Le fantasme (?) du montage à l’américaine en France, au début des années 1920

DOI : 10.54563/demeter.163

Résumés

Cet article propose d’interroger l’idée d’un fantasme français du montage à l’américaine dans les années 1920, en analysant les écarts possibles entre, d’une part, ce qu’était alors le montage aux États-Unis et la façon dont il était perçu en France, et d’autre part, plus largement, entre ce qu’était le montage à l’époque (en France, aux États-Unis) et ce que nous croyons aujourd’hui qu’il était.
Partant de cette analyse, l’hypothèse que souhaiterait défendre cette contribution tient au fait qu’il n’y aurait pas eu en France au sens strict de fantasme d’un montage à l’américaine (en premier lieu parce que la notion même de montage n’est pas encore fixée) mais plutôt le fantasme de pouvoir atteindre un tel système de représentation, sans devoir pour autant recourir à toutes les caractéristiques du système de production.
Si la différence repérée par nombre de commentateurs entre le cinéma américain et le cinéma français est essentiellement affaire de différence de rythme, cette étude montrera que ce rythme est loin de n’être qu’une question de montage : il est construit dès le scénario, puis le découpage, mais il est aussi affaire de jeu, et d’échelle de cadrages. Par conséquent, le rythme procède de la relation entre divers aspects du système de représentation et obtenir la même longueur moyenne des plans que dans le cinéma américain ne suffit donc pas à reproduire le rythme des films américains. Enfin ce système de représentation découle d’un système de production qu’un grand nombre de metteurs en scène français de cette époque ne rêve pas de voir se mettre en place en France.
Si bien que le fantasme du cinéma français, c’est donc sans doute celui d’un rythme à l’américaine, obtenu avec un système de représentation quelque peu différent, construit à partir d’un système de production résolument distinct, mais pas au sens plein celui d’un montage à l’américaine.

This article proposes to question the idea of a French dream of American-style montage in the 1920s, by analyzing the possible differences between, on the one hand, what montage was then in the United States and the way it was perceived in France, and on the other hand, more broadly, between what montage was then (in France, in the United States) and what we believe now it was.
On the basis of this analysis, the hypothesis that this contribution would like to defend lies in the fact that in France there was not, in the strict sense, a dream of an American-style montage (in the first place because the very notion of montage was not yet fixed), but rather a dream of being able to achieve such a system of representation, without having to resort to all the characteristics of the American production system.
If the difference identified by a number of commentators between American and French cinema is essentially a matter of difference in rhythm, this study will show that this rhythm is far from being just a question of editing: it is constructed from the script, then the cutting, but it is also a matter of play, and of the scale of framing. Consequently, the rhythm proceeds from the relationship between various aspects of the system of representation, and obtaining the same average length of shots as in American cinema is therefore not enough to reproduce the rhythm of American films. Finally, this system of representation stems from a production system that a large number of French directors of the time did not dream of seeing established in France.
So the dream of French cinema is therefore probably that of an American-style rhythm, obtained with a somewhat different system of representation, built from a resolutely distinct production system, but not in the full sense of an American-style editing.

Texte

Si le titre de cette contribution met en avant deux aspects – fantasme et montage – l’un par l’ajout d’un point d’interrogation, l’autre par le recours à l’italique, c’est parce qu’ils nécessitent d’être questionnés. Le premier en fonction de l’écart possible entre ce qu’est le montage aux États-Unis au début des années 1920 et la façon dont il est perçu en France – en quoi il y aurait peut-être fantasme, lié à un écart géographico-culturel. Le second en fonction de l’écart possible entre ce qu’est le montage à l’époque (en France, aux États-Unis) et ce que nous croyons aujourd’hui qu’était le montage à l’époque – en quoi y aurait-il montage dans les films américains du début des années 1920, si l’on donne à ce terme son sens actuel ? L’écart est donc cette fois temporel.

Par conséquent, avant de valider ou non l’idée d’un fantasme du montage à l’américaine, en France, au début des années 1920, il convient de décrire, même minimalement, les pratiques de montage ayant alors cours aux États‑Unis, d’autant qu’elles sont finalement mal connues1. À cette époque, assembler des plans constitue un travail encore peu technicisé : on coupe aux ciseaux, puis on recourt à une colleuse assez simple, destinée avant tout à bien positionner l’un par rapport à l’autre les deux bouts de pellicule à réunir. Les parties de bandes à couper et coller sont repérées à l’aide d’une table munie d’un verre dépoli en-dessous duquel se trouve une source de lumière, mais elles ont fait auparavant l’objet d’une inspection rigoureuse lors d’une ou de plusieurs projections, qui permettent notamment le choix de la bonne prise ainsi que l’évaluation de la durée finale des plans.

Un aspect mérite cependant une attention particulière : la période n’est pas propice aux essais d’enchaînements, voire de raccords, compte tenu de la lourdeur du dispositif de visionnage des éléments montés. En effet, visionner ce que l’on vient d’assembler nécessite soit de déplacer les monteurs-euses et leur matériel dans une salle de projection, soit de recourir à un projecteur portable. Dans tous les cas, le chargement/déchargement de l’appareil de projection peut occasionner une importante perte de temps, à laquelle s’ajoute potentiellement celle liée au déplacement. En effet, l’arrivée dans les laboratoires et studios des différents types d’appareils qui faciliteront ce travail de visionnage (donc en l’occurrence des visionneuses) comme la Moviola et la Lyta, puis des premières tables de montage, ne s’effectue qu’aux alentours de 1925-19272. À une époque où l’on déroule encore le plus souvent la pellicule au jugé, avant de couper et de coller, le cadre technique qui prévaut à toute tentative d’assemblage de bouts de film n’est évidemment pas sans incidence, tant sur les choix de coupes et de collures que sur la perception qu’on peut alors en avoir : les discours, aussi bien techniques que critiques, valorisent peu ce que l’on nomme dès la fin des années 1920 le « montage court3 » et prônent le primat des raccords moraux sur les raccords visuels, c’est-à-dire le prolongement d’un plan à l’autre de l’expression d’un personnage, plutôt, notamment, que de ses mouvements4.

Néanmoins, au milieu des années 1920, lorsqu’il s’agit de faire le bilan de ce qui a changé depuis environ une décennie dans le cinéma français, au plan esthétique, c’est bien l’influence du montage américain qui est mise en avant, même si le livre français cité ci-après n’utilise jamais le terme de montage (sans doute parce que cette phase n’est considérée le plus souvent que comme une étape technique d’assemblage) :

Pendant la guerre, surgirent les films américains (…). Ils apportaient un bouleversement absolu de la technique par l’emploi des « premiers plans ». Comprenons-nous bien : les Américains n’ont pas inventé le « premier plan » ; il s’en trouve dans les films les plus anciens. Mais on n’avait pas songé à en faire usage rationnel. Les Américains érigèrent le « premier plan » à la hauteur d’un système, et ce fut un énorme pas en avant (…)5.

