Énergies citoyennes au service de la transition énergétique

Journée de rencontre et d’échange (Maison Régionale de l’Environnement et des Solidarités, 12 octobre 2017)

  • Citizen energies towards energy transition. Encounter and exchange seminar

With the collaboration of Xavier Galand, Mireille Havez, Barbara Nicoloso, Jacques Rougé and Jean Schiettecatte

DOI : 10.54563/asgn.529

p. 15-22

Abstracts

La Société Géologique du Nord (SGN), la Maison Régionale de l’Environnement et des Solidarités (MRES), Environnement et Développement Alternatif (EDA) et Virage Énergie (VE) ont organisé une journée d’études « Énergies citoyennes au service de la transition énergétique » qui s’est déroulée le 12 octobre 2017, à Lille (Gare Saint Sauveur). Cet article rapporte quelques interventions et débats auxquels ont participé élus et associatifs de la région. En outre quatre articles font l’objet de présentations séparées, plus étendues.

The Société Géologique du Nord (S.G.N.), the Maison Régionale de l’Environnement et des Solidarités (M.R.E.S)., Environnement et Développement Alternatif (EDA) and Virage Énergie (V.E.) have organized a one day meeting Énergies citoyennes au service de la transition énergétique (citizeness energies towards energy transition), which has taken place on October 12, 2017, in Lille (Gare Saint. Sauveur). The present paper summarizes some presentations and discussions, together with contributions by some regional elects and association representatives. In addition, four articles, which provide a wider scope, are presented separately.

Outline

Text

I. – Introduction

En 2020, la Société Géologique du Nord (SGN) célèbrera les 150 ans de sa fondation par un groupe de 11 amateurs et étudiants, dont Jules Gosselet, premier professeur de géologie à la Faculté des Sciences de Lille (Blieck et al., 2014). Dans le contexte sociétal de 1870, ce groupe contribuait à faire progresser la géologie en tant que science, dans une période de croissance industrielle effrénée et de confiance aveugle envers le progrès scientiste. Personne alors ne soupçonnait l’ampleur des nuisances subséquentes que l’on constate aujourd’hui. Toutefois certains essayaient de réfléchir au-delà des circonstances économiques du moment (Lapparent, 1890). Dans la perspective de la préparation de son sesquicentenaire, la SGN, adhérente de la Maison Régionale de l’Environnement et des Solidarités (MRES) a souhaité organiser cette Journée de Rencontres avec d’autres associations, en sollicitant des « regards d’experts » pour aborder la question de l’énergie : la croissance industrielle n’est plus là, mais la demande énergétique continue d’augmenter, ainsi que les nuisances. Quelle attitude adopter face à cette situation ?

Cette journée est le résultat de convictions et de bonne volonté partagées entre des associations, membres d’un même réseau (la MRES) mais qui n’avaient pas encore provoqué l’occasion de travailler ensemble. Et si la MRES a un sens exprimé dans sa dénomination, alors ces partenaires doivent être convaincus :

  • que nos sociétés dites développées consomment davantage de matières premières qu’elles ne le devraient ;
  • que parmi ces matières premières, elles brûlent l’énergie facile par ignorance de processus naturels plus économes qui restent à décrypter ;
  • que pour les deux raisons précédentes, elles chargent l’environnement global de toxines qui mettent en péril, déjà sur le court terme, l’ensemble des écosystèmes.

Partager le constat demande déjà qu’une vraie culture scientifique soit suffisamment répandue de façon à ce que les citoyens que sont nos interlocuteurs, soient en capacité d’aller vérifier par eux-mêmes les données et les raisonnements bâtis à partir de ces données. Favoriser les conditions d’accès à cette culture scientifique est déjà un vrai chantier majeur.

Partager le constat n’est qu’une étape ; il faut réagir. Certains le font négativement, d’autres positivement. Exemple négatif : un célèbre photographe qui fait sa fortune avec des images vues du ciel et qui refuse a priori, d’illustrer un ouvrage que se propose de publier la Société Géologique de France au motif que « les géologues sont complices des pollueurs », alors qu’il fabrique lui-même d’excellents supports pédagogiques pour démontrer la portée des impacts d’origine humaine. Il n’a pas compris que nous sommes tous complices des pollueurs et que donc, la réaction ne peut venir que de nous-mêmes et être constructive. Cette journée est une réaction positive parmi beaucoup d’autres initiatives. Cette journée a voulu associer un constat sur la nécessité d’une transition énergétique avec la mise en lumière d’initiatives, individuelles ou collectives, institutionnelles ou non, qui démontrent l’implication des citoyens de façon croissante dans la définition et la mise en œuvre des politiques énergétiques.

La journée est organisée en deux séquences : Connaître et Comprendre / Interagir. La première présente un état des lieux :

  • sur la connaissance des transformations naturelles, à l’échelle des temps géologiques, de la matière organique en diverses ressources énergétiques, solides, liquides et gazeuses ;
  • sur l’ensemble des processus mobilisés pour localiser, identifier, exploiter un gisement d’hydrocarbures ;
  • sur la nécessité de changer de paradigme : les ressources fossiles ne sont pas infinies, il faut donc apprendre à s’en passer et/ou à les utiliser autrement ;
  • sur le biogaz, une énergie renouvelable en pleine évolution.

La seconde commence par un état des lieux sur les marqueurs du changement climatique en Hauts-de-France, puis présente les témoignages de deux élus qui, ayant constaté la nécessité de changer de comportement, ont organisé des actions destinées à partager ce constat et imaginer des actions concrètes pour engager une nouvelle attitude. Les pouvoirs publics soutiennent de telles initiatives via l’Agence De l’Environnement et de la Maîtrise de l’Energie (ADEME). Parallèlement, une réflexion est engagée aussi sur les paysages de l’après-pétrole. Enfin, une table ronde apporte de nouveaux témoignages d’actions complexes, déjà réalisées ou en progrès, du moins, tous les protagonistes l’espèrent.

