Le concept des charges critiques, de son émergence à aujourd'hui
Le concept des charges critiques1 trouve son origine en Scandinavie dès 1986 avec la présentation d'un rapport sur ce thème lors d'une réunion du Conseil nordique [1, 2]. Auparavant, ce concept restait encore confidentiel. Mais en cinq ans seulement, il réussit à s'imposer avec force en Europe après son adoption par la Commission économique pour l'Europe des Nations Unies (CEE-ONU/LRTP). Depuis 1983, entrée en vigueur de la Convention sur les effets de la pollution atmosphérique transfrontière à longue distance (Convention de Genève), huit protocoles ont été adoptés engageant les pays d'Europe, les États-Unis et le Canada à réduire leurs émissions polluantes d'origine atmosphérique (Tableau 1, ci-contre). Certains pays souhaitaient que la mise en œuvre de ces protocoles s'appuie sur des travaux scientifiques utiles aux décideurs politiques pour disposer de données fiables qui permettent de guider les stratégies de prévention et de réduction de la pollution atmosphérique. Ainsi, dans le cadre institutionnel de la Convention de Genève, associant recherche et politique, le concept des charges critiques est utilisé pour la première fois dans le protocole sur le contrôle des composants acidifiants NOx (adopté à Sofia en 1988) et, par la suite, est encore plus largement utilisé dans le récent Protocole multi-effets (adopté à Göteborg en 1999) basé sur le modèle IIASA RAINS2, appliqué aux charges critiques pour l'acidification, l'eutrophisation et l'ozone. Dès 1991 certains pays3 publiaient les premières cartes nationales des niveaux de dépôts tolérables pour quelques récepteurs, alors que d'autres pays plus réservés prenaient en compte les critiques d'une partie de la communauté scientifique et préféraient attendre. On note en effet que le concept des charges et niveaux critiques ne fait toujours pas l'unanimité pour son application à tous les polluants. Il est cependant acquis que ce concept est un moyen de quantifier les effets de la réduction des émissions en comparant les retombées à la sensibilité des écosystèmes. Les charges critiques sont une mesure de cette sensibilité, laquelle pour être pertinente doit être fiable. Si la recherche européenne sur l'acidification est considérée aujourd'hui comme suffisamment avancée, que ce soit en nombre de données ou connaissance des mécanismes d'acidification des écosystèmes, et permet de calculer des valeurs jugées fiables pour les charges critiques d'acidité, certains pays4souhaitaient nuancer l'application de ce concept en fonction de la nature des récepteurs ou des pollutions envisagées. Le calcul des charges critiques est en effet complexe et dépend du type de récepteurs (sols, eaux, type de végétation...) définissant un écosystème aussi bien que des formes de pollution considérées. À l'origine, ce concept défini pour les polluants primaires acidifiants (soufre et azote) peut en principe s'appliquer à d'autres formes de pollution atmosphérique, notamment les métaux et les composés organiques persistants. En Europe, les connaissances sur ces autres pollutions sont encore peu développées. On observe en outre des divergences d'appréciation, mises en avant par certains pays, sur les paramètres à prendre en compte dans le calcul des charges critiques en métaux. En dépit de ces quelques points de désaccord, les instances européennes incitent les pays à produire rapidement des cartes de charges et niveaux critiques en métaux. La nécessité de pouvoir disposer de données et surtout de cartes européennes, afin d'en tenir compte au moment de l'élaboration ou de la révision des protocoles, a toujours été un des principaux objectifs du Groupe de travail sur les effets (CEE-ONU). Suite à un premier bilan après 1O ans d'activités dans le domaine des charges critiques, la France est-elle prête aujourd'hui et dispose-t-elle de moyens suffisants et adaptés pour répondre aux nouveaux enjeux européens proposés à moyen
terme (2004) dans le cadre de la Convention de Genève ? Cet article propose de donner quelques pistes de réflexion et met l'accent sur les résultats français les plus marquants dans le domaine des charges critiques. Le point donné ici sur la participation française aux Programmes Internationaux Concertés du Groupe de travail sur les effets (CEE-ONU) pourrait contribuer à aider le Forum Pollution Transfrontière, mis en place par le ministère de l'Aménagement du Territoire et de !'Environnement avec l'appui du CITEPA, à définir les orientations en matière de pollution atmosphérique et de ses effets.
Tableau 1. Les protocoles adoptés dans la Convention de Genève (CEE-ONU).
The protocols adopted by the Geneva Convention (UN/ECE) Protocoles de la Convention de Genève (CEE-ONU)
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Protocoles de la Convention de Genève (CEE-ONU) |
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Intitulés |
Objectifs {résumé) |
Lieu d'adoption et signature |
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Protocole du Programme de coopération |
Assurer le financement à long terme du Programme EMEP* en charge des collectes d'émissions (SO2 , |
Genève en 1984 |
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Protocole sur la réduction des émissions |
Réduire d'au moins 30 % avant 1993 les émissions |
Helsinki en 1985 |
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Protocole sur le contrôle des émissions |
Réduire les émissions d'oxyde d'azote par les |
Sofia en 1988 |
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Protocole relatif au contrôle des émissions de composants organiques |
Réduire les émissions de composants organiques |
Genève en 1991 |
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Protocole relatif à la poursuite de la |
Respecter des plafonds d'émissions de soufre pour |
Oslo en 1994 |
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Protocole de révision des valeurs |
Réviser la réduction des émissions de NOx et COV |
1996 |
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Protocole relatif à la réduction des |
Réduire les émissions sur les POP et pour certaines |
Aarhus en 1998 |
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Protocole relatif à la réduction de |
Respecter une charge de polluants ne dépassant |
Gëteborg en 1999 |
* European Monitoring and Evaluation Programme (Programme coopératif pour la mesure et l'évaluation des transports à grande distance des polluants de l'air en Europe).
