Figures du poète dans le Livre du Duc des vrais Amants de Christine de Pizan ou l’amour démasqué

DOI : 10.54563/bdba.938

p. 87-104

Plan

Texte

Introduction

Le Livre du Duc des vrais Amants s’inscrit parmi les œuvres de Christine de Pizan qui ont trait à l’amour. On compte parmi ces œuvres, composées sur une période relativement courte et avant le Livre du Duc des vrais Amants : L’Epistre au Dieu d’Amours (1399), trois débats écrits en 1400 : Le Livre du Dit de Poissy, Le Débat de deux Amants, Le Livre des trois Jugements, deux dits : Le Dit de la Rose (1402) et Le Dit de la Pastoure (1403) écrit de façon symétrique au Livre du Duc qui vient achever, entre 1403 et 1405, cet ensemble narratif sur l’amour. Ces œuvres narratives sont elles-mêmes encadrées par deux cycles de ballades : les Cent Ballades, qui inaugurent l’inspiration amoureuse de Christine, écrites entre 1394 et 1399, et les Cent Ballades d’Amant et de Dame qui, dix ans après (1410), viennent clore l’ensemble. Si ces différentes œuvres ont trait à l’amour, elles témoignent, comme l’ont montré de nombreuses études, de la position critique de Christine à l’égard du discours courtois. C’est dans ce sens que l’on peut lire, après les Cent Ballades, Les Cent Ballades d’Amant et de Dame, et, pour l’œuvre qui nous concerne, après l’épître, les trois débats et les deux dits, le Livre du Duc. On s’intéressera alors à montrer comment, dans cette œuvre, Christine poursuit, reformule et achève, pourrait-on avancer, la critique du discours courtois.

La première réponse, formelle, peut se fonder sur la structure originale du Livre du Duc, constitué d’un récit racontant en 3580 vers la séduction d’une dame par un chevalier, récit incorporant des pièces lyriques, 19, des lettres en prose, 8, et se terminant sur un échange de poèmes entre l’amant et sa dame sous forme d’anthologie. Pour reposer une dernière fois la question de l’amour – et tenter d’y répondre – Christine choisirait ici, plus que dans ses autres œuvres, le mélange des écritures et des voix. Mais avant le Livre du Duc, le Tristan en prose, le Roman du Castelain de Couci, les dits amoureux de Machaut ou de Froissart offraient déjà pour dire l’amour la même alternance vers/prose.

Ici, c’est la scène de la liaison amoureuse, au centre du texte, qui a fourni l’image qui pourrait emblématiser la posture de Christine à l’égard du discours courtois. On y voit l’amant, le jeune duc qui donne son nom au récit, se déguiser en valet pour rejoindre la dame dans ses appartements. Au terme de la fiction d’amour, le travestissement de l’amant met à nu la stratégie du désir. C’est donc en montrant l’amour déguisé que Christine choisit de le démasquer. Et c’est en se dissimulant elle-même, tel l’amant qui ne veut pas être vu, cachant sa propre figure de poète derrière un jeu de déguisements et de dédoublements, qu’elle cherche à faire tomber le masque de la parole courtoise et à imposer, à la fin du roman, la fin de l’amour. Sur cette destitution de l’amour, elle fonde sa position d’écrivain.

***

Parler par « couverture » : la stratégie énonciative de Christine de Pizan

« Je chante par couverture / Mais mieulx plourassent mi œil. » Telle est l’affirmation de Christine dans le tout premier des virelais qui suivent les Cent Ballades1. Dans ce recueil d’ouverture, c’était déjà malgré son deuil, cachant ses larmes, qu’elle chantait la matière amoureuse, contrainte de s’y prêter par la tradition lyrique et pour répondre à la demande de son public, puisque le « sentement… qui mieulx plaist a tous de commun cours / C’est d’amours »2. C’est sous le masque d’Amour qu’elle initiait son parcours poétique. Ici, c’est sous le costume de la veuve-écrivain que se dissimule d’abord Christine pour cadrer et encadrer le récit du duc, avant de s’autoriser à parler à sa place sous le masque, cette fois, de l’amoureux, et à dédoubler sa voix en divers lieux du texte, afin de soutenir son propre discours sur la matière d’amour3.

Le costume de la veuve-écrivain

L’iconographie nous livre traditionnellement la figure de Christine en costume de veuve, de noir vêtue, la plume à la main, costume qui désigne le personnage de veuve-écrivain qu’elle s’est façonné. C’est ainsi qu’elle apparaît à plusieurs reprises dans l’ensemble de son œuvre. Ce personnage de veuve, définitivement coupé de la vie amoureuse, détermine le personnage littéraire que se forge Christine. Excédant sa nature d’indicateur social, ce costume marque non seulement une mise à distance par rapport à l’inspiration courtoise, mais également le sacerdoce qui est le sien au service de l’écriture. Dans le Livre du Duc, c’est moins Christine en costume de veuve que l’on voit, que sa voix que l’on entend explicitement à deux reprises, dans un court prologue (vv.1-40) et dans un épilogue encore plus court (vv. 3557-80)4.

Dans le prologue, Christine précise qu’elle écrit sur commande, sur la prière d’un duc, « un seigneur », dit-elle, « a qui doy bien obeïr » (vv. 12-13). Le costume de veuve, en filigrane, devient ici celui de l’écrivain au travail : il désigne le statut de l’ouvrier des mots, de celui qui écrit – ou feint d’écrire – sur commande. On a là un écho au prologue du Chevalier de la Charrette dans lequel Chrétien dit qu’il écrit à la demande de Marie de Champagne ; mais un écho inversé, car ici « il » commande et « elle » écrit. Elle écrit, qui plus est à contrecœur, l’histoire d’amour de ce jeune duc, son intérêt à elle se portant sur un autre ouvrage qu’elle est en train de rédiger5 :

Combien que occupacion
Je n’eusse ne entencion
A present de dittier faire
D’amours, car en aultre affaire
Ou trop plus me delittoye
Toute m’entente mettoye,
Vueil je d’aultrui sentement
Comencier presentement
Nouvel dit […]. (vv. 1-9)

Christine, la veuve, adonnée à l’écriture biographique et historique, va donc devoir parler à la place d’un jeune duc amoureux. On est à l’opposé de la lyrique où le « je » est censé avoir part à l’aventure amoureuse et chanter une expérience personnelle6. Sur ce modèle, dans le Voir Dit, le poète racontait sa propre expérience amoureuse, le « je » du clerc et celui de l’amoureux ne faisant plus qu’un7. Chez Christine, même si la poétesse parle pour l’amoureux, la posture de la veuve permet de dédoubler les deux figures. Disant le deuil de l’amour, elle campe la figure de la narratrice hors du champ de l’inspiration amoureuse8, se vouant tout entière à l’exercice poétique. C’est dans ce sens que la voix de Christine se fait entendre à nouveau dans le court épilogue situé entre l’explicit et les pièces poétiques. Dans ces quelques lignes, elle ne dit rien de l’histoire d’amour qu’elle vient de raconter et ne porte aucun jugement. Elle invite seulement le lecteur à apprécier son tour de force poétique, car elle a tout écrit, dit-elle, en rimes léonines. Christine se réfugie derrière le costume de l’écrivain. Une fois tue la voix de l’amoureux, sa voix n’est plus que celle de la poétesse au travail.

