La création selon Meret Oppenheim

Creation According to Meret Oppenheim

DOI : 10.54563/demeter.790

Abstracts

La production artistique de Meret Oppenheim (1913-1985) témoigne de son intérêt pour les objets naturels, pour les objets fabriqués par des humains ainsi que pour les objets manufacturés, pourtant, malgré le recours fréquent à des matériaux variés, elle n’a associé son nom à aucun objet trouvé ou ready made ; les objets qui lui sont associés sont issus d’un processus d’appropriation qui passe par la modification ou par l’assemblage. À partir d’articles, d’entretiens, de correspondances et de notes, il s’agit de rendre compte de cette absence en s’intéressant à la manière dont Oppenheim décrit la création artistique.

Meret Oppenheim's (1913-1985) artistic output shows her interest in natural and man-made objects as well as in manufactured ones. Nevertheless, despite her frequent use of various materials, her name was not associated with any found objects or ready-made ; the objects associated with her name are the result of a process of appropriation through modification or assemblage. Using articles, interviews, correspondence and notes, this essay aims to account for this absence by looking at the way Oppenheim describes artistic creation.

Index

Mots-clés

objet d’art, art et science, surréalisme, art et nature, spiritualisation

Keywords

art Object, art and science, surrealism, art and nature, spiritualization

Outline

Text

J’adresse mes plus vifs remerciements à Lisa Wenger, qui a autorisé la retranscription d’extraits de documents conservés aux Archives littéraires suisses (ALS, Bibliothèque nationale suisse, Berne). Je remercie également Magnus Wieland, le responsable du fonds Meret Oppenheim, et Evelyn Dueck, de l’Université de Genève, pour leurs précieuses suggestions.

Introduction

La production artistique de Meret Oppenheim témoigne de son intérêt pour les objets naturels, pour les objets fabriqués par des humains ainsi que pour les objets manufacturés, pourtant, malgré le recours fréquent à des matériaux variés, elle n’a associé son nom à aucun objet trouvé1 ou ready made2 ; les objets qui lui sont associés sont issus d’un processus d’appropriation qui passe par la modification ou par l’assemblage. À partir d’articles, d’entretiens, de correspondances et de notes, il s’agit de rendre compte de cette absence en s’intéressant à la manière dont Oppenheim décrit la création artistique.

On commencera par considérer des entretiens postérieurs à 1970 dans lesquels Oppenheim revient sur son séjour parisien des années 1930 et où elle souligne qu’une partie du succès du Déjeuner en fourrure pourrait tenir à un malentendu, ou du moins à des associations d’idées suscitées par le titre de l’œuvre auxquelles elle ne s’identifie pas et qui sont dues à André Breton.

Après avoir présenté les propositions formulées par Breton dans « Crise de l’objet », un article où il met en parallèle les objets poétiques et les objets mathématiques, on s’intéressera à « Das Ende kann auch ein Anfang sein », un article où Oppenheim choisit d’opposer les arts et les sciences. On mettra en évidence des points de convergence entre les deux auteurs tout en relevant une différence importante qui tient au rôle attribué à l’art : ce qui compte, pour Oppenheim, ce n’est pas de s’éloigner de la convention, mais de renouer avec des valeurs oubliées.

Alors qu’elle en appelle à un retour à la nature, elle a l’impression que ce ne serait pas être fidèle à son travail que de rattacher celui-ci à la terre. Cela tient à ce qu’elle considère la matière comme un élément nécessaire à l’œuvre d’art, mais qui ne suffit pas. L’objet d’art étant pensé comme de la matière spiritualisée.

On s’intéressera alors au travail de l’artiste, dont l’activité ne consiste pas à spiritualiser la matière, mais à créer des conditions favorables à un tel processus. L’artiste doit être à l’écoute de la nature et des rêves non en tant que réalités qu’il devrait reproduire, mais en tant que sources d’inspiration qui permettent la réalisation d’idées s’inscrivant dans un système plus large.

La dernière partie sera consacrée à ce système et à des mouvements qui font pendant à ceux qui auront été mis en évidence à partir des écrits où Oppenheim traite de son rapport à l’objet. La cosmogonie ainsi décrite se présentera comme un ensemble de forces, de courants et de principes à partir desquels sa conception de l’art a été façonnée.

La réalisation d’une idée

Dans un entretien radiophonique de 1978, Oppenheim parle de la création d’objets. Elle explique qu’en raison de quelques-unes de ses productions des années 1934 à 1936, elle a été caractérisée comme une « créatrice d’objets [Objekt-Macherin] », et qu’elle a ensuite commencé à dessiner, à faire des tableaux et des sculptures avant de revenir aux objets :

J’ai eu une sorte de « blocage », car je trouvais que les objets, c’était trop facile, et maintenant encore, je n’en fais que rarement. C’est vrai, c’est facile de rassembler différentes choses et de les réunir de manière à obtenir un résultat amusant. Mais ce n’est pas vraiment ça. Ce qui compte vraiment, c’est qu’une idée soit réalisée3.

Malgré la facilité associée à la création d’objets, qui se présente comme un exercice d’assemblage (il s’agit de « rassembler différentes choses »), cette pratique n’a pas moins de légitimité que d’autres, car ce qui importe est la réalisation d’une idée. Le refus de considérer une pratique artistique comme mineure apparaît également dans ce qu’elle écrit à propos des dessins : Oppenheim regrette que certains d’entre eux soient parfois réduits « au rang d’"ébauches" » et considère que, contrairement à une pensée commune, ils « peuvent […] agir plus immédiatement et montrer plus directement les intentions de l’artiste4 » que d’autres moyens d’expression. Comme en témoignent plusieurs productions telles que Le Spectateur vert (1933, 1959), Vénus primitive (1933, 1962) ou Geneviève (1942, 1971), l’existence d’un dessin ne remet pas en question la possibilité d’une concrétisation matérielle, parfois réalisée plus de trente ans après un premier dessin5. Oppenheim n’accorde pas non plus de place privilégiée à la peinture, qui est comparable à la création d’objets : « Pour moi, peindre, c’est comme préparer un masque, un déguisement pour le carnaval. Vous avez une idée dans la tête, et puis vous la réalisez6. » La fabrication d’objets, le dessin et la peinture constituent dès lors des moyens, sinon équivalents, du moins indistincts et non hiérarchisés, permettant de réaliser une idée. Cet accent mis sur l’idée plutôt que sur l’œuvre apparaît également dans ce que dit Oppenheim de l’un de ses objets les plus célèbres.

Dans l’un des nombreux entretiens où elle parle du Déjeuner en fourrure, Meret Oppenheim rappelle que c’est André Breton qui lui a donné ce nom qui joue sur l’association entre Le Déjeuner sur l’herbe d’Édouard Manet et La Vénus à la fourrure de Leopold von Sacher-Masoch et ajoute qu’une partie de ce qu’il y a de scandaleusement attrayant dans l’œuvre ne lui est pas dû. Elle relate ensuite le moment où l’idée lui est venue et conclut : « J’ai simplement fabriqué l’objet selon l’idée. Je ne me suis pas du tout soucié de lui donner un titre. Je ne me soucie pas vraiment du fait qu’il soit désormais connu sous celui de Breton7. » Le résultat amusant découle d’une idée qu’elle formule explicitement dans un autre entretien :

Moi ce qui m’amusait, c’était le contraste porcelaine et fourrure […]. C’était cela l’idée. Le titre m’était complètement indifférent. Et au fond, ça ne va pas avec moi, ce n’est pas mon genre de titre. Mais maintenant qu’il est donné, ça m’est égal8.

Pour Oppenheim, l’amusement ne découle pas du rapport entre l’objet et son nom, mais du contraste entre deux matières. Lorsqu’on lui demande, en 1970, de refaire l’objet créé environ trente ans plus tôt, Oppenheim se montre réticente :

Le plus important c’est l’idée des choses. Je pense que même si tous les produits de la culture universelle étaient détruits, les idées resteraient. En 1970, un marchand italien m’a proposé de refaire un multiple du « Déjeuner en fourrure ». J’ai refusé de refaire un objet créé en 1936 et d’en faire un objet de consommation. La tasse c’est une idée plus qu’un objet. Comme il a insisté j’ai réalisé, avec une carte postale de Turin, de la fausse fourrure et du mica, le multiple, « Souvenir du déjeuner en fourrure ». J’ai ironisé avec mon œuvre : ça, je peux me le permettre9.

