Deuxième complément à l'inventaire de la macroflore du Miocène Supérieur de la diatomite de Murat (Cantal, Massif Central, France)

  • Second addition to the inventory of the Upper Miocene macroflora from the Murat diatomite (Cantal, French Central Massif)

DOI : 10.54563/asgn.256

p. 61-70

Abstracts

Le gisement de diatomite de Murat (Cantal), daté à la limite Mio-Pliocène (Messinien), est particulièrement riche en végétaux fossiles. De nouvelles prospections effectuées de 2010 à 2019 ont permis de compléter les inventaires précédents. Seules cinq nouvelles formes fossiles ont été découvertes et sont décrites : trois nouvelles espèces (1 Filicophyte et 2 Magnoliophytes) et deux formes fossiles d'aiguilles de pin (Pinus sp., Coniferophytes). Deux autres espèces précédemment citées sont détaillées et figurées. Le nombre total d'espèces décrites dans la diatomite de Murat est maintenant de 86 : 4 Filicophytes, 11 Coniferophytes et 71 Magnoliophytes. La diatomite de Murat reste donc l'un des plus riches gisements de végétaux fossiles miocènes du Massif central. La flore est dominée par des espèces tempérées, mais des espèces plus froides et des espèces thermophiles sont aussi présentes.

A rich macroflora occurs in the diatomite beds located near the small town of Murat (Cantal, French Central Massif), dated near the Mio-Pliocene boundary (Messinian). New fossil samples collected from 2010 to 2019 allow to complement previous inventories. Only five new fossil forms have been found and are described: three new species (1 Filicophyta and 2 Magnoliophytae) and two fossil forms of needles of Pinus sp. (Coniferophytae). Two other species previously cited are figured and detailed. The number of species described from the diatomite of Murat is now 86 in total: 4 Filicophytae, 11 Coniferophytae and 71 Magnoliophytae. The diatomite of Murat is confirmed as one of the richest sites for Miocene flora in the French Central Massif. The flora is dominated by temperate species, but both cooler species and thermophilic species are also present.

Outline

Text

Introduction

Le gisement de diatomite dit « de Murat » (Cantal) est daté à la limite Mio-Pliocène et noté m3D (Miocène terminal : Messinien) sur la carte géologique au 1/50 000 (Durand & Rey, 1964 ; Goër de Hervé & Tempier, 1988). Les espèces fossiles de la macroflore livrée par ce gisement ont été précédemment mentionnées et/ou décrites par Marty (in Piton & Théobald, 1935), Privé-Gill (1987), Roiron (1991) et Legrand (2003, 2010). Cette courte note présente quelques formes fossiles nouvelles, découvertes depuis 2010 sur les tas de déblais de la carrière en exploitation, et apporte quelques précisions sur des formes précédemment signalées. Elle complète l’inventaire précédent (Legrand, 2010). Nous rappelons ici que :

  • les espèces fossiles sont nommées telles que décrites dans la littérature, et les espèces actuelles sont suivies par convention du qualificatif fossilis lorsque la forme fossile rencontrée semble s’identifier à une espèce vivante actuelle ;
  • la nomenclature botanique retenue pour les unités de rang supérieur au genre est celle préconisée par Judd et al. (2002).

Planche I

Planche I

Nouvelles formes fossiles de la macroflore miocène de la diatomite de Murat (Cantal, France). Fig. 1-2 : Pinus sp. à deux aiguilles (aiguilles fasciculées par 2). Fig. 3-4 : Pinus sp. à trois aiguilles (aiguilles fasciculées par 3). Fig. 5 : Abies ramesi Saporta (graine ailée). Fig. 6 : Polypodiaceaes.l., genre et espèce indéterminés (penne avec pinnules). Fig. 7 : Cercidiphyllum crenatum (Unger) Brown (feuille). Fig. 8 : Acer pseudocampestre Unger (syn. Acer campestre L. fossilis) (feuille). Fig. 9 : Nymphaea sp. (feuille). Fig. 10 : Nymphaea sp. (feuille : détail de la nervation). Pour toutes les figures, la barre d'échelle = 1 cm. Collection Philippe LEGRAND.
 