Cette structure enchâssée, où la voix de Christine intervient dans un prologue, parle pour le duc, puis reprend la parole à son compte dans un épilogue, se retrouve dans le Dit de la Pastoure9. Christine intervient dans un préambule et laisse ensuite la parole à la «pastoure » Marotele qui va raconter sa malheureuse histoire d’amour avec un chevalier. Le dit se termine sur la voix de Marotele pleurant son amant perdu. Pareille structure circulaire se retrouve dans les deux cycles de ballades10. En particulier dans les Cent Ballades d’Amant et de Dame, dernier ouvrage lyrique dans lequel Christine aborde le thème de l’amour courtois. Dans la ballade liminaire elle utilise les mêmes affirmations / dénégations que dans le prologue du Livre du Duc pour prendre ses distances avec l’histoire d’amour qu’elle va raconter : elle écrit sur commande, « pour obeïr a autrui et complaire » (v. 7) ; car elle se consacre à un autre travail qui lui plaît davantage : « mieulx me pleust entendre a autre afaire ». Le recueil s’achève sur la ballade finale de la dame qui meurt de chagrin ; puis sur une pièce intitulée Lai de Dame puis Lai mortel qui confirme les préventions de Christine en matière d’amour11.

Ici, comme dans ces différents textes, la voix de Christine prend ses distances, au seuil de l’œuvre, avec l’histoire d’amour qu’elle va raconter. Elle surplombe l’histoire à venir. Mais Christine n’est pas seulement celle qui parle avant, du haut du prologue ; elle a son mot à dire tout au long de l’histoire, et met en œuvre des stratégies narratives pour parler depuis son statut de veuve et sous couvert d’autres personnages.

Le masque de l’amoureux

À la différence des autres textes, comme le Dit de la Pastoure et les deux recueils de ballades, dans le Livre du Duc Christine ne laisse pas la parole à un narrateur féminin ou aux voix alternées d’un amant et de sa dame. Elle prend la voix d’un homme pour parler d’amour, la voix de celui qui se nomme lui-même le duc des vrais amants12. Son statut de veuve définitivement endeuillée de l’amour l’autorise à endosser un discours d’homme sur la passion. En effet, contrairement à ce qui se passait dans l’Epistre au Dieu Amour où Christine, sous le masque de Cupidon, se faisait l’avocate des femmes en matière amoureuse, où Cupidon avait finalement un « cœur de femme », Christine prend ici non seulement le masque d’un homme, son identité, mais aussi son discours :

Je diray en sa personne
Le fait si qu’il le raisonne. (vv. 39-40)

Elle anticipe ce qui se passera dans la Mutacion de Fortune où elle se mettra en scène comme une femme devenue homme13 ; un homme qui figurera cette fois celle qui a renoncé au statut de femme pour prétendre au seul statut d’homme, de « vray homme », le sage ou l’écrivain. Or, ici c’est la personnalité d’un duc amoureux qu’endosse Christine. Devenue le personnage du duc, « sa personne », comme elle l’écrit, elle nous plonge, à travers son histoire d’amour, dans la subjectivité de ce dernier. Le livre entier peut ainsi figurer comme le long monologue du duc amoureux. On peut alors se demander quel est l’intérêt, après avoir fait entendre la voix des femmes, celle de la dame des Cent Ballades et celle de la « pastoure », de redonner ainsi la parole à un homme. On pourrait même y voir un renoncement ou au contraire une provocation. Certes, l’intervention d’un « je » masculin permet d’éviter encore davantage l’assimilation de Christine à un protagoniste amoureux. Mais avant tout elle permet, en entrant dans le « je » de l’amoureux, d’entrer dans le jeu de l’amour courtois, d’en saisir, du point de vue du masculin, les différents ressorts pour mieux les renverser et les défaire. C’est le rôle des autres voix qui traversent le récit du duc, voix de dames, cette fois, dédoublant la voix de Christine.

Voix de dames

En effet, le long récit du « je » s’interrompt pour donner la parole à un ami confident, mais surtout à la dame aimée, la noble princesse ou duchesse, avec lesquels s’engagent trois longs dialogues. La voix de la dame se fait également entendre dans les pièces lyriques qui ponctuent le récit, ainsi que dans les lettres en prose, cette fois entrelacée avec la voix du duc et celle d’une amie confidente, Sibylle de la Tour. Cette dernière, qui tient le discours des dangers de l’amour, intervient comme un double de Christine.

On peut parler de dédoublement, écrit Patrizia Romagnoli, « chaque fois que, dans une même œuvre, au « je » du personnage ou de la femme-clerc s’ajoutent celui ou ceux d’autres personnages féminins qui peuvent être identifiés comme des avatars de l’auteur et/ou leur porte-parole »14. Tout comme la « sage veuve » dans le Débat de deux Amants, la dame de la Tour, conseillant son amie contre l’amour, dédouble au sein du récit du duc, la voix de Christine. En contrepoint, on entend donc la voix de la dame résister à l’amour du duc, poser ses conditions, lui céder, lui résister sur les conseils de Sibylle de la Tour, puis finalement céder à nouveau à son amant. Le texte, qui se termine par des poésies diverses, lui laisse le dernier mot dans une complainte où elle pleure la trahison de son amant et la fin de son amour, comme le fera la dame des Cent Ballades d’Amant et de Dame. Christine finit par faire pleurer la dame. Ces pleurs sont l’écho endeuillé de la voix de Christine, tout comme ceux de Marotele, à la fin du Dit de la Pastoure, faisaient écho à ceux de la poétesse pleurant, dans le préambule, la mort de son bien-aimé.