Contrairement à d’autres objets, tels que Ma Gouvernante (1936, 1967), pour lesquels elle a été plus hésitante10, Oppenheim refuse de reproduire Le Déjeuner en fourrure en invoquant des raisons temporelles (l’objet a été créé en 1936), typologiques (l’objet d’art ne doit pas devenir un objet de consommation) et théoriques (au contraire de l’idée, l’objet a peu d’importance ; il pourrait être détruit). Devant l’insistance du marchand, Oppenheim ironise en réalisant un multiple qui n’est constitué ni de fourrure ni de porcelaine et dont le nom renvoie à la désignation la plus courante de la Tasse fourrée, celle d’André Breton. L’intérêt de celui-ci pour le Déjeuner en fourrure ne passe pourtant pas exclusivement par la nomination. Lorsque l’objet est présenté à l’exposition surréaliste de mai 1936 – les objets sont classés suivant une typologie comprenant notamment des « objets naturels », des « objets trouvés » et un « ready-made » ; celui d’Oppenheim se trouve dans la catégorie la plus largement représentée, celle des « objets surréalistes » –, il apparaît en effet sous un nom plus descriptif que suggestif : « Tasse, soucoupe et cuillère revêtues de fourrure11 ». Malgré des réserves quant à une certaine manière d’appréhender son œuvre, Oppenheim a répondu favorablement à plusieurs demandes de participation à des expositions organisées par Breton. La prise en considération de deux de leurs articles qui abordent le rapport à l’objet ainsi que la relation entre les arts et les sciences permettra de mettre en évidence des points de convergence entre ces deux auteurs tout en relevant une différence importante qui tient au rôle attribué à l’art : ce qui compte, pour Oppenheim, ce n’est pas de s’éloigner de la convention, mais de renouer avec des valeurs oubliées.

Les sciences et les arts

Dans « Crise de l’objet », André Breton s’intéresse notamment aux « objets mathématiques » et au « développement parallèle […] des idées scientifiques, d’une part, poétiques et artistiques, d’autre part12 ». L’un des repères historiques que choisit Breton est 1830, année qu’il associe à « l’apogée du mouvement romantique » et qui « coïncide avec celle de la découverte de la géométrie non-euclidienne13 ». Il observe que « le dédoublement de la personnalité géométrique et celui de la personnalité poétique se sont effectués simultanément » et conclut que les objets associés à chaque discipline ne doivent pas être opposés : « Ce serait retomber dans le piège du rationalisme fermé que de prétendre opposer les objets mathématiques […] aux objets poétiques14 ». Les premiers étant connus sous des noms « arides » et les seconds répondant à « des désignations plus attrayantes », Breton propose, à la fin de son article, de « substituer aux légendes analytiques » qui accompagnent les planches qu’il commente des « titres […] plus suggestifs15 ». L’intérêt accordé aux objets dépend moins de leurs « qualités plastiques » que d’une appropriation ou d’une interprétation qui peuvent passer par la nomination et qui permettent de quitter l’« habitude » ou l’« usage16 ». Poètes et savants se rencontrent dans l’emploi de moyens qui permettent d’échapper au sens commun et dans la faculté à rapprocher deux images différentes au moyen de l’imagination :

Cette faculté de rapprochement des deux images leur permet [aux poètes, aux artistes et aux savants] de s’élever au-dessus de la considération de la vie manifeste de l’objet, qui constitue généralement une borne. Sous leurs yeux, au contraire, cet objet, tout achevé qu’il est, retourne à une suite ininterrompue de latences qui ne lui sont pas particulières et appellent sa transformation. La valeur de convention de cet objet disparaît pour eux derrière sa valeur de représentation, qui les entraîne à mettre l’accent sur son côté pittoresque, sur son pouvoir évocateur17.

La faculté en question est une faculté essentiellement humaine, qui repose sur une certaine manière de voir et de faire voir. Ce qui importe est de s’éloigner d’une borne en invitant à considérer le donné immédiat nouvellement, de manière pittoresque ou évocatrice.

Oppenheim suit certainement Breton quant à l’importance à accorder à ces facultés spécifiquement humaines. Toutefois, sa conception de l’art l’amène à faire preuve de ce que Breton qualifie de « rationalisme fermé » en distinguant nettement les productions savantes des productions artistiques. C’est ce qu’elle exprime lors d’un discours prononcé à Zurich près d’un demi-siècle plus tard, en 1983, où on lui a demandé de parler des sciences et des arts :

En ce qui concerne la question des similarités et des différences entre les sciences et les arts, je souhaiterais dire que les deux sont des moyens qui sont utilisés afin d’atteindre des fins particulières. Mais ces fins sont, dans ces deux domaines, totalement différentes, et même opposées. Il est certes concevable qu’un grand scientifique, un mathématicien par exemple, soit également un grand artiste. Mais il ne pourra jamais réunir ces compétences pour atteindre une même fin.

On me répliquera en disant qu’il y a des œuvres d’art qui ont été créées à partir de l’intellect. Ces œuvres d’art peuvent être belles. Elles peuvent avoir la beauté d’un cristal (ce qui est énorme). Mais elles ne pourront jamais nous atteindre dans l’âme18.

Oppenheim fait part de ses réserves quant à des œuvres d’art qui seraient réalisées « à partir de l’intellect », l’art étant le propre de valeurs spirituelles complémentaires. Dans ce même discours, elle explique en effet que le développement des sciences au xviie siècle et l’avènement de l’ère industrielle au xviiie siècle ont fait valoir les productions de l’intellect aux dépens des arts, qui ont été réduits à un rôle ornemental. Elle ajoute :

Le retour à l’état de nature dont parle Rousseau peut tout au plus être considéré comme un symptôme de la présence d’un mouvement contraire sous-jacent. Les poèmes des romantiques […] étaient un cri de douleur devant l’abandon des autres valeurs spirituelles [geistigen Werte] : les sentiments, les émotions, l’enthousiasme au sens le plus élevé […], le lien à la nature19.

L’intellect s’oppose ainsi à des qualités de l’esprit moins contrôlées et associées à un retour à la nature. Dans un brouillon de lettre, Oppenheim soutient également que la valorisation de l’intellect est allée de pair avec la perte d’un lien à la matière :

Si l’« esprit » des peuples anciens était encore lié à la « matière » comme un arbre dont les racines sont en terre, il a, depuis le xve siècle environ, de plus en plus gagné en « autonomie », jusqu’à ce que seul le logos, l’« intellect » soit là, dans les têtes des classes dirigeantes. […] Le lien a ainsi été coupé. À la place d’un flux interne allant de haut en bas et de bas en haut, pour reprendre l’image de l’arbre, les hommes et les femmes n’ont vécu qu’une partie d’eux-mêmes20.

Oppenheim valorise ainsi un rapport à la nature où l’intellect, en tant que manifestation de l’esprit, a sa part, mais où un équilibre doit être trouvé avec d’autres qualités spirituelles qui lui sont complémentaires, telles que les sentiments, les émotions ou l’enthousiasme. Sa vision de la société rejoint certainement celle de Breton et d’autres partisans du surréalisme qui rejettent les valeurs véhiculées par les classes dirigeantes, qui prêtent un intérêt particulier au romantisme et qui regrettent que la vie ne soit pas pleinement vécue. Les divergences portent plutôt sur la place de l’artiste. Alors que, pour Breton, l’art consiste à porter un regard non conventionnel sur les objets en s’engageant dans la « démarche d’une pensée en rupture avec la pensée millénaire21 », pour Oppenheim, l’art se rapporte à des qualités spirituelles indépendantes du logos et à des formes de pensées associées aux peuples anciens (qu’elles se présentent comme conventionnelles ou non), avec lesquelles il s’agit de renouer et sans lesquelles l’âme ne peut être atteinte.