New fossil forms of the Miocene macroflora from the Murat diatomite (Cantal, France). Fig. 1-2: two-needle Pinus sp. (bundles of two needles). Fig. 3-4: three-needle Pinus sp. (bundles of three needles). Fig. 5: Abies ramesi Saporta (winged seed). Fig. 6: Polypodiaceaes.l., gen. et sp. indet. (pinna with pinnules). Fig. 7: Cercidiphyllum crenatum (Unger) Brown (leaf). Fig. 8: Acer pseudocampestre Unger (syn. Acer campestre L. fossilis) (leaf). Fig. 9: Nymphaea sp. (leaf). Fig. 10: Nymphaea sp. (leaf with detail of nervation). For all figures, scale bar = 1 cm. Collection Philippe LEGRAND.

Nouvelles formes fossiles récoltées

TRACHÉOPHYTES À SPORES (FILICOPHYTES)
Fougères leptosporangiées (Polypodiophytes)
Famille POLYPODIACEAE s. l.

Polypodiaceae s. l., gen. et sp. indet.
(Planche I, fig. 6)

Un spécimen fossile très fragmentaire, très petit et de mauvaise conservation, ne permettant pas une identification plus précise, est figuré ici pour mémoire. Il s'agit de la partie terminale d'une fronde portant des pinnules d'environ 3 mm de long pour 1,5 mm de large, apparemment dentées.

SPERMATOPHYTES NON ANGIOSPERMES
CONIFEROPHYTES
Famille PINACEAE

Abies ramesi Saporta
(Planche I, fig. 5)

Roiron (1991) avait rapporté à cette espèce des graines dont les graines elles-mêmes sont mal conservées ou absentes, seule l'aile étant conservée. Nous figurons ici une graine complète, munie de son aile.

Pinus sp. à deux aiguilles
(Planche I, fig. 1-2)

Nous avions précédemment signalé des aiguilles isolées et un rameau feuillé, de mauvaise conservation, dont il était impossible de préciser le nombre d’aiguilles par faisceau (Legrand, 2010). Nous avons depuis découvert plusieurs aiguilles fasciculées par deux, robustes, et atteignant 8-10 cm de longueur.

Pinus sp. à trois aiguilles
(Planche I, fig. 3-4)

Nous avons de plus découvert plusieurs aiguilles fasciculées par trois, plus fines que celles fasciculées par deux, et atteignant 3-7 cm de long. Laurent (1904-1905) signale aussi des aiguilles de pin fasciculées par trois dans le Miocène supérieur du Cantal, à La Mougudo.

ANGIOSPERMES (MAGNOLIOPHYTES)
Ordre NYMPHAEALES
Famille NYMPHAEACEAE

Nymphaea sp.
(Planche I, fig. 9-10)

Les feuilles fossiles de nénuphar, dont de nombreux spécimens et espèces ont été décrits dans le Tertiaire, sont généralement placées arbitrairement dans le genre Nymphaea, le plus important actuellement. En effet, les caractères foliaires sont généralement insuffisants pour séparer convenablement les genres (notamment Nymphaea et Nelumbium), et les espèces de cette famille. Judd et al. (2002) estiment d'ailleurs que les Nymphaeaceae sont clairement monophylétiques. Dans la diatomite de Murat, nous n'avons trouvé qu'une grande feuille dont seule une partie d'environ 20x22 cm est conservée.

