Paléoaltérations et paléomorphologies, des observations éphémères ; exemples autour de Fourmies (Nord)

  • Palaeo-weathering and palaeo-morphologies, transient observations ; examples from Fourmies (Nord) area

DOI : 10.54563/asgn.1169

p. 101-106

Résumés

Les formations superficielles supportent presque toutes nos activités et nous nourrissent. Mais leur observation est éphémère. Deux exemples sont ici rapportés de part et d’autre d’une ligne de partage des eaux majeure de l’Ardenne occidentale : une évolution locale récente (Pléistocène – Holocène ?) ; une morphologie de vallon à peine retouchée depuis 100 Ma environ.

Weathered products support man-activities and man-fooding. Two examples are here reported on either side of a major water divide across western Ardenne : a local evolution (Pleistocene – Holocene ?) ; a well-preserved morphology in a small valley as old as roughly 100 My.

Plan

Texte

I. — Introduction

L'utilisation des matériaux est à la base de l'apprentissage de l'observation du sous-sol. C'est ainsi que le constat de l'hétérogénéité de composition et de structure du sous- sol a conduit à l'élaboration des fondements de la géologie sédimentaire. Curieusement, la pellicule la plus superficielle de la planète a été la plus difficile à décrypter puisque sa composition et sa structure résultent d'interactions physiques, chimiques et biologiques aux interfaces entre atmosphère, lithosphère et biosphère. Il en résulte un manteau de formations superficielles très complexe, qui nous nourrit et supporte l'essentiel de nos activités (Dewolf & Bourrié, 2008). Dans nos régions à climat tempéré, à relief faible à modéré, à dynamique crustale faible, ce manteau plus ou moins épais de dépôts estompe les reliefs. Sauf exception (encroûtements), ces dépôts sont granulaires et sont aisément remobilisables à tout moment. A l'échelle humaine, hormis les victimes directes de coulées de boue et autres inondations, peu de gens sont conscients de leur importance dans l'évolution des paysages sur lesquels nous vivons. Et rares sont les gens sensibles aux quelques voix rappelant qu'un sol demande des dizaines de milliers d'années pour se constituer, mais peut être détruit en quelques heures par l'érosion naturelle, éventuellement amplifiée par le genre humain. Ces voix sont d'autant plus nombreuses que la pression démographique croissante et le développement de l'urbanisme contribuent à épuiser les ressources minérales de ce manteau, par l'agriculture qui en modifie la composition et la texture, par l'imperméabilisation et/ou les terrassements qui le couvrent ou l'évacuent. C'est pourtant le substrat qui assure notre survie en tant qu'espèce.

Sous nos latitudes, ce manteau meuble de formations superficielles ne s'observe que grâce à des opportunités : talus de déblais pratiqués pour une voie de communication ou pour une fondation, forages de puits ou de sondage. Le caractère granulaire de ce manteau, plus ou moins cohérent selon son humidité et/ou sa composition et sa texture, le rend très vulnérable dès qu'il est soumis au ruissellement que provoquent les précipitations. En quelques jours à quelques mois, un talus exposant ces formations peut devenir illisible par érosion. Le plus souvent, ces talus sont rapidement masqués par un revêtement dont la sévérité dépend de l'enjeu à protéger le talus autant que l'espace sur lequel il risque de se répandre : végétalisation en cas de faible mobilisation, murs de soutènement là où la stabilité même du talus est menacée. Dans les deux cas, l'observation est assez rapidement masquée et devient inaccessible tant que la protection n'est pas elle-même détruite par un chantier ultérieur. L'information géologique est alors perdue, au moins pour un temps. Il est donc important de décrire de tels affleurements éphémères afin de témoigner des faits observés, de les localiser précisément et donc d'en mettre une description à disposition de la communauté des chercheurs qui trouveraient là des arguments à leur thèse.

