextes géologiques en France (métropole et outre-mer), il est possible d’envisager la mise en œuvre de la géothermie au plus près de la demande en énergie, en milieu urbain comme en milieu rural.

Figure 1

Figure 1

Les différents types de géothermies (modifié d'après EGEC pour European Geothermal Energy Council, association européenne de la filière Géothermie).
The different types of geothermal energy (modified from EGEC for European Geothermal Energy Council, European association of the geothermal energy sector).

2. La géothermie de surface

La géothermie de surface, par analogie avec le cadre réglementaire de la géothermie de minime importance [2] mobilise des ressources à une profondeur de maximum de 200 mètres. À cette profondeur, la température est de l’ordre de 18 °C, en considérant une température moyenne annuelle à la surface de 12 °C et un gradient géothermique moyen de 30 °C/km. L’usage d’une pompe à chaleur géothermique (PAC eau/eau) est presque systématique pour la production de chaleur (chauffage, eau chaude sanitaire, process) et de froid (climatisation, process). Dans certains cas, il est possible d’utiliser de manière passive cette ressource, c’est le géocooling : l’installation valorise alors la fraicheur naturelle du sous-sol tandis que la PAC est éteinte. Les performances de ces systèmes varient de 400 % (lors de l’utilisation de la machine thermodynamique) à 2 000 % (en rafraichissement passif).

Il existe 4 types d’échangeurs géothermiques permettant d’extraire chaleur et fraicheur du sous-sol (profondeur croissante) :

  • les échangeurs horizontaux consistent en la mise en place d’un circuit fermé dans la zone hors gel, à l’aide d’une pelle mécanique réalisant des tranchées dans un sol meuble ;
  • les échangeurs compacts, également en circuit fermé, s’implantent à des profondeurs allant jusqu’à quelques mètres (5 à 8 m) et peuvent prendre différentes formes (corbeilles ou murs géothermiques) ;
  • les doublets géothermiques captent des eaux souterraines à des profondeurs généralement comprises entre 10 et 100 mètres de profondeur ;
  • les sondes géothermiques verticales sont des échangeurs fermés se plaçant dans un forage, généralement entre 100 et 200 mètres de profondeur.

La filière de la géothermie de surface affiche un rythme de croissance important pour les opérations à destination des bâtiments tertiaires mais stable à un niveau bas pour le résidentiel, représentant la plus grosse partie des opérations historiques. La Figure 2 présente la quantité d’énergie produite annuellement. Le rythme de développement observé sur les dernières années ne permet pas d’atteindre les objectifs fixés par la Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE [3]) de 10 à 15 TWh à horizon 2028.

Figure 2

Figure 2

Production énergétique annuelle en géothermie de surface (exprimé en TWh/an).
Annual energy production in surface geothermal energy (expressed in TWh/year).

3. La géothermie profonde

Les opérations de géothermie profonde valorisent des températures plus élevées qu’en géothermie de surface, généralement à plus de 30 °C. En France métropolitaine, les ressources sont très dépendantes du contexte géologique (Fig. 3) car elles se localisent essentiellement dans les bassins sédimentaires (bassins parisien, rhénan, d’Aquitaine, du Sud-Est, de Bresse, de Limagne). Notons dans le Nord, le bassin transfrontalier du Hainaut, à cheval entre les Hauts-de-France et la Wallonie, évoqué dans ce volume).

  • en contexte sédimentaire, le gradient géothermique est normal, les réservoirs sont poreux et/ou fracturés (exemple des opérations situées dans le Bassin parisien, Bassin aquitain) ;
  • en contexte volcanique, le gradient géothermique est très élevé, les réservoirs sont fracturés et/ou poreux (exemple de l’opération du Bouillante en Guadeloupe) ;
  • en contexte d’extension, le gradient géothermique est élevé, les réservoirs peuvent se situer dans le socle fracturé (exemple des projets situés dans le graben du Rhin).

Figure 3

Figure 3

Cartes des gisements de géothermie profonde et des opérations [5].
Maps of deep geothermal deposits and operations [5].

Le principe de fonctionnement est celui du doublet de forages profonds, composé d’un puits producteur (permettant d’apporter en surface la ressource géothermique) et d’un puits injecteur (restituant au milieu souterrain la ressource refroidie après échange de chaleur dans la centrale géothermique). Cette chaleur produite peut être valorisée via un réseau de chaleur urbain ou directement dans un process industriel ou agricole. Un schéma de principe est présenté ci-dessous (Fig. 4).

Figure 4

Figure 4

Schéma d'une installation de géothermie profonde alimentant un réseau de chaleur urbain (modifié d'après ADEME / BRGM).
Diagram of a deep geothermal installation supplying an urban heating network (modified from ADEME / BRGM).