Ordre SAXIFRAGALES
Famille CERCIDOPHYLLACEAE

Cercidiphyllum crenatum (Unger) Brown
(Planche I, fig. 7)

Nous n'avons trouvé qu'une seule feuille d'environ 7 cm de diamètre, à la nervation et à la marge dentée caractéristiques, avec des dents régulières et globalement obtuses. Elle comporte 3-5 nervures à la base ; la nervation tertiaire est non régulièrement percurrente, concentrique, obtuse par rapport à la primaire, comme chez Grewia. Anciennement rapportée aux Malvaceae ou aux Tiliaceae sous le nom de Grewia crenata (Unger) Heer (Knobloch, 1969 ; Ferguson, 1971), cette forme fossile avait déjà été signalée dans le Miocène supérieur (Tortonien-Messinien) du Cantal : dans le gisement de La Mougudo (Laurent, 1904-1905), à Niac (Laurent, 1908), à Fontgrande et au Saut de Jujieu (Lauby, 1909-1910 ; Marty, 1931).

Ordre SAPINDALES
Famille Sapindaceae (y compris Aceraceae)

Acer pseudocampestre Unger (syn. Acer campestre L. fossilis)
(Planche I, fig. 8)

Considérée comme une forme ancestrale de l'actuel érable champêtre (Acer campestre L.), cette forme fossile palmatilobée décrite sous différentes dénominations avait déjà été signalée dans la diatomite de Murat par Roiron (1991). Nous n'en avons trouvé qu'une seule feuille de petite taille (3x2,5 cm).

Mise à jour de l'inventaire de la macroflore

Le tableau 1 présente la liste complète des formes fossiles rencontrées jusqu’à présent dans le gisement de diatomite de Murat, avec la référence bibliographique des différentes mentions (citation seule des espèces ou citation avec illustration).

Ce gisement permet d'apprécier la diversité de la flore à la limite Miocène-Pliocène. De nombreuses espèces présentes à Murat traduisent un climat tempéré, certaines un climat plutôt frais possiblement dû à l'altitude, mais elles y côtoient aussi des taxons thermophiles, avec notamment plusieurs espèces d'affinités tropicales ou méditerranéennes. Certaines formes fossiles ne sont connues qu'à l'état fossile, d'autres formes ont des proches parents actuels à la morphologie similaire toujours présents aujourd'hui en Europe, tandis que d'autres encore ont disparu d'Europe mais ont des proches parents actuels qui existent toujours par exemple en Asie. Bien que plus riche en espèces, la flore fossile de Murat reste similaire à celle des autres gisements du Miocène supérieur du Cantal (Legrand, 2003, 2010).