II. — Exemples à Fourmies et Anor (Nord)

1) Le contexte

Le sud de l'Ardenne occidentale, en France, est constitué par un substratum d'âge paléozoïque, couvert de placages résiduels d'âges mésozoïque (Crétacé supérieur / Albien) et cénozoïque (Paléogène) et d'un tapis limoneux périglaciaire (Gronnier, 1890 ; Hatrival et al., 1969 ; Sommé, 1977). Les rivières ont entaillé le substratum constitué par les formations du Dévonien inférieur, discordantes sur les terrains du Paléozoïque inférieur (Massif de Rocroi). La ligne de partage des eaux qui sépare les bassins versants de la Sambre et de l'Oise passe entre Fourmies et Anor (Fig. 1). Fourmies est située peu en aval de la source de l'Helpe mineure, qui s'écoule ensuite vers l'ouest-nord-ouest ; Anor est située sur le Ruisseau des Anorelles qui rejoint l'Oise en rive droite à un peu plus d'un kilomètre du centre du village. L'Oise vient de Belgique en coulant vers l'ouest-sud-ouest et tourne brusquement vers le sud-sud-ouest après la confluence avec le Ruisseau des Anorelles, et avant d'entrer dans le Massif de Rocroi. Autrement dit, à cette échelle, l'organisation du réseau hydrographique actuelle ne montre pas de lien évident avec la structure géologique sous –jacente.

En 1984, la construction d'une maison près du carrefour central d'Anor a justifié des travaux d'aménagement d'un portail d'accès entaillant les formations superficielles qui couvrent ici l'unité du Grès d'Anor (Dévonien inférieur, Praguien). Avant révision (Godefroid et al., 1994) cette unité était reconnue en tant que Formation des Grès d'Anor, la coupe de référence étant prise dans les anciennes carrières du Bois du Hauty, situées au sud-ouest du village (Fig. 1). Le chantier a dégagé en partie un paléo-talus vertical déterminé par des couches du Grès d'Anor en position redressée. A son pied se sont accumulés des éboulis peu organisés, dont une description, succincte à l'époque, est rapportée sur la fiche jointe [Fiche 1]. Cet affleurement a été rapidement masqué par un mur de soutènement. En 1985, le CD 942 qui reliait Sains-du-Nord à Fourmies a été linéarisé, ravivant quelques déblais en tête d'interfluves. Ce chantier terminé, à l'entrée nord-ouest de Fourmies a été construit un centre commercial de taille moyenne, impulsant un développement urbain croissant du quartier de La Marlière. Les aménagements de voirie nécessaires ont justifié d'élargir un chemin vicinal desservant directement ce quartier, ainsi que des tranchées à proximité du carrefour pour les divers services de fluides. Le résultat est que, sur un peu plus de 1 km, plusieurs affleurements ont été soit ravivés, soit nouvellement dégagés. Ils sont décrits sur la fiche jointe [Fiche 2] et replacés les uns par rapport aux autres.

Figure 1

Figure 1

Localisation des sites décrits à Fourmies et Anor (flèches noires). Mise en évidence d'une ligne de partage des eaux (ligne en tiretés-points) majeure entre bassins versants de l'Oise (au sud) et de la Sambre (au nord).
 
Sites location in Fourmies and Anor (black arrows). The water divide between Oise (in the south) and Sambre (north) major drainage basins is outlined (dashed-dotted line).

2) Proposition d'interprétation brute

Ces deux sites apportent chacun des informations sur deux périodes différentes de la vie géologique locale : Pléistocène à Actuel (Anor), Crétacé à Actuel (Fourmies).

