Les 22 et 23 février 2024, l'Association Française des Professionnels de la Géothermie (AFPG) a organisé à l'Université de Lille, un évènement de sensibilisation régionale à la géothermie profonde. Cet évènement a été coorganisé avec l'Agence de la Transition Ecologique (ADEME), le Bureau de Recherches Géologiques et Minières (BRGM), le Réseau Animation Géothermie et les composantes Polytech Lille et Faculté des Sciences et Technologies (Département des Sciences de la Terre) de l'Université de Lille, avec le soutien de la Région Hauts-de-France, UniLaSalle Beauvais, l'Université de Mons (Belgique), l'Intercommunale de Développement Économique et d'Aménagement (IDEA) du territoire de la région Mons-Borinage-Centre, l'entreprise Vallourec, l'Agence de Développement et d'Urbanisme et la Direction Régionale de l’Environnement l’Aménagement et du Logement (DREAL).
Cet évènement s'est tenu en deux sessions : d'une part pendant toute la journée du 22 février 2024 avec des présentations orales à l'amphithéâtre Migeon de Polytech Lille, et d'autre part sur le terrain, le 23 février 2024 avec deux sorties optionnelles à 1) St Ghislain, pour visiter la centrale géothermique (organisation Univ. Mons et IDEA), et 2) à Aulnoye-Aymeries, pour visiter le site de Vallourec, spécialistes des équipements tubulaires, notamment utilisés en puits.
Conférences en salle du 22 février 2024
Lors de la journée en salle du 22 février 2024, la programmation s'est organisée autour de conférences et de retours d'expériences sur le territoire régional des Hauts-de-France et en Wallonie-Hainaut (Belgique). Ainsi, la matinée a donné la parole à des intervenants détaillant ce que sont les géothermies, leurs principe/fonctionnement et avantages, leur lien structurel avec les besoins de surface, les démarches réglementaires, les garanties et subventions envisageables et enfin le besoin d'étude de derisquage (derisking) pour chaque projet.
Les orateurs étaient les suivants :
- Armand POMART (Référent géothermie profonde – AFPG) : Introduction : Les différentes formes de géothermie ; quelles complémentarités entre géothermie de surface et géothermie profonde ?
- Armand POMART : Le B.A.-BA de la géothermie profonde : de quoi parle-t-on réellement ? D’où l’énergie vient-elle, et à quoi peut-elle servir ? Comment fonctionne une installation et comment la mettre en place ? Quels avantages à faire le choix de la géothermie profonde ?
- Estelle DOURLAT (animatrice régionale géothermie – UniLaSalle) : Le déroulé d’un projet de géothermie profonde : Évaluer les besoins en surface : du bâtiment industriel (étude thermique) au réseau de chaleur (schéma directeur) et identifier une opportunité de faire de la géothermie et la pertinence d’approfondir ce choix.
- Norbert BOMMENSATT (référent géothermie profonde – ADEME) : Démarches réglementaires.
- Norbert BOMMENSATT et Florent DUPUIS (ADEME) : garanties, coût et subventions.
- Christian BOISSAVY (expert géothermie) : Réaliser une étude de dérisquage et aboutir à un premier forage (puis finaliser l’installation).
Ces présentations n'ont pas donné lieu à des résumés étendus proposés dans ce dossier géothermie mais peuvent être consultées en ligne sur le lien suivant : https://afpg-extranet.s3.amazonaws.com/media/2024/3/19/Pre%CC%81sentations%20JSGe%CC%81othermie%20Haut-de-France%202024.pdf
L'après-midi, plusieurs orateurs et oratrices ont pu rendre compte de retours d'expériences sur la géothermie profonde concernant les recherches actuelles, les réflexions sur les échecs des années passées et sur les projets en cours. Les orateurs étaient les suivants :
- Estelle DOURLAT (animatrice régionale géothermie – UniLaSalle) : Résumé des objectifs régionaux de développement de la géothermie.