Dans le Livre du Duc Christine se déguise, se métamorphose, muant sa voix en celle d’un homme, la dédoublant, la fragmentant jusqu’aux larmes, en celle d’autres dames. C’est grâce à cette stratégie narrative qu’elle parvient à porter la critique du discours courtois, jusqu’à faire couler les larmes sous le masque séduisant de l’Amour.

Faire tomber le masque de l’amour courtois

Puisque c’est cette image du masque, du déguisement, qui sert ici à la fois la représentation et la critique de l’amour, j’insisterai rapidement sur l’importance du costume dans le Livre du Duc. Le récit accorde une large part, en effet, aux différents costumes du duc et de ses invités lors du tournoi et du bal donné en l’honneur de la princesse. Les métamorphoses du costume du jeune duc signent la progression de son statut d’amoureux. Ce costume devient même un déguisement lors de la scène du rendez-vous avec la dame. Tout comme Tristan déguisé en fou, en domestique, pour revoir Iseut, le duc pénètre dans la chambre de la dame, déguisé en valet. Cette scène constitue le pivot du texte, l’acmé du récit de séduction du duc, paré des déguisements de l’amour, avant sa dénonciation, sa mise à bas par la dame de la Tour.

Un roman courtois ou les déguisements de l’amour

Le récit à la première personne nous plonge dans les pensées du duc. Il fonctionne à la manière du récit autobiographique du Roman de la Rose de Guillaume de Lorris qui met également en scène le dédoublement de l’instance narrative : un narrateur et un rêveur amoureux, les deux étant censés ne faire qu’un. Ici, le narrateur prend la figure de Christine, et le rêveur serait incarné par le personnage du duc. De fait, l’autobiographie amoureuse à laquelle se livre le duc par la voix de Christine se déroule bien sous le signe du modèle courtois15. Chacune de ses étapes est la mise en acte, dans le récit, des figures allégoriques de Guillaume de Lorris.

Cette volonté de réécriture du Roman de la Rose s’affirme dès la scène de rencontre, « soubz l’ombre d’une saulsoye / ou le ru d’une fontaine / court bel et cler […] sur l’erbe vert et menue » (vv. 186-191), qui nous plonge dans le cadre de Guillaume de Lorris. De même, la scène où le duc tombe amoureux condense la façon dont l’amant s’éprend de la rose, lorsque « li dieus d’amors », dit-il, « trait a moi par tel devise / Que parmi l’ueil m’a ou cuer mise / La saiete par grant redor »16. Ici, « Amour, l’archier plaisant », dit le duc :

[…] prent et entoyse
L’arc, et trait sans faire noise ;
Ne m’en donnoye regard :
La fleche de doulz regard
Qui tant est plaisant et riche
Au travers du cuer me fiche. (vv. 257-266)

À partir de là, la conduite du jeune duc amoureux répond en tous points aux préceptes adressés par Amour à l’Amant de la rose, en vue d’accomplir le « service d’amours ». « Pour d’amours estre acointe », devenir un de ses disciples et plaire à sa dame, il adopte une vraie conduite d’amoureux17 : humeur gaie, mise soignée, mœurs impeccables, prodigalité. De même, la panoplie de sentiments à travers lesquels il passe18, « les griefs anuis et les joies », illustre « les aventures […] gries et dures » que prédit Amour à l’amant19. Blessé par la flèche d’Amour, il n’a de cesse de retrouver l’objet de ses pensées ; c’est la nouvelle rencontre avec la dame dont le « doux regart »20 lors d’un tournoi et d’un bal, le fait brûler21, le réduit au silence22 et au tourment du désir. Comme dans le Roman de la Rose, ce qui le console, c’est un ami, ici son cousin, qui ravive l’espérance de revoir la dame23. C’est lui qui ménage le rendez-vous secret, l’aide à pénétrer dans le château sans que le « veillart » ne réveille « jalousie »24. Une fois « Dongier » et « Jalousie » écartés (vv. 2474-76), grâce à la complicité d’une amie et à la bonne volonté de la dame elle-même, toutes deux incarnant « Bel Accueil », le duc, déguisé en « varlet », parvient à pénétrer dans la chambre. Mais le départ imprévu de l’amie complice laisse la dame prisonnière du château25. Tandis que chez Guillaume de Lorris, Raison enjoignait alors l’Amant à renoncer à la rose26, ici la lettre d’une amie de la dame, Sybille de la Tour, avertit cette dernière des dangers d’amour. Reprenant à son compte ce discours de raison, la dame donne congé au jeune duc, désespéré27. Comme dans le Roman de la Rose, la pitié et l’amour l’emportent toutefois dans le cœur de la dame, à nouveau résolue à faire bel accueil à son amant28. Mais, de même que Malebouche calomniait l’Amant et réveillait Jalousie, l’idylle se prolonge, dit le duc, « tant que fumée / par male langue alumée, du fait de nous deux sailli ».

Le récit du duc reprend donc bien les étapes du modèle courtois telles que les figurait le Roman de la Rose. Mais, s’il s’agissait pour Guillaume de Lorris de parler d’amour par allégories, c’est-à-dire « covertement », il s’agit pour Christine de Pizan de découvrir, de mettre au jour, sous les images, la vérité des « geus d’amors ». Tel est, semble-t-il, le pari qu’elle s’est fixé : apporter au roman de Guillaume de Lorris une autre continuation, susceptible de fournir l’interprétation du songe promise par ce dernier29; une interprétation propre à contrer et à défaire la continuation de Jean de Meun. C’est en ce sens qu’interviendrait la longue lettre en prose de Sibylle de la Tour.

La dame de la Tour

Une fois partie l’amie complice, la princesse exhorte donc une dame plus âgée à venir lui apporter son aide et son conseil. Faute de pouvoir venir, Sibylle de la Tour envoie à la dame une longue lettre30 censée balayer, au cœur du récit du duc, le mirage de l’amour courtois. Sous les traits de la dame de la Tour, c’est bien Christine qui intervient pour tenir le discours de la raison contre l’amour, sur le modèle du discours de Raison à l’amant dans le Roman de la Rose.

Ce modèle avait déjà inspiré, dans le Débat des deux Amants, la sage veuve et la dame anonyme, ainsi que le discours de Lorete, l’amie de Marotele31, dans le Dit de la Pastoure. Dans l’Epistre Othea, Christine apparaissait à la fois sous les traits d’Othéa, déesse de Prudence, et d’une sibylle qui vient prophétiser l’avenir du Roi Augustus. Dans le Chemin de longue Étude, sa voix se fait entendre à travers celle de la Sibylle qui vient la visiter dans son cabinet d’étude pour lui servir de guide dans la découverte des spéculations philosophiques, puis à travers le long discours de Sagesse. La dame de la Tour, écrit Patrizia Romagnoli, est alors la « dernière incarnation des avatars sibyllins » qu’emprunte la figure de Christine32.