L’esprit et la matière

Dans son discours sur les sciences et les arts, Oppenheim associe le développement des qualités intellectuelles à un éloignement de la nature, mais compare les productions de l’intellect à un cristal, soit un minéral. Cette comparaison a de quoi surprendre et pourra être mieux comprise à la lecture du texte d’accompagnement d’une exposition de 1965 où il est question de la différence entre les objets naturels et les objets d’art :

Il n’existe pas de pierre laide, il n’existe que des sculptures laides. La hache de pierre par exemple a une belle forme. L’expérience l’a formée. En soi, il s’agit déjà d’une qualité spirituelle. Lorsqu’une œuvre d’art nous enthousiasme, c’est le signe qu’elle « fonctionne », que ses qualités spirituelles font effet sur nous. Lorsqu’elle ne nous enthousiasme pas, elle est comme un corps sans âme, et emprunte le même chemin : elle se décompose et disparaît22.

Oppenheim exclut la possibilité pour des objets naturels tels qu’une pierre de participer de la laideur. Elle leur oppose les objets réalisés par des êtres humains tels que des « sculptures » ou une « hache de pierre » et passe à une réflexion sur les qualités spirituelles des œuvres. Elle recourt aux verbes fonctionner (funktionnieren), faire effet (wirken) et enthousiasmer (begeistern) afin de rendre compte de l’effet produit par l’art. Le dernier de ces verbes apparaît à deux reprises et est souvent utilisé, de même que ses dérivés, par Oppenheim. Dans des notes rédigées en français, elle rattache l’enthousiasme à sa traduction allemande – Begeisterung –, qu’elle présente comme un équivalent de « rempli d’esprit(s)23 ». Cette dérivation lexicale témoigne d’un rapport étroit entre l’effet produit par l’art et l’esprit : « L’art suscite l’enthousiasme [Begeisterung], il met l’esprit [Geist] en mouvement24 ». Dans le cas contraire, l’œuvre n’est pas vivante : « L’art doit être porteur d’esprit [Geistträger]. S’il ne l’est pas, alors l’œuvre est morte et est vouée à disparaître25 ». De manière plus laconique, à la question de ce qui permet de différencier une bonne et une mauvaise œuvre, Oppenheim répond : « L’art est vivant ou pas26 ». Ce qui distingue les objets naturels des objets réalisés par les êtres humains est la possibilité, pour ces derniers, d’être décrits à l’aide de termes qui s’appliquent au vivant.

Afin de faire effet, l’œuvre d’art doit non seulement être faite de matière, mais également être porteuse d’esprit. Ainsi, lorsqu’Alain Jouffroy soumet à Meret Oppenheim un manuscrit dans lequel il souligne l’importance de la terre dans l’œuvre de l’artiste, celle-ci répond :

L’idée des philosophes cla [ss] iques qui prévaut encore presque partout aujourd’hui était d’identifier la matière, la terre, aux femmes, et les homme [s], au ciel, au spirituel […]. Cette idée est fascinante […], mais elle est fausse. Hommes et femmes sont matière, sont des animaux. Mais hommes et femmes sont aussi porteurs de ce que nous appelons l’esprit. […] De voir réduit tout ce que j’ai fait au domaine de la terre, de la matière, est, pour moi, inacceptable. Il me semble que quand-même mes tableaux etc. participent aussi de l’esprit qui est enfermé dans les formes terrestres, comme il l’est dans le corps des humains. L’œuvre d’art est porteuse d’esprit, si non elle n’est rien27.

Les oppositions auxquelles Oppenheim souscrit sont inscrites dans la verticalité. Elle identifie la matière, le corps, les animaux, les hommes et les femmes à des formes terrestres susceptibles de participer de l’esprit, qui est associé au ciel. Ce qui distingue les tableaux d’Oppenheim d’autres formes terrestres est le fait d’être porteurs d’esprit, selon un système où les créations de l’artiste sont comparables à celles de la nature : l’œuvre d’art (et, plus généralement, toute création humaine qui enthousiasme) est à l’être humain ce que l’être humain (et, plus généralement, tout ce qui participe du vivant) est à la nature.

À un certain niveau, toutefois, la distinction entre ce qui est porteur d’esprit et ce qui ne l’est pas n’opère pas, car l’esprit est partout :

Si je crois en quelque chose, alors c’est à l’esprit. C’est quelque chose qui existe vraiment, sinon nous ne pourrions même pas parler ni réfléchir.

L’esprit a toujours été là, il pénètre tout : chaque feuille, chaque insecte, même le magnétophone qui est là. Pour cet esprit, nous sommes simplement une sorte de contenant qui peut s’exprimer – au contraire des insectes.

Je ne crois pas que l’esprit et la matière soient des opposés séparés, ils sont liés – comme le fait d’être ou de ne pas être sont liés. Tout est pénétré de la mort, comme tout est pénétré de la vie28.

Si l’esprit peut se manifester en tous lieux, il ne se manifeste pas en tout temps. Il doit être précédé d’une forme, selon une opposition entre le terrestre ou le temporel et le spirituel : « La forme est l’habit du temps. Mais le "spirituel" n’y est pas contenu d’avance29. » Lorsque l’esprit a trouvé une forme, il n’y reste pas éternellement. Dans une note à propos des mots en -isme, Oppenheim écrit en effet : « Tout n’est bien qu’au départ, à la naissance de l’idée. / Après c’est la dégénération. Et l’esprit cherche un nouveau corps (pour se manifester30). » Le moment qui est opposé à celui où l’esprit quitte le corps n’est pas caractérisé comme celui où il s’introduit dans un corps, mais comme un moment qui le précède, celui de la naissance de l’idée.

L’idée et la forme

Oppenheim a souvent souligné que les idées ne naissent généralement pas en un lieu unique : « On sait d’expérience que les idées apparaissent souvent en même temps à différents endroits du globe terrestre31. » Ce surgissement des idées est également celui des pensées et a été comparé à l’apparition, dans la nature, d’espèces animales ou végétales :

De même que la nature doit se montrer dispendieuse afin d’obtenir une espèce végétale ou animale à partir d’innombrables graines dont seules quelques-unes se développent, de même une pensée importante peut « venir à l’esprit [in den Sinn kommen] » dans des lieux géographiquement éloignés depuis des milliers d’années. Soudain, elle sera formulée (en mots) par une ou plusieurs personnes en même temps ; le sol est prêt, le moment est le bon et elle peut s’imposer dans l’esprit32.

La création de ce qui ressort du vivant se fait par l’intermédiaire de la nature et la création de ce qui ressort de la pensée par celui des êtres humains. Pour se manifester, les pensées doivent trouver un espace (un « sol »), un temps (le bon « moment ») et des mots. La formulation verbale n’est pas le seul moyen permettant la manifestation des idées :

Les idées viennent. Ou plutôt elles sont déjà là – quelque part. Et comme on tend des filets aux oiseaux, des pièges aux animaux, on leur [t] end des pensées, des mots, des toiles, du papier ou d’autres matériaux pour qu’elles s’y posent.

Le procédé est inexplicable33.

Les idées « sont déjà là », c’est-à-dire qu’elles préexistent à une concrétisation matérielle, comme les oiseaux et les animaux vivent avant d’être piégés. Le procédé n’est pas comparé à la germination, mais à la fabrication de dispositifs matériels dont l’intérêt réside dans leur capacité à accueillir, à servir de support (il s’agit de « s’y pos [er] »). Le choix du verbe est toutefois difficilement compatible avec l’idée de piège, qui renvoie plutôt à la capture de l’animal qui, s’il « se pos [e] » perd sa liberté ou la vie… à moins qu’il ne parvienne à s’échapper. De telles issues ne sont pas abordées par Oppenheim, qui s’arrête à la capacité, pour ces objets, à constituer des lieux d’accueil du vivant ou de ce qui vient en tête.

