World Brain : du réseau à la terre

From the Network to the Ground

DOI : 10.54563/demeter.1195

Résumés

Cet article examine les multiples modalités d’apparition du projet artistique World Brain de Stéphane Degoutin et Gwenola Wagon, un travail qui questionne l’idée d’une connexion globale des sociétés par le numérique au regard du nouveau régime climatique. L’analyse s’appuie sur plusieurs éléments : le contenu et les médiums du projet, ses modalités d’exposition ou stratégies curatoriales ; enfin, ses modes de production, de financement et de diffusion, proches des industries dites créatives et numériques. Notre hypothèse est que les processus de création tels qu’envisagés par Stéphane Degoutin et Gwenola Wagon, ceux qui se déploient en dialogue avec les chercheurs et interrogent des modes de vie alternatifs en connexion avec le vivant, proposent une approche critique de l’économie de marché.

This article examines the multiple modalities of appearance of the artistic project World Brain by Stéphane Degoutin and Gwenola Wagon, a work that questions the idea of ​​a global connection of societies by digital technology in the light of the new climate regime. The analysis is based on several elements : the content and mediums of the project, its exhibition methods or curatorial strategies ; finally, its production, financing and distribution methods, close to the so-called creative and digital industries. Our hypothesis is that the creative processes as envisaged by Stéphane Degoutin and Gwenola Wagon, those which unfold in dialogue with researchers and question alternative lifestyles in connection with the living, offer a critical approach to the market economy.

Index

Mots-clés

World Brain, nouveau régime climatique, art et numérique, industries créatives et numériques, vies alternatives

Keywords

World Brain, new climate regime, art and digital, creative industries, alternative lifestyles

Plan

Texte

Cet article a pour objet l’analyse du projet artistique de Stéphane Degoutin et Gwenola Wagon, World Brain, réalisé en 2015, portant sur le développement et l’accélération du numérique qui façonne notre société de plus en plus connectée, submergée par une masse gigantesque d’informations. World Brain questionne l’idée même de connexion globale, en soulignant qu’elle nous éloigne du monde physique qu’il est pourtant essentiel de reconsidérer dans le cadre du nouveau régime climatique. Sur le plan de son exposition, au sens de sa mise en vue publique, World Brain se caractérise par une multitude de formes : site web, cartographie en ligne ou webdocumentaire, film-essai, installation, édition, projection accompagnée ou non de conférence. Nous verrons en quoi les conditions d’apparition du projet – ses stratégies curatoriales –, et les formes sous lesquelles il se présente participent du sens même de son contenu.

World Brain

Vidéo World Brain

World Brain, de Stéphane Degoutin & Gewnola Wagon

Crédits: Stéphane Degoutin & Gewnola Wagon

Permalien: https://vimeo.com/134225875

Ce projet nous intéresse en ce qu’il propose d’interroger la matérialité invisibilisée des mondes numériques confrontée aux imaginaires cosmogoniques, sur lesquels Internet est fondé. En mobilisant les travaux de Bruno Latour, Howard S. Becker et Theodor W. Adorno, entre autres, nous verrons comment ces représentations éthérées d’Internet reliant sur le Globe l’Humanité tel un Super-organisme1 pourraient bien s’inscrire dans l’héritage de la théologie chrétienne. Pour réaliser cette analyse, nous avons choisi de considérer plusieurs éléments : d’une part, le contenu et les médiums du projet, d’autre part ses modalités d’exposition ou stratégies curatoriales ; enfin, ses modes de production, de financement et de diffusion, éléments plus rarement retenus à nos yeux dans l’analyse d’une œuvre. Nous verrons que l’un des appels d’offres auquel les auteurs de World Brain ont répondu s’inscrit dans le contexte dit des « Images numériques et des industries créatives », une catégorie dont nous retracerons brièvement l’histoire. Pour analyser cet appel d’offres, nous nous sommes appuyée sur l’un de ses rédacteurs, Christophe Chaillou, avec lequel nous avons réalisé un entretien2. En quoi World Brain, qu’on peut apparenter aux œuvres numériques, s’oppose-t-il ou est-il relié au domaine des industries culturelles et créatives ? À quel type d’appel d’offres ce projet a-t-il précisément répondu ? Pourquoi a-t-il choisi, entre autres, la forme du webdocumentaire ? Y avait-il dans le contenu même de l’appel d’offres des éléments qui ont donné lieu et forme au projet ? Ces questions empruntent leur fondement à la sociologie interactionniste et en particulier aux travaux de Howard S. Becker, figure dominante de l’interactionnisme symbolique3. Nous avons ainsi cherché à nous émanciper d’une approche essentiellement visuelle et historiographique centrée sur l’œuvre, pour mieux cerner les rapports étroits qu’une œuvre entretient avec le contexte politique, social, économique et intellectuel qui la voit naître. Dans les pas de Becker, nous avons cherché à identifier les acteurs des mondes de l’art et des institutions qui ont permis l’émergence de World Brain, de sa mise en production (appel d’offres) à sa diffusion et réception (Arte, structures muséales), en observant l’interdépendance des acteurs les uns par rapport aux autres.

Cet article s’est appuyé sur l’étude des nombreux documents (iconographie, ouvrages théoriques, romans, extraits vidéo, citations, textes) que les artistes donnent à consulter à partir de leur site web4 et de leurs installations. Nous avons par ailleurs retranscrit une partie du texte en voix off du film et sommes allée faire l’expérience physique de l’installation à l’Hospice d’Havré à Tourcoing en 20155. Précisons que les documents consultés portent sur de multiples sujets, tous liés de manière directe ou indirecte aux représentations d’Internet conçu comme un Super-organisme censément dématérialisé, un Cerveau mondial. En nous appuyant sur World Brain, nous questionnerons ces représentations où la Terre tient lieu de cerveau et Internet – ses câbles, ses signaux électriques – renvoie quant à lui au réseau de neurones connectés entre eux.

Partie 1 : Analyse de l’œuvre et de ses modalités d’exposition

Un film-essai comme forme théorique

Les œuvres d’art numérique, par les matériaux et technologies nécessaires à leur production et diffusion (métaux rares, câbles sous-marins, fibre, acier, béton, barrages hydrauliques, data center, algorithmes, etc.), s’inscrivent dans l’héritage des sciences modernes qui se sont édifiées sur l’exploitation des ressources naturelles pensées comme illimitées et sur la croyance dans le salut par le progrès. Les premières minutes du film-essai6 World Brain s’ouvrent ainsi sur la matérialité du numérique en montrant les infrastructures nécessaires à son fonctionnement. Les auteurs relèvent d’emblée « l’anatomie d’une technologie qui n’a de virtuel que le nom7 ».