Tableau 1

FORMES FOSSILES RECOLTEES REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
Filicophytes
Asplenium viride Huds. fossilis (penne avec pinnules) 4
Equisetum sp. aff. E. fluviatile L. fossilis (tige) 4
Pteridium aquilinum (L.) Kuhn fossilis (penne avec pinnules) 5
Polypodiaceae s.l., genre et espèce indéterminés (penne avec pinnules) 7
Coniférophytes
Abies sp. ? ou Cedrus sp. ? (base de cône) 4
Abies sp. et/ou Cedrus sp. (aile de graine) 5
Abies ramesi Saporta (graine ailée, aile de graine) 3,7
Abies ramesi Saporta (aiguille isolée) 3, 4
Abies ramesi Saporta (rameau feuillé) 5
Cedrus sp. et/ou Picea sp. (aiguilles) 4, 5
Cedroxylon sp. Kraus (bois) 2
Cedrus miocenica Lauby (graine ailée) 4
Cedrus miocenica Lauby (écaille de cône femelle) 4
Cedrus miocenica Lauby (chaton mâle) 4
Cedrus miocenica Lauby (rameau défeuillé) 4
Glyptostrobus europaeus (Brongniart) Heer (rameau feuillé) 3
Juniperus sp. section sabina (rameau) 4
Picea sp. (graine ailée) 3, 4
Picea sp. (cône femelle) 3, 4
Picea sp. (aiguille) 3
Piceoxylon sp. et/ou Pinuxylon sp. (bois) 5
Pinus sp. 1 aff. P. sylvestris L. fossilis (graine ailée) 3, 4, 5
Pinus sp. 2 aff. P. nigra Arn. fossilis (graine ailée) 5
Pinus sp. (cône femelle) 5
Pinus sp. (rameau feuillé) 5
Pinus sp. (aiguille isolée) 5
Pinus sp. à deux aiguilles (aiguilles fasciculées par 2) 7
Pinus sp. à trois aiguilles (aiguilles fasciculées par 3) 7
Pseudolarix schmidtgenii Kräusel (= P. amabilis [J. Nelson] Redher fossilis) (graine ailée) 5
Sequoia langsdorfii (Brongniart) Heer (rameau feuillé) 3
Tsuga europaea Menzel (rameau feuillé avec cône femelle) 5
Magnoliophytes (Angiospermes)
Graines indéterminées, isolées ou en amas 5
anciennement Angiospermes Monocotylédones
Monocotylédones (feuilles) 3, 4
Bambusa sp. (feuille) 3
Bambusa lugdunensis Saporta & Marion (feuille) 4
Potamogeton sp. (feuille ovale-oblongue) 4
Potamogeton crispus L. fossilis (tige feuillée submergée) 5
anciennement Angiospermes Dicotylédones
Acer sp. (samare) 3, 4
Acer decipiens Al. Braun (feuille) 4
Acer laetum pliocenicum Saporta & Marion = Acer integerrimum (Viv.) Mass. (feuille) 1, 3, 4
Acer opalus Mill. fossilis (= Acer opulifolium Vill.) (feuille) 3
Acer palmatum Thunberg fossilis = Acer sanctae-crucis Stur (feuille) 3, 4
Acer platanoides L. fossilis (feuille) 3, 4
Acer pseudocampestre Unger = Acer campestre L. fossilis (feuille) 3, 4, 7
Acer pseudoplatanus L. fossilis 5
Acer tricuspidatum Bronn (= Acer trilobatum Al. Br.) (feuille) 3, 5
Alnus sp. (strobile femelle) 3, 4
Alnus sp. (chaton mâle) 5
Alnus glutinosa (L.) Gaertner fossilis (feuille) 3, 4
Alnus kefersteinii Unger (feuille) 3, 4
Alnus stenophylla Saporta & Marion = Alnus hoernesi Stur (feuille) 1, 3, 4
Alnus viridis D.C. fossilis (feuille) 3
Berberis sp. cf. B. regeliana Koehne fossilis (feuille) 3,4
Betula sp. (écaille de chaton femelle) 3
Betula sp. (graine ailée) 5