II. – Connaître et comprendre

1 – Les présentations individuelles

Présentation de Nicolas Tribovillard : voir Tribovillard & Baudin (2018).
Présentation de Jean Schiettecatte : voir Schiettecatte (2018).
Présentation de Barbara Nicoloso : voir Nicoloso (2018).
Présentation de Jacques Rougé : voir Rougé (2018).

2 – Questions en fin de séquence I :

Question : De quelle nature est le calcul de la valeur du pétrole, technique ou économique ?

Réponse de Jean S : De 1970 à 2010, ce calcul était régulé par l’OPEP (Organisation des Pays Exportateurs de Pétrole), qui fixait des quotas pétroliers à ses membres. Avec l’effondrement de l’OPEP, la régulation a disparu. Les pays consommateurs n’ont jamais imposé de prix.

Question : L’Agence Internationale de l’Energie (AIE) annonce le franchissement du pic pétrolier pour 2020 ; pourquoi y a-t-il encore des doutes ?

Réponse de Jean S. : L’étude de l’AIE est sérieuse et crédible. Mais tous les paramètres ne sont pas maîtrisés. Quasiment tous les gisements potentiels ont été complètement explorés, sauf dans les zones polaires, en espérant qu’ils ne le soient jamais. Hors de l’aspect carburant, le pétrole est à la base de nombreuses utilisations. Quelle position est-il raisonnable d’adopter ? En prenant bien conscience que nous avons brûlé en 200 ans ce que la nature a mis 300 Ma à préserver.

Question : Pour économiser l’énergie, ou modifier l’utilisation des hydrocarbures, la seule solution possible est-elle une intervention autoritaire des pouvoirs publics ?

Réponse de Barbara N. : Les pouvoirs publics disposent d’un réel pouvoir incitatif (cf. la cigarette dans les espaces publics, …). Le problème est que, concernant l’énergie, les parlementaires ne portent pas le débat. Il est donc nécessaire de le faire porter par des citoyens faisant pression sur les parlementaires, sur les entreprises, afin de changer de comportement.

Question : On sait que pour ne pas dépasser 1,5 °C d’augmentation de température, il faudrait atteindre une émission nulle de gaz à effet de serre en 2020. Existe-t-il une forme citoyenne d’énergie renouvelable pour respecter un tel défi ?

Réponse de Jean S. : La seule source énergétique naturelle abondante disponible n’est pas sociologiquement acceptable : c’est la radioactivité.

Question : Les hydrocarbures servent aux carburants et aussi aux plastiques. Y a-t-il des produits de substitution possibles ?

Réponse de Jean S. : Le plastique est remplaçable en pratique ; il suffit de le vouloir. Il ne faut pas oublier qu’avec les hydrocarbures on fabrique aussi nombre de produits intervenant dans l’agriculture : engrais, herbicides, fongicides, …

Question : L’annonce ministérielle de l’abandon de l’exploration du pétrole en France en 2040 est-elle possible et sérieuse ?

Réponse de Jean S. : En France il n’y a plus rien à trouver : tous les gisements potentiels ont été explorés et exploités lorsque possible, ou le sont encore. Sauf peut-être en utilisant la fracturation hydraulique sous le site de Paris. La décision annoncée est davantage symbolique que technique.

Question : Comment faire accéder la population défavorisée à la connaissance présentée ce matin, de façon à aussi modifier son attitude vis-à-vis de l’énergie facile, et faire progresser l’idée de sobriété énergétique ?

Réponse de Barbara N. : Ce n’est pas forcément au citoyen à prendre individuellement les décisions qui vont, de façon drastique, modifier les comportements. Il faut des décisions politiques.

Réponse de Francis M. : C’est partiellement le rôle des organismes qui s’occupent d’éducation populaire de diffuser une culture scientifique accessible, appropriée, citoyenne. Il faut s’organiser pour mettre en place des ateliers répondant à des questions précises. Ce qui se fait déjà partiellement à l’initiative d’associations qui adhèrent à la MRES.

Réponse complémentaire de Nicolas T. : L’université met en place de plus en plus d’unités d’enseignement accessibles et valorisables sur l’engagement citoyen.

3 – L’enjeu climatique en Hauts-de-France

Dernier élément de diagnostic, présenté par Julien Dumont de l’Observatoire Climat (CERDD = Centre Ressource du Développement Durable).

Cet Observatoire assure l’une des missions du CERDD qui, depuis 15 ans, est un Groupement d’Intérêt Public (GIP : voir site référencé ci-dessous), co-piloté et financé pour partie par l’Etat, la Région, l’ADEME. Le mode d’action spécifique du CERDD est de s’intéresser à l’expertise du développement durable des territoires : comment les initiatives sont-elles menées ? qui en a l’expertise ? diffusion de cette connaissance.

Le rôle d’un observatoire est de collecter et trier la donnée. Il assure ainsi une coordination méthodologique sur le territoire. Pour caractériser le changement climatique en région on dispose de quelques indicateurs. Sur la période 1955-2016, la température moyenne a monté de 1,75°C. Comme la France, le territoire des Hauts-de-France compte 10 records de température sur les 15 dernières années. Sur la même période le nombre de jours de gel a diminué à Boulogne/mer. En termes de biodiversité, une observation systématique des cigognes en Picardie (comptages réguliers sur des carrés de 5 km de côté) montre une augmentation de l’hivernage, ce qui traduit une adaptation progressive de l’espèce à un territoire qu’elle ne fréquentait pas il y a quelques dizaines d’années.