Nous allons à présent tenter de décrire ce film-essai qui se compose de nombreux éléments, qui rendent cette tâche complexe en submergeant celles et ceux qui l’analysent sous un foisonnement vertigineux d’informations, reflétant en cela le propre d’Internet : found footage, vidéos issues de YouTube, extraits de conférences de Steve Jobs, Mark Zuckerberg, Elon Musk, textes théoriques, images modélisées ou graphismes trouvés sur le web, expériences de Mesmer sur le magnétisme animal, tableaux, vidéos tournées dans une forêt, discours de philosophes, de chercheurs, archives vidéo de communautés hippies, etc. La composition, le montage et le rythme composent un film singulier articulant concepts théoriques et expérimentations plastiques, qui emprunte à la fois au documentaire et à la fiction.

Le titre World Brain est emprunté à l’écrivain H. G. Wells. En 1938, cet auteur publie un ouvrage qui rassemble plusieurs de ses essais et conférences sur l’idée d’une encyclopédie mondiale qui regrouperait, en l’unifiant, tous les savoirs de l’humanité. H. G. Wells y promeut l’idée d’une encyclopédie dans une perspective globalisante et normative du savoir. Mais à partir de quel mythe, de quelles représentations, de quel genre, de quel territoire parle-t-il ? Ou, pour le formuler autrement : où réside-t-il quand il évoque une « vue globale   de l’universel et du savoir ?  On saisit l’impossible universalisme du projet de H. G. Wells que Stéphane Degoutin et Gwenola Wagon semblent dans leur travail en partie dénoncer. Le film questionne néanmoins la métaphore d’Internet comme Cerveau mondial, envisagé comme « une conscience collective issue de tout l’espace humain unifié en un seul corps, un seul esprit8 », ce qui, reconnaissons-le, est bien effrayant.

Dans la première partie du film, une voix off, mécanique, déshumanisée et sans affect – dramatisée cependant par une trame musicale en arrière-plan –, accompagne les images, alors que la seconde partie donne la parole à des chercheurs issus de différentes disciplines, ayant décidé de fonder un laboratoire nomade dans une forêt. Pour réinventer leur propre vie sur terre, ils partent équipés de quelques éléments de survie ainsi que d’ordinateurs et de panneaux solaires. Commençons l’analyse par la première partie du film qui montre et commente la prolifération et l’autonomisation des infrastructures cachées, tels les câbles sous-marins ou les vastes data centers, par lesquels transitent les données. L’extraction permanente des données, les systèmes de surveillance et de prédiction qui façonnent nos existences entourées d’écrans sont traités à partir d’images de caméra de surveillance et de logiciels dédiés. C’est sur la notion même d’information nous semble-t-il que le film insiste le plus, information considérée comme « l’éther dans lequel nous baignons ». Pour développer ce point, les auteurs ont sollicité le philosophe Pierre Cassou-Noguès, avec lequel ils collaborent régulièrement9. Dans le film, son discours est illustré par de nombreuses images figurant un Globe parcouru de faisceaux de lumières et de câbles électriques. C’est à ce moment du film que la comparaison entre le Cerveau et le Globe terrestre est la plus développée. Est-ce que des extraterrestres, interroge le philosophe, observant de loin la terre, ne verraient pas en premier cela, c’est-à-dire l’information représentée comme un faisceau de lumière reliée en plusieurs points formant une multitude de réseaux ? Ne verraient-ils pas, poursuit Pierre Cassou-Noguès, une créature intelligente, une entité située entre le cristal et l’insecte « colonisant » les humains qui disposaient jadis d’une conscience qu’ils ont perdu, naviguant désormais au rythme des algorithmes prédictifs ? À plusieurs reprises, le film convoque la figure d’un Super-organisme qui régente les comportements de l’humanité. Royaume du virtuel, ciel des idées (l’Information, la Lumière), Éther, tout concourt à effacer la matérialité des infrastructures numériques dans cette partie du film. Il nous semble que le discours ici porté, même si l’on saisit sa portée critique, n’est pas sans s’inscrire dans l’héritage de la théologie chrétienne. Pour approfondir ce point, reportons-nous au webdocumentaire, sur lequel nous reviendrons et qui accompagne le film. Ce webdocumentaire est construit avec des extraits du film-essai et des citations textuelles parmi lesquelles on trouve celle de Teilhard de Chardin :

La connexion universelle des pensées humaines a été annoncée par de nombreux autres auteurs et utopistes parmi lesquels Ernest Renan (L’Avenir de la science, 1848), Joseph Dejacque (L’Humanisphère, 1899) ou encore Howard Bloom (Global Brain, 2001). Mais c’est Teilhard de Chardin, jésuite et paléontologue, qui lui donne son expression la plus éloquente et la plus franchement mystique. Dans Le phénomène humain (1955), il imagine l’évolution à très long terme de l’humanité dans le contexte de la planétarisation croissante. L’harmonisation des consciences ferait tendre l’humanité vers un « point Omega » de parfaite spiritualité, où l’homme rejoint Dieu10.

Bien que le projet examine de manière critique cette approche d’Internet comme communication universelle « où l’homme rejoint Dieu », il n’en reste pas moins que le propos est traversé par part en part par des représentations ésotériques, mystiques et éthérées du Globe, de l’Humanité connectée et de l’Information, comme l’est le discours de Pierre Cassou-Noguès, même s’il se défend d’adhérer à ces représentations.

Dans une tout autre approche, le texte intitulé L’Anthropocène et la destruction (de l’image) du Globe11 de Bruno Latour en appelle à la destruction de la conception de l’Humain comme agent unifié et comme concept universel. Pour saisir la diversité qui compose le monde, l’Humain doit être selon cet auteur « décomposé en plusieurs peuples distincts, dotés d’intérêts contradictoires, de territoires en lutte12 ». Penser la Sphère – ou supposer une créature autonome faite d’informations, un Super-organisme ou un Dieu qui relierait toutes les intelligences entre elles –, revient à réifier un point de vue unique et dominateur (souvent blanc et masculin). « Pour le dire autrement, ajoute Latour, celui qui regarde la Terre comme un Globe se prend toujours pour un Dieu13 ». Selon Latour, cette approche – celle qui vise à penser la terre comme un Globe et l’Humain comme un agent unifié –, est à questionner en cela qu’elle rend impossible la prise en compte des peuples dans leur diversité et des mondes vivants non-humains qui habitent cette fragile et fine zone critique située entre le sous-sol et la basse atmosphère. En d’autres termes, l’approche éthérée de la Terre invisibilise ce qu’il advient des vivants aujourd’hui menacés. Si l’on prolonge la perspective de Latour, déconstruire l’image du Globe permettrait de descendre sur terre pour mieux penser la fragilité de nos écosystèmes. Il convient en effet d’atterrir sur terre14, d’observer les sols, de les travailler de manière responsable, de freiner l’éradication du vivant et d’envisager notre condition atmosphérique. Pour passer de la Terre, vue globalement comme une Sphère, à la terre, physique et sans majuscule, nous devons, écrit Latour, combattre l’idée même de la Sphère « qui pouvait permettre à n’importe qui de penser globalement » ; redescendre du Nuage – du Cloud –, du Virtuel faussement conçu sans matière, pour mieux le rematérialiser dans toutes ses composantes, en tenant compte de l’extraction de métaux rares, de l’énergie nécessaire aux datas centers, des économies qui financent les plateformes et du consumérisme qu’il engendre. Cela, afin de repenser à nouveaux frais la prolifération des œuvres numériques à l’aune de l’urgence climatique et de la biodiversité. Ces questions seront plus largement abordées dans la seconde partie du film.

