Introduction
Environ 30 personnes ont participé en ce 28 septembre 2019 à une sortie en bus, ce qui permet à tous de partager les commentaires et de disposer d’une situation d’observation un peu surélevée. Cette sortie forme une boucle partant de Villeneuve d’Ascq (Cité Scientifique) par la A25 et y revenant par la A1 (Fig. 1 et 2). Elle va rechercher à la frontière belge (Mont Noir = arrêt 1) un point d’appui pour traverser tous les types de paysages qui, entre les monts de Flandres et les collines d’Artois, ont fourni des ressources diverses à de multiples générations depuis environ 200 000 ans. Elle permet aussi d’apprendre à « lire » dans ces paysages des marqueurs, plus ou moins discrets, de toutes les activités que toutes les sociétés humaines ont laissés. Sur un site donné, en faisant l’effort de s’abstraire de tout élément artificiel récent (revêtements routiers, voies ferrées, …), elle permet enfin de réfléchir aux questions que devaient se poser nos ancêtres quant à leur capacité de vivre dans ce milieu plutôt que dans un autre.
La géologie de ce territoire est faussement simple (Fig. 3). Les monts de Flandres sont des buttes de sable et d’argile, résidus d’une phase d’intense érosion dont l’âge et les causes ont fait l’objet d’une abondante littérature. Ils s’alignent de l’Aa à l’ouest, jusqu’au méridien de Bruxelles à l’est, et sont partiellement effacés entre Armentières et Tournai pour laisser passer la Lys et l’Escaut. La signification de cet alignement reste affaire de spéculations, même si plusieurs hypothèses ont été formulées. Les collines d’Artois sont formées de craie. Çà et là elles supportent de très modestes pastilles sableuses qui attestent que les terrains aujourd’hui situés sous les monts de Flandres, ont bien été déposés ici également. Il est donc nécessaire de concevoir un épisode de déformation régionale sévère ayant provoqué ce changement de position relative entre l’un et l’autre sites. La réalité d’une déformation est attestée par la présence de roches beaucoup plus anciennes qui pointent au fond des vallées, au pied des collines d’Artois, remontées par des failles. Unique et continue, ou multiple et saccadée, cette déformation a engendré des reliefs dont l’érosion doit avoir laissé des traces, notamment de nouveaux dépôts sédimentaires en aval des sites érodés. C’est le principe même du recyclage permanent des matériaux naturels qu’étudient la géologie et la géographie physique. Ce raisonnement accompagne nos observations tout au long du parcours. Entre les monts de Flandres au nord et les collines d’Artois au sud, la plaine de la Lys est justement un territoire où une sédimentation récente et abondante semble avoir uniformisé la topographie. Il faut le regard acéré de l’archéologue du Quaternaire pour décrypter dans ces dépôts superficiels apparemment homogènes, certaines étapes récentes de la déformation que l’on cherche à caractériser.
Les codes stratigraphiques utilisés (Tableaux 1 et 2) sont homogénéisés ici car les diverses cartes géologiques publiées (imprimées ou numériques) diffèrent en fonction du code en vigueur lors de leur édition.
Les thèmes
De nombreux thèmes étaient possibles pour aborder les relations entre l’Homme et le territoire au cours des millénaires. Le but est de montrer que l’un et l’autre vivent et changent au cours du temps, mais sur des gammes cinématiques propres, très distinctes. L’eau est l’un des principaux agents d’évolution du paysage. C’est également un élément dont l’Homme, comme tout être vivant, ne peut se passer. Nous suivrons donc les relations de l’un et de l’autre avec l’eau.
Le territoire dans son ensemble et son rapport à l’eau de surface
Le géomorphologue voit un territoire peu contrasté : altitudes variant de 17 m (plaine de la Lys) à près de 200 m (crête de l’Artois). Sommé (1977, p. 11) a fait remarquer que « l’isohypse [courbe de niveau] de 80 m permet […] de limiter grossièrement l’auréole des hauteurs qui forment le haut-pays ; elle semble trouver aussi sa justification dans le domaine bio-climatique. » Cette proposition est passée dans l’usage. Hormis les arrêts 1, 5 et 6, le parcours sillonne donc surtout le bas-pays (Fig. 2). Limitée au nord par les monts de Flandres, sableux à intercalations argileuses, au sud par les collines d’Artois, crayeuses, la plaine de la Lys est peu perméable, comme le révèle la densité du réseau hydrographique (Fig. 2). Sous un placage de limons divers qui peut atteindre jusqu’à 6 m d’épaisseur, le sous-sol de la plaine est constitué par l’Argile des Flandres et diverses formations surtout sableuses (Yprésien à Lutétien, voire davantage : Fig. 3 et Tableau 1), matériau géologique dont les monts de Flandres constituent des buttes-témoins (Fig. 3). Sous cette dernière, l’ensemble (Thanétien) des Sables d’Ostricourt et de l’Argile de Louvil forme une bande plutôt étroite, discordante sur la craie des collines d’Artois. Même couverte de limons, la craie est perméable et les cours d’eau y sont peu nombreux. Des monts de Flandres comme des collines d’Artois ils convergent jusqu’à la Lys. Les générations humaines qui se sont succédé sur ce territoire ont ajouté un lacis complexe de becques, c’est-à-dire de fossés de drainage qu’il est, en bien des endroits, difficile, voire impossible de discerner des cours d’eau naturels. Enfin, il faut remarquer que, dans leur partie avale, l’Yser, la Lys et l’Escaut traversent sans aucune déviation l’alignement des monts de Flandres. Après plusieurs autres observateurs, Sommé (1977) en a déduit qu’il n’y a pas de cohérence parfaite entre les organisations hydrographique et orographique. En termes simples cela signifie que le relief actuel n’est pas simplement l’expression d’une érosion par les cours d’eau actuels, mais qu’il faut envisager des influences climatiques et tectoniques dont il reste à décrypter les marques locales.
Le fleuve Escaut a un bassin versant de forme sommairement rectangulaire, allongée du sud-ouest (collines d’Artois) au nord-est (environs de Tongres, en Belgique) (Fig. 4). Son bassin d’alimentation, en forme d’entonnoir, est situé en territoire français. Or les 2 millions d’habitants de l’Eurométropole Lille – Kortrijk – Tournai sont entassés (environ 600 hab./km2) « au fond de l’entonnoir ». L’imperméabilisation artificielle des sols (urbanisme et voirie) amplifie le ruissellement et réduit l’infiltration, facteurs d’inondabilité. Outre cette cause anthropique, deux autres sont naturelles : la topographie plate et la nature argileuse (très peu perméable) dominante du bas-pays, lesquelles contribuent aussi à la prépondérance du ruissellement sur l’infiltration et à la faiblesse de l’évacuation naturelle, gravitaire, de l’eau. Ces trois raisons font peser sur la concentration urbaine un risque d’inondabilité qui ne peut que s’accroître avec le temps, à moins qu’une prise de conscience de tous les citoyens, usagers de ce territoire, ne conduise à des réalisations qui n’entravent pas l’écoulement naturel de la Lys, de l’Escaut et en préservent le fonctionnement (régulation des flux, tamponnement de crues). C’est un thème majeur de cette visite de terrain.
Le territoire dans son ensemble et son rapport à l’eau souterraine
L’autre thème majeur est lié à l’eau souterraine en tant que ressource. Une coupe géologique simplifiée (Fig. 5) illustre la disposition des couches, dont le contenu détaillé sera décrit au fil des arrêts. Bien que schématique, elle est comparable à celles qu’avait dessinées Gosselet (1921). Le pendage général de la série vers le nord explique que du nord vers le sud les couches se suivent de la plus jeune à la plus ancienne :
- une couche irrégulière de limons quaternaires variés, qui a sans doute tout tapissé avant d’être localement érodée ; la Lys a gravé son lit dedans (entre arrêts 1 et 2) ;
- un ensemble de quelques dizaines de mètres de dépôts éocènes (argiles de l’Yprésien, passant progressivement aux sables du Lutétien) constitue l’essentiel du volume des monts de Flandres (Nolf & Steurbaut, 1990) (arrêt 1) ; sa base forme le plancher de la plaine de la Lys (arrêt 2) ;
- quelques mètres de Sables d’Ostricourt (Thanétien) forment le plateau laniéré au sud de la plaine de la Lys (arrêt 3) ; à leur base, la couche de l’Argile de Louvil dont le rôle hydraulique est important (Tableau 1) ;
- les craies du Crétacé supérieur (arrêts 2, 3, 4, 6) contiennent la principale ressource en eau souterraine du territoire ;
- les terrains paléozoïques (arrêts 3, 4, 5), dont le bassin houiller entièrement souterrain.
L’eau de pluie arrose tout le territoire et s’infiltre dans les craies des collines d’Artois. Après un parcours souterrain pas toujours connu précisément, l’eau ressort par diverses sources qui alimentent des ruisseaux plus ou moins permanents et rejoint des rivières bien réglées comme la Lawe et la Clarence dont nous allons remonter en partie le cours. Ces dernières s’écoulent vers le nord-est, jusqu’à la Lys. Au sud de Marles-les-Mines, la craie affleurante détermine un plateau au travers duquel la pluie s’infiltre et alimente la nappe, libre ici. Au nord de Marles, l’Argile de Louvil recouvre la craie et la nappe devient captive. Elle continue à s’écouler gravitairement vers le nord, suivant le pendage des couches de telle sorte que les localités situées en aval peuvent l’exploiter via des forages dits artésiens (exemple de Bailleul). Ce terme artésien qualifie une disposition où l’eau jaillit spontanément d’un puits dès lors que celui-ci atteint la ressource souterraine captive. La condition nécessaire est que la tête du puits se trouve SOUS la surface piézométrique, c’est-à-dire la surface d’équilibre en pression de l’eau. La plaine de la Lys est si basse que cette condition est vérifiée partout. L’artésianisme est une caractéristique régionale (dérivé de Artois) ; le terme est utilisé par les hydrogéologues du monde entier. (Explications complémentaires au fil des arrêts.)
