La tendance à la normalisation dans les traductions italiennes de l’incipit de L’Étranger

DOI : 10.54563/mosaique.212

Abstracts

Cet article s’attache à dégager les problématiques posées par les deux traductions italiennes (A. Zevi, 1947 ; S. C. Perroni, 2015) de l’incipit de L’Étranger (1942) d’A. Camus. À partir d’une analyse stylistique des paragraphes d’ouverture du roman, en passant par une étude contrastive des solutions traductives en italien, l’article met en évidence la position délicate des traducteurs face à un texte dont la construction est à la fois stylistiquement complexe et apparemment élémentaire, exigeant donc bien plus qu’un simple recodage linguistique. L’exploration même d’un si court extrait textuel révèle, en effet, la présence notamment de trois « tendances déformantes » de la traduction (Berman, 1991), qui minent la transmission de l’étrangeté du narrateur-protagoniste dans les versions italiennes par rapport au texte original.

The aim of this paper is to explore some of the issues concerning the two Italian translations (A. Zevi, 1947; S. C. Perroni, 2015) of the incipit to L’Étranger (1942) by Albert Camus. Based on a stylistic analysis of the novel’s opening paragraphs and on a comparative study of the Italian translators’ choices, the article highlights the difficult position in which translators are placed when tackling a text that is as stylistically complex as apparently elementary on the linguistic level, therefore demanding more than a mere recoding in terms of language. The investigation even of such a short textual excerpt exposes the emergency of three « tendances déformantes » (Berman, 1991) in the process of translation, which have led to a somewhat flawed transmission into Italian of the original character-narrator’s defining feature: his étrangeté.

Index

Mots-clés

Camus, L’Étranger, Traductologie, Retraduction, Stylistique, Traduction français > italien

Keywords

Camus, The Stranger, Translation Studies, Retranslation, Stylistics, Translation French > Italian

Outline

Text

Introduction

En 1947, année de la publication de La Peste chez Gallimard, l’Italie connaît sa première traduction d’un autre célèbre roman d’Albert Camus : L’Étranger (1942), qui prend le titre de Lo Straniero dans la traduction d’Alberto Zevi pour les éditions Bompiani (1947). Chez le même éditeur, une deuxième traduction, réalisée par Sergio Claudio Perroni, n’a paru qu’en 2015, soit soixante-huit ans plus tard. Sur les raisons d’un si remarquable décalage temporel entre les deux, on pourrait suivre la piste des droits d’auteur, mais c’est sur un autre type de distance que nous souhaitons attirer l'attention dans cette étude, à l’aide notamment d’une analyse stylistique comparative des deux versions de l’incipit du roman. Il ne s’agit pas tellement d’une distance intertemporelle entre les langues, due au vieillissement de la première traduction, mais plutôt de la distance apparemment minimale qui sépare les solutions traductives respectives. Une différence perceptible donc même dans un extrait textuel très court comme l’incipit, où il est possible de relever, par ailleurs, un certain nombre des « tendances déformantes qui opèrent dans toute traduction » selon Antoine Berman (1985 : 47). Le choix de l’incipit dépend de son caractère représentatif tant sur le plan stylistique que thématique. En effet, comme l’affirme Anne Prouteau : « Il ancre le récit dans une actualité brûlante, il imprime sa marque à tout le texte, il entraîne l'histoire à venir dans un présent d'immédiateté, il donne une direction, il annonce une stratégie qui ne sera pas décevante, il recèle en fait une puissante valeur cataphorique » (2008 : 126). 

À l’époque de sa parution, L’Étranger (1942) remettait en cause les attentes du roman traditionnel grâce à une forme narrative singulière, que Gerard Genette définira plus tard avec une expression délibérément contradictoire, comme le paradoxe d’un « récit homodiégétique à focalisation externe » (1983 : 90) : un récit entièrement à la première personne où le lecteur se laisse guider, avec méfiance, par la voix d’un narrateur, Meursault, qui rapporte d’une manière étrangement neutre les événements fragmentaires et aléatoires de sa vie à partir de la mort de sa mère. Ces moments narratifs s’enchaînent au moyen de phrases juxtaposées et atomisées, lesquelles reflètent la conscience d’un narrateur-protagoniste qui semble tout réduire aux apparences sensibles ; d’où la qualification de « focalisation externe ». Meursault est tellement éloigné de la logique des conventions sociales que son mode d’expression s’éloigne aussi de la logique traditionnelle du discours : comme il ne perçoit entre les faits que des relations externes et sans hiérarchie (Gershman, 1956 : 305), son style de narration rejette les ornements lexicaux et les arborescences syntaxiques en faveur d’une langue simple, essentielle, parataxique, dépourvue d’explications et des connexions très articulées, une langue presque a-littéraire (Barrier 1962 : 11).