Les deux auteurs, Henri Fescourt et Jean-Louis Bouquet, paraissent donc donner du crédit à l’hypothèse d’un style américain qui aurait marqué les esprits en France, pendant la Première Guerre mondiale, par l’usage systématique de « premiers plans », c’est-à-dire des « gros plans » (comme on commence alors à les dénommer), des plans rapprochés (le syntagme n’existe pas encore) taille/poitrine ou ce que l’on appelle déjà parfois des « plans américains » (on dit aussi « gros plan américain »). Or cette dernière dénomination découle justement de ce phénomène : elle apparaît clairement avec le constat, formulé par la presse cinématographique française, du recours assez régulier, à partir du milieu des années 1910, à un type de plan assez nouveau6. De fait, la pratique de l’alternance et de l’intercalation de « gros plans », telle qu’elle apparaît dans bon nombre de films américains, est érigée en modèle par certains des critiques français les plus renommés, dès le début des années 1920 :

Ce n'est qu'un petit détail technique de mise en scène, mais il a son importance, et je n'ai jamais compris pourquoi les professionnels de l'écran n'y étaient pas plus sensibles. Une des grandes ressources du cinéma est la facilité avec laquelle on peut opérer un brusque changement de plan. Une scène est prise en plan normal ; on l'y maintient aussi longtemps qu'il est nécessaire de recevoir une impression d'ensemble. Mais, qu'un détail devienne soudain plus important, et mérite de retenir l'attention du spectateur, aussitôt on aura recours au « premier plan » ou au « gros plan américain », pour placer sous nos yeux en pleine lumière, avec le grossissement voulu, le fragment du tableau d’où peut émaner un pathétique spécial7.

Toutefois, cette idée d’un mode de mise en succession des tableaux propre au cinéma américain n’apparaît pas qu’au sein de la critique française. Dès 1920, Lev Kouléchov semble faire, en urss, un constat comparable. Il existerait bien, selon lui, une spécificité du cinéma américain, qui tiendrait à un mode de tournage particulier (multiplication des prises et des angles, à une époque où cette pratique est encore peu généralisée), contribuant à expliquer l’importance accordée à l’enchaînement des fragments filmés, c’est-à-dire au montage :

(…) dans un film américain, le nombre de composantes est multiplié du fait de la méthode de tournage qui décompose chaque scène en une série d’éléments. (…) le moyen dont dispose le cinéma pour produire une impression artistique réside dans la composition, l’enchaînement des fragments filmés8.

Le fait que ce constat soit partagé par-delà les pays tend donc à suggérer qu’il ne relève pas que de l’opinion mais découle d’une réalité, observée conjointement par divers commentateurs ; il serait d’ailleurs aisé d’ajouter une multitudes d’autres citations de ce type à celles-ci. Cependant, le détour par la remarque de Kouléchov permet également de commencer à envisager la complexité de la question puisque le metteur en scène soviétique met en un sens l’accent sur un « tournage à l’américaine », qui serait déterminant dans l’avènement d’un nouveau mode de mise en succession des tableaux. L’intérêt de la citation de Kouléchov est par conséquent d’affirmer le lien entre un système de représentation et un système de production, lequel serait décisif dans l’avènement aux États-Unis d’un récit cinématographique basé sur la fragmentation de chaque scène en plusieurs tableaux. Or l’hypothèse que souhaiterait défendre cette contribution tient justement au fait qu’il n’y aurait pas eu en France au sens strict de fantasme d’un montage à l’américaine (en premier lieu parce que la notion même de montage n’est pas encore fixée) mais plutôt le fantasme de pouvoir atteindre un tel système de représentation, sans devoir pour autant recourir à toutes les caractéristiques du système de production.

Tenter de vérifier cette hypothèse nécessite de revenir quelque peu en arrière, en particulier au moment où le cinéma français commence à prendre conscience de la nouveauté en matière d’assemblage et de fragmentation de quelques films américains. De fait, le constat fait rétroactivement par Fescourt et Bouquet était en fait déjà dressé en 1911 par le metteur en scène Victorin Jasset, à une époque où Fescourt n’avait même pas encore commencé à faire des films :

Les Américains avaient remarqué l’intérêt que pourrait donner le jeu de physionomie dans les premiers plans, et ils s’en étaient servis, sacrifiant le décor, l’ensemble de la scène quand il le fallait pour présenter au public les figures des personnages qui restent à peu près immobiles9.

Ces quelques lignes de Jasset font sans aucun doute partie des premières remarques, au moins parmi celles ayant laissé une trace jusqu’à nous, à noter le recours à l’insertion de gros plans dans certains films américains. Cependant l’usage de cette échelle de cadrage n’est pas ici perçu comme déterminé par un système de production particulier, mais tiendrait plutôt à la volonté de mettre en valeur un jeu d’acteurs spécifique. Cette idée devient vite assez commune dans la presse française. On la retrouve ainsi sous la plume de Léon Demachy :

Pour produire le maximum d’effet, tout en conservant la sobriété du geste, sobriété qui contrarie leur jeu, les acteurs de la troupe du Vitagraph ont dû spécialement travailler les jeux de physionomie, et pour que les expressions du visage puissent être parfaitement perçues des spectateurs, de tous les points de la salle, le metteur en scène a dû projeter les acteurs au premier plan, autant qu’il lui était possible. Cette méthode, qui donnait de bons résultats, a vite dégénéré en méthode abusive, comme ont pu facilement s’en rendre compte les amateurs qui suivent les films du Vitagraph depuis environ deux ans10.

Si Demachy souligne la singularité des productions de la Vitagraph, alors même que l’usage des premiers plans paraît tout aussi généralisé au sein des films Biograph, notamment ceux réalisés par Griffith, c’est parce qu’à l’évidence les films Vitagraph sont alors mieux distribués en France que les films Biograph, la Vitagraph étant l’une des premières sociétés étrangères à ouvrir des bureaux à Paris afin de faciliter l’exportation de ses films vers l’Europe. Mais l’intérêt des remarques de Demachy tient également à ce qu’elles pointent le caractère trop systématique de cette utilisation des premiers plans, inaugurant en cela des débats contradictoires autour d’un système de représentation qui est parfois jugé comme trop découpé. Au point qu’au début des années 1920, les films français qui sont les plus proches de ce « montage à l’américaine », voire qui le dépassent (par exemple les films de Gance, mais également ceux de Kirsanoff, où il ne s’agit plus seulement d’insérer des premiers plans), sont régulièrement critiqués pour leur « montage court », assimilé à une fragmentation excessive11. On voit ainsi, déjà, que l’intérêt pour les formes nouvelles de fragmentation et d’assemblage n’est pas unanime en France, des années 1910 aux années 1920.