Betula macrophylla (Goeppert) Heer (feuille) 3, 4
Betula subpubescens Goeppert (feuille) 4
Buettneria tiliaefolia (Al. Braun) Depape (feuille) 4
Carpinus betulus L. fossilis (fruit avec involucre) 3, 4
Carpinus orientalis Mill. fossilis (fruit avec involucre) 3, 4
Carpinus suborientalis Saporta (feuille) 3, 4
Carya minor Saporta & Marion (feuille ; foliole) 3, 4
Cedrela sp. (graine) 4
Cedrela sp. (feuille) 3
Celtis australis L. fossilis (feuille) 3, 4
Ceratophyllum demersum L. fossilis (tige feuillée) 3, 4
Cercidiphyllum crenatum (Unger) Brown (feuille) 7
Cercis aff. Cercis siliquastrum L. fossilis (feuille) 4
Cornus sanguinea L. fossilis (feuille) 5
Corylus avellana L. fossilis (feuille) 4
Crataegus sp. série Crus-Galli et Punctata (feuille) 4
Crataegus sp. cf. C. douglasii Lindl. fossilis (feuille) 3
Dombeyopsis lobata Unger (feuille) 3, 4
Fabaceae (fruit : gousse de Légumineuse) 5
Fagus pliocenica Saporta (feuille) 4
Fraxinus sp. (feuille) 4
Hedera helix L. fossilis (feuille) 3, 4, 5
Ilex geissertii Kvacek, Teodoridis & Wang (feuille ; rameau avec feuilles et fruits) (= Ilex boulei Saporta sensu Legrand, 2003) 3, 4, 5, 6
Juglans regia L. fossilis (foliole) 1, 3, 4
Laurus azorica (Seub.) J. Franco fossilis (feuille) 4
Myrica sp. (feuille) 4
Myriophyllum sp. (tiges feuillées) 1, 5
Nymphaea sp. (feuille) 7
Persea indica Spr. fossilis (feuille) 4
Phellodendron sp. cf. P. amurense Rupr. fossilis (feuille) 3
cf. Photinia sp. (feuille) 3, 5
Platanus aceroides Goeppert (feuille) 5
Populus alba L. fossilis (feuille) 4
Populus x canescens (Ait.) Sm. fossilis (feuille) 4
Populus nigra L. fossilis (feuille) 4, 5
Populus nigra L. fossilis (chaton) 5
Populus tremula L. fossilis (feuille) 3, 4
Prunus acuminata Al. Br. (feuille) 3
Prunus microdonta N. Boulay (feuille) 4
Prunus pereger Unger (feuille) 5
Pterocarya denticulata Heer (foliole) 4
Quercoxylon böckhianum (Felix) Müller-Stoll & Mädel (bois) 2
Quercus hispanica Rérolle (feuille) 1, 3, 4
Quercus kubinyi (Kov.) Berger (= Castanea kubinyi Kov.) (feuille) 3
Quercus sp. cf. Quercus macranthera Fisch. & Mey. fossilis (feuille) 3, 4
Rosa sp. cf. Rosa californica Cham. & Schlechtd. fossilis (foliole) 3, 4
Salix sp. à feuilles étroites (feuille) 4
Sapindus falcifolius Al. Braun (foliole) 4
Sassafras ferrettianum Massalongo (feuille entière, feuille trilobée) 4, 5
Sorbus aria (L.) Crantz fossilis (feuille) 4
Tilia sp. (bractée florale) 3, 4
Tilia tomentosa Moench. fossilis (feuille) 3, 4
Ulmus sp. (samare) 3, 4
Ulmus braunii Heer (feuille) 1, 3, 4
Ulmus sp. cf. Ulmus fulva Michx. fossilis (feuille) 3, 4
Viscophyllum pliocaenicum (Engelh.) Mädler 5
Vitis sp. ? (inflorescence) 4
Vitis praevinifera Sap. (feuille) 4
Vitis vivariensis N. Boulay aff. Vitis vinifera L. fossilis (feuille) 4
Zelkova ungeri Kovats aff. Z. carpinifolia (Pall.) K. Koch fossilis (feuille) 1, 3, 4
Zelkova ungeri Kovats aff. Z. serrata (Thunb.) Mak. fossilis (feuille) 3, 4