La caractérisation des émissions de gaz à effet de serre à l’échelle de la région Hauts-de-France est à réactualiser depuis le changement de périmètre régional. De plus, dans ce domaine, les variations ne valent que sur le temps long (30 à 50 ans), durée pour laquelle nous ne disposons pas de statistiques. Aujourd’hui, l’émission régionale est évaluée à 60 Mt d’équivalent CO2, soit 15% des émissions françaises, pour une population qui ne représente que 9% de la population nationale. Ceci tient entre autres à la surindustrialisation régionale bien connue. De fait, l’industrie seule émet un peu moins de 50% de l’émission régionale. Mais la tendance est à la baisse après un pic en 2000-2002. Dans les autres secteurs, le transport augmente de 7% en 5 ans, le résidentiel un peu moins, le secteur agricole a augmenté ses émissions de 5% depuis 2009. Il est très difficile d’obtenir des statistiques fiables et comparables antérieures à cette date.

La consommation énergétique des Hauts-de-France, estimée à un niveau de 209 TWh, représente 12% de la consommation nationale. Le résidentiel et le transport consomment chacun 23% de cette quantité. Pour couvrir ceci, la part du charbon a évidemment baissé depuis 1990 ; le gaz et l’électricité assurent environ 25% chacun. Les Hauts-de-France produisent 57 TWh d’énergies renouvelables. Evidemment aussi, 80% de la ressource en électricité vient de Gravelines. Entre 2010 et 2015 ; la part du renouvelable produit en région a quand même progressé de 70%, ce qui est encourageant. Les ressources renouvelables en région sont, par ordre décroissant : le bois, l’éolien, les agro-carburants, la biomasse (dont les incinérateurs), le biogaz (0,55 TWh), les pompes à chaleur. Les réseaux de chaleur contribuent aussi de plus en plus ; leur part est passée de 16% à 32% en France en 4 ans. En Hauts-de-France, environ 122 000 logements sont chauffés ainsi. Enfin il faut aussi comptabiliser la rénovation de l’habitat, mais ce travail est très difficile à mettre en œuvre en pratique car il faudrait, dans chaque cas, réaliser un diagnostic avant et après travaux. On estime à 45 000 le nombre de logements rénovés en 2015 en région, dont 16 900 de très haute performance dans le parc privé.

Question : Existe-t-il des outils permettant de suivre l’évolution de l’état énergétique régional par rapport aux objectifs visés ?

Réponse : Si la question est claire, les objectifs ne le sont pas vraiment. En effet plusieurs problèmes méthodologiques se posent pour comparer les statistiques, y compris pour s’accorder sur les valeurs de référence initiales. On est supposé décroître de 3% l’an.

http://www.cerdd.org/

https://www.economie.gouv.fr/daj/reforme-gip

III. – Interagir

Cette séquence est destinée à montrer l’engagement des citoyens et des territoires.

1 – Le photovoltaïque et l’éolien : des projets mobilisateurs de l’investissement citoyen

Sous ce titre, Audrey Jumeaux (EnergETHIC) et Thierry Janssoone (SOLIS) ont expliqué la démarche de leurs structures respectives en tant que catalyseurs pour soutenir des initiatives citoyennes. La perception du changement climatique se répand auprès des individus, mais la plupart d’entre eux se sentent démunis lorsqu’il faut envisager des réactions. Les deux associations ont imaginé regrouper des citoyens motivés et décidés à agir au sein de structures coopératives, porteuses chacune d’un projet. Ces coopératives associent des individus, des collectivités, des associations, qui apportent une contribution financière très accessible (50 C, 100 C, ou plus) pour la réalisation d’un projet précis sur un territoire donné. Les participants se sentent ainsi directement concernés par la réalisation et son entretien. Un exemple d’équipement photovoltaïque est donné sur le territoire des Sept Vallées (autour de Hesdin et Saint-Pol-sur-Ternoise). A partir de repérages menés en 2013, trois toitures ont été retenues comme étant très favorables. La recherche de contributeurs a d’abord amené une dizaine d’individus qui ont constitué une société coopérative qui a achevé le montage financier (120 000 C HT). Les travaux ont débuté en 2014 et se sont achevés en 2015. Exemplaire, cette action a suscité d’autres projets comparables dans les secteurs de Saint-Omer et de Lillers.

https://www.asso-solis.fr

https://www.energethic-asso.fr

2 – Premier débat autour de la mobilisation citoyenne par des élus

Deux élus territoriaux sont ensuite venus exposer leurs essais, les efforts de leurs équipes, et surtout leur conviction.

Joël Devos (maire de Steenwerck, conseiller à la Communauté de Communes de Flandre Intérieure).

Pour faire de l’environnement, il faut être soi-même convaincu. Ma formation initiale, mon parcours professionnel (divers postes aux ministères de l’Agriculture, de l’Equipement, de l’Environnement, et même de l’Intérieur à Mayotte) m’y ont aidé. Ce dernier m’a laissé des souvenirs agréables (naissance des tortues, nage avec les dauphins, …) mais aussi la conviction de la fragilité des milieux dans lesquels nous vivons. S’en convaincre prend du temps ; parvenir à convaincre les collègues qui n’ont pas vécu d’expérience similaire est un vrai défi. Aux élections municipales de 2007, la moitié des élus ont été renouvelés. La plupart des nouveaux ne s’imaginaient pas le travail réel d’un élu municipal. Avec les « anciens » nous avons décidé de mettre en place des séances de sensibilisation sur un certain nombre de sujets à traiter, comme les plans d’aménagement du territoire (SCOT, PLU, …). A ces séances nous avons mêlé des diagnostics d’état de notre territoire sur ces sujets de façon à ce que les participants « entrent dans les contenus ». Puis nous nous sommes engagés dans une action, un programme d’intérêt général (PIG) « Habiter mieux », destiné à accompagner les ménages les plus fragiles dans le diagnostic et les éventuels travaux d’amélioration de leur habitat, appuyés par l’ADEME et l’ANAH dans une opération d’amélioration de la performance énergétique. La première tentative à l’échelle de l’ancienne communauté de communes de Bailleul n’avait pas convaincu l’ANAH pour cause de territoire trop petit. A l’échelle de la CCFI, il y avait environ 23 000 maisons antérieures à toute réglementation énergétique lors de leur construction. Après 4 ans, environ 550 d’entre elles ont fait l’objet d’un diagnostic et 240 de travaux, financés à 70% par le PIG. Cela peut paraître peu. Mais il a fallu beaucoup de ténacité et de persévérance pour parvenir à ce résultat. Signée en 2013, l’opération a été reconduite en 2015, et l’est actuellement pour 2018. Nous avons l’espoir qu’elle se poursuive.

