Ce n’est qu’en débordant les frontières, en passant d’un territoire à un autre, en les superposant que la création véritable peut naître et que de nouveaux territoires se font jour. Que serait un « pur » mélodrame, une tragédie « pure » ? La pureté, c’est la mort ! Le chaos est indispensable à la création, mais un chaos... organisé, qui permette à chacun de trouver ses propres racines et ses propres élans.
Jacques LECOQ
Tout a commencé par une idée de Dario Fo selon laquelle, en vérité, sur une scène les interprètes ne sont jamais à égalité : ils ne peuvent que feindre d’être égaux. De fil en aiguille, les concepts d’égalité et de fiction ont amené un questionnement autour de la façon dont on pourrait concevoir la démocratie, en partant d’un plateau de théâtre. Lorsqu’on pose un regard sur l’activité de Dario Fo, on peut distinguer deux étapes différentes marquées chacune par des changements radicaux, même s’il s’agit toujours d’un processus de création collective.
Une première phase, autour des années 1953-1954, donne lieu à deux spectacles expérimentaux : Il dito nell’occhio et Sani da legare1. Il s’agit de deux spectacles originaux, entièrement écrits et mis en scène par les auteurs sous forme de sketches brefs, se succédant l’un à l’autre et séparés par des noirs. Reprenant les éléments fondamentaux d’un genre particulier de théâtre, la revue (qui mélange texte, chant et musique, chorégraphie), treize comédiens interprètent quelques lieux communs emblématiques de différentes périodes historiques selon une progression chronologique (Il dito nell’occhio) ou bien incarnent certains métiers de la société contemporaine (I sani da legare), dans un but de démystification, de dénonciation, mettant à nu l’absurdité et le comique paradoxal qui découlent de ces situations.
Une deuxième phase, comprise à l’intérieur de ce qu’on a défini, en opposition à sa Période Bleue, comme la Période Rouge de Dario Fo2, d’août 1968 jusqu’à octobre 1970, est marquée par les créations au sein du collectif militant Nuova Scena. À partir de questions contextuelles fondamentales nous interrogerons ces deux moments de pratique artistique collaborative pour essayer de faire émerger les différences et quelques points de contact éventuellement généralisables.
PHASE 1 (1953-1954, créations de la compagnie Parenti-Fo-Durano)
Ce collectif d’artistes est composé de Franco Parenti, Giustino Durano, Dario Fo et Jacques Lecoq3. C’est de manière collective qu’ils écrivent la partition des spectacles : Parenti, Fo et Durano – se désignant comme les Auteurs – prennent en charge le texte, Jacques Lecoq les mouvements. Concernant ce dernier, dont le rôle a été parfois sous-estimé, il veille à l’unité d’ensemble, au « nettoyage » de chaque geste afin d’en mettre à nu le sens4. Comme il a été justement remarqué à propos de Il dito nell’occhio, « le mime est l’art de raconter ou de montrer quelque chose à travers le geste, faisant assumer à ce dernier une amplification de sens plus importante que la parole seule5 ». Sur le programme du spectacle, la mise en scène est attribuée tout simplement aux Auteurs sans préciser de qui il s’agit, et Lecoq pourrait à juste titre en faire partie. En effet, Chiara Valentini décrit cette phase comme « peut-être la première et la seule fois où Fo n’est pas le protagoniste unique, cette figure de premier plan où se reflètent et se résument aussi les inventions et les idées des autres. Cette revue satirique représente peut-être l’unique fois où Fo ne joue pas le rôle du protagoniste mais celui d’acteur de soutien6 ».
Sur le plateau les comédiens agissaient de manière chorale, sans hiérarchie dictée par l’emploi (au sein de la compagnie) ou par le rôle (dans la pièce) mais en équilibre, grâce aussi au travail commun de composition mimique. Comme on pouvait le lire dans un programme de salle :
Sur ce canevas, treize jeunes ont travaillé de manière chorale, ont créé une alchimie singulière, malgré les origines différentes, ils ont acquis un style commun, un commun élan expressif. Là aussi il s’agit d’un éloge implicite de la Compagnie, vu que le travail collectif, en équipe, sans vedettes ni matador, constitue l’une des plus modernes recettes du succès et, dans tous les cas, la quintessence du moyen moderne de production7.