Or Sibylle de la Tour, dame de Monthaut, ainsi qu’elle signe, n’est pas seulement un personnage ; elle incarne dans le récit une posture ainsi qu’un type de discours et d’écriture. En témoigne son nom, qui peut se déchiffrer comme un rebus. Son prénom la rattache à la Sibylle de Cumes, qui, dans le Chemin de longue Étude, prévoit l’avenir depuis les hauteurs du Parnasse. Ici, c’est depuis le Monthaut où coule la fontaine de Sapience, ou depuis la Tour qui enserre Raison dans le Roman de la Rose33, que parle cette Sibylle. Sa posture, comme celle de Cupidon dans l’Epistre, celle de Sagesse dans Le Chemin, ou celle d’Othéa, est celle de la verticalité. Fille d’astrologue, Christine parle donc par la voix de dames descendues du ciel. Et le discours qu’elle tient par leur voix est celui de raison ; discours didactique qui emprunte dans la lettre de la dame de la Tour, le chemin de la prose.

Mais derrière ces différentes figures, comme derrière la Raison du Roman de la Rose, se trouve celle de Philosophie qui chez Boèce rend visite au poète prisonnier et l’enjoint à délaisser les Muses changeantes pour la philosophie immuable34. Il s’agit donc ici aussi, au nom de la raison immuable, de chasser les illusions du discours amoureux.

La lettre de Sibylle de la Tour ou l’amour mis à nu

Selon la légende que rappelle Christine dans le Chemin de longue Étude, en l’infléchissant légèrement, c’est après s’être refusée à Phébus que la Sibylle reçut le don de longévité et avec ce dernier, le don de prophétie35. Le renoncement à l’amour lui a valu la sagesse suprême36. La lettre de la dame de la Tour, discours de Sibylle, tend donc à exclure l’amour de la destinée féminine. En effet, ce sont les illusions de l’amour qui altèrent le « gouvernement » d’une dame et tout particulièrement d’une princesse. À la manière d’un miroir des princes37, Christine, par l’entremise de la dame de la Tour, tend à la princesse un miroir pour princesse38. C’est dans le cadre de ce miroir que s’effectue ici la dénonciation de l’amour. Une princesse se doit, en effet, de conserver en toutes circonstances un « bel maintien », c’est-à-dire, une égalité de « contenances, paroles et manieres », gestes, rires, regards ; égalité que seule la mesure peut garantir39. Or le propre de l’amour est de soumettre le cœur aux aléas de Fortune qui tour à tour fait et défait cœurs et visages. C’est bien le visage changeant de la princesse – « estes a present toute changiée », dit la dame de la Tour – trahissant le défaut dans sa « gouvernance », l’emprise d’Amour, qui a suscité la médisance et alimenté la « fumée » allumée par « male langue »40. Afin de ramener la princesse à elle-même, à son « bel maintien », et puisqu’il est impossible de garder la mesure en amour, « le plus seur est » (donc) « du tout l’esquiver et fouïr »41.

Après un bref rappel des arguments de « joennese, aise et oyseuse » en faveur d’amour, Sibylle de la Tour se livre alors à une réfutation des « raisons qui peuvent mouvoir une joenne dame a soy encliner a si faitte amour ». À l’argument du plaisir42, elle oppose les mille douleurs de l’amour : « en amours », dit-elle, « a cent mille fois plus de dueil ». À l’idée d’un amour sans péché43, elle objecte qu’il est difficile de garder soi-même la mesure, et qu’il est aisé pour les autres de soupçonner le péché même là où il n’est pas. « Car feu n’est point sans fumée mais fumée est souvent sans feu ». À l’argument privilégié du discours masculin, selon lequel l’amour d’une dame accroît la valeur d’un chevalier44, argument qui sert de ressort au roman courtois et arthurien, elle objecte « que c’est trop grant folie de soy destruire pour acroistre un autre ». Pour réfuter ensuite l’amitié que l’on peut tirer d’un amant45, elle oppose que ce dernier, pour ne pas risquer de compromettre la dame, est dans l’impossibilité d’agir en sa faveur. Ainsi les amants au grand cœur ne servent-ils qu’eux-mêmes, « l’onneur et le preu leur en demeure et non mie a la dame ». Contrant ensuite l’argument qui veut que le malheur conjugal et la mélancolie justifient l’amour46, Sibylle de la Tour enjoint la dame de supporter son mari avec patience, afin de préserver sa réputation et d’accroître son honneur47. Enfin, revenant sur le plaisir48, elle énumère les plaisirs bons pour les femmes ; pour celles qui ont des enfants et pour celles qui n’en ont pas. Suivent ensuite « les perilz et dongiers qui sont en tel amour » : la colère de Dieu, celle du mari, la trahison de l’amant, ou bien, même si l’amant, ce qui est exceptionnel, est fidèle, la fin inévitable de l’amour et ses conséquences pour la femme : le repentir, certes, mais surtout la servitude vis-à-vis de serviteurs complices. Et de conclure : « on espuiseroit un abysme comme l’en pourroit raconter tous les perilz mauz qui sont en ycelle vie amoureuse », avant d’adjurer la princesse à renoncer à l’amour49.

Le miroir de la princesse exclut donc le miroir d’amour. Sans rentrer ici dans la critique que l’on pourrait faire du discours de Sibylle de la Tour50, on en soulignera simplement l’échec dans le récit, pour un premier temps, puisque, malgré l’avertissement de son amie, la dame reprend la liaison, sur le modèle encore de l’amant du Roman de la Rose poursuivant, malgré Raison, son aventure ; manière en fait pour Christine d’illustrer dans le récit le discours de Sibylle de la Tour : l’inévitable fin de l’amour.

Le dédoublement de la fin : fin de l’amour et fin du livre

La prophétie de la sibylle

Sibylle de la Tour prédit pour l’amour une fin inévitable. Elle écrit :

Encore, suppose que ce n’aviegne, disons du cousté des amans, encore que tous fussent loyaulx, secrez, voirs disanz, ce qu’ilz ne sont mie, ains scet on assez que communement sont fains et pour les dames decepvoir dient ce qu’ilz ne pensent ne vouldraient faire, toutefois est chose vraye que l’ardeur de telle amour ne dure mie longuement, meïsmes aux plus loyaulx et c’est chose certaine51.