De cette disposition, il faut retenir le principe de solidarité dans l’espace et le temps que partagent les habitants de ce territoire, sans en avoir conscience. Les caractéristiques moyennes de perméabilité de la craie permettent de dire que l’eau de pluie prend à peu près 40 ans pour parcourir les quelques 40 km qui séparent les collines d’Artois du site de Bailleul. C’est un ordre de grandeur et non une mesure précise. Cet exemple illustre la nécessité d’une vision globale de la gestion de l’eau à l’échelle d’un bassin versant, quelles que soient les frontières qui les traversent. Il reste à en convaincre toutes les collectivités territoriales, quel que soit leur rang.
L'itinéraire et les points d'observation
Départ du parking de la station de métro M1/4 Cantons (Villeneuve d’Ascq) et trajet autoroutier jusqu'à la sortie 10/A25 en direction de Bailleul. Rappelons que la « colline » d’entrée à Lille, dans le délaissé des embranchements (A1/A25/A356), est artificielle : elle a été façonnée avec une partie des déblais de terrassement du métro. Nous empruntons le boulevard périphérique de Lille-Sud en direction de la A25. Le Bool werk (le chemin du canon) suit les anciennes murailles qui protégeaient la ville ; elles étaient bastionnées. La dépression qui suit le viaduc (pour passer sous la rue de Douai) entaille la craie, visible à droite en période de basse végétation, mais sous 2 à 3 m de remblais. Puis, la bosse située au niveau du lycée Baggio permet de franchir les casemates des bastions de la fortification du xixe siècle. Les saillants de celle-ci ont été placés à cet endroit pour tenir à distance les moyens ennemis pouvant prendre position sur les assises calcaires (la craie) du site (cf. la Webographie : système Séré de Rivières ; voir aussi Bergerat et al., 2018).
Parvenu au Port de Lille, l’autoroute en remblais longe la Deûle en rive droite avant de la franchir au niveau d’Haubourdin. Le port fluvial de Lille a migré d’aval (Vieux Lille) en amont au fil des siècles selon la croissance de la ville. Ceci montre qu’un marqueur fonctionnel peut migrer avec le temps. Dans le prolongement du port, se trouve, surélevée par rapport aux terrains marécageux environnants comme on le verra aussi plus loin, l’ancienne Abbaye cistercienne de Loos-lès-Lille, construite en 1146 (voir Webographie). Au-delà, le profil de la route s’élève avec le terrain naturel jusqu’à la crête couronnée du fort d’Englos, un autre élément du système Séré de Rivières, à droite sur la crête des Weppes (50 m). A gauche de l’autoroute, le village d’Englos est lové en tête d’un vallon qui descend de la crête (40 m) vers la plaine de la Lys (22 m). De ce fait, en 1914, l’église d’Englos n’avait que le clocher dépassant du vallon ; il a été détruit par les Allemands pour ne pas servir de repère spatial, mais le corps du bâtiment a pu être préservé ; décoré de peintures murales, il est aujourd’hui classé MH. A proximité, le développement du centre commercial illustre l’intensité de la déprise agricole au profit de l’urbanisme.
La A25 longe la commune d’Ennetières-en-Weppes en descendant le « talus des Weppes » dont le sous-sol proche est constitué par la série landénienne (Tableau 1). Celle-ci repose sur la craie qui affleure dans le Mélantois (carrières d’Haubourdin, Emmerin et Loos-lès-Lille). Le tapis d’alluvions de la Deûle masque le contact entre les deux. Vers l’ouest, le faible pendage de la série landénienne permet à l’Argile des Flandres de lui succéder et de former le tréfonds de la plaine de la Lys.
Le bus passe sous la LGV Transmanche et entre dans la plaine de la Lys. C’est une surface plane, à habitat dispersé mais densément cultivée. Les becques y sont nombreuses ; en période pluvieuse, les flaques d’eau en attente d’infiltration aussi. En première approximation, une telle platitude s’explique par un processus de ragréage, c’est-à-dire par étalement gravitaire d’un matériau fluide très chargé en particules. En l’occurrence, il s’agit de l’étalement de sédiments alluvionnaires et éoliens des périodes glaciaires (voir § II-2). La Lys canalisée, large d’une trentaine de mètres, est franchie à hauteur de l’échangeur 9/A25 (Armentières). Le cours est faiblement incisé dans le lit majeur large de plusieurs centaines de mètres. Le profil transversal n’évoque pas le V d’une vallée « d’école ». Dès la sortie de l’autoroute en direction de Bailleul le bus traverse une zone d’activités diverses et d’hébergement pour nomades, caractéristique de la périphérie de nombreuses agglomérations urbaines, assujettie à inondations épisodiques par ruissellement et défaut d’infiltration.
Les monts de Flandres : Arrêt 1 (Fig. 1 et 6)
Le Mont Noir est à l’intersection de la frontière franco-belge et d’un alignement de buttes-témoins qui intrigue car elles sont formées de sables et d’argiles, matériaux a priori sensibles à l’érosion (Robaszynski & Guyétant, 2009, p. 96-97).
Nous montons sur la butte de Bailleul et tournons à droite vers Ypres. Le bus passe devant la bibliothèque municipale devant laquelle figurait jusqu’en 2015 la margelle d’un puits qui avait été artésien (Fig. 7). En 1997-98 la consultation de la Banque de Données du Sous-Sol (dossiers en papier, aujourd’hui tous numérisés - voir Webographie : Infoterre) avait alors mené à constater qu’au cours du dernier quart du xixe siècle, les géologues lillois avaient répondu à l’appel d’industriels de Bailleul en leur conseillant la réalisation de forages profonds pour atteindre l’aquifère de la craie, et aménager des puits artésiens (voir § II-2). Au sommet de Bailleul même, près de la cote 50, ces « fontaines jaillissantes » produisirent assez d’eau pour installer un réseau gravitaire, et abandonner l’alimentation antérieure qui se faisait par drainage souterrain dans la partie sableuse de l’Argile des Flandres (Fig. 8).
Nous suivons la route menant vers le Mont Noir, et observons au nord-ouest, dès la sortie de Bailleul, le profil du Mont Noir. Au sommet, nous passons devant l’entrée du camping de « La Sablière », puis nous arrêtons en bord de route devant la maison des gardes de la Base départementale M. Yourcenar (Fig. 6). Nous nous engageons à pied dans le Chemin des Anglais, jusqu’à rejoindre une petite maison accolée à une reconstitution de « grotte de Lourdes » (chapelle N.-D. de la Salette). La partie supérieure du mont, est coiffée de grès ferrugineux très résistant à l’érosion, dont la présence suffit à justifier la persistance actuelle des monts de Flandres en tant que buttes-témoins.
Cette couverture protectrice a excité la curiosité de tous les géologues depuis le début du xixe siècle. En fait, il faut découpler deux phénomènes qui ne sont pas nécessairement synchrones :
- le dépôt sédimentaire d’un ensemble marin à dominante sableuse dont Houthuys (2014) a caractérisé l’environnement infralittoral en Belgique centrale (Formation des Monts de Flandres = Flemish Hills Formation) ; l’auteur y reconnaît un cortège régressif comblant par progradation son espace libre ;
- une ferruginisation ultérieure (Miocène terminal à Pliocène ?) par imprégnation des parties poreuses des sables dans des conditions climatiques favorables à la précipitation du fer dissout dans les ruissellements.
Ces grès ferrugineux coiffent une série sableuse dont l’épaisseur actuelle varie selon les lieux : une quinzaine de mètres au Mont Noir (Sommé, 1977). La présence de figures de dynamique hydraulique (stratification oblique, ravinement) dans certains blocs démontre la forte énergie des courants d’eau intermittents transportant les graves, eux-mêmes très arrondis. Certains bancs sont franchement conglomératiques : matrice de sable grossier et galets nuculaires à pugillaires, de silex noirs, roulés, à patine grise à blanchâtre (Fig. 9). Ces galets ne sont pas cassés : leur mise en place est antérieure aux diverses glaciations régionales. Leur présence dans ce dépôt implique qu’en amont des affleurements de craie à silex aient été soumis à érosion par un réseau hydrographique énergique. La ferruginisation ultérieure atteste de conditions de mise en place sous climat tropical lessivé (Duchaufour, 1991, p. 215 : sols ferrugineux). De telles conditions ont laissé leurs marques sur le Massif ardennais et à sa périphérie (Yans et al., 2020), comme autour de tous les massifs varisques connus à l’affleurement en Europe. Nombre de localités en témoignent par leur nom (Ferrières, et dérivés) et les pierres souvent employées dans la construction, pour leur solidité mais aussi pour l’aspect esthétique des façades (Ypres et environs). Le sable lutétien assure les conditions requises pour une telle évolution pédologique. Mais dans quel paysage ?