Cependant, au moment où Jasset et Demachy vantent les récits fragmentés des Américains, la presse étatsunienne défend une autre conception de la qualité cinématographique. En effet, pour certains des critiques les plus importants de l’époque, en particulier ceux du Moving Picture World, le « qualitative picture » est plutôt français et doit sa qualité à la recherche dans le travail photographique. Cette qualité photographique serait telle que l’on pourrait reconnaître un film Gaumont au premier coup d’œil, par l’importance accordée aux jeux d’ombre et de lumière, la construction d’effets de clair‑obscur, et l’utilisation d’une lumière ciblée et non uniforme12.

Ce détour par la presse américaine nous rappelle que le montage n’est pas nécessairement considéré, durant les années 1910 comme dans les années 1920, comme le critère artistique principal : un film peut prétendre au statut d’œuvre d’art par sa qualité photographique, ce qui n’est pas sans lien avec l’importance accordée en Europe, et plus particulièrement en France, à la notion certes ambiguë de photogénie, basée sur la valeur de révélation des images et non sur la valeur de leur mise en succession. De surcroît, ce type de critiques américaines suggère aussi qu’en cette période nouvelle de concurrence sur le marché cinématographique international (qui court du début des années 1910 au début des années 1920, avant que la production hollywoodienne se mette à dominer largement le monde), chaque pays producteur regarde l’autre afin d’y découvrir ce qui lui manque : le recours à un découpage varié pour les Français ; la qualité photographique pour les Américains. Cet appel étatsunien à une amélioration de la qualité photographique n’est d’ailleurs pas sans produire d’importants effets, au point que la sortie française du Forfaiture de Cecil B. DeMille, en juin 1916, retourne le constat, au sein de la critique française, en défaveur du cinéma français.

Il y a par conséquent une certaine logique à ce que, durant le début des années 1920, la plupart des metteurs en scène français insistent sur l’importance du travail visuel sur l’image : nombreux sont en effet ceux qui considèrent, à l’instar de Perret, que « L’image est l’essence du Cinéma13 », et même parmi ceux qui brillent par leur montage. Ainsi, pour Gance, « le cinéma, c’est la musique de la lumière14 », dans une formule qui tente en un sens de conjoindre la photogénie et le rythme – les deux critères artistiques majeurs de l’époque. Il n’est d’ailleurs pas le seul à aller dans ce sens. En effet, dans un texte qui tente d’épuiser ce que peut apporter la notion de photogénie à l’art cinématographique, Pierre Porte distingue deux types de photogénie : la photogénie des formes, qu’il qualifie de photogénie plastique – en fait le travail sur l’image –, et la photogénie des états, qui relève de la mise en succession des images. Il dénomme également cette dernière « photogénie des situations », faisant ainsi référence aux « situations dans lesquelles sont placés les objets plastiques : mouvement, état d’âme, sentiment exprimé, etc. Et tout cela en relation étroite avec le contexte, c’est‑à-dire avec l’action qui englobe ces états, avec les images qui précèdent ou suivent l’image envisagée15 ». On voit ainsi avec Gance et Porte (deux exemples parmi d’autres) que la question du montage (pas encore nommé ainsi, dans la plupart des cas) s’immisce progressivement, en France, aux débuts des années 1920, au sein de discours s’attachant initialement à la possible artisticité du cinéma par la photogénie.

Cette transformation progressive du discours de certains critiques français sur la qualité cinématographique s’opère dans un contexte de concurrence inédite. Celui-ci ne cesse d’être interrogé par le champ cinématographique, notamment à travers de nombreux articles mettant explicitement en comparaison le cinéma américain et le cinéma français. Cette question a déjà été un peu abordée par Priska Morrissey, qui s’est notamment intéressée à l’enquête publiée par le Film, en 1919, sur la manière de sauver le cinéma français et de conquérir le marché américain16 ; il ne paraît donc pas nécessaire de détailler cet aspect. Précisons juste que sont publiés, durant la première moitié des années 1920, des dizaines d’articles reposant sur un principe de comparaison entre « Ici et là-bas17 », c’est-à-dire entre la production cinématographique française et son équivalent étatsunien, et ce dans toute la presse française. D’autant plus que cette concurrence ne se déploie pas qu’à l’échelle cinématographique mais aussi à l’échelle filmique, dès lors que d’un côté comme de l’autre de l’Atlantique sont adaptés les mêmes romans, dans des films portant par conséquent les mêmes titres : ainsi compare-t-on, par exemple, « comment on a tourné les Trois Mousquetaires en France et en Amérique18 ». Ces multiples comparaisons débouchent immanquablement sur un discours pointant la supériorité des films américains, ou conséquemment l’infériorité du cinéma français : dès 1919, Molly Talobre analyse dans Ciné pour tous « les raisons de la supériorité des films américains19 », laquelle est toujours au centre des propos de Raymond Berner qui, dans un de ses articles pour la Presse en 1924, titre sur « Notre infériorité20 ». Or, le plus souvent, cette supériorité américaine est justifiée, comme il se doit, par l’idée d’une spécificité dans l’usage « d’admirables premiers plans21. »

Voilà qui paraît nous ramener aux citations liminaires de Fescourt/Bouquet et de Kouléchov. Pour autant, s’agit-il vraiment d’un problème de montage ? Et ce problème, quelles en sont les causes réelles et donc les solutions possibles ? Ces questions valent d’être posées à la lecture d’un grand nombre d’articles de la presse française qui voient dans l’usage des gros plans le résultat d’une certaine pratique de l’écriture du découpage, davantage que la conséquence d’un travail de montage. Ainsi, tel article qui présente l’intérêt de recourir au « découpage du scénario » parce qu’il « a pour but de fixer dans tous ses détails une œuvre, afin de ne laisser aucune chance d’erreur à ceux qui seront chargés de la réaliser22 », le décrit simultanément comme le moment où s’envisage « (…) l’emploi du gros plan qui ne nous met sous les yeux que ce que nous devons voir ». Avant d’ajouter que « les Américains ont parfaitement compris ce grand principe et l’appliquent avec bonheur. »

De fait, dans une large mesure, les effets que nous associons aujourd’hui au montage, notamment depuis les années 1940 et en particulier depuis les positions radicales sur le sujet d’André Bazin – c’est-à-dire en particulier les effets d’alternance et d’intercalation23 –, relèvent très souvent, et presque depuis les premières années du cinéma, du découpage ou du scénario, en tout cas d’un document écrit préparatoire24. Ce principe d’un travail préparatoire écrit très minutieux s’impose très vite, dès les années 1910, aux États-Unis (on parle par exemple de continuity)25, et le recours à des spécialistes (les découpeurs ou, en anglais continuity writer) qu’il induit frappe les observateurs français. Ainsi, le metteur en scène français Henri Roussel, revenant d’un séjour aux États-Unis, décrit la partie « intellectuelle » de l’équipe de production du système américain en ces termes : « Il faut y ajouter la collaboration, en ce qui concerne le côté intellectuel, d’un personnel composé d’un manager, d’un assistant-directeur, d’un rédacteur travaillant à la “continuity” (découpage), quelquefois d’un secrétaire, d’une sténo-dactylo et de deux ou trois régisseurs26. »