Ce qui est accueilli est fuyant et n’est pas contrôlé par le créateur. Les matériaux ou les mots ne font pas surgir l’idée, ils lui servent uniquement de support selon un mouvement descendant plutôt qu’ascendant. Une telle distinction entre l’idée et ce qui est façonné correspond à ce que décrit Magnus Wieland dans le contexte de considérations sur la poésie de l’artiste : « Pour Meret Oppenheim, le langage est moins un moyen d’expression que de configuration. Les mots qu’elle emploie ne constituent pas en premier lieu des signes référentiels, mais sont des matériaux autonomes avec lesquels elle s’engage dans une pratique ludique et créative34 ». Cette pratique n’est pas uniquement propice à l’amusement et à la création, elle est plus généralement la condition permettant à l’artiste de réaliser une idée.

Un objet se fait en deux temps : il y a la venue de l’idée, puis sa concrétisation matérielle. Le premier temps n’est pas considéré indépendamment d’une forme :

Chaque idée naît avec sa forme. Je réalise les idées telles qu’elles me viennent à l’esprit [in den Kopf]. Nul ne sait d’où viennent les idées ; elles apportent avec elles leur forme. De même qu’Athéna est sortie du crâne de Zeus avec casque et cuirasse, les idées nous parviennent avec leur robe35.

Oppenheim décrit la naissance des idées en recourant non seulement à des métaphores ou à des comparaisons inscrites dans la nature, mais également à des comparaisons avec des créations humaines telles que des pièges et des vêtements, soit des objets qui ne sauraient être considérés indépendamment de ce à quoi ils servent et qui dépendent directement d’êtres vivants. Cette manière de considérer la création correspond à son intérêt pour la conception de parures ou de masques. Elle est également observable au niveau d’objets tels que Démon à tête d’animal (1961), un coffre de pendule contenant un morceau de bois faisant office de tête, Boîte avec petits animaux (1963), une boîte contenant des pâtes italiennes – des farfalle – évoquant de petits animaux, ou Le Cocon (Il vit) (1974), une caissette contenant un coussin rappelant un cocon. Il s’agit d’objets formés à partir d’un contenant et d’un contenu clairement distincts mais non séparés, et dont le titre invite à identifier le contenu à du vivant.

La création artistique consiste à concrétiser une idée qui se manifeste sous une forme que l’artiste pourra considérer comme propre, bien que l’œuvre s’inscrive dans quelque chose de plus vaste :

Je suis convaincue que les vraies œuvres d’art ont quelque chose de tout à fait universel et que les grands artistes sont d’abord des instruments, leur personne ne jouant pas de rôle. Au fond je crois que c’est ce qu’on appelle l’inspiration. Peut-être l’inconscient ou le pré-conscient est le sol où l’inspiration aime se poser d’abord36.

Ce qui sert de lieu d’accueil, désormais, ce sont les « grands artistes », qui sont des « instruments » en raison de leur faculté à servir de support avant la concrétisation matérielle de l’idée. On comprend ainsi que, lorsqu’elle commente ses productions, Oppenheim renvoie à leur condition d’existence – elle indique généralement l’année durant laquelle l’idée lui est venue et donne des précisions sur le contexte – et à ce qu’elles sont susceptibles de contenir, sans nécessairement pouvoir ou vouloir en rendre compte plus précisément.

L’annonce d’un changement

L’artiste est un intermédiaire qui, par son travail, rend possible la concrétisation d’une qualité spirituelle dans le monde terrestre. À un niveau plus général, ce processus est symbolisé par l’« arbre (alchim.) », qu’Oppenheim décrit ainsi :

L’arbre (alchim.), qui prend racine dans le ciel (dans le spirituel) et dont la cime est dans la terre : il fleurit et porte ses fruits dans la terre. Il s’agit donc d’un symbole de la fécondation de la terre (le principe tellur.) par le ciel (le spirituel, l’apollinique37).

Cet arbre dont les racines ne sont pas en terre mais dans le ciel est associé à un mouvement du céleste vers le terrestre. Un mouvement inverse apparaît occasionnellement dans la poésie d’Oppenheim au moment où la terre est quittée et l’esprit, ou ce qui le représente, cherche un nouveau corps pour se manifester38.

Oppenheim n’a pas exclusivement pensé le rapport entre le ciel et la terre comme un flux où le mouvement est réservé à ce qui est de l’ordre du céleste. Un mouvement ascendant est observable dans un contexte où l’initiative est cédée à ce qui se trouve dans la terre ; il s’agit d’une ascension spirituelle symbolisée par un serpent :

Les gens disent que je fais beaucoup de serpents. […] Cela rappelle le paradis et la chute de l’Homme. […] Mais ce qui se passe n’est pas une chute, mais une ascension, pour quitter le monde des animaux. On peut voir de tels serpents dans des représentations de déesses crétoises. Le serpent signifie une ascension spirituelle dans l’univers39.

Le mouvement en question est inverse à celui que l’on a pu observer pour décrire la matérialisation de l’esprit dans les œuvres. Plutôt que d’un esprit qui se matérialise dans une forme terrestre, il s’agit d’une ascension qui permet de « quitter le monde des animaux » sans quitter le corps. Le serpent qui entame cette ascension spirituelle a été associé par Oppenheim à l’un de ses objets, un serpent noir à tête blanche, Le vieux serpent Nature (1970). Oppenheim s’interroge sur la signification de son apparition :

Mais qu’est-ce qu’il nous veut maintenant, le vieux serpent Nature ? […] Une fois, il y a longtemps, il avait dit à Eve de donner la pomme de l’arbre de la connaissance à Adam. […] Le serpent Nature voulait que l’homme prenne le chemin du développement intellectuel. […] Le vieux serpent Nature veut-il nous faire aller dans une nouvelle direction, vers un stade où à l’intellect s’ajoutera tout ce qui a été négligé pendant si longtemps ? Pour peut-être arriver une fois à la vraie Sagesse ? 40

Un appel similaire à la sagesse se trouve à la fin des deux discours qu’elle a prononcés. Dans une allocution tenue à Bâle, Oppenheim évoque une nature qui laisse « l’humanité prendre une autre direction » et en appelle à un temps où le sentiment « s’élèv [e] pour prendre la place qui lui est due dans le cœur des êtres humains, à côté de la raison » ; elle conclut : « Et, qui sait, peut-être un jour la sagesse sortira-t-elle aussi de sa caverne de granit41. » Dans le discours de Zurich, Oppenheim espère un temps où la nature n’est plus considérée comme une ennemie du genre humain et où les « qualités dites féminines (sentiment, âme, intuition42) » sont reconnues de tous les êtres humains. Ces conclusions répondent à l’idée d’un monde en « déséquilibre » :

Le serpent noir à la tête blanche (le vieux serpent Nature) représente le princip[e] damné depuis des millénaires : le yin. De la valorisation unilatérale du yang : du positif, du blanc, du ciel, du bien, de l’esprit conscience, de la vie, de la volonté, de l’action, et de la dévalorisation du yin : le négatif, le noir, la terre, le mal, le monde inconscient, la mort, l’intuition, l’inaction vient notre déséquilibre. La réapparition de ce principe (par exemple avec cet objet Le vieux serpent Nature) peut être l’annonce d’un changement43.

Le vieux serpent Nature annonce un possible changement et incarne l’un des pôles dans un système où sont opposés, systématiquement, le yin et le yang, le positif et le négatif, le blanc et le noir, le ciel et la terre, le bien et le mal, l’esprit conscience et le monde inconscient, la vie et la mort, la volonté et l’intuition, l’action et l’inaction44. La valorisation « unilatérale » de l’un des principes est à l’origine d’un « déséquilibre » et la présence d’un objet d’art se rattachant au principe opposé est l’indice d’un changement prochain qui aboutira, sinon à une situation d’équilibre – cet équilibre correspondrait peut-être, pour ce qui se rapporte à l’opposition entre masculin et féminin, à l’androgynie –, du moins à un système de valeurs plus équilibré.

Oppenheim distingue Le vieux serpent Nature (1970) et deux serpentines figurant sur le tableau Le Secret de la végétation (1972) : « Ces dernières représentent un principe immuable, éternel et universel, l’ouroboros45. » Les deux serpentines évoluent côte à côte, dans un mouvement ascendant, et forment un ensemble où les opposés sont réunis :

À gauche et à droite montent deux serpentines (plutôt que des serpents). Quand le tableau était terminé je le regardais. Je me disais : c’est curieux, jusqu’ici il n’y avait qu’un serpent sur mes tableaux ou en sculpture. Pourquoi ces deux serpents ? En regardant mon tableau et en voyant cette espèce d’œil bleu en haut de la serpentine à gauche et la lumière blanche circulaire en haut de celle de droite, l’idée m’est venue qu’il pourrait s’agir des deux courants de cette énergie qui « remplit » (je ne trouve pas le mot) l’univers. (Le + et le -, la vie et la mort, le Yin et le Yang) 46.