La géothermie profonde s’est développée fortement dans les années 1980 à une période de forte augmentation du coût du gaz naturel. La recherche d’énergies locales et avec une volatilité des prix limitée a conduit à valoriser les campagnes d’exploration pétrolière qui ont parfaitement mis en évidence la présence de ressources géothermiques profonde en Île-de-France et dans la région de Bordeaux. Les premières opérations font rapidement face à des problèmes de corrosion et de dépôts, le fluide géothermique étant très chargé en sels. La filière mit alors en œuvre des dispositifs permettant de limiter la corrosion des puits avec l’injection de produits inhibiteurs de dépôts et de corrosion au sabot du puits producteur. Du fait de ces difficultés techniques et d’un contexte économique peu favorable aux investissements (le prix des énergies conventionnelles étant redevenu soutenable), la filière stoppa son développement. Il faudra attendre la mise en place par l’ADEME du Fonds chaleur (fonds dédié au financement des énergies renouvelables produisant de la chaleur ; [4]) en 2009 et la remise en place d’un fonds de garantie du risque géologique (Fonds géothermie géré par la SAF-Environnement) pour voir de nouveau des opérations se développer sur le territoire, en Île-de-France notamment. Le nombre de projets en cours d’étude ou de mise en œuvre est important et devrait permettre d’attendre plus de 100 opérations en fonctionnement en 2028 (Fig. 5). L’objectif bas fixé par la PPE pourrait être atteint sur la base du rythme qui devrait être observé dans les prochaines années (2,26 TWh/an produits en 2023 ; 3,66 TWh/an estimés pour 2028 ; objectif PPE bas 2028 de 4 TWh/an).

Figure 5

Figure 5

Nombre d'opérations de géothermie profonde entre 1971 et 2023 (perspectives 2024-2028).
Number of deep geothermal operations between 1971 et 2023 (perspectives for 2024-2028).

Dans certains cas, la ressource géothermique peut être valorisée sous forme de vapeur et permet alors de produire de l’électricité après avoir entrainé une turbine (et un alternateur). Alors qu’il existe 73 installations produisant de la chaleur, seules deux installations produisent de l’électricité :

  • à Soultz-sous-Forêts, en Alsace, sur la base d’un projet de recherche et développement initié dans les années 1980 et sur lequel une nouvelle centrale de type ORC (Cycle organique de Rankine) est implantée depuis 2016,
  • à Bouillante, en Guadeloupe, où les forages géothermiques produisent un mélange de vapeur et d’eau.

De nombreux permis de recherches sont en cours de validité sur le territoire national et ultra-marin : la géothermie profonde est en plein essor.

Bibliography

[1] https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/documents/20231222_DP_Plan-action-geothermie.pdf consulté en 2024

[2] https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000030073515 consulté en 2024

[3] https://www.ecologie.gouv.fr/politiques-publiques/programmations-pluriannuelles-lenergie-ppe consulté en 2024

[4] https://fondschaleur.ademe.fr/ consulté en 2024

[5] https://www.brgm.fr/fr/reference-projet-acheve/mise-valeur-ressources-geothermales-profondes-france

Illustrations

  • Figure 1

    Figure 1

    Les différents types de géothermies (modifié d'après EGEC pour European Geothermal Energy Council, association européenne de la filière Géothermie).
    The different types of geothermal energy (modified from EGEC for European Geothermal Energy Council, European association of the geothermal energy sector).

  • Figure 2

    Figure 2

    Production énergétique annuelle en géothermie de surface (exprimé en TWh/an).
    Annual energy production in surface geothermal energy (expressed in TWh/year).

  • Figure 3

    Figure 3

    Cartes des gisements de géothermie profonde et des opérations [5].
    Maps of deep geothermal deposits and operations [5].

  • Figure 4

    Figure 4

    Schéma d'une installation de géothermie profonde alimentant un réseau de chaleur urbain (modifié d'après ADEME / BRGM).
    Diagram of a deep geothermal installation supplying an urban heating network (modified from ADEME / BRGM).

  • Figure 5

    Figure 5

    Nombre d'opérations de géothermie profonde entre 1971 et 2023 (perspectives 2024-2028).
    Number of deep geothermal operations between 1971 et 2023 (perspectives for 2024-2028).

References

Electronic reference

Armand Pomart, « Panorama des géothermies à la française », Annales de la Société Géologique du Nord [Online], 32 | 2025, Online since 30 juin 2025, connection on 14 juillet 2025. URL : http://www.peren-revues.fr/annales-sgn/2636

Author

Armand Pomart

Association Française des Professionnels de la Géothermie

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