Des chercheurs en quête de connexion au vivant

« Comment échapper à l’automation généralisée, comment réinventer l’humain dans un contexte déshumanisé ? », s’enquiert la voix off du film dans la seconde partie qui documente les activités d’un groupe de chercheurs à la recherche d’autres modes de vie. Dans cette partie du film, les chercheurs se donnent comme objectif de survivre dans la forêt, équipés d’un accès à Internet, qu’ils consultent par exemple pour apprendre à faire du feu. Ils disposent aussi de panneaux solaires et de quelques éléments low-tech. On voit qu’ici l’idée n’est pas d’opposer l’environnement naturel aux technologies, mais bien plutôt de penser d’une autre manière à la nécessité d’entrer en connexion avec le vivant. Il s’agit de réfléchir à la notion d’interdépendance, telle que nous l’enseigne l’étude d’un biotope, d’un milieu de vie par exemple, où chaque organisme vivant (animaux, végétaux, micro-organismes) est en interaction avec un autre, tout comme le réseau informatique relie entre elles nos données. Dans cette partie du film, une séquence montre les chercheurs, nus, recouverts d’une substance verte censée les mettre en contact avec l’écosystème qui les accueille, afin de percevoir autrement le milieu forestier.

Dans la forêt, les chercheurs créent une sorte de peau verte [conçue avec l’artiste Lou Delamare] qui leur fait perdre les limites de leurs corps et leur permet de se connecter avec l’environnement naturel. C’est une forme de communication extrême, qui passe directement par les nerfs, les veines, les neurones, mais pas nécessairement par la conscience. Dans cette idée de communication utopique, le corps reprend la place principale : le corps devient le médium15.

Ce passage suggère la possibilité qu’a le corps humain d’entrer en relation avec les autres espèces, les animaux, les végétaux ou l’atmosphère. Pour cette partie du projet, il ne s’agit plus de réunir des documents qui attestent des ravages du numérique sur nos milieux ou qui traitent de notre aliénation, mais d’imaginer des ressources et des expériences de pensée qui réinventent l’humain par la pratique. On pourrait ici mobiliser les travaux de l’historienne de l’art Estelle Zhong Mengual qui soutient l’idée qu’il est urgent d’apprendre à voir le vivant autrement et d’inventer « des pratiques capables de transformer notre œil et notre perception du monde vivant16 », pour ne plus le considérer comme le décor de nos actions mais comme la possibilité de changer de point de vue, en imaginant par exemple celui, phyto-centré, qu’un arbre peut avoir sur le monde. Dans le film, ce point est développé par Emmanuel Ferrand17 un des chercheurs partis vivre de manière expérimentale dans la forêt. Il y pose la question de la perception du végétal sur le monde, en prolongeant cette réflexion sur l’interaction des espèces vivantes par l’observation de l’écorce d’un tronc montrant la richesse et la complexité des vivants qu’il abrite. Ici animaux, bactéries, champignons vivent en interdépendance, en définissant leur environnement. Brain World nous transporte alors d’une conception éthérée du monde en tant que Sphère supérieure où transitent nos données au sein du programme néolibéral, à la possibilité de refonder du collectif entre les vivants, humains ou non, en marge de la logique du marché.

Le webdocumentaire, un essai transmédia

Nous allons à présent décrire le webdocumentaire, autre forme de World Brain, intitulé « carte » sur le site Internet du projet. Si nous utilisons le terme de webdocumentaire, c’est qu’il en était fait usage par les artistes en 201518. Sur le site de la plateforme multimédia collaborative Arte Creative, qui l’a diffusé et produit pour une part, il était présenté comme un «  essai transmédia  », à savoir un travail qui traverse plusieurs médias. La page Wiki du projet témoigne ainsi de :

L’arrivée des web-documentaires comme World Brain [qui] s’insère dans un paysage médiatique caractérisé par des changements dans le mode de consommation des médias. Alors que le lectorat de la presse écrite continue de baisser inexorablement, la télévision a progressivement cédé sa première place à l’internet en termes de temps passé devant l’appareil récepteur chez les «  digital natives  »19.

Face à ces transformations des modes de consommation culturelle qui s’accélèrent à partir du début des années 2010, il convient d’inventer de nouvelles formes de diffusion des contenus, auxquelles participe le webdocumentaire. Ces nouvelles formes de diffusion – ici un webdocumentaire –, renouvellent à leur manière les pratiques curatoriales. Sur la page Wiki, Brain World est qualifiée «  d’œuvre d’édition numérique interactive  » à partir de laquelle il est possible de consulter les extraits audiovisuels, les sources théoriques et iconographiques ayant servi aux artistes, ou de lire des extraits de textes divers, en zoomant sur ceux-ci. Mais comme énoncé plus haut, il est aussi facile de s’y perdre, ou de se sentir submergé par un dédale d’informations qui renvoie à la structure même du web. L’intérêt est d’offrir à l’usager une expérience non linéaire du projet, contrairement au film, en lui offrant la possibilité de construire son propre parcours à l’intérieur de la carte heuristique. L’expérience de l’utilisateur du webdocumentaire est alors similaire à celle de l’usager d’Internet : il est possible d’aller de lien en lien, de «  lire  » une vidéo, de compléter par un article ou de consulter un graphisme. Cette expérience sort l’usager d’une posture contemplative en le plongeant dans le dédale des informations proposées, cela en restant devant l’ordinateur ou le téléphone, seul, en dehors de l’institution muséale.