À l’horizon de l’amour, sa fin inévitable, soit du fait de la déloyauté de l’amant, soit du fait de l’impossible durée de l’amour même. C’est ce double programme que s’applique à mettre en œuvre la fin du récit, tout en gommant le déterminisme de la parole sibylline. Ces deux fins peuvent en effet se lire dans le roman, toutes deux différentes aussi bien au niveau du sens à leur donner que de la forme qu’elles prennent. Une première fin est donnée par le récit du duc52; une autre est à lire dans les pièces poétiques finales qui disent par la voix de la dame et sous forme de ballades, virelais et rondeaux, la fin de la liaison. Ainsi, le duc raconte, lui, comment son amour heureux avec la princesse a duré deux ans, jusqu’à ce que la médisance les sépare et qu’il ne parte faire la guerre en Espagne une année durant, et comment, dès son retour, s’est produite sur dix années, la lente dégradation de sa liaison avec la princesse. Malgré cela, dit-il, « ces amours ne passeront / ains les corps trespasseront » (vv. 3529-30). Les pièces finales jettent un tout autre éclairage sur le discours de l’amant. Elles se terminent en effet sur une complainte dans laquelle la dame se plaint d’avoir été trahie : « jamais, fors d’amours fainte, / ne m’amera » (vv. 147-148). Ces deux lectures offrent deux fins possibles à l’histoire d’amour et deux fins possibles au roman. Soit l’amour est trompeur, soit il déçoit. Dans chacun des cas, il réserve au roman une fin décevante.

Une fin déceptive

S’il y a eu trahison de l’amant, ce qui n’est pas clairement dit dans le texte, il y aurait distorsion entre le discours de l’amant et celui de la dame, entre un discours du « je » masculin, trompeur, et un « je » féminin, victime, dans la complainte finale53. Se pose alors le problème de la vérité. Vérité affichée au seuil de l’œuvre, dans le titre même : le duc des vrais amants qui a raconté son histoire, a-t-il dit la vérité ? Le titre même n’est-il qu’un masque ? Faut-il à partir de la complainte finale relire le texte entre les lignes ? Faut-il le lire également à la lumière des Cent Ballades d’Amant et de Dame, recueil qui pourrait figurer comme une extension des pièces poétiques finales ? En effet, dans la ballade XCIV de ce dernier recueil, d’après la réaction de la dame54, on se demande si l’amant s’éloigne pour protéger l’honneur de son amie, comme il le dit, ou pour aimer plus librement ailleurs. Le duc allègue ici la même raison pour s’éloigner : « Pour ce, pour s’onneur garder / et sa paix, me retarder / d’elle veoir mieulx amay » (vv. 3541-43). Faut-il le croire ? S’il ment, donner la parole à l’amant, de la part de Christine, reviendrait à le montrer à l’œuvre dans un discours mensonger, à le prendre en flagrant délit de mensonge. Le duc des vrais amants ne serait que le duc des menteurs.

Cependant, dans les Cent Ballades d’Amant et de Dame, la mort de la dame vient clore l’histoire d’amour : dans la ballade C, « Car ja me deffault li cueurz », puis dans une pièce isolée, le Lai de Dame, dont le titre devient dans l’explicit le Lai mortel. Cinq ans après le Livre du Duc, Christine fait mourir d’amour la dame, comme Kahédin dans le Tristan en prose. La mort n’est plus la métaphore de la détresse amoureuse, mais l’issue véritable de la relation amoureuse. Ici, à l’inverse, il n’y a pas de mort tragique de la dame, pas plus qu’il n’y a eu de trahison remarquable. Se pourrait-il que l’amour meure de lui-même ? C’est ce qu’écrivait la dame de la Tour :

toutefois est chose vraye que l’ardeur de telle amour ne dure mie longuement, meïsmes aux plus loyaulx et c’est chose certaine55.

Même pour les « plus loyaulx », même pour les amants « voirs disanz », l’amour a une fin, due cette fois à une déficience de l’amour même. C’est cette fin-là qu’a voulu écrire Christine dans le Livre du Duc des vrais Amants : la fin d’un amour qui se dégrade, s’effiloche dans le temps. « Peur » mine l’ardeur amoureuse : la dame, « ainsi comme en emblant / venoit paoureuse et tremblant » (vv. 3439-40), tandis que « Jalousie », non plus attribuée au mari ou aux médisants mais aux deux amants, s’insinue au cœur même de l’amour. « Jalousie, qui est rage, / Me destrempa tel buvrage / Que comme homme fol devins ! » (vv. 3471-73), écrit l’amant qui dit plus loin de la dame : « Aussi, se dire je l’ouse / Un temps un petit jalouse / La vi […]» (vv. 3489-91). C’est cette lente dépression de l’amour, cette fin tiède qu’a peut-être aussi voulu corriger Christine, en la noircissant dans les Cent Ballades d’Amant et de Dame, de manière à en faire une fin tragique. Ici, on est entré au contraire dans le temps ordinaire de l’amour. Les vrais amants sont condamnés à être des amants ordinaires, soumis au temps éphémère des sentiments. Même pour eux, l’ardeur se défait avec le temps. Si elle n’est pas menacée par des contraintes extérieures, elle se heurte à l’impossibilité inhérente à l’amour. L’amour courtois serait alors une invention séduisante, un masque propre à résoudre, en les déguisant, les impasses de l’amour ; il forgerait, construirait ses motifs – maladie, mort d’amour, interventions des médisants – à partir des limites mêmes du sentiment amoureux. L’invocation des « losengiers » serait ainsi une façon d’extérioriser les voix contraires qui traversent les cœurs. Le Livre du Duc des vrais Amants, récit exemplaire, inviterait donc à relire dans ce sens tous les romans courtois.

Dans cette fin déceptive ou décevante qu’elle impose au récit, Christine révèle son ambition poétique.

