Une vierge conduite au lupanar : la figure exemplaire de Tharsie dans l’Histoire dApollonius de Tyr

  • A Virgin led to the Lupanar: the Exemplary Figure of Tharsie in The Story of Apollonius, King of Tyre

DOI : 10.54563/bdba.316

p. 285-300

Résumés

L’Histoire d’Apollonius de Tyr tirée du ms. Bruxelles, KBR, 9633, est appréciée pour Tharsie, figure de sainte prostituée ; les épisodes de sa vie de papier sont comparables à des vies de saintes connues de la production littéraire bourguignonne. Sans me borner aux représentations mythologiques, je propose une lecture orientée vers l’hagiographie en me centrant sur cette figure féminine qui offre une lecture stimulante pour les contemporains du texte en reflétant un idéal féminin d’exemplarité.

The Histoire d’Apollonius de Tyr from MS Brussels, KBR, 9633, is appreciated for Tharsie, a holy prostitute figure; the episodes of her fictitious life can be compared to the lives of saints known to Burgundian literary production. Without limiting myself to mythological representations, I suggest a hagiography-oriented reading by focusing on this female character who offers a stimulating reading for late Middle Ages people by reflecting a feminine ideal of exemplarity.

Plan

Texte

Ains suis nette et pure, comme la rose entre les espines sans estre pointe1. Illustration d’un caractère exemplaire, d’un personnage pris entre deux feux – à savoir celui des obligations dévolues au monde de la prostitution et celui de la préservation de sa virginité –, cette phrase est représentative de Tharsie, fille du roi Apollonius, et touche le cœur de l’Histoire d’Apollonius de Tyr. Pour mieux comprendre l’intérêt que l’on peut porter à cette figure féminine, notamment à la cour de Bourgogne, il est essentiel de contextualiser quelque peu l’œuvre et d’en dessiner les contours.

Le roman d’Apollonius de Tyr connut une large diffusion en Europe et pendant plus d’un millénaire traversa les âges. Dès les vevie siècles, des versions latines de cette histoire, l’Historia Apollonii regis Tyri, probablement issue d’une hypothétique source grecque datant du iiie siècle, rencontrèrent leurs lecteurs. Cette époque correspond probablement à la période où le remaniement latin servant de modèle nous est parvenu ; ce dernier a donné naissance à une soixantaine de manuscrits datés des ixe et xe siècles. Durant tout le Moyen Âge, ce texte subit grand nombre de fluctuations et c’est en France qu’il connut le plus vif succès. Il en existe huit versions françaises. Notons d’emblée un paradoxe : il est surprenant que cette œuvre, regorgeant de lieux communs de l’Antiquité, ait pu obtenir tant de suffrages sur une période aussi longue2. Ce phénomène d’attraction peut s’expliquer par le fait que certains motifs mythologiques sont transposables et interprétables selon l’époque, s’ils ne sont pas remaniés ou supprimés3.

Aussi la présente étude se fonde-t-elle sur l’un des cinq codices de la version dite littérale4 de l’Histoire d’Apollonius de Tyr qui échut à la cour de Bourgogne, car cette version littérale constitue une traduction fidèle du texte d’origine en latin ; le manuscrit étudié est le ms. Bruxelles, KBR, 9633, qui fut exécuté pour Jean de Wavrin dans les années 1453‑14605. Les chercheurs ont démontré que la mythologie avait connu un fort regain d’intérêt dans ce milieu culturel6. Ce roman peut être également apprécié pour ses accents hagiographiques puisque Tharsie est la figure même de la sainte prostituée. La jeune fille naît en mer dans des circonstances funestes ; son père la confie alors à des pairs de Tarse, Stragullon et Denise, et disparaît pendant quatorze ans. Tharsie grandit et croît en beauté et en sagesse. Par jalousie, Denise envoie son serviteur Theophile la tuer au bord du rivage. Au moment où il va la frapper, la jeune fille est ravie par des pirates, vendue aux enchères et envoyée au bordel à Mytilène. Les épisodes se centrent ensuite sur les assauts successifs des clients au lupanar. À bien des égards, les épisodes de la vie de papier de Tharsie peuvent être comparés à diverses vies de saintes bien connues de la production littéraire de la cour de Bourgogne, si l’on considère les ouvrages hagiographiques gravitant dans cette sphère, nous songeons entre autres à La Légende dorée ou encore au livre Vie et miracles de Nostre‑Dame7 et à la Vie de Sainte Katherine8 de Jean Miélot.

Sans nous borner aux représentations mythologiques, nous proposerons une lecture orientée vers l’hagiographie en nous centrant sur cette figure féminine ambivalente qui offre une lecture stimulante pour les contemporains du texte en reflétant un idéal féminin d’exemplarité.

Tharsie : un personnage tenant de la légende ?

Questions préliminaires

Comme nous l’évoquions précédemment, le texte a plu au xve siècle car les lecteurs bourguignons – faisant abstraction des représentations mythologiques – ont reconnu des modèles dignes d’être imités. Dans Les Légendes hagiographiques d’Hippolyte Delehaye, ce phénomène est nommé « survivance païenne9 ». Par cette expression, le savant belge entend des éléments transférables du culte des dieux et des héros au culte des saints car les deux religions se ressemblent dans leurs manifestations et par leur esprit.