** Modèle régional pour l'information et la simulation en matière d'acidification.
Les Programmes Internationaux Concertés et la participation française sur la pollution atmosphérique
Le Groupe de travail sur les effets, issu de la Convention de Genève sur la pollution de l'air transfrontière et à longue distance, a pour mandat de développer des connaissances utiles à la mise en œuvre ou à l'élaboration des protocoles. Cet organe est le cadre d'échanges d'informations en matière de recherche sur les effets de la pollution de l'air et en terme d'orientation de la recherche.
Ces connaissances scientifiques sont développées dans six programmes, les Programmes Internationaux Concertés (PIC), sur :
• l'évaluation et la surveillance des effets de la pollution atmosphérique sur les forêts (PIC-Forêts) ;
• l'évaluation et la surveillance de l'acidification des cours d'eau et des lacs (PIC-Eaux) ;
• les effets de la pollution atmosphérique sur les matériaux, monuments historiques et culturels (PIC-Matériaux) ;
• les effets de la pollution atmosphérique sur le végétation naturelle et les cultures (PIC-Végétation) ;
• la surveillance intégrée de la mesure des effets de la pollution atmosphérique sur les écosystèmes (PIC-Effets intégrés) ;
• la modélisation et la cartographie des charges et niveaux critiques (PIC-Modélisation et cartographie).
Les activités et les pays chef de file des six programmes sont décrits dans le tableau 2 : l'Allemagne pour les PIC-Modélisation et cartographie et PJC-Forêts, le Royaume-Uni pour le PIC-Végétation, la Norvège pour le PIC-Eaux, la Suède pour le PIC-Matériaux et le PIC-Surveillance intégrée. Les travaux français des équipes de recherche sont intégrés dans cinq des six Programmes Internationaux
Concertés (Tableau 3, ci-contre). Il n'y a pas jusqu'à présent de contribution française aux activités du PIC-Surveillance intégrée de la mesure des effets de la pollution atmosphérique sur les écosystèmes. Les objectifs des différents programmes étant rappelés dans un précédent article présenté par !'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME) [3] et une liste bibliographique sur les charges critiques étant également présentée dans ce numéro [4], le lecteur peut s'y référer pour plus de détails sur les études et les données publiées à ce jour en France dans le domaine des charges critiques. Cet article ne proposant qu'un résumé des principaux résultats français obtenus jusqu'à maintenant. Le lecteur peut aussi se référer à un autre article de synthèse qui rendait compte, entre autres choses déjà en 1993, des difficultés rencontrées au démarrage par les chercheurs français pour répondre aux exigences européennes (5].
L'objet des paragraphes suivants est de dresser le bilan des données acquises depuis 10 ans par les équipes françaises dans le domaine des charges critiques, qu'elles soient d'acidité, liées à l'eutrophisation, à la pollution oxydante ou métallique, ou sur les effets des polluants de l'air sur les matériaux. Il sera aussi rappelé brièvement quelle est la nature des travaux français relatifs à la pollution atmosphérique intégrée des milieux terrestres. Ces nombreuses et diverses données,
Tableau 2. Activités de recherche du Groupe de travail sur les effets (CEE-ONU) (Tableau mis à jour [3]).
Research activites by the United Nations ECE's Working Group on Etfects (Table updated according to [3]).
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Programmes Internationaux Concertés du Groupe de travail sur les effets (CEE-ONU) |
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Intitulés |
Activités (résumé) |
Pays chef de file |
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Modélisation et cartographie des charges et niveaux critiques |
Coordination et méthodes pour la cartographie des |
Allemagne |
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Évaluation et surveillance des effets de la pollution atmosphérique sur les forêts |
Suivi de l'évolution de l'état de santé des forêts en |
Allemagne |
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Relatif aux effets de la pollution |
Effets sur les végétaux autres que forestiers, détermi- |
Royaume-Uni |
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Évaluation et surveillance de l'acidi- |
Surveillance et étude des effets, détermination des |
Norvège |
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Relatif aux effets de la pollution |
Effets sur les matériaux, détermination des niveaux |
Suède |
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Surveillance intégrée de la mesure |
Acquisition de données sur l'évolution d'écosystèmes |
Suède |
Tableau 3. Participation française aux activités de recherche du Groupe de travail sur les effets et autres activités liées (Tableau mis à jour [3]) - liste non exhaustive.
French participation in research activities of the Working Group on Effects and other related activities (Table updated according to [3]) - non-exhaustive list.