La poétesse à découvert

Le texte comprend deux explicit, l’un après le récit du duc, l’autre après les pièces lyriques ; entre les deux un court épilogue (vv. 3557-80) où Christine reprend la parole. Étonnamment, Christine ne porte aucun jugement sur l’histoire d’amour qu’elle vient de raconter. Elle garde le silence, laissant dans l’ombre l’histoire du duc et de sa dame. Éteignant ainsi les projecteurs de la fiction, elle met au contraire en lumière le cabinet d’écriture, la « forte forge » d’où elle écrit (v. 3563) :

A tous ditteurs, qui savoir
Ont en eux, celle savoir
Fait, qui ce ditté ditta,
Qu’en trestous les vers dit a
Rime leonine ou livre,
Et tel tout au long le livre. (vv. 3557-62)

S’adressant non plus aux amants, mais aux poètes, à « tous ditteurs », dont elle brigue le statut, Christine porte juste l’attention sur le tour de force poétique qu’elle vient d’accomplir. Elle a tout écrit, dit-elle, en rimes riches. À travers ce petit manifeste poétique, elle affirme non seulement sa virtuosité poétique, « son essience », mais également son statut d’écrivain tout-puissant. En effet, dans la distance qu’elle prend vis-à-vis de l’histoire qu’elle vient de raconter, dans le blanc qu’elle inscrit au terme du récit, elle affirme sa parfaite maîtrise poétique ; maîtrise de la forme, mais maîtrise aussi de la fiction qu’elle révèle au moment même où elle la laisse dans l’ombre de façon si désinvolte. C’est bien Christine qui a contrôlé la voix du duc, l’a fait parler puis se taire, c’est elle aussi qui va faire pleurer la dame à la fin des poésies diverses. On est là à l’envers du prologue où Christine se disait écrire sous le commandement du duc, sous le couvert du masque de l’amoureux ; bien éloigné également du prologue du Chevalier de la Charrette où, rejouant la soumission de l’amant à sa dame sur le plan littéraire, Chrétien se contentait d’organiser la « matiere » et le « san » fournis par Marie. Ici, dans l’épilogue, Christine dévoile sa stratégie narrative : comme l’invite à le comprendre le verbe « dictier », c’est elle qui a non plus écrit sous la dictée du duc, mais rédigé, composé cette fiction, voire interprété l’histoire du duc.

Cette maîtrise du statut d’écrivain se confirme à la lecture des pièces poétiques qui prolongent le récit du duc. Si l’on y retrouve en filigrane la progression de l’histoire des amants sur les dix dernières années, le classement générique que Christine instaure, ballades, virelais, rondeaux et complaintes, casse la progression dramatique et annule tout souci de vraisemblance. L’arrangement formel efface l’intrigue moribonde, met en lumière la volonté de la poétesse. Ce souci de compilation et d’organisation se retrouve à l’intérieur même de la classification par genres proposée. Si les ballades et les virelais se prêtent à l’alternance des voix de l’amant et de la dame, les rondeaux font seule retentir la voix de l’amant, faisant tourner dans leur mouvement circulaire, une parole devenue solitaire, nourrie de l’impossible qui l’anime. Quant à la complainte qui vient clore l’ensemble, elle fait entendre cette fois la voix de la dame, pleurant l’amour perdu. Les voix sont disjointes pour dire l’échec de l’amour. Ce classement témoigne donc d’une réflexion poétique, d’une démonstration de maîtrise et de définition des différentes formes de la lyrique. On peut également y lire, comme le suggère D. Lechat, « une compétition poétique » entre les amants56, une compétition dont le prix reviendrait à la dame57, seule à manier, à la fin, le genre réputé plus complexe de la complainte58. La défaite amoureuse s’est muée en victoire poétique ; une victoire poétique qui fait écho à la maîtrise affichée de Christine dans l’espace extradiégétique.

***

C’est donc en déguisant sa voix derrière celle d’un duc amoureux, en la dédoublant dans les discours de la dame de la Tour et de la princesse en larmes que Christine de Pizan lève le masque de l’amour, en démonte, pourrait-on dire, les ficelles. Cette portée didactique et exemplaire que Christine impose à son texte emprunte ici la forme de la lettre en prose. Elle fait également du Livre du Duc une pièce à joindre au dossier de la querelle du Roman de la Rose qui, à la même époque, a opposé Christine et les partisans de Jean de Meun : prenant le contre-pied d’un discours d’homme sur l’amour, la poétesse se faisait l’avocate des femmes, objets des désirs et de la misogynie masculine59. Le Livre du Duc est la dernière fiction narrative, traversée d’insertions lyriques, à travers laquelle Christine effectue sa dénonciation des illusions de l’amour, avant le recueil des Cent Ballades d’Amant et de Dame qui, dix ans plus tard, reformule la fin du Livre du Duc. Dans la ballade III, elle fait écrire au duc :

Ha ! Amours…
[…] l’en te doit reprendre
De porter double visage ;
Mais l’un a couleur de cendre
Et l’autre a d’un ange l’image60.

Je terminerai sur l’image de la cendre, de la fumée qui ponctue régulièrement le Livre du Duc. Selon la dame de la Tour, de même que le feu dégage de la fumée, l’amour suscite la médisance. Or c’est la fumée même de l’amour que soulève ici Christine. L’écriture de la veuve est une écriture de la cendre : elle met en fumée, en cendres la fiction d’amour. C’est d’une voix de Sibylle que Christine prophétise la cendre à l’horizon du feu. Car la cendre est aussi discours de sagesse. C’est en renonçant à l’amour de Phébus, en choisissant de vieillir indéfiniment jusqu’à devenir aussi légère qu’une poignée de poussière, jusqu’à n’être plus qu’une voix au travers de la poussière, que la Sibylle a trouvé le don suprême de sagesse61. Ici, c’est en défaisant d’Amour le visage d’ange, en lui redonnant sa couleur de cendre, que Christine se fait entendre et forge son immortalité poétique.

