Texte

Lorsque l’on envisage l’exotisme dans la littérature du Moyen Âge, sans doute convient-il d’emblée d’ajouter un point d’interrogation, tant cette notion peut sembler problématique pour la période médiévale. On a en effet souvent contesté sa pertinence en invoquant l’ethnocentrisme de la civilisation occidentale des xie-xve siècles, son incapacité à voir l’Autre, à appréhender et à accepter l’altérité, son intolérance, ainsi que sa prédilection pour un merveilleux symbolique. On a aussi depuis longtemps souligné combien les auteurs des récits de voyage, la forme littéraire qu’on associe le plus immédiatement à l’exotisme, ont longtemps été des « rêveurs éveillés »1, prisonniers de leurs connaissances livresques, de leurs valeurs chrétiennes autant que de leur goût pour la merveille et d’une vision symbolique du monde où chaque réalité est appréhendée moins en elle-même et pour elle-même que comme « semblance » d’une « senefiance ». « Exote, celui-là, qui, Voyageur-né, dans les mondes aux diversités merveilleuses, sent toute la saveur du divers » : cette définition moderne de Victor Segalen, dans son Essai sur l’Exotisme, semble donc bien éloignée des réalités du Moyen Âge2.

Si l’adjectif exoticus, emprunté au grec tardif exôtikos, « étranger, extérieur », est attesté dans des textes latins médiévaux3, les mots « exotique » et « exotisme » n’existent d’ailleurs pas dans la langue française du Moyen Âge. C’est semble-t-il Rabelais qui, dans le Quart Livre, emploie pour la première fois l’adjectif « exotique »4, lorsqu’il relate, au début du voyage de Pantagruel vers l’oracle de la dive Bouteille Bacbuc, son séjour à l’île Médamothi et sa découverte des grandes foires qui y sont organisées :

Adoncques descendit on havre, contemplant, cependent que les chormes des naufz faisoient aiguade, divers tableaux, diverses tapisseries, divers animaulx, poissons, oizeaulx et aultres marchandises exotiques et pérégrines, qui estoient en l’allée du môle et par les halles du port. Car c’estoit le tiers jour des grandes et solennes foires du lieu, èsquelles annuellement convenoient tous les plus riches et fameux marchans d’Afrique et d’Asie5.

« Exotiques » est ici synonyme de « pérégrines », au sens d’« étrangères ». L’adjectif qualifie des objets et des animaux qui proviennent de pays lointains et étrangers, qui séduisent parce qu’ils relèvent d’un ailleurs, que l’on désire s’approprier, acclimater, apprivoiser et qui peuvent s’acquérir, s’importer, se transplanter en Occident. Pantagruel et ses compagnons achètent ainsi des tableaux aux sujets inspirés de la mythologie et de la philosophie antiques, des tapisseries sur la vie d’Achille, remarquables par leurs techniques phrygiennes d’exécution, ainsi que des animaux étranges, « trois beaulx et jeunes unicornes », un « tarande », sorte de renne ou d’élan de Scythie, jugé « admirable » à cause de sa capacité extraordinaire à changer de couleur en fonction du milieu qui l’entoure. Pantagruel exprime alors sa curiosité pour « les nouveaultez d’animaulx, de plantes, d’oyzeaulx, de pierreries que trouver pourr[oit] en toute [sa] pérégrination »6 et il s’enthousiasme sur la facilité avec laquelle les animaux exotiques se laissent domestiquer, offrant ainsi leur étrangeté au désir occidental de collectionner de « belles et rares choses », parfaitement maîtrisables7 :

« J’ay icy trouvé un tarande de Scythie, animal estrange et merveilleux à cause des variations de couleur en sa peau et poil, scelon la distinction des choses prochaines. Vous le prendrez en gré. Il est autant maniable et facile à nourrir qu’un aigneau. Je vous envoie pareillement troys jeunes unicornes, plus domesticques et apprivoisées que ne seroient petitz chattons. J’ay conféré avecques l’escuyer et dict la manière de les traicter8. »

L’animal exotique est donc aussi dit « estrange et merveilleux », deux adjectifs abondamment employés dans la littérature médiévale. Ce terme « exotique » est encore lui-même une rareté, une curiosité, autant que les animaux ou les objets qu’il désigne. Son absence du dictionnaire d’Huguet et encore du dictionnaire de l’Académie française de 1694 montre son étrangeté, qui perdure jusqu’au xviiie siècle, malgré son inscription dans le dictionnaire de Cotgrave (1611), avec le sens de « strange, foreinne, outlandish » et dans le Dictionnaire universel de Furetière (1690) : « exotique : il ne se dit que dans le dogmatique et signifie estranger. Il ne se faut pas servir de termes exotiques et barbares. Ce mot vient du grec exo, exothen, extra». Le dictionnaire de l’Académie de 1786 lui consacre une brève entrée avec le sens de « qui ne croît point dans le pays. Plante exotique, terme exotique. » Quant au substantif dérivé « exotisme », il ne date que du xixe siècle, avec d’abord le sens de « caractère de ce qui est exotique, c’est-à-dire relatif à un pays lointain et autre » puis celui de « goût pour ce qui est exotique, dépaysant, étrange ».