Concernant la place réellement occupée par Jacques Lecoq nous renvoyons, en note, à quelques mots de Fo et Durano prononcés quelques années plus tard8. À l’intérieur de cette dynamique de collaboration entre artistes, il est intéressant de souligner l’enrichissement mutuel qui deviendra évident, surtout pour deux d’entre eux, au point qu’on pourrait retrouver, pour ainsi dire, un peu de Lecoq dans le Fo mûr et vice-versa un peu de Fo dans le Lecoq mûr (où l’apport du Français concerne plutôt le geste et celui de l’Italien, la voix9).
Un autre aspect mériterait d’être mis en relief, c’est le fait que ce collectif se compose d’artistes jeunes (tous nés entre 1921 et 1926) et pratiquement en début de carrière. Le choix de s’associer est une question de survie. Sans cette mise en commun des moyens matériels et artistiques probablement aucun des quatre – à cette période de leur carrière – ne possède encore la maturité nécessaire pour écrire, produire et jouer deux spectacles aussi aboutis. Il s’agit évidemment d’un choix mûri au cours même des collaborations précédentes : l’affinité, le désir, les complémentarités, la confiance des uns envers les autres rendent possible la bascule du statut de « scritturati » (artistes à contrat) au statut de « autori ». Cette dynamique qu’on pourrait identifier comme démocratie de plateau, dans sa fragilité et sa précarité démontre qu’il est possible de créer ensemble, de façon paritaire, en s’enrichissant mutuellement. Au point que même le jeune Strehler, qui regardait de l’extérieur cette expérimentation, se propose pour créer les lumières du premier spectacle, Il dito nell’occhio. Dans un élan solidaire, chacun offre ses compétences et sa bonne volonté pour la création commune.
À travers cette expérience Dario Fo développe un savoir-faire d’homme de théâtre qui n’est pas lié seulement à l’écriture, à la mise en scène et au jeu : mettant à profit sa formation de plasticien, il s’engage aussi dans la conception de la scénographie, des costumes et des visuels pour les programmes de salle10. Il assume des fonctions nouvelles (dans le sens où il ne les a jamais pratiquées auparavant) et dans lesquelles son style se reflète et mûrit. C’est cela aussi qui contribue à cette impression de fraîcheur, de nouveauté, d’expérimentation qui a tant contribué à la réussite de ses spectacles. On pourrait penser paradoxalement que, dès lors que l’artiste se trouve, il devient pour lui de plus en plus difficile et conflictuel de travailler à une création commune où il faut céder continuellement la place à l’ego de chacun11. C’est comme si la condition nécessaire et suffisante pour une création collective était en quelque sorte liée au caractère expérimental et de recherche du projet et donc ne pouvait se passer d’une certaine hybridation entre éléments hétérogènes (tels les profils de ces quatre artistes). Curieusement, il est d’ailleurs fréquent qu’un public de spectateurs également hétérogène se reconnaisse dans ces types de proposition : aux représentations de Il dito nell’occhio et I sani da legare il y avait des amateurs de théâtre, de revue, aussi bien que de cinéma et de radio. On pourrait retrouver ici une autre déclinaison de l’idée de démocratie de plateau car le travail de ces artistes rassemble, contribue à « brouiller et déplacer les frontières entre monde prosaïque et art, entre société et art12. »
Les deux créations de Il dito nell’occhio et de I sani da legare ainsi que les premières représentations ont lieu au Piccolo Teatro de Milan. Ce théâtre était le premier théâtre public voulu et financé par l’État qui en avait confié la direction à Paolo Grassi et Giorgio Strehler. Ouvrir le Piccolo à cette proposition expérimentale, mettre à la disposition de quatre jeunes presque inconnus ses équipes techniques pour la réalisation de la scénographie et des costumes13, c’était en quelque sorte assumer un risque. Si cela peut paraître normal aujourd’hui car faisant partie des missions du théâtre public, ce n’était pas tellement évident dans l’Italie des années 50. On pourrait retrouver là une déclinaison ultérieure de cette idée de démocratie théâtrale dont on avait (et on a peut-être toujours) fondamentalement besoin. Il faut dire que cette ouverture et mise à disposition ne se situent pas dans le cadre d’une programmation officielle, autrement dit la saison théâtrale, mais en marge de celle-ci, après la clôture de la saison. Cette marginalité permet d’une part aux artistes de travailler plus librement, mais souligne également l’étrangeté du collectif Parenti-Fo-Durano-Lecoq par rapport à l’environnement théâtral institutionnel de l’époque. Leur posture, axée sur la recherche et l’expérimentation, est ainsi mise en évidence. On pourrait se demander dans quelle mesure cette situation de marginalité et de prise de risque a contribué à l’impulsion d’une dynamique de démocratie du plateau, poussant chacun à sacrifier le bien individuel pour la réussite du projet commun.
