L’héritage culturel de Plotin et de saint Augustin dans l’œuvre d’Albert Camus

DOI : 10.54563/mosaique.224

Abstracts

La Grèce antique constitue le berceau de la réflexion d’Albert Camus. Il a trouvé dans l’inépuisable génie hellénique la source de sa vision du monde, de sa relation avec l’univers, notamment son sens exceptionnel du tragique et du sacré, ainsi que des vues philosophiques auxquelles il est très attaché. Cet article met en lumière les influences de Plotin et de saint Augustin sur son œuvre. Comme chez Plotin, la recherche de l’unité à travers la beauté est au cœur de la pensée de Camus, tous deux ayant trouvé le bonheur ultime dans la fusion entre l’homme et l’univers. Ils découvrent chez l’homme une forme de divinité souveraine et se rendent compte, en même temps, de la force de la fatalité. D’autre part, Camus a en commun avec saint Augustin une même obsession du mal, de la mort et de la recherche de la vérité, même s’il ne partage pas avec lui le sens du péché et refuse totalement l’espoir d’un au-delà, le rapport au monde de Camus apparaissant à cet égard essentiellement païen.

Ancient Greece is for Albert Camus the cradle of reflection. He found in the inexhaustible Hellenic genius the source of his vision of the world, of his relationship with the universe, in particular his exceptional sense of the tragic and the sacred, as well as of the philosophical knowledge to which he is very attached. This article brings to light the influences of Plotinus and Saint Augustine on Albert Camus. As with Plotinus, the search for unity through beauty is at the heart of Camus's thought, both having found ultimate happiness in the fusion between man and the universe. They discover in man a form of sovereign divinity and, at the same time, realize the force of fatality. On the other hand, Camus has in common with Saint Augustine the same obsession with evil, death and the search for truth, even if he does not share with him the meaning of sin and completely refuses the hope of beyond. In this respect, Camus's relationship to the world appears essentially pagan.

Index

Mots-clés

Albert Camus, Grèce, philosophie, Plotin, saint Augustin

Keywords

Albert Camus, Greece, philosophy, Plotinus, saint Augustine

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Text

Introduction

« Quoi de plus complexe que la naissance d’une réflexion ? […] La Grèce nous l’enseigne, la Grèce à laquelle il faut toujours revenir » (Camus, 1965 : 1341), écrit Camus à Gabriel d’Aubarède le 10 mai 1951, montrant le rôle essentiel de la Grèce dans sa pensée. Nourri, depuis sa jeunesse, d’hellénisme sous l’influence de son professeur Jean Grenier, Camus a trouvé dans l’inépuisable génie grec l’une des sources de sa vision du monde et de son imagination, son sens exceptionnel du tragique et du sacré, ainsi que des connaissances philosophiques auxquelles il était très attaché.

Dans l’œuvre de Camus, en particulier dans ses récits de fiction – auxquels nous nous intéresserons surtout –, les notions de nature, de sacré, de mythe, de mort et de sens de la vie sont redevables aux grands philosophes de la Grèce antique, l’écrivain expliquant en ces termes sa relation fondamentale avec la philosophie grecque : « Mes collègues suivent le chemin des philosophes allemands du XIXe siècle, mais moi, je me nourris de la philosophie grecque et considère Platon comme le plus important de tous. » (Camus, 2008 a1 : 999).

Cependant, les principaux philosophes qui ont influencé Camus ne sont pas les mêmes selon les périodes : son inclination pour le platonisme, le néo-platonisme et l’épicurisme ont évolué avec le temps et lui ont permis de comprendre différents aspects du monde.

Parmi les philosophes grecs, un de ceux qui ont le plus influencé la métaphysique de Camus est Plotin. Bien qu’il puisse être considéré comme « le dernier représentant des philosophes de l’hellénisme païen » (Rodan, 1995 : 22), Plotin n’en a pas moins le sens de la transcendance, étant « ému de la beauté du monde et transporté par la connaissance jusqu’à l’extase de l’inconnaissable » (Sarocchi, 2014 : 18). C’est précisément ce thème plotinien d’une fusion entre l’homme et l’univers qui a attiré Camus : « […] chacun a tout en lui et voit tout en chaque autre : tout est partout, tout est tout ; la splendeur est sans borne » (Plotin, 1931 : 4). Pour le philosophe grec, cette fusion entre l’âme, le corps et le monde construit un « Un » (ἕν) mystique, qui est à la source de tout et la « puissance de tout » (Plotin, 1925 : 166). Or, cet holisme, comme nous le verrons, se retrouve dans la relation de Camus avec l’univers, telle qu’elle s’exprime notamment dans ses textes les plus lyriques.

Si l’influence de Plotin sur Camus est essentielle dans son œuvre, nous ne pouvons pas non plus négliger celle de saint Augustin, qui a suscité chez lui des questions ontologiques. En effet, ils partagent une même obsession du mal, de la mort et de la recherche de la vérité, bien que l’écrivain réfute le sens du péché et l’espoir d’un au-delà prôné par cet homme d’Église, le rapport au monde de Camus apparaissant à cet égard essentiellement païen. Ainsi, dans cet article nous nous demandons quel est l’héritage de Plotin et de saint Augustin dans la pensée camusienne et nous nous interrogerons sur les modalités de ce transfert d’un héritage antique dans une œuvre de l’époque moderne.