L’absence du mot « exotisme » dans la langue française jusqu’au xixe siècle ne signifie pas l’inexistence de ce qu’il peut signifier, même si sa création révèle sans nul doute une mutation du goût pour les pays lointains et de ses exploitations littéraires9. La littérature médiévale, à travers ses différents genres, témoigne déjà souvent d’un attrait incontestable pour l’ailleurs, ses différences surprenantes, effrayantes ou enchanteresses, le dépaysement qu’elles suscitent, même si – il est vrai – ce dépaysement semble très encadré, très contrôlé, même si aussi les rêveries portent sur des ailleurs autant imaginaires que réels et si l’altérité de l’Autre n’est souvent inventée que pour être aussitôt réduite, contestée, voire détruite. Au-delà des textes littéraires, tout en restant bien sûr tributaire des connaissances alors disponibles et des moyens de communication de l’époque, « la société chevaleresque (…) était spontanément curieuse et trouvait plaisir à la contemplation des choses. Elle avait le goût de l’étrange. L’exotisme ouvrait pour elle l’une des portes de l’évasion.10» Ce que l’on appelle la Renaissance du xiie siècle se manifeste d’ailleurs, entre autres, par une curiosité pour la nature, pour les merveilles des contrées lointaines, la découverte des formes les plus étranges de la création divine, d’où un éloge du désir de savoir qui permettrait de mieux admirer l’œuvre de Dieu et aussi de mieux comprendre les lois du monde terrestre11. À partir du xiiie siècle, on le sait, les voyages, les contacts et des échanges se multiplient, et avec eux grandit la curiosité pour l’ailleurs et pour l’autre :

(…) au cours déjà du xiie siècle, la Chrétienté latine s’était progressivement dégagée de ce que J. Le Goff dénomme une « géographie de la nostalgie » : axée, par contraste avec un espace réel étroit, clos, bien connu, sur l’espace rêvé de l’imaginaire. S’y substitue, en quelques générations, une « géographie du désir », agressive et conquérante, avide de maîtriser l’étendue. Le désir de quelques hommes entreprenants et courageux se détourne des finitudes rassurantes, en quête d’horizons illimités : en quête de dé-couverte (qui est révélation visuelle), d’in-ven-tion (qui, du latin venire, signifie pénétration).

L’Europe occidentale du xiie siècle, plus encore du xiiie siècle, a vu se lever, çà et là parmi les peuples qui la composent, des individus qui, sous le couvert d’une activité commerciale ou missionnaire, ont exploré et assumé un rapport nouveau avec leur destin terrestre, refusé à la seule imagination de définir leur place dans le monde, soupçonné qu’une terre mythifiée est aussi vaine que le serait un corps invisible. La nature profonde de leur « désir », ils l’ignoraient dans doute. Elle tenait d’une curiosité concrète, d’un goût prépondérant pour ce qui se perçoit et se situe12.

Il ne s’agit néanmoins pas d’appliquer des catégories et des grilles de lecture modernes aux textes médiévaux, mais de s’interroger sur l’existence d’un exotisme / d’exotismes dans la littérature médiévale et ses différents genres, tant les encyclopédies, les images du monde, les chroniques, les récits de voyage que les chansons de geste ou les romans. Les auteurs du Moyen Âge inventent-ils des formes spécifiques d’exotisme, reflets des modes de pensée de leur époque, cristallisations de leur imaginaire et de leurs projets littéraires ? Dans quelle mesure leurs œuvres reflètent-elles parfois une ouverture sur les espaces lointains et ses figures de l’Autre, sur tout ce qui est étranger à la civilisation de l’Occident médiéval mais nourrit ses rêves et, au fil des siècles, devient plus souvent l’objet d’une connaissance réelle ? Comment, dans les différents genres littéraires, se manifeste une attention à la diversité géographique, ethnographique, culturelle, de l’Ailleurs, que cette dernière corresponde à une réalité historique vue et cautionnée par des témoignages, provienne d’un héritage livresque ou bien encore relève de purs fantasmes et soit une création littéraire ? Produit-elle des formes d’écriture spécifiques, notamment des techniques de description et un art du récit d’aventures, conduit-elle les auteurs de textes de fiction à exploiter des fragments de récits de voyages ou d’encyclopédies sur les merveilles du monde ?

L’exotisme suppose donc un goût / un appel pour le lointain et l’autre, et pour les nouveautés que réserve un déplacement spatial, pour la découverte de réalités qui étonnent, privent les auditeurs occidentaux de la stabilité de leurs repères familiers, les conduisent parfois à s’interroger sur eux-mêmes ou bien au contraire – sans doute plus souvent – les confortent dans leurs certitudes. La prise en compte d’une diversité réellement existante dans un monde éloigné ne semble pas suffisante pour définir l’écriture exotique. Tout écrit géographique ou ethnographique n’est pas exotique. L’ailleurs et l’étranger doivent être représentés avec une insistance sur les émotions que leurs différences suscitent, que cet ailleurs et cet étranger existent réellement ou bien soient rêvés, puisque l’essentiel semble résider dans le déploiement d’imaginaires de l’altérité et de rêveries du lointain qui génèrent des poétiques de l’espace autre, pour reprendre une terminologie bachelardienne13. Les contrées étrangères, réinventées quand bien même leur évocation prend appui sur quelques éléments de la réalité géographique contemporaine ou de la tradition livresque, ou imaginées de toutes pièces, se voient donc exploitées pour les sentiments qu’elles éveillent et non comme connaissances scientifiques ou bien comme semblances appelées à s’abolir devant des senefiances. La curiosité et les émotions qu’elles font naître vont alors de la fascination enchantée à l’angoisse et l’effroi, en passant par toute la gamme possible de sentiments intermédiaires.

Dans l’imaginaire exotique du Moyen Âge, l’Orient est alors très envahissant14, mais d’autres territoires peuvent aussi être appréhendés comme contrées exotiques, l’Irlande, l’Écosse ou la Norvège par exemple15. L’équivalence entre exotique et oriental ne se vérifie donc pas toujours, mais souvent l’exotisme, même quand il n’est pas oriental, reçoit une couleur orientale : en sont témoins les romans lignagers anglo-normands du xiiie siècle où les Vikings sont dépeints comme des Sarrasins, par exemple le Roman de Gui de Warewic et le Roman de Waldef.