- Christian BOISSAVY (expert géothermie) : Retours d’expérience de projets en Hauts-de-France abandonnés dans les années 1980/90 et potentiel de développement dans la partie Nord du Bassin parisien - Présentation des cartographies de la partie Nord du Bassin parisien.
- Olivier KAUFMANN (professeur de géologie – Université́ de Mons) : Retours d’expérience belges : des décennies de valorisation de la géothermie profonde sur plusieurs sites montois.
- Chrystel DEZAYES (géologue, chef de projet – BRGM), Estelle PETICLERC (Service géologique Belge) & Olivier AVERBUCH (Université́ de Lille, LOG) : Présentation des conclusions du projet Européen Interreg NW Europe DGE-ROLLOUT ; quels apports pour le développement de la géothermie dans les Hauts- de-France ?
- Thomas GUEANT (expert géothermie, ENGIE SOLUTION) : Retour d’expérience de projets qui sont en cours de mise en place : Douai.
- Armand POMART (animateur régional géothermie Île-de-France – AFPG / ADEME) : Retours d’expérience de projets franciliens.
Au terme de cette journée, l'Université de Lille, au travers de ses composantes Polytech-Lille (représentée par M. Hussein MROUEH) et la Faculté des Sciences et Technologies (représentée par Fabien GRAVELEAU) a exposé son projet de développement d'un démonstrateur de géothermies sur son campus de la Cité Scientifique à Villeneuve d'Ascq. Actuellement, ce campus accueille près de 23 000 étudiants et personnels qui vivent et travaillent quotidiennement au sein d'environ 100 bâtiments de recherche (laboratoires), d'enseignement (amphithéâtres, salles de cours), de logements (résidences CROUS), de restaurants, de bibliothèques, etc. Afin d'opérer une mutation de son réseau de chaleur vers un mix dominé par les énergies renouvelables, l'Université s'est engagée dans une maitrise et une réduction de ses consommations par la rénovation énergétique de ses bâtiments et par l'expérimentation d'énergies alternatives (géothermies, récupération de chaleur fatale, etc.). Développer un démonstrateur de géothermies s'avère donc un élément important de cette stratégie de décarbonation. Au-delà de produire et d'utiliser une énergie durable locale bas carbone, ce projet permettra de fournir un outil d'accélération de la recherche scientifique mais aussi d'illustration et d'enseignements des enjeux des transitions au sein des offres de formation.
Excursions sur le terrain 23 février 2024
Lors de la journée sur le terrain du 23 février 2024, deux destinations étaient proposées : 1) d'une part la visite de la centrale géothermique de Saint-Ghislain (Belgique) et d'autre part le site de production et de recherche et développement de l'entreprise Vallourec (Aulnoye-Aymeries, France). Environ 30 personnes ont participé à la première sortie, tandis qu'une quinzaine de participants a pris part à la visite du second site.
À Saint-Ghislain, la visite a été animée par MM. Nicolas DUPONT (UMONS) et Vincent RENARD (IDEA). Elle a débuté par une mise en contexte du sondage d'exploration foré entre 1972 et 1976 jusqu'à la profondeur de 5 403 m et qui fut à l'époque le plus profond de Belgique. D'un point de vue géologique, les découvertes les plus importantes de ce forage sont la présence d'épaisses couches d'évaporites dans le Viséen ainsi que l'existence à leur base d'un niveau de dissolution situé à environ 2,5 km de profondeur. Lors du forage c'est d'ailleurs depuis ce niveau qu'ont jailli des eaux sulfatées d'une température de 73 °C et à un débit de l'ordre de 150 m³/h. La deuxième partie de la visite a été consacrée aux installations de la centrale géothermique de Saint-Ghislain qui valorise depuis 1985 le sondage d'exploration reconverti en puits géothermique profond. Les eaux géothermales fournissent leur énergie thermique à un réseau de chaleur qui parcoure la ville de Saint-Ghislain sur plus de 6 km et qui alimente des bâtiments publics (gare, hôpital, écoles) ainsi que des immeubles à appartements.