L’installation comme alliance des éléments numériques et physiques

L’installation constitue une autre modalité d’apparition de World Brain. Celle-ci se reconfigure en fonction des espaces muséaux dans lesquels le projet prend place. Par exemple, à l’Hospice d’Havré à Tourcoing en 2015, suite à la première mondiale à la Transmediale de Berlin20, le visiteur était conduit à circuler dans une salle au sol de laquelle avaient été jetés des copeaux de bois et placés des rondins d’arbre qui servaient de siège ou de support aux ouvrages dont s’étaient servis les artistes pour leur projet. Plusieurs écrans étaient également présents, qui diffusaient des extraits du film. On pouvait également naviguer sur le site Internet du projet. Ainsi, comme le site Internet et le webdocumentaire le proposent, il était possible de créer son propre cheminement à partir d’une collection de sources. En pénétrant dans cet espace aux murs sombres, nous avons fait le choix non de visionner les écrans mais de nous asseoir sur une souche de bois afin de consulter les ouvrages mis à notre disposition, dont les pages de certains étaient dotées post-it, renvoyant à la recherche même des auteurs. Ainsi scénarisée, cette bibliographie agissait comme une table de recherche présentant au spectateur les sources littéraires du projet, sources présentées physiquement pendant que les écrans numériques, de part et d’autre de la salle, diffusaient des extraits du film et que certains spectateurs avaient fait le choix de consulter le site. Cette scénographie particulière alliant des éléments naturels comme le bois, des ouvrages servant à la recherche et des écrans nous semble un exemple convaincant alliant des éléments numériques et physiques, on line et off line.

La dernière modalité d’apparition du projet que nous avons répertoriée s’actualise dans des conférences et des projections en présence des auteurs ainsi que dans des éditions, comme par exemple celle intitulée La société nuage 0121 de Stéphane Degoutin qui est une sélection d’images de data centers à travers le monde.

Il est donc intéressant de remarquer que les formes retenues, tant numériques que physiques, prolongent la réflexion sur Internet en tant qu’espace composé de matière et d’objets en interdépendance, favorisant l’interactivité dans une économie extractiviste de la donnée. En cela, World Brain s’inscrit dans la perspective historique de la modernité, pour laquelle l’outil, le support, les matériaux et les formes mobilisées deviennent le sujet même de la démarche, montrant ainsi le caractère résolument auto-réflexif du projet. Par ailleurs, en termes de pratiques curatoriales, il est intéressant de noter que les auteurs de World Brain s’attachent à transcrire in situ, dans l’espace physique de l’exposition, des éléments numériques. Il s’agit d’un projet qui s’instaure et se bâtit sur un va-et-vient continuel entre le numérique et le physique.

Partie 2 : Analyse du contexte de production

Le contexte de production : rôle de l’appel d’offres

Nous allons à présent examiner l’appel d’offres auquel ce projet a répondu, en étudiant le contexte dans lequel il a été formulé22. Dans une conception du monde de l’art, qu’interroge Howard S. Becker, qui reposerait de manière hiérarchique sur la figure centrale de l’artiste placée au sommet de la pyramide, on pourrait penser que les contenus des appels d’offres et les acteurs qui y président sont secondaires. Cette lecture hiérarchisée de l’organisation du monde de l’art, proche en cela d’une vision tayloriste du travail – la conception d’une part, la production mécanique de l’autre –, tend à accorder à l’artiste l’ensemble des valeurs relatives à la créativité. Cependant, l’idée d’éclairer un individu – ici le métier d’artiste –, aux dépens des autres métiers, ne reflète que très peu la réalité de ce domaine. Nous considérons que le régime de l’appel d’offres, qui tend à se développer dans le champ de l’art contemporain et notamment dans celui qui fait usage de technologies, mérite de retenir l’attention. Pour paraphraser Jean-Marc Poinsot lorsqu’il théorise le rôle de l’exposition dans l’apparition de l’œuvre, l’appel d’offres pourrait être entendu comme ce par quoi le fait artistique advient23. Il s’agit d’un objet qui, loin d’être second, doit être examiné dans l’approche des pratiques numériques, en ce qu’il conditionne pour une part les modalités de la production et de la diffusion. Voyons à présent ces éléments dans le détail.

Les industries créatives

World Brain a entre autres bénéficié du fonds «  Expériences interactives  » mis en place par Pictanovo, une structure qui se présente comme un «  pôle d’excellence régional [qui] contribue au développement artistique et économique des industries créatives dans la production audiovisuelle et cinématographique en Hauts-de-France24.  » Lors de sa mission en tant que «  responsable de l’innovation  » auprès de Pictanovo, Christophe Chaillou, alors Professeur d’informatique à l’Université de Lille, développe en 2012 le fonds «  Expériences interactives  » inscrit dans le cadre plus large du projet «  Images Numériques et Industries Créatives  ». Ce fonds a pour mission d’inciter au développement des créations par une approche fondée sur l’interactivité dans plusieurs de ses dimensions, telles, par exemple, la réalité virtuelle, les jeux vidéo, les médias numériques ou les nouvelles formes de médiations culturelles. Pour approfondir ce point, nous avons effectué un entretien avec Christophe Chaillou25, lui demandant de préciser la conception du projet. L’idée reposait alors sur la question suivante : en quoi l’interactivité générée par les nouvelles technologies peut-elle permettre d’inventer des contenus, des formes et des usages inédits ? Le fonds «  Expériences interactives  » était sous-tendu par l’idée que des productions artistiques numériques interactives, diffusées au grand public, pourraient engendrer à terme des retombées économiques. Il s’agissait alors d’interroger plus particulièrement la mutation des modes d’approche de l’image et de l’objet qui, par les technologies liées à l’interaction visuelle, tactile et gestuelle, transforment le spectateur en acteur. Ce fonds avait pour objectif de développer et produire des projets artistiques en prenant acte des modifications engendrées par l’interactivité. Nous retrouvons ici l’idée d’une transformation du rôle du spectateur en acteur, idée liée à la notion même d’interactivité dont fait usage dans ses différentes modalités de diffusion le projet World Brain.

Dans le champ de la création contemporaine, la notion d’interactivité apparaît dans les années 50, comme le montre par exemple le développement du travail de Nicolas Schöffer26. Comme le rappelle Océane Delleaux dans un article paru dans Déméter27, l’interactivité se développe dans les années 1990, ouvrant à ce que Nicolas Bourriaud appela la «  culture de l’interactivité  » dans son ouvrage portant sur l’Esthétique Relationnelle dans lequel l’auteur se demande «  d’où vient cette obsession de l’interactif ?  »28. Mais on doit surtout considérer l’importance que prendront parallèlement les productions numériques sur la scène artistique contemporaine, productions qui induisent une participation active du «  spectateur-acteur  » dans les dispositifs même de l’œuvre. Océane Delleaux reprend à cet égard les différentes théories qui nourrissent la réflexion portée sur la notion d’interaction, en soulignant dans sa conclusion l’idée que l’interactivité, rendue possible par les technologies numériques, accompagne «  une volonté de diffusion élargie et immédiate, en accord avec le temps réel réclamé par l’interactivité29 ». On peut en effet mettre en perspective le succès des productions artistiques interactives dans l’économie de l’attention que nos sociétés de l’information ont forgée, en considérant ces productions comme des instruments particulièrement bien adaptés à cette économie reposant sur l’extraction des données, par l’implication directe du spectateur dans l’œuvre en temps réel, ouvrant alors sur les industries créatives.