On a parfois nié l’existence d’un exotisme littéraire au Moyen Âge en invoquant l’omniprésence du merveilleux et de l’allégorique. Les traits exotiques que nous pouvons relever dans la littérature médiévale relèvent en effet souvent de la merveille et la proximité des deux notions d’exotisme et de merveilleux est incontestable. Mais seraient-elles exclusives ? La présence de la merveille rendrait-elle impossible tout élément d’exotisme ? Impossible de le penser à moins d’adopter une définition très réductrice de la merveille, qui ne relève pas des modes de pensée médiévaux, ou de réduire l’exotisme à la « chose » étrangère vue. La conception médiévale de la merveille, on le sait, est très large et englobante16, elle « se déploie sur les deux catégories du naturel et du surnaturel »17. Le sens premier du mot « merveille », « être, chose ou événement qui provoque l’étonnement, la stupéfaction, la peur ou l’admiration », nous entraîne déjà vers l’exotique quand cet être ou cette chose appartient à un univers lointain ou vient d’une contrée inconnue, qu’il étonne justement parce qu’il n’est pas familier. Ainsi des richesses du monde oriental qui fascinent les élites de l’Occident médiéval en mesure de les acheter : soieries, épices, parfums, pierres précieuses, œuvres d’art extraordinaires comme les automates, les pièces d’orfèvrerie, dont les auteurs médiévaux multiplient les évocations dès qu’ils décrivent un monde de beauté et des héros d’exception : pour célébrer des figures idéales de soi, ils les parent des splendeurs d’un monde autre. Ainsi encore d’une fascination pour les curiosités, les « diversités » des mondes lointains, avant tout de l’Orient, qui se manifeste à travers les longues évocations de leurs mirabilia.

Or ces merveilles, héritées des encyclopédies, bestiaires, mappemondes et autres textes savants, appartiennent à la nature, ont une existence réelle aux yeux des hommes et des femmes du Moyen Âge :

La notion de « merveilleux naturel » se justifie d’autant plus qu’elle correspond bien à l’approche générale que les encyclopédistes ont des mirabilia : la merveille est dans la nature et comme les autres res, elle est accessible à la connaissance des hommes. La merveille des encyclopédistes, ce qui est mirabilis, est essentiellement ce qui est hors du commun, qui peut frapper les esprits : aucun critère d’imaginaire n’intervient alors18.

Ce merveilleux scientifique, qui concerne la nature (géographie, faune et flore, peuples extraordinaires, au statut ontologique et aux coutumes autres) et l’art (les prouesses technologiques et artistiques des peuples lointains)19 – exotique dès lors qu’il participe à la représentation de contrées lointaines, manifeste une conscience étonnée et intéressée de leurs différences et sollicite aussi l’imaginaire –, entre dès le xiie siècle dans la littérature en langue française, à commencer par le genre du roman. Les auteurs des premiers romans de Thèbes, d’Énéas, de Troie et d’Alexandre ne cessent en effet de revendiquer leur ambition de vulgariser des connaissances savantes jusqu’alors réservées aux clercs qui maîtrisent la langue latine et ils participent ainsi à la « renaissance » du xiie siècle. Traducteurs-adaptateurs, ils s’emploient à un transfert de savoirs divers, parmi lesquels la représentation de l’Orient, de sa géographie et de ses peuples tient une place de choix. Pensons à leurs insertions savantes20, et plus particulièrement à l’exploitation du merveilleux encyclopédique oriental dans les Romans d’Alexandre de Thomas de Kent et d’Alexandre de Paris21. Des connaissances considérées comme scientifiques y deviennent le support de rêveries sur l’inconnu et l’étrange et même l’un des matériaux pour l’invention de fictions. Les figures de découvreur et d’explorateur sont alors rares dans la littérature française et Alexandre le Grand constitue une exception remarquable, dans des œuvres particulièrement nombreuses et diffusées, qui reflètent tout un jeu de points de vue sur la curiosité pour les terres exotiques. Dès la Chanson de Roland, les auteurs de chansons de geste imaginent aussi des monstres orientaux sur le modèle des peuples étranges des encyclopédies, et cette diabolisation de l’Autre, très efficace pour justifier son anéantissement par les armes, se retrouve dans les premières chansons de croisade, avant que des poèmes épiques plus tardifs, des xiiie et xive siècles, n’intègrent un savoir géographique plus varié, inspiré des encyclopédies, des Romans d’Alexandre et aussi des récits de voyage22.

Au-delà de cette question de l’annexion de savoirs, il s’agit d’étudier comment se manifeste une attirance curieuse, parfois doublée de répulsion, pour les contrées lointaines, leurs peuples et leur bestiaire, et aussi comment leur étrangeté est représentée, construite par l’écriture littéraire et à quelles fins elle est exploitée. Avec le renouveau du xiie siècle, des images positives sont plus fréquemment données de la curiosité pour l’ailleurs, du moins d’un bon usage de la curiosité, même si cette dernière reste encore souvent suspectée et condamnée comme manifestation d’un goût futile et vain pour le nouveau, l’insolite et le bizarre, d’un plaisir coupable ou d’un péché d’orgueil23. Pour s’éloigner de la voluptas, de la concupiscentia et de la superbia, pour devenir légitime, la curiositas doit alors presque toujours s’ordonner à la contemplation de l’œuvre de Dieu, des merveilles de la création divine.