Le site d'Anor (Fig. 2 à 5) témoigne d'une période assez récente, accompagnant l'évolution du lit majeur du cours d'eau qui est aujourd'hui devenu le Ruisseau des Anorelles. Le paléotalus, sub-vertical, ne peut être que le résultat d'une érosion active : les grès en place sont frais et leur position a été rapidement protégée par l'accumulation d'éboulis. Les bancs de grès sont tellement minces qu'ils ne pouvaient rester longtemps stables à l'air libre, supportant des variations de température, de teneur en eau, voire de gel/dégel. Ceci dit, le pied de ce talus n'est pas observé. On peut aussi penser que l'éboulis ne s'est pas fait en un seul événement mais devait être épisodiquement alimenté par quelques éboulements de faible volume et faible déplacement. Visiblement, cet éboulis n'était pas traversé par le cours d'eau, sinon la matrice argileuse en aurait été évacuée. L'arène rubéfiée (Fig. 4 : couche 2) pourrait résulter du glissement en masse d'un manteau d'altérites plus ancien, déstabilisé, plutôt venu du nord-ouest puisqu'il n'est pas observé sur le talus de droite. A la base du talus taillé en 1984, cette arène paraissait surmonter un conglomérat en tout point semblable à celui qui constitue l'éboulis de pied du paléo-talus. Mais ce point d'observation n'était pas très bien dégagé. Avant son déplacement présumé, cette arène rubéfiée pourrait avoir résulté d'une fersiallitisation (in Dewolf & Bourrié, 2008, p. 120). Sous un climat plus chaud que l'actuel, de type méditerranéen, sous des conditions climatiques à fort contraste, les schistes et grès du Dévonien inférieur ardennais pouvaient avoir été aisément lessivés, libérant du fer, fixé sous forme d'oxydes piégés dans les argiles d'altération. C'était également l'interprétation retenue par H. Chamley et L. Voisin (communications personnelles) lors de visites sur des observations comparables en d'autres sites entre les vallées de la Sambre et de la Meuse. Cette coulée supposée aurait été ensuite recouverte par les produits d'un autre éboulement (Fig. 4 : couche 4), lui-même recouvert d'une autre coulée arénique. L'absence de rubéfaction dans cette dernière, alors que les caractères texturaux sont les mêmes que pour la couche (2), laisse à penser que leur matériau résulte d'une maturation pédogénique sous un climat peut-être proche de notre climat actuel. L'intervalle de temps peut donc avoir été très long entre les mises en place des unités (2) et (4). L'avant- dernier événement particulier est révélé par l'organisation en bulbes ouverts vers le haut du contact (Fig. 4 : couche 7) entre les couches (6) et (8). Cette structure très particulière est due au drainage difficile d'un niveau sursaturé, piégé sous une couche peu perméable, phénomène bien connu en géotechnique dans les régions où un gel profond affecte le sous-sol proche. Les « barrières de dégel » mises en place sur le réseau routier non autoroutier sont destinées à permettre l'évacuation de l'eau issue des lentilles de glace à quelques décimètres de profondeur. De façon plus générale, la fossilisation d'une telle structure laisse supposer un environnement périglaciaire, avec un vrai pergélisol (Van Vliet-Lanoë, 2005, ch. 6). Le sol brun (Fig. 4 : couche 8), généralement réputé d'âge holocène (in Sommé, 1977 ; H. Chamley & L. Voisin, comm. pers.), est sécant sur la séquence sous-jacente suggérant qu'un mouvement différentiel modéré a affecté la région avant le développement du sol actuel.