Notes

1 Virelais, Œuvres poétiques de Christine de Pisan, publiées par M. Roy, Paris, Firmin Didot, 1886-1896, t. I, I, p. 101. Retour au texte

2 Cent Ballades, Œuvres poétiques de Christine de Pisan, éd. cit., t. I, ballade L, p. 51. Retour au texte

3 P. Romagnoli, « Les formes de la voix : masques et dédoublements du Moi dans l’œuvre de Christine de Pizan », Au champ des escriptures, actes du IIIe Colloque international sur Christine de Pizan, Lausanne, 18-22 juillet 1998, éd. Éric Hicks avec la collaboration de Diego Gonzalez et Philippe Simon, Paris, Champion, 2000, pp. 73-90. Retour au texte

4 Le Livre du Duc des vrais Amants, Œuvres poétiques de Christine de Pisan, éd. cit., t. III, 1896. Voir également D. Demartini et D. Lechat, Le Livre du Duc des vrais Amants, édition, traduction et notes, Paris, Champion Classiques, à paraître. Retour au texte

5 Le Livre des Fais et bonnes Meurs du sage Roy Charles V, achevé en 1404. Voir également sur ce thème, la ballade 50 des Cent Ballades : « Qu’en verité ailleurs sont mes labours », éd. cit., v. 18. Retour au texte

6 B. K. Altmann, «  Trop peu en scay : the Reluctant Narrator in Christine de Pizan’s Works on Love », Chaucer’s french contemporaries. The poetry/poetics of self and tradition, ed. R. Barton Palmer, New York, AMS, 1999, pp. 217-249. Retour au texte

7 K. Brownlee, Poetic Identity in Guillaume de Machaut, Madison, University of Wisconsin Press, 1984. Retour au texte

8 K. Brownlee, «Discourses of the Self : Christine de Pizan and the Rose», Romanic Review, 79, 1988, pp. 99-221. Retour au texte

9 Œuvres poétiques de Christine de Pisan, éd. cit., vv. 1-34. Retour au texte

10 Ballades 1, 50 et 100 des Cent Ballades. Retour au texte

11 Cent Ballades d’Amant et de Dame, éd. J. Cerquiglini, 10/18, Bibliothèque Médiévale, 1982. Retour au texte

12 Sur le dialogue masculin / féminin dans le Livre du Duc, voir D. Lechat, « Discorde ou concorde des langages masculins et féminins dans Le Livre du Duc des vrais Amants de Christine de Pizan », La Discorde des deux langages : représentations des discours masculins et féminins au Moyen Âge classique, éd. C. Liaroutzos et A. Paupert, Textuel, 49, 2006, pp. 53-71. Retour au texte

13 « Dont m’esbahi, mais j’esprouvay / Que vray homme fus devenu. » (La Mutacion de Fortune, éd. S. Solente, vv. 1360-61). Cf D. Kelly, « Les mutations de Christine de Pizan », Ainsi firent li ancessor, Mélanges de philologie médiévale offerts à Marc-René Jung, publiés par Luciano Rossi avec la collaboration de Christine Jacob-Hugon et Ursula Bähler, vol. II, Torino, Edizioni d’ell Orso, 1996, pp. 599-608. Retour au texte

14 P. Romagnoli, art. cit., p. 80. Retour au texte

15 Pour un relevé des citations courtoises illustrant aussi bien l’amour heureux (Lancelot, v. 1425, Tristan, v. 1441, Énéas, v. 1481, Florimont, v. 1520, Dumart le Gallois, vv. 1532-33, Cléomadés, v. 1544) que l’amour malheureux (Tristan, ligne 746, Caherdin 758, Chastelain de Couci 762-765, Chastelaine de Vergi 769-770), voir R. Krueger, « A woman’s respons : Christine de Pizan’s Le Livre du Duc des vrais Amants and the limits of romance », Women readers and the ideology of gender on old french verse romance, Cambridge, University Press, 1993, pp. 217-252. Retour au texte

16 Le Roman de la Rose de Guillaume de Lorris et de Jean de Meun, éd. et trad. A. Strubel, Paris, Le Livre de Poche, Lettres gothiques, 1992, vv. 1690-92. Retour au texte

17 Le Roman de la Rose, éd. cit., vv. 2049-2262. Retour au texte

18 L. Dulac, « Christine de Pisan et le malheur des « vrais amans », Mélanges de langue et littérature offerts à Pierre Le Gentil, Paris, SEDES, 1973, pp. 223-233. Retour au texte

19 Le Roman de la Rose, éd. cit., vv. 2263-2296. Retour au texte

20 Ibid., vv. 2715-2748. Retour au texte

21 Ibid., vv. 2297-2356. Retour au texte

22 Ibid., vv. 2457-2414. Retour au texte

23 Ibid., vv. 2593-2714. Retour au texte

24 Voir dans le Roman de la Rose, le passage où Malebouche calomnie l’Amant et réveille Jalousie, éd. cit., vv. 3509 et suivants. Retour au texte

25 Voir dans le Roman de la Rose, le discours de Jalousie qui fait construire une forteresse autour des rosiers et une tour au centre pour enfermer Bel Accueil, éd. cit., vv. 3509-34. Retour au texte

26 Ibid., vv. 2970-3070. Retour au texte

27 Voir dans le Roman de la Rose, la longue plainte de l’amant, éd. cit., vv. 3935-4056. Retour au texte

28 Voir dans le Roman de la Rose, l’intervention de Franchise et de Pitié, vv. 3109-3148, puis celle de Vénus, vv. 3149-3322. Retour au texte

29 « Qui dou songe la fin orra / Je vos di bien qu’il porra / Des geus d’amors assez apenre […] / La verité qui est coverte / Vos en sera lors toute aperte / Quant espondre m’orroiz le songe, / Car il n’i a mot de mensonge. » (Roman de la Rose, éd. cit., vv. 2065-74). Retour au texte

30 Sur l’aspect formel de cette lettre, voir J. Laird et E. J. Richards, « Tous parlent par une mesmes bouche : Lyrical Outbursts, Prosaic Remedies, and Voice in Christine de Pizan’s Livre du Duc des vrais Amants », Christine de Pizan and medieval french lyric, ed. D. J. Richards, University Press of Florida, 1998, pp. 103-131. Retour au texte

31 G. L. Smith, « De Marotelle au Lai mortel : La Pastoure et la Dame : la subversion discursive du code courtois dans deux ouvrages de Christine de Pizan », Au champ des escriptures, op. cit., pp. 651- 661. Retour au texte

32 Art. cit., p. 85. Retour au texte

33 « La dame de la haute garde / Qui de sa tor aval esgarde. » (Le Roman de la Rose, éd. cit., vv. 2971-72). Retour au texte

34 Voir C. Lucken « Les Muses de Fortune, Boèce, le Roman de la Rose et Charles d’Orléans », La Fortune, thèmes, représentations, discours, études rassemblées par Y. Foehr-Janssens et E. Métry, Genève, Droz, 2003, pp. 145-175. Retour au texte

35 « […] mon corps tout anïenti / Devint, si qu’a pou nel veoient / La gent, mais ma voiz ilz ouoïent / Qui trop durement leur plaisoit / Pour le voir quë el leur disoit. /Ainsi aage et grant sens acquis. » (Le Chemin de longue Étude, éd. et trad. Andrea Tarnowski, Paris, Le Livre de Poche, Lettres gothiques, vv. 545 et suivants (citation vv. 585-591) ; réécriture d’Ovide, Métamorphoses, tome III, texte établi et traduit par Georges Lafaye, Paris, Les Belles Lettres, 1988, Livre XIV, vv. 101-153. Retour au texte