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Participation française aux PIC du Groupe de travail sur les effets (CEE-ONU) |
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Points de contacts scientifiques et équipes françaises associées |
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Point focal scientifique (NFC) |
Points de contacts autres institutions |
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PIC-Modélisation |
A. Probst (LMTG/CNRS-Univ Paul Sabatier) |
C. Elichegaray,L. Galsomiès (Dpi Air/ADEME) |
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PIC-Forêts |
E. Ulrich (ONF) |
G. Landmann (Ministère de l'Agriculture/DSF) |
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PIC-Végétation |
S. Gombert, C. Rausch de Traubenberg |
L. Galsomiès (Dpi Air/ADEME) |
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PIC-Matériaux |
R.·A. Lefèvre (LISNUniv. P7/P12) |
L.Galsomiès (Dpi Air/ADEME) |
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PIC-Eaux |
J-C. Massabuau* (CNRS,Bordeaux) |
A.C.Le Gall (!NERIS) |
* anciennement répertorié NFC, à ce jour plus en activité dans le cadre des PIC. transmises aux centres de coordination européens (des PIC-Forêts, PIC-Modélisation et cartographie , PIC-Végétation et PIC-Matériaux), sont utilisées pour les cartes européennes. Les équipes françaises , poursuivant à ce jour leurs activités dans les PIC et identifiées comme point focal scientifique, sont aussi citées dans le tableau 3.
Le contexte français des charges critiques
Dans le cadre des discussions du Groupe de travail sur les effets, des Nations Unies (CEE-ONU), la France a toujours souligné les spécificités liées à ses milieux . En effet, les particularités nationales n'ont pas toujours très bien été intégrées par les instances européennes dans l'application du calcul des charges critiques. Ainsi, à l'échelle de l'Europe, cela a parfois conduit à mésestimer ou surestimer pour certaines zones le niveau des charges critiques. La France a préféré, dans un premier temps, attendre de fournir des données fiables, c'est-à-dire validées par des données de terrain, avant de présenter les premières cartes nationales [6-8]. Le mode de calcul des charges critiques d'acidité suggéré en 1995 par le RIVM, s'il convient bien pour les zones de sols acides à fort drainage climatique sur roche pauvre avec une végétation résineuse (telles que rencontrées dans le massif vosgien et confirmées par les données de terrain), semble moins bien convenir dans d'autres régions, méditerranéennes notamment. Les études de terrain réalisées à partir de 1997 dans d'autres régions françaises (Ardennes [9] et Massif central [6. 7]) ont contribué à une meilleure compréhension des charges critiques d'acidité en France. Ainsi par la suite, les valeurs qui avaient été calculées au niveau européen pour certains écosystèmes sensibles ont pu être modifiées. La prudence adoptée dès le départ par les équipes françaises sur les critères à retenir pour le calcul des charges critiques rend dans l'ensemble certains pays plus scrupuleux que d'autres désireux de cartographier rapidement leurs données. Malheureusement cette prudence a parfois été perçue par ces pays comme une forme de rétention de l'information. Cette attitude semblerait aujourd'hui mieux comprise, suite aux dernières réflexions du Groupe de travail sur les effets concernant les charges critiques en métaux. En effet, le Groupe recommande d'abord une meilleure définition de la méthodologie avant de dresser les premières cartes européennes. Un délai raisonnable (d'ici 2003) pour l'envoi de premières données validées en métaux a donc été adopté, plutôt qu'une obligation à transmettre des données trop tôt (dès 2002). La France et d'autres pays (Autriche, Belgique) n'ont pas envoyé cette année de données en métaux (pour l'appel à envois de données 2002), préférant valider leurs données au préalable. Une certaine ambiguïté demeure toutefois puisque des cartes nationales préliminaires pourront être établies pour les pays qui le souhaitent sans pouvoir être prises en compte au niveau européen avant 2003. Il est en effet très probable qu'une révision des premières valeurs calculées sera envisagée à ce moment-là. Alors on peut s'interroger sur la nécessité de présenter trop tôt de telles cartes. Au moins cela permettra de pouvoir tester les méthodes utilisées par les différents pays et d'en tirer des enseignements utiles pour calculer des charges critiques en métaux plus fiables (pour 2003).
L'implication de la France dans des études liées au concept des charges critiques date d'une dizaine d'années. Au départ cette participation est très
PIC-Évaluation et surveillance des effets de la pollution atmosphérique sur les forêts (PIC-Forêts)
Le PIC-Forêts, Programme International Concerté sur l'évaluation et le suivi des dommages forestiers dus à la pollution atmosphérique, a pour principal objet l'acquisition de connaissances sur la santé des forêts en Europe. Cette évaluation des connaissances porte sur les variations spatio-temporelles de l'état des forêts reliées aux divers facteurs de stress naturels et anthropiques (sur la base d'un réseau de surveillance d'environ 5 500 placettes de niveau 1), et tente également de relier ces variations à certaines contraintes écologiques comme la pollution atmosphérique (sur la base d'une surveillance intensive de placettes de niveau 2 par des observations spécifiques ou des analyses foliaires , de sols et de dépôts). La surveillance des placettes de niveau 2 est assurée par chaque pays sur la base de protocoles méthodologiques communs et définis au niveau européen. Le PIC-Forêts fournit aussi des données utiles au calcul des charges et niveaux critiques et leurs dépassements sur les écosystèmes forestiers.
