I. — Introduction
La stratigraphie des argiles albiennes à faciès Gault affleurant le long des côtes de la Manche dans la baie de Wissant (Pas-de-Calais) est aujourd'hui bien connue grâce aux travaux de Destombes & Destombes (1938, 1965), Amédro & Destombes (1978), Robaszynski & Amédro (1986) et Amédro (2009 a). Le "Gault", nommé Formation de Saint-Pô à Wissant, est épais de 10,50 m et couvre un intervalle allant de l'Albien moyen à l'Albien supérieur. Comme dans l'ensemble du bassin anglo-parisien, la base de l'Albien supérieur est soulignée par un lit de nodules phosphatés noirs souvent agglutinés entre eux. Il s'agit du niveau phosphaté P5 de Destombes & Destombes (1938). L'épaisseur du lit (8 cm), l'abondance des nodules dont la plupart sont des moules internes de macrofaune nacrée et leur position au-dessus d'une surface perforée particulièrement bien marquée, font du niveau phosphaté P5 un niveau repère très apparent.
C'est dans ce niveau qu'ont été récoltés, parmi 1242 ammonites, 12 spécimens d'Euhoplites Spath, 1925 [Hoplitinae] caractérisés par une région ventrale creusée d'un profond sillon et par une ornementation épineuse. Cette population particulière d'Euhoplites, non décrite jusqu'à présent, est rapportée à une nouvelle espèce nommée Euhoplites barroisi sp. nov.
II. — La formation de saint-pô dans la baie de Wissant
La figure 1 illustre la succession lithologique de la Formation de Saint-Pô telle qu'elle apparaît dans la baie de Wissant, suivant la description la plus récente (Amédro, 2009 a). De façon schématique, le tiers inférieur de la formation est représenté par des argiles à dominante noire entrecoupées par trois niveaux phosphatés indexés P3, P4 et P5. Le reste de la formation (au-dessus du P5) est de teinte plus claire, conséquence d'une augmentation du pourcentage de CaCO3 dans les argiles, et contient un dernier niveau phosphaté numéroté P6.
En ce qui concerne les ammonites, l'intervalle P3-P5 est dominé par la sous-famille des Hoplitinae. Cette suprématie s'exerce à la fois dans la fréquence (80 à 90 % des populations successives) et dans la diversité spécifique avec de nombreux taxons qui se suivent et se relayent : Hoplites (Hoplites) dentatus (J. Sowerby), H. (H.) canavarii Parona & Bonarelli, Euhoplites loricatus Spath, E. lautus (J. Sowerby), E. ochetonotus (Seeley)... Le caractère typiquement boréal des Hoplitinae et la quasi-absence d'ammonites cosmopolites ou téthysiennes dans l'intervalle considéré (à l'exception notable des niveaux phosphatés) suggèrent un niveau marin assez bas favorisant un isolement relatif du bassin anglo-parisien. En revanche, au-dessus du niveau phosphaté P5, les ammonites cosmopolites prolifèrent soudainement avec 55% ou plus des populations successives. Cette abondance traduit un élargissement des communications sous l'action d'une élévation importante du niveau marin liée à un cycle eustatique de 2e ordre (Jacquin et al.,1998).
Le cas des niveaux phosphatés P3, P4 et P5, situés dans la partie inférieure de la Formation de Saint-Pô, est un peu particulier. Du point de vue de la sédimentologie, les nodules sont le plus souvent usés ou cassés, bioturbés avec parfois plusieurs générations de phosphate, et surmontent des surfaces perforées. Du point de vue de la paléontologie, les trois niveaux coïncident chacun avec des incursions ponctuelles de faunes d'ammonites à caractère cosmopolite (respectivement les Oxytropidoceras en P3, Dipoloceroides en P4, Dipoloceras en P5) au sein d'une succession qui en est par ailleurs dépourvue. Cela suggère des communications momentanées, mais toujours limitées (les apports ne dépassent jamais 4 % des populations) avec les autres provinces fauniques. En tenant compte de ces éléments, les niveaux phosphatés P3 à P5 (mais également le P6) sont interprétés comme les témoins de surfaces d'inondation de cycles eustatiques de 3e ordre (Amédro, 2009 b).
Figure 1
Les argiles albiennes à faciès Gault de Wissant (Pas-de-Calais, F) : lithologie et répartition verticale des différentes espèces d'Euhoplites, incluant E. barroisi sp. nov. Figurés lithologiques. a : sable ; b : glauconie ; c : phosphate ; d : argile gris sombre ; e : argile gris clair ; f : surface perforée (Thalassinoides) ; g : Chondrites.