L’esprit, qui ne se manifeste que dans certains objets tout en pénétrant chaque chose, constitue ainsi un cas particulier d’une conception du monde où le terrestre est opposé au céleste et où l’un des pôles, celui associé au ciel, est valorisé aux dépens de l’autre, mais où, plus universellement, l’ensemble renferme une « énergie qui "remplit" […] l’univers » faite des « deux courants » contenant ces opposés.

Conclusion

Si les objets trouvés, les objets d’« art primitif » ou les ready made n’apparaissent qu’exceptionnellement en tant que tels dans l’œuvre de Meret Oppenheim, c’est sans doute parce qu’elle associe l’art à des créations réalisées par un individu, ou du moins à un travail d'assemblage ou de façonnement non systématique de matériaux dans lequel la collecte, la nomination et l'emploi de techniques associées à l'intellect jouent un rôle secondaire. Oppenheim témoigne d’un rapport à l’objet où la matière est essentielle non en tant que telle, mais en tant qu’outil ou matériel de travail auquel l’artiste donne forme et à partir duquel une œuvre susceptible d’enthousiasmer est créée. Les matériaux constituent une ressource nécessaire à la manifestation de l’esprit et l’œuvre reste disponible pour accueillir une pensée sur laquelle la personne qui crée n’a pas prise, selon un système inscrit dans la verticalité : l’artiste laisse venir une idée qui sera réalisée sous la forme d’un objet dans lequel l’esprit pourra se manifester. Les forces qui permettent ce double surgissement sont décrites à l’aide de comparaisons à des espèces minérales, végétales ou animales et témoignent d’une conception de l’art selon laquelle l’œuvre est à l’être humain ce que le vivant est à la nature.

Cette conception de l’art n’est pas indépendante d’un certain rapport au monde. Oppenheim considère que les êtres humains ont opté unilatéralement pour des valeurs associées à l’intellect, au détriment d’autres qualités spirituelles. Si la distinction qu’opère Oppenheim entre matière et esprit témoigne de son appartenance à ce monde considéré comme déséquilibré, elle s’efforce néanmoins de renouer avec un rapport direct à la matière et en appelle à un temps où il n’y aura pas valorisation systématique de l’un des éléments des couples d’opposés, où ceux-ci évolueront côte à côte. Cet appel apparaît aussi bien dans les écrits d'Oppenheim que dans ses productions, où le changement est notamment annoncé par des serpents qui rappellent à l’existence les valeurs abandonnées. Si leur manifestation est possible, ce n’est pas uniquement parce qu’il y a des artistes qui se chargent de les faire exister, mais également parce qu’au-delà d’un monde où les humains auraient valorisé systématiquement un seul des éléments des couples d’opposés, il existe une énergie universelle qui parcourt l’univers et qui s’inscrit dans un cycle perpétuel d’apparitions et de disparitions constituant les moteurs d’une cosmogonie dont l’ouroboros est le symbole.

1 La Selle de bicyclette couverte d’abeilles (1952), qui se rapporte à une photographie trouvée dans un journal, pourrait faire exception. D’autres

2 On a pu parler de ready made assisté pour désigner des assemblages d’objets. Dans cet article, je m’en tiens à une définition restreinte du ready

3 Transcription d’une émission radiophonique réalisée par Henry Ruth, « Meret Oppenheim – Keine Legende », enregistrée le 6 septembre 1978, diffusée

4 Meret Oppenheim, « Zeichnungen sind den mit anderen Mitteln ausgeführen Kunstwerken ebenbürtig… », dans Vom Zeichen : Aspecte der Zeichnung

5 Ces exemples et d’autres tels que L’Oreille de Giacometti (1933) ou Le vieux serpent Nature (1970) sont donnés dans Meret Oppenheim, Suzanne Pagé et

6 Meret Oppenheim, Bruno Corà et Johannes Gachnang, « Lo spirito è androgino », Anoir, Eblanc, Irouge, Uvert, Obleu, no 7, 1983, p. 87 (TdA).

7 Meret Oppenheim et Robert J. Belton, « Androgyny : Interview with Meret Oppenheim » [1984], dans Surrealism and Women, Mary Ann Caws, Rudolf E.

8 Meret Oppenheim, Suzanne Pagé et Béatrice Parent, op. cit., p. 16. Dans le même entretien, Oppenheim déclare : « Moi, je l’appelais tout simplement

9 Meret Oppenheim, Suzanne Pagé et Béatrice Parent, op. cit., p. 17.

10 Dans une lettre à André Breton du 29 mars 1956, Meret Oppenheim envisage en effet de refaire des objets ou, dans le cas où le matériel nécessaire à

11 Exposition surréaliste d’objets, cat. exp. (Paris, Charles Ratton, 22-29 mai 1936), s. p. Le nom donné par Breton apparaît en 1938 dans le

12 André Breton, « Crise de l’objet », op. cit., p. 21.

13 Ibid.

14 Ibid., p. 21, 26.

15 Ibid., p. 26.

16 Ibid., p. 22.

17 Ibid., p. 22-23.

18 Meret Oppenheim, « Das Ende kann auch ein Anfang sein », dans Kunst und Wissenschaft, Paul Feyerabend et Christian Thomas (dir.), Zürich, Verein

19 Meret Oppenheim, « Das Ende kann auch ein Anfang sein », op. cit., p. 244-245 (TdA).

20 Brouillon de lettre à l’historien de l’art Arnold Rüdlinger [1960], dans Meret Oppenheim, "Worte nicht in giftige Buchstaben einwickeln", op. cit.

21 André Breton, « Crise de l’objet », op. cit., p. 21. Dans deux lettres de 1958 à Breton, Oppenheim fait part de ses réserves au sujet

22 Meret Oppenheim, « Warum findet man die Wolken so schön ?… », dans sans titre, cat. exp. (Zürich, Gimpel & Hanover Galerie, 9 janvier-3 février 196

23 L’expression apparaît dans ce contexte : « Si c’est l’enthousiasme qui pousse l’artiste au travail, son œuvre sera rempli [e] de cet enthousiasme (

24 Meret Oppenheim et Werner Krüger, « Kunst kann nur in der Stille entstehen », dans Künstler im Gespräch, Werner Krüger et Wolfgang Pehnt (dir.)

25 Ibid., p. 97 (TdA). Son propos est précédé de ces mots : « Lorsqu’une forme se vide, elle doit changer. La forme et le moyen qui sont employés sont

26 Meret Oppenheim et VALIE EXPORT, « Éventail de questions possibles à Meret Oppenheim » [1975], dans Meret Oppenheim : Rétrospective, cat. exp. (

27 Pièce jointe à la lettre du 9 septembre 1977, dans Meret Oppenheim, "Worte nicht in giftige Buchstaben einwickeln", op. cit., p. 355 (je cite des

28 Meret Oppenheim et Marie-Louise Zimmermann, « Nur ein Instrument », Brückenbauer, no 40, 05.10.1984, p. 14 (TdA).

29 Lettre à André Pieyre de Mandiargues (Paris, 10.06.1959), dans Meret Oppenheim, "Worte nicht in giftige Buchstaben einwickeln", op. cit., p. 326.