Toutefois, il apparaît très vite au milieu cinématographique français que cette fragmentation préparée au découpage, dans le système américain, se trouve bien évidemment actualisée lors de la phase d’assemblage après tournage – phase qui peut donc avoir quelque autonomie par rapport au découpage, dans les choix relatifs à la mise en succession des tableaux. Si Henri Diamant-Berger évoque très tôt le fait qu’aux États-Unis, une fois « le négatif terminé, le film est monté avec le concours de spécialistes (…)27 », la prise de conscience, en France, de l’importance de ces « médecins du film » que sont les monteurs n’intervient que progressivement, au début des années 1920. Ils sont alors décrits à la fois positivement parce que complétant le travail du metteur en scène (« le docteur a vu la tare imperceptible pour le metteur en scène, qui, depuis de longs mois, tourne et retourne, retombant, sans la voir, dans son erreur toujours pareille ») et négativement parce qu’associé à un travail de « chirurgie » à double tranchant (si l’on peut dire) – « le docteur exerce la médecine et la chirurgie : il coupe, taille (…)28 » – en ce qu’il peut tout aussi bien régénérer un film que le charcuter. En effet, une bonne partie de la presse cinématographique tend à voir plutôt d’un bon œil le système industrialisé de production du cinéma américain, qui repose sur la séparation et la spécialisation de chaque tâche, au point de le voir jouer un rôle décisif dans la qualité des films arrivant des États-Unis :

Pour que l’art cinématographique donne son maximum de résultats, il doit avoir à sa disposition le maximum de progrès industriels. C’est ce que les Américains ont compris les premiers et, là comme en tout, ils se montrèrent entreprenants et audacieux. (…) les réalisateurs français n’ont pas trouvé près de l’industrie, chez nous, à de rares exceptions, les facilités que rencontrèrent les compagnies de production cinématographique aux États-Unis. Est-il donc impossible à la France d’avoir son Hollywood29 ?

Par conséquent l’une des questions que se posent certains professionnels français est de savoir si l’on veut copier le modèle industriel américain, qui offrirait les moyens financiers et techniques de produire des films artistiques. Ces moyens permettraient en effet un luxe au tournage – plusieurs caméras, plusieurs prises, plus de temps pour varier les angles et les échelles –, lequel a lui-même une incidence directe sur la richesse possible du montage.

Mais est-on bien certain que le problème de l’écart entre la production américaine et la production française ne tient qu’à l’aspect financier et industriel ? D’autres hypothèses sont en effet avancées en France par certains, et elles appellent alors d’autres réponses. Une des explications possibles à ces différences esthétiques entre les films français et les films américains tiendrait, selon certains critiques à un problème générationnel : le cinéma français, parce qu’il a commencé très tôt à s’industrialiser, produirait des longs métrages de metteurs en scène assez âgés, moins enclins que les directors américains à innover, ceux-ci étant souvent plus jeunes, compte tenu du fait que l’industrialisation du cinéma américain a débuté plus tard. Un exemple de cette hypothèse est donné par Charles Torquet, dans un article pour Mon Ciné, en 1922 :

(…) se forma une première génération de metteurs en scène dont la plupart opèrent encore, mais (…) ils sont devenus avec de grands et vrais talents, parfois, des anciens, des ancêtres. Leurs idées et leurs méthodes commencent à rancir. Pendant qu’ils piétinaient sur place, les Américains apparaissaient, évoluaient, grandissaient, mettaient des centaines de millions dans l’affaire, prenaient des ailes et nous survolaient de haut. Nous restions prisonniers du vieux théâtre et du vieux ciné30.

Cet article constitue en fait, par opposition avec cette première affirmation, une sorte d’éloge d’un metteur en scène représentant la nouvelle génération, en l’occurrence Raymond Bernard. Or celui-ci, interviewé dans la suite de l’article, tient un discours assez radical, critiquant en creux le souhait de certains professionnels du cinéma français d’appliquer le modèle américain de production :

Pour moi, les principales opérations de la mise en film résident dans la préparation. Le découpage de l’action a une importance énorme, ainsi que le choix des angles de prises de vues, l’emploi des lumières. D’autre part, une fois toutes les vues prises, le montage de la bande ne saurait être fait avec trop de soin. Il faut que l’animateur du film fasse tout son montage lui-même et qu’il ne s’en remette pas, comme il arrive trop souvent, à une ouvrière monteuse qui, si intelligente, si expérimentée et consciencieuse qu’elle soit, ne peut jamais le remplacer. C’est là que réside une des plus importantes parties de son art31.

Raymond Bernard prône donc une organisation sociale singulière, revendiquant le contrôle sur toutes les phases de création, y compris le découpage et le montage (et il n’est pas insignifiant que le terme apparaisse). Ce faisant, il rejette implicitement le modèle industriel hollywoodien, basé sur une stricte division du travail (et où le monteur ou la monteuse est donc un spécialiste), en même temps que le modèle français (où, de fait, le montage, simple assemblage après élagage des parties de plans jugées inutiles, est confié le plus souvent à une ouvrière).

S’il existe donc des différences objectives dans l’organisation sociale de la préproduction, de la production, et de la postproduction cinématographiques entre les États-Unis et la France, l’appréciation de celles-ci peut varier selon les personnes, et les raisons des écarts dans les pratiques de montage peuvent par ailleurs se trouver au-delà de ces strictes considérations socio-économiques. Il faut cependant aussi se demander si ces différences sont autant sociales qu’artistiques ou, plus exactement, si le modèle américain d’organisation sociale se traduit concrètement et systématiquement par des options esthétiques notablement singulières. Les recherches de Barry Salt, menées à partir d’un vaste corpus de films, semblent indiquer que la durée moyenne des plans est réellement plus courte dans le cinéma américain du début des années 1920 que dans le cinéma français32. Toutefois, cet aspect paraît ne pas être pour autant systématique. Ainsi, par exemple, la comparaison entre les débuts des deux versions (américaine et française) des Trois Mousquetaires atteste d’une relative proximité en termes de longueur moyenne des plans. L’étude de ces deux entrées dans la fiction permet tout de même quelques observations intéressantes. Dans le film de Fred Niblo (1921), l’ouverture est découpée en 5 plans, tous différents (en termes de cadrages et d’angles), en une minute, ce qui représente une moyenne de 12 secondes par plan. Dans le long métrage d’Henri Diamant-Berger et Henri Andréani (1921), ce sont 9 plans, avec des reprises de la même prise (même cadrage), qui se succèdent en 1’45, soit à peu près aussi 12 secondes par plan33. Certes, ce n’est qu’indicatif, et il faudrait donc procéder à une telle évaluation sur toute la longueur de ces deux films (ce qui excède nécessairement le champ de réflexion ouvert par cet article). Et cette évaluation serait sans doute un peu à l’avantage du long métrage de Niblo. Reste que cependant la différence n’est pas si grande… bien que pourtant perçue comme importante. Ainsi, le critique Pierre Henry, qui compare les deux films bien qu’il reconnaisse honnêtement ne pas avoir vu le long métrage de Niblo, pas sorti en France34, fait un procès en défaut de rythme au film de Diamant-Berger et Andréani : il remarque qu’il était prévisible que « le rythme, la cadence du film serait à peu près nulle (il n’y a encore, à l’heure actuelle, en France, que quatre ou cinq cinégraphistes capables de donner de la vie à une bande par le montage des “bouts” de pellicule)35 » – ce que le film achevé confirme, selon lui. Toutefois, même si Pierre Henry évoque ici le « montage », on peut se demander dans quelle mesure ce rythme ne doit pas moins au montage qu’au scénario et au découpage, c’est-à-dire au choix de représenter ou non tel épisode du livre, de le condenser ou au contraire de le développer, bref à la manière de conduire le récit. Rappelons que le long métrage de Niblo est long d’environ 3 000 mètres (soit 2h30 environ) tandis que le français est un film à épisodes de 15 000 mètres environ (soit 12h). C’est d’ailleurs ce que remarque aussi Delluc :