Le site de Fourmies (Fig. 6 à 9) témoigne de deux épisodes entre lesquels la morphologie locale n'a pas dû beaucoup varier depuis environ 100 Ma. En 1985 on voyait très nettement les Sables Verts albiens reposer à l'horizontale sur la fine alternance de schistes carbonatés et calcaires silto-argileux de la Formation de Hierges (Emsien), inclinée vers le nord (point 3, fig. 6 et 8), et sur des bancs du Calcaire de Givet (point 1, fig. 6 et 8). Les quelques endroits où ce contact a été ravivé pour préciser l'observation montraient un contact franc, sans altération visible à l'affleurement de la tête du subtratum. En revanche, ce même substratum montrait une altération fragilisante sur une épaisseur d'ordre décimétrique dès l'endroit où les couches de la Formation de Hierges se trouvent directement exposées à l'air libre, entre les points 2 et 3. On peut donc penser que cette altération est postérieure au dépôt et à l'exposition aérienne des Sables Verts. La stabilité de ce versant est sans doute due à la conformité de son pendage avec celui de la stratification dans le Dévonien. Quoiqu'il en soit, le petit vallon sec dans lequel a été placée la route qui dessert le quartier de La Marlière, est empâté de dépôts antérieurs aux Sables Verts, enchâssés dans le substratum dévonien. La carte géologique (Fig. 6) indique encore la trace d'une ancienne carrière dont la nature des produits n'est plus déterminable : sables ? marnes ? Une aire de stationnement et un bâtiment industriel y sont implantés ; plus haut, le centre commercial est fondé sur le Dévonien au travers des Sables Verts albiens, prolongé par une plate-forme sur remblais dont le niveau est légèrement sous le contact Sables Verts / Dévonien. Ce remblais a dû combler au moins une partie de l'ancienne carrière. A priori, le nom de La Marlière, qui désigne un site localisé au-dessus et un peu plus vers le nord-est, se réfère plutôt aux marnes du Turonien inférieur dont la carte géologique indique la présence dans les environs (Hatrival et al., 1969). La mise en place de la voie ferrée entre Fourmies et Anor a également mis à jour des Sables Verts (Gosselet, 1869). A Fourmies, la découverte de quelques fossiles a permis à Barrois d'identifier l'Aptien (Barrois, 1875). Puis à Blangy, reprenant l'analyse d'une succession très fossilifère dégagée dans la tranchée de chemin de fer reliant Hirson à Anor, Barrois (1878, p. 248) a décrit des argiles noires directement transgressives sur le substratum paléozoïque et contenant notamment des lamellibranches et des huîtres d'âge aptien. Dans son analyse exhaustive de la géologie du canton de Trélon, Gronnier (1890) a identifié une transgression progressive de l'Aptien au Cénomanien, vers le nord-nord-ouest, ennoyant un « golfe de Fourmies » différencié entre des caps rocheux que devaient constituer alors les secteurs d'Hirson et de Sains-du-Nord, le fond du golfe dépassant les positions actuelles de Trélon et Ohain. Il faut donc associer ces observations anciennes et assez denses pour interpréter la présence de morceaux de coquilles de lamellibranches dans les argiles silteuses noires et d'ammonites roulées dans le trou qui abrite maintenant un puisard [Fiche 2]. Tout ceci est cohérent avec la proposition suivante : le vallon de La Fontaine Rouge pré-existait à la transgression marine albienne et a dû se trouver un moment en situation d'estuaire. La transgression turonienne a été en retrait (Gronnier, 1890) par rapport à cette unité paléomorphologique, témoignant de l'apparent basculement qu'a vécu le Bassin de Paris au début du Crétacé supérieur. L'analyse d'une corrélation plus fine entre les argiles noires sous les Sables Verts albiens et la Formation de Verlincthun décrite dans le Boulonnais comme témoin d'un maximum de transgression (Amédro & Mania, 1976 ; Amédro & Matrion, 2004) mériterait d'être engagée.

III. — Conclusion

Cette publication n'apporte rien de nouveau que l'enregistrement descriptif d'observations éphémères. Le site d'Anor témoigne d'une évolution locale, morphodynamique, pour laquelle aucun élément de datation spécifique n'a été identifié. Par comparaison avec d'autres travaux réalisés par ailleurs, on peut tenter de rapporter aux périodes glaciaires- interglaciaires les marques d'une érosion/sédimentation active sur une rive d'un petit cours d'eau, dans une zone limite de bassin versant majeur. Par opposition, le site de l'entrée nord de Fourmies, à l'échelle kilométrique, témoigne d'une stabilité relative remarquable : la morphologie actuelle est très voisine de ce qu'elle était il y a environ 100 Ma, ce qui ne signifie pas qu'elle est restée constante. Voisin (1983) a déjà souligné le caractère stable dans son ensemble de l'Ardenne occidentale depuis l'époque pré-cénomanienne. Pouvoir l'illustrer est une opportunité peu fréquente qui méritait d'être soulignée.

Remerciements. — Merci à D. Sigogneau et D. Russell, du Muséum National d'Histoire Naturelle (Paris), à J.-M. Dambrine et B. Hébert qui ont aidé à décrire tous les points sur un temps très limité par les travaux. J'exprime aussi ma gratitude à H. Chamley et, à titre posthume, à L. Voisin avec qui les discussions ont été longues, nombreuses et stimulantes pour le béotien que j'étais sur ces questions. Merci aux rapporteurs, F. Duchaussois et F. Amédro qui, par une lecture rigoureuse, ont permis d'améliorer la présentation et l'interprétation proposées.

Bibliographie

AMEDRO F. & MANIA J. (1976). — L'Aptien du Boulonnais. Ann. Soc. géol. Nord, XCVI : 107-112.

AMEDRO F. & MATRION B. (2004). — L'Aptien-Albien du Bassin de Paris : un nouveau regard à l'aube du XXIe siècle. Bull. Inf. Géol. Bass. Paris, 41 : 3-23.