À titre d’exemple, une étude menée par Élisabeth Pinto‑Mathieu a établi des rapprochements convaincants entre l’Historia Apollonii regis Tyri et la vie de Marie‑Madeleine pour révéler une influence du roman sur la vie de cette sainte10. Cette réflexion laisse en suspens deux questions : si l’on prend pour acquis qu’à l’époque du texte latin ce dernier a pu inspirer des épisodes d’une hagiographie, Apollonius de Tyr a‑t‑il pu influencer d’autres vies de saintes ? Les Bourguignons du Moyen Âge tardif connaissaient‑ils par ailleurs cette relation lointaine entre les deux textes ? Il serait difficile de prouver qu’Apollonius de Tyr a pu impacter de manière significative d’autres vies comme celles de sainte Agnès et de sainte Agathe, même si l’un des épisodes, celui de la vierge conduite de force au lupanar, les réunit. De même, aucun argument ne nous permet d’avancer que la cour de Bourgogne ait eu connaissance de cette parenté entre les deux écrits. Dès lors, les analogies visibles entre des textes hagiographiques et la vie de Tharsie suggèrent plutôt l’attachement à des modèles de vertu et marquent le poids de l’imagination populaire.

Dans ces conditions, sondons le personnage de Tharsie pour vérifier si elle peut s’inscrire dans la légende.

L’héritage d’un capital d’exemplarité

Tharsie fait partie d’une longue galerie de personnages de femmes persécutées communes aux romans chers à la cour de Bourgogne11 ; enlevée par des pirates et mise en vente parce qu’elle est vierge, elle peut être assimilée à une martyre.

Comme dans tout récit hagiographique, l’accent est mis en premier lieu sur les origines du futur saint et sur les qualités qui lui permettront de surmonter les supplices à venir. Aussi le récit écourte-t-il l’enfance de Tharsie par le biais d’une ellipse qui fournit les seules données utiles sur la jeune fille, à savoir son éducation : […] en l’aage de cincq ans fut envoyee a l’escolle pour apprendre les ars liberaux. Ensuite, une nouvelle ellipse nous mène aux quatorze ans de Tharsie et à la mort de sa nourrice Liqueride. Avant de rendre l’âme, cette dernière apprend à la jeune fille toute son histoire personnelle et la véritable identité de ses parents, et lui confie la mission de racompt[er] publicquement devant les citoiens [se]s aventures toutes à côté de l’ymage de son père en la place du marchié12. L’expression racompter toutes ses aventures ou sa variante racompter toutes ces choses ponctue l’ensemble du récit13. Elle est remarquable parce que, d’une part, elle marque le devoir de perpétuer l’histoire de sa famille et parce que, d’autre part, elle est uniquement employée pour deux personnages, Apollonius et Tharsie. Tharsie hérite donc des dons de conteurs de son père, Apollonius, qui tire de son nom même sa figure de poète. Ce don d’éloquence est l’une des principales armes de défense et de guérison dont use la jeune fille au lupanar.

Le passage suivant insiste sur les activités de Tharsie et sur leur fréquence depuis la mort de Liqueride :

Aprés peu de temps la pucelle retourna a l’estude et, quant elle estoit retournee a l’estude, elle ne buvoit ne mengoit jusques a ce que alast ou lieu ou sa nourrice estoit enterree et qu’elle aroit racompté en plourant toutes ses aventures. Et comme elle feist souvent ainsi [...]14

Ce rythme régulier qui structure les journées de Tharsie n’est pas sans rappeler les occupations de la Vierge Marie et des jeunes vierges dans La Légende dorée qui alternent entre prière et travaux manuels avant de se nourrir15. Comme elles, Tharsie respecte son engagement auprès de sa nourrice et, après ses études, accomplit son devoir de mémoire avant de se substanter.

Cette exposition permanente du personnage sur la place du marché la met dans une position délicate. Les citoyens de Tarse comparent Tharsie avec la véritable fille mal gracieuse de Denise et insistent a contrario sur la beauté exceptionnelle de la jeune fille. Cette beauté extérieure, héritée de sa mère, reflète de surcroît la beauté de son âme. Tharsie est définie par sa virginité et son innocence. On relève ainsi à diverses reprises lors de situations critiques des termes qui accentuent le caractère virginal de la jeune fille16. Dès sa première rencontre avec Leominus, le houllier de Mytilène, la jeune fille est prête à tout pour préserver son corps ; elle le prie donc instamment d’avoir mercy de [s]a virginité et de ne pas être mise a tel vieuté et a telle ordure17. Ce comportement exemplaire rappelle celui de sa mère qui avait demandé à deux reprises aux médecins chargés de l’examiner lors de son réveil à Éphèse de ne pas la toucher deshonnestement18. La mère de Tharsie décide ensuite de consacrer sa vie à la déesse Diane, recluse dans un temple ; elle devient prêtresse et fait vœu de chasteté en compagnie de plusieurs vierges. La dame est dans le roman assimilée à la déesse elle‑même et la description des habits et pierreries référant au culte de Diane la chaste renvoient pour le lecteur du xve siècle aux attributs du culte marial19. La déesse Diane et Marie semblent interchangeables, ce qui fait de la mère de Tharsie un modèle de chasteté et de sainteté. Tharsie, qui hérite de ses qualités, est alors vouée à devenir une femme vertueuse et sainte.

Enfin, la sainteté de la jeune héroïne se manifeste par la capacité à susciter la malveillance de ses proches. Dans un ouvrage portant sur les saints au Moyen Âge, Régine Pernoud énonce les caractéristiques de la sainteté en ces termes : « elle se présente comme un absolu qui provoque l’agacement, puis l’hostilité de son entourage ; et, pour celui qui en est porteur, une exigence qui l’amène à lui donner plus d’importance qu’à sa propre vie20 ». La grâce de Tharsie amène Denise à agir à son égard aussi comme forsenee, et très vite la jalousie et la convoitise laissent place à un complot d’assassinat afin de vêtir sa propre fille des aournemens de Tharsie21.

En somme, Tharsie est victime de sa nature : son exemplarité manifeste, héritée de ses deux parents, déclenche l’hostilité de Denise et la conduit à mettre en jeu sa réputation.