Le raisonnement d’un type nouveau, porté par Houthuys (2014), basé sur la caractérisation des faciès de dépôt et de leur organisation séquentielle, rend compte des variations latérales observées et corrélées de proche en proche. Ses conclusions accommodent les observations patiemment recueillies, que Sommé (1977) a résumées, sur la texture des sédiments sableux, sur les cortèges de minéraux lourds. Schématiquement, le scénario qui s’accorde avec celui validé pour le Bassin de Paris (Wyns, 2014) reconstitue un bassin sédimentaire marin qui a débordé sur ce dernier depuis le nord, puis a été différencié par une activité tectonique régionale.
- Etage Thanétien (durée d’environ 3 millions d’années) : le dépôt de la série landénienne (Tableau 1), sablo-argileuse, ennoie un paysage calcaire corrodé dont les variations topographiques sont mises en évidence par les variations locales de l’âge de la transgression.
- Etage Yprésien (environ 8,2 millions d’années) : dépôts de cortèges argileux, de plus en plus sableux vers le haut, assez homogènes sur le futur territoire belge et le nord de la France (Laga et al., 2001).
- Etage Lutétien (environ 6,6 millions d’années) : la compression pyrénéenne commence à faire sentir ses effets. Les anticlinaux du Pays de Bray et de l’Artois, dont la différenciation est antérieure, émergent peu à peu, par à-coups. Les courants marins se modifient, la sédimentation aussi. En Belgique centrale, à deux reprises, une large baie s’individualise vers le sud-sud-ouest, et se comble par des cortèges sableux régressifs, transportant aussi divers graves roulés, dont des silex issus d’affleurements crayeux. Ce sont d’abord les Sables de Bruxelles, puis les Sables de Lede (Houthuys, 2011, 2014), présents aussi dans les monts de Flandres (Nolf & Steurbaut, 1990).
- Transition du Lutétien au Bartonien : la série sablo-argileuse (Formation de Maldegem) qui recouvre le tout est composée de plusieurs unités sédimentaires (Laga et al., 2001). L’une d’elles (Argile d’Asse), une argile organique, est particulièrement connue sous le nom commun de bande noire. On la retrouve vers le sud-ouest dans plusieurs monts de Flandres (Sommé, 1977), mais pas tous. Cette Argile d’Asse (e5 et e6 sur Fig. 6), a été l’objet de deux datations radiochronologiques vers 42 Ma (in Sommé, 1977, p. 128).
- Etages Bartonien (environ 3,4 millions d’années) et Priabonien (environ 3,9 millions d’années) : puisque le dépôt de la Formation des Monts de Flandres ravine la bande noire, Houthuys (2014) le date de la période finale de l’Éocène.
- Oligo-Miocène (environ 28,5 millions d’années) : la Belgique occidentale et le nord de la France n’ont enregistré aucun dépôt sédimentaire de cette longue période. Le centre de dépôt s’est déporté vers le nord-est. Les terrains exondés ont été soumis à érosion par un système de drainage naissant (Houthuys, 2014), puis à une altération météorique forte (Yans et al., 2020). Les conditions de la ferruginisation étaient en place.
Ce secteur a connu une histoire géologique mouvementée. Entre autres, des sondages ont permis de localiser la ville de Bailleul entre deux failles (Gosselet, 1898) ayant accommodé plusieurs épisodes de déplacement, de sens variable, et dont le dernier mouvement daterait du Pléistocène supérieur (Sommé, 1977, p. 435).
Nous retournons à Bailleul en descendant par St-Jans-Cappel. Sur la route, nous observons la nécessité – pas toujours suivie – de labourer les pentes basses perpendiculairement à la pente du terrain pour limiter l’érosion de la terre arable et l’engorgement qu’elle provoque dans le réseau d’eaux pluviales et collecteurs du village. Nous remontons sur la place de Bailleul et partons en direction de Vieux-Berquin, en passant devant l’actuel château d’eau qui a pallié la disparition de l’artésianisme au début des années 1920 (voir supra et infra).
La plaine de la Lys : Arrêt 2 (Fig. 1 et 10 à 12)
Ce territoire agricole demeure une énigme géologique, enserrée entre les monts de Flandres et les collines d’Artois (Waterlot, 1969). A première vue (Fig. 10A), le bassin de la Lys est un bon exemple de bassin plat de 1 900 km2 de superficie, avec un cours axial vers lequel convergent divers affluents. Mais un examen un peu attentif révèle nombre de faits que l’érosion seule n’explique pas. A sa source, la rivière sort d’un puits naturel, sur le versant sud des collines d’Artois et coule de façon conséquente vers le sud. Puis entre Fruges et Thérouanne elle dessine un arc de cercle qui tranche la crête de l’Artois avant de s’engager, à partir d’Aire/la Lys, dans une plaine, singulière par son ampleur : c’est une sorte de quadrilatère que la Lys traverse dans sa longueur sur environ 40 km (Fig. 10A). Au nord-est, au sortir de la plaine, la Lys occupe une vallée large et linéaire jusqu’aux abords de Kortrijk. A hauteur de Merville la largeur atteint 20 km. La plaine couvre environ 815 km2, dont environ 75 km2 en Belgique (Warneton – Wervik). A l’entrée dans la plaine, la Lys coule à fleur de sol. Une observation fine permet de voir cependant que le lit majeur s’incise progressivement dans la vallée et s’élargit, jusqu’à déterminer, en aval d’Armentières, un véritable profil transversal en U, profond de 6 à 10 m selon les endroits (Fig. 10B). En amont d’Armentières, les versants bordiers de la plaine se présentent comme des talus nets et vigoureux avec des sections rectilignes. Un commandement de l’ordre de 20 à 30 mètres est fréquent, comme on peut l’observer en passant à Outtersteene, en descendant dans la plaine au sud de la A25. Au nord, ces talus sont taillés dans l’Argile des Flandres ; à l’est, dans la série landénienne, voire la craie directement au sud-est ; au sud et sud-ouest, ils le sont dans la craie aussi, sauf à Mont-Bernanchon, juste après l’arrêt 2 (voir plus loin). Avec de telles dimensions, la plaine est totalement disproportionnée par rapport au débit de la Lys : 22,8 m3/s à Werwick sud (voir Webographie : Banque Hydro).
Considérée à petite échelle, la plaine peut être décrite comme quasi plane, avec des variations d’altitude minimes. Cependant, ces légères variations forment une pente certes faible, mais nettement dirigée vers le centre de la plaine (environ 20-21 m d’altitude en bordure contre 17-18 m en partie centrale). Il est difficile de distinguer le réseau originel des becques d’un réseau de drainage dense, en dehors du tracé en méandres des principaux cours d’eau et un encaissement parfois vigoureux (plusieurs mètres) via de petits versants convexes de lits majeurs (Fig. 10A). Une microtopographie d’origine anthropique complique la perception du relief naturel. Il s’agit de champs bombés, au dénivelé parfois supérieur au mètre, formé à la bêche ou à la charrue dans le but de faciliter l’écoulement vers un réseau de drainage périphérique (Dion, 1983). Ces méthodes s’apparentent aux pratiques culturales intensives utilisées avant la mécanisation dans les plaines flamandes belges où elles ont modifié la topographie et la pédologie sur de très grandes surfaces (Langohr, 2001).
De nombreuses questions restent en suspens à propos de l’origine de la plaine de la Lys (Briquet, 1905 ; Dubois, 1925). Plusieurs auteurs ont soupçonné, sans réellement la démontrer, une influence tectonique conjointe à l’érosion fluviatile (Gosselet, 1921 ; Paepe, 1964, 1965 ; Sommé, 1977). Colbeaux et al. (1978) l’ont rattachée à une « tectonique de blocs », confirmée dans le contexte extensif associé à la transgression du Crétacé supérieur (Robaszynski, 1987 ; Meilliez, 2018 ; Meilliez et al., 2019). La sédimentation s’étant interrompue avant la fin de l’Eocène avec le soulèvement de l’Artois, concernant le Cénozoïque pré-Quaternaire (Tableau 1), les observations sont trop peu abondantes et précises pour élaborer aujourd’hui un schéma crédible de reconstitution.
Sous la plaine quasi-plane, les sédiments quaternaires montrent de fortes variations d’épaisseur (de 2 à plus de 25 m) et masquent deux paléo-vallées : une paléo-Lys et une paléo-Lawe profondément incisée sous la cote zéro. Elles sont essentiellement remblayées par des formations sableuses (Fig. 11). Elles confluent dans la région d’Armentières. A Erquinghem-sur-la-Lys, un carottage a mis en évidence des dépôts alluviaux tourbeux d’âge éemien (environ 110 000 ans) sous la cote zéro (Sommé et al., 1996). Cependant il faut se souvenir que la cote zéro d’aujourd’hui doit être équivalente à la cote +50 (environ) à l’Eemien puisque le niveau de la Manche venait de commencer à monter. Les paléo-vallées sont totalement déconnectées du réseau hydrographique de surface : la Lys actuelle coule en grande partie à l’aplomb du paléo-interfluve, qui ne porte qu’une très faible couverture récente au centre de la plaine. La base de la série quaternaire est modelée dans l’Argile des Flandres (Tableau 1), à l’exception des franges sud-ouest et le long des Weppes où elle repose sur la série landénienne, voire directement sur la craie. L’incision maximale est probablement acquise à la fin du Saalien (vers 150 000 ans, Pléistocène moyen) en conformité avec une dynamique fluviale et une morphogenèse de la Vallée Flamande, au nord de Gand (voir Heyse & Demoulin, 2018 pour une bibliographie plus complète). Sans que la part respective et le détail de chaque processus soient clairement établis, il est possible d’affirmer que l’existence et les caractéristiques de la plaine de la Lys résultent de la conjonction d’une tectonique subsidente, d’une forte incision acquise à la fin du Pléistocène moyen et d’un remblaiement sédimentaire massif. Les recherches de matériaux pour la construction, notamment les briqueteries (Paepe 1964 ; Paepe et Vanhoorne 1967 ; Sommé 1977) et maintenant l’archéologie préventive apportent des observations sur les premiers mètres du comblement quaternaire de la plaine. Sur la rive gauche, en Belgique, les mêmes auteurs ont aussi étudié les coupes de Warneton. Dans toute la plaine, les premiers mètres sont constitués d’un limon lœssique éolien affecté par des écoulements fluviatiles en contexte de gel profond (Deschodt, 2014 ; Salvador et al., 2005). Le remaniement sous forme litée des apports éoliens prouve sans ambiguïté l’existence d’un ruissellement diffus dans la plaine à la fin du Pléniglaciaire supérieur (entre environ 30 000 et 16 000 ans : Tableau 2). Il résulte probablement de la fonte d’une couverture neigeuse. Même diffus, un ruissellement exprimé sur environ 700 km2 produit des écoulements importants. On peut alors imaginer un processus qui permette d’expliquer les observations lithologiques et morphologiques de la surface de la plaine révélée par les MNT (modèles numériques de terrain) détaillés (Deschodt, 2014). Le ruissellement est d’abord aréolaire et diffus. Ce ruissellement se concentre peu à peu en petits filets qui grossissent et deviennent de plus en plus érosifs aux dépens des sédiments granulaires (Fig. 12), ce qui rend compte de la morphologie en cuvette de la plaine, de l’encaissement marqué vers l’aval de l’actuel lit majeur de la Lys, et de l’existence de courtes sections affluentes qui prennent naissance dans le fond même de la plaine.