Ainsi les Trois Mousquetaires filmés par Henri Diamant-Berger n’ont pas eu, malgré leurs qualités, le succès mondial des Trois Mousquetaires filmés par Douglas Fairbanks (sic). (…) C’est que la version française, soucieuse du détail, de la minutie historique, du fignolage patient de chaque individu et de chaque milieu a presque totalement sacrifié le rythme du roman36.

Selon Delluc, s’il y a bien une différence d’un film à l’autre, c’est donc dans les modalités de l’adaptation du roman de Dumas et Maquet, la version américaine étant fidèle au rythme tandis que la version française serait en un sens plus fidèle à sa dimension historique. Diamant-Berger insiste d’ailleurs un peu partout dans la presse, à l’époque, pour dire que tous les accessoires du cabinet de Richelieu sont authentiques ou fidèlement reproduits, que les tableaux et les tapisseries qui l’ornent sont d’exactes copies, etc.37 Une telle revendication engage évidemment d’autres principes de représentation, l’un des enjeux étant de montrer ces accessoires, ces objets, parfois au détriment du rythme.

Cependant il faut noter également que la comparaison entre ces deux ouvertures met en évidence l’utilisation, dans la version américaine, de gros plans isolant les personnages, là où, dans la version française, on n’use que de plans de taille mettant systématiquement en coprésence plusieurs personnages. On peut y voir la conséquence d’un des piliers du découpage à l’américaine, comme on l’appelle38 : la valorisation des comédiens, et plus encore, des stars. La variation des angles et des grosseurs de plans n’est sans doute pas pour rien dans l’impression de rythme qui se dégage des films américains, tandis qu’à l’inverse cette variété moindre, dont atteste le début du long métrage de Diamant-Berger, peut participer à l’impression de lenteur que paraissent ressentir certains critiques face à des films français. La sensation de rythme n’est donc pas qu’affaire de durée des plans, ni même de mouvements rapides à l’intérieur des plans39, elle émane aussi de la mise en succession de cadrages et d’angles très différents. Or ce recours limité aux gros plans, chez Diamant-Berger, peut s’expliquer justement par la volonté de mettre en valeur un jeu d’acteur fort différent de celui qui caractérise Douglas Fairbanks. Pierre Henry le suggère, dans sa critique, insistant sur cet écart culturel :

En France, la Comédie-Française et ses succédanés fournissent encore le principal des troupes d’interprètes cinégraphiques : ils excellent en saluts, en postures avantageuses, en gestes grandiloquents, en mimiques excessives ; aux États-Unis, les sportsmen pullulent devant l’appareil de prises de vues ; ce sont les petits-fils de ces rudes pionniers dont William Hart et Harry Carey nous ont donnée de saisissantes images40.

Cette nouvelle comparaison avec le cinéma américain débouche donc sur un constat radical : « on ne sait pas encore jouer cinéma en France41 », et ce jeu peut participer de l’impression de rythme que donnent certains films, lent en France, plus rapide aux États-Unis.

De tout cela on peut tirer plusieurs conclusions. La première est que la différence repérée par nombre de commentateurs entre le cinéma américain et le cinéma français est essentiellement affaire de différence de rythme – ce qui n’est guère étonnant, si l’on tient compte du fait que le rythme est un critère majeur dans l’appréciation des films en France aux débuts des années 1920.

La deuxième est que ce rythme est loin de n’être qu’une question de montage : il est construit dès le scénario, puis le découpage, mais il est aussi affaire de jeu, et d’échelle de cadrages. Par conséquent, le rythme procède de la relation entre divers aspects du système de représentation et obtenir la même longueur moyenne des plans que dans le cinéma américain ne suffit donc pas à reproduire le rythme des films américains. Enfin ce système de représentation découle d’un système de production qu’un grand nombre de metteurs en scène français de cette époque ne rêve pas de voir se mettre en place en France.

Si bien que le fantasme du cinéma français, c’est donc sans doute celui d’un rythme à l’américaine, obtenu avec un système de représentation quelque peu différent, construit à partir d’un système de production résolument distinct, mais pas au sens plein celui d’un montage à l’américaine. Diamant‑Berger lui-même nous en fournit d’ailleurs une preuve supplémentaire.

En 1924, il considère, comme d’autres, que ce que nous appelons aujourd’hui montage n’est pas encore advenu : la liaison des scènes, c’est‑à‑dire le travail des raccords entre les plans est encore dans les limbes, selon lui : « La technique du cinéma se perfectionne rapidement, mais toujours dans la même voie. Des progrès considérables seront réalisés dans le montage, dans la liaison des scènes, des tableaux42. »

Il est clair pour beaucoup de commentateurs français de cette époque que sur cet aspect précis, qui va devenir central dans la pratique du montage (car le montage obtient une reconnaissance en tant que phase de création autonome dès lors que se généralise la pratique des raccords), le cinéma américain n’est aucunement un modèle : le début du film de Niblo ne repose d’ailleurs que sur des raccords de direction, mais pratiquement pas sur des raccords de gestes, et pas du tout sur des raccords de décors, etc. De surcroît, même celui qui est pourtant considéré comme l’un des inventeurs du montage (dans une confusion sans doute avec le découpage), David Wark Griffith, n'est pas vu comme un modèle, de ce point de vue :

Ainsi vit-on un réalisateur de la force de D. W. Griffith, dans Les Deux Orphelines, commettre l’erreur de tourner les gros plans de Danton (Monte Blue) pendant la galopade précipitée vers la guillotine, sur fond absolument fixe de toile grise, là où il aurait été nécessaire de prendre les têtes dans le mouvement vrai, avec les maisons floues et dansantes, fuyant derrière elles. C’était d’autant plus inexplicable et impardonnable que Griffith était le cinéaste qui avait innové les gros plans dans le mouvement (…)43.