Pour étudier plus finement cet appel d’offres auquel World Brain a répondu, citons l’une de ses présentations issue d’un des sites qui la décrivent :

L’appel à projet Expériences Interactives s’adresse aux sociétés de production, agences de communication digitale, studios de jeu vidéo, entreprises de la filière Images Numériques et Industries Créatives.

Il répond à trois objectifs principaux :

– Soutenir l’innovation dans le domaine des œuvres et des services interactifs,

– Expérimenter et tester les nouveaux usages liés aux évolutions de la technologie et de la société,

– Favoriser la création d’activité et accompagner les entrepreneurs dans l’expérimentation de nouveaux modèles économiques30.

Nous constatons que cet appel, par les éléments de langage qu’il mobilise, n’engage pas de rupture avec le modèle entrepreneurial, comme on pourrait s’y attendre dans le domaine de la création artistique contemporaine. Ces éléments de langage renvoient en effet à la conception d’une société fondée sur la croissance, l’entreprise, l’innovation par les technologies dont se nourrit le système économique actuel des pays du Nord qui, selon Thomas Piketty, « représentent près de 80 % des émissions de carbone cumulées depuis le début de l’ère industrielle31 ». Faudrait-il alors soulever ce léger paradoxe à soumettre un projet comme World Brain à un tel appel d’offres32, projet qui se présente comme une plongée critique dans le monde d’Internet et plus largement dans les technologies dites de l’innovation ?

Comme nous le mentionnions plus haut, l’appel d’offres est inscrit dans le cadre plus large du projet « Images Numériques et Industries Créatives ». Mais qu’entend-on par le concept d’industries créatives ? Est-ce vers cette catégorie que l’on doit ranger les œuvres numériques ? Il est possible que certaines d’entre elles puissent en effet y répondre, si l’on songe aux manifestations publiques faites de lumières et de sons qui se déploient actuellement dans les villes. Initialement appelée Industrie culturelle, cette catégorie fut élaborée par Theodor W. Adorno et Max Horkheimer en 1947 au moment où se développent la radio, la télévision et le cinéma. Dans L’industrie culturelle, écrit Adorno en 1964, « on confectionne, plus ou moins selon un plan, des produits qui sont étudiés pour la consommation des masses et qui déterminent par eux-mêmes, dans une large mesure, cette consommation33 ».

Par l’usage d’un vocabulaire emprunté aux théories marxistes, Adorno définit l’industrie culturelle comme une force qui réunit «  les domaines séparés depuis des millénaires de l’art supérieur et de l’art inférieur  ». L’industrie culturelle, poursuit-il, invente des produits qui s’ordonnent «  sur le principe de leur commercialisation et non sur leur propre contenu et sa construction exacte  » (p. 13). La culture est ainsi pensée comme une marchandise à consommer. Sa mise en industrie exige une standardisation de ses produits. Certaines productions numériques qui s’inscrivent dans un contexte culturel, comme des expositions immersives plaçant le visiteur face aux projections d’œuvres d’artistes du passé, sont de fait pensées comme marchandises et s’ordonnent sur le principe de leur commercialisation, le contenu étant ici reproduit et non créé.

Le dernier élément issu de ce texte d’Adorno que nous souhaitons mettre en avant porte sur une potentielle infantilisation des consommateurs par les industries culturelles, ce qui peut évoquer la gamification de certaines productions artistiques contemporaines qui ne se pensent qu’en fonction d’une interaction de type ludique avec le spectateur34. Adorno termine en effet son analyse en évoquant que :

Ce n’est pas pour rien que l’on peut entendre en Amérique de la bouche de producteurs cyniques que leurs films doivent tenir compte du niveau intellectuel d’un enfant de onze ans. Ce faisant, ils se sentent toujours plus incités à faire d’un adulte un enfant de onze ans35.

Aujourd’hui, la catégorie des industries culturelles et créatives regroupe des secteurs très diversifiés comme le cinéma, le design, la mode, les arts plastiques et les nouveaux usages du numérique qui comprennent les jeux vidéo, les applications, la réalité augmentée et virtuelle ainsi que les plateformes de streaming. Un rapport de l’Unesco daté de 2009 précise « qu’au-delà des industries culturelles traditionnellement reconnues que sont l’édition, le cinéma, la musique, la radio, la télévision et les arts de la scène » s’ajoutent depuis peu « les jeux vidéo […] l’architecture, le design, la publicité, l’artisanat, la mode ou le tourisme culturel36 ».

Depuis, certaines études y intègrent aussi les médiations culturelles et les institutions muséales. Ces industries culturelles et créatives, telles qu’on les définit actuellement, ont majoritairement pris leur essor à partir du début des années dix du XXIe siècle au moment où se développent les technologies du numérique. Elles se distinguent des autres industries en cela qu’elles ont « un dénominateur commun : la créativité et les attributs esthétiques », comme le précisent Anne Vincent et Marcus Wunderle37, s’émancipant en cela de la critique faite par Adorno. La créativité et l’esthétique qui les sous-tendent les différencient des autres produits et sont à même de leur en conférer de la valeur.

En Europe, ces industries culturelles et créatives ont été encouragées à se développer par la création d’un « programme-cadre » qui considère ces industries comme les moteurs importants de son économie, une économie qui place la connaissance et l’innovation au cœur de son système et vise à favoriser « la transition des grandes idées, du laboratoire au marché38 ». C’est à ce titre, précisent les auteurs du programme, que « les industries créatives sont ainsi progressivement devenues des activités stratégiques des économies post-industrielles modernes, fondées sur le savoir et la connaissance ». Elles sont pensées comme une manière de renforcer « le lien social, l’identité et l’attractivité des territoires qui les accueillent ».