36 Christine de Pizan écrit à propos des sibylles : « Ycestes dames userent toute leur vie en virginité et despriserent polucion » (Le Livre de la Cité des Dames, éd. Earl Jeffrey Richards, trad. en italien par Patrizia Carafi, Milan, Luni Editrice, 2e édition, 1998, II, I, p. 220). Sur le lien entre virginité et voix d’autorité, voir J. Cerquiglini-Toulet, « Écho et Sibylle, la voix féminine au Moyen Âge entre affirmation et extinction », Le genre de la voix, Équinoxe, 23, 2002, pp. 81-91. Retour au texte

37 Voir le Regimine principum de Gilles de Rome ou les propres œuvres de Christine de Pizan sur ce modèle. Retour au texte

38 À noter le caractère exemplaire de cette lettre que Christine insère dans le Livre des trois Vertus (1405) et dont elle clôt la première partie destinée aux « princesses et hautes dames ». Elle y est donnée à la dame par sa vieille gouvernante (Le Livre des trois Vertus, éd. Charity C. Willard, texte établi en collaboration avec E. Hicks, Paris, Champion, 1989, pp. 109-120). Retour au texte

39 L. Dulac, « La gestuelle chez Christine de Pizan : quelques aperçus », Au champ des escriptures, op. cit., pp. 609-626. Retour au texte

40 Telma Fenster, « La Fama, la femme, et la dame de la Tour : Christine de Pizan et la médisance », Au champ des escriptures, op. cit., pp. 461-477. Retour au texte

41 Lettre V, éd. cit., p. 166. Retour au texte

42 Quant a la plaisance… », ibid. Retour au texte

43 « Et quant a dire : ce ne seroit mie mal puis que fait de pechié n’y sera… », ibid., p. 167. Retour au texte

44 « Et a dire : je feray un home vaillant… », ibid. Retour au texte

45 « Et quant a dire : j’aray acquis un vray ami et serviteur… », ibid. Retour au texte

46 « Et encore, ma dame, se vous ou aultre vous voulez excuser en disant : je ay diverse partie qui pou de loyaulté et de plaisir me fait, pour ce puis sans mesprendre avoir plaisir en aucun autre pour oublier melancolie et passer le temps… », ibid. Retour au texte

47 Sibylle de la Tour joint à sa lettre une ballade implorant les « dames d’honneur » ; ballade figurant par ailleurs comme la quarante-troisième des Autres balades, dans Œuvres poétiques, éd. cit., t. I, pp. 257-258. Sur l’honneur, voir également le long discours sur l’honneur des dames que Christine insérera dans le Trésor de la Cité des Dames. Retour au texte

48 « Et quant a avoir plaisance… », ibid.. Retour au texte

49 « Pour ce, très chiere dame, ne vous vueillez fichier en si fait peril, et, se aucune pensée y avez eue, pour Dieu ! vous en vueillez retraire ains que plus grant mal vous en suive… », ibid., p. 171. Retour au texte

50 R. Krueger, op. cit., pp. 236-237. Retour au texte

51 Lettre V, éd. cit., p. 169. Retour au texte

52 « Dit ay le commencement / Moyen et fin ensement / Des amours ou j’oz assez /Peines et dures pensées. (vv. 3523-27) Retour au texte

53 Comme l’écrit L. Dulac, « il y a un décalage tragique entre la conclusion lyrique de la dame, en marge de l’anecdote, et les déclarations résignées, mais apaisées du jeune Duc » (« Christine de Pisan et le malheur des “vrais amans” », art. cit., p. 232). Retour au texte

54 « Il me dit que pour garder honneur toudis, / Il ne me voit, mais mallement m’abuse, / Qui ensement sur mon honneur s’excuse. » (éd. J. Cerquiglini, op. cit., ballade XCVI, vv. 5-7) Retour au texte

55 Lettre V, éd. cit., p. 169. Retour au texte

56 D. Lechat, « Discorde ou concorde… », art. cit.. Retour au texte

57 Selon D. Lechat, ibid., et à la suite de J. C. Laidlaw, dans l’échange de virelais, la dame fait preuve de plus de richesse et d’inventivité ; J. C. Laidlaw, « Les virelais de Christine de Pizan », Sur le Chemin de longue Étude, Actes du colloque d’Orléans, juillet 1995, éd. B. Ribémont, Paris, Champion, 1998, pp. 111-125. Retour au texte

58 Sur la complexité de la complainte, et sa parenté avec le lai, voir D. Poirion, Le Poète et le Prince, l’évolution du lyrisme courtois de Guillaume de Machaut à Charles d’Orléans, Paris, PUF, 1965, pp. 415-418, et D. Lechat, art. cit. Pour aller dans ce sens, c’est, comme nous l’avons dit, sur un lai de la dame intitulé Lai de Dame puis Lai mortel, que s’achèvera le recueil des Cent Ballades d’Amant et de Dame. Retour au texte

59 Voir Le Débat sur le Roman de la Rose, éd. E. Hicks, Paris, Champion, 1977. Retour au texte

60 Éd. cit., ballade III, vv. 1859 et 1863-66. Retour au texte

61 Voir Le Chemin de longue Étude, éd. cit., vv. 545 et suivants, et Ovide, nullique videnda / Voce tamen noscar ; vocem mihi fata relinquent (Les Métamorphoses, éd. cit., Livre XIV, vv. 152-153). Sur la voix féminine et le corps déréalisé, voir J. Cerquiglini-Toulet, « Écho et Sibylle, la voix féminine … », art. cit. Retour au texte

Citer cet article

Référence papier

Dominique Demartini, « Figures du poète dans le Livre du Duc des vrais Amants de Christine de Pizan ou l’amour démasqué », Bien Dire et Bien Aprandre, 25 | 2007, 87-104.

Référence électronique

Dominique Demartini, « Figures du poète dans le Livre du Duc des vrais Amants de Christine de Pizan ou l’amour démasqué », Bien Dire et Bien Aprandre [En ligne], 25 | 2007, mis en ligne le 01 mars 2022, consulté le 18 mai 2024. URL : http://www.peren-revues.fr/bien-dire-et-bien-aprandre/938

Auteur

Dominique Demartini

Université de Paris III – Sorbonne Nouvelle

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