BARROIS C. (1875). — Sur l'existence de la zone à Amm. milletianus dans le département du Nord, d'après quelques fossiles recueillis par M. Flamant. Ann. Soc. géol. Nord, II : 134.

BARROIS C. (1878). — Mémoire sur le terrain crétacé des Ardennes et des régions voisines. Ann. Soc. géol. Nord, V : 227-485.

DEWOLF Y. & BOURRIÉ G. (2008). — Les formations superficielles – Genèse – Typologie - Classification – Paysages et environnements – Ressources et risques. Ellipses édit., Paris : 830 p.

GODEFROID J., BLIECK A., BULTYNCK P., DEJONGHE L., GERRIENNE P., HANCE L., MEILLIEZ F., STAINIER P. & STEEMANS P. (1994). – Les Formations du Dévonien Inférieur du massif de la Vesdre, de la Fenêtre de Theux et du Synclinorium de Dinant (Belgique, France). Mém. Explic. cartes géol. min. Belgique, 38 : 144 p.

GOSSELET J. (1869). – Tranchée du chemin de fer de Fourmies à Anor. Bull. Sc. hist. litt. du Départ. Nord et des pays voisins, I : 189-191.

GRONNIER J. (1890). — Description géologique du canton de Trélon. Ann. Soc. géol. Nord, XVIII : 1-92.

HATRIVAL J.N., BONTE A., BEUGNIES A., DELATTRE C. & WATERLOT G. (1969). – Carte géologique 1 : 50 000, XXVIII-8, Hirson.

SOMMÉ J. (1977). – Les plaines du Nord de la France et leur bordure – Etude géomorphologique. Thèse Doct. Sci., Université de Paris I (1975). Université de Lille 3 édit., 2 tomes : 810 p.

VAN VLIET-LANOË B. (2005). – La planète des glaces. Vuibert édit., Paris : 470 p. VOISIN L. (1983). – Données et questions actuelles de géomorphologie en Ardenne occidentale. Ann. Soc. géol. Nord, CII : 135-143.

VOISIN L. (1983). – Données et questions actuelles de géomorphologie en Ardenne occidentale. Ann. Soc. géol. Nord, CII : 135-143.

Annexe

Fiche 1 : Description géologique au centre d'Anor (59)

Observateur : Francis MEILLIEZ (1984, 2015)

Localisation

Entrée de propriété privée, rue du Maréchal Foch, à moins de 100 m du carrefour central de la localité (Fig. 2).

Géographique : IGN (1 :25 000) 2808-O (Hirson-Fourmies) :

Lambert 1 : X =1255,99 Y = 726,225 Z = 225

Lambert 93 : X = 778716 Y = 6988477

Latitude : 4,0967° Longitude : 49,9899°

Géologique : feuille (1 : 50 000) XXVIII-8 (Hirson)

Références de l'observateur : Carnet C, page 33 ; 6 diapositives : C033a à C033f / Carnet I, page 008 ; 3 photos : I008a à I008c.

Figure 2

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Localisation de l'affleurement d'Anor sur la carte géologique (Hatrival et al., 1969). Le site est marqué d'un point jaune (source : http://www.infoterre.fr).
 
Anor outcrop location onto the geological map (Hatrival et al., 1969). The site is pointed out with a yellow colour (source : http://www.infoterre.fr).

État de l'affleurement

  1. Observations du 1er mai 1984 (Fig. 3A) : Talus routier taillé verticalement pour aménager le portail d'entrée d'une propriété privée. Décaissement achevé avant recouvrement par de la maçonnerie.
  2. Observations du 24 janvier 2015 (Fig. 3B) : Maçonnerie achevée ; aucun affleurement résiduel. Le talus du trottoir d'en face est végétalisé et ne montre aucun affleurement.

Figure 3

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Site d'Anor : aspects des talus en 1984 (A) et en 2015 (B).
 
Anor locality : aspects of the excavation slopes in 1984 (A) and 2015 (B).

Description géologique

Le site est localisé en rive droite du Ruisseau des Anorelles dont le lit majeur entaille, sous un manteau de formations superficielles partiellement observé ici, la structure varisque sous-jacente perpendiculairement à sa direction. L'affleurement exhume une partie d'un paléotalus subvertical, déterminé dans le flanc redressé d'un pli formé par des couches du Grès d'Anor.