Catherine Quignon-Le Tyrant, (ex-maire de Montdidier, vice-président de la Communauté de Communes du Grand Roye) a évoqué l’expérience menée durant deux mandats municipaux (2001-2013), aussi avec persévérance et ténacité.

Au printemps 2001 la nouvelle équipe municipale découvre des finances en piteux état et la nécessité de faire face aux inondations et leurs conséquences, notamment sous forme de mouvements de terrain. L’équipe s’oriente vers deux pistes : des économies et de nouvelles recettes à définir. Montdidier disposait d’une régie municipale d’électricité. Avec l’aide de l’ADEME, la Ville installe des variateurs électriques sur l’éclairage municipal, ce qui réduit la consommation. Elle installe aussi un mât expérimental pour tester les capacités éoliennes. Le site peut fournir juste un peu plus que le minimum requis pour la rentabilité. La municipalité décide que le portage sera public car les usagers sont aussi les contributeurs sous la forme de leur impôt. La Région soutient l’opération par une avance remboursable (1 M J). Les bénéfices réalisés sont redistribués dans d’autres opérations, comme la réalisation d’un réseau de chaleur à centrale bois. L’hôpital en bénéficie, et réalise à son tour 80 k J d’économie annuelle qu’il réinvestit dans l’ouverture d’un laboratoire. D’autres opérations ponctuelles sont engagées, comme l’aide à certains investissements d’économie d’énergie (photovoltaïque, poêles à bois,…), et surtout la municipalisation de la distribution de l’eau, le cinéma qui devait fermer, etc.

Le temps du politique n’est pas le temps du citoyen. Le changement d’équipe municipale peut interrompre une action, voire revenir sur les décisions prises. Le citoyen doit être persévérant. Et le politique doit sans cesse expliquer ce qu’il compte faire, ce qu’il fait, ce qu’il a fait car, une fois entrée dans le « paysage citoyen », l’action n’est plus visible en elle-même et le citoyen perd la perception du bienfait des décisions prises. Il faut donc rappeler ce qui a été fait et le comparer avec des endroits où de telles actions n’ont pas été mises en œuvre. Les deux exemples montrent la fragilité des résultats et la nécessité d’une volonté politique forte. Joël Devos donne un autre exemple :

Il a fallu 4 ans pour parvenir à remplacer les sacs plastiques de collecte des ordures ménagères par des sacs biodégradables, plus chers. Le surcoût était globalement indolore, mais il était indispensable d’expliquer le sens de ce choix pour que le citoyen utilise ces nouveaux sacs à bon escient.

Question sur la nécessité d’essayer au mieux de rapprocher les sites de production énergétique des sites de consommation.

Pour mémoire, on considère que le transport de l’énergie électrique en ligne consomme 10% de la quantité injectée. La question dépasse les compétences des collectivités territoriales. Celles-ci peuvent au mieux encourager des aménagements économes en énergie, voire mettre en place des structures qui favorisent les déplacements économes en énergie.

Question sur la grande dépendance de la production agricole française relative aux produits pétroliers (voir séquence du matin).

Réponse de Joël Devos : L’agriculture est au 6ème rang des secteurs consommateurs d’énergie. Le risque de famine, dans nos régions, n’est pas une menace à terme. Mais il faut quand même être vigilant sur la consommation des espaces agricoles au profit des espaces bâtis. La terre agricole est une richesse naturelle qui ne se renouvelle pas à l’échelle de la vie humaine. Autre réponse de Catherine Quignon-Le Tyrant : Il est indispensable d’abord de réduire le gaspillage alimentaire et d’organiser les circuits courts pour l’approvisionnement.

www.cc-flandreinterieure.fr

http://grandroye.fr/

3 – Mobiliser et accompagner les territoires pour développer le financement citoyen en Région des Hauts-de-France

Le thème a été illustré par un exposé d’Eliane Métreau (ADEME ,Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Énergie ; ingénieure en charge des plans territoriaux énergie-climat) :

L’ADEME exerce un rôle d’animation territoriale qui vient en appui des actions de la Région des Hauts-de-France et de la Chambre de Commerce et de l’Industrie, via des contrats d’objectifs destinés à favoriser la Troisième Révolution Industrielle. L’ADEME s’intéresse au financement citoyen depuis 2015, et a mené plusieurs études, entre autres focalisées sur les économies d’énergie. Avec la CDC (Caisse des Dépôts et Consignations) elle a mis en place un dispositif d’amorçage de projets : la CDC apporte le soutien en capital et l’ADEME apporte son expertise technique.

La démarche engagée en Région Hauts-de-France concerne le financement participatif pour une croissance verte. Les projets soutenus sont réellement écologiques dans la mesure où les économies réalisées sont réinvesties dans d’autres opérations. Le financement citoyen est un processus qui progresse très vite, passant d’un volume de 78 M J en 2013 à un volume de 300 M J en 2015, tous domaines confondus, culture comprise. Le rôle de l’action est de parvenir à faire coïncider le besoin de financement des collectivités territoriales sur le sujet avec la disponibilité d’épargne qu’offre le citoyen.