Concernant la forme dramatique des deux spectacles produits, elle s’appuie sur quelques expériences passées que les artistes avaient déjà partagées, écrivant et jouant les sketches de leurs propres personnages. Cela leur a permis d’aboutir à « un abandon de toute réticence envers l’aspect fragmentaire du spectacle et la succession rapide, presque en flash, des différentes scènes, souvent sans liens logiques entre elles14 ». Une écriture et une dramaturgie en quelque sorte ouvertes caractérisent cette phase de travail collectif. Taviani a situé cette démarche « aux antipodes de la dramaturgie littéraire : le texte littéraire est ce qui émerge en effet du travail d’écriture scénique, il n’est pas ce qui le détermine15. »
Du point de vue de la scénographie, Il dito nell’occhio prévoyait :
Un praticable de six mètres qui occupe environ la moitié du plateau, surmonté, au centre, par une espèce de cube de deux mètres, fermé par un petit rideau jaune ; un escalier à vue, pour monter sur le toit du cube qui est, lui aussi, praticable ; une toile de fond bleu clair, comme un ciel limpide, sans nuages. Tout le reste était blanc. Dans ce décor, qui ne change jamais durant tout le spectacle, les treize acteurs se projettent habillés avec des collants noirs16.
Même si la scénographie de I sani da legare était un peu plus complexe17, on peut remarquer que dans les deux spectacles il y a une tendance à la simplification et à l’épuration pour laisser place aux éléments essentiels et fonctionnels de la scène. Cette tendance se retrouvera dans la deuxième phase, celle des créations de Dario Fo au sein de Nuova Scena mais elle obéit à des exigences pratiques – les contraintes imposées par des lieux non théâtraux – plutôt qu’esthétiques.
Concernant les motivations qui ont mené à l’épuisement de l’expérience collective de création, pour Chiara Valentini le premier à reculer était le moins engagé politiquement, à savoir Durano qui, face aux difficultés liées à l’expérimentation du nouveau genre d’anti-rivista, avait préféré capitaliser le succès des deux spectacles co-créés pour s’investir dans des spectacles de rivista tout court. En outre, Dario Fo sortait de cette expérience très mûri artistiquement et techniquement : « il avait développé une personnalité artistique et un jeu théâtral propres, il exprimait des préférences précises18». Cela l’amènera inévitablement au conflit avec Parenti qui souhaitait poursuivre l’expérimentation à partir de textes de Ionesco plutôt que de continuer à en écrire des nouveaux. Ce sera, pour Fo, la porte ouverte sur sa Période Bleue, dite aussi période bourgeoise (1959-1967) riche en succès et en conflits à l’intérieur des circuits officiels des théâtres et de la télévision italiens. Toutefois, la tentation du vedettariat et le succès accordé chaque soir par le public ne réussiront pas à piéger l’artiste. Aux côtés de Franca Rame, Dario Fo préférera l’engagement militant, alternatif et un théâtre toujours dénonciateur qui prendra sa forme durant la Période Rouge.