Comment envisager la traduction d’un texte dont l’apparente simplicité pourrait donner l’impression trompeuse d’être facile à transporter d’une langue à l’autre ? Tout d’abord, l’élaboration d’une stratégie adaptée au cas spécifique présuppose que les traducteurs reconnaissent ce que Jakobson (1987 : 41) appelait la dominante traductive du texte : « The dominant may be defined as the focusing component of a work of art: it rules, determines, and transforms the remaining components. » En ce qui concerne L’Étranger, une lecture attentive des premiers chapitres suffit à comprendre que c’est le style d’énonciation du discours narratif qui l’emporte sur tout autre aspect. Si à l’absence des repères habituels du roman correspond le sentiment d’une absence de sens dans la vie du héros et si dans l’artifice de neutralité qui caractérise l’insondable narration de Meursault on décèle l’énigme absurde de son existence, c’est que dans ce récit la forme et le fond ne font qu’un. Par conséquent, les choix formels de l’auteur, en relation avec le système expressif du narrateur-personnage, doivent être considérés comme prioritaires lors de la traduction de la voix de Meursault.

Les risques de normalisation pour un texte étranger

Cette recréation se fait pourtant à l’aide d’une matière linguistique différente et à l’intérieur d’un système de signification en transformation. Grâce à un habile travail sur les éléments stylistiques, dans l’espace du roman, Camus a su imprimer sa marque spécifique sur le code littéraire français. Au moment de traduire, il faut alors adhérer à cette voix particulière plutôt qu’à une idée générique de belle langue. Cela implique également la nécessité, pour les traducteurs, de résister à l’appel à la normalisation que les habitudes langagières (et parfois les attentes éditoriales) favorisent, particulièrement dans l’opération traductive qui est par sa nature même1 portée à dévoiler activement la signification, à rendre compréhensible ce qui resterait sinon obscur dans une autre langue. À cet égard, Antoine Berman parle d’un système de « tendances déformantes » opérant de façon largement inconsciente dans tout processus traductif et « dont la fin est la destruction […] de la lettre des originaux, au seul profit du “sens” et de la “belle forme”» (1985 : 52). Parmi les treize tendances que le théoricien dégage dans sa théorie analytique de la traduction (49-68), on en relève au moins trois à l’œuvre dans le travail des traducteurs italiens sur l’incipit de L’Étranger :

i. la rationalisation, qui « porte au premier chef sur les structures syntaxiques de l’original, ainsi que sur […] sa ponctuation » (1985 : 53) en arrangeant les phrases selon la logique linéaire du discours ;
ii. la clarification, un corollaire de la première concernant la sémantique du texte, sa polysémie : « Là où l’original se meut sans problème (et avec une nécessité propre) dans l’indéfini, la clarification tend à imposer du défini » (ivi : 54-55) ;
iii. la destruction des réseaux signifiants sous-jacents, à savoir l’interruption du système original des signifiants qui met en correspondance certains mots-clefs tout au long du texte (ivi : 61-62).

Pour un texte comme L’Étranger, ces trois forces normalisantes sont d’autant plus pernicieuses qu’elles risquent de compromettre l’opacité voulue et cherchée par l’auteur, c’est-à-dire l’un des traits les plus distinctifs du roman. Afin de comprendre à quel degré notamment la rationalisation (i) pourrait affecter la construction textuelle, nous rapportons ici un passage de l’analyse du système expressif de L’Étranger réalisée par André Abbou, où il expose de manière très précise certaines des techniques utilisées par Camus pour déconstruire la logique discursive dans sa narration :

La dégradation des perspectives et des relations logiques est […] soit oblitérée, soit esquivée par la juxtaposition, soit alourdie par une coordination différée ou réitérée de façon injustifiée, soit réduite à une liaison thématique rendue approximativement par un démonstratif neutre. Rares sont les relations de cause ou de conséquence explicitement exprimées. Elles sont discrètement camouflées en relations pseudo-temporelles. Les notations d’opposition ou de concession sont réduites, quand elles sont détectables, à une simple expression de restriction. Seul s’impose et de façon redondante, l’indice de relation hypothétique si et les pseudo-marqueurs de progression, limités à un rôle de jonctif. Les relations d’inférence restent superficielles (2003 : 22).

Étant donné que le fameux incipit fait office de vitrine stylistique de l’œuvre, en ce sens qu’en peu de lignes on y découvre certaines des principales caractéristiques qui donnent le ton à la totalité du récit (du moins de la Première Partie), les traducteurs auraient tout intérêt à respecter ici particulièrement, autant que possible, « [l’]écriture blanche » (Barthes, 1953 : 10) par le biais de laquelle nous, les lecteurs, faisons la connaissance de Meursault. Dans ces pages initiales, cela signifie réduire au minimum les interventions non indispensables (les « optional shifts »2 dont parle Blum-Kulka, 1986) qui portent modification à la lettre du texte-source, à son organisation phrastique, à sa ponctuation, à ses approximations, à ses non-dits, à son ambiguïté. Sachant d’ailleurs que le couple linguistique français-italien présente beaucoup de similarités typologiques, on pourrait s’attendre à moins de changements que par rapport à d’autres langues, puisque :

shifts are more likely to occur between languages that have different stylistic and rhetorical conventions that are reflected in divergent formal carriers, i.e. semantic or syntactic realizations such as sentences, clauses, phrases, words, phonemes or syntactic-stylistic elements in the form of repetition, deletion, rhythm, word order etc. (Al-Qinai, 2009 : 24)

Or, comme nous le montrerons, ce n’est pas toujours le cas dans les deux éditions italiennes du roman.