Inventaire de la macroflore de la diatomite de Murat (Cantal, Massif central). Colonne gauche : inventaire des formes fossiles rencontrées dans le gisement. Colonne droite : références bibliographiques des espèces citées. 1 = Marty in Piton & Théobald, 1935 ; 2 = Privé-Gill, 1987 ; 3 = Roiron, 1991 ; 4 = Legrand, 2003 ; 5 = Legrand, 2010 ; 6 = Kvacek et al., 2009 ; 7 = Legrand, cet article.
 
Inventory of the macroflora from the diatomite beds at Murat (Cantal, French Central Massif). Left column: inventory of the fossil forms in this locality. Right column: bibliographical references of cited species. 1 = Marty in Piton & Théobald, 1935 ; 2 = Privé-Gill, 1987 ; 3 = Roiron, 1991 ; 4 = Legrand, 2003 ; 5 = Legrand, 2010 ; 6 = Kvacek et al., 2009 ; 7 = Legrand, this paper.

Éléments complémentaires sur la flore de Murat

Dans une publication précédente (Legrand, 2003), nous avions effectué une comparaison entre la macroflore fossile récoltée et les analyses polliniques alors disponibles. Plus récemment (Legrand, 2010), nous avions souligné que les données palynologiques (bibliographie et discussion in Legrand, 2003) restaient très fragmentaires, et qu'aucune étude niveau par niveau n'avait été menée. Dans une publication récente, Fauquette et al. (2020) font état d'analyses polliniques menées sur 37 échantillons récoltés en 1974 (sic !) sur une épaisseur de diatomite de 34,5 mètres, avec des résultats obtenus sur 32 échantillons répartis sur une épaisseur de diatomite de 21 mètres. Ils ne précisent pas si ces échantillons ont été récoltés en un seul point de l'étendue du gisement, mais c'est probable puisqu'ils sont répartis sur toute sa hauteur, et c'est donc très restrictif. Ils ne corrèlent pas leurs prélèvements et leurs résultats avec les niveaux à i) Synedra (base de la formation), ii) Synedra (intermédiaire inférieur), iii) Melosira (intermédiaire supérieur), iv) Cyclotella (sommet de la formation). Or, selon le lieu de prélèvement, chaque niveau peut être plus ou moins développé : le niveau de base à Synedra n'a été que rarement atteint, car peu intéressant pour l'exploitant, et le niveau supérieur à Cyclotella peut même être absent, ayant été raboté par les glaciers (Legrand, 2010).

Fauquette et al. (2020) concluent à une très bonne corrélation entre les pollens analysés et la macroflore inventoriée, tout en ne prenant pas en compte la publication de Legrand (2010). Ils citent 88 taxa de pollens, dont de nombreux pollens de plantes herbacées non retrouvées ou non identifiables sous forme de macrorestes dans la diatomite. Ces auteurs reconstituent la végétation et insistent sur le développement d'un marécage à Glyptostrobus. Ils indiquent en effet que les pollens du « type Taxodium » appartiennent probablement à Glyptostrobus en raison d'abondants macrorestes signalés par Roiron (1991). Roiron (1991) rapporte en effet à ce genre une vingtaine de rameaux à écailles opposées dont certains sont ramifiés, ce qui est peu abondant face aux centaines (milliers ?) de feuilles d'Alnus stenophylla Saporta & Marion, espèce la plus représentée à Murat. Il en dessine deux exemplaires, et en figure la photographie d'un exemplaire. Or, aucune de ces figurations ne présente les caractères diagnostiques du genre, qui se caractérise par divers types de feuilles, avec surtout les feuilles décurrentes sur les rameaux. Au contraire, les fossiles figurés par Roiron (1991) se rapprochent de ceux que nous avons rapportés à Juniperus sp. section sabina (Legrand, 2003). Par ailleurs, Fauquette et al. (2020) rapportent aussi la présence de pollens du « type Cupressus-Juniperus ».

Fauquette et al. (2020) reconstituent la paléoaltitude des Monts du Cantal et du gisement de Murat en se basant notamment sur une limite altitudinale inférieure de l'actuel sapin pectiné (Abies alba Mill.) située à 1 200 mètres d'altitude. Or cette limite est globalement fausse et ne peut être retenue pour estimer une paléoaltitude ; elle ne tient par exemple pas compte des variations géographiques actuelles dans le Massif central ni de l'autécologie du sapin pectiné (voir les détails sur l'autécologie du sapin pectiné dans le Massif central dans Legrand, 2016). Par ailleurs, ces auteurs ne tiennent pas compte que l'Abies ramesi Saporta présent à Murat est considéré comme l'ancêtre de l'ensemble des sapins du pourtour méditerranéen, dont certains peuvent avoir une écologie assez différente d'A. alba et descendent beaucoup plus bas en altitude, car ils sont plus thermophiles qu'A. alba (Legrand, 2003 ; Legrand, 2016). La même remarque peut être formulée pour l'épicéa : Picea sp. à Murat (Legrand 2003) et Picea abies (L.) Karst. actuel qui n'est d'ailleurs pas spontané dans le Massif central mais y a été introduit par l'homme. Contrairement à ce qu'affirment Fauquette et al. (2020), rien ne prouve le développement d'une forêt de conifères à altitude plus élevée que le lac de maar où se sont déposées les diatomites. Les conifères ont très bien pu se développer à la même altitude que le lac, dans ses alentours, et dans une forêt mélangée de feuillus et de conifères.