La plaine de la Lys peut être vue comme un enregistrement pléistocène exceptionnel, qui reste à valoriser.
A Vieux-Berquin, nous nous dirigeons à gauche vers Merville via Neuf-Berquin. Entre ces deux dernières localités observer, à gauche, la silhouette de l’usine Roquette, à Lestrem. C’est en ces lieux que, venant de son Aveyron natal, le fondateur du groupe familial éponyme trouva les conditions favorables pour entreprendre une culture et son traitement industriel, destinés à produire de l’amidon et ses dérivés. Son groupe est aujourd’hui leader mondial de la production d’amidon. L’histoire raconte qu’au début du xxe siècle, venant pour commercialiser des graines auprès des agriculteurs locaux, l’aïeul observa le développement industriel du textile dans les villes situées le long de la Lys, en aval d’un terrain par ailleurs propice à la culture de la pomme de terre (récit de Bruno Bonduelle lors de la visite organisée à l’occasion de l’Année Internationale de la Planète Terre, 2010). L’usine s’est adaptée au fil du temps, notamment en modifiant la matière première (maïs puis blé). Aujourd’hui le groupe développe aussi la transformation d’algues. La présence d’une telle industrie sur le territoire a deux conséquences. La première est inhérente au système de culture industrielle : les agriculteurs sont contractuels tant pour la qualité du process que pour les quantités. Quels en sont les effets pédogénétiques ? La seconde est que la gestion des flux (matières premières, productions) nécessiterait d’augmenter la capacité des voies de communication. La Lys est toujours au gabarit Freycinet alors que le canal à grand gabarit passe à quelques 5 km de là ; la route ne comporte qu’un réseau secondaire. Désenclaver l’usine est un enjeu de discussion pour l’aménagement du territoire.
A proximité de Lestrem, Merville est une localité installée sur le cours de la Lys, probablement sur un endroit où elle était historiquement franchissable à gué (Fig. 2). Quelle que soit la voie d’accès, on accède au cœur de ville par un pont. Quatre voies d’eau traversent la ville. Il faut donc croire que le niveau d’inondation depuis la fondation de la ville n’a jamais été durablement élevé. Sa situation en fait une rotule qui a pu être successivement un passage à gué à l’époque romaine, une frontière (au moins linguistique) à l’époque médiévale et une zone de convergence à l’éclosion de l’ère industrielle, où l’énergie rencontrait la métallurgie naissant le long de la Lys. En effet, Merville n’est pas éloignée du bassin houiller. En application du plan Freycinet (loi du 17 juillet 1879), la Lys a été canalisée et mise à un gabarit autorisant l’accueil de péniches. Ce canal établissait un lien avec le port de Dunkerque, par où transitaient minerai et produits transformés. C’est là que se situe l’origine du Groupe Colas qui assemblait dans un bâtiment exceptionnel à ossature béton, malheureusement disparu, les tôles nécessaires à la construction des bateaux.
En continuant tout droit, nous arrivons devant l’aérodrome de Merville ; nous tournons à droite vers Calonne-sur-la-Lys. Au sud, l’horizon est barré par les collines d’Artois. La route longe la « vieille Lys » et suit les méandres d’un lit majeur beaucoup plus étroit (100 à 200 m) qu’en aval, à son franchissement par l’autoroute A25 (voir supra).
La Clarence (Fig. 13)
À Calonne, nous franchissons une première fois la Clarence, à une centaine de mètres de sa confluence avec la Lys. La Clarence est une rivière d’environ 30 km de long. Les 2,5 premiers kilomètres sont constitués de vallons secs qui descendent du plateau d’Artois (Valhuon, cote 160). Ils convergent sur Bours où se localise la première zone humide permanente qui alimente la Clarence. Dans son ensemble, le cours de la Clarence est à peu près rectiligne, conséquent par rapport à sa pente générale, elle-même cataclinale par rapport à la structure géologique. Sur une quinzaine de kilomètres, entre Bours et Chocques, la rivière coule sur les couches crayeuses selon un parcours qui traverse des failles (Arrêts 3 et 4). Elle entre dans la plaine de la Lys dès la sortie de Chocques, et son cours commence à divaguer naturellement au-delà de l’ancienne abbaye. La traversée du village de Gonnehem s’effectue entre des digues qui maintiennent son cours un peu moins de 2 m au-dessus du terrain naturel (cote 19) qu’elle retrouve en aval. Elle reçoit alors la Nave en rive gauche, tandis qu’un fossé artificiel, le Grand Nocq, la double en rive droite et l’accompagne dans ses divagations jusque l’entrée de Calonne-sur-la-Lys. Les deux cours d’eau sont reliés par des drains dans lesquels les flux sont régulés par des vannes à guillotine. Un doublage latéral, d’origine anthropique, existe aussi de part et d’autre de la Scarpe (le Décours et la Traitoire) entre Douai et leur confluence avec l’Escaut.
Robecq et le canal à grand gabarit : Arrêt 2 (Fig. 1 et 14 à 16)
De Calonne-sur-la-lys jusqu’à Robecq, la route serpente en rive gauche de la Clarence dont elle est distante de 10 à 100 m tout au plus selon les endroits. Par ailleurs, entre la route et la rivière les espaces libres se comblent de constructions neuves, surtout depuis le début des années 2000. La très forte inondation de la Clarence en janvier 2001 n’a découragé ni promoteurs, ni particuliers. Il faut dire que ce tronçon se trouve en aval de la digue que constitue le canal à grand gabarit, objet du prochain arrêt. En outre, de Calonne-s/Lys à Robecq, la Clarence coule dans son lit naturel, faiblement incisé sur la topographie. En revanche, de Robecq à Chocques, elle est endiguée pour protéger Gonnehem. La levée naturelle due aux dernières inondations libres a été renforcée de façon à contenir une montée des eaux intempestive. Ainsi, cette entrée sud dans la plaine de la Lys a perdu son rôle d’amortisseur de crue.
De fait, le canal dit « à grand gabarit » est un assemblage d’ouvrages dont le plus ancien a été conçu et entrepris par Vauban, qui en avait identifié l’intérêt stratégique pour passer les troupes d’est en ouest et réciproquement, c’est-à-dire d’un bassin versant à son voisin sans avoir à redescendre jusqu’à Gand où se situe la confluence avec l’Escaut (Gand était Terre d’Empire, aux Pays-Bas). Pour cela il s’est appuyé sur le tronçon le plus ancien, reliant les bassins versants de l’Aa et de la Lys, creusé par le comte de Flandre Bauduin V, en 1053, pour empêcher l’Empereur d’Allemagne d’envahir son territoire : c’est le tracé de l’actuel canal dit de Neufossé (voir Webographie : projet Babel/fluvial). Mis en service en tant que voie navigable en 1825, il est passé au gabarit Freycinet en 1880, puis au gabarit européen en 1965. L’arrêt 2 concerne le bief de 41 km compris entre Aire-sur-la-Lys (cote 18,90 m) et Bauvin (cote 20,90 m), desservant entre autres le port de Béthune. Il est donc partout nettement au-dessus du terrain naturel. De ce fait, la digue du canal constitue aujourd’hui un barrage qui a protégé Calonne-sur-la-Lys de l’inondation en janvier 2001 (voir ci-dessus), mais qui a maintenu plus longtemps que normal l’inondation en amont, jusque Chocques. Il n’empêche qu’au printemps 2002, deux maisons étaient en construction juste en amont de la digue, et en contrebas du Pont de l’Éclème (Fig. 14), au pied duquel se fait notre observation. La faute ne peut être mise sur le compte de l’ignorance ; est-elle technique ou administrative ?