Les premières lignes de l’incipit

(1) Aujourd’hui, maman est morte. Ou peut-être hier, je ne sais pas. J’ai reçu un télégramme de l’asile : « Mère décédée. Enterrement demain. Sentiments distingués. » Cela ne veut rien dire. C’était peut-être hier. (Camus, L’Étranger, 1942 : 93)

Le syntagme d’ouverture provoque comme une déchirure dans la vie du héros en nous projetant dans sa temporalité singulière, étroitement liée à un système mental dont l’énigme se révèle à partir de ce premier traumatisme. Dans les pages et les chapitres suivants, on s’apercevra bientôt que rien n’existe plus avant la mort de la mère et tout ce qui va venir – un futur déjà écoulé – n’est qu’une consécution d’événements enregistrés par une conscience apparemment vide. Il en résulte que nous sommes poussés sans arrêt en avant dans la lecture d’un enchaînement de phrases courtes, mais sans aucune possibilité d’y trouver une interprétation explicite de la part du narrateur. Non seulement ce dernier n’exprime jamais sa pensée sur ce qu’il raconte, mais il ne dit même pas s’il en pense quelque chose alors que, dès le début, il donne l’impression d’écrire son journal intime. À défaut d’une véritable chronologie, la parole douteuse de Meursault demeure pourtant notre seul ancrage diégétique. Cela entraîne aussitôt une séparation initiale entre narrateur-personnage et lecteurs : c’est un décalage qui commence à se creuser entre nos attentes et sa fiabilité, d’autant plus que :

le dysfonctionnement de la temporalité, allié à une référentialisation spatiale autarcique, porte témoignage d’une altération de la mémoire et de la conscience du narrateur. L’emploi prédominant et déréglé du passé composé, comme pivot temporel de la reconstitution des faits, ne permet pas à une chronologie de s’édifier (Abbou, 2003 : 21).

En effet, tout dans ces premières lignes de l’incipit (y compris l’usage des différents tiroirs verbaux4) est conçu pour dérouter les lecteurs et provoquer un sentiment de malaise, d’étrangeté. Après la nouvelle d’ouverture, donnée de manière si sobre, l’expectative du pathétique d’un fils venant d’apprendre la mort de sa mère est brisée immédiatement par son ton glacial, la concision et l’approximation dès ses phrases inaugurales. Meursault semble manifester moins d’intérêt pour le sens du message que pour les modalités de sa communication : il met tout de suite l’accent sur l’élément temporel – « peut-être hier », répété à la fin – qui est évidemment le moins important. De plus, en juxtaposant ce souci de précision temporelle et son incertitude (« je ne sais pas ») à l’égard du moment effectif du décès, ici Camus confère déjà à Meursault un air aliéné, assez inhumain ; un air justement étranger – ce qui sera aux yeux des jurés, faut-il le rappeler, la vraie cause de sa condamnation au tribunal. L’isotopie d’un manque d’humanité se prolonge dans le texte du télégramme qui suit. Un télégramme sans signature, rapporté directement en scansion binaire, où le même nombre de mots est consacré à chaque partie du message : deux pour annoncer la nouvelle, deux pour l’organisation des funérailles, deux pour une formule de politesse parmi les plus conventionnelles et froides qu’on aurait pu choisir. Cette formule (« Sentiments distingués ») occupe le même espace textuel que le reste du message, ce qui peut être lu déjà comme une subtile anticipation de l’importance que les conventions sociales et leur infraction auront plus tard dans la vie du protagoniste. Il est intéressant de noter que c’est par asyndète (soit la suppression de tout lien logique) que ce télégramme fait l’objet d’un commentaire ambigu et inattendu de la part de Meursault: « Cela ne veut rien dire. » Plutôt qu’un journal intime, on dirait une suite de pensées en train de se former. En réalité, cela veut tout dire dans ce roman. À juste titre considérée par un grand nombre de critiques comme phrase-manifeste de l’œuvre, car elle recèle l’attitude mentale de Meursault, c’est-à-dire son indifférence envers la vie et envers toute logique qui sous-tende les conventions de la société, « Cela ne veut rien dire » est la première formulation explicite du désaccord de Meursault avec l’absurde du monde et ses règles sociales. En général, Meursault manque d’engagement personnel. Il ne conteste jamais l’ordre établi et s’il le fait, ce n’est pas délibérément. C’est qu’il ne joue pas la comédie, il est incapable de mentir, car il n’en voit même pas la nécessité. Il met en crise la logique traditionnelle et cela se reflet aussi dans la reconstruction temporelle qu’il fera des événements, comme l’explique Daniel Delas (2003 : 21) :  

la pensée du présent comme seule instance de l’action sous-tend très tôt la pensée d’Albert Camus et explique en profondeur le triple choix du JE, du présent et de l’hétérogénéité discursive qu’il assume dès les premières phrases de L’Étranger. Triple choix qui soutient la philosophie de l’absurde. Le meilleur moyen de faire sentir la connexion entre la vérité de l’instant et le non-sens du monde n’est-il pas en effet justement de refuser le chronologique et de lui préférer une succession microcosmique d’instants vécus dans leur vérité d’expérience close. 