Dans les années 85-90, c'est grâce au programme DEFORPA que l'on put mobiliser en France une forte compétence scientifique sur les questions relatives aux effets de la pollution sur les écosystèmes (forestiers notamment) [10]. Le réseau RENECOFOR (Réseau national du suivi à long terme des écosystèmes forestiers) apporte sa contribution au PIC-Forêts. L'Office national des forêts, gestionnaire du réseau pour la partie française, a récemment chargé le GIEFS (Groupe international d'études des forêts subalpines) d'établir le diagnostic (macroscopique, cytochimique et histologique) des effets de l'ozone sur les prélèvements foliaires de ses placettes forestières et d'espèces arbustives et herbacées des clairières. Dans ce domaine, le GIEFS joue le rôle d'expert français aux réunions du PIC-Forêts, et son expérience est sollicitée pour l'organisation des formations européennes sur le diagnostic des symptômes spécifiques à l'ozone.
PIC-relatif aux effets de la pollution atmosphérique sur la végétation naturelle et les cultures (PIC·Végétation)
Les travaux du PIC concernent principalement les effets de l'ozone sur les cultures. La France a participé à plusieurs campagnes d'exposition à l'ozone en chambre de fumigation. Le site expérimental français, localisé près de Pau, n'est plus utilisé depuis quelques années dans le cadre de ce programme. Des cartes françaises d'estimation de pertes de rendement de grandes cultures (maïs, blé, betteraves) ont été présentées dans des rapports européens. Ce programme s'intéresse également à l'estimation des niveaux de dépôts métalliques (grâce aux trèfles et mousses). Le programme du Conseil nordique sur les dépôts métalliques estimés par l'analyse de mousses, qui compte plusieurs campagnes de mesure (en 1990, 1995, 2000) , est en effet intégré depuis 2001 au PIC-Végétation sous la coordination du Centre for Ecology and Hydrology (CEH) (Bangor, Grande-Bretagne).
La France participe depuis 1996 aux campagnes européennes de biosurveillance et a ainsi acquis de nombreuses données qui sont intégrées dans une base de données gérée par l'ADEME (soit pour la campagne de 1996, des résultats estimés de dépôts totaux sur 500 sites environ et une quarantaine d'éléments5). Des cartes de dépôts métalliques ont été élaborées à l'échelle européenne [11] et à l'échelle française [12]. Le Laboratoire de cryptogamie du Muséum national d'histoire naturelle est le point focal français scientifique du PIC-Végétation (pour la partie sur les mousses), sous la coordination de l'ADEME, et participe à l'acquisition des données de la dernière campagne. Ces nouveaux résultats sont attendus au niveau européen dès 2002. Ainsi, de nouvelles cartes européennes et françaises pourront être réalisées pour 2003. Il n'y pas eu d'études en France concernant le programme sur le trèfle pour les dépôts de métaux.
PIC-Modélisation et cartographie des niveaux et charges critiques
Ce programme est en quelque sorte à l'interface des autres programmes du Groupe de travail sur les effets. En effet, l'objectif principal du PIC-Modélisation et cartographie est d'évaluer l'étendue géographique des dépassements de charges et niveaux critiques. Ce programme fournit une aide technique et scientifique à l'ensemble des pays adhérents à la Convention de Genève en vue de les aider à développer des méthodes cartographiques. Dans le cadre de sa mission d'élaboration des cartes européennes de charges critiques et avec l'appui du RIVM (National lnstitute of Public Health and the Environment), son centre de coordination des effets pour la cartographie, ce programme centralise les données fournies par les pays et les autres programmes. Dans un premier temps, les travaux ont porté sur des données d'oxydes de soufre et d'azote en vue de dresser les premières cartes de sensibilité des écosystèmes aux retombées. Et depuis deux ans, ce programme s'intéresse aussi aux données en métaux. Un groupe d'experts sur les métaux a été mis en place en 2001 avec comme objectif principal de proposer des valeurs de limites critiques et de fonctions de transfert utiles au calcul des charges critiques pour le plomb et le cadmium. La modélisation dynamique pourrait à moyen terme prendre une place importante dans les activités du PIC, et des cartes de prévision pourraient potentiellement être envisagées plutôt que les actuelles cartes d'état stationnaire (SSMB).
Les travaux français sur les charges critiques d'acidité et d'azote sont valorisés au sein de ce programme et sont présentés dans les rapports annuels du RIVM. Des cartes européennes tenant compte des particularités hexagonales ont déjà pu être établies, notamment pour les charges critiques d'acidité. Les données françaises d'acidité concernent des zones géographiques encore localisées (Vosges, Ardennes et partiellement le Massif central) et représentent plusieurs années de campagnes de mesures d'échantillons d'eaux (environ 200 bassins versants, 20 ruisseaux) et de sols (environ 40 sites). Au niveau français les données disponibles, gérées au sein d'une base de données, permettront dans le futur de répondre scientifiquement aux questions sur les charges critiques (d'acidité, d'azote mais aussi à moyen terme en métaux). La gestion de cette base de données environnementales orientée « Charges critiques » développée dans le cadre de financements de l'ADEME et du MATE, est assurée par le Laboratoire des mécanismes de transferts en géologie, du Centre national de recherche scientifique (CNRS) et de l'Université Paul Sabatier. Ce laboratoire est également le point focal français scientifique concernant les charges critiques en acidité, azote et métaux.