En 1927, à un moment où commence à se généraliser la pratique des raccords, ce que l’on reproche à Griffith est donc justement de ne pas se soucier des raccords, en continuant à tourner séparément (sans que cela raccorde) les gros plans et les plans plus larges. Mais curieusement, on pointe peu le fait que si Griffith fonctionne ainsi c’est parce qu’il applique les principes du système de production américain, qui rationnalise à l’excès le tournage – ces principes que certains professionnels du cinéma français se refusent à reprendre à leur compte, même s’ils rêvent durant toute cette décennie d’un rythme à l’américaine.

Le vrai fantasme d’un montage à l’américaine n’interviendra en fait, ponctuellement, que dans la seconde moitié des années 1920. Mais ce sera moins le fantasme d’un montage, au sens strict, que le fantasme des conditions techniques de montage, telles qu’elles apparaissent aux États‑Unis avec les visionneuses type Moviola, qui facilitent justement la mise en forme des raccords. C’est là, toutefois, une autre histoire.

1 Elles feront l’objet d’un ouvrage entier, à paraître courant 2019 : André Gaudreault et Laurent Le Forestier, Le Montage cinématographique :

2 Sur l’invention de la Moviola, voir Earl Theisen, « The Story of the Moviola », The International Photographer, vol. 7, n° 10, novembre 1935, p. 

3 L’expression est utilisée notamment pour définir, rétrospectivement, La Roue, par Jack Conrad, « Le montage des films », Cinémagazine, 21 janvier 

4 C’est par exemple ce que défend ici Delluc : « Griffith a pleinement réalisé dans La Rue des Rêves et dans Way Down East son goût du raccord moral

5 Henri Fescourt et Jean-Louis Bouquet, L’idée et l’écran, opinions sur le cinéma, fascicule 1, Paris, 1ter rue Charles Baudelaire, Imprimerie G. 

6 « Plan » étant à entendre ici dans le sens qu’on lui donne alors, celui d’unité de cadrage – le terme de plan pour désigner une unité de montage se

7 Émile Vuillermoz, « Courrier cinématographique. Marionnettes », Le Temps, 19 mai 1923, p. 5.

8 Lev Kouléchov, « La bannière du cinématographe », dans L’Art du cinéma et autres écrits, Lausanne, l’Âge d’Homme (1920) 1994, p. 41. L’italique

9 Victorin Jasset, « Étude sur la mise en scène en cinématographie », Ciné-Journal, n° 165-170, 21 octobre-25 novembre 1911 (cette partie de l’

10 Yhcam, « La cinématographie considérée au point de vue théâtral. iii – Le premier plan », Ciné-Journal, n° 193, 4 mai 1912, p. 16 (À noter que c’

11 On parle ainsi d’un « montage ultra-rapide (…) montage trop rapide, fatigant pour les yeux » à propos de Ménilmontant, de Dimitri Kirsanoff (Lucie

12 Ces idées sont notamment développées dans Anonyme (probablement Thomas Bedding), « The Qualitative Picture. The Influence of French School of

13 Lettre de Léonce Perret en réponse à une enquête du critique (et compositeur) Raymond Berner, reproduit dans Raymond Berner, « Écrans et studios.

14 Il s’agit du titre d’un article d’Abel Gance, publié dans Cinéa-Ciné pour tous, n° 3, 15 décembre 1923, p. 11.

15 Pierre Porte, « L’idée de photogénie », Cinéa-Ciné pour tous, n° 17, 15 juillet 1924, p. 14-15 (c’est moi qui souligne).

16 Priska Morrissey, « Enjeux et logique d’interprétation des films hollywoodiens par les professionnels du cinéma français au sortir du premier

17 Titre d’un article signé I. B. R., publié dans Ciné-Miroir, n° 48, 15 avril 1924, p. 120.

18 Article Anonyme publié dans Ciné pour tous, n° 79, 2 décembre 1921, p. 6-9.

19 Molly Talobre, « Sur les raisons de la supériorité des films américains », Ciné pour tous, n° 5, 15 août 1919, p. 6.

20 Raymond Berner, « Écrans et studios. Notre infériorité », la Presse, 19 juillet 1924, p. 2.

21 Molly Talobre, op. cit.

22 Cette citation et les suivantes sont tirées d’un article Anonyme, « Pour faire un film », Ciné pour tous, n° 9, 1er novembre 1919, p. 3.

23 Pour plus détails, voir L. Le Forestier, T. Barnard, F. Kessler (dir.), Montage, Découpage, Mise en scène : Essays on Film Form, Caboose/Rutgers

24 Même chez certains Soviétiques comme Poudovkine, qui parlait d’ailleurs du « découpage de fer » qui constitue le « montage a priori ». Voir

25 Voir à ce sujet le travail de Mélissa Gignac, « Du scénario au film : la création du long métrage de fiction aux États-Unis et en France dans les

26 Henri Roussel, « Le cinéma en France et en Amérique », Cinéa, n° 14-15, 12 août 1921, p. 6. Pour des développements au sujet du recours au

27 Henri Diamant-Berger, « Pour sauver le film français. Ce qu’il faut connaître de l’Amérique pour y faire pénétrer nos films », le Film, n° 154, 23

28 Toutes ces citations sont tirées de G. M., « Notre écran », Ciné-Miroir, n° 26, 15 mai 1923, p. 156.

29 Anonyme, « Deux films américains : Tarzan et Une vie de chien. Comment on travaille à Hollywood, la ville du Cinéma », Ciné-Miroir, n° 6, 15 

30 Charles Torquet, « Nos metteurs en scène. Raymond Bernard », Mon Ciné, n° 40, 23 novembre 1922, p. 8. L’italique figure dans le texte.

31 Ibid.

32 Voir Barry Salt, Film Style and Technology : History Analysis, 2nd expanded edition, London, Starword, 1992, p. 146.

33 Le travail sur le film a été effectué à partir du dvd édité par tf1 Vidéo. La restauration entreprise à cette occasion par Roissy Films a pris

34 Pour quelques détails à ce sujet, voir Myriam Juan, « “Aurons-nous un jour des stars ?” Une histoire culturelle du vedettariat cinématographique

35 Pierre Henry, « Les Six Mousquetaires », Ciné pour tous, n° 76, 21 octobre 1921, p. 10.

36 Louis Delluc, préface à Drames de cinéma, reproduite dans la Gazette des 7 arts, n° 4-5, 23 février 1923, p. 11.

37 Voir par exemple « Comment on a tourné les Trois Mousquetaires en France et en Amérique », op. cit., et les propos de Diamant-Berger rapportés

38 Sur cette notion de « découpage à l’américaine », voir notamment Jacques Faure, « L’histoire de J’ai tué racontée par son metteur en scène », Mon

39 Pour une distinction théorique sur ces deux types de rythme, voir notamment Léon Moussinac, « Le cinéma au Salon d’automne », Gazette des sept

40 Pierre Henry, « Les Six Mousquetaires », op. cit.

41 Raymond Berner, « Notre infériorité », la Presse, 19 juillet 1924, p. 2.

42 Entretien de Diamant-Berger reproduit dans Raymond Berner, « Écrans et studios », la Presse, 16 août 1924, p. 2.

43 Jean Arroy, « L’art de recréer le mouvement de la vie », Cinémagazine, n° 12, 7e année, 25 mars 1927, p. 549.

Notes

1 Elles feront l’objet d’un ouvrage entier, à paraître courant 2019 : André Gaudreault et Laurent Le Forestier, Le Montage cinématographique : instauration et standardisation d’une pratique (Presses de l’Université de Montréal, coll. Écritures numériques). Ces pratiques de montage sont déjà partiellement décrites dans D. Bordwell, J. Staiger, K. Thompson (dir.), The Classical Hollywood Style, New York, Columbia University Press, 1985 et, plus récemment, dans C. Keil, K. Whissel (dir.), Editing and Special/Visual Effects, New Brunswick, Rutgers University Press, 2016, en particulier dans le chapitre de Scott Higgins, « The Silent Screen, 1895-1927 : Editing ».

