La chaire de géologie du Muséum National d’Histoire Naturelle : focus sur Stanislas Meunier et la géologie expérimentale

  • The chair of geology of the Muséum National d’Histoire Naturelle: focus on Stanislas Meunier and experimental geology

DOI : 10.54563/asgn.2468

p. 149-152

Abstracts

Cet article explore l’histoire de la chaire de géologie du Muséum national d’histoire naturelle de Paris en s’intéressant plus particulièrement au scientifique Stanislas Meunier. La galerie de géologie et de minéralogie conserve des collections anciennes constituées par les différents titulaires de la chaire de géologie depuis la fin du XVIIIe siècle. Stanislas Meunier est un scientifique qui a marqué les collections de la galerie par la place qu’il a occupée à la chaire. Il joue un rôle très important dans l’introduction de la géologie expérimentale en France et l’enseigne au Muséum. Les échantillons de sa collection de géologie expérimentale sont des témoignages des pratiques du scientifique à la fin du XIXe siècle.

This article explores the history of the chair of geology of the Muséum national d'histoire naturelle in Paris by focusing on the scientific Stanislas Meunier. The gallery of geology and mineralogy preserves old collections created by the various holders of the chair of geology since the end of the 18th century. Stanislas Meunier is a scientist that had an impact on the gallery’s collections by the role he occupied at the chair. He plays an important role in the introduction of experimental geology in France and teaches it at the Muséum. The samples of his experimental geology collection are testimonies of scientific practices at the end of the 19th century.

Index

Mots-clés

géologie, histoire, muséum, science

Keywords

geology, history, museum, science

Outline

Text

Nous tenons à remercier Charlotte Bigg pour sa relecture et contribution à cette publication.

Brève histoire de la chaire de géologie du Muséum

Parmi les huit titulaires successifs de la chaire de Géologie du Muséum national d’Histoire naturelle créée le 10 juin 1793, Barthélemy Faujas de Saint-Fond en a été le premier et Lucien Leclaire le dernier. En 2001, le Muséum bascule en effet vers un système où les directions et départements sont chargés des collections et des personnels. En un peu plus de 200 ans, quatre grandes périodes d’accroissement des collections de Géologie peuvent être identifiées, aboutissant à la création d’une collection majeure comprenant aujourd'hui près de 800 000 spécimens. Parmi eux, on trouve des roches, des forages, des artefacts archéologiques et un grand nombre d’objets divers ayant contribué à la découverte et à la compréhension de notre monde. Ces échantillons sont conservés dans les réserves historiques du Muséum national d’Histoire naturelle. Les différentes phases d’accroissement de cette collection, les types d’échantillons et leurs méthodes de classement sont directement liées aux recherches des titulaires successifs de la chaire de géologie et plus largement aux contextes dans lesquelles celles-ci se sont déployées.

Le début du XIXe siècle est une période de découverte et d’exploration du monde durant laquelle Barthélemy Faujas de Saint fond puis Pierre-Louis Cordier contribuent intensément à enrichir les collections de l’ancien Jardin du roi. Barthélemy Faujas de Saint Fond est le véritable fondateur de la géologie au Muséum. Ses travaux en volcanologie l’amènent à voyager dans toute l’Europe. Il procure notamment au Comte de Buffon des échantillons de basalte pour élaborer l'Histoire naturelle des minéraux de ce dernier. Durant ses 26 ans à la chaire, Faujas de Saint Fond réunit environ 1 500 spécimens de roches au sein du cabinet d’Histoire naturelle. En 1819, Pierre-Louis Cordier lui succède et donne une tout autre ampleur à la collection en construisant et alimentant une collection à classement géographique visant à la constitution d'une cartographie de la géologie mondiale. Grand voyageur et adepte de l'observation de terrain, durant quatre décennies il nourrit la collection, qui comporte à son départ près de 200 000 spécimens de roches.

La deuxième période se caractérise par le développement de l’expérimentation en géologie. Succédant à Louis Cordier en 1861, Auguste Daubrée (1814-1896) étudie la transformation des minéraux sous l’influence de divers agents environnementaux, simulant la diagenèse et le métamorphisme. Il tente notamment de rendre compte d'observations dans la nature via des expérimentations, revendiquant la création de la géologie expérimentale. Daubrée est aussi pionnier dans la constitution d'une collection de météorites qu’il sépare du reste de la collection de géologie. Son aide naturaliste Stanislas Meunier devient titulaire de la chaire de géologie du Muséum en 1892. Très prolifique, Meunier réalise une étude poussée de la géologie du bassin de Paris mais continue surtout les recherches de géologie comparée et géologie expérimentale initiées avec Daubrée.

