Introduction
Aux confins des communes de Villeneuve d’Ascq et Lezennes (Fig. 1), jouxtant l’emprise du Stade Pierre Mauroy, un important chantier mixte, associant surface commerciale et habitat, vient d’entamer ses travaux de terrassement, courant avril 2020. Les moyens mobilisés sont conséquents (une douzaine d’engins) et le terrassement a progressé très vite. En dates des 12 et 24 mai, quelques photos ont été prises depuis le talus du golf, situé de l’autre côté du CD146. Ces photos sont présentées ici et analysées avec les éclairages de la carte géologique et d’observations antérieures, en attente d’approcher les fronts de taille dégagés temporairement.
Localisation et observations
Dans ce secteur, les affleurements sont toujours éphémères car l’urbanisme s’y développe très fortement et rapidement depuis les années 1960. La carte géologique de Lille (Sangnier & Dassonville, 1968), dispose encore du fonds topographique IGN (Institut Géographique National) de 1963 duquel nombre de repères ont aujourd’hui disparu. Entre autres le site couramment appelé Fort de Lezennes y est encore désigné comme batterie du camp français de 1792. Aménagée, puis complétée d’un bâtiment neuf, la casemate a hébergé la cartothèque du Service Géologique Régional, antenne régionale du BRGM (Bureau de Recherches Géologiques et Minières) des années 1960 aux années 1990. A la même époque, a été ouvert le chantier de la Cité Scientifique. Même s’il a déploré l’absence d’une réelle étude géologique, Antoine Bonte, professeur de géologie appliquée à la Faculté des Sciences de Lille, a pu inspecter les fonds de fouilles des fondations des bâtiments de première phase et en publier une analyse (Bonte, 1965). Enfin, il faut rappeler que le village de Lezennes a été un des centres importants, en périphérie de Lille, pour l’exploitation de la pierre à bâtir, au moins depuis le xve siècle (Cercle de Recherche Historique Lezennois, 2009). En conséquence, l’exploitation agricole en surface s’est trouvée de plus en plus gênée par l’émergence de fontis (Fig. 2). Les travaux de terrassement du stade (2010-2011) n’ont pas permis l’observation des fonds de fouilles.
La géologie locale est quand même assez bien cernée par la carte géologique qui représente une partie du flanc nord, faiblement penté, de l’anticlinal du Mélantois, la craie passant sous couverture « tertiaire » (dépôts thanétiens). De telle sorte que le front de taille, même observé à distance, peut être examiné à la fois par les données de cette carte (Fig. 1) et l’étude de Bonte (1965).
Une seule photographie est présentée ici qui illustre bien la série couvrant la craie (Fig. 3). La prise de vue du 24 mai (localisation sur Fig. 1) montre un front incliné taillé dans une série finement et régulièrement litée, surmontant la partie verticale du front creusé dans la craie. Sur une épaisseur de l’ordre de 3 à 4 m (estimation par rapport aux personnes présentes sur le site) on peut distinguer, de haut en bas, sous le remblai composé de blocs crayeux en vrac :
- plus de 1 m de limons (au moins deux couches) sous la terre arable ;
- environ 2 m d’une série finement litée qui est le Tuffeau landénien de Bonte (1965) ou Tuffeau de Valenciennes de la carte géologique.
- une craie blanche très fissurée verticalement.
Ce front longe un plan incliné remontant vers le stade aperçu au fond (Fig. 3). Le 12 mai, la taille de ce talus était en cours, et le remblai crayeux peu volumineux. Mais ce jour-là, le front de taille perpendiculaire (orienté nord-nord-ouest à sud-sud-est) était nettement plus lisible que le 24 mai. La surface de contact entre la série landénienne et la série limoneuse, litées, et la craie avait été dégagée sur plusieurs centaines de mètres carrés, permettant une observation, certes lointaine mais claire. Cette surface, mollement ondulée, ne semblait pas avoir été corrodée, et la base de la couverture n’était parsemée d’aucun bloc crayeux. Cette observation est cohérente avec la remarque de Bonte (1965) : sous couvert de tuffeau, la tête de la craie n’est pas corrodée, alors qu’elle l’est sous couverture de sables dépourvus de tuffeau, donnant des marnettes : petits blocs crayeux enrobés de marne blanche. Ce n’est pas le cas ici. Mais Bonte (1965) en a observées dans la partie nord-est de la Cité scientifique.