Tharsie compromise

Pour accomplir l’assassinat de Tharsie, Denise envoie son serviteur Theophile au bord du rivage. Mais avant de mourir, Tharsie obtient de Theophile le droit de recommander son âme à Dieu. Cette prière à Dieu lui permet d’être temporairement sauvée ; en effet, en réponse à sa prière, des larrons de mer accostent près des deux personnages et sauvent la pucelle en peril de mort. Ce sauvetage d’une demoiselle en détresse pourrait à première vue paraître comme un acte noble ; en réalité, il n’en est rien car les pirates considèrent la pucelle comme leur proye et comme une source de profit. Par ailleurs, le rapt revêt une signification particulière au Moyen Âge : l’enlèvement d’une personne, qui est souvent suivi de violences physiques, se rapproche indéniablement du viol22. Cet épisode annonce donc le destin proche de Tharsie : la vente de sa chair et de sa virginité.

Plus tard, lors de la mise aux enchères de Tharsie à Mytilène, deux personnages se battent pour obtenir la jeune fille : le houllier Leominus et le prince Anathagoras. Pour le premier acheteur, le motif invoqué pour acquérir Tharsie est, comme pour les pirates, qu’il s’agit d’une pucelle. Dans le monde de la prostitution, il est plus facile de faire commerce de corps frais : Tharsie a alors quatorze ans ; cet âge est idéal pour faire une carrière plus longue dans le métier et donc pour ramener plus d’argent au souteneur. D’autres éléments textuels viennent corroborer la cupidité du proxénète : Leominus est qualifié par deux tournures hyperboliques, il est tres convoiteux et tres aver ; il n’est pas touché par les larmes et les prières de la jeune fille à qui il déclare que prieres ne larmes ne prouffittent riens envers ung houllier23 ; il enferme Tharsie dans une maison bordeliere et, pratique courante dans la prostitution, il indique le prix de sa virginité sur une enseigne24, Quiconques vouldra violer Tarsie, il paiera demi livre d’or25.

Le second acheteur, Anathagoras, conçoit autrement cette acquisition ; dès la première parole du prince, l’accent est mis avant tout sur le plaisir sexuel masculin :

Et qu’ay je a faire d’estriver a ce houllier ? Je la lui laisseray achater et, quant il l’aura habandonnee, j’entreray le premier a elle et ainsi auray son pucellage26.

Le passage peut avoir deux significations : entrer a qq’un peut signifier ‘pénétrer chez qq’un’ et donc pénétrer chez Tharsie au bordel ; l’expression a également le sens à connotation sexuelle de ‘pénétrer qq’un’. Dans la mesure où le discours d’Anathagoras se prolonge avec la volonté de déflorer la jeune fille, auray son pucellage, l’on peut supposer que les deux sens se complètent et que le fait de réussir à pénétrer chez la demoiselle laisse entendre que sa virginité sera prochainement compromise.

De même, lorsque le souteneur du lupanar est enragé d’apprendre que la préservation de la virginité de Tharsie lui fait gagner plus d’argent que les services rendus habituellement par sa maison, il demande à son villain de la compromettre et de lui oste[r] le veu de virginité27. Néanmoins, aucun des prétendants n’arrive au résultat escompté avec Tharsie.

Par les vertus héritées de ses parents et par la mise à l’épreuve au lupanar, la jeune vierge Tharsie vit des situations semblables à celles des récits hagiographiques d’Agnès et d’Agathe28, ce qui fait d’elle une sainte et un personnage de la légende.

Tharsie : une prostituée ?

Une courtisane de luxe

Bien que Tharsie puisse à juste titre être assimilée à une sainte, la jeune fille peut également entrer dans une autre catégorie de personnages, à savoir celle des prostituées, dans la mesure où elle remplit avec brio ses offices au lupanar. En effet, Tharsie revient à chaque entrevue avec tresgrant quantité d’argent qu’elle remet au proxénète : tout d’abord, le prince Anathagoras lui offre .xl. flourins ; puis, un ami du prince lui donne une livre d’or entierement29 ; enfin tous ceux qui entrent à l’intérieur de la maison la rémunèrent à prix d’or. Pourtant, le travail effectué par Tharsie ne correspond pas à la vision traditionnelle de la prostitution et le désir des clients est assouvi sans passer par l’acte sexuel. Chaque entretien avec le client respecte la même procédure : dans une première phase, l’homme entre, Tharsie ferme la porte, s’agenouille à ses pieds et lui raconte l’histoire de son lignage ; dans la seconde phase, après le récit, le client ne désire plus la toucher, la paie dûment en retour et conserve son secret. Les lecteurs n’ont pas les détails du récit conté par la jeune fille, ce qui rend expéditifs les divers passages des clients. Le travail de Tharsie consiste donc à discuter avec le demandeur ; sans parvenir aux fins envisagées, le client écoute les aventures de la jeune fille, s’en satisfait et la rémunère pour son exemplarité.

Par ailleurs, en payant son loyer, Tharsie provoque son employeur à deux reprises par l’ironie en mettant en avant la préservation de son corps : Tiens, vecy le pris de ma virginité et Veéz cy que oncques ma virginité n’a peu faire30. Ces exemples permettent d’envisager une catégorie de travailleuse plus respectable pour Tharsie, mais néanmoins voisine du métier de prostituée, celle de la courtisane de luxe. La courtisane se définit par la difficulté à être conquise et par sa maîtrise de l’éloquence et de la musique31 ; elle peut être considérée comme une enchanteresse qui fait fructifier les affaires du proxénète grâce à ses talents oratoires. Tharsie correspond à cette figure car Anathagoras a d’abord voulu l’acheter précisément parce qu’elle estoit noble et sage. Ensuite, dans un autre extrait, Tharsie passe un accord avec le serviteur de Leominus en insistant sur son potentiel intellectuel : elle est capable d’une part de divertir un public en jouant de la harpe et en contant ses aventures, et d’autre part de résoudre par ses connaissances n’importe quelle énigme qui lui est posée. Le peuple prend en charge la dette de Tharsie et lui donne pour cela une tresgrant somme d’argent32. Il est intéressant de souligner que Tharsie propose d’elle‑même cette solution au serviteur ; elle a l’idée de jouer de ses charmes à la fois pour gagner de l’argent et pour rester vierge : sainteté et prostitution se confondent alors au sein du personnage.