La multiplication des ouvrages sur la nature et des encyclopédies à partir du xiie siècle témoigne ainsi d’un fort attrait pour la merveille géographique. L’Imago mundi d’Honorius Augustodunensis et la Descriptio Mappe Mundi d’Hugues de Saint-Victor en offrent deux exemples frappants :

Honorius se penche sur les mirabilia de l’Inde, Hugues sur celles de l’Éthiopie, auxquelles il consacre un chapitre assez fourni décrivant deux sortes de satyres, des faunes, deux sortes d’hippopotames vus comme poissons à tête de cheval ou quadrupèdes cornus à queue de serpent. Indéniablement, la merveille géographique exerce une forte attirance, qui imprime dans les textes médiévaux parlant de la terre et de ses contrées une véritable obligation topique de compte rendu de mirabilia. La merveille en effet se fixe aisément dans l’ailleurs ; dans cet ailleurs, l’île ou les continents lointains et inconnus, l’imaginaire, à l’appui des textes antiques, peut installer toutes les créatures rendant compte de l’infini des possibles de la Création, comme de l’infini fantasmatique de l’homme. L’Éthiopie, l’Inde, les îles se révèlent être des condensateurs d’imaginaire qui, au fil du tracé historique des textes, deviennent de véritables topoi 24.

À un éloge de l’étude savante et des arts libéraux, d’une curiosité humble et maîtrisée pour les livres et leurs connaissances, le Didascalicon de Hugues de Saint-Victor associe au reste une célébration des arts mécaniques, et parmi eux de la navigation :

La navigation pénètre les lieux secrets du monde, aborde des côtes jamais vues, parcourt des déserts horribles, et pratique le commerce de l’humanité avec des nations barbares, dans des langues inconnues. Sa pratique réconcilie les peuples, calme les guerres, affermit la paix et fait tourner les biens privés à l’utilité commune de tous25.

Ainsi le voyage et le commerce sont-ils loués pour les connaissances géographiques qu’ils permettent d’acquérir et pour la paix entre les peuples qu’ils consolident, par un auteur qui accorde par ailleurs une grande importance à la géographie dans l’écriture de l’histoire et dont la Descriptio Mappe Mundi serait la description d’une carte qu’il avait sous les yeux. Comme le souligne P. Gautier Dalché, Hugues de Saint-Victor « n’a pas à l’esprit une géographie seulement symbolique. Certes, ses œuvres exégétiques contiennent des exemples patents de telles interprétations, selon la formule loca significant (…). Encore faut-il qu’en quelque manière les loca soient susceptibles d’être porteurs de signification ; encore faut-il que le symbole ait un fondement objectif. L’un et l’autre ne peuvent être élaborés qu’à partir d’une connaissance aussi exacte que possible des réalités, des res26. » Le maître victorin rend ainsi compte de réalités géographiques ignorées des traditions encyclopédiques, notamment sur l’Égypte.

De même qu’Hugues de Saint-Victor a aussi écrit un De vanitate mundi, à la fin du xiie siècle et dans son De naturis rerum Alexandre Neckam associe un inventaire passionné des merveilles du monde à un commentaire du livre de l’Ecclésiaste et de son discours sur la vanité. La description de l’univers et des pays lointains débouche sur une morale chrétienne et l’admiration de la puissance créatrice de Dieu, avec le rejet de « la science orgueilleuse d’elle-même, obstinée à percer le secret des lois de l’univers sans les référer à leur fondateur et garant, donc attachée à la vanité de l’accidentel et du transitoire », le rejet aussi d’un « attachement au monde matériel transformé en pur objet de jouissance », mauvaise utilisation de la curiosité. Alexandre Neckam apparaît alors comme « le représentant parfait de cette renaissance du xiie siècle qui écarquille des yeux émerveillés sur les mystères exaltants du monde façonné par Dieu27. »

Dans la littérature en langue française, les Romans d’Alexandre sont encore très révélateurs à cet égard : si Alexandre de Paris condamne la démesure orgueilleuse de son héros, s’il assimile sa curiosité à un péché, puisque selon lui Alexandre explore l’Orient afin de s’approprier l’omniscience et la toute-puissance des dieux, Thomas de Kent invente en revanche une évolution exemplaire de ses motivations, parallèle à son initiation à un monothéisme chrétien. Tout en servant de prétexte à la transmission d’un savoir scientifique, sa biographie romanesque semble alors nourrir une réflexion sur les finalités de la connaissance de la nature et de l’exotisme, du goût pour l’ailleurs. Elle véhicule l’éloge d’une curiosité féconde et d’un inventaire passionné des merveilles de la création divine, plaide pour une libération de la soif de savoir sur la nature à condition qu’elle se subordonne à une admiration de l’œuvre de Dieu et conduise aussi à la morale chrétienne de la vanité de la puissance humaine28. Plus tard et dans le contexte très différent de son Historia orientalis29, Jacques de Vitry prend encore bien soin de distinguer la bonne curiosité de la mauvaise et de rappeler que les pèlerins ne doivent jamais se laisser enivrer par les délices de la découverte de terres nouvelles et les séductions de l’Orient.

Si les fictions d’exploration de terres étrangères sont peu fréquentes dans la littérature française des xiie et xiiie siècles, la curiosité nouvelle pour la nature lointaine, exotique, et les connaissances que reflètent et transmettent les encyclopédies, les chroniques et les premiers récits de voyage, irriguent un grand nombre des œuvres littéraires fictionnelles. Nombreux en effet sont les auteurs qui s’approprient certaines de leurs notations géographiques ou s’inspirent de leurs descriptions de mirabilia pour inventer leurs propres espaces, architectures, objets et personnages étrangers et fascinants, pour nourrir leurs récits d’aventures et/ou pour enrichir par l’exotisme leur travail sur le langage et l’art de la description. D’un texte à l’autre se dessinent alors des images de l’ailleurs et de l’autre, se forgent des écritures exotiques et des « rhétoriques de l’altérité » pour reprendre une expression de François Hartog30 : cette altérité est-elle toujours instrumentalisée et alors en grande partie réduite, construite pour servir l’idéologie de la croisade ou bien modelée comme support à des rêves de bonheur idéal et de liberté infinie ? Est-elle parfois prise en compte pour elle-même, pour son caractère insolite et l’ébranlement qu’il pourrait provoquer, la perte même fugitive de repères familiers ?

