L’eau dans les Hauts-de-France, entre la pluie et la mer

DOI : 10.54563/asgn.2294

p. 101-102

Notes de la rédaction

Avertissement : Le Dossier thématique est un concept nouveau dans cette revue. Le premier est consacré à l’eau, enjeu social du XXIe siècle. Pour matérialiser l’unicité du Dossier, toutes les références bibliographiques, numériques et acronymes sont rassemblées en fin de Dossier. Le lecteur est invité à s’y reporter.

Texte

Lors de la campagne présidentielle de 1974, les Français ont découvert un homme au pull-over rouge, déclarant à la télévision que le verre d’eau qu’il tenait à la main serait l’or du XXIe siècle. Cambrésien de naissance, au gré des migrations professionnelles de ses parents, il aurait eu 120 ans en 2024. La SGN ne peut que rendre hommage à son sens de la vision, car les deux années qui viennent de s’écouler ont enfin ébranlé une large part de population, jusque là retranchée derrière l’affirmation facile : « Dans le Nord il pleut très souvent, il ne peut pas y avoir de problème de ressource en eau ! » Certes, ingénieur agronome, René Dumont a défendu pendant une quinzaine d’années le modèle d’une agriculture productiviste, machiniste et interventionniste sur le milieu naturel. Cependant, il a très tôt aussi développé une vision systémique, enrichie d’expériences africaines et asiatiques et complétée par sa connaissance du monde agricole métropolitain, qui l’a convaincu de la nécessité de mieux comprendre le milieu sur lequel intervient le paysan pour s’adapter aux spécificités locales de ce milieu.

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Les pages qui suivent sont centrées sur l’aspect ressource en eau : une fois les précipitations (eau, neige, glace) au sol, quels sont leurs cheminements ? L’espèce humaine court-circuite de multiples façons les voies naturelles (Fig. 1). Certaines sont heureuses pour sa survie, d’autres le sont beaucoup moins, tant pour elle-même que celle des autres vivants. Examiner la situation dans une perspective temporelle accroît la pression. Jusqu’au XXe siècle, personne, hors des régions au climat aride, ne mettait en doute que la ressource en eau suffise partout à satisfaire les besoins. Les technologies développées par l’humanité ont pour effet sensible depuis plus d’un siècle, d’augmenter l’espérance de vie, donc d’accroître la pression démographique dans des lieux que ces mêmes technologies ont rendu agréables à vivre. De très fortes concentrations urbaines dégradent ainsi des territoires dont la vulnérabilité à l’érosion, aux forces telluriques naturelles, aux extrêmes climatiques, est de plus en plus perdue de vue. G. de Marsily (2009) explique que la quantité d’eau qui gravite autour et dans la planète Terre suffit aux besoins de l’ensemble des êtres vivants. Les problèmes d’abondance sont donc régionaux ; la plupart résultent de conflits d’usage, de l’échelle des particuliers à celle des États. Des solutions raisonnées sont donc possibles ; encore faut-il les vouloir et se donner les moyens de les mettre en pratique à toutes échelles. Les pages qui suivent illustrent quelques aspects de cette question complexe en se limitant au territoire régional, de façon à concrétiser tant la formulation des problèmes que les pistes de recherche de solutions.

 

Caroline Norrant, géographe (U-Lille), rappelle le régime des précipitations sur le territoire régional. Pierre-Gil Salvador et Eric Masson (U-Lille) prennent le relais en rappelant comment les ruissellements s’organisent en cours d’eau, dont l’exutoire ultime est la mer. La part d’infiltration alimente les aquifères souterrains, ce qui différencie fortement les trajectoires. Les hydrogéologues du BRGM présentent une belle synthèse de l’ensemble du système souterrain. Barbara Louche (U-Artois) explique le rôle méconnu de l’hydrogéologue agréé.

En surface comme en profondeur, les réservoirs et cheminements exposent aussi les eaux à diverses contaminations. La spécificité de l’espèce humaine est d’intensifier, par rapport à une cinétique naturelle, ses interventions contaminantes, tant en volumes, diversité et célérité. En effet, tout être vivant consommant de l’eau et de l’énergie, rejette des déchets que l’eau véhicule. Toutefois, sur un territoire donné, ces rejets ne sont pas également répartis. Par effet de cumul, avec le temps, cela conduit à dégrader de plus en plus les réservoirs souterrains et certains tronçons des conduits, en profondeur comme en surface. Les milieux n’ont pas le temps d’ajuster leur équilibre, par définition constamment précaire. C’est donc un problème qui grossit avec le temps, que seul un public averti peut apercevoir aujourd’hui ; il est indispensable de développer la sensibilité des populations sur ce sujet.

Ainsi, diverses contributions témoignent d’usages de l’eau variés, tant dans le passé qu’actuels. De quoi alimenter nos nécessaires réflexions sur l’avenir. Christian Delbecque (écologue) expose les avantages et inconvénients d’une intervention sur un cours d’eau en surface, à l’échelle du territoire communal. Étienne Louis montre comment les archéologues d’aujourd’hui tentent de comprendre l’ingéniosité hydraulique durant la période gallo-romaine, voir plus ancienne. Bernard Maitte (U-Lille) révèle comment un grand bâtisseur médiéval témoigne de l’usage de la puissance hydraulique. Olivier Prévost (DREAL) dresse un bilan de la ressource régionale en eau afin d’en dégager une stratégie de parcimonie pour le siècle suivant. Deux maires (Watten et Steenwerck) ont accepté de témoigner de leur perception du difficile rôle d’arbitre à l’échelle d’une communauté territoriale. Maëlle Ancelle (ADOPTA) explique comment une réflexion locale menée à partir d’inondations répétées a conduit à élaborer un outil d’aide à la décision pour les collectivités territoriales confrontées aux mêmes récurrences. Un collectif de la SGN rassemble les connaissances universitaires et les observations recueillies à l’occasion d’actions menées en coopération avec l’Université du Temps Libre, pour présenter une synthèse actualisée sur la plaine maritime flamande et son combat pluriséculaire pour valoriser ce territoire de diverses façons. Cet enjeu concerne toute la bordure orientale de la Mer du Nord ; sur la partie française, près d’un demi-million d’habitants en dépendent. Émilie Prygiel (CEREMA) expose la grande sensibilité qualitative de plans d’eau péri-urbains, dont les riverains ne sont pas tous conscients. Thierry Vinay (Groupe Roxane) explique les contraintes pesant sur les gisements d’eau en bouteilles. Justin Lecomte (CEREMA) esquisse les contours d’un projet visant à inventorier les « gisements » négligés jusqu’à présent, d’eaux de qualité diverse afin de déployer un outil d’aide à la décision pour mettre ces gisements en regard d’usages adaptés.

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Référence papier

Francis Meilliez et Pierre-Gil Salvador, « L’eau dans les Hauts-de-France, entre la pluie et la mer », Annales de la Société Géologique du Nord, 30 | 2023, 101-102.

Référence électronique

Francis Meilliez et Pierre-Gil Salvador, « L’eau dans les Hauts-de-France, entre la pluie et la mer », Annales de la Société Géologique du Nord [En ligne], 30 | 2023, mis en ligne le 15 décembre 2023, consulté le 12 mai 2024. URL : http://www.peren-revues.fr/annales-sgn/2294

Auteurs

Francis Meilliez

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