2 Sur l’invention de la Moviola, voir Earl Theisen, « The Story of the Moviola », The International Photographer, vol. 7, n° 10, novembre 1935, p. 4-5, et Mark Serrurier, « The Origins of the Moviola », Journal of the smpte, vol. 75, juillet 1966, p. 701-703 (Mark est le fils de Iwan Serrurier, inventeur de la Moviola).

3 L’expression est utilisée notamment pour définir, rétrospectivement, La Roue, par Jack Conrad, « Le montage des films », Cinémagazine, 21 janvier 1927, p. 126. Cela n’empêche évidemment certains metteurs en scène de s’y adonner, non sans de réelles difficultés matérielles, comme en témoigne l’exemple de la Roue de Gance en 1923. Ces difficultés matérielles sont évoquées notamment dans un rapport de l’ingénieur Marcel Mayer, travaillant chez Pathé, qui relate certains soucis causés par le film d’Abel Gance : « Beaucoup de désagréments en vérification provenant du montage de la scène La Roue, l’ordre de montage étant à chaque instant changé, des numéros passés au coloris, d’autres dont les négatifs ont été envoyés à Joinville par suite de laquages qui viennent du reste être supprimés [sic], nous ont retardés énormément ». (Marcel Mayer, « Rapport général sur les services de la Fabrication “E” », Cahier no 33 016, cecil/fjsp, février 1923, p. 6).

4 C’est par exemple ce que défend ici Delluc : « Griffith a pleinement réalisé dans La Rue des Rêves et dans Way Down East son goût du raccord moral, remplaçant le raccord visuel. C’est-à-dire que de l’image rapprochée à l’image éloignée du même personnage dans le même mouvement, il ne garde pas le même geste. On en conclut qu’il vaut mieux suivre l’idée du personnage que le détail de ses actes. On oublie aussi de dire que la manière de Griffith, âpre et énervante, se renforce de ce procédé. Le spectateur subit inconsciemment une sorte de choc à chaque changement d’image et cela l’entretient dans cette atmosphère d’anxiété, voire d’irritation, par quoi Griffith prépare ses péripéties ». (Louis Delluc, « Un cheveu dans les pellicules », Cinéa, n° 48, 7 avril 1922, p. 11).

5 Henri Fescourt et Jean-Louis Bouquet, L’idée et l’écran, opinions sur le cinéma, fascicule 1, Paris, 1ter rue Charles Baudelaire, Imprimerie G. Haberschill & A. Serfent, 1925, p. 10-11.

6 « Plan » étant à entendre ici dans le sens qu’on lui donne alors, celui d’unité de cadrage – le terme de plan pour désigner une unité de montage se généralise en France plus tard, dans la seconde moitié des années 1920, à partir du moment où les commentateurs sont amenés à décrire des successions de plans-cadrages au sein d’une même séquence, c’est-à-dire à partir du moment où l’on fragmente systématiquement une séquence en plusieurs cadrages, enregistrés séparément. À ce sujet, voir Laurent Le Forestier, « Une autre histoire du montage dans le cinéma français des années 1920 : le cas Pathé », dans Recherches et innovations dans l’industrie du cinéma. Les cahiers des ingénieurs Pathé (1906-1927), S. Salmon, J. Malthête (dir.), Paris, Fondation Jérôme Seydoux – Pathé, 2017, p. 95-113.

7 Émile Vuillermoz, « Courrier cinématographique. Marionnettes », Le Temps, 19 mai 1923, p. 5.

8 Lev Kouléchov, « La bannière du cinématographe », dans L’Art du cinéma et autres écrits, Lausanne, l’Âge d’Homme (1920) 1994, p. 41. L’italique figure dans le texte de Kouléchov.

9 Victorin Jasset, « Étude sur la mise en scène en cinématographie », Ciné-Journal, n° 165-170, 21 octobre-25 novembre 1911 (cette partie de l’article paraît dans le dernier numéro mentionné, p. 26).

10 Yhcam, « La cinématographie considérée au point de vue théâtral. iii – Le premier plan », Ciné-Journal, n° 193, 4 mai 1912, p. 16 (À noter que c’est Alain Carou qui a identifié Léon Demachy derrière le pseudonyme Yhcam : voir Le Cinéma français et les écrivains. Histoire d’une rencontre, 1906-1914, Paris, afrhc, 2002).

11 On parle ainsi d’un « montage ultra-rapide (…) montage trop rapide, fatigant pour les yeux » à propos de Ménilmontant, de Dimitri Kirsanoff (Lucie Derain, « Les Nouvelles Productions », La Cinématographie française, n° 383, 6 mars 1926, p. 24) Le même Kirsanoff est également attaqué, à la même époque, dans Paris-Midi, pour cette raison (il aurait « usé – et abusé – de certains effets », sans tenir compte du fait que « l’éducation visuelle du public [ne serait pas] suffisamment avancée »). Voir Gaston Thierry, « En marge de notre enquête. Les goûts et les tendances du cinéma français. Un jeune : M. D. Kirsanoff », Paris-Midi, 3 avril 1926.

12 Ces idées sont notamment développées dans Anonyme (probablement Thomas Bedding), « The Qualitative Picture. The Influence of French School of Picture Making », Moving Picture World, vol. 6, n° 25, 25 juin 1910, p. 1089-1090.

13 Lettre de Léonce Perret en réponse à une enquête du critique (et compositeur) Raymond Berner, reproduit dans Raymond Berner, « Écrans et studios. Conclusion », la Presse, 7 septembre 1924, p. 2.

14 Il s’agit du titre d’un article d’Abel Gance, publié dans Cinéa-Ciné pour tous, n° 3, 15 décembre 1923, p. 11.

15 Pierre Porte, « L’idée de photogénie », Cinéa-Ciné pour tous, n° 17, 15 juillet 1924, p. 14-15 (c’est moi qui souligne).