  1. Bancs de grès de puissance décimétrique, à grain moyen, friables, de couleur crème. Formation des Grès d'Anor en dressant (pendage à plus de 70° vers le Sud). Polarité indéterminée.
  2. Sable argileux rubéfié (2), à structure massive…
  3. … coiffé d'un liseré blanc de kaolin (3).
  4. Conglomérat mal classé, hétérométrique, à éléments monogéniques dispersés dans une matrice argilo-sableuse ocre. Cailloux (< 0,10m) anguleux de quartz blanc et grès crème dispersés. Les cailloux les plus gros sont au pied du paléo-talus.
  5. Argile sableuse ocre chargée de gravier. Puissante d'environ 0,30m sur le talus gauche de l'affleurement, elle se termine en biseau dans le talus droit, marquant ainsi la seule distinction possible entre les couches (4) et (6).
  6. Conglomérat en tous points semblable à celui du niveau (4). Au pied du paléo-talus, les deux unités ne se distinguent que par l'intercalation du niveau (5).
  7. Festons caillouteux, témoins d'une évolution en situation périglaciaire, supportant une autre masse argilo-sableuse ocre semblable à (5).
  8. Sol brun mince coiffant le tout en discordance.

Figure 4

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A, B, C. — Site d'Anor : détails de la superposition : les numéros renvoient aux explications dans le texte.
 
A, B, C – Anor locality : details of the successive beds : numbers refer to text quotations.

Figure 5

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Site d'Anor : dessin interprétatif de l'affleurement (référence du carnet de l'auteur : C033). Les numéros renvoient aux explications lithostratigraphiques dans le texte.
 
Anor locality : interpretative sketch of the outcrop (author's notebook reference : C033). Numbers refer to text quotations.

Proposition de scénario interprétatif

Les numéros entre parenthèses renvoient aux illustrations :

  • Le paléo-talus représenterait la rive externe, concave du cours d'eau, dans un stade d'enfoncement moins avancé que l'actuel. La présence de la matrice argileuse montre que le talus d'éboulis était hors d'eau. La pente raide du paléo-talus est déterminée par la stabilité naturelle des couches gréseuses (1).
  • L'accumulation de piedmont a pu être alimentée épisodiquement par des processus gravitaires divers (cryoclastie, colluvionnement, …). Les éléments sont plus grossiers et disposés de façon plus chaotique à proximité du paléo-talus qu'à quelques mètres de distance (côté gauche de l'affleurement) : granoclassement horizontal sommaire.
  • La couche (2), homogène et massive, serait une arène ancienne, déplacée par reptation sur une pente, jusqu'à une mare temporaire, effet d'un dégel. On peut rendre compte du fin liseré de kaolin blanc couvrant l'arène rubéfiée en supposant que le drainage per ascensum de l'eau contenue dans la masse au cours du déplacement aurait fait émerger la fraction kaolinique de l'arène. Ensuite, la mare s'asséchant, le kaolin aurait décanté sur place.
  • La couche (5) est également une arène, de texture comparable à celle de la couche (2), mais non rubéfiée. Sa mise en place résulterait aussi d'un déplacement en masse.
  • Le niveau (7) est la surface supérieure de la couche (6), dont la forme festonnée est marquée par les cailloux ; il s'agirait de « cercles triés contigus », révélateurs de gel profond et durable du sol (Van Vliet-Lanoë, in Dewolf et Bourrié, 2008, fig. 2-19).
  • Le sol brun (8) récent couvre l'ensemble avec une discordance angulaire soulignée par l'interruption du niveau (7) aux deux extrémités du talus gauche (côté nord), et scellant une autre arène claire entre ces deux extrémités.

Fiche 2 : Description géologique à l'entrée nord de Fourmies (59)

Observateur : Francis MEILLIEZ (1984, 2015)

Localisation

Géographique : IGN (1 :25 000) 2808-O (Hirson-Fourmies) :

Coordonnées du carrefour (point 2 sur Fig. 6A) :

Lambert I : X = 721,175 Y = 1260,250 Z = 189

Lambert 93 : X = 773709 Y = 699370 ;

Latitude : X = 4,0281° Longitude : 50,0374°

Géologique : feuilles (1 : 50 000) XXVIII-8 (Hirson) et XXVIII-7 (Trélon) :

Références de l'observateur : Carnet C, page 136-137 ; 3 diapositives C137a à C137c / Carnet I, page 008 ; 8 photos : I008d à I008k.