De nombreuses plates-formes numériques dédiées au financement participatif ont vu le jour. Les domaines d’intervention sont très variés, même si, pour l’instant, le photovoltaïque arrive en tête des demandes. Aujourd’hui, l’amélioration de la performance énergétique de l’habitat via les matériaux de construction se développe. L’ADEME a choisi d’orienter les citoyens financeurs et les porteurs de projet vers les plates-formes opérationnelles lorsque le projet ne présente pas d’obstacle particulier, et se réserve le soin d’accompagner les opérations expérimentales, soit par la nature du projet, soit par le montage. Pour l’instant, l’ADEME achève le recensement des projets et des offres sur le marché. Ce recensement a pour but de réfléchir à la définition et à la mise en œuvre d’une politique de soutien aux projets, qu’ils soient portés par des particuliers ou par des collectivités territoriales.

Question sur le fait que l’opération revient à demander au citoyen de financer les collectivités territoriales au-delà des impôts déjà perçus.

La réponse fait valoir que les collectivités ne sont pas les bénéficiaires directs des projets, mais qu’elles participent à leur émergence et leur réalisation.

http://www.hauts-de-france.ademe.fr/

4 – Second débat autour des stratégies à développer en fonction des enjeux

La seconde table ronde affichait un thème ambitieux : en quoi la transition énergétique impacte-t-elle nos choix de société et nos modèles économiques ? Les intervenants ont exposé des stratégies d’opportunité et d’adaptation à des conditions imposées de l’extérieur. Eux-mêmes ont porté, accompagné, les actions définies dans le champ de la transition énergétique. Il faut comprendre que dans les exemples rapportés, les stratégies présentées sont des adaptations à des situations imposées de l’extérieur. La dernière intervention est un rappel historique d’une situation vécue aux Pays-Bas.

Damiens Carême, Maire de Grande-Synthe et VP de la Communauté Urbaine de Dunkerque (CUD), en charge de la transformation écologique et sociale, de l’environnement, de l’énergie et des transports, exprime la situation et les enjeux d’un territoire densément habité (200 000 habitants), site d’industries et activités portuaires à l’empreinte environnementale très forte.

Ce territoire paraît suréquipé, mais il s’agit d’activités fortement consommatrices d’énergie, productrices de nuisances prégnantes pour les riverains. Les choix de leur implantation dans l’agglomération résulte d’une bonne quarantaine d’années durant lesquelles les critères étaient très différents ; il s’agit d’une autre époque : une centrale nucléaire, un terminal méthanier, des usines lourdes : Rio Tinto (aluminium), ArcelorMittal (sidérurgie) ... L’empilement des projets et l’absence de vision d’ensemble conduisent à un beau gâchis : les pertes énergétiques annuelles sont évaluées à 37 TWH par les services techniques de la CUD. Même si certains projets de réutilisation ont déjà vu le jour : ArcelorMittal « chauffe » l’équivalent d’environ 12 000 logements aux alentours. De plus, l’absence de vision d’ensemble fait que le territoire n’est pas à l’abri d’une interruption brutale de fonctionnement. Il est donc nécessaire d’innover, de concevoir autrement la construction des bâtiments, les circuits de distribution énergétique, en tâchant de récupérer, stocker, distribuer de façon fluide une énergie qui ne constitue qu’un sous-produit de la plupart des activités industrielles locales. Le problème ne se réduit pas à la technique de conception, il est aussi et pour beaucoup un problème de pédagogie car cet état d’esprit doit être partagé par tous les usagers environnants. Pour l’instant, le citoyen ne coopère pas à la recherche et la mise en œuvre de solutions adaptées. Une réflexion est engagée : comment associer les habitants pour les aider dans le choix de solutions économes en énergie ? Dernier exemple en date : une discussion est engagée avec ArcelorMittal autour de la valorisation de leurs déchets gazeux, prenant en compte leur composition et sa variabilité, etc.

https://www.communaute-urbaine-dunkerque.fr/accueil/

Exemple radicalement différent : Pierre Guillemant, président de l’ancienne Communauté de Communes de l’Atrébatie (le site internet était encore fonctionnel au 23/02/2018).

Aujourd’hui noyée dans une intercommunalité plus vaste (CC des Campagnes de l’Artois : 96 communes pour 33 000 habitants) ; en 2000, l’Atrébatie ne comptait que 27 communes pour 13 500 habitants. Le pays est entièrement rural. Les élus de l’époque ont pris leur temps pour élaborer une vision d’ensemble du territoire avant d’étudier des projets particuliers de développement. Un rapide constat a fait ressortir l’abondance d’entreprises travaillant dans le secteur de la construction. Par ailleurs, ce territoire avait retenu l’attention de plusieurs investisseurs dans le domaine de l’éolien. Echanger autour de ces constats a permis de prendre conscience de la question énergétique et de réfléchir à des solutions concrètes, locales. Un critère majeur dans les discussions avec les industriels de l’éolien a été leur sensibilité au développement local. Le lauréat retenu a finalement été une entreprise allemande qui avait déjà pratiqué une telle approche. Pendant que cette entreprise a préparé son implantation, les élus ont travaillé à une stratégie de développement territorial avec la perspective d’une réduction de la consommation énergétique. Deux axes de travail ont guidé la réflexion : 1 – Faire du développement durable et local ; 2 – Associer les habitants en les accompagnant vers une rénovation de l’habitat existant. L’ensemble des entreprises travaillant sur le territoire dans le secteur de la construction a été recensé, afin de les associer à la démarche. Décision a été prise de construire un bâtiment public de référence, de 1800 m2, de très haute performance énergétique.