Sur le site de Vallourec, la visite a été animée par MM. François PENVEN et Maximilien DEMAISONNEUVE. Vallourec est un fabricant de solutions tubulaires en acier qui fournit les marchés de l'énergie, dont la géothermie, depuis plusieurs décennies. La visite de l'usine s'est axée sur les laboratoires de corrosion et la station d'essais permettant aux visiteurs de mieux comprendre les modes de fabrication et de tests de ses tubes et connections, des composants-clés pour les puits de géothermie. Les puits géothermiques étant soumis à des environnements sévères, en particulier en termes de température et de corrosion, l'entreprise s'attache à garantir la fiabilité des tubes installés afin de garantir la longévité des puits.
Dans ce dossier des Annales de la Société Géologique du Nord, cinq contributions écrites relatant les contenus de présentations du 22 février 2024 sont proposées.
Dans l'article de Pomart et al., les auteurs dressent un panorama des géothermies à la française, expliquant tout d'abord les différents types de géothermies observables en France. Il s'agit d'une part de la géothermie de surface et d'autre part de la géothermie profonde. L'une et l'autre sont décrites sommairement d'un point de vue technique et réglementaire. Cette contribution offre l'opportunité de vulgariser une méthodologie aux différentes facettes qui peut être déclinée sur une très grande partie du territoire des Hauts-de-France ; une opportunité est ainsi offerte aux acteurs socio-économiques de décarboner leurs activités et leurs usages immobiliers.
Dans l'article suivant de Kaufmann et al., les auteurs racontent l'épopée toujours en cours du développement et du déploiement de la géothermie profonde au cœur du Hainaut (Belgique). S'attelant à décrire d'abord le contexte géologique, puis la prospection et la caractérisation de la ressource, cet article synthétise ensuite les principaux résultats géophysiques et géologiques obtenus au cours des dernières décennies. La modélisation du réservoir et des tests de simulations hydrogéologiques sont présentés et permettent de proposer des scenarios de valorisation de la ressource géothermale. La note s'achève par l'exposé de pistes et perspectives de développement.
Dans l'article de Dezayes et al., les auteurs présentent le potentiel géothermique des calcaires du Dinantien dans le Nord-Ouest de l'Europe (France, Belgique, Pays-Bas, Ouest de l’Allemagne), malgré une complexité de la structuration, de la profondeur induisant une forte hétérogénéité géologique. Cette contribution met en lumière les études menées dans le cadre du projet européen INTERREG NWE DGE-Rollout, incluant analyses des profils sismiques, construction et homogénéisation des modèles transfrontaliers, avec carte de chaleur disponible et estimation des indices composites du potentiel socio-économique pour la géothermie profonde dans ces unités du Dinantien. Deux zones prometteuses ont été identifiées dans les Hauts-de-France : Douai-Valenciennes et Maubeuge, où la demande énergétique et les caractéristiques des réservoirs convergent. Ces zones offrent des perspectives pour des projets industriels, notamment pour la décarbonation des besoins thermiques.
Enfin, dans l'article de Guéant et al., une magnifique étude de cas est présentée avec l'exemple du projet de Douai où l'entreprise ENGIE Solutions présente la stratégie de décarbonation mise en œuvre dans le cadre du système hydrothermal de Douai, illustrant le potentiel géothermique du Dinantien. Dans un contexte de transition énergétique, ENGIE Solutions et ses partenaires ont développé un programme ambitieux visant à décarboner jusqu’à 67 % des besoins thermiques de l’usine Renault de Douai, en s'appuyant sur des approches innovantes et multidisciplinaires. Des campagnes sismiques et magnétotelluriques ont permis de mieux caractériser le réservoir géologique, révélant un système poreux et perméable rempli d'eau faiblement salée. Ce projet pourrait marquer un tournant pour l’exploitation géothermique transfrontalière dans les Hauts-de-France.