Dans la perspective de l’évolution du transport fluvial, le gabarit des canaux n’est plus seulement limité par le tirant d’eau, mais aussi par le tirant d’air : les barges porte-containers transportent 1, 2 ou 3 lits de containers (le canal Albert entre Anvers et la Ruhr est à 3 lits). Pour la mise en service du canal Seine-Nord-Europe (CSNE), tous les ponts devront permettre le passage à 2 lits, au minimum. Ce qui entraîne de très importants travaux, notamment là où les rampes d’accès au pont sont situées en milieu urbain. C’est la condition pour que Dunkerque puisse être reliée au CSNE. La contrainte du tirant d’eau demeure car la cote du canal ne peut monter, et le fond est limité par le franchissement des cours d’eau naturels (la Clarence, la Lawe) et artificiels (le Grand Nocq) qui passent en siphon sous le canal (Fig. 15).
Entre le canal et Robecq une vaste pâture développée sur un sédiment argileux, montre un aménagement particulier dont les premiers exemples remontent au moins au xiie siècle : il s’agit d’alternances, en lignes parallèles, de légères levées de terre et fossés de drainage évasés peu profonds. En cas de forte pluviosité les bêtes se réfugient sur les parties hautes et les drains conservent de quoi désaltérer les bêtes en cas de sécheresse passagère (Fig. 16). Ce dispositif est également encore fonctionnel entre Somain (Fig. 1) et Marchiennes où se trouvait aussi une puissante abbaye en bordure de la Scarpe, dans un contexte similaire de zone humide.
En revenant sur Robecq la présence de petites chapelles avec des façades en craie, témoigne de sa présence en affleurement à proximité. En prenant la direction de Béthune, la sortie sud de la plaine de la Lys se fait à Mont Bernanchon, via un talus vigoureux constitué de l’Argile des Flandres, qui donne ici une terre très lourde à travailler, appelée les Pacaults (Gosselet, 1894, 1921). De là on peut voir, vers le sud et le sud-ouest, les frondaisons du Bois des Dames (Fig. 17). A hauteur du château d’eau de Hinges, nous descendons vers Gonnehem. En bas, au carrefour, un panneau indicateur signale un lieu-dit appelé le Blanc Sabot, ce qui exprime aussi la proximité de la craie en profondeur. Nous prenons à gauche vers Chocques. En approchant on constate que le terrain n’est plus plat mais forme un large dôme boisé, ceinturé d’un mur de clôture associant briques et blocs de craie. Cette légère éminence (environ 2 m au-dessus de la plaine) supporte l’ancienne Abbaye de Chocques (Fig. 18). Elle fut fondée au xiie siècle pour des chanoines réguliers de l’Ordre de St Augustin (voir Webographie) qui ont contribué au défrichage du territoire. Situés en bordure des marais, ils ont ainsi participé à l’assèchement progressif du territoire. L’abbaye d’Anchin (près de Douai) et l’abbaye de Mt-St Martin (à la source de l’Escaut) en sont deux exemples identiques parmi de nombreux autres.
Le bassin houiller : Arrêts 3 et 4 (Fig. 1 et 17 à 20)
Dès l’entrée sur le territoire à l’aplomb du bassin houiller du Nord – Pas-de-Calais, le relief change : tout se passe comme si la surface du sol montait par paliers jusqu’à la crête des collines d’Artois (Fig. 2, 10A). Aussi, pour mieux observer et tenter de comprendre les relations entre géologie et orographie est proposée ici une carte géologique simplifiée (Fig. 17 et 21) et une coupe géologique (voir infra : § IV) construite à partir des sondages renseignés dans la Banque de Données du Sous-sol (Webographie : Infoterre).
Dès Chocques nous entrons dans le bassin houiller, entièrement souterrain (Meilliez, 2017). La terre fraîchement labourée est noircie. Face au cimetière de Chocques, la rive droite de la Clarence est longée d’un talus bordé de haies qui encadrent un chemin abandonné : c’est un ancien cavalier, c’est-à-dire un remblai sur lequel les exploitants de charbon avaient, dès le lendemain de la Grande Guerre, installé une voie ferrée pour desservir la fosse de Vendin-lès-Béthune (à moins de 2 km de là vers l’est). Conservé à Chocques (avec l’espoir d’une ré-utilisation touristique), il a déjà été supprimé à gauche de la route (vers Vendin), absorbé dans les labours d’une grande pièce cultivée.
Nous traversons Chocques en nous dirigeant vers Labeuvrière, mais nous tournons à gauche immédiatement après le passage à niveau pour quitter la vallée de la Clarence et passer dans celle de la Lawe. Ces deux rivières sont parallèles et ont des profils transversaux comparables, larges, à fond plat, encadrés par les épaulements d’un plateau laniéré, 15 à 20 m plus haut. Les dépôts alluviaux récents (Fz des cartes géologiques, non représentés ici) sont aujourd’hui cultivés. Depuis le milieu du xixe siècle, ils ont accueilli des sites industriels et évoluent maintenant vers des zones d’habitat et/ou d’activités diverses, principalement commerciales. Nous constatons que les plus vieilles fermes ne sont pas installées à côté de la rivière mais un peu plus haut sur les versants, comme l’était l’abbaye de Chocques. Historiquement, il devait donc y avoir quelques inondations intempestives. Franchir l’interfluve de la Clarence vers la Lawe donne l’impression de franchir un col entaillant la ligne de crête qui porte le Bois des Dames (Fig. 17). En fait, l’extrémité de ce bout de plateau est un terril (T28 = terril de la Cuisse maraude) qui a été requalifié par l’EPF (Établissement Public Foncier) et CdF (Charbonnages de France) dans le cadre des mesures compensatoires aux impacts miniers (Lemal & Meilliez, 2017). Ce chantier est une réussite paysagère.
Arrêt 3 (Fig. 1, 2 et 17)
De l’autre côté, le paysage de la vallée de la Lawe est en tous points comparable à celui de la vallée de la Clarence. Entre Chocques et Camblain-Châtelain, les rivières sont fortement incisées (une vingtaine de mètres) par rapport au plateau laniéré (Pinchemel, 1954 ; Sommé, 1977). La vigueur des pentes des versants peut résulter de deux processus susceptibles de s’être combinés : un matériau facile à éroder et une déformation récente dont l’érosion n’aurait pas encore eu le temps d’effacer tous les effets. Les rivières (Lawe et Clarence) coulent sur des alluvions récentes, peu épaisses, déposées directement sur la craie du Turonien moyen.
A l’entrée de Fouquereuil nous partons de suite à droite vers Gosnay. Après avoir longé un long coron, nous tournons à la première à droite sur une petite route qui passe sous un cavalier. Nous suivons cette route en mauvais état jusqu’à l’arrêt 3, avec, à droite, l’entrée d’une carrière interdite d’accès (Fig. 19), et à gauche l’ancienne Abbaye aux Dames. En mai 2000, la carrière était en cours de reconversion en centre technique d’enfouissement ; seule sa tranchée d’accès était observable. Elle montrait, sur une hauteur de 4 à 5 m, un ensemble de lentilles sableuses empilées, contenant des lentilles argileuses, récessives. Ce dépôt devait soit appartenir à un glacis orienté vers le nord, soit constituer un cône alluvial, sur lequel une chenalisation très mobile devait évoluer latéralement lors d’arrivées d’eaux chargées et intermittentes. Cet ensemble a été assimilé par le cartographe aux Sables d’Ostricourt (Thanétien) reconnus en sondages plus au nord. Il s’agirait sans doute d’un faciès de bordure puisqu'un peu plus loin vers le centre du bassin, dans la région éponyme, les Sables d’Ostricourt sont réputés marins et organisés en couches régulières. Ce dépôt est lui-même recouvert et raviné par un cailloutis grossier, largement dominé par des silex arrondis, emballés dans une matrice peu abondante sablo-graveleuse. Là aussi le dépôt est celui d’un système chenalisé érosif sur un glacis ou un cône alluvial. Il est épandu sur une large part du Bois des Dames (Fig. 17), et est cartographié comme cailloutis plio-quaternaire. Mais cette attribution demeure aléatoire. Il pourrait aussi s’agir d’un dépôt amont, très grossier, de la Formation des Monts de Flandres (voir § II-1 et Fig. 5).
Entre Gosnay et Bruay - La Buissière, le fond de vallée a été une zone très industrielle, de production charbonnière et industries de transformation : une cokerie, un lavoir et un atelier, encadrés de plusieurs terrils (T11, T12 sur le Bois des Dames ; T27 et T259 en rive droite de la Lawe). La production charbonnière (5 fosses pour 12 puits) était concentrée à l’amont de l’Arrêt 3, sur le territoire qu’occupe aujourd’hui l’agglomération urbaine. Sur la concession de Bruay, la période de production a couru des années 1850 à 1970. La renonciation à concession de Bruay a fait l’objet d’un arrêté le 22 octobre 2007. Toute information peut être consultée auprès de UTAM-Nord (voir Webographie) (Lemal & Meilliez, 2017). Après arasement des installations de surface, la friche a été vendue pour le franc symbolique à l’association Emmaüs. Après avoir fait établir le dossier de déclaration ICPE (installation classée pour l’environnement), celle-ci a pu y créer et développer plusieurs entreprises, dont le recyclage de vêtements avec Le Relais.
Nous continuons vers Bruay sur la même petite route. Elle passe près de quelques anciennes maisons de cadres de la Compagnie des Mines de Bruay. A l’entrée de Bruay, nous tournons à droite pour retourner dans la vallée de la Clarence. La route est faiblement oblique sur le tracé cartographique de la Faille de Ruitz, laquelle semble surtout déterminer la position de l’isohypse 80 (Fig. 17). L’expression des failles dans la topographie sera discutée plus loin. Là encore les terrils T16 et T17 ont été refaçonnés pour se confondre dans le paysage. A mi-côte, au sud de la route se trouve un très important lycée technique spécialisé dans les travaux publics qui dispose d’espaces et de matériaux à travailler.