État de l'affleurement

Observations du 2 mars 1985 : Implantation d'un centre commercial, partiellement sur remblais, en bordure orientale du CD42 relinéarisé.

Observations du 24 janvier 2015 (avec neige) : Toute la voirie a été refaite. Tous les talus routiers sont végétalisés.

Figure 6

Image

Localisation des quatre affleurements visités du site de Fourmies : A- sur la carte topographique Hirson-Fourmies 2808-Ouest, 1 : 25 000 (IGN, 1991 : http://www.geoportail.gouv.fr) ; B– sur la carte géologique d'Hirson (feuille XXVIII-8 à 1 : 50 000, Hatrival et al., 1969) (source : http://www.infoterre.fr).
 
Location of the four studied outcrops of the Fourmies locality : A– on the topographical map Hirson- Fourmies 2808-West, 1 : 25 000 (IGN, 1991 : http://www.geoportail.gouv.fr) ; B– on the geological map Hirson (sheet XXVIII-8 1 : 50 000, Hatrival et al., 1969) (source : http://www.infoterre.fr).

Figure 7

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Site de Fourmies : vues vers le sud : A– depuis le point 2 vers le point 3 (Fig. 6), en 1985 ; B– depuis le point 1 vers les points 2 et 3 (Fig. 6), en 2015.
 
Fourmies locality : southwards sights : A– from point 2 towards point 3 (Fig. 6), in 1985 ; B– from point 1 towards points 2 and 3 (Fig. 6), in 2015.

Description géologique

Coupe du nord au sud (les numéros renvoient aux points localisés sur la Fig. 6 ; les symboles géologiques désignent les unités de la carte, Fig. 6B) :

1. Lieu-dit Champs Hiboux : la route linéarisée passe en déblais à la cote 204. Une mince couche (< 2m) de Sables Verts (c2b), très glauconieux, couvre des rocailles calcaires qui devraient être des blocs de Calcaire de Givet (d4), bousculés par le terrassement.

2. Fond du vallon du Ruisseau de la Fontaine Rouge / route vicinale vers le quartier de la Marlière. Le talus routier nord (Fig. 9 A-B) expose la partie supérieure d'une succession dont la partie basse a été observée de l'autre côté de la route vicinale, dans le trou carré ménagé pour y poser un ouvrage d'assainissement. De haut en bas, on observe :

  • Sol brun surmontant un niveau limon argileux ocre (1 à 2 m) dans lequel s'identifient de petites cellules de cryoturbation, soulignées par quelques graviers et petits cailloux anguleux ;
  • Sables Verts (c2b), glauconieux (2 à 3 m) ;
  • Argile marneuse ocre (1 à 2 m) dans laquelle plusieurs
  • Esquilles de restes de vertébrés ont été trouvées mais pas de pièce clairement identifiable (Fig. 9 A-B) ;
  • Argiles silteuses noires avec quelques encroûtements ferrugineux au sommet (Fig. 9B), à débris de lamellibranches et huîtres (1 à 2 m) ;
  • Marnes gris clair (au niveau de la route : épaisseur non déterminable) ;
  • Dans le trou du puisard : conglomérat lâche (< 1 m) à matrice de sable très grossier et galets émoussés à très émoussés (diamètre < 0,20 m) ; fragments d'ammonites ; localement ciment ferrugineux dans le lit de gravier sommital ;
  • Sable rose grossier (< 0,50 m), à litages obliques, intercalé de lits ligniteux ;
  • Sable roux (puissance inconnue), à encroûtements ferrugineux.

Les trois termes les plus bas s'amincissent en s'approchant du substratum paléozoïque, lequel est formé de calcaire argileux noir, un peu altéré, en bancs inclinés de 60° vers le SE. Ces bancs pourraient figurer dans la Formation de Hierges (d'âge emsien supérieur à eifélien dans la vallée de la Meuse).