The Gault of Wissant (Pas-de-Calais, F) : lithology and vertical distribution of Euhoplites including E. barroisi sp. nov. Key to symbols. a : sand ; b : glauconite ; c : phosphate ; d : dark grey clay ; e : light-grey clay; f : burrowed surface (Thalassinoides) ; g : Chondrites.
III. — Les Euhoplites présents autour de la limite Albien moyen-Albien supérieur
Les Euhoplites Spath, 1925 sont, comme l'ensemble des Hoplitinae, des ammonites caractéristiques de la province nord-européenne du domaine boréal avec une distribution géographique s'étendant de la côte est du Groenland (Donovan, 1957) jusqu'aux rivages asiatiques de la Mer Caspienne (Saveliev, 1981). Leur répartition verticale débute dans la partie moyenne de l'Albien moyen et se termine au sommet de l'Albien supérieur sensu stricto. Les Euhoplites dérivent des derniers Hoplites à côtes lautiformes (côtes naissant par paires au niveau des tubercules ombilicaux et se réunissant de nouveau sur les tubercules ventro-latéraux en formant une boucle ; cf. fig. 1) à la base de la zone à A. intermedius. Ils représentent en moyenne un quart à un tiers des populations successives d'ammonites dans l'Albien moyen et supérieur du bassin anglo-parisien. A Wissant par exemple, leur proportion atteint 35,7 % dans le niveau phosphaté P4, 29,6 % dans le P5 et 26,7 % dans le P6 (Amédro, 2009 a).
Les caractères génériques des Euhoplites sont la présence de côtes lautiformes et surtout d'une région ventrale creusée d'un profond sillon ou d'un canal le long de la ligne siphonale. Utilisant un concept "typologique" suivant lequel la moindre variation d'un caractère morphologique est le prétexte à la création d'un nouveau taxon, Spath (1923-1943) a distingué 23 espèces d'Euhoplites dans l'Albien moyen et supérieur du bassin anglo-parisien. Lors des déterminations, malgré le nombre considérable de taxons décrits, on rencontre plus de formes transitionnelles entre deux espèces que ces espèces elles-mêmes. L'étude du matériel provenant d'un même niveau permet en fait de reconnaître des séries morphologiques reliées par tous les intermédiaires (Kennedy et al., 2008). Ces séries peuvent être interprétées comme les représentants d'espèces peu nombreuses, mais pourvues d'une grande variabilité morphologique avec des formes comprimées, moyennes et épaisses. Partant de ce constat, Amédro (1992) a considéré la plupart des taxons décrits par Spath comme conspécifiques et regroupé dans un nombre beaucoup plus restreint les "espèces" appartenant à la même population d'individus et présentant la même distribution verticale. Seules 5 espèces d'Euhoplites sont considérées aujourd'hui comme valides, soit de la plus ancienne à la plus récente :
Euhoplites loricatus Spath, 1925, incluant, du plus comprimé au plus épais, les formes aspasia Spath, 1925, microceras Spath, 1928, pricei Spath, 1930 et subtuberculatus Spath, 1927.
- Caractères. Euhoplites à côtes lautiformes et à région ventrale creusée d'un profond sillon concave. Les terminaisons ventrales des côtes sont fortement projetées vers l'avant et forment des palettes parallèles à la ligne siphonale. A noter que les représentants les plus jeunes de l'espèce ont tendance à posséder des côtes lautiformes naissant par faisceaux de 3 [au lieu de 2] au niveau des tubercules ombilicaux. Ces variants tardifs, pour lesquels une séparation spécifique n'est pas nécessaire, correspondent à la forme meandrinus Spath, 1930.
- Répartition. Lits m à o (niveau phosphaté P4) de Wissant, Albien moyen.
Euhoplites lautus (J. Sowerby, 1821), incluant les formes truncatus Spath, 1925, opalinus Spath, 1930, nitidus Spath, 1925 et proboscideus (J. Sowerby, 1821).
- Caractères. Euhoplites à côtes lautiformes tendant à être fortement incurvées vers l'avant au tiers externe du flanc, à clavi ventro-latéraux parallèles à la ligne siphonale et à ligne siphonale creusée d'un canal à section subrectangulaire.
- Répartition. Lits o à s, c'est à dire intervalle P4-P5, Albien moyen et supérieur basal.
Euhoplites ochetonotus (Seeley, 1865), incluant les formes sublautus Spath, 1928, solenotus (Seeley, 1865), serotinus Spath, 1930, trapezoidalis Spath, 1930 et armatus Spath, 1925.