D’autres agissements de Tharsie sont plus ambigus et la rapprochent davantage de la courtisane. Lorsque le père de Tharsie revient à Tarse, Denise et son mari lui font croire que sa fille est morte. Désespéré, Apollonius embarque sur son navire et après une tempête son embarcation dérive jusqu’au port de Mytilène. Il s’installe seul en fond de cale et exige qu’on le laisse mourir. Pour sauver Apollonius, Anathagoras va quérir les services de Tharsie pour le conforter et lui propose de l’argent pour mieulx vacquer a [s]a virginité garder33. Il n’est pas rare dans la réalité qu’un seigneur aille chercher une musicienne chez le proxénète pour distraire des invités en échange d’une compensation financière. Néanmoins, Tharsie a un comportement surprenant. Après un premier essai qui reste vain pour faire quitter le fond de cale à Apollonius, elle abandonne sa mission, accepte les deux cents florins d’Apollonius et s’en va34. Anathagoras intervient alors et la jeune fille retourne accomplir son travail pour obtenir plus d’argent du prince de Mytilène. Par ailleurs, Tharsie a des gestes affectifs plutôt équivoques envers un homme qu’elle ne connaît que depuis peu : elle mist son chief sur lui et l’embraça estroittement35. De surcroît, lorsque la jeune fille prend la main d’Apollonius pour qu’il la suive, l’homme la frappe du talon et la pucelle cheÿ a terre et commença a seigner du genoul36. Michel Zink et Jean Scheidegger ont rapproché ce saignement de genou de l’inceste évoqué au début de l’Histoire d’Apollonius de Tyr37. Apollonius avait résolu l’énigme pour obtenir en mariage la fille du roi incestueux d’Antioche. Ce saignement est apparenté ici à un viol, d’autant que ce moment succède à une phrase ambiguë de Tharsie : Se tu desires ta fille, espoir que tu la trouveras saine et haittie38. Tharsie ignore être la fille d’Apollonius et le père est résolu à croire à sa mort. Cette phrase peut être allusive et renvoyer à un inceste39. De même, le motif de l’inceste est sous‑jacent lorsque le texte mentionne qu’Anathagoras amoit Tharsie comme sa propre fille40 et que l’on apprend plus tard qu’il l’épouse41.

Une prostituée « honnête »

Si quelques‑uns de ses agissements sont ambigus, Tharsie peut néanmoins être considérée comme une « prostituée honnête ». Par cette formule, nous entendons que Tharsie exerce, grâce à sa beauté et les divertissements et chansons qu’elle propose, une sorte de thérapie sur l’âme.

Lors des spectacles en plein air, deux expressions démontrent que Tharsie est une figure de tendresse : attraire a amour et attraire en son manoir et amour42. Ces termes renvoient au siège des émotions, siège que Tharsie arrive à atteindre par [s]on beau parler. Grâce à sa clergie, elle devient une figure de consolation et elle réussit à ramener Apollonius à la lumière car elle est sage et parle tres doulcement43.

L’honnêteté de Tharsie est également prouvée lorsqu’Anathagoras requiert la main de la jeune fille à Apollonius. Anathagoras explique que la fille est demouree vierge par [s]on aide44 ; Tharsie n’a exercé ses talents que pour conserver sa virginité. Sa fama est donc intacte et le mariage lui permet de rompre avec les mœurs dissolues du monde de la prostitution.

En fin de compte, Tharsie se situe entre la femme publique et la femme savante45 ; elle est une femme qui maîtrise la parole et qui sait par son éloquence aller droit au cœur. Cette position apparaît comme un compromis entre prostitution et sainteté. À travers la figure ambivalente de Tharsie, semblable à celle de Marie‑Madeleine, le motif de la prostitution est détourné pour créer un récit édifiant.

Une hagiographie de Tharsie : un récit édifiant

Plusieurs épisodes de la vie de Tharsie dans l’Histoire d’Apollonius de Tyr peuvent constituer la trame d’un récit hagiographique, comme le montrera le rapprochement avec deux œuvres appartenant au milieu culturel de la cour de Bourgogne. Le premier récit hagiographique qui nous servira de support pour la comparaison est la Vie de Sainte Katherine de Jean Miélot tirée du ms. Paris, BnF, fr. 6449 daté de 145746.

Dans le récit, lorsque le lignage incomparable de Katherine est présenté, la jeune fille est comparée à une rose que l’on peut voir flourir entre les espines et de laquelle devoit yssir une fleur de liz47. Cette comparaison n’est pas sans rappeler la manière dont se définit Tharsie dans sa chanson pour Apollonius. Dans les quatre premiers vers de l’insertion lyrique, la métaphore de la rose sans épine est employée :

Je vois par ordures, / Mais point ne suis entachee d’ordure, / Ains suis nette et pure, / comme la rose entre les espines sans estre pointe48.

Dans les deux exemples, la virginité est mise en exergue. La rose est un symbole de pureté et de régénération ; les épines représentent le monde ordurier dans lequel les jeunes filles sont contraintes d’évoluer. Les deux personnages sont exemplaires par leur innocence et se rapprochent de la figure mariale. Dans le cas de Katherine, la pureté passe par la métamorphose de la rose en fleur de lys ; pour Tharsie, elle est démontrée par la lutte pour la préservation de son corps au lupanar. Tharsie et Katherine sont toutes deux gardiennes de leur virginité ; elles sont deux vierges innocentes.