L’exotisme littéraire médiéval est avant tout un jeu de l’imagination, générateur de descriptions et de fictions, même s’il prend souvent appui sur quelques connaissances acquises par la lecture ou parfois des témoignages oraux. Ainsi dans Floire et Blancheflor de la douane d’Alexandrie et du harem31, de la situation de Chief d’Oire qui évoque Constantinople dans Partonopeus de Blois. Les quelques romans orientaux du xiie siècle – Floire et Blancheflor, Cligès de Chrétien de Troyes et Partonopeus de Blois – portent le rêve d’un monde idéal qui finalement s’offre au héros occidental et réalise ses fantasmes de beauté, de richesse et de puissance32. Différente de cette cristallisation d’une rêverie paradisiaque, la vision contrastée de l’Orient dans les Romans d’Alexandre trahit une alternance et souvent un mélange de fascination et de répulsion, et, par-delà, un jeu avec le merveilleux scientifique, utilisé comme matière de la création libre d’une multiplicité de mondes et d’êtres fictionnels autres33.

L’exotisme paradoxal des chansons de geste, un « exotisme à rebours » selon l’expression d’E. Baumgartner34, est sans doute moins une impossibilité de l’exotisme qu’une forme particulière de l’exotisme médiéval et de son utilisation, puisque l’altérité des Sarrasins n’est inventée / construite que pour être diabolisée et justifier son anéantissement par la guerre, pour provoquer et légitimer la peur. L’entrée de l’idéologie de la croisade dans la littérature épique nourrit l’invention d’un exotisme de l’effroi, qui néanmoins, dès la fin du xiie siècle, se double dans de nombreuses chansons de geste – La Prise d’Orange, les Enfances Guillaume, Huon de Bordeaux… – d’un exotisme de la séduction / du plaisir, notamment avec les portraits de belles Sarrasines magiciennes éperdument amoureuses des guerriers chrétiens.

À partir du xiiie siècle, l’essor d’une littérature de voyage, de chroniques de croisade et de récits de pèlerinage35, apporte bien entendu des éléments nouveaux, qui relèvent parfois sans doute davantage de notre conception moderne de l’exotisme, puisqu’ils supposent la découverte effective d’un ailleurs, la vision de l’Autre dans sa réalité historique, mais ils se combinent encore longtemps avec les traditions encyclopédiques, épiques et romanesques.

Ainsi l’exotisme littéraire médiéval est-il loin d’être toujours synonyme d’enchantement. Descriptions et fictions exotiques sont imaginées pour éveiller des émotions multiples et parfois contradictoires et elles exploitent à des fins diverses la première attirance vers l’Autre qu’elles suscitent. Quel que soit l’univers littéraire où elles s’épanouissent36, leur constante est enfin de renvoyer l’auteur et son public à leur propre identité, qu’elles contribuent à révéler, conforter ou défendre37.

Notes

1 J. Le Goff, « L’Occident médiéval et l’Océan indien : un horizon onirique », Pour un autre Moyen Âge, Paris, Gallimard, 1977, p. 311. Voir aussi E. Baumgartner, « L’exotisme à rebours de la Chanson d’Antioche», L’Exotisme dans la poésie épique française, In memoriam Klara Csürös, Paris, L’Harmattan, 2003, pp. 13-28 ; J.-M. Moura, Lire l’exotisme, Paris, Dunod, 1992. Retour au texte

2 Victor Segalen, Essai sur l’exotisme, Fata Morgana, 1978, rééd. Le Livre de Poche, « Biblio Essais », 1986, p. 49. Retour au texte

3 Alors que l’adjectif signifie « étranger » en latin classique, dans le dictionnaire de Du Cange, Glossarium ad scriptores mediae et infimae Latinitatis (éd. 1733, t. 3), une très rapide entrée lui est consacrée, avec pour définition : odibilis in Glossis Arabico-Latinis. Ce sens de « haïssable » n’est pas celui que l’on rencontre dans les Étymologies d’Isidore de Séville, livre XIX, ch. XXII De diversitate et nominibus vestimentorum: velenensis tunica est quae affertur ex insulis. Exotica vestis peregrina deforis veniens, ut in Spania a Graecis (ch. XXII, 21, éd., trad. espagnole M. Rodriguez-Pantoja, Paris, Les Belles Lettres, 1995, pp. 183-185). Dans la note, M. Rodriguez-Pantoja se réfère à P. Pauly et G. Wissowa, Real Encyclopädie der classischen Altertumswissenchaft, Stuttgart, 1893, t. VI, 2442-43, 2463-65 : « Exotica, como peregrina, en GLOSS. Plac. C. 24, exoticum nomen est Graecum, id est peregrinum, de foris veniens. » Retour au texte

4 Von Wartburg (W.), Französisches etymologisches Wörterbuch (F.E.W.), t. III, p. 302 : le mot est utilisé par Rabelais au sens de « qui n’est pas sur son sol naturel, qui a été apporté de pays étrangers (plante, animal) » ; le sens de « qui a rapport aux mœurs, aux usages d’autres pays » n’apparaîtrait qu’au xixe siècle. Retour au texte