30 Ibid., p. 264.

31 Meret Oppenheim, « Das Ende kann auch ein Anfang sein », op. cit., p. 243 (TdA). À Alain Jouffroy, Oppenheim écrit : « Un changement qui s’était

32 La citation apparaît dans un tapuscrit de feuillets numérotés où sont rassemblées des citations de Meret Oppenheim : « So verschwenderisch die

33 Meret Oppenheim et Alain Jouffroy, « 23 réponses de Meret Oppenheim à des questions d’Alain Jouffroy » [1973], dans Meret Oppenheim, "Worte nicht

34 Magnus Wieland, « Les mots et les jeux : Meret Oppenheims Schreibspiele », Quarto : Zeitschrift des Schweizerischen Literaturarchivs, no 48, 2020

35 Meret Oppenheim, cité dans Elisabeth Bronfen, « "Nul ne sait d’où viennent les idées" : Du rapport entre forme et néant chez Meret Oppenheim »

36 Meret Oppenheim, Suzanne Pagé et Béatrice Parent, op. cit., p. 22.

37 Meret Oppenheim, "Worte nicht in giftige Buchstaben einwickeln", op. cit., p. 416 (TdA). Oppenheim ne semble pas avoir associé cet arbre à un objet

38 Dans le poème « Enfin », qui figure parmi les derniers poèmes du recueil Sansibar (1981), le mouvement ascendant des pierres peut faire penser au

39 Meret Oppenheim et Robert J. Belton, op. cit., p. 73-74 (TdA).

40 Meret Oppenheim, "Worte nicht in giftige Buchstaben einwickeln", op. cit., p. 352.

41 Meret Oppenheim, « Allocution tenue à Bâle – janvier 1975 », dans Meret Oppenheim, op. cit., p. 33. Dans ce discours, le signe du changement est l’

42 Meret Oppenheim, « Das Ende kann auch ein Anfang sein », op. cit., p. 249.

43 Meret Oppenheim, "Worte nicht in giftige Buchstaben einwickeln", op. cit., p. 355-356.

44 L’absence de l’opposition entre le masculin et le féminin tient peut-être à ce qu’elle soit mobilisée à proximité dans le texte ou à une crainte de

45 Meret Oppenheim, "Worte nicht in giftige Buchstaben einwickeln", op. cit., p. 355.

46 Meret Oppenheim et Alain Jouffroy, op. cit., p. 351-352. Simon Baur a notamment souligné la présence de symétries qui s’inscrivent dans la

Bibliography

Littérature primaire

Meret Oppenheim, « Warum findet man die Wolken so schön?… », dans sans titre, cat. exp. (Zürich, Gimpel & Hanover Galerie, 9 janvier-3 février 1965), s. p.

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Meret Oppenheim, « Das Ende kann auch ein Anfang sein », dans Kunst und Wissenschaft, Paul Feyerabend et Christian Thomas (dir.), Zürich, Verein der Fachvereine, 1984, p. 243-250.

Meret Oppenheim, « Zeichnungen sind den mit anderen Mitteln ausgeführen Kunstwerken ebenbürtig… », dans Vom Zeichen : Aspecte der Zeichnung 1960-1985, cat. exp. (Francfort, Frankfurter Kunstverein, 19 novembre 1985-1er janvier 1986), Münsterschwarzach Abtei, Benedict Press, p. 306.

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Entretiens publiés

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Meret Oppenheim et Valie Export, « Éventail de questions possibles à Meret Oppenheim » [1975], dans Meret Oppenheim : Rétrospective, cat. exp. (Villeneuve d’Ascq, LaM, Lille Métropole musée d’art moderne, d’art contemporain et d’art brut, 15 février-1er juin 2014), Villeneuve-d'Ascq, LaM, Lille métropole musée d'art moderne, d'art contemporain et d'art brut, p. 272-275.

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Littérature secondaire

Simon Baur, Meret Oppenheim Geheimnisse : Eine Reise durch Leben und Werk, Zürich, Scheidegger & Spiess, 2021.

André Breton, « Phare de La Mariée », Minotaure, no 6, 1935, p. 45-49.

André Breton, « Crise de l’objet », Cahiers d’art, 11e année, 1936, p. 21-26.

Stéphane Mallarmé, « Crise de vers », dans Divagations, Paris, Eugène Fasquelle, 1897, p. 235-251.

Elisabeth Bronfen, « "Nul ne sait d’où viennent les idées" : Du rapport entre forme et néant chez Meret Oppenheim », dans Meret Oppenheim : Rétrospective, op. cit., p. 35-43.

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Christiane Meyer-Thoss, Meret Oppenheim : Buch der Ideen, Berne, Gachnang & Springer, 1996, p. 24.

Isabelle Schulz, "Edelfuchs im Morgenrot": Studien zum Werk von Meret Oppenheim, Munich, Silke Schreiber, 1993.

Magnus Wieland, « Les mots et les jeux : Meret Oppenheims Schreibspiele », Quarto : Zeitschrift des Schweizerischen Literaturarchivs, no 48, 2020, p. 97-104.

Notes

1 La Selle de bicyclette couverte d’abeilles (1952), qui se rapporte à une photographie trouvée dans un journal, pourrait faire exception. D’autres créations d’Oppenheim ont été désignées comme des objets trouvés, cf. Christiane Meyer-Thoss, Meret Oppenheim : Buch der Ideen, Berne, Gachnang & Springer, 1996, p. 24.

2 On a pu parler de ready made assisté pour désigner des assemblages d’objets. Dans cet article, je m’en tiens à une définition restreinte du ready made, qui se rapporte au résultat de l’action consistant à « détourner [l’objet] de ses fins en lui accolant un nouveau nom et en le signant » (André Breton, « Crise de l’objet », Cahiers d’art, 11e année, 1936, p. 24), ou simplement à des « objets manufacturés promus à la dignité d’objets d’art par le choix de l’artiste » (André Breton, « Phare de La Mariée », Minotaure, no 6, 1935, p. 46).

3 Transcription d’une émission radiophonique réalisée par Henry Ruth, « Meret Oppenheim – Keine Legende », enregistrée le 6 septembre 1978, diffusée le 23 septembre 1978, conservée aux Archives littéraires suisses de la Bibliothèque nationale suisse sous la cote SLA-MO-LW-D-3-k (TdA). Les références accompagnées de la mention « TdA » constituent des traductions de l’auteur.

4 Meret Oppenheim, « Zeichnungen sind den mit anderen Mitteln ausgeführen Kunstwerken ebenbürtig… », dans Vom Zeichen : Aspecte der Zeichnung 1960-1985, cat. exp. (Francfort, Frankfurter Kunstverein, 19 novembre 1985-1er janvier 1986), Münsterschwarzach Abtei, Benedict Press, p. 306 (TdA). Voir aussi : Meret Oppenheim, "Worte nicht in giftige Buchstaben einwickeln" [2013], Lisa Wenger et Martina Corgnati (dir.), Zürich, Scheidegger & Spiess, 2015, p. 426.

5 Ces exemples et d’autres tels que L’Oreille de Giacometti (1933) ou Le vieux serpent Nature (1970) sont donnés dans Meret Oppenheim, Suzanne Pagé et Béatrice Parent, « Interview de Meret Oppenheim » [1984], dans Meret Oppenheim, cat. exp. (ARC Musée d’art moderne de la ville de Paris, 27 octobre-10 décembre 1984), Paris, ARC Musée d’art moderne de la ville de Paris, p. 11-23.

6 Meret Oppenheim, Bruno Corà et Johannes Gachnang, « Lo spirito è androgino », Anoir, Eblanc, Irouge, Uvert, Obleu, no 7, 1983, p. 87 (TdA).

7 Meret Oppenheim et Robert J. Belton, « Androgyny : Interview with Meret Oppenheim » [1984], dans Surrealism and Women, Mary Ann Caws, Rudolf E. Kuenzli, Gwen Raaberg (éd.), Cambridge et Londres, MIT Press, 1991, p. 68.