Lors de sa détention à Alexandrie, l’empereur Maxence veut obliger Katherine et les Chrétiens à aourer les sacrefices prophanes49. Quant à Tharsie, dès son arrivée au bordel, Leominus lui ordonne d’aoure[r] le dieu Pryapus50. Katherine s’oppose à l’empereur et Tharsie résiste au proxénète. Les deux jeunes filles se défendent par la parole. Lors du débat organisé par Maxence entre Katherine et cinquante docteurs, Katherine a réponse à toutes les questions des savants. Deux extraits marquent les effets que produisent les paroles de la jeune fille sur les docteurs51. Les expressions esperdu, tourbléz et confus, se rendirent muyaulx, confus et vainquu ou encore en esbahissement et en admiration que nous ne sçavons du tout en tout riens dire mettent en évidence le sentiment de confusion et de surprise que provoque l’éloquence de Katherine : les docteurs perdent la capacité de s’exprimer et décident de se convertir. Dans Apollonius de Tyr, on retrouve des expressions similaires lors du passage des clients chez Tharsie : après le conte de Tharsie, Anathagoras est tout confus et piteux, meu de pitié et pleure ; le serviteur est meu de pitié ; les autres clients pleurent à tour de rôle52. Un autre personnage réagit différemment : Apollonius gémit53. Ce détail différencie les deux personnages : Tharsie réinitie Apollonius au langage et essaie de l’amener à reprendre sa place de roi ; Katherine convertit les docteurs qui n’ont plus d’arguments valables à répondre. Cependant, les deux épisodes mènent à un sauvetage de l’âme. Apollonius suit en quelque sorte un parcours de guérison en procédant à des rites au lieu comme les croyants pouvaient le faire lors de pèlerinages. Les conditions sont les suivantes54. Le pèlerin doit être en rupture avec le quotidien : Apollonius est à fond de cale à Mytilène. Il doit s’en remettre volontairement ou non à des mains plus puissantes que les siennes : Anathagoras lui envoie Tharsie qui connaît toutes les réponses. Des rites propitiatoires comme le contact avec la statue d’un saint sont effectués pour obtenir une guérison : le contact avec la main de Tharsie fait réagir violemment Apollonius et c’est cette réaction virulente qui lance la complainte de la jeune fille sur ses origines et ses aventures malheureuses. En reconnaissant sa fille, le père pleure de joie ; ses larmes sont le symbole de la purification de son âme et le signe de son rétablissement social progressif. Ce phénomène s’appelle la liesse de guérison55. L’éloquence est donc l’apanage de Katherine et de Tharsie.

L’épisode du miracle de Theophile dans Vie et miracles de Notre-Dame de Jean Miélot56 est le second texte qui peut servir de comparaison avec notre récit pour démontrer l’assimilation de Tharsie à la Vierge Marie. Dans le texte de Miélot, Theophile est un vicaire qui qui voue sa vie à Dieu avec assiduité ; après avoir été destitué de ses fonctions par un évêque, il vend son âme au diable pour récupérer ses biens et recouvre la foi en se repentant auprès de la Vierge Marie. Dans Apollonius de Tyr, le nom de Theophile est donné au serviteur de Denise et de Stragullon. Avant l’épisode du rapt de Tharsie, Denise contraint Theophile à tuer la pucelle et lui propose en échange la liberté. Toutefois, le serviteur ne peut se résoudre à tuer une vierge innocent et il est dolent et triste57. Dans la légende de Theophile, le personnage regrette ses actions. Or, la repentanche et le repentir58 sont également prégnants dans Apollonius de Tyr. Dans le miracle, Theophile n’est pas abandonné par Dieu qui reconnaît en lui un ancien serviteur loyal, induit en erreur par les mauvais conseils du diable ; la Vierge Marie lui pardonne progressivement sa mauvaise conduite. Dans Apollonius de Tyr, Theophile prend Dieu à témoin lors du rapt de Tharsie et se réjouit de ne pas avoir commis le meurtre commandité par Denise, figure du mal. Le personnage entame une rédemption qui sera accomplie par l’intercession de la vierge Tharsie. Lors du jugement de Denise par Apollonius et par sa fille à Tarse, Theophile est placé dans la situation du condamné sauvé miraculeusement au moment de l’exécution. Tharsie pardonne pleinement au serviteur ses mauvaises actions parce qu’il lui a révélé le nom de la conspiratrice Denise ; mais la jeune fille a une autre raison de le sauver : aucun Tarsien ne l’a secourue et seul Theophile s’est montré charitable et l’a aidée en lui laissant le temps, l’espace de deux heures59, de recommander son âme à Dieu. La vierge Tharsie se comporte alors en dame et use de son pouvoir gracieux régalien60 envers un serviteur qui lui a été secourable.

Ainsi, à certains égards, Tharsie est proche de Katherine et de la Vierge Marie. Néanmoins, le récit de l’exemplarité de la jeune fille n’est pas construit pour aboutir à la foi chrétienne et à une conversion ; dans Apollonius de Tyr, il mène à une glorification du lignage de Tharsie et à une mise en valeur du pouvoir politique61.

Conclusion

La figure exemplaire de Tharsie est bien apparentée au fonds ancien d’archétypes féminins présents dans la littérature hagiographique du Moyen Âge. Tharsie ne pourrait pas être considérée comme une véritable sainte dans le siècle si son itinéraire de vie avait été un long fleuve tranquille, sans opposition, sans violence, sans mise à l’épreuve. L’ambivalence de ce personnage, à la fois prostituée et sainte, ne trouve sa complétude que dans l’amour et la lumière qu’il suscite : elle fait preuve de force morale et elle connaît le langage qui mène au cœur.