Telle une pierre d’achoppement au début du récit, « Cela ne veut rien dire » est alors le point de départ d’une révolte qui conduira Meursault, à la fin de la Deuxième Partie, à la découverte de la « tendre indifférence du monde » (É 183). Toutefois, à cause de cette proposition synthétique, lorsque Meursault lit le télégramme de l’asile, on a l’impression d’une simple constatation. D’autant plus que la remarque suivante revient encore sur une indication temporelle sans véritable importance : « C’était peut-être hier ». Mis ensemble et considérés dans leur rapport avec le reste du récit, tous ces éléments textuels, devant lesquels nous restons souvent désemparés, s’annoncent comme un programme de lecture du roman. À ce propos, Jean-Michel Adam (1995 : 65) affirme que :

Le premier paragraphe de L’Étranger trébuche littéralement sur le premier mot du roman (« Aujourd'hui »), bégaie un « peut-être hier » et glose l'adverbe temporel (« demain »), trace de l'ancrage énonciatif du discours officiel posé comme déclencheur fictif de la parole du narrateur. En problématisant le temps et en plaçant d'entrée les défaillances du sens au cœur du texte (« Je ne sais pas », « Cela ne veut rien dire », sans parler des multiples négations dont le second paragraphe est saturé), on peut dire que le ton est donné.

Analyse des traductions italiennes

Bien que les différences entre les deux traductions italiennes de ces premières lignes puissent apparaître minimales, elles nous en disent beaucoup de la posture traductive que leurs auteurs respectifs ont adopté pour le récit dans son intégralité, en raison du fait que l’incipit offre un aperçu emblématique du style de l’écriture camusienne dans ce roman. Comme nous allons le montrer, Zevi a opté pour une stratégie majoritairement littérale moyennant des procédés de traduction directe. Ses choix ont l’avantage de sauvegarder souvent le laconisme de Meursault et fonctionnent assez bien, globalement, pour un texte comme L’Étranger. Cependant, cela a aussi donné lieu à des formulations parfois maladroites, peu idiomatiques, avec des calques structurels et lexicaux très lourds qui brouillent la lisibilité du texte. De plus, en dépit du mot à mot, dans la traduction de Zevi on observe une certaine tendance à la clarification du sens, qui passe ici surtout par les faits de syntaxe. Malgré une optique sans doute plus ciblée sur la réception du public d’arrivée, Perroni, quant à lui, a su mieux respecter les registres de langue et l’ordonnancement du texte ; même si, dans quelques cas, il a pris de plus grandes libertés (pondérées) par rapport à la lettre du texte-source.

Dans un souci de cohérence et de brièveté, notre analyse se limitera à quelques lignes du premier chapitre et portera principalement sur l’individuation des tendances déformantes susmentionnées, qui se manifestent néanmoins à plusieurs niveaux textuels et requièrent donc une attention transversale aux divers domaines du discours. Nous laisserons de côté ce que Popovič appelle le facteur intertemporel de la traduction (2006 : 101), à savoir cette distance chronologique entre texte-source et traductions successives en vertu de laquelle la retraduction implique des mécanismes de recréation inévitablement différents par rapport à l’œuvre originale. L’ampleur de notre propos est donc sciemment limitée aux premières lignes : une étude plus étendue5 dépasserait évidemment le cadre d’un article.

Pour la description et l’évaluation critique des résultats traductifs, nous avons adopté le schéma opérationnel proposé par Dussart (2005), qui vise à dépasser les limites de la triade traditionnelle des fautes de traduction (faux sens/contresens/non-sens) et dont la taxonomie s’organise autour de cinq axes : transfert partiel ou omission ; surtransfert ou addition ; glissement de sens (incorrect, imprécis, incomplet) ; cohésion du texte ; langue et style. Cette classification a « le mérite de ne pas s’attacher exclusivement aux fautes, mais de mettre également en évidence les côtés positifs de la traduction » étant donné que la « valorisation des réussites et la prise en compte des contraintes d’une traduction importent également dans tout processus critique » (Dussart, 2005 : 118).