8 Meret Oppenheim, Suzanne Pagé et Béatrice Parent, op. cit., p. 16. Dans le même entretien, Oppenheim déclare : « Moi, je l’appelais tout simplement "Assiette, tasse et cuillère couvertes de fourrure" [...] On me dit toujours, tu as de si beaux titres, si poétiques, alors, qu’en fait, je ne fais que décrire ce qui est représenté. Par exemple, l’œuvre qui s’appelle "Rêve qui fuit en courant au réveil", représente un être qui s’éloigne dans l’air » (ibid., p. 16). Dans une lettre du 7 avril 1975 à Alain Jouffroy, elle souligne également l’importance de l’idée et l’absence de « charge agressive » dans son travail : « Mes tableaux et objets n’étaient jamais agressifs. Jamais j’avais l’intention de choquer. Je faisais tout uniquement parce que cela m’amusait de les faire ou pour fixer une idée "poétique" […]. Dans l’idée, dans "la chose spirituelle" [à laquelle] je donnais une forme, il n’y avait aucune charge agressive. C’étaient les autres qui se sentaient agressés. Et ceci uniquement par la forme qui était nouvelle à l’époque. » Oppenheim précise qu’elle n’a pas « choisi » la forme, mais que celle-ci a été « apport [ée] » par l’idée (Meret Oppenheim, "Worte nicht in giftige Buchstaben einwickeln", op. cit., p. 355).

9 Meret Oppenheim, Suzanne Pagé et Béatrice Parent, op. cit., p. 17.

10 Dans une lettre à André Breton du 29 mars 1956, Meret Oppenheim envisage en effet de refaire des objets ou, dans le cas où le matériel nécessaire à leur réalisation serait introuvable, de les remplacer par des photographies qui pourraient être présentées comme des cartes postales : « En parlant d’une exposition éventuelle vous disiez dernièrement qu’il serait peut être bien de refaire l’un ou l’autre de mes objets. J’ai quelques hésitations à répéter ces choses. La tasse avait été achet [ée] par le musée d’A. m. de New York. La Gouvernante n’existe plus, et les mêmes chaussures sont introuvables ici, j’ai souvent cherché. […] Si je trouvais ces chaussures je referais l’objet, pour l’exposition. / Mais si vous trouvez qu’il serait bien d’avoir dans l’exposition une allusion à ces objets on pourrait mettre dans la devanture l’agrandissement de la photo des chaussures (qui sont moins connues) combiné avec les nouvelles choses, 1-2 petits tableaux, qui font un peu objets, ou aussi vendre comme cartes postales les photos des objets (et même de tableaux, pourquoi pas ?) » (Meret Oppenheim, "Worte nicht in giftige Buchstaben einwickeln", op. cit., p. 277).

11 Exposition surréaliste d’objets, cat. exp. (Paris, Charles Ratton, 22-29 mai 1936), s. p. Le nom donné par Breton apparaît en 1938 dans le Dictionnaire abrégé du surréalisme (cf. Isabelle Schulz, "Edelfuchs im Morgenrot": Studien zum Werk von Meret Oppenheim, Munich, Silke Schreiber, 1993, p. 94).

12 André Breton, « Crise de l’objet », op. cit., p. 21.

13 Ibid.

14 Ibid., p. 21, 26.

15 Ibid., p. 26.

16 Ibid., p. 22.

17 Ibid., p. 22-23.

18 Meret Oppenheim, « Das Ende kann auch ein Anfang sein », dans Kunst und Wissenschaft, Paul Feyerabend et Christian Thomas (dir.), Zürich, Verein der Fachvereine, 1984, p. 246 (TdA). Isabelle Schulz a souligné que l’esthétique de Meret Oppenheim est contraire à celle de Marcel Duchamp, qui affirme, lors d’un entretien avec Pierre Cabanne où il est notamment question des ready made, qu’il faut « parvenir à quelque chose d’une indifférence telle que vous n’avez pas d’émotion esthétique » (Marcel Duchamp, cité dans Isabelle Schulz, op. cit., p. 136).

19 Meret Oppenheim, « Das Ende kann auch ein Anfang sein », op. cit., p. 244-245 (TdA).

20 Brouillon de lettre à l’historien de l’art Arnold Rüdlinger [1960], dans Meret Oppenheim, "Worte nicht in giftige Buchstaben einwickeln", op. cit., p. 391 (TdA).

21 André Breton, « Crise de l’objet », op. cit., p. 21. Dans deux lettres de 1958 à Breton, Oppenheim fait part de ses réserves au sujet, respectivement, d’un slogan et de l’avenir du surréalisme (cf. Meret Oppenheim, "Worte nicht in giftige Buchstaben einwickeln", op. cit., p. 280-281). Elle marque notamment sa distance vis-à-vis d’une « activité révolutionnaire » qui serait tournée vers l’extérieur plutôt que « vers l’intérieur de l’individu » (ibid., p. 281). Dans une lettre du 19 août 1959, elle témoigne également de sa « réaction un peu négative » quant au thème choisi pour l’Exposition inteRnatiOnale du Surréalisme, l’érotisme, avant de l’approuver en le présentant comme un principe spirituel injustement oublié (cf. ibid., p. 282).

22 Meret Oppenheim, « Warum findet man die Wolken so schön ?… », dans sans titre, cat. exp. (Zürich, Gimpel & Hanover Galerie, 9 janvier-3 février 1965), s. p. (TdA).

23 L’expression apparaît dans ce contexte : « Si c’est l’enthousiasme qui pousse l’artiste au travail, son œuvre sera rempli [e] de cet enthousiasme (La traduction allemande de [c] e mot est : Begeisterung = rempli d’esprit(s)) ». Sur la même page, Oppenheim écrit : « Je ne connais pas la signification du mot grec = enthousiasme » (SLA-MO-LW-A-6-q). Ces notes pourraient se rapporter à des parties non retenues de l’entretien Meret Oppenheim, Bruno Corà et Johannes Gachnang, op. cit., p. 81-94.

24 Meret Oppenheim et Werner Krüger, « Kunst kann nur in der Stille entstehen », dans Künstler im Gespräch, Werner Krüger et Wolfgang Pehnt (dir.), Cologne, Artemedia, 1984, p. 103 (TdA).

25 Ibid., p. 97 (TdA). Son propos est précédé de ces mots : « Lorsqu’une forme se vide, elle doit changer. La forme et le moyen qui sont employés sont absolument sans importance. » Dans le même entretien, elle applique la nécessité d’être porteur d’esprit à l’artiste : « L’artiste a une responsabilité : il doit être porteur d’esprit [Geistträger] » (ibid., p. 103, TdA).

26 Meret Oppenheim et VALIE EXPORT, « Éventail de questions possibles à Meret Oppenheim » [1975], dans Meret Oppenheim : Rétrospective, cat. exp. (Villeneuve d’Ascq, LaM, Lille Métropole musée d’art moderne, d’art contemporain et d’art brut, 15 février-1er  juin 2014), Villeneuve-d'Ascq, LaM, Lille métropole musée d'art moderne, d'art contemporain et d'art brut, p. 273.

27 Pièce jointe à la lettre du 9 septembre 1977, dans Meret Oppenheim, "Worte nicht in giftige Buchstaben einwickeln", op. cit., p. 355 (je cite des réponses qui se rapportent aux points I et III).

28 Meret Oppenheim et Marie-Louise Zimmermann, « Nur ein Instrument », Brückenbauer, no 40, 05.10.1984, p. 14 (TdA).

29 Lettre à André Pieyre de Mandiargues (Paris, 10.06.1959), dans Meret Oppenheim, "Worte nicht in giftige Buchstaben einwickeln", op. cit., p. 326.

30 Ibid., p. 264.

31 Meret Oppenheim, « Das Ende kann auch ein Anfang sein », op. cit., p. 243 (TdA). À Alain Jouffroy, Oppenheim écrit : « Un changement qui s’était annoncé vers la fin du siècle dernier commence à se montrer à la surface. Les mêmes idées apparaissent toujours en même temps à divers endroits. » (Meret Oppenheim, "Worte nicht in giftige Buchstaben einwickeln", op. cit., p. 354). De même, dans le brouillon de lettre à Arnold Rüdlinger, où il est question d’idées philosophiques, elle affirme que sa pensée ne lui est pas absolument propre et correspond probablement à ce qui a été formulé par d’autres personnes (cf. ibid., p. 391).

32 La citation apparaît dans un tapuscrit de feuillets numérotés où sont rassemblées des citations de Meret Oppenheim : « So verschwenderisch die Natur ist, um eine Tier- oder Pflanzenart zu erhalten, wo von unzaehligen Samen nur wenige zur Entwicklung kommen, so kann auch ein wichtiger Gedanke schon vielen an geographisch voneinander entfernten Orten und seit tausenden von Jahren "in den Sinn gekommen" sein. Ploetzlich wird er von einem oder von mehreren gleichzeitig (in Worte) gefasst, der Boden ist vorbereitet, der Zeitpunkt ist richtig und er kann sich im geistigen Bereich auswirken. » (SLA-MO-LW-A-06-r, p. 15, TdA).