L’exemplarité de cette opération associant un projet territorial, une stratégie et qui associe la population, a été souligné notamment par la DIACT (Délégation Interministérielle à l’Aménagement et à la Compétitivité des Territoires, devenue depuis le Commissariat Général à l’Egalité des Territoires : voir le site référencé ci-dessous) qui l’a classé Pôle d’Excellence.

De son côté, l’implantation des 18 génératrices éoliennes a été discutée et préparée avec les habitants selon une méthode progressive, participative, dont le principe était de démontrer que cette solution présentait plus d’avantages que d’inconvénients. Maintenant que le parc est en place, les élus doivent le gérer. Une décision a été prise de créer un fonds éco-énergie territorial à partir des ressources fiscales issues des éoliennes. Sur les 27 communes du territoire de l’Atrébatie, 17 se sont engagées à mettre en œuvre des pratiques énergétiques économes. L’ADEME accompagne cette démarche.

https://www.annuaire-mairie.fr/communaute-communes-de-l-atrebatie.html

https://www.annuaire-mairie.fr/communaute-communes-des-campagnes-de-l-artois.html

https://agence-cohesion-territoires.gouv.fr

Jean Gadrey, économiste, Pr. honoraire (Université de Lille), a démontré comment une politique de développement durable, économe en énergie, est créatrice d’emploi.

Là où les économistes ont pris le pouvoir, les choses vont mal. En fait, il faut un peu d’économistes, un peu de techniciens et beaucoup de citoyens. Il faut changer de modèle économique : créer en masse des emplois utiles et de bonne qualité sans poursuivre l’objectif de la croissance permanente qui nous mène dans le mur écologique. Ce qu’il nous faut, ce n’est pas toujours plus de quantité produite et consommée, mais toujours plus de qualité et de soutenabilité de ce que l’on produit et consomme, énergie comprise. Dans tous les domaines, produire plus propre, plus sain, plus vert, plus économe et meilleur pour le climat, exige plus d’emploi avec un travail ayant plus de sens et d’intérêt pour ceux qui le réalisent que dans le processus productiviste actuel. L’agriculture biologique mobilise davantage d’emplois pour produire la même quantité, mais avec une meilleure qualité. Deux scenarios à examiner : le scenario Negawatt divise par 2 la consommation énergétique (2017-2050), selon un scenario à coût minimal ; le scenario élaboré par ATTAC explique comment reconvertir les emplois industriels productivistes en emplois durables. Il faut inévitablement accompagner au niveau territorial les reconversions d’emploi et, par là, œuvrer à réduire les inégalités.

https://negawatt.org

https://france.attac.org/nos-publications/notes-et-rapports/article/rapport-un-million-d-emplois-climat

Enfin Mathilde SZUBA, sociologue à l’Institut de Sciences Politiques de Lille, a rappelé l’exemple néerlandais de choc psychologique décidé par le gouvernement en 1973, lors de l’embargo sur la livraison des Pays-Bas en produits pétroliers.

Le choc a consisté à décider l’interdiction brutale de l’utilisation de la voiture le dimanche jusqu’à la fin de l’année 1973. L’embargo a pris fin en mars 1974. Cette décision, autoritaire, a permis au citoyen de prendre conscience que les restrictions d’approvisionnement n’avaient pas nécessairement pris fin en 1945. Des décisions individuelles pour changer de mode de vie ont été engagées dès ce moment. A la même époque, les Britanniques vivaient la grande grève des mineurs de charbon. La Grande-Bretagne n’était pas sous embargo comme les Pays-Bas, mais la réduction du charbon, jointe à la montée des prix des produits pétroliers, a aussi fait prendre conscience au citoyen que l’abondance des produits énergétiques n’était pas une situation éternelle. En décembre 1974, la Grande-Bretagne prenait une décision forte de réduire l’activité industrielle à la semaine de 3 jours. Ce qui n’a pas empêché le gouvernement conservateur d’être réélu. La situation de pénurie a mis en évidence la nécessité de la transition énergétique. On ne voit pas l’énergie que l’on consomme.

Question concernant l’opération « Paris sans voiture » : a-t-elle une chance d’être imitée ailleurs ?

En réponse, M. Szuba répète que l’exemple néerlandais démontre l’intérêt des opérations chocs pour sensibiliser et démontrer que l’on peut gérer autrement ses déplacements. Mais ce n’est pas ce type d’opération qui permet d’installer des pratiques différentes durables.

Question à D. Carême : y aura-t-il une suite à l’opération « bus gratuit » à Dunkerque ?

Réponse : Sur ce territoire, les transports en commun représentent 4,7 % des déplacements. L’objectif est d’augmenter cette part. Mais la première nécessité, sur ce territoire, est d’abord un problème de santé : si les affections des voies aéro-digestives sont représentées par un indice 100 en France, elles sont à 250 sur le territoire dunkerquois. Il faut donc trouver des alternatives sérieuses à la voiture en ville, en plus des actions menées avec les industriels.

Question à D. Carême : Comment fait-on pour résister aux grands projets, comme l’extension du port ?

Réponse : En essayant de faire comprendre que les projets dimensionnés aujourd’hui n’apportent aucune valeur ajoutée au territoire, et ne sont que des réponses du passé à un diagnostic d’aujourd’hui. Le port de Dunkerque traite aujourd’hui 400 000 containers par jour ; l’objectif est d’atteindre 2 500 000 en 2050 pour rivaliser avec Rotterdam. Avec la voirie actuelle, cela signifie ajouter 150 000 camions sur la route au trafic actuel.

Question : un tel projet d’extension portuaire a-t-il du sens avec la perspective du pic pétrolier ?