Comme nous l'avons indiqué précédemment (Legrand, 2003), l'âge du gisement de diatomite de Murat a été longuement discuté avant l'obtention d'un âge absolu. Il a finalement été rapporté au Miocène terminal, Messinien m3D, en raison d'une intrusion basaltique qui a perturbé le fond du gisement et thermométamorphisé les diatomites, datée à 5,34 ± 0,3 Ma, ce qui donne un âge potentiel entre 5,6 et 5,04 Ma. La limite entre Miocène et Pliocène est aujourd'hui fixée à 5,333 Ma (International Chronostratigraphic Chart v2020/01, disponible à https://www.iugs.org/ics). En étudiant les courbes de variation selon les cycles climatiques des pollens de TsugaPicea uniquement, Fauquette et al. (2020) concluent à une meilleure adéquation d'un âge des pollens analysés compris entre 5,36 et 5,13 Ma, plutôt qu'à un âge de 5,52 à 5,33 Ma. Comme écrit précédemment (Goër de Hervé & Tempier, 1988 ; Legrand, 2003), les diatomites de Murat sont donc contemporaines des premières éruptions planéziennes de la région, aux confins mio-pliocènes. Il serait donc plus particulièrement intéressant i) d'effectuer des analyses polliniques sur le niveau de base à Synedra pour préciser les données de Fauquette et al. (2020) qui restent très fragmentaires et ne concernent de plus que TsugaPicea, et donc leur estimation de l'âge des diatomites, et mieux encore ii) d'obtenir de nouveaux âges absolus plus précis. Ceci tout au moins pour les auteurs qui ne se contentent pas d'un âge du gisement à la limite mio-pliocène et continuent de discourir soit d'un âge miocène, soit d'un âge pliocène, tout en ignorant que la limite mio-pliocène est elle-même sujette à précisions au fil du temps. La flore du gisement reste quant à elle marquée par de nombreuses espèces miocènes, pour une bonne part déjà présentes dans les autres gisements miocènes du Cantal.

Conclusions

L’inventaire de la macroflore fossile de la diatomite de Murat comportait précédemment 83 espèces : 3 Filicophytes, 11 Coniferophytes (dont 1 bois fossile), 69 Magnoliophytes (dont 4 Angiospermes Monocotylédones en comptabilisant deux espèces fossiles de Bambusa, et 65 Angiospermes Dicotylédones dont 1 bois fossile, et en comptabilisant deux espèces de Carpinus, l'espèce de forme C. suborientalis Saporta recouvrant les deux espèces C. orientalis Miller fossilis et C. betulus Linné fossilis présentes sous forme de fruits avec involucre) (Legrand, 2010).

Les prospections complémentaires effectuées sur la période 2010-2019 n'ont permis de découvrir que quelques rares espèces nouvelles :

  • une fougère leptosporangiée de la famille des Polypodiaceae s. l., genre et espèce indéterminés ;
  • deux Magnoliophytes : Nymphea sp. et Cercidiphyllum crenatum.

Le genre Pinus était déjà représenté à Murat par deux espèces distinctes sous forme de graines (Legrand, 2003, 2010). Les formes fossiles présentées dans cet article attestent de la présence de deux espèces distinctes sous forme d'aiguilles : un pin à 2 aiguilles et un pin à 3 aiguilles, sans qu'il soit possible de mettre en rapport les aiguilles avec les graines. Il faut donc considérer la présence d'au moins deux espèces distinctes du genre Pinus à Murat. Les autres formes fossiles décrites dans cet article étaient déjà au moins partiellement connues. Malgré un échantillonnage assidu sur plusieurs années, et avec une intensité de prospection annuelle similaire à celle qui avait abouti aux inventaires précédents, peu de nouveautés ont été découvertes. Il est donc probable qu’on ait maintenant une vision assez complète de la flore de la diatomite de Murat. Avec l’abondance des spécimens récoltés notamment pour certaines espèces précédemment décrites, et avec sa grande diversité floristique, le gisement de diatomite de Murat reste l’un des plus riches gisements en végétaux fossiles des confins mio-pliocènes du Massif central, avec maintenant 86 espèces : 4 Filicophytes, 11 Coniferophytes et 71 Magnoliophytes.