Penchons-nous alors sur les deux versions du début de l’incipit :

(1a) Oggi la mamma è morta. O forse ieri, non so. Ho ricevuto un telegramma dall’ospizio: “Madre deceduta. Funerali domani. Distinti saluti.” Questo non dice nulla: è stato forse ieri
(Zevi, Lo Straniero, 1947, 7)
(1b) Oggi è morta mamma. O forse ieri, non so. Ho ricevuto un telegramma dall’ospizio: “Madre deceduta. Funerali domani. Distinti saluti.” Non significa niente. Forse è stato ieri.
(Perroni, Lo Straniero, 2015, 19)

Constatons d’emblée que, dans les deux cas, l’omission de la virgule après le circonstanciel de temps est tout à fait justifiée. En tête d’une phrase si courte, en principe, l’adverbe temporel français est très souvent suivi d’une virgule : il est donc un trait intégrant du code linguistique qui ne correspond pas nécessairement à la règle italienne. Dans ce cas spécifique, au lieu d’accélérer le débit de la phrase, l’absence de virgule en italien a permis d’éviter un poids prosodique excessif et, par là même, une emphase non désirée sur la notation temporelle « Oggi », qui est déjà en position forte, d’ailleurs, au niveau de l’organisation phrastique.

À propos du substantif « maman », qui sous-entend un Je narratif pas encore explicité, Armand Renaud en explique bien la valeur cataphorique par rapport au reste de l’incipit et notamment à son alternance avec le mot « mère » :

Les phrases qui suivent révèlent une indifférence qui concorde mal avec l'intimité initiale et qui en quelque sorte l'éteint ou du moins l'annule. Pourtant le narrateur aurait pu écrire, "elle est morte," ou "ma mère est morte," ou bien "on m'a annoncé la mort de ma mère," ce qui aurait donné une unité de ton à ce premier paragraphe. Camus a voulu ce contraste expressif : la mort d'une mère et la mort d'une vieille pensionnaire, ce qui sert à mettre en relief l'abime qui sépare le fils de la société. (1957 : 291).

Avec « mamma », la connotation affective est maintenue dans les deux versions italiennes, de sorte que les attentes qu’elle suscite puissent être déçues juste après, comme dans le texte-source. On remarque néanmoins d’autres types de différences : l’addition d’un article défini dans (1a) et une différente collocation du mot à l’intérieur du syntagme verbal (1b). À propos de la présence de l’article « la », qui réalise une possibilité expressive neutre de l’italien (au contraire du français qui tolérerait mal *la maman dans ce contexte), il faut noter que selon le Vocabolario della Lingua Italiana Treccani6 l’emploi ou l’exclusion du déterminant avec ce mot dépendrait uniquement des préférences régionales, quoique l’utilisation de l’article ne soit en aucun cas perçue comme très marquée. Cette addition de Zevi nous semble alors imputable à l’origine du traducteur et à son idiolecte, mais sans véritable incidence sur la lecture. En revanche, force est de constater que la conservation de l’alternance formelle entre « mère » et « maman » tout au long du récit n’a pas été totalement respectée par Zevi dans d’autres passages, alors que la modulation du très dense réseau sémantique lié à la figure de la mère joue un rôle important dans la définition de la personnalité de Meursault, voire dans ses rapports avec d’autres personnages7. Quant à la position de « mamma » dans (1b), il faut d’abord garder à l’esprit qu’en italien il est possible de placer le verbe avant le sujet, surtout à l’oral. Le choix de Perroni est donc un shift optionnel qui réalise une possibilité de la langue d’arrivée dans (1b), où le syntagme « è morta mamma » est moins marqué que par rapport à (1a), en ce sens qu’il est plus proche de l’expression spontanée du langage oral ; ce qui correspond mieux, par ailleurs, au parler typique de Meursault. En revanche, ce choix produit un effet secondaire sur le plan rythmique : en accolant les deux mots qui contiennent des consonnes nasales, le traducteur a rendu l’allitération en [m] sans doute plus lourde qu’elle l’était dans l’alternance originale dissyllabe-monosyllabe-dissyllabe.

Relativement au télégramme, les deux traducteurs ont dûment opté pour une traduction littérale qui leur a permis de préserver à la fois le registre formel, le rythme binaire et un ton détaché. Il est vrai que la formule de politesse « Sentiments distingués » apparait peut-être encore plus télégraphique que « Distinti saluti » puisque, en français, on la trouve un peu plus souvent en contexte, dans des formulations plus longues et soutenues, tandis que l’équivalent italien est davantage utilisé en tant que syntagme isolé. Peut-être aurait-on pu recourir en italien aussi à une expression moins figée, mais le risque était que le remède soit pire que le mal étant donné qu’il aurait sans doute fallu ajouter des mots, en perturbant ainsi l’équilibre phrastique. Les traducteurs ont dû préférer alors que l’implicite culturel devienne résidu traductif, afin de ne pas altérer le binarisme du rythme et ne pas poser un obstacle involontaire à la lecture. En revanche, certaines solutions pour ce qui suit le télégramme nous semble moins convaincantes.