Il n’est guère surprenant que ce roman aux accents hagiographiques ait pu plaire à la cour de Bourgogne : Tharsie est la clef de voûte de l’Histoire d’Apollonius de Tyr et le récit édifiant de ses aventures met en relief toutes les acceptions du mot histoire. Ainsi l’histoire de la vie du personnage fonctionne pour les contemporains du texte comme un exemplum qui affiche ses ambitions didactiques et vise l’exemplarité.

Annexe

Annexe : Paradigmes morphologique et sémantique du mot pucelle fondé sur l’idée de virginité dans l’Histoire d’Apollonius de Tyra

Paradigmes de pucelle Nombre total d’occurrences Nombre d’occurrences pour Tharsie Passages concernés pour Tharsie
chaste 1 0
chasteté 2 1 fol. 159ro
*despucellee 1 1 fol. 155vo
innocence 1 1 fol. 155vo
innocent 4 4 2 occ. fol. 153ro ; fol. 159ro ; fol. 161vo
nette 1 1 fol. 159ro
pucellage 2 1 fol. 154ro
pure 1 1 fol. 159ro
purté 1 1 fol. 159ro
vierge/vierges 15 12 fol. 153ro ; fol. 153vo ; fol. 154vo ; 2 occ. fol. 155vo ; fol. 156ro ; fol. 159ro ; fol. 161ro ; fol. 162ro ; fol. 162vo ; fol. 163ro ; fol. 163vo
*violer/violee 5 3 fol. 154vo ; fol. 159ro ; fol. 162vo
virginité 11 10 fol. 154vo ; fol. 155ro ; 3 occ. fol. 155vo ; 2 occ. fol. 156ro ; 2 occ. fol. 159ro ; fol. 163vo

Notes

1 Apollonius de Tyr, Bruxelles, KBR, ms. 9633, fol. 159ro. Retour au texte

2 Michel Zink relève ainsi que cette histoire est difficile à intégrer à l’univers médiéval ; cf. M. Zink, « Apollonius de Tyr : le monde grec aux sources du roman français », dans La Grèce antique sous le regard du Moyen Âge occidental, dir. J. Leclant et M. Zink, Paris, Académie des Inscriptions et Belles Lettres, 2005 (Cahiers de la Villa Kérylos, 16), p. 131‑145, en particulier p. 142. Retour au texte

3 La cronique et histoire des mervilleuses aventures de Appolin roy de Thir (d’après le manuscrit de Londres, British Library, Royal 120 C II), éd. Vl. Agrigoroaei, Turnhout, Brepols, 2013 (Bibliothèque de Transmédie, 1), p. 13-16. Retour au texte

4 « Die altfranzösischen Prosaversionen des Appollonius-Romans nach allen bekannten Hanschriften mit Einleitung, Anmerkungen, Glossar und Namenverzeichnis zum ersten Male Herausgegeben », éd. Ch. B. Lewis, Romanische Forschungen, t. 34, 1915, p. 1-277. Retour au texte

5 Apollonius de Tyr, fol. 138ro‑168ro. (Cf. Apollonius de Tyr. Édition d’après le manuscrit Bruxelles, KBR, 9633, éd. Gr. Baillet, Mémoire de Master 2, Boulogne-sur-Mer, Université du Littoral – Côte d’Opale, 2015-2016). Ce manuscrit est associé au ms. Bruxelles, KBR, 9632 qui contient une version bourguignonne de Paris et Vienne : cf. Pierre de la Cépède, Paris et Vienne, éd. M.-Cl. de Crécy et R. Brown-Grant, Paris, Classiques Garnier, 2015 (Textes littéraires du Moyen Âge, 38), p. 25-32. Retour au texte

6 Cf., entre autres, A. Naber, « Les manuscrits d’un bibliophile bourguignon du xve siècle, Jean de Wavrin », Revue du Nord, t. 72, 1990, p. 23‑48, en particulier p. 26‑27 et p. 39. Par ailleurs, ce texte a dû plaire à la cour de Bourgogne, puisqu’un autre témoin de la version littérale d’Apollonius de Tyr est compris dans un exemplaire ayant appartenu à Louise de La Tour, femme de Jean V de Créquy (Paris, Bnf, ms. 20042). Cf. M. Gil, « Le mécénat littéraire de Jean V de Créquy, conseiller et chambellan de Philippe le Bon : exemple singulier de création et de diffusion d’œuvres nouvelles à la cour de Bourgogne », Eulalie, t. 1, 1998, p. 69-95, en particulier p. 94. Retour au texte

7 Cf. Édition critique du manuscrit français 9198 : La Vie et miracles de Nostre‑Dame de Jehan Miélot, éd. L. Abd‑Elrazak, Thèse de doctorat, Ottawa, Université d’Ottawa, 2012. Retour au texte

8 Cf. Jean Miélot, Vie de Sainte Katherine, éd. M. Colombo Timelli, Paris, Classiques Garnier, 2015 (Textes littéraires du Moyen Âge, 34), p. 59‑137. Retour au texte

9 Cf. H. Delehaye, Les Légendes hagiographiques, Bruxelles, Société des Bollandistes, 1955 (1re éd., 1905) (Subsidia hagiographica, 18a), p. 151‑152. Retour au texte

10 Il s’agit de l’épisode de la fausse morte enceinte en mer. La chercheuse s’appuie sur des éléments d’histoire, de datation et de lieu pour prouver l’influence d’Apollonius de Tyr sur l’épisode du miracle marseillais. Cf. É. Pinto‑Mathieu, « Échos d’Apollonius de Tyr dans l’hagiographie : les légendes de sainte Marie‑Madeleine et des deux marchands », dans Hagiographie, imaginaire, littérature. Mélanges en hommage à Jean‑Pierre Perrot, dir. A.‑Fl. Pifarré, Chambéry, Université Savoie Mont Blanc, 2015 (Écriture et représentation, 28), p. 285‑300. Retour au texte