PIC-relatif aux effets de la pollution atmosphérique sur les matériaux, monuments historiques et culturels (PIC-Matériaux)
Ce programme s'intéresse aux travaux permettant de comprendre les mécanismes d'altération des matériaux tels le cuivre, l'acier, le verre, l'acier peint et la pierre (calcaire de Portland). Les résultats français sont intégrés au PIC-Matériaux depuis 1996. Dans le cadre de la deuxième phase du programme (1998-2001) les matériaux ont pu &tre exposés sur un site parisien, d'abord à la tour Saint-Jacques puis à l'église Saint-Eustache (13]. Plusieurs pays ou sous-centres sont responsables de la préparation et des analyses des différents matériaux. Par exemple, la Grande-Bretagne pour la pierre, l'Autriche pour le verre ou encore la Norvège pour la peinture. Les données météorologiques et environnementales sont recueillies par le NILU (Norvegian lnstitute for Air Research). Quinze pays assurent la gestion technique des matériaux exposés sur les 29 sites du programme. Le Laboratoire interdisciplinaires des systèmes atmosphériques (LISA) des Universités Paris 7 et 12 s'occupe de la gestion technique du site français, il est aussi le point focal français scientifique pour ce programme. Après une période d'exposition, la perte ou le gain de masse des échantillons est quantifiée. Une fonction dose-réponse pour chacun des matériaux a été déterminée en fonction des divers paramètres atmosphériques mesurés sur chacun des sites en Europe, lesquels ont été choisis pour leurs caractéristiques couvrant une large variété de conditions climatiques et environnementales. Soulignons enfin que le concept des charges critiques, à l'origine défini pour la protection des écosystèmes, a été adapté aux critères de protection des bâtiments et des biens culturels. En effet, même la plus faible concentration en polluant est potentiellement responsable d'une altération puisque chaque dose s'ajoute à la suivante au cours du temps. Les bâtiments peuvent être exposés à la pollution atmosphérique pendant des centaines d'années. On a donc défini la notion de charges critiques acceptables. L'évaluation du coût des dommages sur les monuments est aussi un objectif du programme.
mesurée ; seuls une poignée de chercheurs et certains organismes de l'État6 participaient à ces travaux et à leurs orientations. Au début des années 90, on pouvait faire le triste constat d'un manque de données sur cette thématique. Une première estimation des charges critiques a été néanmoins tentée à partir de 1991 et s'appuyait sur quelques études réalisées dans les Vosges. La France a ainsi été en mesure de transmettre au RIVM les premiers résultats de taux d'altération pour les sols français [14]. Afin de contribuer à une meilleure participation des chercheurs français dans le domaine des charges critiques, des séminaires sont régulièrement organisés depuis ces 1O dernières années et font le point sur l'état d'avancement des travaux. En 1992, l'Association pour la prévention de la pollution atmosphérique (APPA) a organisé, en collaboration avec le Département Santé des forêts du ministère de !'Agriculture et de la Pêche, la première journée technique7·sur ce thème, qui a rassemblé des scientifiques mais aussi des industriels, des administrations et des associations. L'ADEME assure depuis 1994 un rôle d'animation de la recherche dans cette thématique et organise régulièrement des réunions et des séminaires dont le dernier en mai 2001 , qui marque le bilan de 10 années de participation française aux travaux européens sur les charges critiques. Plusieurs articles issus de ce séminaire sont présentés dans cette revue (n° 172 et ce numéro).
La figure 1, p. 147, indique l'évolution des thèmes de recherche en France sur les charges critiques au cours de la dernière décennie. Les travaux ont d'abord démarré sur les charges critiques d'acidité, puis d'azote, sur l'ozone et les matériaux, enfin plus récemment sur les métaux.