- Caractères. Euhoplites à costulation fine et dense, subradiale ou flexueuse, qui s'atténue sur la chambre d'habitation. La région ventrale est aplatie, creusée d'un canal siphonal et bordée de clavi ventro-latéraux relativement mousses, légèrement obliques par rapport à la ligne siphonale.
- Répartition. Lits s à u (intervalle P5-P6), base de l'Albien supérieur.
Euhoplites subcrenatus Spath, 1926, incluant la forme inornatus Spath, 1930.
- Caractères. Euhoplites micromorphe à ornementation très atténuée. La terminaison ventrale des côtes sigmoïdes forme une crénulation de part et d'autre du canal siphonal.
- Répartition. lits t et u (niveau phosphaté P6), Albien supérieur.
Euhoplites alphalautus Spath, 1925, incluant les formes vulgaris Spath, 1928 et boloniense Spath, 1926.
- Caractères. Euhoplites à côtes sigmoïdes, tendant à former des crénulations sur l'épaule ventro-latérale. Le canal siphonal est moins creusé et tend à former un V.
- Répartition. Lits t à v, Albien supérieur.
Parmi les espèces citées ci-dessus, deux sont présentes au niveau de la limite Albien moyen-Albien supérieur : Euhoplites lautus (J. Sowerby) et E. ochetonotus (Seeley). Les recherches de macrofaunes effectuées par l'auteur depuis les années 1970 dans les argiles à faciès Gault de Wissant ont conduit à la récolte dans le niveau phosphaté P5 daté de la zone à Dipoloceras cristatum de 368 Euhoplites. La majorité des spécimens (349 exemplaires, soit 95 % des représentants du genre) appartiennent à l'espèce Euhoplites ochetonotus qui apparaît à ce niveau (Fig. 1). Moins d'une dizaine (8 ex., soit 2 %) sont des E. lautus (J. Sowerby) dont il s'agit des derniers représentants. Enfin 12 exemplaires, soit 3 % des Euhoplites présents dans le niveau phosphaté P5, sont attribués à la nouvelle ammonite décrite ci-dessous : Euhoplites barroisi Amédro sp. nov.
IV. — Paléontologie systématique
Ordre Ammonoidea Zittel, 1884
Sous-ordre Ammonitina Hyatt, 1889
Superfamille Hoplitaceae Douvillé, 1890
Famille Hoplitidae Douvillé, 1890
Sous-famille Hoplitinae Douvillé, 1890
Genre EuhoplitesSpath, 1925
Espèce-type : Euhoplites truncatus Spath, 1925, p. 82, par désignation originale.
Diagnose. Coquille plus ou moins évolute, comprimée à enflée, costulation dense, lautiforme, ventre typiquement creusé d'un sillon ou d'un canal.
Répartition. Albien moyen et supérieur ; côte est du Groënland, Spitzberg, Angleterre, France, Suisse, Allemagne, Pologne, Hongrie, Bulgarie, Russie, Ukraine, Kazakhstan.
Euhoplites barroisisp. nov.
Pl. 1, Fig. 1 à 6
Types. L'holotype est le spécimen illustré Pl. I, Fig. 2 ; les paratypes ceux illustrés Pl. I, Fig. 1 et Fig. 4. Les trois spécimens appartiennent à la collection F. Amédro déposée au Musée d'Histoire Naturelle de Lille et proviennent du niveau phosphaté P5 de Wissant (Pas-de-Calais, F).
Matériel. 12 exemplaires (dont l'holotype et les deux paratypes) recueillis dans le niveau phosphaté P5 de Wissant (Pas- de-Calais, F). Les spécimens de la collection FA sont déposés au MHNL. Le dernier spécimen (coll. B. Matrion 2904) sera déposé prochainement dans les collections de l'université de Bourgogne à Dijon.
Origine du nom. En hommage à Charles Barrois (18511939), géologue lillois, ancien président de la Société Géologique du Nord, dont les travaux ont grandement contribué à la connaissance du Crétacé du bassin anglo-parisien au XIXe siècle.