5 Rabelais, Œuvres complètes, éd. G. Demerson, Paris, Seuil, 1973, Quart Livre, ch. 2, p. 586. Retour au texte

6 Éd. cit., ch. 4, p. 592. Retour au texte

7 Le chapitre 4 du Quart Livre s’intitule « Comment Pantagruel escript a son père Gargantua et luy envoye plusieurs beles et rares choses » (éd. cit., p. 590). Retour au texte

8 Éd. cit., ch. 4, p. 593. Retour au texte

9 Exotisme et création, Lyon, l’Hermès, 1985. Sur l’exotisme dans les littératures modernes, voir J.-M. Moura, La Littérature des lointains, Histoire de l’exotisme européen au xxesiècle, Paris, Champion, 1998 ; Exotisme et lettres francophones, Paris, PUF, 2003. Sur l’orientalisme, E. Saïd, L’Orientalisme. L’Orient créé par l’Occident, Paris, Seuil, 1980 ; sur les études des images de l’étranger, D. Pageaux, « De l’imagerie culturelle à l’imaginaire », Précis de littérature comparée, dir. P. Brunel et Y. Chevrel, Paris, PUF, 1989, pp. 133-161. Retour au texte

10 G. Duby, Le Moyen Âge, Genève, Skira, 1984, t. III, p. 201. Voir aussi, notamment, J. Richard, Les Récits de voyages et de pèlerinages, Turnhout, 1981 ; J.-P. Roux, Les Explorateurs au Moyen Âge, Paris, Fayard, 1985 ; M. Mollat du Jourdin, J. Desanges, Les Routes millénaires, Paris, Nathan,1988 ; M. Mollat du Jourdin, Les Explorateurs du xiiie au xviiesiècle: premiers regards sur des mondes nouveaux, Paris, Éditions du CTHS, 2005 ; M. Balard, Les Latins en Orient, xie-xvesiècle, Paris, PUF, 2006 ; J. Baltrusaitis, Le Moyen Âge fantastique, Antiquités et exotismes dans l’art gothique, Paris, Colin, 1955, réimpr. Flammarion, 1993. Retour au texte

11 Sur la Renaissance du xiie siècle, on se reportera à la synthèse très stimulante de F. Mora-Lebrun dans son ouvrage «Metre en romanz», Les Romans d’Antiquité du xiiesiècle et leur postérité (xiiie-xivesiècle), Paris, Champion, 2008, pp. 25-52. Voir aussi, parmi les ouvrages récents, J. Verger, La Renaissance du xiiesiècle, Paris, Cerf, 1999 ; B. Ribémont, La «Renaissance» du xiiesiècle et l’encyclopédisme, Paris, Champion, 2002. Retour au texte

12 P. Zumthor, La Mesure du Monde, Paris, Seuil, 1993, p. 240, qui cite J. Le Goff, Popoli, 2, pp. 837-838. Voir aussi P. Gautier-Dalché, Géographie et culture. La représentation de l’espace du xie au xiiesiècle, Aldershot, 1997 ; La Géographie au Moyen Âge: espaces vécus, espaces rêvés, Perspectives médiévales, 24, supplément, 1998. Retour au texte

13 G. Bachelard, La Poétique de l’espace, Paris, PUF, 1957 ; La Terre et les rêveries de la volonté, Paris, Corti, 1948. Retour au texte

14 Nous renvoyons à nos études La Tentation de l’Orient dans le roman médiéval, Sur l’imaginaire médiéval de l’Autre, Paris, Champion, 2003 ; Les Romans d’Alexandre. Aux frontières de l’épique et du romanesque, Paris, Champion, 1998, à celles de M.-F. de Medeiros, Terres et hommes des confins: les marges méridionales et orientales de la chrétienté dans les Chroniques de Froissart, Paris, Champion, 2003, de G. Zaganelli, L’Oriente incognito medievale, Enciclopedie, Romanzi di Alessandro, Teratologie, Rubbettino, 1997, de M. Guéret-Laferté, Sur les Routes de l’Empire mongol. Ordre et rhétorique dans les relations de voyage aux xiiie et xivesiècles, Paris, Champion, 1994, de N. Daniel, Héros et Sarrasins, une interprétation des chansons de geste, Paris, Cerf, 2001 (1ère édition anglaise 1984), Islam et Occident, Paris, Cerf, 1993 (1ère édition anglaise 1960), de P. Bancourt, Les Musulmans dans les chansons de geste du cycle du roi, Aix en Provence, 1982, de J. Tolan, Les Sarrasins, Paris, Flammarion, 2003, de Ph. Sénac, L’Image de l’Autre. Histoire de l’Occident médiéval face à l’Islam, Paris, Flammarion, 1983 ; aux volumes collectifs Images et signes de l’Orient dans l’Occident médiéval, Senefiance 11, Aix en Provence, 1982 ; De l’Étranger à l’étrange ou la conjointure de la merveille, Senefiance 25, 1988 ; La Chrétienté au péril musulman, Senefiance 46, 2000. Voir aussi S. Kinoshita, Medieval Boundaries, Rethinking Difference in Old French Literature, Philadelphia, University of Pennsylvania Press, 2006.. Retour au texte