Suggestion de J. Gadrey  Les investissements gigantesques d’un tel projet ne pourraient-ils être redéployés vers de nouveaux emplois ? de nouveaux services ? Remarque de F. Meilliez : Les Néerlandais ont construit Rotterdam, un géant, et construisent son double à Terneuzen ; nous avons donc l’expérience des impacts environnementaux de tels projets. Commentaire supplémentaire de D. Carême : Et pendant ce temps-là, les Belges ne vont certainement pas se croiser les doigts en nous regardant. Il en va de la survie d’Anvers.

Question à P. Guillemant : L’Atrébatie était voisine du Bassin minier. Y a t-il des projets croisés entre ces territoires ?

Réponse : Toute action a une réalité économique : lorsque les factures énergétiques baissent, cela attire l’attention. Aujourd’hui, l’utilisation de produits agricoles dans la mise au point de nouveaux matériaux de construction commence à avoir des effets sur le redéploiement de certaines activités agricoles. Aujourd’hui, ayant développé ce modèle par la réalisation, les entreprises participent à la promotion de ce nouveau modèle d’interactions.

IV. – Conclusion

La journée fut conclue par Ginette Verbrugghe, présidente de la MRES.

Merci aux organisateurs d’avoir monté cette journée de rencontres et d’échanges. Dans les diverses réunions quotidiennes, on entend bien le citoyen qui observe des changements, sans toujours bien savoir établir un lien scientifiquement fondé. Mais il a des observations à portée de lui. Il faut donc l’aider à comprendre le sens de ces observations et montrer quel ensemble elles constituent. On sent aussi que les gens ont envie de faire quelque chose, de s’investir pour corriger ce qui est perçu comme une dérive dangereuse. Il faut aider les gens à s’investir mais en le faisant autrement, en développant un souci éthique. Et donc il faut convaincre les collectivités territoriales de la nécessité de donner aux citoyens les moyens pour observer, comprendre, expérimenter. Il faut soutenir les initiatives collectives qui vont dans ce sens.

Remerciements. — Un grand merci à la patience et la pugnacité des membres du groupe de travail, collaborateurs de cet écrit. Un merci particulier à Jean Schiettecatte, qui a assuré les versions anglaises des textes. Merci aussi au personnel de la MRES qui a permis la réalisation logistique de cette Journée.

Appendix

Résumé tout public

La Société Géologique du Nord (SGN), la Maison Régionale de l’Environnement et des Solidarités (MRES), Environnement et Développement Alternatif (EDA) et Virage Énergie (VE) ont organisé une journée d’études « Énergies citoyennes au service de la transition énergétique » qui s’est déroulée le 12 octobre 2017, à Lille (Gare St Saint Sauveur). Cette journée a débuté avec l’exposé de Nicolas Tribovillard sur l’évolution naturelle de la matière organique qui, après sa mort, contribue à redistribuer l’énergie qu’elle a concentrée dans divers écosystèmes, tant en présence qu’en l’absence d’oxygène. Cet exposé fait entrer dans un espace-temps d’ordre géologique, très peu perceptible au quotidien par le citoyen. Une part de cette ancienne matière organique a pu se transformer en molécules d’hydrocarbures dans les sédiments. Pour des raisons physico-chimiques que l’on connaît de mieux en mieux, ces molécules sont capables, au cours des temps géologiques, de se déplacer, se rassembler en des sites particuliers, appelés pièges à hydrocarbures. Jean Schiettecatte explique comment fonctionnent ces pièges, comment les hommes ont appris à les reconnaître, les détecter, puis les exploiter. Ces apprentissages progressent avec les développements de la technologie. Disposer de telles capacités confère un réel pouvoir aux groupes humains qui se sont organisés pour y parvenir. D’où les systèmes économiques et politiques complexes qui caractérisent les sociétés dites développées. Mais la logique du « toujours plus » les a rendues aveugles : elles ne voient pas, ou peu, qu’elles consomment leur capital global au-delà des seuls « intérêts ». Barbara Nicoloso se fait l’écho de tous ceux qui tentent d’expliquer qu’on peut vivre aussi bien en étant plus économes des ressources naturelles. Et qu’il est grand temps de le faire. Enfin, Jacques Rougé donne l’exemple du biogaz, dont la production - qui reproduit en accéléré la chaîne des processus naturels se faisant dans les sédiments à l’échelle des temps géologiques - est en plein essor. Julien Dumont a complété ce panorama général en présentant sa déclinaison régionale, vue sous l’angle de l’enjeu climatique. Et Audrey Jumeaux, parlant aussi pour Thierry Jansonne, a montré que le photovoltaïque et l’éolien offrent des formes très accessibles à l’initiative locale.

Un premier débat a rassemblé deux élus locaux, Catherine Quignon-Le Tyrant (Communauté de Communes du Grand Roye) et Joël Devos (Communauté de Communes de Flandre Intérieure). Ce qui a permis de réellement ressentir les difficultés, les pesanteurs à vaincre, mais aussi la force des efforts lorsqu’ils sont portés par des citoyens convaincus. L’autre dimension de leurs apports est aussi l’appréhension que l’action politique est nécessairement contingentée par le rythme électoral. Il faut donc suffisamment de puissance pour que les idées transcendent les mandats. Puis Eliane Métreau a donné un exposé très attendu sur les soutiens que l’ADEME peut mobiliser pour aider citoyens individuels ou en groupes à prendre des initiatives. Adeline Doreau a tenté d’imaginer ce que pourraient être les paysages de l’après-pétrole.