Description. L'ensemble du matériel est préservé sous la forme de moules internes phosphatés. L'holotype, illustré Pl. I, Fig. 2, est un fragment montrant les 2/3 de tour de spire d'une coquille de 73 mm de diamètre avec la terminaison du phragmocône et le début de la chambre d'habitation. L'enroulement est modérément évolute (O = 29 % du diamètre). La section du tour, subhexagonale, est épaisse, avec un rapport de la hauteur sur l'épaisseur du tour (H/E) de 0,75 et une épaisseur maximale atteinte au niveau des tubercules ombilicaux situés au tiers interne de la hauteur du tour (Fig. 2a). La bordure ombilicale est arrondie. Les flancs, fortement convergents, sont légèrement convexes. L'ornementation est composée de tubercules ombilicaux épineux à partir desquels naissent des côtes lautiformes proverses, qui tendent à être fortement projetées vers l'avant au tiers externe du flanc et se rejoignent au niveau de clavi ventro-latéraux saillants, pincés obliquement par rapport à la ligne siphonale. Quelques côtes relient également en zigzag les tubercules ombilicaux aux clavi ventro-latéraux. Le fort développement des clavi ventro-latéraux qui alternent de part et d'autre de la région ventrale et leur projection vers l'extérieur creusent celle-ci d'un profond sillon concave. Vers le péristome, la région ventrale s'élargit légèrement et le sillon ventral devient un peu moins profond. Sur le dernier demi-tour de spire, on compte 6 tubercules ombilicaux, 9 clavi ventro- latéraux et 18 côtes, le plus souvent lautiformes.
Le paratype illustré Pl. I, Fig. 1 est un spécimen complet comprenant la totalité du phragmocône et la chambre d'habitation. La coquille, d'un diamètre de 76 mm, possède une section du tour épaisse (H/E = 0,71) et une ornementation comparable à celle de l'holotype avec des tubercules ombilicaux épineux incomplètement préservés, des côtes lautiformes saillantes, fortement projetées vers l'avant, quelques côtes intercalaires et des clavi ventro-latéraux proéminents, obliques par rapport à la ligne siphonale. La région ventrale est creusée d'un profond sillon concave. On compte sur le dernier demi-tour de spire 6 tubercules ombilicaux, 11 clavi ventro-latéraux et 20 côtes le plus souvent lautiformes.
Figure 2
Sections du tour d'Euhoplites barroisi sp. nov. (a-d) [a : holotype illustré pl. 1, fig. 2 ; b : spécimen illustré pl. 1, fig. 5 ; c : paratype illustré pl. 1, fig. 4 ; d : spécimen illustré pl. 1, fig. 3] et d'Euhoplites ochetonotus (Seeley) forme serotinus Spath, 1930 (e) [spécimen illustré pl. 2, fig. 2]. La barre horizontale représente 1 cm.
Whorl sections of Euhoplites barroisi sp. nov. (a-d) [a : holotype figured pl. 1, fig. 2 ; b : specimen figured pl. 1, fig. 5 ; c : paratype figured pl. 1, fig. 4 ; d : specimen figured pl. 1, fig. 3] and of Euhoplites ochetonotus (Seeley) form serotinus Spath, 1930 (e) [specimen figured pl. 2, fig. 2]. Scale bar = 1 cm.
Le second paratype illustré Pl. I, Fig. 4 est un fragment de chambre d'habitation. La section du tour, dessinée Fig. 2c, est plus comprimée que dans les spécimens précédents, à peine plus haute que large (H/E = 1,03) et les côtes moins saillantes et peu moins projetées vers l'avant.
Les deux fragments de chambre d'habitation illustrés Pl. I, Fig. 3 et 5, dont les sections du tour sont reproduites Fig. 2d et 2b, sont assez comparables à ce second paratype par leur costulation. Seule l'épaisseur de la coquille varie un peu, avec un rapport H/E de 1,00 pour le premier spécimen, de 0,86 pour le second.
Le moule interne illustré Pl. I, Fig. 6 est un fragment de chambre d'habitation montrant un quart de tour de spire. La coquille est involute et comprimée, avec un rapport de la hauteur sur l'épaisseur du tour (H/E) de 1,37. La section du tour, subtrapézoïdale, présente une épaisseur maximale au niveau des tubercules ombilicaux. La bordure ombilicale est arrondie, les flancs sont hauts, d'abord faiblement convergents, puis plus nettement sur leur tiers externe et la région ventrale concave. L'ornementation est constituée de tubercules ombilicaux saillants, pincés radialement et inclinés vers l'avant à partir desquels naissent des côtes sinueuses proverses, projetées vers l'avant au tiers externe du flanc, qui se terminent au niveau de clavi obliques par rapport à la ligne siphonale, alternant de part et d'autre de celle-ci. La plupart des côtes sont lautiformes, mais quelques unes sont des intercalaires qui apparaissent assez bas sur le flanc. On compte 3 tubercules ombilicaux, 11 côtes et 8 clavi ventro-latéraux sur le quart de tour préservé.