Le territoire situé sur les Hauts-de-France en présente un exemple. S’y trouvent le Fresnoy-Studio national des arts contemporains, l’un des contributeurs du projet World Brain, Pictanovo et la Plaine Image39 présentée comme un « site d’excellence dédié aux industries créatives ». Ces structures s’inscrivent dans la double perspective de l’accroissement des richesses d’une part et de la production d’une identité territoriale de l’autre, tout en favorisant la création d’entreprises dites innovantes. Le registre lexical caractéristique de ce secteur mobilise un vocabulaire spécifique que l’on retrouve indifféremment dans les rapports et programmes-cadre européens, comme celui « Horizon 2020 » et dans les présentations propres aux structures. S’y trouvent les termes suivants : innovation, imagination, créativité, collaboration ou excellence. Le projet World Brain a certes bénéficié du fonds « Expériences Créatives » / « Images numériques et Industries Créatives », mais il se distingue néanmoins des caractéristiques liées à ces industries créatives en cela qu’il n’a pas pour objectif de s’inscrire dans une industrie compétitive à forte valeur ajoutée, pourvoyeuse de retombées économiques. À l’inverse, il nous semble que ce projet questionne de manière critique l’écueil dans lequel certaines œuvres numériques peuvent tomber.

Conclusion

World Brain interroge les effets du numérique et des technologies sur notre société – sources d’aliénation mais aussi de connaissance –, par le prisme de la physicalité même du réseau et des systèmes d’automation. Sa mise en vue, tant dans l’espace virtuel que physique d’une galerie, tend à prolonger le questionnement même du contenu : sur-information, réseaux, connexions et interactivité. Si le projet donne parfois un large écho aux approches globalisantes de l’humanité, et de l’information conçue comme un Super-organisme, il ouvre cependant sur plusieurs perspectives qui envisagent de mettre en pratique des expériences de pensée pour réinventer l’humain au sein d’un environnement forestier peuplé d’intelligences et d’espèces interconnectées. World Brain quitte alors la Sphère toute puissante pour redescendre sur terre, à l’ère de l’Anthropocène.

Bien que ce travail concerne le numérique dans ses multiples dimensions, il ne tombe pas dans le piège de son illustration, ni ne s’expose au public sous une forme ludique ou immersive. Il fait ainsi l’économie d’une certaine apologie des technologies telles que l’usage systématique des capteurs de mouvement, des écrans tactiles ou autres casques de réalité virtuelle, qui prolongent la fascination opérée par les outils numériques développés par les GAFAM dans le domaine artistique.

World Brain, comme la grande majorité des œuvres numériques inscrites dans le contexte des arts contemporains, reste en dehors des milieux industriels qu’il questionne, bien que le projet puisse faire écho, dans certaines de ses manifestations, à la catégorie des industries créatives et culturelles. De manière générale, le domaine des arts contemporains, par le regard critique qu’il porte sur l’économie néolibérale, est maintenu à la marge du secteur industriel, même si ce dernier englobe certaines formes de créativité et certains secteurs culturels. La création contemporaine telle qu’envisagée par Stéphane Degoutin et Gwenola Wagon, celle qui se déploie en dialogue avec les chercheurs et interroge des modes de vie alternatifs en connexion avec le vivant, propose une approche critique de l’économie de marché. Ces créations numériques sont davantage à inscrire dans ce que Pierre Michel Menger, citant Max Weber, appelle le «  comportement antiéconomique  » des artistes, seul à pouvoir, selon lui, garantir l’exercice charismatique de l’activité et le déploiement de l’inventivité40.  »

1 Nous employons la majuscule afin de souligner le concept, l’essence ou la personnification des termes.

2 Entretien réalisé le 08/08/2019 auprès de Christophe Chaillou, Professeur des universités, Faculté École polytechnique universitaire de Lille

3 Howard S. Becker, Les mondes de l’art (1982), Paris, Flammarion, 2010.

4 URL : https://d-w.fr/fr/projects/world-brain/ [consulté le 22 février 2023].

5 Installation, Hospice d’Havré, Tourcoing, 29 mai – 19 juillet 2015.

6 Film que l’on peut visionner sur le site du projet https://d-w.fr/fr/projects/world-brain/, op. cit.

7 Guillaume Pitron, L’enfer numérique, voyage au bout d’un like, Paris, Les liens qui libèrent, 2023, 4ème de couverture.

8 Retranscription de la voix off, World Brain, https://d-w.fr/fr/projects/world-brain/, op. cit.

9 Voir par exemple leur projet Welcome to Erewhon (2018-2019), https://welcometoerewhon.com/, cosigné avec Pierre Cassou-Noguès, portant sur la

10 URL : https://worldbrain.d-w.fr/fr, op. cit.

11 Bruno Latour, Face à Gaïa. Huit conférences sur le nouveau régime climatique, Paris, La Découverte, 2015, p. 147-191.

12 Ibid., p. 161.

13 Ibid., p. 180.

14 Voir l’ouvrage de Bruno Latour, Où atterrir ? Comment s’orienter en politique ? Paris, La Découverte, 2017.

15 Stéphane Degoutin, Gwenola Wagon, « Le rêve de la raison », Multitudes, vol. 67, n° 2, 2017, p. 105-111.

16 Estelle Zhong Mengual, Apprendre à voir. Le point de vue du vivant, Arles, Actes Sud, 2021, p. 18.

17 Maître de conférences à l’Institut Mathématique de Jussieu. Voir également Emmanuel Ferrand, « L’art contemporain dans le complexe

18 Pour l’usage du terme webdocumentaire, voir par exemple ce compte-rendu : https://obsweb.net/blog/2016/02/23/

19 URL : http://editorialisation.org/ediwiki/index.php/World_Brain [consulté le 22 février 2023].

20 L’ensemble de la diffusion est consultable sur ce site https://d-w.fr/en/projects/world-brain/ [consulté le 22 février 2023].

21 Stéphane Degoutin, La société nuage 01, Média Médiums, Paris. https://www.blurb.fr/b/5160975-la-soci-t-nuage-01 [consulté le 22 février 2023].

22 L’appel d’offres, l’appel à projets, à contributions, etc. est l’un des principaux dispositifs de financement, tant public que privé, des pratiques

23 Jean-Marc Poinsot, Quand l’œuvre a lieu, L’art exposé et ses récits autorisés, Dijon, Les Presses du réel, 2008, p. 12.

24 Voir le document Horizon Echo Hauts-de-France, n° 259, novembre 2017, p. 4.

25 Ibid.

26 Dès les années 1950, Schöffer développe une production artistique faite de structures qui, par leur mouvement, leur interaction, leurs projections

27 Océane Delleaux, « L’étude de la place du spectateur au sein de dispositifs artistiques et numériques : cadre historiographique et enjeux »

28 Nicolas Bourriaud, Esthétique relationnelle, Dijon, Les presses du réel, 1998, 4ème de couverture.

29 Ibid.

30 Présentation du site Culturable. Portail pour la communauté culturelle de la Région Nord. http://culturables.fr/

31 Thomas Piketty, Une brève histoire de l’égalité, Paris, Éditions du Seuil, 2021, p. 328.

32 Le rapport d’activités de Pictanovo nous apprend que ce fonds permit le développement de nombreux projets. De 2012, date de sa création, à 2016, il

33 Theodor W. Adorno, « L’industrie culturelle », Communications, vol. 3, 1964, p. 12. Toutes les citations d’Adorno qui suivent en sont issues.