16 Priska Morrissey, « Enjeux et logique d’interprétation des films hollywoodiens par les professionnels du cinéma français au sortir du premier conflit mondial », dans Livre, voir, entendre : la réception des objets médiatiques, P. Goetschel, F. Jost, M. Tsikounas (dir.), Paris, Publications de la Sorbonne, 2010.

17 Titre d’un article signé I. B. R., publié dans Ciné-Miroir, n° 48, 15 avril 1924, p. 120.

18 Article Anonyme publié dans Ciné pour tous, n° 79, 2 décembre 1921, p. 6-9.

19 Molly Talobre, « Sur les raisons de la supériorité des films américains », Ciné pour tous, n° 5, 15 août 1919, p. 6.

20 Raymond Berner, « Écrans et studios. Notre infériorité », la Presse, 19 juillet 1924, p. 2.

21 Molly Talobre, op. cit.

22 Cette citation et les suivantes sont tirées d’un article Anonyme, « Pour faire un film », Ciné pour tous, n° 9, 1er novembre 1919, p. 3.

23 Pour plus détails, voir L. Le Forestier, T. Barnard, F. Kessler (dir.), Montage, Découpage, Mise en scène : Essays on Film Form, Caboose/Rutgers University Press, à paraître courant 2020.

24 Même chez certains Soviétiques comme Poudovkine, qui parlait d’ailleurs du « découpage de fer » qui constitue le « montage a priori ». Voir Vsevolod Poudovkine, Film Technique and Film Acting, Londres, Vision, 1954, p. 5. Il faut toutefois tenir compte du fait que ce principe apparaît sous la plume de Poudovkine après que les instances soviétiques ont décidé de ralentir la forte consommation de pellicule lors de la phase d’enregistrement et ont donc mis en place des procédures assez strictes de planification des tournages (merci à Valérie Pozner).

25 Voir à ce sujet le travail de Mélissa Gignac, « Du scénario au film : la création du long métrage de fiction aux États-Unis et en France dans les années 1910 », Thèse de doctorat en Histoire et Sémiologie du texte et de l’image, sous la direction de Marc Vernet, université Paris 7 Paris-Diderot, 2014.

26 Henri Roussel, « Le cinéma en France et en Amérique », Cinéa, n° 14-15, 12 août 1921, p. 6. Pour des développements au sujet du recours au découpage et sur la fonction de découpeur en France dans les années 1920-1930, voir Laurent Le Forestier, « Ar-chaos-logie du découpage », dans Le Découpage au cinéma, V. Amiel, J. Moure, G. Mouëllic (dir.), pur, coll. Le Spectaculaire, 2016.

27 Henri Diamant-Berger, « Pour sauver le film français. Ce qu’il faut connaître de l’Amérique pour y faire pénétrer nos films », le Film, n° 154, 23 février 1919, p. 8.

28 Toutes ces citations sont tirées de G. M., « Notre écran », Ciné-Miroir, n° 26, 15 mai 1923, p. 156.

29 Anonyme, « Deux films américains : Tarzan et Une vie de chien. Comment on travaille à Hollywood, la ville du Cinéma », Ciné-Miroir, n° 6, 15 juillet 1922, p. 82.

30 Charles Torquet, « Nos metteurs en scène. Raymond Bernard », Mon Ciné, n° 40, 23 novembre 1922, p. 8. L’italique figure dans le texte.

31 Ibid.

32 Voir Barry Salt, Film Style and Technology : History Analysis, 2nd expanded edition, London, Starword, 1992, p. 146.

33 Le travail sur le film a été effectué à partir du dvd édité par tf1 Vidéo. La restauration entreprise à cette occasion par Roissy Films a pris quelques libertés avec le film, notamment en supprimant certains intertitres. Toutefois, le début du film, ici analysé, ne paraît pas avoir été remonté. Il est évident qu’une comparaison approfondie entre les deux films, français et américain, gagnerait à repartir des copies conservées en cinémathèque, mais en tenant compte de deux aspects : 1. Les copies conservées peuvent également avoir été modifiées au fil du temps (cassures, re-diffusions, etc.) ; 2. La période muette se caractérise par un re-montage incessant des copies, d’un pays à l’autre, et d’une époque à l’autre, ce qui rend toute copie suspecte d’entretenir de grandes différences avec le film tel qu’il sortit des laboratoires.

34 Pour quelques détails à ce sujet, voir Myriam Juan, « “Aurons-nous un jour des stars ?” Une histoire culturelle du vedettariat cinématographique en France (1919-1940) », Thèse de doctorat en histoire de l’université Paris 1, 2014, p. 291-292.

35 Pierre Henry, « Les Six Mousquetaires », Ciné pour tous, n° 76, 21 octobre 1921, p. 10.

36 Louis Delluc, préface à Drames de cinéma, reproduite dans la Gazette des 7 arts, n° 4-5, 23 février 1923, p. 11.

37 Voir par exemple « Comment on a tourné les Trois Mousquetaires en France et en Amérique », op. cit., et les propos de Diamant-Berger rapportés dans V. Guillaume-Danvers, « Les Trois Mousquetaires », Cinémagazine, n° 25, 8 juillet 1921, p. 5-9.

38 Sur cette notion de « découpage à l’américaine », voir notamment Jacques Faure, « L’histoire de J’ai tué racontée par son metteur en scène », Mon Ciné, n° 151, 8 janvier 1925, p. 12-14.

39 Pour une distinction théorique sur ces deux types de rythme, voir notamment Léon Moussinac, « Le cinéma au Salon d’automne », Gazette des sept arts, n° 9, 1er novembre 1923, p. 11. Et, plus largement, Laurent Guido, L’Âge du rythme, Lausanne, Payot, 2007.

40 Pierre Henry, « Les Six Mousquetaires », op. cit.

41 Raymond Berner, « Notre infériorité », la Presse, 19 juillet 1924, p. 2.

42 Entretien de Diamant-Berger reproduit dans Raymond Berner, « Écrans et studios », la Presse, 16 août 1924, p. 2.

43 Jean Arroy, « L’art de recréer le mouvement de la vie », Cinémagazine, n° 12, 7e année, 25 mars 1927, p. 549.

Citer cet article

Référence électronique

Laurent Le Forestier, « Le fantasme (?) du montage à l’américaine en France, au début des années 1920 », Déméter [En ligne], 4 | Hiver | 2020, mis en ligne le 01 février 2020, consulté le 26 avril 2024. URL : https://www.peren-revues.fr/demeter/163

Auteur

Laurent Le Forestier

Laurent Le Forestier est professeur à la Section d’histoire et esthétique du cinéma de l’université de Lausanne et secrétaire d’édition de 1895 revue d’histoire du cinéma. Ses recherches portent sur l’historiographie du cinéma et sur l’histoire de la critique. Il a publié en 2017 La Transformation Bazin, aux pur et achève un ouvrage avec André Gaudreault sur l’histoire des pratiques de montage à l’époque du muet. Il travaille aussi à une étude de la contestation des Trente Glorieuses par le cinéma comique.

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