Malgré l'existence d'un assez large spectre de variation morphologique allant de formes comprimées (H/E = 1,37) jusqu'à des formes épaisses (H/E = 0,68), la population d'Euhoplites décrite ici est très homogène par la présence chez tous les individus de côtes lautiformes, de tubercules ombilicaux épineux, de tubercules ventro-latéraux pincés en clavi obliques par rapport à la ligne siphonale et d'une région ventrale creusée d'un sillon concave.
Comparaison avec les espèces voisines. La grande majorité (95 %) des Euhoplites recueillis dans le niveau phosphaté P5 appartiennent à l'espèce Euhoplites ochetonotus (Seeley, 1865) à costulation fine et dense, subradiale ou flexueuse, et à région ventrale creusée d'un canal siphonal (Fig. 2e). Trois spécimens représentant des formes comprimée, moyenne et épaisse de l'espèce sont photographiés Pl. II, Fig. 1 à 3.
Une proportion minoritaire d'Euhoplites lautus (J. Sowerby, 1821) est également présente dans le P5. Euhoplites lautus possède des côtes lautiformes tendant à être fortement incurvées vers l'avant au tiers externe du flanc, des clavi ventro-latéraux parallèles à la ligne siphonale et un canal siphonal. Deux représentants du taxon sont figurés Pl. II, Fig. 5 et 6.
Euhoplites ochetonotus (Seeley, 1865) et E. lautus (J. Sowerby, 1821) ont en commun une région ventrale creusée d'un canal siphonal. Ce caractère morphologique n'existe pas chez Euhoplites barroisi sp. nov. qui leur est contemporain et où la région ventrale se présente sous la forme d'un sillon concave. E. ochetonotus possède aussi une costulation plus fine et dense tandis qu'E. lautus a des clavi ventro-latéraux non épineux, parallèles à la ligne siphonale et non obliques par rapport à celle-ci.
Euhoplites loricatus Spath, 1925 est un taxon un peu plus ancien de l'Albien moyen dont la distribution verticale se termine dans le niveau phosphaté P4. Un représentant de l'espèce est illustré Pl. II, Fig. 4. Euhoplites loricatus possède, comme E. barroisi, un sillon ventral concave et profond. Mais les clavi ventro-latéraux forment ici des palettes parallèles à la ligne siphonale tandis qu'ils restent toujours plus épineux, et surtout obliques par rapport à celle-ci, chez E. barroisi.
Euhoplites subcrenatus Spath, 1926 et E. alphalautus Spath, 1925 sont au contraire des taxons un peu plus récents. E. subcrenatus est une espèce micromorphe à ornementation atténuée. E. alphalautus possède une costulation plus fine et plus dense qu' E. barroisi avec des côtes sigmoïdes dont les terminaisons tendent à former des crénulations sur l'épaule ventro-latérale.
Distribution. Base de l'Albien supérieur, zone à Dipoloceras cristatum, Wissant (Pas-de-Calais).
V. — Conclusion
Le sillon ventral concave, les tubercules ombilicaux épineux et les clavi ventro-latéraux saillants, obliques par rapport à la ligne siphonale, constituent les caractères spécifiques qui permettent de distinguer aisément Euhoplites barroisi des autres espèces du genre.
Plusieurs Euhoplites récoltés à Wissant dans le niveau phosphaté P5 présentent des caractères morphologiques intermédiaires entre E. lautus et E. barroisi, suggérant une filiation entre ces taxons. Dans l'état actuel des connaissances, E. barroisi ne paraît cependant pas être à l'origine d'un rameau phylétique. L'apparition d'E. barroisi coïncide avec celle d'E. ochetonotus et il semble simplement s'agir d'un taxon dérivé d'E. lautus, comme d'ailleurs E. ochetonotus, au cours d'une phase d'évolution buissonnante synchrone d'un intervalle transgressif d'un cycle eustatique de 3e ordre. Les études de Kennedy & Cobban (1976) ont montré qu'il n'existe pas de relation claire entre les morphotypes des coquilles d'ammonites et les faciès. En revanche, les coquilles lisses avec une section du tour arrondie seraient plus caractéristiques des ammonites pélagiques tandis que le développement de côtes et d'épines serait plutôt observé chez les formes benthiques, ce type d'ornementation permettant de se poser sur le fond ou de mieux résister aux courants dans des eaux agitées (Westerman, 1971). La genèse du niveau phosphaté P5 s'inscrit dans un environnement de ce type.
Remerciements. — M Francis Robaszynski (Mons, B.) et M Gérard Breton (Le Havre) ont accepté de relire ce manuscrit en y apportant des remarques constructives. M Bertrand Matrion (Troyes) a mis au net les figures et réalisé les planches photographiques. Qu'ils en soient tous trois chaleureusement remerciés.