Remerciements. — Nous remercions tout particulièrement M. Pierre Bila et M. Matthieu Priou, directeurs successifs de CELITE – Imerys Filtration France, et les personnels de cette société, M. Pascal Froment et Mme Sophie Lebas, qui nous ont toujours accueillis très cordialement sur le gisement de diatomite. Nous remercions aussi Mme Nathalie Peynon-Legrand pour son aide lors des récoltes, M. Alain Blieck (Société géologique du Nord) pour sa relecture attentive du manuscrit original, et les relecteurs des Annales, Mme Anaïs Boura (Sorbonne Université, Muséum National d’Histoire Naturelle, Paris) et M. Dario de Franceschi (Sorbonne Universités, Muséum National d’Histoire Naturelle, Paris), pour leurs suggestions complémentaires.

Bibliography

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FAUQUETTE S., SUC J.-P., POPESCU S.-M., GUILLOCHEAU F., VIOLETTE S, JOST A., ROBIN C., BRIAIS J. & BABY G. (2020). — Pliocene uplift of the Massif Central (France) constrained by the palaeoelevation quantified from the pollen record of sediments preserved along the Cantal Stratovolcano (Murat area). Journal of the Geological Society ; World Wide Web address: https://doi.org/10.1144/jgs2020-010 (accès le 03/07/2020).

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Illustrations

  • Planche I

    Planche I

    Nouvelles formes fossiles de la macroflore miocène de la diatomite de Murat (Cantal, France). Fig. 1-2 : Pinus sp. à deux aiguilles (aiguilles fasciculées par 2). Fig. 3-4 : Pinus sp. à trois aiguilles (aiguilles fasciculées par 3). Fig. 5 : Abies ramesi Saporta (graine ailée). Fig. 6 : Polypodiaceaes.l., genre et espèce indéterminés (penne avec pinnules). Fig. 7 : Cercidiphyllum crenatum (Unger) Brown (feuille). Fig. 8 : Acer pseudocampestre Unger (syn. Acer campestre L. fossilis) (feuille). Fig. 9 : Nymphaea sp. (feuille). Fig. 10 : Nymphaea sp. (feuille : détail de la nervation). Pour toutes les figures, la barre d'échelle = 1 cm. Collection Philippe LEGRAND.
     
    New fossil forms of the Miocene macroflora from the Murat diatomite (Cantal, France). Fig. 1-2: two-needle Pinus sp. (bundles of two needles). Fig. 3-4: three-needle Pinus sp. (bundles of three needles). Fig. 5: Abies ramesi Saporta (winged seed). Fig. 6: Polypodiaceaes.l., gen. et sp. indet. (pinna with pinnules). Fig. 7: Cercidiphyllum crenatum (Unger) Brown (leaf). Fig. 8: Acer pseudocampestre Unger (syn. Acer campestre L. fossilis) (leaf). Fig. 9: Nymphaea sp. (leaf). Fig. 10: Nymphaea sp. (leaf with detail of nervation). For all figures, scale bar = 1 cm. Collection Philippe LEGRAND.

References

Bibliographical reference

Philippe Legrand, « Deuxième complément à l'inventaire de la macroflore du Miocène Supérieur de la diatomite de Murat (Cantal, Massif Central, France) », Annales de la Société Géologique du Nord, 27 | 2020, 61-70.

Electronic reference

Philippe Legrand, « Deuxième complément à l'inventaire de la macroflore du Miocène Supérieur de la diatomite de Murat (Cantal, Massif Central, France) », Annales de la Société Géologique du Nord [Online], 27 | 2020, Online since 02 novembre 2021, connection on 06 décembre 2024. URL : http://www.peren-revues.fr/annales-sgn/256

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Philippe Legrand

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