11 Cf. É. Gaucher, La biographie chevaleresque : Typologie d’un genre (xiiiexve siècle), Paris, Champion, 1994 (Nouvelle Bibliothèque du Moyen Âge, 29), p. 150‑153. Retour au texte

12 Apollonius de Tyr, fol. 151vo, 152vo. Retour au texte

13 On dénombre onze occurrences du verbe racompter et des constituants de son paradigme. Pour les passages concernant Tharsie, les verbes qui renvoient à la narration se situent aux fol. 152vo, 154vo, 155ro et 156ro. Deux développements du récit de Tharsie sont à noter : la chanson pour apaiser Apollonius (fol. 159ro) et les plaintes à son père (fol. 161ro‑vo). Retour au texte

14 Apollonius de Tyr, fol. 152vo. Retour au texte

15 Cf. J. Le Goff, À la recherche du temps sacré. Jacques de Voragine et la Légende dorée, Paris, Perrin, 2014 (Tempus, 351), p. 184‑185. Retour au texte

16 Le terme pucelle est utilisé trente-deux fois pour qualifier Tharsie. Il est employé par spécialisation de sens avec le sème de ‘vierge’ à partir du chapitre V, au fol. 154r°. D’autres termes insistent sur la virginité de Tharsie (cf. Annexe : Paradigmes morphologique et sémantique du mot pucelle fondé sur l’idée de virginité dans l’Histoire d’Apollonius de Tyr). Retour au texte

17 Apollonius de Tyr, fol. 154vo. Retour au texte

18 Je vous prie que vous ne me touchiéz fors que ainsi qu’il appartient a fille de roy et a femme de roy et La dame requist que nul ne la touchast deshonnestement (Apollonius de Tyr, fol. 151ro). Retour au texte

19 Le culte marial était particulièrement vivace en France au xve siècle, notamment à la cour de Bourgogne. Cf. Br. Maes, Le roi, la vierge et la nation. Pèlerinages et identité nationale entre guerre de Cent Ans et Révolution, Paris, Publisud, 2003 (La France au fil des siècles), p. 63. Diverses statues de la Vierge comportent des vêtements de couleur pourpre comme ceux des prêtresses qui vénéraient Diane. Retour au texte

20 Cf. R. Pernoud, La Vierge et les saints au Moyen Âge, Paris, Bartillat, 1998, p. 54. Retour au texte

21 Apollonius de Tyr, fol. 153ro. Retour au texte

22 Cf. J. Rossiaud, Amours vénales : la prostitution en Occident (xiiexvisiècle), Paris, Aubier, 2010 (Collection historique), p. 154. Le texte insiste sur le fait que les pirates prinrent la pucelle vierge (Apollonius de Tyr, fol. 153vo). Retour au texte

23 Apollonius de Tyr, fol. 154vo. Retour au texte

24 Cf. J. Rossiaud, Amours vénales, p. 202. Retour au texte

25 Apollonius de Tyr, fol. 154vo. Retour au texte

26 Ibid., fol. 154ro. Retour au texte

27 Ibid., fol. 155vo. Retour au texte

28 Agnès est définie par sa pureté et par son innocence. Agathe est « celle qui parle de façon achevée et parfaite ». Cf. Jacques de Voragine, La Légende dorée, éd. A. Boureau, P. Collomb, D. Donadieu‑Rigaud, M. Goullet, L. Moulinier et St. Mula, Paris, Gallimard, 2004 (Bibliothèque de la Pléiade, 504), p. 139‑143 et p. 205‑210. Retour au texte

29 Apollonius de Tyr, fol. 155ro. Retour au texte

30 Ibid., 155vo. Retour au texte

31 Cf. A. Bélis, Les Musiciens dans l’Antiquité, Paris, Hachette, 1999 (La vie quotidienne), p. 44‑45. Retour au texte

32 Apollonius de Tyr, fol. 154ro, 155vo et 156ro. Retour au texte

33 Ibid., fol. 157vo, 158vo‑159ro. Retour au texte

34 Ibid., fol. 159vo. Retour au texte

35 Ibid., fol. 161ro. Retour au texte

36 Ibid. Retour au texte

37 Cf. Le Roman d’Apollonius de Tyr, éd. M. Zink, Paris, Librairie générale française, 2006 (Le Livre de Poche, 4570 – Lettres gothiques), p. 14‑15 ; J. R. Scheidegger, « Pères et filles dans Apollonius de Tyr », dans Les relations de parenté dans le monde médiéval, Aix‑en‑Provence, Presses Universitaires de Provence, 1989 (Senefiance, 26), p. 257‑271. Tharsie est une vierge innocente ; le saignement causé par le coup de son père rappelle le dépucelage forcé de la fille d’Anthiocus par son père. Le coup d’Apollonius est à l’origine de la complainte de Tharsie et du deus ex machina qui s’ensuivent. Retour au texte

38 Apollonius de Tyr, fol. 161ro. Retour au texte

39 Dans l’Historia Apollonii regis Tyri, nous trouvons pour ce passage : Si conjugem desideras, deus restituet ; si filiam, salvam et incolumem invenies (G. A. A. Kortekaas, The story of Apollonius, King of Tyre : a study of its Greek origin and an edition of the two oldest Latin recensions, Boston, Brill, 2004 (Mnemosyne. Supplementum, 253), p. 225). De surcroît, nous lisons dans un autre manuscrit de la version littérale la phrase suivante : Se tu desires ravoir ta femme, Dieu le te restituera ; se tu desires ta fille, espoir que tu la trouveras saine et haitie (Apollonius de Tyr, Paris, BnF, ms. 20042, fol. 40ro). Or, si le texte latin et la traduction littérale du ms. de la BnF mentionnent la femme d’Apollonius, notre texte ne parle que de la fille. Par ailleurs, Dieu n’est pas évoqué dans notre version bourguignonne, ce qui peut laisser planer un doute sur l’interprétation de ce segment. Retour au texte