Un second débat a de nouveau permis à des élus de témoigner de démarches passées, en cours ou en projet. Damien Carême (Communauté Urbaine de Dunkerque) a évoqué quelques-unes des contraintes, des nuisances, mais aussi des ressources nouvelles qu’une très forte industrialisation territoriale induit. Il semble évident, à l’entendre, que le principal défi est de parvenir à une réelle coordination entre tous les projets locaux de façon à ce que les déchets des uns deviennent les matières premières des autres, tout en préservant des conditions sanitaires et environnementales acceptables. Vaste programme ! Pierre Guillemant (ex-Communauté de Communes de l’Atrébatie) a montré comment, dans un milieu rural qui se considère souvent oublié des programmes d’aménagement, avec peu de moyens a priori hormis la volonté partagée de construire quelque chose ensemble, il a été possible de réaliser des opérations qui sont des modèles d’économie énergétique et qui, de plus, soutiennent une politique d’emploi durable. C’est justement sur la capacité à favoriser l’emploi que Jean Gadrey, économiste, a porté sa démonstration du pouvoir d’une politique environnementale raisonnable et durable. Enfin, Mathilde Szuba, sociologue, a rappelé l’expérience néerlandaise des « dimanches sans voiture » des années 1970. Cela a fait prendre conscience au citoyen que l’abondance des produits énergétiques n’était pas une situation éternelle. Les discussions ont permis à beaucoup de participants de porter leurs questions, formuler leurs commentaires, voire émettre des suggestions.

Une telle journée n’est utile que si d’autres rencontres analogues peuvent être organisées. La MRES est le lieu pour cela.

All audience abstract

The Société Géologique du Nord (S.G.N.), the Maison Régionale de l’Environnement et des Solidarités (M.R.E.S), Environnement et Développement Alternatif (EDA) and Virage Energie (V.E.) have organized a one day meeting «Energies citoyennes au service de la transition énergétique » (Citizen energies towards energy transition), which has taken place on October 12, 2017, in Lille (Gare Saint Sauveur). This seminar has started with a presentation by Nicolas Tribovilliard on the natural evolution of organic matter, which, after death, contri-butes to a redistribution of the energy which it has concentrated within various ecosystems, with or without oxygen. The talk introduces this process within a space-time geological com-plex, hardly perceptible on a daily basis by the average citizen. Part of this ancient organic matter may have turned into hydro-carbon molecules, trapped within the sediments. Due to physi-co-chemical processes, which are becoming better understood, this molecules are, in the course of geological times, able to move and congregate in various locations, called hydrocarbon traps. Jean Schiettecatte explains how these traps operate, and how man has learned to identify, locate and exploit them. This knowledge is progressing together with technological progress. Having made these capabilities available provides a real power the human groups which succeed in reaching them. Henceforth the complex economical and political systems which charac-terize the so-called developed societies. However, the ‘ever-more’ logic has blinded them: they do not, or hardly, perceive that they are consuming their global capital, beyond their only ‘interests’. Barbara Nicoloso is echoing all those who try to ex-plain that one can live quite well while at the same time using more efficiently natural resources. And that it is urgent to do so. Finally, Jacques Rougé gives the example of organic gas, for which the production –which reproduces, on an accelerated time-scale the sequence of the natural processes which develop within the sediments - is in full growth. Julien Dumont has completed this general overview by showing its regional appli-cation, as seen from the climatic challenge point of view. And Audrey Jumeaux, also talking on behalf of Thierry Jansonne, has shown that photovoltaics and wind power offer technolo-gies which are easily applicable to local initiative. A first debate has brought together two local elected re-presentatives, Catherine Quignon-Le Tyrant (association of Grand-Roye Communes) and Joel Devoos (association of Internal Flanders Communes). This has allowed a full assess-ment of the difficulties, and inertias to overcome, but also the power of initiatives, when they are carried out by convinced citizens. Another dimension of their contribution is the unders-tanding that political action is strongly influenced by electo-ral deadlines. It therefore requires enough power to impulse ideas transcending electoral calendars. Eliane Moreau has then given a well-expected statement on the support that ADEME can mobilize to help initiatives of individual citizens or groups. Adeline Doreau has attempted to imagine what could be the post-hydrocarbon landscapes.The second debate has again allowed elected representa-tives to relate actions, past, undergoing or in progress. Damien Carême (Dunkirk urban community) has listed some of the constraints, and nuisances, but also new resources, which a powerful local industrial development can provide. It seems obvious, according to him, that the main challenge is to intro-duce a real coordination between all local projects, so that the waste produced by some can become raw materials to some others, whilst preserving acceptable sanitary and environmen-tal conditions. A great programme! Pierre Guillement (for-merly with the Community of Communes of Atrebatie) has shown how, within a rural environment, which often considers itself neglected by development programmes, with limited re-sources, except a shared will to build something together, it has been possible to realize operations which are a model of energy savings, and which moreover sustain a continued employment policy. It is exactly on the capability to promote employment that Jean Gadrey, economist, has centered his demonstration of the powers of a reasonable and durable environmental policy. Finally, Mathilde Szuba, a sociologist, has recalled the Dutch experiment of ‘carless Sundays’, during the seventies. This has allowed the citizens to realize that ample energetic resources were not an everlasting situation. Further debates have allowed members of the audience to ask questions, provide commenta-ries and suggestions.Such a meeting can only be useful if additional similar gatherings can be organized. MRES is the right organization for that.

References

Bibliographical reference

Francis Meilliez, « Énergies citoyennes au service de la transition énergétique », Annales de la Société Géologique du Nord, 25 | 2018, 15-22.

Electronic reference

Francis Meilliez, « Énergies citoyennes au service de la transition énergétique », Annales de la Société Géologique du Nord [Online], 25 | 2018, Online since 01 mars 2022, connection on 13 novembre 2024. URL : http://www.peren-revues.fr/annales-sgn/529

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Francis Meilliez

Université de Lille, UMR 8187 CNRS/LOG, SGN : francis.meilliez@univ-lille.fr

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