PHASE 2 (août 1968 - octobre 1970, Période Rouge, créations de Dario Fo avec le collectif Nuova Scena)
Cette phase19 commence quand Dario Fo est déjà bien connu et soutenu par le grand public. Il décide toutefois de quitter le mode de fonctionnement traditionnel de compagnie, la ditta Dario Fo-Franca Rame20 dont il était pratiquement le capocomico21, pour se lancer dans une aventure collective et politiquement engagée, avec le collectif Nuova Scena. Cette nouvelle phase n’est donc pas liée à une contingence d’ordre pratique : il s’agit plutôt d’un choix délibérément politique. Une sorte d’acceptation de la pratique collaborative a priori et non a posteriori.
Nuova Scena est un collectif de militants élargi par rapport au quatuor Parenti-Fo-Durano-Lecoq. En effet, le rassemblement des membres « se fait sur des concordances de type politique et non sur un projet strictement artistique commun ; les ruptures ont pour motivation des désaccords politiques22 ». Ici encore on peut remarquer le caractère hétérogène des parcours et expériences des membres du groupe. En particulier, le collectif se composait de Dario Fo, Franca Rame et d’autres acteurs et techniciens non professionnels ainsi que des membres du groupe Teatro d’Ottobre. Les statuts de l’association Nuova Scena, fondés sur un principe d’égalité absolue entre les membres, affirmaient la nécessité d’abolir – à tous les niveaux – le système vertical sur lequel reposait le théâtre italien. En principe, chaque adhérent était investi de responsabilités et de charges de travail identiques. Il ne devait plus y avoir de distinction entre le métier de comédien et celui de technicien, entre protagoniste et acteur de soutien. Théoriquement il s’agissait d’une « structure interne plus simple et ouverte (celle du collectif sans aucune forme juridique, avec une parité de droits et de devoir pour tous)23. »
Pourquoi Dario Fo choisit-il à nouveau une pratique artistique collaborative et de co-création ? La réponse, comme il a été esquissé auparavant, se trouve dans un choix militant, politiquement engagé. En effet :
L’expérience qu’il vit avec Nuova Scena marque une étape fondamentale de sa réflexion sur le théâtre comme force communicative et comme outil d’intervention, sur le fonctionnement du spectacle auprès du public et sur ce que veut dire « politique24 ».
Une nouvelle tension vient à se créer, due à la nécessité de trouver un terrain d’entente, un modus operandi et un style communs, entre la création artistique et le discours politique. Cette recherche instaure une hiérarchie claire entre moyen politique et art théâtral, avec pour résultat – une fois passée par l’épreuve du plateau – d’annuler « soit le discours artistique – qui était en quelque sorte rendu banal – soit le message politique qui se réduisait à un meeting électoral25. »
Cette expérience reste toutefois unique pour l’inclusion du public dans les processus de création :
La mise en scène était signée par Dario Fo, même si tout naissait d’un travail collectif. Les fonctions disparaissaient et chacun s’engageait de toutes ses forces, sans plus de distinction entre acteur et technicien de plateau. Une fois le thème choisi, commençait à proprement parler une recherche sur le terrain, afin de recueillir la documentation utile à l’élaboration du spectacle. Le travail de mise en scène se concentrait sur l’énorme quantité de matériel recueilli. Les recherches prenaient aussi la forme de sondages d’information qui impliquaient les citoyens mêmes, dont la collaboration se révélait souvent précieuse. Les assemblées avec de longues discussions accompagnaient le montage du spectacle. Différentes manières de concevoir le rapport entre art et politique émergeaient26.
Si les spectateurs étaient sollicités en amont, ils contribuaient aussi au déroulement du terzo atto (troisième acte) après le spectacle27. L’accent est mis sur une conception du théâtre « qui n’est plus considéré comme instrument de représentation réaliste du réel mais comme un moyen “relationnel” de communication entre un émetteur et un récepteur28 ». Il reste toutefois sans ambiguïtés le fait que c’était Dario Fo le seul auteur du texte et de la mise en scène des spectacles29.