La troisième période, liée à la recherche et l’exploitation de ressources énergétiques fossiles mais aussi à l’étude des territoires des colonies françaises, correspond à l'occupation de la chaire par Paul Lemoine (1921-1940), travaux soutenus par un vaste réseau de collaborateurs scientifiques. À cette époque, le Muséum a par ailleurs joué un rôle important dans l'étude et l'exécution de nombreux grands travaux publics réalisés par la Ville de Paris et du département. Ces travaux, réalisés sous l'égide de Robert Soyer, assistant de la chaire, confèrent au laboratoire de géologie une réputation d'expertise en la matière. René Abrard (1941-1962) puis Robert Laffite (1963-1980) prennent la suite à la chaire de géologie, contribuant au développement de la géologie sédimentaire, de la stratigraphie et en proposant de nouvelles voies de recherche, par exemple sur les dépôts évaporitiques et les sédiments océaniques. Enfin, à partir de 1980 le dernier titulaire de la chaire Lucien Leclaire oriente le laboratoire vers la paléocéanographie et la paléoclimatologie, tout en agrandissant les réserves par la création de 3 chambres froides pour y conserver les retours des carottages océaniques.

 

Dans la deuxième partie de cet article, nous présentons de manière plus détaillée les activités aujourd'hui peu connues de Stanislas Meunier.

Stanislas Meunier (1843-1925)

Stanislas Meunier (1843-1925)

Stanislas Meunier est formé à la chimie au sein du laboratoire d'Edmond Frémy à l’École polytechnique. Il entre au Muséum en 1867 en qualité qu’aide-naturaliste sous la direction d’Auguste Daubrée, titulaire de la chaire de géologie de 1861 à 1891. Meunier rédige une thèse sur les météorites en 1869 pour laquelle il obtient le prix Lalande de l’Académie des Sciences, un prix jusqu’alors réservé aux travaux en astronomie. En 1873, Stanislas Meunier est chargé d’assurer la moitié des cours de Daubrée, lui succédant ensuite à la chaire de géologie en 1892. Il publie en 1899 La géologie expérimentale puis en 1903 La géologie générale. Dans ce dernier ouvrage, Meunier développe sa théorie de l’activisme, qui postule une activité permanente dans les sols et les roches, comme une forme de vie continue dans la terre. Il est président de la Société géologique de France en 1913-1914. Figure oubliée aujourd'hui, son activité a pourtant marqué une transition dans l'histoire des collections de la Galerie de géologie et de minéralogie du Muséum. Jusqu'alors alimentée par des échantillons provenant de collectes sur le terrain, la collection s'élargit avec Meunier à des échantillons expérimentaux. À partir de ses résultats d’expériences, il crée la collection de géologie expérimentale.

La géologie expérimentale et sa collection

La géologie expérimentale est une branche de la géologie initiée en Angleterre par James Hall (1761-1832). Assistant du géologue James Hutton (1726-1797), Hall soumet à l'expérimentation les théories exposées dans Theory of Earth (1788) de Hutton. Cette approche est introduite en France par Daubrée via son Rapport sur les progrès de la géologie expérimentale (1867) puis ses Études synthétiques de géologie expérimentale (1879). Meunier, en collaboration avec Daubrée puis seul, poursuit cette voie. Alors que les études de Daubrée reposaient sur la synthèse de roches et de minéraux, Meunier réalise directement ses expériences sur les échantillons naturels de la collection, moins soucieux que Daubrée de leur conservation. Il se revendique comme précurseur de la géologie expérimentale en France et publie en 1899 un ouvrage éponyme qui rassemble ses cours au Muséum sur la question. Il définit la géologie expérimentale de la façon suivante :

« Son but, comme on le sait, est d’imiter, par les procédés du laboratoire, les phénomènes géologiques et les produits variés qu’ils ont engendré dans les diverses régions de l’écorce terrestre ».

Meunier crée une collection conséquente d’échantillons résultant de ses expériences. On compte aujourd'hui 11 tiroirs contenant 413 échantillons conservés dans l’un des sous-marins (réserves) de la Galerie de géologie et de minéralogie. La composition de cette collection est très variée : minéraux, fossiles, roches sédimentaires, météorites, lames minces, métaux, photographies, etc.. La collection comprend également des maquettes conçues par Meunier, aujourd'hui conservées dans la réserve extérieure du Muséum.