On avait déjà remarqué que « Cela ne veut rien dire » est introduit par asyndète. Aucun type de rapport causal ni logique avec ce qui le précède n’est explicité. De manière très discrète, cela fait que des questions restent ouvertes à interprétation : à quoi se réfère exactement « Cela » ? À la communication du décès de la mère que son fils refuse de comprendre (« veut rien dire ») ou d’accepter ? Aux funérailles, rituel dont Meursault ne voit pas l’intérêt, comme on l’apprendra dans le reste du chapitre ? À la formule de politesse, une convention ultérieure qui ne peut rien contre la vraie douleur provoquée par la mort d’une mère ? Sans doute à la totalité du message, si bouleversant pour son destinataire ; mais la réponse n’est pas évidente avec un personnage comme Meursault qui se limite à commenter de manière laconique « C’était peut-être hier ». De la part de Camus, il y a une volonté de garder l’ambiguïté qui s’ajoute ainsi au désarroi ressenti par le lecteur devant les propos lapidaires du narrateur. Par ailleurs, cette petite phrase reviendra comme un refrain tout au long du récit, soit sous cette même forme linguistique – à la limite conjuguée dans d’autres temps verbaux, selon le contexte d’énonciation – soit dans une variante avec le verbe « signifier » (É 33, 57, 67, 100). Dès lors, il est impératif que ce refrain reste inchangé autant que possible en traduction, puisque la réitération de son signifiant manifeste l’incompréhension statique et permanente que Meursault démontre envers le monde dans toutes ses déclinaisons. Les événements du quotidien, le sens du mariage, les conventions, l’amour, la loi, la mort : rien ne veut rien dire, du moins jusqu’à la fin de la Deuxième Partie. Les traducteurs seraient donc astreints à ne pas céder à la tentation de synonymiser ou de jeter des ponts logiques entre ces quelques mots et leur contexte. Or, aux niveaux syntaxique et lexical, des changements se sont produits dans les deux versions italiennes, mais à des degrés divers. Dans (1b) et comme dans toutes les occurrences de la formule au long du roman, Perroni choisit de traduire « veut dire » par « significa », sans conséquences sur le plan sémantique, mais entraînant ainsi ce que Berman appelle un appauvrissement quantitatif, à savoir une déperdition lexicale qui attente au foisonnement de signifiants propre à la prose littéraire (1985 : 59). Cette perte n’est pas sans importance, car « vouloir dire » représente en quelque sorte le degré zéro de la langue, le choix de vocabulaire le plus élémentaire8 pour dire « signifier », autrement dit la forme qui correspond mieux au mode typique de l’expression de Meursault. En spécifiant « significa », Perroni fait un petit pas en avant dans le processus herméneutique, il prend sur soi le travail du lecteur. En revanche, en ce qui concerne la traduction de Zevi (« Questo non dice nulla: è stato forse ieri. »), on y relève à la fois la tendance à la destruction des réseaux signifiants sous-jacents (iii) et les effets de la rationalisation (i) dont parle Berman. En premier lieu, il faut considérer le choix lexical du premier verbe. S’il est vrai que l’italien « dire », tout seul, compte parmi ses sens ceux de « communiquer » et de « signifier », ce dernier n’est qu’un sens figuré et tout à fait accessoire. Placé à côté du pronom démonstratif « Questo » (cela) en (1a), « non dice » relie « Questo » au sujet anaphorique « télégramme » plutôt dans le sens de « communiquer par mots/exprimer », ce qui réduit la polysémie du syntagme et empêche, par la même occasion, que l’écho du premier « ne veut rien dire » résonne intact dans les occurrences successives. En effet, un peu plus loin dans le texte, de surcroît sans une nécessité évidente, Zevi emploie des variations synonymiques de la formule en attentant à son tissu isotopique. Après analyse, il nous semble que ce choix dépend d’un souci rythmique : en termes de syllabes, un calque tel qu’un hypothétique Questo non vuol dire nulla aurait pesé beaucoup plus à la lecture et Zevi souhaitait sans doute éviter de telle lourdeur. Ce que Perroni fait aisément, pour sa part, en supprimant « Questo » en (1b). L’italien étant, au contraire du français, une langue à sujet nul qui dans un registre non-soutenu préfère impliciter les sujets impersonnels, cette solution en (1b) apparaît moins marquée, plus proche à l’expression linguistique spontanée et donc plus efficace dans ce contexte.

Ensuite, à propos de la rationalisation syntaxique et des effets de clarification, nous signalons que, dans la première traduction du reste de l’incipit, ces tendances se présentent de manière évidente à trois reprises et sous deux aspects : l’altération de la cohésion du texte et la surtraduction9. D’une part, dans les premières lignes déjà examinées, la ponctuation avait été modifiée à travers l’introduction de deux points d’explication là où il n’y avait qu’un point en (1). Ainsi, entre deux îlots10 Zevi jette un pont : « cela » se trouve corrélé à la préoccupation temporelle de « hier », qui apparaît ainsi en (1a) comme principale raison à la base de la perplexité de Meursault, à l’inverse de ce qu’on avait montré pour le texte source. Peu après la tendance à la rationalisation de Zevi s’attaquera encore à la ponctuation parataxique, lorsqu’il ramène à la linéarité du sens deux phrases qui sont pourtant plus nettement séparées dans l’original :

(2) Pour le moment, c'est un peu comme si maman n'était pas morte. Après l'enterrement, au contraire, ce sera une affaire classée et tout aura revêtu une allure plus officielle. (É 10)
(2a) Per adesso è un po’ come se la mamma non fosse morta; dopo il funerale, invece, sarà una faccenda esaurita e tutto avrà preso un andamento più ufficiale. (Z 1947, 7)
(2b) Per ora è un po’ come se mamma non fosse morta. Dopo il funerale, invece, la questione sarà chiusa e tutto avrà assunto un aspetto più ufficiale. (P 2015, 19)

Alors que le choix de supprimer la première virgule relève de la même stratégie appliquée dans (1a/b), le recours abusif au point-virgule dans (2a) suggère au lecteur une relation sémantique plus étroite entre les deux propositions indépendantes, en provoquant donc une légère altération syntaxique qui gomme un trait stylistique fondamental du texte.