Les lieux investis par ces formes de théâtre s’approchant du happening, à la fois ouvertes et alternatives, étaient des plus variés : cercles associatifs, rues, places de villages, entrepôts, palais des sports, usines, immeubles occupés. S’inspirant du théâtre élisabéthain, Dario Fo et Franca Rame ont conçu une sorte de scène praticable en bois et en fer, démontable et itinérante, sur deux niveaux et équipée de tourelles pour les éclairages.
Le modèle de production était un modèle alternatif par rapport aux circuits traditionnels du théâtre public et privé, entièrement adossé à l’arci30 (association nationale implantée de manière capillaire dans tout le territoire). C’était l’arci qui s’occupait directement de la diffusion des spectacles. Le fait que ce soit une émanation du Parti Communiste Italien posera quelques difficultés qui se révéleront insurmontables au sein du collectif car :
Dario Fo ne veut pas se conformer à la ligne politique du parti, non seulement parce qu’il ne la partage pas, mais parce qu’il refuse une culture respectueuse de l’orthodoxie31.
Cette deuxième expérience de pratique collaborative ne durera pas plus que la première : environ deux années. Plus tard, Dario Fo reviendra sur cette période et il dira dans une entrevue :
En vérité nous n’étions pas à égalité. En particulier, sur la scène, nous ne pouvions que feindre d’être égaux. Parmi nous il y avait des acteurs professionnels, comme moi et Franca, et des amateurs. Alors, au nom de l’égalitarisme, de l’abolition totale des rôles, on essayait de se charger de poids énormes, de handicaps, de ralentir notre course pour ne pas faire ombre à ces camarades. Dans le spectacle Pupazzone par exemple, avec Franca on avait choisi des rôles très petits et secondaires. Sauf que pendant les répétitions, tout le monde s’apercevait qu’en notre absence l’action stagnait. Alors on avait été obligés de changer les rythmes, d’intervenir avec des gags. À la fin, quand le spectacle était prêt, c’était toujours nous qui avions les rôles principaux32.
Dans ce cas particulier, la présence d’une structure politique externe peu soucieuse des lois du plateau et de la personnalité artistique de Dario Fo, n’a fait qu’amplifier le conflit potentiellement présent dans chaque pratique artistique collaborative. En outre, le manque d’une hiérarchie clairement identifiée et partagée à l’intérieur du collectif contribua à rendre plus difficiles les conflits à l’intérieur de Nuova Scena33.
Les deux phases du parcours artistique de Dario Fo qui ont été analysées représentent des étapes très différentes mais qui ont toujours permis des échanges particulièrement féconds et mutuellement enrichissants, tant pour les artistes que pour les spectateurs.
Ces exemples mettent en lumière quelques aspects peut-être généralisables concernant les collectifs d’artistes qui nous permettraient en quelque sorte de les imaginer comme des systèmes instables, ayant vocation éphémère et durée de vie non établie. Le temps, les difficultés peuvent, tôt ou tard, court‑circuiter l’enthousiasme, la rencontre et les dynamiques de création collective. De même, la condition de marginalité, qui semblerait être un caractère généralisable, peut devenir avec le temps inconfortable tant pour les artistes que pour l’institution. Rappelons ici que « les communautés naissent justement pour faire exploser ce qui est stable, immobile, routinier34. »
Les spectacles de Parenti-Fo-Durano-Lecoq sont un exemple où, à l’intérieur d’une répartition claire et partagée des rôles, chacun trouve sa place et apporte sa contribution. C’est une démocratie de plateau qui inclut la diversité et où l’expérimentation collective demeure possible, venant ainsi à nourrir une pratique artistique collaborative et de co-création.
Les créations collectives à l’intérieur de Nuova Scena, abolissant par principe toutes les lois du plateau (comme la distinction entre artiste et technicien, auteur et interprète, acteur et spectateur, esthétique et politique) sans les remplacer par de nouvelles structures aussi solides, ont rapidement amorcé une dynamique conflictuelle qui a poussé la création artistique vers une forme apparemment ouverte et collective mais en fait ancrée dans une écriture individuelle où, finalement, l’art de l’auteur-démiurge n’était remis en question que par lui-même.