15 Sur l’Irlande, voir J.-M. Boivin, L’Irlande au Moyen Âge, Paris, Champion, 1993 et dans ce volume l’article de M. White-Le Goff ; sur les Écossais, E. Baumgartner, « Écosse et Écossais : l’entrelacs de la fiction et de l’histoire dans les Chroniques et le Meliador de Froissart », L’Image de l’autre européen, xve-xviiesiècle, éd. J. Dufournet, A. C. Fiorato et A. Redondo, Paris, Presses de la Sorbonne Nouvelle, 1992, pp. 11-21 ; sur la Norvège, C. Lachet, Sone de Nansay et le roman d’aventures en vers au xiiiesiècle, Paris, Champion, 1992 ; « L’exotisme dans Sone de Nansay», Exotisme et création, Lyon, l’Hermès, 1985, pp. 41-53 ; sur les Vikings dans les romans lignagers anglo-normands du xiiie siècle, C. Gaullier-Bougassas, La Tentation de l’Orient dans le roman médiéval, op. cit., pp. 165-211, sur les Danois, E. Baumgartner « Les Danois dans l’Histoire des ducs de Normandie de Benoît de Sainte-Maure », Le Moyen Âge, CVIII, 2002, pp. 481-495 ; D. Boutet, « Du guerrier barbare au lignage chrétien : la chanson de geste et l’intégration fictionnelle du Danemark à la culture occidentale », Guerre, pouvoir et noblesse au Moyen Âge, Mélanges Ph. Contamine, PU Sorbonne, 2000, pp. 121-129. Retour au texte

16 J. Le Goff, « Le merveilleux dans l’Occident médiéval », L’Imaginaire médiéval, Paris, 1985, pp. 20-39 ; F. Dubost, L’Autre, l’Ailleurs et l’Autrefois, Aspects fantastiques de la littérature médiévale (xiie-xiiiesiècles), Paris, Champion, 1991, 2 vol. ; Ch. Ferlampin-Acher, Merveilles et topique merveilleuse dans les romans médiévaux, Paris, Champion, 2003 ; L’Autre et les encyclopédies, éd. B. Baillaud, J. de Gramont, D. Hüe, PU Rennes, 1999, avec pp. 105-119 l’article de B. Ribémont, « L’autre et la merveille dans les encyclopédies du Moyen Âge ». Sur les mirabilia et les monstra, J. B. Friedman, The Monstrous Races in Medieval Art and Thought, Cambridge and London, 1981 ; C. Kappler, Monstres, démons et merveilles à la fin du Moyen Âge, Paris, Payot, 1980 ; R. Wittkower, L’Orient fabuleux, Paris, Thames et Hudson, 1991 ; J. Céard, La Nature et les prodiges. L’insolite au xviesiècle en France, Genève, Droz, 1977. Retour au texte

17 F. Dubost, op. cit., p. 61. Retour au texte

18 B. Ribémont, art. cit., p. 115. Retour au texte

19 B. Ribémont, art. cit., pp. 113-114. Retour au texte

20 F. Mora-Lebrun, «Metre en romanz», op. cit., « L’usage de l’insertion savante : la tentation encyclopédique », pp. 206-222. Voir aussi C. Croizy-Naquet, Thèbes, Troie et Carthage. Poétique de la ville dans le roman antique au xiiesiècle, Paris, Champion, 1994 ; V. Gontero, Parures d’or et de gemmes. L’orfèvrerie dans les romans antiques du xiiesiècle, Université de Provence, 2002, et dans ce volume les articles d’A. Petit, M.-S. Masse et F. Tanniou sur les romans d’Antiquité, le Roman d’Énéas, le Strassburger Alexander, le Roman de Troie de Benoît de Sainte-Maure et sa première mise en prose, ainsi que celui de S. Poitral sur un roman de la fin du Moyen Âge, le Livre du Cœur d’amour espris de René d’Anjou. Retour au texte

21 Voir E. Baumgartner, « La fortuna di Alessandro nei testi francesi medievali del secolo XII e l’esotismo nel Roman d’Alexandre», Le Roman d’Alexandre. Riproduzione del ms. Venezia, Biblioteca Museo Correr, Correr 1493, a cura di R. Benedetti, Udine, R. Vattori, 1998, pp. 11-28, article reproduit en français dans Conter de Troie et d’Alexandre, Paris, Presses de la Sorbonne nouvelle, 2006, pp. 137-158 ; C. Gaullier-Bougassas, Les Romans d’Alexandre, op. cit., pp. 239-275 ; « Savoir encyclopédique et « roman historique » : le Roman d’Alexandre de Thomas de Kent », communication présentée au colloque Savoirs et fiction au Moyen Âge et à la Renaissance, organisé par D. Boutet, J. Ducos et F. Lestringant à l’Université de Paris IV, les 22, 23, 24 mai 2008, actes à paraître aux Presses de la Sorbonne. Retour au texte

22 Pour les chansons de geste, voir dans ce volume les études de G. Gros, M. Janet, A. Leclercq et W. Besnardeau sur la Chanson de Roland, le premier cycle épique de la croisade et l’Estoire de la guerre sainte d’Ambroise. L’article de M. Campopiano est consacré à des poèmes épiques pisans. Pour les chansons de geste françaises du xiiie siècle, pensons à Huon de Bordeaux (M. Rossi, Huon de Bordeaux et l’évolution du genre épique au xiiiesiècle, Paris, Champion, 1975, et dans ce volume l’article de C. Cazanave). Pour des chansons de geste plus tardives, on pourra se reporter à C. Roussel, « L’automne de la chanson de geste », La Tradition épique, du Moyen Âge au xixesiècle, dir. F. Suard, Cahiers de Recherches médiévales, 12, 2005, pp. 15-28 ; D. Boutet, « Savoirs géographiques et fictions épiques aux xive et xve siècles (Esclarmonde, Jean d’Outremeuse, Mabrien) », colloque Savoirs et fiction au Moyen Âge et à la Renaissance, cité plus haut. Retour au texte