Par ailleurs, la rationalisation et la clarification interviennent aussi en (3a) sous forme de surtransfert11 :

(3) L'asile de vieillards est à Marengo, à quatre-vingts kilomètres d'Alger. Je prendrai l'autobus à deux heures et j'arriverai dans l'après-midi. Ainsi, je pourrai veiller et je rentrerai demain soir. (É 9)
(3a) L’ospizio dei vecchi è a Marengo, a ottanta chilometri da Algeri. Prenderò l’autobus delle due e arriverò ancora nel pomeriggio. Così potrò vegliarla e essere di ritorno domani sera. (Z 1947, 7)
(3b) L’ospizio dei vecchi è a Marengo, a ottanta chilometri da Algeri. Prenderò l’autobus alle due e arriverò nel pomeriggio. Così farò la veglia e potrò tornare domani sera. (P 2015, 19)

Par l’ajout de « ancora » (encore) à la construction parataxique, Zevi s’efforce de rendre plus cohérente la temporalité discursive de la narration. Une possible explication pour cette addition pourrait se trouver dans une surinterprétation du contexte d’énonciation. Dans (3), sans le dire explicitement, « Ainsi » laisse entendre que le fait d’arriver à l’asile dans l’après-midi du même jour est une condition nécessaire pour que le héros participe à la veillée funèbre de sa mère. En réalité, la circonstance temporelle n’a pas de véritable importance, car la veillée perdurera toute la nuit, comme on l’apprend en lisant le reste du chapitre. Au fond, Camus aurait pu omettre « Ainsi » sans rien changer au sens de ses phrases. Il s’agit donc de l’un de ces faux connecteurs dont parle Barrier (1962) à propos des dissonances logiques dans le discours de Meursault, contribuant à l’impression d’étrangeté par le biais du style d’énonciation. Le traducteur a estimé qu’il convenait de se mettre alors à la place du lecteur et éclaircir les relations de temps pour lui faciliter la compréhension du récit : le personnage partira à deux heures afin d’arriver à Marengo avant la fin de l’après-midi. Voilà que le traducteur, être de logos, a cédé une fois de plus à la tentation d’anticiper la responsabilité herméneutique du lecteur. Ajoutons que, en utilisant une clause infinitive subordonnée à « pourrai » à propos du retour, les deux traducteurs soulignent le côté très pratique de cet autobus, là où Camus écrit simplement “et je rentrerai demain soir”. En outre, « l’autobus à deux heures » devient dans (3a) « l’autobus delle due », ce qui implique une familiarité avec les horaires des transports en commun tout à fait absente de l’œuvre originale.

De toute évidence, la modification de quelques signes de ponctuation, en tant que telle, ne saurait porter atteinte à la caractérisation du personnage ni à la force expressive de l’incipit. C’est dans la répétition de ce type de détournements syntaxiques tout au long du récit, ainsi que dans la régularité des surtransferts et des glissements sémantiques, que ressort la tendance à la rationalisation surtout dans la première traduction, avec des conséquences négatives pour le profil du texte traduit.

 

Conclusion

Quoiqu'il ne s’agisse pas d’une comparaison qualitative entre deux traductions, on aura peut-être remarqué chez Perroni, à tout le moins pour ce qui est des premières lignes du roman, un plus grand respect des caractéristiques formelles qui contribuent à esquisser l’attitude aliénée du narrateur-protagoniste. Tout en s’appropriant quelques phrases afin d’escamoter le risque de calques, Perroni recrée un incipit détaché et efficace qui ne normalise certains éléments linguistiques que pour aller à l’encontre du lecteur contemporain, sans le faire au détriment du style camusien. D’ailleurs, il ne faut pas oublier que toute retraduction d’œuvres littéraires classiques peut profiter d’une plus profonde connaissance du texte, grâce aux années d’études critiques qui en ont exploré le fonctionnement et donc permis une meilleure appréciation (Tegelberg, 2011). Si l’on prend en compte également l’amélioration des outils de réalisation de la traduction par rapport au passé (la première traduction date de 1947), on reconnaîtra certainement que Perroni se trouvait dans une situation plus favorable, dont le revers de la médaille était pourtant une plus grande responsabilité vis-à-vis toute éventuelle erreur ou imprécision.