Arrêt 4 (Fig. 1, 2, 17 et 20) :
Nous quittons la concession de Bruay pour passer dans celle de Marles. La renonciation à concession a fait l’objet d’un arrêté pris le 25 septembre 2007. Elle aura été une concession très productive entre 1858 et 1974, notamment en 1916 et 1917 (Meilliez & Dumont, 2019). Pourtant cela avait mal commencé : avant d’obtenir la concession (29/12/1855), l’exploitant avait commencé un premier puits qui a rencontré des sables boulants vers 56 m de profondeur, s’est ennoyé puis a été abandonné. Le puits n° 2, entrepris un peu plus loin en 1854, est entré en production en 1858 de si bonne façon qu’un chemin de fer a été construit en 1860 pour le desservir, ce qui était encore rare à l’époque. Mais le 28 avril 1866 une importante venue d’eau dans le cuvelage a conduit aussi à sa ruine. Cette venue d’eau était au même niveau que la précédente dans le puits 1. On sait aujourd’hui qu’elle est localisée sous la couche imperméable du Turonien inférieur et moyen (Dièves), mais au-dessus du Houiller (sondage BSNK, Fig. 17). Dans les descriptions de sondages de la Banque de Données du Sous-sol, elle est désignée « Cénomanien ». Mais plutôt que la craie cénomanienne qui affleure au pied de la falaise du Blanc-Nez, il s’agit ici d’un faciès sableux, peut-être confondu du faciès continental qualifié de wealdien, partout riche en eau sous pression, ayant aussi comblé des poches de dissolution sur la surface d’érosion post-paléozoïque. Dans la région de Valenciennes, c’est une poche pareillement située qui, en crevant et inondant la mine, a inspiré Zola pour Germinal.
Le site de Marles-les-Mines, dans sa partie basse, constitue l’arrêt 4. Nous descendons la route de Bruay, franchissons la voie ferrée, la Clarence, puis tournons à gauche sur la route principale de Marles. Une centaine de mètres plus loin, une surface commerciale d’un grand magasin de bricolage donne l’opportunité de s’approcher, au bout du parking, de la Clarence. En fait le cours d’eau maigrichon qui coule dans la dépression linéaire n’est pas la rivière, mais son fossé collecteur de ruissellements en rive gauche. La rivière se trouve 6 m au-dessus, sur un remblai. Le fossé de décharge aboutit à une construction qui abrite une station de relevage des eaux (SRE). Lorsque les eaux de ruissellement accumulées dans ce fossé sont suffisamment hautes, un contacteur électrique commande la pompe de la SRE qui remet le trop-plein dans le cours de la Clarence, de façon à restituer l’écoulement normal (Fig. 20). Cette observation et ce dispositif permettent d’apprécier ce qu’on appelle un affaissement minier (Lemal & Meilliez, 2017). Nous rejoignons l’église de Marles, située près du cours naturel de la Clarence, mais aujourd’hui en contrebas. De là, nous montons sur le pont qui franchit la Clarence pour voir le cours d’eau à son niveau normal d’écoulement, grâce à une digue érigée par les compagnies minières au fil de l’évolution de l’affaissement. Juste en amont du pont émerge un tuyau par lequel sort, en tant que de besoin, le surplus d’eau relevé par une autre SRE située en rive droite (Fig. 17). Un affaissement minier n’est pas une déformation brusque dès lors que l’exploitation est suffisamment profonde (environ une centaine de mètres ici). Comme par ailleurs, les veines exploitées sont proches de l’horizontale sur une grande étendue, il n’y a pas de déplacement différentiel important et la surface du sol est descendue lentement, par simple translation verticale. En examinant bien l’église on peut constater qu’elle est quand même légèrement inclinée longitudinalement vers l’amont de la vallée. Le dossier de sortie de concession fait état d’un affaissement compris entre 20 et 25 m. Ce serait le lieu d’affaissement maximal sur l’ensemble du bassin minier. Une publication de l’an dernier (Budzik et al., 2019 : fig. 1) montre une belle vue aérienne de la commune de Marles-les-Mines, de la cité minière située sur le plateau entre Marles et Auchel, et du terril T15 sur le territoire de Calonne-Ricouart. Vu d’avion, rien ne marque la zone d’influence d’un affaissement minier. Ce point d’arrêt 4 permet aussi d’apprécier le fait que, en l’absence d’endiguement de la Clarence, la vallée eût été occupée par un lac longiligne entre Camblain-Châtelain et Labeuvrière dont la profondeur maximale aurait été localisée à Marles-les-Mines.
Nous reprenons la route vers Calonne-Ricouart, et traversons la Clarence avant d’entrer dans la partie ancienne du village. Nous continuons en direction de Pernes-en-Artois, en franchissant la « Chaussée Brunehaut » qui relie Arras à Thérouanne et traverse Camblain-Châtelain.
Les collines d’Artois : Arrêts 5 et 6 (Fig. 1, 2 et 21 à 23)
Pour qui découvre la région en passant sur cette ancienne voie romaine (et sans doute plus ancienne : Leman, 2010) pour aller d’Arras à Thérouanne, la route fait l’effet d’une frontière paysagère : à droite, vers le nord-est, le paysage bas des Flandres au loin et la bande intermédiaire du bassin minier, industrielle et peuplée ; à gauche, vers le sud-ouest, un paysage agricole, vallonné, avec des villages groupés auprès de cours d’eau. Ce sont les collines d’Artois, lesquelles constituent la bordure septentrionale du grand plateau picard qui s’étend jusqu’à la Normandie (Pays de Bray) et l’Ile-de-France. Une frange étroite, d’altitude intermédiaire (entre 80 et 100 m) crayeuse, précède l’étroit plateau d’Artois. Cette bande s’élargit vers le sud-est, où elle porte le nom de Gohelle.
Arrêt 5 (Fig. 1 à 3 et 21 et 22) : la carrière de Pernes-en-Artois
Une fois cette route ancienne franchie, le paysage change radicalement. La Clarence coule au fond d’une vallée linéaire et dissymétrique. Son versant de rive gauche, raide, laisse voir la craie du Turonien inférieur, marneuse, surmontée d’un niveau peu épais (10 à 20 m) de Turonien moyen, plus crayeux et redressant le profil du versant. Au-dessus la pente diminue nettement, ce qui marque le passage à la craie plus friable du Turonien supérieur passant au Coniacien (Tableau 1). En rive droite le profil est nettement moins pentu, permettant la mise en culture ; il est recouvert de lœss et de colluvions qui couvrent le plateau.
Après avoir franchi la Clarence à l’entrée de Pernes-en-Artois, la route passe devant l’entrée d’une carrière en activité dans laquelle il n’est pas recommandé d’entrer car le matériau est très friable et les fronts de taille peu sûrs (Fig. 22). Cependant de gros blocs déposés par l’exploitant à l’entrée suffisent à montrer le faciès de grès à grains très fin, bigarré (Fig. 23) comme il s’en dépose dans le fond de golfes que prolonge une large plaine alluviale, sous climat tropical. Aujourd’hui, le fond du Golfe Persique en est un bon exemple. Ici, Goujet & Blieck (1979) ont identifié quelques fines couches marines grâce à leur contenu faunistique. L’une d’elles a livré des hétérostracés ("Agnathes"), poissons primitifs, cuirassés. Par comparaison avec d’autres affleurements connus en Europe, ces couches sont attribuables au Lochkovien (Dévonien inférieur : Tableau 1). Ce type de faciès, dans les Iles Britanniques, caractérise le Continent des Vieux Grès Rouges. Le matériau est utilisé sous son faciès fin en ornementation paysagère (allées, …), tandis que les gros blocs sont utilisés à bloquer le passage de véhicules non autorisés sur des voies de circulation douce ou autour de chantiers publics, comme c’est le cas en divers lieux de la métropole lilloise.
La présence de ce pointement de terrains très anciens au travers de la couverture de craie implique de fortes déformations géologiques anciennes auxquelles participe la Faille de Pernes (Fig. 21). L’interprétation de l’ensemble sera discutée plus loin, mais on peut déjà noter que la Faille de Pernes semble n’avoir aucun effet sur le profil de la Clarence (Fig. 13).
Nous traversons le village et prenons la route en direction de St-Pol-s/Ternoise. La route monte vers le plateau qui sert de crête aux collines d’Artois. Environ 2 km après avoir quitté Pernes, nous nous engageons à gauche dans une petite route qui mène à Bours.
Arrêt 6 (Fig. 1 à 3, 21 et 24) : le site de Bours, zone humide qui alimente la Clarence
Le petit village de Bours, aujourd’hui à l’écart et en contrebas de la route principale, a conservé un plan quasi médiéval avec un espace central occupé par un donjon du xii-xive siècle (Seydoux, 1976), autour duquel sont disposées des maisons basses, typiques du Ternois. Des fouilles archéologiques récentes (2019) montrent que ce « donjon » est une tour d’angle d’une « maison forte », carrée (voir Webographie). La carte géologique indique, au pied du versant de rive droite, une ancienne carrière qui exploitait la craie marneuse du Turonien inférieur. La pente naturelle se redresse ensuite et vient fermer une sorte de cirque sur les bords duquel les maisons se sont échelonnées. L’espace central est une zone humide qui se nourrit de nombreux ruissellements sur les marnes du Turonien moyen (Dièves), que le château, au centre, drainait dans son fossé circulaire. A l’aval le cours d’eau qui se forme est le principal contributeur du cours de la Clarence qui ne s’individualise réellement qu’entre Bours et Pernes. Le château est construit en grès du Dévonien inférieur, extraits des carrières proches : Pernes pour quelques bancs gréseux très résistants et surtout La Comté-Beugin, au même niveau, mais dans la vallée de la Lawe. En amont de Bours, le rebord de plateau est entaillé par deux vallons secs convergeant vers le village.