Hors du chantier, face au Fort de Lezennes, un parking à étages (désigné C1) a été construit en relation avec l’utilisation du Stade Pierre Mauroy. L’aménagement de son entrée avait demandé un léger décapage qui montrait, sous la terre arable, une couche d’ordre métrique de limon brun surmonté un sable roux, fin. Leur surface de contact n’était pas plane (Fig. 4, localisation sur Fig. 1). L’important est de constater que le tuffeau y est absent, conformément à ce qu’indiquait la carte géologique.
Intérêts géologiques
Alors que la géologie régionale est estimée simple, l’essentiel des travaux publics se fait dans une épaisseur de 10 à 20 mètres dont le détail surprend bien des opérateurs au moins pendant l’exécution des travaux, si ce n’est ensuite. Plus que des surprises de structure, il s’agit le plus souvent de comportement déroutant des matériaux en fonction des conditions climatiques (Bonte, 1965).
Sur ce site, pour l’instant, la composition géologique observée est conforme à l’interprétation représentée sur la carte géologique. Il n’y avait pas de marque de poche de dissolution sur la surface de la craie observée. Mais la présence de plusieurs d’entre elles sur le territoire de la Cité scientifique suggère d’être aux aguets, hors des placages de Tuffeau. Par ailleurs, ce dernier est normalement couvert par l’Argile de Louvil, noirâtre. Aucune trace n’a été perçue sur ces observations lointaines. Là encore, de l’Argile de Louvil a été piégée dans la partie centrale de certaines poches de dissolution de la Cité scientifique.
Il n’a guère été possible d’évaluer le pendage des couches de la craie avec précision. Comme le site se trouve sur la retombée nord du Dôme du Mélantois, le pendage devrait être très faible vers le nord. Sous une couverture d’ordre au plus métrique de limons quaternaires (Pléniglaciaire du Weichsélien : comm. orale de L. Deschodt, mai 2020), la craie a été observée directement dès la Cité scientifique (Bonte, 1965). L’enjeu de cette information est de savoir si la série landénienne repose en discordance sur la craie, ce qui serait une précieuse information régionale.
L’exploitation de la pierre à bâtir ne s’est pas étendue plus loin vers l’est, jusqu’à preuve du contraire. Outre une possible raison d’éloignement des chantiers, il pourrait y avoir une raison géologique : si la craie est pentée, même légèrement vers le sud ou l’est, le gisement s’approfondissant, il devient menacé par le niveau de la nappe dont on connaît la présence à l’air libre vers la cote 36-37, à environ 1 km du site dès l’entrée sur le territoire de Sainghin-en-Mélantois (Meilliez et al., 2014). Si elle n’est pentée que vers le nord, faiblement comme le suggèrent les cartes géologiques de Lille (Sangnier & Dassonville, 1968) et Carvin (Desoignies & Sangnier, 1968) qui se succèdent, alors les couches formant le gisement sous Lezennes auraient pu justifier un passage en carrières à ciel ouvert au niveau de la crête topographique et/ou au niveau de la Cité Scientifique. L’absence de telles carrières laisse à penser que l’arrêt de l’exploitation de la Pierre de Lezennes soit intervenu avant que le besoin d’extension vers le sud ne se fasse sentir. A moins que le pendage ne devienne quasiment horizontal. Il est vraiment regrettable de ne pas disposer de mesures d’orientation au niveau de la Cité Scientifique.
Remerciements. — Les auteurs remercient Hervé Coulon pour sa relecture attentive et Laurent Deschodt pour les indications fournies. Merci aussi au comité de rédaction d’avoir accepté in extremis ce constat d’affleurement éphémère. Enfin merci aux représentants des sociétés Aventim et Leroy-Merlin dont on vient d’apprendre qu’elles vont nous permettre de visiter le chantier au fil de l’évolution des terrassements, prévus jusque fin 2020. Une description plus précise de ces observations sera donc rapportée ultérieurement.