40 Apollonius de Tyr, fol. 156ro. Retour au texte

41 Dans notre version bourguignonne, il est étrange qu’Anathagoras épouse Tharsie au fol. 163vo, puisque ce dernier précise qu’il a une fille vierge comme Tharsie au fol. 155ro sans mentionner qu’il a une femme. La version RA du texte latin est identique. La version RB, quant à elle, explique que la fille d’Anathagoras a deux ans et que sa femme est morte : ex amissa conjuge filiam bimulam. Cet élément textuel permet dans la version latine de mieux légitimer le mariage entre Anathagoras et Tharsie (G. A. A. Kortekaas, The story of Apollonius, King of Tyre, p. 191 ; Id., Commentary on the Historia Apollonii regis Tyri, Boston, Brill, 2007 (Mnemosyne. Supplementum, 284), p. 566). Retour au texte

42 je les attrairay a amour et et elle les attrait en son manoir et amour (Apollonius de Tyr, fol. 156ro). Retour au texte

43 Ibid., fol. 156ro et 158vo. Retour au texte

44 Ibid., fol. 162ro. Retour au texte

45 Ce contraste entre la femme publique et la sainte apparaît souvent dans les scènes peintes et dans les vitraux des cathédrales ; cf. C. Deremble et M.‑M. Gauthier, « Les saintes prostituées, légende et imagerie médiévales », dans La femme au Moyen Âge. Actes du Colloque International. Maubeuge, 6‑9 octobre 1988, dir. J. Heuclin et M. Rouche, Paris, Jean Touzot, 1990, p. 225. Retour au texte

46 Cf. Jean Miélot, Vie de Sainte Katherine, éd. cit., p. 59‑137. Retour au texte

47 Ibid., p. 71. Retour au texte

48 Apollonius de Tyr, fol. 159ro. Nous soulignons. Retour au texte

49 Cf. Jean Miélot, Vie de Sainte Katherine, éd. cit., p. 80. Retour au texte

50 Apollonius de Tyr, fol. 154ro. Retour au texte

51 Cf. Jean Miélot, Vie de Sainte Katherine, éd. cit., p. 96 et p. 97. Retour au texte

52 Apollonius de Tyr, fol. 154vo‑156ro. Retour au texte

53 Ibid., fol. 159ro. Retour au texte

54 Bruno Maes énonce les différents au lieu effectués pour obtenir une guérison : (1) « Le suppliant fait offrande de lui‑même et se remet entre des mains plus puissantes que les siennes, à moins que cela ne soit par l’un des siens » ; (2) « Le contact est déjà une promesse de guérison, et la virtus du saint peut se transmettre par celui‑ci à certains objets ». Cf. Br. Maes, Le roi, la vierge et la nation, p. 82‑83. Retour au texte

55 Cf. R. Pernoud, La Vierge et les saints, p. 17. Tharsie peut être associée à la Vierge dans la mesure où elle apporte une réponse au malade Apollonius, ce qui le sort de sa stupeur et ce qui le ramène à la lumière : issir de pleur et de tenebres et de venir a la clarté (Apollonius de Tyr, fol. 158vo). Retour au texte

56 Cf. Édition critique du manuscrit français 9198, éd. cit., p. 258‑277. Retour au texte

57 Apollonius de Tyr, fol. 153ro. Retour au texte

58 Cf. Édition critique du manuscrit français 9198, éd. cit., p. 196. Retour au texte

59 Apollonius de Tyr, fol. 166ro. Retour au texte

60 Cf. R. Pernoud, La Vierge et les saints, p. 16. Tharsie, comme la Vierge Marie, a le pouvoir de gracier Theophile. Ce détail propre à la version littérale n’est pas insignifiant dans la mesure où, dans les autres versions françaises d’Apollonius de Tyr, Theophile est assassiné par Denise après avoir exécuté ses ordres, ce qui ne permet pas le pardon final de Tharsie. Retour au texte

61 Nous avons montré ailleurs le rôle de la mémoire, associée à un pouvoir politique fort, dans un lieu stratégique, pour démontrer l’exemplarité d’une lignée. Cf. Gr. Baillet, « En memoire et honneur pardurable : les lieux de conflit dans l’Histoire d’Apollonius de Tyr », dans Les lieux de conflit et leur mémoire. Actes du colloque. 10‑11 décembre, Amiens (à paraître aux éditions Peter Lang). Retour au texte

a Ce tableau démontre la variété des lexèmes déployés autour du motif narratif de la virginité, sujet au cœur de l’Histsoire d’Apollonius de Tyr. Nous indiquons les antonymes par l’emploi d’un astérisque. Retour au texte

Citer cet article

Référence papier

Grace Baillet, « Une vierge conduite au lupanar : la figure exemplaire de Tharsie dans l’Histoire dApollonius de Tyr », Bien Dire et Bien Aprandre, 36 | 2021, 285-300.

Référence électronique

Grace Baillet, « Une vierge conduite au lupanar : la figure exemplaire de Tharsie dans l’Histoire dApollonius de Tyr », Bien Dire et Bien Aprandre [En ligne], 36 | 2021, mis en ligne le 01 février 2022, consulté le 19 mai 2024. URL : http://www.peren-revues.fr/bien-dire-et-bien-aprandre/316

Auteur

Grace Baillet

Univ. Littoral Côte d’Opale, UR 4030, HLLI, Unité de Recherche sur l’Histoire, les Langues, les Littératures et l’Interculturel, F-62200 Boulogne‑sur‑Mer, France

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