Que peut bien raconter ce donjon à côté et en contrebas de la route… aujourd’hui ? Si l’on se replace 800 ans en arrière, les moyens de communication étaient très dépendants du climat et de la nature des terrains sur lesquels les déplacements s’effectuaient. Les sables et argiles de Flandres en général, et ceux de la plaine de la Lys en particulier, n’étaient pas propices aux charrois de marchandises, sauf par voie d’eau. La Lys est en lien avec la mer, et la Clarence la relie aux collines d’Artois. Au-dessus de Bours commence le plateau picard qui permet, sur un support crayeux, résistant et perméable, de se déplacer par voie terrestre. Il est donc tentant d’émettre l’hypothèse que la localisation de Bours est déterminée par la rupture de charge nécessaire entre un transport à terre et un transport par barque. On objectera que les dimensions de l’actuelle Clarence ne se prêtent pas à un tel transport par voie d’eau. C’est oublier que les barques étroites à fond plat sont utilisées même sur de petits rus dans tous les pays et à toutes les époques qui l’ont nécessité. En outre il faut préciser que la consommation d’eau par nos sociétés, s’est accrue depuis le milieu du xxe siècle et a fait sensiblement baisser le niveau des aquifères que drainent les cours d’eau.
Le plateau, sur cette traverse, culmine à 167 m (Fig. 2). Plus haut que le Mont Noir, il rend crédible le dispositif d’alimentation gravitaire de l’aquifère sous Bailleul tel qu’il est présenté ici (Fig. 5). Le plateau porte plusieurs éoliennes car il domine tout le pays picard qui s’étend vers le sud. Il est revêtu d’un manteau de lœss dont l’épaisseur est très variable. Certains bosquets occupent des placages résiduels de sables thanétiens. De larges étendues sont en pâtures. Quelques champs labourent une terre lourde, chargée de silex arrondis, le plus souvent cassés à bords francs. Ces silex diffèrent de ceux qui forment les cailloutis pris dans les grès et conglomérats du Bois des Dames et des Monts de Flandres. Il s’agirait plutôt d’argiles à silex et de dépôts accumulés dans des dolines.
La traverse est terminée. Le retour se fait en revenant sur Camblain-Châtelain par la même route, puis en prenant à droite pour revenir par Divion, Houdain puis la A21 et la A1. On peut ainsi voir les paysages traversés mais davantage vers l’est, et via une voie totalement artificialisée pour les besoins du transport routier. Que retenir de ce parcours ? Quelles questions demeurent sans réponse satisfaisante ?
Informations retenues et questions en suspens
Cette visite avait pour objectif d’observer des marqueurs paysagers, témoignages que l’Homme a laissés sur un territoire qu’il a fortement impacté depuis quelques millénaires (surtout le dernier). Ces marqueurs racontent les diverses formes d’adaptation qu’il a développées pour vivre de, et sur ce territoire. Il l’a fait en fonction des besoins qu’il éprouvait, en apprenant à vivre avec ce qu’il découvrait : un territoire qui vit, selon une dynamique propre et naturelle, caractérisée par un pas de temps sans commune mesure avec la durée de la vie humaine. L’Homme a dû la prendre en compte par nécessité, consciemment ou non, tantôt en en tirant profit (ressources minérales, alimentaires, utilisation des espaces), tantôt à ses dépens (inondations surtout, et conséquences sur la mobilité, entre autres). Aujourd’hui, l’Homme a démultiplié sa capacité d’intervention sur le milieu en le taillant, le perforant (travaux publics, extraction matériaux), en modifiant très fortement l’écosystème dans sa géobiodiversité (hydraulique, agriculture, pollution). Cependant la réponse naturelle du milieu est lente et les effets en retour n’affectent que rarement les générations qui en sont les causes. Et sur ce territoire au relief peu contrasté, les manifestations de déséquilibre, comme les processus naturels de correction, s’effectuent surtout par l’action de l’eau. Or la pression humaine est de plus en plus prégnante, tant par raison quantitative que par l’absence de conscience des risques spécifiques à ce territoire, très dépendant de l’eau. La faiblesse du relief et la certitude que tout problème trouvera une solution technique rendent l’Homme contemporain trop sûr de lui. Quelles informations cette traverse des monts de Flandres aux collines d’Artois nous apporte-t-elle par rapport à cet enjeu ? Comment aborder les questions en suspens pour progresser dans leur compréhension ?
La méthode proposée ici consiste à passer d’une échelle à l’autre entre la vision d’ensemble et la situation locale. Cette méthode a l’inconvénient d’une complexité relative, mais l’avantage de mettre en évidence l’aspect systémique du fonctionnement. Evidemment, si l’on considère un territoire plus vaste comme le nord-ouest européen, seront considérées comme variables internes des paramètres qui, ici, sont pris comme conditions aux limites. Libre au lecteur de réfléchir selon la même méthode en variant le niveau de territoire sur lequel il s’interroge.
Le système visité ici est représenté par une coupe géologique (Fig. 25) construite selon le même tracé que la précédente (Fig. 5), mais plus précise car construite en projetant orthogonalement les sondages les plus proches, renseignés dans la BSS (Webographie : Infoterre). Le plus éloigné est à moins de 2 km du trait de coupe. L’échelle des hauteurs est exagérée 10 fois de façon à rendre visibles les écarts possibles, enjeux de la discussion. La précédente (Fig. 5) était un schéma (exagération verticale : 50) pour faire comprendre la boucle naturelle de l’eau. Cette fois (Fig. 25) l’intérêt est d’examiner les rapports entre les variations topographiques et la structure géologique. Dans les terrains crétacés (Tableau 1) le niveau repère est le Turonien inférieur à moyen, peu perméable, qui se comporte comme le plancher de l’aquifère régional le plus important. Et l’Argile de Louvil, marqueur basal de la série paléocène-éocène, est à la fois le toit du précédent et le plancher d’un autre aquifère régional de faible productivité (Crampon et al., 2003) et dont l’état de pollution actuel interdit l’utilisation en tant qu’eau potable. La structure interne du substratum paléozoïque ne sera pas discutée ici.
Le circuit de l’eau
Le schéma d’ensemble (Fig. 5) n’est pas mis en défaut mais l’examen détaillé révèle nombre de failles qui sont autant de points singuliers dans la transmission de l’eau, discontinuités à certains endroits, communication en d’autres. Ces failles relèvent de plusieurs évènements au cours des 300 derniers millions d’années, et le décryptage de leurs effets est d’autant moins simple que certaines ont joué à plusieurs reprises. A quoi il faut ajouter que le déplacement sur une zone faillée ne se limite que très rarement à une composante verticale ; il y a presque toujours une composante coulissante, transversale au trait de coupe, souvent dominante dans cette région. Ces failles sont constituées de plusieurs surfaces de rupture dont les aspérités peuvent être arrachées et fragmentées par friction. Il s’ensuit que, dans la craie, les couloirs faillés sont souvent à forte porosité, accueillant de l’eau qui contribue à dissoudre les blocs de craie et à faciliter le glissement relatif. Mais si un tel glissement est intervenu après que des sédiments (sables et argiles) thanétiens se sont déposés au-dessus, il est fréquent que lors du déplacement relatif, ces sédiments détritiques soient entraînés vers le bas par l’eau et bouchent la porosité de sorte que si certaines failles favorisent le transfert de l’eau, d’autres l’obèrent. C’est l’une des raisons pour lesquelles le temps de transit souterrain entre les collines d’Artois et le site de Bailleul est aussi approximatif (cf. § II-2).
L’ensemble des collines d’Artois (plateau intermédiaire entre les failles de Pernes et de Sains inclus) est bien le lieu d’infiltration maximale. Sur la coupe (Fig. 25), le report du profil longitudinal de la Clarence permet de comprendre pourquoi elle coule de Bours au Bois des Dames sur le Turonien inférieur à moyen, sur un tapis d’alluvions récentes (Fz des cartes géologiques éditées). Outre les petits affluents reçus sur ce tronçon, son alimentation vient du plateau de Valhuon, qui contribue aussi à la Ternoise vers le sud. Sous le plateau de Valhuon, la discordance alpine (Tableau 1) est coupée par quelques failles, mais différemment des couches d’âge turonien, ce qui trahit une pluralité de mouvements à des moments différents. On peut notamment observer qu’entre les sondages BTVF et BTWA, une connexion hydraulique est possible entre l’aquifère de la craie au-dessus avec les sables et carbonates attribués au Cénomanien dans les sondages. C’est un exemple des aléas de transfert en hydraulique souterraine. A partir de la Faille de Ruitz et du Bois des Dames, la nappe de la craie est captive sous l’Argile de Louvil.
La topographie et la tectonique
Depuis que Gosselet (1908) en a démontré l’existence, les failles de l’Artois ont stimulé les observateurs, et notamment les exploitants du gisement houiller (Bouroz, 1956). Certaines ne décalent que les terrains crétacés (suivre ici le Turonien inférieur et moyen) ; d’autres ne décalent que la discordance alpine ; d’autres enfin décalent les deux, mais pas nécessairement dans le même sens. D’où une représentation suggestive (indices 1, 2 sur les demi-flèches de la Fig. 25) pour évoquer l’ordre relatif de sens de mouvement sur quelques-unes de ces failles. La clarification des évènements en jeu ne peut être analysée avec cette seule coupe et ne sera donc pas discutée ici. En revanche peuvent être cernés quelques-uns des évènements tectoniques qui ont contribué à façonner ce territoire.