34 Nous pensons ici au développement des œuvres immersives telles par exemple celles du collectif japonais TeamLab présentées à la Grande Halle de la

35 Theodor W. Adorno, « L’industrie culturelle », op. cit. p. 18.

36 Politique pour la créativité, guide pour le développement des industries culturelles et créatives (2009), https://unesdoc.unesco.org/ark :/ 48223/

37 Anne Vincent, Marcus Wunderle, « Les industries créatives », Dossiers du CRISP, vol. 80, n° 2, 2012, p. 11-90.

38 On pourra à ce sujet consulter le « Programme-cadre de l’UE pour la recherche et l’innovation », intitulé Horizon 2020 qui se résume ainsi : « 

39 La plaine image est un regroupement d’entreprises mais aussi de laboratoires dont l’objectif est de développer les technologies du numérique liées

40 Pierre-Michel Menger, La différence, la concurrence et la disproportion. Sociologie du travail créateur, Leçon inaugurale, Collège de France, https

Bibliographie

Theodor W. Adorno, « L’industrie culturelle », Communications, 1964, p. 12-18.

Howard S. Becker, Les mondes de l’art (1982), Paris, Flammarion, 2010.

Nicolas Bourriaud, Esthétique relationnelle, Dijon, les Presses du réel, 1998.

Stéphane Degoutin, La société nuage 01, Média Médiums, Paris. https://www.blurb.fr/b/5160975-la-soci-t-nuage-01

Stéphane Degoutin et Gwenola Wagon, «  Le rêve de la raison  », Multitudes, vol. 67, no 2, 2017, p. 105-111.

Océane Delleaux, «  L’étude de la place du spectateur au sein de dispositifs artistiques et numériques : cadre historiographique et enjeux  », Déméter, 2004, [En ligne], https://archive-demeter.univ-lille.fr/ancien-demeter/demeter.revue.univ-lille3.fr/lodel9/indexd5b4.html %3Fid =278.html#

Emmanuel Ferrand, «  L’art contemporain dans le complexe techno-scientifique  », Marge, Instrumentalisation de l’art, n° 26, 2018, p. 75-87.

Bruno Latour, Face à Gaïa, Huit conférences sur le nouveau régime climatique, Paris, La Découverte, 2015.

Bruno Latour, Où atterrir ? Comment s’orienter en politique ? Paris, La Découverte, 2017.

Pierre-Michel Menger, La différence, la concurrence et la disproportion. Leçon inaugurale, Collège de France, 9 janv. 2014, URL : https://www.college-de-france.fr/fr/agenda/lecon-inaugurale/sociologie-du-travail-createur/la-difference-la-concurrence-et-la-disproportion

Guillaume Pitron, L’enfer numérique, voyage au bout d’un like, Paris, Les liens qui libèrent, 2023.

Jean-Marc Poinsot, Quand l’œuvre a lieu, Dijon, Les Presses du réel, 2008.

Thomas Piketty, Une brève histoire de l’égalité, Paris, Éditions du Seuil, 2021.

Nathalie Stefanov, L’hypothèse d’une discipline Arts et Sciences – L’essor des pratiques artistiques contemporaines au sein des laboratoires scientifiques, Thèse de doctorat, Villeneuve d’Ascq, Université de Lille, 2021.

Anne Vincent et Marcus Wunderle, «  Les industries créatives  », Dossiers du CRISP, vol. 80, no 2, 2012, p. 11-90.

Estelle Zhong Mengual, Apprendre à voir. Le point de vue du vivant, Arles, Actes Sud, 2021.

Document annexe

Notes

1 Nous employons la majuscule afin de souligner le concept, l’essence ou la personnification des termes.

2 Entretien réalisé le 08/08/2019 auprès de Christophe Chaillou, Professeur des universités, Faculté École polytechnique universitaire de Lille, Laboratoire CRIStAL, Centre de Recherche en Informatique, Signal et Automatique de Lille, UMR 9189, Université de Lille. Retranscrit dans le cadre du Doctorat L’hypothèse d’une discipline Arts et Sciences – L’essor des pratiques artistiques contemporaines au sein des laboratoires scientifiques, Centre d’études des arts contemporains ULR 3587, 2021, p. 501-511. https://www.theses.fr/257409084.

3 Howard S. Becker, Les mondes de l’art (1982), Paris, Flammarion, 2010.

4 URL : https://d-w.fr/fr/projects/world-brain/ [consulté le 22 février 2023].

5 Installation, Hospice d’Havré, Tourcoing, 29 mai – 19 juillet 2015.

6 Film que l’on peut visionner sur le site du projet https://d-w.fr/fr/projects/world-brain/, op. cit.

7 Guillaume Pitron, L’enfer numérique, voyage au bout d’un like, Paris, Les liens qui libèrent, 2023, 4ème de couverture.

8 Retranscription de la voix off, World Brain, https://d-w.fr/fr/projects/world-brain/, op. cit.

9 Voir par exemple leur projet Welcome to Erewhon (2018-2019), https://welcometoerewhon.com/, cosigné avec Pierre Cassou-Noguès, portant sur la question de l’automatisation des technologies et la disparition du travail.

10 URL : https://worldbrain.d-w.fr/fr, op. cit.

11 Bruno Latour, Face à Gaïa. Huit conférences sur le nouveau régime climatique, Paris, La Découverte, 2015, p. 147-191.

12 Ibid., p. 161.

13 Ibid., p. 180.

14 Voir l’ouvrage de Bruno Latour, Où atterrir ? Comment s’orienter en politique ? Paris, La Découverte, 2017.

15 Stéphane Degoutin, Gwenola Wagon, « Le rêve de la raison », Multitudes, vol. 67, n° 2, 2017, p. 105-111.

16 Estelle Zhong Mengual, Apprendre à voir. Le point de vue du vivant, Arles, Actes Sud, 2021, p. 18.

17 Maître de conférences à l’Institut Mathématique de Jussieu. Voir également Emmanuel Ferrand, « L’art contemporain dans le complexe techno-scientifique », Marge, Instrumentalisation de l’art, n° 26, 2018, p. 75-87.