3. Le centre commercial repose sur un dôme entaillé en déblai, prolongé au nord par un remblai. Le talus routier dans le déblai montre un niveau de Sables Verts (c2b) horizontal tapissant des schistes silteux et carbonatés, finement lités, fossilifères, qu'on peut rapporter à la Formation de Hierges. Ces derniers sont inclinés vers le NW de 30 à 35° ; ils sont faiblement altérés. La base des Sables est localisée aux alentours de la cote 200.

4. Les déblais de l'échangeur routier à l'entrée ouest de Fourmies montrent une série de grès brun à patine rougeâtre, surtout due aux interlits silteux rouges, schistosés. Cet affleurement est attribué à la Formation de Chooz par la carte géologique (Hatrival et al., 1969).

Figure 8

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Site de Fourmies : coupe interprétative (hors échelle : environ 1 400 m de long pour 25 m de dénivelé) : les numéros indiquent les affleurements visités ; R = remblais, c2b = Sables Verts (Albien), n3 = faciès wealdien, d4 = Calcaire de Givet, d2e = Formation de Hierges, d2d = Formation de Chooz (Emsien) selon la carte (Fig. 6 ; Hatrival et al., 1969).
 
Fourmies locality : cross-section (out of scale : roughly 1400 m at length, 25 m in elevation) : numbers refer to observed sites : R = embankment, c2b = Green Sands (Albian), n3 = wealdian facies, d4 = Givet Limestone, d2e = Hierges Formation, d2d = Chooz Formation (Emsian) according to the geological map (Fig. 6 ; Hatrival et al., 1969).

Proposition de scénario interprétatif

  • Dépôt, puis plissement à vergence nord (varisque) d'une série rapportée de l'Emsien (Formation de Chooz) au Givétien (Calcaire de Givet), dont l'épaisseur, s'il s'agit d'une stampe unique, est nettement amincie par rapport à son équivalent le long de la vallée de la Meuse.
  • Erosion conduisant à la formation d'un petit val dans lequel s'accumulent des dépôts continentaux rapportés aux faciès wealdiens, probablement fluviatiles.
  • L'ensemble est recouvert en discordance par les Sables Verts, dépôt marin rapporté à l'Albien.
  • Le soulèvement du dôme ardennais détermine la mise en place d'un réseau hydrographique dont un élément reprend un vallon plus ancien.

Figure 9

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Site de Fourmies : talus nord de la route vicinale vers La Marlière : A– D. Sigogneau et D. Russell (Muséum National d'Histoire Naturelle, Paris) recherchent des restes de vertébrés dans l'argile marneuse ocre rapportée au faciès wealdien ; B- Détail : quelques restes phosphatés et contact avec les marnes à encroûtements ferrugineux.
 
Fourmies locality : excavation slope along the La Marlière road : A– D. Sigogneau and D. Russell (Muséum National d'Histoire Naturelle, Paris) are looking for vertebrate remnants within the ochred limy clay which represents wealdian facies ; B– Detail : a few phosphatized remnants and contact with the top ferrugineous hard rock.

Illustrations

  • Figure 1

    Figure 1

    Localisation des sites décrits à Fourmies et Anor (flèches noires). Mise en évidence d'une ligne de partage des eaux (ligne en tiretés-points) majeure entre bassins versants de l'Oise (au sud) et de la Sambre (au nord).
     
    Sites location in Fourmies and Anor (black arrows). The water divide between Oise (in the south) and Sambre (north) major drainage basins is outlined (dashed-dotted line).

Citer cet article

Référence papier

Francis Meilliez, « Paléoaltérations et paléomorphologies, des observations éphémères ; exemples autour de Fourmies (Nord) », Annales de la Société Géologique du Nord, 22 | 2015, 101-106.

Référence électronique

Francis Meilliez, « Paléoaltérations et paléomorphologies, des observations éphémères ; exemples autour de Fourmies (Nord) », Annales de la Société Géologique du Nord [En ligne], 22 | 2015, mis en ligne le 16 juin 2022, consulté le 17 mai 2024. URL : http://www.peren-revues.fr/annales-sgn/1169

Auteur

Francis Meilliez

Université de Lille - Sciences et technologies, UMR 8187 LOG du CNRS, UFR Sciences de la Terre, 59655 Villeneuve d’Ascq cedex ; francis.meilliez@univ-lille1.fr

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