- La discordance alpine est la surface sculptée par l’érosion depuis la fin de la déformation varisque (environ 300 millions d’années) jusqu’à ce que les conditions nécessaires à une nouvelle transgression marine suffisamment longue pour laisser un dépôt sédimentaire significatif soient remplies (Amédro & Robaszynski, 2014). Cette transgression a opéré dans un contexte distensif avec des failles synsédimentaires (Meilliez, 2016, 2018), dont l’un des effets est la différence de puissance, voire de faciès de part et d’autre d’une même faille (Fig. 25 : entre sondages CKUV et BTRW, entre BTVF et BTWA, entre BUFA et BUAV, entre AVUF et AVUH, …). Ces failles ont cessé de fonctionner avant la fin du Crétacé et ne sont donc pas toutes visibles en surface.
- Sous la plaine de la Lys, si l’on remet à l’horizontale l’Argile de Louvil, c’est-à-dire dans l’attitude qu’elle devait avoir lors de sa sédimentation, les terrains crétacés apparaissent découpés en panneaux par quelques failles (Bailleul, Merville, Robecq, Chocques), ce qui va dans le sens de la remarque précédente.
- Puis, durant l’Eocène supérieur l’anticlinal de l’Artois, et celui du Pays de Bray ont commencé à émerger (cf. § III-1). Sur la Fig. 25, le Turonien inférieur et moyen au cœur des collines d’Artois forme une convexité ample qui marque la forme anticlinale. On peut aussi observer au-dessus de la faille de Marqueffles que le Turonien inférieur et moyen est relativement mince. La craie est une roche très fragile au sens rhéologique du terme, ce qui en a fait un site de fracture facile. A l’aplomb des failles de Sains, Ruitz, Marqueffles et Bours, la discordance alpine et le Turonien inférieur et moyen ont été déplacés (composante inverse) dans le même sens et d’une intensité égale pour chacun des niveaux repères sur une faille donnée. Il est donc probable que tous ces déplacements soient homogènes et synchrones (vus d’aujourd’hui). La faille de Pernes ne semble pas avoir suivi le mouvement, ou très modestement.
- Après (ou pendant) son dépôt, la série paléocène-éocène a lentement et faiblement basculé vers le nord. Mais une faille, encadrée par les sondages AVUF et AVUH (Fig. 25) semble avoir désolidarisé la plaine de la Lys des monts de Flandres. Rien ici ne permet d’encadrer la datation de ce déplacement relatif. Dans la région du Bois des Dames, le système faillé encadré par les failles de Sains et de Ruitz, et sans doute quelques autres failles subsidiaires ont affecté l’Argile de Louvil et lui sont donc postérieures.
- Les conglomérats à galets de silex observés au Bois des Dames (entre 75 et 85 m : arrêt 3) peuvent ici recevoir une explication alternative. Si l’on admet que les séries détritiques, partiellement conglomératiques, qui coiffent les monts de Flandres expriment une phase du soulèvement de l’Artois (cf. § III-1), les cailloutis du Bois des Dames peuvent avoir deux significations exclusives :
- s’ils représentent un faciès amont de la Formation des Monts de Flandres (Houthuys, 2014), ils témoignent de la progression du basculement régional lié à la surrection de l’Artois puisqu’ils reposent sur les couches basales du Thanétien ; et le système faillé localisé ici au sud de Bailleul participerait à un épisode d’âge post-éocène ;
- sinon, ils représentent un étalement de cailloutis sur un piedmont continental plio-quaternaire et il ne faut pas les corréler avec la Formation des Monts de Flandres ; alors ils ne nous apprennent rien sur le système faillé de Bailleul.
- Seule la faille de Ruitz montre un parallélisme étroit entre au moins une partie de sa trace et l’isohypse 80 (Fig. 17). Les ressauts morphologiques très marqués le long de la faille de Ruitz et de celle de Bours suggèrent qu’une tectonique assez récente les ait mobilisées.
- S’appuyant sur une analyse très fine des dépôts qui recouvrent la craie sur les plaines du nord de la France, Sommé (1977) a fortement évoqué la possibilité de mouvements tectoniques mettant en jeu des failles durant le Pléistocène moyen et supérieur (entre 700 000 et 12 000 ans). Ceci reste à confronter avec le modeste soulèvement tectonique régional (de l’ordre de 50 m) que l’analyse des terrasses de la Somme a permis de différencier de l’effet des variations climatiques durant le dernier million d’années (Antoine et al. 2007).
Conclusion
La visite de terrain entre les monts de Flandres et les collines d’Artois traverse un territoire dont l’Homme a de tout temps exploité les ressources : matériaux minéraux en surface et en souterrain, agriculture sous ses diverses formes, eau, espaces. Il y a bâti, de façon dispersée par endroits, concentrée ailleurs. Il a tressé un réseau de draînage conséquent sur des espaces plats et peu perméables. Il a tissé des réseaux de voies de communication faisant obstacle par endroits au ruissellement naturel. Il a imprégné les sols et toute la biosphère (lui compris) d’éléments et composés chimiques qui ont alimenté une activité industrielle, très prégnante durant 3 siècles. Tout cela est allé trop vite par rapport au territoire naturel dont les réponses adaptatives paraissent à l’Homme de plus en plus insupportables. Cela tient à deux raisons : d’abord l’espèce humaine est de plus en plus abondante sur un espace qui ne s’agrandit pas ; ensuite les pas de temps d’action diffèrent par trop entre l’Homme et la planète.
Au niveau local, les réponses se vivent surtout par la relation avec l’eau, superficielle comme souterraine : risques d’inondations, baisse de productivité de la ressource, érosion/sédimentation, dégradation qualitative des sols et appauvrissement pédologique. On a vu que le transfert souterrain de l’eau se mesure en dizaine d’années à l’échelle du territoire régional. Mais l’augmentation de consommation par l’Homme, sur un espace donné, n’a aucune raison d’entraîner une augmentation des pluies pour tenir la ressource à niveau ! La dégradation qualitative de la ressource par des intrants à des doses toxiques n’a aucune raison d’entraîner une accélération / démultiplication des processus naturels d’épuration pour compenser la réduction quantitative conséquente.
Au niveau global, les réponses sont encore plus complexes car elles mobilisent de nombreux processus qui s’enchaînent et s’emboîtent, chacun avec son propre pas de temps. Rien n’autorise à penser que l’anticlinal de l’Artois a terminé de croître. La déformation qu’il accommode s’exprime par des évènements continus et discontinus. Au cours du dernier millénaire, quelques séismes ont été enregistrés (Lambert & Levret-Albaret, 1996). Mais par comparaison avec ceux des régions dites actives (Antilles, ceinture Pacifique, régions périméditerranéennes), il s’agit de séismes modérés, voire de déformation asismique. Entre temps, la déformation tectonique continue se poursuit sans que l’on sache l’apprécier. Ce n’est pas faute d’essayer (Fourniguet, 1977). Le développement du suivi géodésique par satellite fait ses preuves sur les orogènes actifs (Alpes, Himalaya, Andes, …) et commence à apporter des résultats prometteurs sur les zones moins montagneuses et réputées peu mobiles (Grappin et al., 2008). Mais on ne publie pas encore de cartes de mobilité verticale régionale d’autant plus qu’il faudrait s’accorder sur un niveau zéro relatif planétaire. Or le dynamisme des masses d’eau de l’océan mondial, dépendant du climat, n’est pas encore suffisamment compris au niveau régional pour que le citoyen puisse acquérir la perception d’un état qu’il qualifiera de normal… à son échelle de temps propre. On pourrait ajouter les effets des mécanismes compensatoires locaux qui, par érosion / sédimentation, tendent à corriger les phénomènes actifs sur un pas de temps plus grand.
Cette visite de terrain est l’occasion d’une prise de conscience, à partager avec le plus grand nombre. Nous n’avons examiné que les relations entre l’Homme et son environnement minéral. Mais l’Homme n’est qu’une espèce parmi d’autres qui, toutes, cherchent à s’adapter de façon dynamique aux variations de leur environnement. Les zoologistes et botanistes s’en occupent. Il faut surtout que les réflexions suscitées par les observations du jour inspirent les décisions à venir en matière d’aménagement du territoire pour les décideurs de tous niveaux, pour tous les citoyens, citadins et ruraux.
Remerciements. — Les auteurs savent gré aux quelques 400 participants, de tous profils qui, depuis 2004, ont suivi cet itinéraire. Leurs commentaires, expériences, témoignages et questionnements sont toujours stimulants. Nos remerciements vont aussi à UTAM-Nord pour la mise à disposition des données géologiques et historiques du bassin houiller. Les relecteurs, Christian Dupuis et Pierre Dron, ont bien exercé leur sagacité pour amener à préciser une idée, améliorer une description, compléter les références scientifiques nécessaires ; qu’ils en soient remerciés. Les auteurs ont encore une fois exercé la patience du comité rédactionnel et sont reconnaissants de sa confiance vigilante. Et l’on ne peut clôturer ce compte rendu sans exprimer une reconnaissance à Jean Sommé† qui n’a rien laissé de côté. Ce qu’il ne savait pas expliquer, il le formulait en questions… pour nous ouvrir des pistes. Suivons son exemple.