À propos de la cartographie en France, on note que :
Charges critiques d'acidité
• les premières cartes publiées sont celles des charges critiques d'acidité, puisque les données de terrain sont le mieux documentées dans ce domaine, d'abord en 1995 à une échelle régionale [15, 16] puis en 1999 à l'échelle nationale au 1/1 000 000 [6, 7]. Il est admis aujourd'hui en l'état actuel des connaissances que les charges critiques d'acidité supérieures à 2 keq ha-1 an-1 concernent 60 % environ du territoire mais sont inférieures à 0,5 keq ha-1 an-1 sur moins de 10 % du territoire. Les travaux de Party [6] ont montré qu'un peu moins de 15 % des surfaces forestières de production (soit 17000 km2) présentent des valeurs de charges critiques d'acidité inférieures à 1 keq ha-1 an-1. Le risque de dépassement des charges critiques, qui compare la carte des charges critiques à celle d'estimation des dépôts (établie sur la base des données du sous- réseau CATAENAT
[Charge acide totale des écosystèmes naturels et terrestres (sous-réseau géré par l'Office national des forêts)], a permis d'identifier principalement trois essences forestières sensibles (pin sylvestre, épicéa, chêne sessile). Parmi les ensembles sols-essences forestières-régions, la moitié nord de la France compte les régions les plus concernées par une acidification d'origine atmosphérique (les Vosges et les Ardennes) ; dans une moindre mesure ou plus ponctuellement viennent ensuite d'autres régions (sud-ouest de l'Ile-de-France, pourtour du Massif central, Bretagne et Normandie) . Cette première approche d'estimation du risque de dépassement aux charges critiques d'acidité doit tenir compte du fait que les quelque 100 placettes du réseau RENECOFOR ne sont pas représentatives de l'ensemble des forêts françaises et que l'information sur les dépôts concerne seulement une vingtaine de sites hors couvert forestier. Une étude financée par l'ADEME a permis d'affiner les connaissances sur les dépôts acides [17] et de présenter des cartes de dépôts totaux modélisés hors couvert forestier à l'échelle de la France (environ 1/1 000 000). Les premières confrontations tentées avec la carte des charges critiques établie par Party [6-7] confirme pour certaines régions des dépôts acides (soufre et azote) élevés qui sont associés à des charges critiques d'acidité faibles, notamment dans les Vosges , la bordure ouest du Massif central et les Landes. Il semblerait par conséquent que cette première appréciation du risque de dépassement des charges critiques d'acidité pour la France porte sur des situations locales particulières. Ce risque n'est cependant potentiellement pas à sous-estimer dans le cas d'autres régions. Le niveau réel de dépassement des charges critiques d'acidité est probablement sous-estimé car il est bien connu que les dépôts totaux hors couvert forestier sont largement moins importants comparés aux dépôts sous couvertforestier. À ce jour, les seules cartes nationales disponibles en France pour les dépôts totaux acides sont celles du réseau RENECOFOR/CATAENAT.
Charges et niveaux critiques en ozone
• Des cartes de niveaux critiques d'ozone sont établies à partir des années 1998-1999 [18, 19] grâce aux campagnes réalisées entre 1995 et 1997 sur les stations de mesure en ozone des Associations agréées pour la surveillance de la qualité del'air en France (AASQA). Les niveaux critiques représentent des doses cumulées calculées au-dessus d'un certain seuil, sur certaines durées et périodes de végétation, que l'on appelle les valeurs AOT (Accumulated Ozone over a Threshold). Par exemple : le niveau critique en ozone pour la protection des forêts est fixé à une valeur AOT408 de 10 000 ppb.h et à 3 000 ppb.h pour les cultures. Dans le cas des forêts le niveau critique retenu correspond en principe'. d'après la compilation de diverses données expérimentales, à une réduction de croissance de 10 %.
Ces données ozone archivées dans la base de données sur la qualité de l'air, gérée par l'ADEME/ Département Air (BDQA) ont ainsi été utilisées (sur la base de 80 stations environ disposant d'un minimum de 75 % des données pour chacune des années étudiées) pour modéliser les variations spatio-temporelles par krigeage9. Les premières cartes ont clairement montré un fort dépassement du niveau critique en ozone de 10 000 ppb.h, surtout dans le sud-est, et le nord-est ainsi qu'en région Ile-de-France du moins pour l'année 1997. Ces premiers constats ont montré la nécessité de renforcer la surveillance de l'ozone dans les stations rurales et les zones encore insuffisamment couvertes par les AASQA, comme dans l'ouest de la France. Depuis la fin des années 90, le MATE préconise une stratégie d'extension de la surveillance de l'ozone dans les sites ruraux, ce qui a permis de densifier le réseau de surveillance national. L'impact réel des dépassements de niveau critique d'ozone sur Je fonctionnement à long terme des écosystèmes forestiers ou le rendement des cultures reste encore peu étudié. La France, pourtant parmi les plus grands pays producteurs et exportateurs de produits agricoles et forestiers, n'a participé que modestement aux programmes européens sur l'ozone (PJC-Végétation, PIC-Forêts) . Les premiers résultats acquis paraissent encore insuffisants pour tenter une estimation fiable des pertes économiques. Il est d'abord indispensable de savoir identifier avec précision les symptômes spécifiques à l'ozone car ils peuvent varier d'une espèce à une autre ou être confondus avec d'autres symptômes de dépérissement (dus aux parasites notamment). Des travaux en région méditerranéenne, principalement dans les Alpes-Maritimes, ont révélé des symptômes spécifiques à l'ozone ou « mottling » (taches chlorotiques) sur les aiguilles de plusieurs espèces de pins (Alep, Sylvestre et Cembro), et dans le cas du pin d'Alep un jaunissement et une défoliation plus marqués [20, 21] . Les observations en cours (2001/2002) sur l'ensemble des placettes du réseau RENECOFOR permettront de rechercher pour d'autres régions françaises d'éventuels symptômes spécifiques à l'ozone à la fois sur les essences forestières et la végétation naturelle.