33 Meret Oppenheim et Alain Jouffroy, « 23 réponses de Meret Oppenheim à des questions d’Alain Jouffroy » [1973], dans Meret Oppenheim, "Worte nicht in giftige Buchstaben einwickeln", op. cit., p. 351. Je remplace l’expression « ren [dre] des pensées » par « ten [dre] des pensées » en me reposant sur un texte inédit d’Alain Jouffroy (SLA-MO-LW-A-04-h) ainsi que sur un brouillon de réponse de Meret Oppenheim (SLA-MO-LW-A-06-j). Dans ce même brouillon, on trouve différentes versions de cette réponse. Dans l’une d’elles, la phrase « Le procédé est inexplicable » n’apparaît pas, et la phrase qui précède continue : « [...] ou elle [s] se trouvent déjà dans les choses : dans les planches, les objets qu’on ramasse. » Oppenheim donne ensuite un exemple qui laisse penser que cette présence est virtuelle : « Il m’est arrivé de trouver un cadre et de "voir" le tableau dedans » ; l’idée est située dans l’objet ramassé tout en étant attribuable à l’observateur. Sur une autre page, l’extrait cité est précédé d’une réflexion sur les arts et les sciences légèrement différente de celle qui a été publiée dans la référence donnée ci-dessus, où Oppenheim souligne que le philosophe et l’artiste ne recourent pas aux mêmes outils, mais qu’ils se rejoignent dans la mesure où ils travaillent, l’un comme l’autre, à partir d’idées : « [La réflexion] est l’outil de la science, du philosophe, comme le métier est l’outil de l’artiste. La science comme les arts, quand elle est créative, l’est par les idées. / Mais d’où viennent les idées ? »

34 Magnus Wieland, « Les mots et les jeux : Meret Oppenheims Schreibspiele », Quarto : Zeitschrift des Schweizerischen Literaturarchivs, no 48, 2020, p. 103 (TdA). La conception oppenheimienne du surgissement de l’idée dans les mots s’oppose par exemple à celle de Stéphane Mallarmé qui écrit dans une célèbre phrase de « Crise de vers » : « Je dis : une fleur ! Et [...], musicalement se lève, idée même et suave, l’absente de tous bouquets » (Stéphane Mallarmé, « Crise de vers », dans Divagations, Paris, Eugène Fasquelle, 1897, p. 251). Cet extrait témoigne d’une distinction entre intelligible et sensible semblable à celle que fait Oppenheim ; toutefois, ici, l’idée surgit dans un mouvement ascendant au moment où le mot est prononcé. Cette simultanéité n’est pas présente chez Oppenheim.

35 Meret Oppenheim, cité dans Elisabeth Bronfen, « "Nul ne sait d’où viennent les idées" : Du rapport entre forme et néant chez Meret Oppenheim », dans Meret Oppenheim : Rétrospective, op. cit., p. 38. Meret Oppenheim affirme également : « L’idée apparaît déjà habillée de sa forme » (Meret Oppenheim et VALIE EXPORT, op. cit., p. 273).

36 Meret Oppenheim, Suzanne Pagé et Béatrice Parent, op. cit., p. 22.

37 Meret Oppenheim, "Worte nicht in giftige Buchstaben einwickeln", op. cit., p. 416 (TdA). Oppenheim ne semble pas avoir associé cet arbre à un objet, mais on trouve un arbre dont la cime est sous terre dans le tableau Le Paradis est dans la terre (1940). Je ne m’arrête pas au rôle décisif joué par Carl Gustav Jung quant aux symboles qu’elle mobilise. La description de cet arbre, par exemple, a certainement été influencée par les lignes qu’il consacre à l’arbre renversé, notamment dans Les Racines de la conscience (1954).

38 Dans le poème « Enfin », qui figure parmi les derniers poèmes du recueil Sansibar (1981), le mouvement ascendant des pierres peut faire penser au moment où l’esprit cherche un nouveau corps : « Les pierres du pavé sautent du sol comme des jets d’eau et s’enfuient dans toutes les directions. On dirait qu’il y a quelque chose de suspect. Mais ce ne sont que les forces secrètes que l’on attend depuis ce matin déjà. » (SLA-MO-LW-A-01/52). Le dernier poème du recueil Caroline (1985), « Autoportrait de 50 000 ans avant Jésus-Christ jusqu’à X temps », se termine ainsi : « Toutes les pensées qui ont jamais été pensées roulent autour de la terre dans la grande boule-esprit. La terre éclate. La boule-esprit s’éparpille et les pensées se répartissent dans l’univers. Elles continuent à vivre sur d’autres étoiles. » (SLA-MO-DB-A-8/1). On pourra comparer ces versions françaises de Meret Oppenheim aux traductions qui ont été faites par Henri-Alexis Baatsch à partir des versions allemandes (cf. Meret Oppenheim, Poèmes et carnets (1928-1985), Paris, Christian Bourgois, 1993, p. 48, 51).

39 Meret Oppenheim et Robert J. Belton, op. cit., p. 73-74 (TdA).

40 Meret Oppenheim, "Worte nicht in giftige Buchstaben einwickeln", op. cit., p. 352.

41 Meret Oppenheim, « Allocution tenue à Bâle – janvier 1975 », dans Meret Oppenheim, op. cit., p. 33. Dans ce discours, le signe du changement est l’insurrection des femmes « contre leur position méprisée » (ibid.).

42 Meret Oppenheim, « Das Ende kann auch ein Anfang sein », op. cit., p. 249.

43 Meret Oppenheim, "Worte nicht in giftige Buchstaben einwickeln", op. cit., p. 355-356.

44 L’absence de l’opposition entre le masculin et le féminin tient peut-être à ce qu’elle soit mobilisée à proximité dans le texte ou à une crainte de confusion avec l’opposition entre hommes et femmes. Dans une note qui accompagne celle où il est question de l’arbre alchimique, Oppenheim écrit : « Ce n’est que lorsque les femmes ne s’identifieront plus au principe du féminin et les hommes au principe du masculin que la voie sera libre pour un grand changement : l’esprit androgyne. » (Meret Oppenheim, "Worte nicht in giftige Buchstaben einwickeln", op. cit., p. 416, TdA). Sur l’androgynie de l’esprit, cf. Josef Helfenstein, Meret Oppenheim und der Surrealismus, Stuttgard, Gerd Hatje, 1993, p. 164-167. Sur l’influence des écrits de Carl Gustav Jung, cf. Isabelle Schulz, op. cit., p. 56-65. Isabelle Schulz souligne notamment l’importance d’une phrase de Jung : « La femme a devant elle une immense tâche culturelle qui signifierait peut-être le commencement d’une nouvelle époque » (Carl Gustav Jung, cité dans Meret Oppenheim, Suzanne Pagé et Béatrice Parent, op. cit., p. 16).

45 Meret Oppenheim, "Worte nicht in giftige Buchstaben einwickeln", op. cit., p. 355.

46 Meret Oppenheim et Alain Jouffroy, op. cit., p. 351-352. Simon Baur a notamment souligné la présence de symétries qui s’inscrivent dans la verticalité et dans l’horizontalité dans les œuvres de Meret Oppenheim (cf. Simon Baur, op. cit., p. 70). Ces symétries, ainsi que les formes circulaires, témoignent d’un désir de rendre visible l’universalité associée aux serpentines et à l’ouroboros.

References

Electronic reference

Simon Willemin, « La création selon Meret Oppenheim », Déméter [Online], 8 | Été | 2022, Online since 15 septembre 2022, connection on 10 octobre 2024. URL : https://www.peren-revues.fr/demeter/790

Author

Simon Willemin

Simon Willemin possède une maîtrise en langue et littérature françaises et a été stagiaire académique aux Archives littéraires suisses (ALS, Bibliothèque nationale suisse, Berne).

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