23 Voir à ce sujet H. I. Marrou, Saint Augustin et la fin de la culture antique, Paris, 1958, pp. 136-157 ; A. Labhardt, « Curiositas. Notes sur l’histoire d’un mot et d’une notion », Museum helveticum, 17, 1960, pp. 206-224 ; La Curiosité. Les vertiges du savoir, Autrement, Série Morales 12, 1993, avec pp. 101-117 l’article de B. Beugnot « Histoire d’un plaisir coupable ». Retour au texte

24 B. Ribémont, La «Renaissance» du xiiesiècle et l’encyclopédisme, op. cit., pp. 95-96. Voir dans ce volume son article « La licorne, un animal exotique ? ». Retour au texte

25 Hugues de Saint-Victor, Didascalicon, L’Art de lire, trad., intro. et notes de M. Lemoine, Paris, Cerf, 1991, livre II, ch. 23, p. 117. Retour au texte

26 P. Gautier Dalché, La Descriptio Mappe Mundi de Hugues de Saint-Victor, éd. et introd., Paris, Études augustiniennes, 1988, pp. 109-110. Retour au texte

27 J.-Y. Tilliette, « Rhétorique de l’encyclopédie : le cas du De naturis rerum d’Alexandre Neckam (vers 1200) », La Transmission des savoirs au Moyen Âge et à la Renaissance, t. 1, du xiie au xvesiècle, dir. P. Nobel, Besançon, Presses de l’Université de Franche-Comté, 2005, pp. 289-302, p. 300 et p. 302 pour les citations. Retour au texte

28 C. Gaullier-Bougassas, Les Romans d’Alexandre, op. cit., pp. 424-460. Retour au texte

29 Voir dans ce volume l’étude de M.-G. Grossel sur Jacques de Vitry, ainsi que sa traduction de l’Historia orientalis, Paris, Champion, 2005 et son article « L’utilisation du Roman d’Alexandre dans l’Histoiria orientalis de Jacques de Vitry », Histoire et roman, Bien Dire et Bien Aprandre, 22, 2004, pp. 53-65. Retour au texte

30 F. Hartog, Le Miroir d’Hérodote, essai sur la représentation de l’Autre, Paris, Gallimard, 1980. Voir aussi M.-C. Gomez-Géraud, Écrire le voyage en France au xviesiècle, PUF, 2000, « La conscience de l’altérité », pp. 49-55, « Exprimer la nouveauté et l’inconnu », pp. 81-91. Retour au texte

31 J.-L. Leclanche, Contribution à l’étude de la transmission des plus anciennes œuvres romanesques françaises. Un cas privilégié: Floire et Blancheflor, Lille, 1980, 2 vol.. Retour au texte

32 C. Gaullier-Bougassas, La Tentation de l’Orient dans le roman médiéval, op. cit., pp. 19-143. Retour au texte

33 C. Gaullier-Bougassas, Les Romans d’Alexandre, op. cit., pp. 254-275. Retour au texte

34 Art. cit.. Retour au texte

35 Voir dans ce volume les articles de Ph. Haugeard, M.-M. Castellani, M.-G. Grossel, J. Lemaire sur la Vie de saint Louis de Joinville, l’Historia orientalis de Jacques de Vitry et le Voyage de Georges Lengherand, ainsi que celui de M.-C. Gomez-Géraud sur une œuvre du début du xviie siècle, le Bouquet sacré de Jean Boucher, qui poursuit la tradition des récits de pèlerinage de la fin du Moyen Âge et du xvie siècle, vaste ensemble étudié par M.-C. Gomez-Géraud dans son ouvrage Le Crépuscule du Grand Voyage. Les récits des pèlerins à Jérusalem (1458-1612), Paris, Champion, 1999. On se reportera aussi, en plus des ouvrages déjà cités sur l’Orient, à F. Wolfzettel, Le Discours du voyageur. Le récit de voyage en France, du Moyen Âge au xviiiesiècle, Paris, PUF, 1996 ; à M. B. Campbell, The Witness and the Other World: Exotic European Travel Writing, 400-1600, Cornell University Press, 1988 et à M.-C. Gomez-Géraud, Écrire le voyage en France au xviesiècle, op. cit.. Retour au texte

36 Dans ce volume, A. B. Darmstätter étudie ainsi l’entrée des Sarrasins dans le théâtre au xiiie siècle avec le Jeu de saint Nicolas de Jean Bodel, F. McIntosh-Varjabédian les exploitations politiques de l’altérité radicale – construite comme telle – de Byzance, depuis les chroniqueurs du xiiie siècle, Robert de Clari et Geoffroy de Villehardouin, jusqu’à l’Héraclius de Corneille, l’Irène et l’Essai sur les Mœurs de Voltaire, l’History of the Decline and Fall of the Roman Empire de Gibbon, le Count Robert of Paris de Walter Scott et le Bélisaire de Marmontel. Retour au texte

37 Voir à ce sujet, pour une perspective plus large (bien au-delà du Moyen Âge) et différente, T. Todorov, Nous et les autres, La réflexion française sur la diversité humaine, Paris, Seuil, 1989 ; F. Affergan, Exotisme et altérité, Essai sur les fondements d’une critique de l’anthropologie, Paris, PUF, coll. « Sociologie d’aujourd’hui », 1987. Retour au texte

Citer cet article

Référence papier

Catherine Gaullier-Bougassas, « Un exotisme littéraire médiéval ? », Bien Dire et Bien Aprandre, 26 | 2008, 7-20.

Référence électronique

Catherine Gaullier-Bougassas, « Un exotisme littéraire médiéval ? », Bien Dire et Bien Aprandre [En ligne], 26 | 2008, mis en ligne le 01 mars 2022, consulté le 19 mai 2024. URL : http://www.peren-revues.fr/bien-dire-et-bien-aprandre/744

Auteur

Catherine Gaullier-Bougassas

Université Charles-de-Gaulle – Lille 3

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