Charges critiques d'azote
• En 2000, une carte de charges critiques azotées est établie en France par une méthode empirique10 à l'échelle 1/1 000 000. Cette carte comparée à la carte européenne utilisant une grille EMEP (1/5 000 000) et la méthode SSMB11 montre une bonne concordance des résultats [22, 23]. Globalement en France en l'état actuel des connaissances , on définit les charges critiques azotées pour les écosystèmes forestiers et prairiaux entre 0,2 et 0,5 keq ha-1 an-1 pour 20 % du territoire et pour le reste du territoire entre 0,5 et 2 keq ha-1 an-1 par la méthode empirique, et entre 0,5 et 1,0 keq ha-1 an-1 par la méthode du SSMB. En comparant avec la carte des dépôts atmosphériques d'azote au pas de 50 km (EMEP-MADE50 [24, 25]), des dépassements potentiels de charges critiques azotées sont estimés sur la majorité du territoire français mais surtout dans le nord-est, les Ardennes et à moindre titre pour les Vosges [23]. Ces résultats constituent un premier état des lieux pour la France.
À moyen terme, des résultats plus précis seront disponibles :
- pour le calcul des charges critiques azotées basé sur la méthode empirique grâce à l'utilisation de cartes numériques de végétation phyto-écologique [26]. Ces travaux, financés par l'ADEME et l'ENGREF (École nationale du génie rural des eaux et des forêts), permettront d'établir des cartes de végétation (sur 4 000 placettes environ) associant des données floristiques et écologiques relatives à certains paramètres abiotiques (sol, climat) ;
- pour le dépassement des charges critiques azotées basé sur la comparaison des cartes de charges critiques avec celles des dépôts atmosphériques au 1/000 000 [17].
Charges critiques matériaux
• Enfin en 2001 une première cartographie d'exposition aux risques des matériaux a été tentée à une échelle régionale pour le calcaire de Portland [27, 28] . Cette étude exploratoire a été réalisée en région Ile-de-France grâce aux connaissances acquises dans le cadre de la première phase du programme de coopération internationale relatif aux effets de la pollution atmosphérique sur les matériaux, monuments historiques et culturels (PIC-Matériaux). Il a été nécessaire d'établir pour le calcaire de Portland la fonction dose-réponse et de connaître les données combinées de polluants atmosphériques (du réseau de surveillance régionale de la qualité de l'air, AIRPARIF) et de climatologie (de Météo-France). Pour la région Ile-de-France, et cela reste vrai pour l'ensemble de la France, une telle carte semble de peu d'intérêt puisque ce type de matériaux n'est pas utilisé dans la construction des monuments et bâtiments français. Cette remarque met l'accent en définitive sur un problème général, rencontré par les chercheurs français aussi bien au sein du PIC-Matériaux que dans d'autres PIC : la pertinence du choix des indicateurs retenus (matériaux/écosystèmes cibles). Ces indicateurs devraient logiquement être d'un intérêt commun pour la majorité des pays. Or ce n'est pas toujours le cas. C'est pour cette raison qu'à moyen terme d'autres cartes d'exposition aux risques devraient être tentées en France, notamment pour des matériaux plus universels tels que le marbre de Carrare.
Charges critiques en métaux
Des questions se posent encore au niveau européen sur le choix des paramètres à retenir pour le calcul des charges critiques en métaux. Plusieurs propositions défendues par les experts français portent, par exemple, sur une prise en compte des données d'écotoxicologie pour une meilleure définition des limites critiques, sur la nécessité d'appréhender les éventuelles anomalies des sols et aussi de préciser pour les fonctions de transfert les types de sol auxquels ces fonctions s'appliquent.
En l'état actuel de l'avancement des travaux de recherche en France, il n'est pas encore possible de réaliser des cartes de charges critiques en métaux à l'échelle nationale. Il serait, en revanche faisable d'établir une première carte régionale grâce aux données de terrain (sols et eaux) acquises dans le cadre de deux thèses financées par l'ADEME [29, 30], une fois que la validation des données aura pu être vérifiée.
Lorsque l'on disposera de cartes de charges critiques en métaux fiables pour la France, le dépassement des charges critiques pourra être estimé en comparant avec les cartes de dépôts en métaux. Or, à ce jour, les seules cartes nationales disponibles pour les dépôts totaux en métaux sont celles du réseau de bio surveillance d'analyses de mousses, soutenu par l'ADEME [12, 31].
Acquis et perspectives
Les recherches financées depuis 10 ans par l'ADEME et d'autres organismes dans le domaine des charges critiques ont permis de faire progresser les connaissances scientifiques sur les cycles bio-géochimiques des écosystèmes, et ont contribué à fournir au ministère de !'Environnement les éléments utiles (cartes, expertises...) pour les négociations menées dans le cadre de la Commission économique pour l'Europe de la Convention de Genève. Les travaux scientifiques concernant les effets de la pollution atmosphérique sont déterminants et largement repris pour l'élaboration des protocoles européens conduisant à des plafonds d'émissions.
Ce panorama des 10 dernières années en matière de recherche sur les charges critiques a montré dans l'ensemble une contribution française relativement bien représentée dans les travaux européens (CEE-ONU), principalement dans les domaines liés à l'acidité et l'azote. Au début des années 90 la France montrait pourtant un certain retard dans le calcul et la cartographie des charges critiques. Mais en quelques années seulement , grâce à plusieurs campagnes de terrain d'acquisition de données, ce retard a été rattrapé, et certains objectifs ont même été devancés.