18 Pour l’usage du terme webdocumentaire, voir par exemple ce compte-rendu : https://obsweb.net/blog/2016/02/23/world-brain-webdoc-aux-confins-du-cerveau-mondial/ [consulté le 21/06/2023]. Notons qu’en 2015, en France, il existait alors un engouement non négligeable pour le webdocumentaire, comme en témoignent les actions menées dans ce sens par Arte Creative ou bien encore les conférences organisées sur ce thème par le Centre Pompidou. Néanmoins, à l’heure où ces quelques lignes sont rédigées, il semblerait que cet engouement ait disparu, le webdocumentaire World Brain n’étant d’ailleurs, à notre connaissance, plus accessible sur la plateforme d’Arte mais seulement sur le site web du projet.

19 URL : http://editorialisation.org/ediwiki/index.php/World_Brain [consulté le 22 février 2023].

20 L’ensemble de la diffusion est consultable sur ce site https://d-w.fr/en/projects/world-brain/ [consulté le 22 février 2023].

21 Stéphane Degoutin, La société nuage 01, Média Médiums, Paris. https://www.blurb.fr/b/5160975-la-soci-t-nuage-01 [consulté le 22 février 2023].

22 L’appel d’offres, l’appel à projets, à contributions, etc. est l’un des principaux dispositifs de financement, tant public que privé, des pratiques artistiques contemporaines. Ces dispositifs servent à produire, financer, exposer, publier plusieurs formes : installations, programmes de recherche, publications, résidences, etc. Le contenu de ces appels n’est pas sans incidence sur les pratiques théoriques et artistiques.

23 Jean-Marc Poinsot, Quand l’œuvre a lieu, L’art exposé et ses récits autorisés, Dijon, Les Presses du réel, 2008, p. 12.

24 Voir le document Horizon Echo Hauts-de-France, n° 259, novembre 2017, p. 4.

25 Ibid.

26 Dès les années 1950, Schöffer développe une production artistique faite de structures qui, par leur mouvement, leur interaction, leurs projections lumineuses et parfois sonores, se mêlent au corps du spectateur, en produisant alors des interférences entre l’œuvre-machine et l’homme. Voir Nathalie Stefanov, « Les processus de création de Nicolas Schöffer », L’hypothèse d’une discipline Arts et Sciences – L’essor des pratiques artistiques contemporaines au sein des laboratoires scientifiques, Thèse de doctorat, op. cit., p. 95-99.

27 Océane Delleaux, « L’étude de la place du spectateur au sein de dispositifs artistiques et numériques : cadre historiographique et enjeux », Déméter [En ligne], mis à jour le : 04/03/2014 https://archive-demeter.univ-lille.fr/ancien-demeter/demeter.revue.univ-lille3.fr/lodel9/indexd5b4.html %3Fid =278.html# [consulté le 21 février 2023].

28 Nicolas Bourriaud, Esthétique relationnelle, Dijon, Les presses du réel, 1998, 4ème de couverture.

29 Ibid.

30 Présentation du site Culturable. Portail pour la communauté culturelle de la Région Nord. http://culturables.fr/appel-a-projets-fonds-experiences-interactives-de-pictanovo/ [consulté le 01 novembre 2019].

31 Thomas Piketty, Une brève histoire de l’égalité, Paris, Éditions du Seuil, 2021, p. 328.

32 Le rapport d’activités de Pictanovo nous apprend que ce fonds permit le développement de nombreux projets. De 2012, date de sa création, à 2016, il finança 140 projets « dans les domaines des médias numériques, de la médiation culturelle, des jeux vidéo et des œuvres interactives ». Ce rapport fait ainsi apparaître que l’ensemble des projets soutenus ne relève pas exclusivement du monde de l’art contemporain.

33 Theodor W. Adorno, « L’industrie culturelle », Communications, vol. 3, 1964, p. 12. Toutes les citations d’Adorno qui suivent en sont issues.

34 Nous pensons ici au développement des œuvres immersives telles par exemple celles du collectif japonais TeamLab présentées à la Grande Halle de la Villette du 15 mai au 19 septembre 2018.

35 Theodor W. Adorno, « L’industrie culturelle », op. cit. p. 18.

36 Politique pour la créativité, guide pour le développement des industries culturelles et créatives (2009), https://unesdoc.unesco.org/ark :/ 48223/pf 0000226531 [consulté le 14 avril 2020].

37 Anne Vincent, Marcus Wunderle, « Les industries créatives », Dossiers du CRISP, vol. 80, n° 2, 2012, p. 11-90.

38 On pourra à ce sujet consulter le « Programme-cadre de l’UE pour la recherche et l’innovation », intitulé Horizon 2020 qui se résume ainsi : « Horizon 2020 est le plus grand programme de recherche et d’innovation jamais réalisé par l’Union européenne (UE). En favorisant la transition des grandes idées, du laboratoire au marché, il conduira à des avancées révolutionnaires, des découvertes et des premières mondiales. Outre l’intérêt que lui portent les investisseurs des secteurs public et privé, il bénéficie d’un financement de près de 80 milliards d’euros sur 7 ans (de 2014 à 2020) ». https://ec.europa.eu/programmes/horizon2020/sites/horizon2020/files/H2020_FR_KI0213413FRN.pdf [consulté le 21 novembre 2019].

39 La plaine image est un regroupement d’entreprises mais aussi de laboratoires dont l’objectif est de développer les technologies du numérique liées au jeux vidéo, au design et à l’interaction.

40 Pierre-Michel Menger, La différence, la concurrence et la disproportion. Sociologie du travail créateur, Leçon inaugurale, Collège de France, https://www.college-de-france.fr/site/pierre-michel-menger/inaugurallecture-2014-01-09-18h00.htm [consulté le 4 décembre 2022].

Citer cet article

Référence électronique

Nathalie Stefanov, « World Brain : du réseau à la terre », Déméter [En ligne], 10 | Été | 2023, mis en ligne le 01 octobre 2023, consulté le 28 avril 2024. URL : https://www.peren-revues.fr/demeter/1195

Auteur

Nathalie Stefanov

Nathalie Stefanov est titulaire d’un doctorat portant sur les relations contemporaines entre les arts et les sciences, elle est historienne de l’art, critique d’art et commissaire d’exposition. Elle est professeure à l’École supérieure d’art Dunkerque/Tourcoing (Esä), chercheuse associée au Centre d’Études des Arts Contemporains (CEAC) et membre de l’Association Internationale des Critiques d’Art (AICA). Ses recherches interrogent les nouveaux modes de création qui génèrent des espaces de travail collectifs et partagés, en phase avec une réflexion plus large sur l’implication de l’art dans le nouveau régime climatique.

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