Nous avons initié ces derniers mois l'inventaire de cette collection quasiment intouchée depuis la mort de Meunier, l'accompagnant d'un travail de reconditionnement et d’informatisation, souvent source de redécouvertes. L'une d'entre nous (Léane Mousseau) a entrepris en parallèle dans le cadre de son master un travail de recherche sur les échantillons de la collection pour restituer le contexte de leur création, tel qu'il est éclairé par les nombreuses publications de Meunier. Les nombreuses illustrations figurant dans ces ouvrages permettent notamment de faciliter le travail d’association de ses recherches avec sa collection.

L’enseignement de la géologie selon Meunier

Les dernières décennies du XIXe siècle voient la formalisation de nombreuses disciplines scientifiques, dont la géologie. Au sein des universités, les cours de géologie ne sont pas encore codifiés. Les cours que donne Meunier à partir de 1873 au Muséum abordent une grande variété de sujets en lien avec la géologie, partant de grands principes pour ensuite développer la présentation de phénomènes spécifiques. L’histoire de la géologie et les découvertes récentes en la matière sont évoquées. C'est véritablement par le biais de ses leçons publiques que Meunier développe ses théories. Celles-ci sont nombreuses : entre 1892 et 1899, il prodigue par exemple 157 cours au Muséum avec une moyenne de 67 auditeurs par cours. Les cours de Meunier se déroulent aussi bien dans un amphithéâtre du Muséum que sur le terrain lors d’excursions hebdomadaires le dimanche dans le Bassin parisien, qui jouissent d'une bonne réputation parmi ses pairs. Ces excursions avaient pour but d’expliquer les phénomènes géologiques en passant par l'observation directe. Ses cours de géologie expérimentale comportent la démonstration d'expériences mises au point selon les principes de sa méthode expérimentale.

Sources et numérisation

Les cours de géologie de Stanislas Meunier ont laissé un corpus important de traces écrites, dont la majorité n'a pas fait l'objet d'une numérisation. Les Archives nationales accueillent de nombreux documents, non numérisés à ce jour, qui documentent les cours de Meunier : fréquentation, affiches, correspondances et programmes. Meunier a lui-même publié l'intégralité de ses cours, conservés aujourd'hui à la Bibliothèque nationale de France. Seuls 16 sur un total de 116 cours ont été numérisés. Cette numérisation exclut le cours de géologie expérimentale. La bibliothèque du Muséum, enfin, accueille les archives ayant trait à la chaire de Stanislas Meunier. Aucun projet de numérisation de ces archives n'est envisagé à ce jour. Cette première plongée dans l'histoire et le patrimoine de la géologie expérimentale française dont nous avons rendu compte ici ouvre de nombreuses pistes d'étude et de valorisation qui restent à explorer.

Figure 1

Figure 1

Les échantillons de la collection de géologie expérimentale.
The samples of the experimental geology collection.

Bibliography

Buffon (1783). Histoire naturelle des minéraux, Imprimerie royale, Paris, 600 p.

Daubrée A. (1867). Rapport sur les progrès de la géologie expérimentale, Imprimerie impériale, Paris, 148 p.

Daubrée A. (1879). Études synthétiques de géologie expérimentale, éd. Dunod, Paris, 872 p.

Hutton J. (1788). Theory of earth, Transactions of the royal society of Edinburgh, Edinburgh, 84 p.

Meunier S (1899). La géologie expérimentale, F. Alcan, Paris, 307 p.

Meunier S (1903). La géologie générale, Bibliothèque scientifique internationale, Paris, 336 p.

Illustrations

References

Bibliographical reference

Léane Mousseau and Pierre Sans-Jofre, « La chaire de géologie du Muséum National d’Histoire Naturelle : focus sur Stanislas Meunier et la géologie expérimentale », Annales de la Société Géologique du Nord, 31 | -1, 149-152.

Electronic reference

Léane Mousseau and Pierre Sans-Jofre, « La chaire de géologie du Muséum National d’Histoire Naturelle : focus sur Stanislas Meunier et la géologie expérimentale », Annales de la Société Géologique du Nord [Online], 31 | 2024, Online since 02 décembre 2024, connection on 06 décembre 2024. URL : http://www.peren-revues.fr/annales-sgn/2468

Authors

Léane Mousseau

Université Paris 1 Panthéon Sorbonne

Pierre Sans-Jofre

Muséum national d’histoire naturelle

Copyright

CC-BY-NC