Des cartes nationales françaises de charges critiques d'acidité et d'azote sont aujourd'hui disponibles à une échelle plus précise (1/1 000 000) comparée à la grille EMEP utilisée au niveau européen. Pour les charges critiques d'acidité, il n'est pas prévu de révision des données françaises actuelles sauf si à moyen terme de nouvelles données étaient disponibles concernant d'autres régions particulières non encore étudiées ou si certaines données permettant l'amélioration des précisions sur les calculs étaient saisies dans les nouvelles tables de la base de données " Charges critiques "· Pour les charges critiques en azote il serait possible, dès 2003-2004, d'établir une carte française plus précise grâce aux cartes numériques de végétation phyto-écologique associant données floristiques et écologiques aux paramètres abiotiques [23, 26]. Enfin, des cartes de dépassement des charges critiques (acidité et azote) pourront être proposées dans un proche avenir en comparant les cartes de charges critiques avec les données modélisées du réseau RENECOFOR sur les dépôts atmosphériques [17].
Si les chercheurs français sont désormais présents dans la quasi-totalité des PIC du groupe de travail sur les effets (CEE-ONU), et ont montré la qualité de leurs travaux et la motivation de leurs équipes, cette présence mériterait cependant d'être renforcée en mobilisant beaucoup plus de chercheurs. Ces activités de recherche sont générale ment restreintes à quelques équipes par domaine. Les raisons tiennent parfois au nombre réduit de laboratoires mobilisables en France sur certains travaux des PIC. Il semble aussi que la présence française soit quelque peu insuffisante sur certains sujets sensibles, qui font l'objet des nouveaux enjeux européens, comme les risques sur la santé, les nouveaux polluants (métaux, POP), et la modélisation dynamique. L'importance que prendra dans les années à venir la modélisation dynamique face à de probables niveaux de charges critiques en diminution est prévisible. En effet, il n'est pas encore demandé de contributions obligatoires pour la cartographie des charges critiques en métaux ou la modélisation dynamique, mais on peut prévoir que ces exigences seront à l'ordre des priorités d'ici un à deux ans. Les manuels méthodologiques sur les fonctions de transfert et concentrations critiques en métaux et sur la modélisation dynamique sont d'ailleurs en cours de discussion et seront très prochainement finalisés au niveau européen. Il apparaît important
Figure 1. Évolution des travaux français intégrés aux PIC CEE-ONU (Modélisation et cartographie ;Végétation ;Matériaux) au cours de 10 ans de soutien à la recherche (financement ADEME).
Evolution of French research within ICP UN/ECE (Modelisation and cartography;Vegetation;Materlal) over a period of 10 years of research support (funded by ADEME).
d'orienter la recherche (un nouvel appel d'offres à propositions de recherche pourrait permettre d'identifier de nouvelles équipes de chercheurs dans ces domaines) et de doter les équipes françaises de moyens suffisants pour répondre aux futures exigences européennes.
Globalement il convient de souligner qu'il existe aujourd'hui en France un savoir-faire dans le domaine des charges critiques, certaines équipes de recherche ont 10 ans d'expérience, et que l'on dispose d'outils bien adaptés puisqu'une base de données environnementales orientée " Charges critiques ,, couplée à un Système d'information géographique, financée par l'ADEME, permettra la réalisation « automatisée » de cartes de charges critiques [32]. Ce qui semble difficile, c'est rendre ce savoir-faire et ces moyens encore plus opérationnels. Il est souvent compliqué de mobiliser des chercheurs sur des travaux visant des études destinées à l'aide à la décision alors que leurs propres organismes les évaluent sur des activités de recherche fondamentale. Mais il est indispensable de poursuivre une collaboration avec les chercheurs car l'évolution des travaux relatifs aux charges critiques, qui hier portaient surtout sur les charges critiques d'acidité et d'azote, demain porteront sur les charges critiques en métaux et sur la modélisation dynamique, doit nécessairement être en interface forte avec la recherche. Les méthodes de calcul des charges critiques doivent pouvoir être discutées, car on voit bien du moins au départ pour les charges critiques d'acidité que les paramètres utilisés dans ces modes de calcul étaient élaborés pour convenir à certains écosystèmes peu représentatifs des conditions spécifiques françaises. Le travail des experts français a permis par exemple, grâce à une validation des données , de corriger les premières valeurs d'acidité calculées au niveau européen pour la France. Enfin, les dernières discussions européennes en cours sur le choix de la méthodologie pour le calcul des charges critiques en métaux ont prouvé là encore que la participation des chercheurs français est essentielle pour inciter à une meilleure prise en compte des spécificités nationales.
Il conviendrait donc d'orienter les recherches futures dans ce sens. Plusieurs actions peuvent être menées :
• continuer à favoriser la participation des experts
français dans les réunions européennes, dans les groupes d'experts sur les choix méthodologiques adoptés au niveau européen ;
• poursuivre l'acquisition de données (métaux notamment) pour différents types de sol ;
• recenser les données écotoxicologiques disponibles pour une meilleure définition des limites critiques en métaux ;
• tester les méthodes ;
• identifier de nouvelles équipes et compétences (sur la modélisation dynamique, notamment).
Anne Probst du Laboratoire des mécanismes de transferts en géologie (CNRS-Université Paul Sabatier, Toulouse) est vivement remerciée pour ses remarques et la relecture d'une partie de l'article.