Cependant, nous avons mis en évidence que même la traduction de 2015 ne s’est pas totalement affranchie des tendances déformantes dont il était question dans cette étude. Malgré la proximité entre le français et l’italien, notamment sur le plan syntaxique et, dans quelques cas, des signifiants, même dans un passage si bref les deux traducteurs ont modifié par endroits la lettre du texte original, parfois sans un besoin réel. Cela nous confirme, plus en général, la position délicate des traducteurs vis-à-vis toute œuvre littéraire. Soumis à des forces internes et externes aux textes, mais participant à la construction du sens en tant qu’agents intermédiaires, les traducteurs s’engagent à trouver un équilibre entre ces forces afin de laisser aux lecteurs de la culture-cible les mêmes possibilités d’interprétation qu’auraient les lecteurs du texte-source. Selon les termes du credo des Romantiques allemands, exprimé notamment par Von Humboldt : « Tant que l’on ne sent pas l’étrangeté, mais l’étranger, la traduction a rempli son but suprême ; mais là où l’étrangeté apparaît en elle-même et obscurcit peut-être même l’étranger, alors le traducteur trahit qu’il n’est pas à la hauteur de son original » (Humboldt 2000 : 39). Toutefois, comme nous l’avons montré, devant un texte tel que L’Étranger il s’avère particulièrement difficile et d’autant plus nécessaire de ne pas expliciter, ni anoblir, ni clarifier ce qui est intentionnellement laconique ou ambigu. Puisque la prose de Camus vise l’étrangeté, le traducteur est exposé à un dilemme : laisser transparaître non pas simplement l’étranger, mais une étrangeté qui est le reflet de l’absurde, au risque de laisser penser qu’elle découle non de l’intention de l’auteur, mais de ses propres insuffisances.

Bibliography

Sources primaires

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Camus A., 1947, Lo Straniero, trad. A. Zevi, Milano : Bompiani.

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Notes

1 Depuis la formulation de l’Explicitation Hypothesis dans les années 1980 (postulant « an observed cohesive explicitness from SL to TL texts regardless of the increase traceable to differences between the two linguistic and textual systems involved », Blum-Kulka 1986/2000: 300 ; SL = Langue source, TL = Langue cible), ce point fait l’objet d’un vif débat théorique portant sur la possibilité que l’augmentation du degré d’explicitation dans les textes d’arrivée soit un phénomène inhérent à l’acte traductif, soit un universel de la traduction. Return to text

2 Dans cette étude, nous faisons référence à la catégorisation proposée par Hilkka Pekkanen, qui distingue entre changements obligatoires et optionnels : « Obligatory shifts can be described as arising primarily from 1) structural-syntactic, 2) semantic and 3) phonological differences between two languages, and 4) cultural differences. […] Optional shifts, on the other hand, may take place without any linguistic or cultural necessity. It is optional shifts like these that allow translators the freedom of choice and are thus the most likely to reflect their individual propensities » (2007: 3). Return to text

3 L’Étranger, Paris, Gallimard, 1942, est cité ici d’après l’édition Folio. Les références ne sont données par la suite que par le numéro de page précédé de É. Return to text

4 Pour plus de précisions sur ces aspects, voir Sanseverino (2020). Return to text

5 En cours de rédaction dans le cadre de la thèse doctorale. Return to text

6 Consultable en ligne sur : https://www.treccani.it/vocabolario/mamma/ Return to text

7 Par exemple, avec l’aumônier et le directeur de l’asile qui l’appellent « mon fils ». Return to text

8 Sur les allusions fictives aux pratiques du français scolaire primaire dans L’étranger, voir Balibar (1972). Return to text

9 Qui tombe dans la catégorie des glissements de sens, pour Dussart (2005). Return to text

10 Pour souligner l’absence de relation de chaque phrase avec les phrases environnantes, Jean-Paul Sartre affirme qu’« une phrase de L’Étranger c’est une île » (1947 : 142). Return to text

11 Dussart explique ce phénomène par le fait que “les traducteurs littéraires ont tendance à expliciter le texte, dans le but, semble-t-il, d’amener le lecteur du texte d’arrivée à mieux en saisir le sens » (Dussart 2005 : 116). Return to text

References

Electronic reference

Giulio Sanseverino, « La tendance à la normalisation dans les traductions italiennes de l’incipit de L’Étranger », Mosaïque [Online], 16 | 2021, Online since 19 janvier 2022, connection on 11 décembre 2024. URL : https://www.peren-revues.fr/mosaique/212

Author

Giulio Sanseverino

Traducteur et titulaire d’un diplôme de M2 en Traduction (Université de Turin), Giulio Sanseverino est doctorant en Langues et littérature françaises au laboratoire CECILLE de l’Université de Lille, dans le cadre de l’ED SHS. Il est affilié au laboratoire de Traduction Littéraire LETRA de l’Università di Trento (Italie), où il conduit un projet de recherche qui combine ses intérêts pour la traductologie, la retraduction des classiques modernes et la littérature française du XXe siècle, portant notamment sur les retraductions italiennes de L’Étranger (1942) et La Peste (1947) d’A. Camus. Il mène ses travaux de recherche en cotutelle de thèse entre les deux universités, sous la direction conjointe de Camilla Cederna et Paolo Tamassia.

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