L’intégration à l’Un

Avant d’entamer ses études supérieures, Camus s’intéressait déjà aux œuvres de Plotin sous l’influence de son professeur Jean Grenier. Sous la direction de ce dernier, Camus a écrit un mémoire sur Plotin et saint Augustin. Il n’est donc pas étonnant que les valeurs éthiques et esthétiques fondamentales développées dans Noces (1938), œuvre de jeunesse de Camus, trouvent leurs racines dans la pensée de Plotin.

Ce grand philosophe du néo-platonisme distingue trois hypostases : l’Un, l’Intelligence et l’Âme. Parmi elles, c’est l’Un qui inspire le plus Camus. Il s’agit d’une notion qui contient paradoxalement un dualisme. L’Un est à la fois l’Un-unité et l’Un-multiplicité ; il est illimité, se trouve au-dessus de tout, de l’être et de l’essence, de la pensée, de la forme, et représente en même temps la mesure et la limite suprême. Pour Plotin, l’Un est à la fois individuel et universel, ainsi que source de puissance et de beauté. Et l’homme ne peut être séparé de l’Un : « La lumière est inséparablement liée au Soleil, d'une manière analogue l’être ne peut pas non plus être séparé de sa source : l’Un » (Plotin, 1936 : 5). C’est à partir de là que l’homme éprouve la plénitude et l’éternité, car « l’Éternité reste dans l’Un » (Plotin, 1925 : 133).

Cet état d’unité mystique, dans lequel l’homme reçoit la plénitude ultime, et qui touche à l’éternité, est présent dans Noces et L’Exil et le Royaume. Bien que Camus n’y mentionne pas explicitement le philosophe, nous trouvons clairement dans ces deux textes les grands traits du néo-platonisme. En s’intégrant à l’univers, les personnages de Camus se fondent dans cet état de l’Un, de l’unité, et en ressentent un bonheur impérissable. C’est ce que nous observons également dans les Carnets du romancier, ce qui laisse supposer qu’il projette dans ses créatures fictives une expérience ontologique qu’il a faite lui-même plus d’une fois :

Qui suis-je et que puis-je faire – sinon entrer dans le jeu des feuillages et de la lumière. Être ce rayon de soleil où ma cigarette se consume, cette douceur et cette passion discrète qui respire dans l’air. Si j’essaie de m’atteindre, c’est tout au fond de cette lumière. Et si je tente de comprendre et de savourer cette délicate saveur qui livre le secret du monde, c’est moi-même que je trouve au fond de l’univers (Camus, 2006 b : 799).

Or, cet état d’extase – comme nous le verrons – contribue à donner au langage de l’écrivain une poéticité incontournable. Pierre-Louis Rey, dans l’avant-propos de son ouvrage Camus : une morale de la beauté, observe en particulier que « l’unité plotinienne s’exprime dans Noces en termes de soleil et de mer ». « La référence aux dieux païens, poursuit-il, rattache dès le début de ‘‘Noces à Tipasa’’ l’inspiration de Camus à celle des Grecs » (Rey, 2000 : 19). Mais une telle exaltation de la fusion entre le corps, l’âme et le monde revient à maintes reprises dans l’œuvre de Camus, comme dans ce passage [du] « vent à Djémila » : « J’étais un peu de cette force selon laquelle je flottais, puis beaucoup, puis elle enfin, confondant les battements de mon sang et les grands coups sonores de ce cœur partout présent de la nature. (Camus, 2006 a : 112).

Cette expérience physique, quasi mystique, trouve ses racines dans la pensée de Plotin. En s’intégrant à l’Un, Camus rejoint le rythme du monde et ressent la puissance de l’extase. Son talent d’écrivain consiste alors, dans Noces, à fixer ces moments d’exception en déployant des ressources poétiques (rythmes binaires, hyperboles, polyptotes et épiphores, allitérations et assonances) :

Bientôt, répandu aux quatre coins du monde, oublieux, oublié de moi-même, je suis ce vent et dans le vent, ces colonnes et cet arc, ces dalles qui sentent chaud et ces montagnes pâles autour de la ville déserte. Et jamais je n’ai senti, si avant, à la fois mon détachement de moi-même et ma présence au monde (Camus, 2006 a : 112).

La fusion avec l’Un plotinien se présente, dans l’œuvre de Camus, comme une union entre l’homme et l’univers, le corps et la nature, l’âme et la plénitude divine. L’Un entraîne le sentiment d’une harmonie ultime : ce monde de l’unité contient à la fois la grâce et l’infini. Le cœur de l’homme bat au même rythme que celui de l’univers, le monde extérieur rejoint le monde intérieur, la diversité se réduit à l’unité, la démesure se transforme en ordre, tout se réunit dans un équilibre parfait, un accord divin. C’est cet état de l’Un qui est exposé dans Noces, à travers l’idée d’une fusion merveilleuse et sans bornes, la conscience d’une telle fusion cosmique atteignant alors son apogée dans la vision du monde de Camus.

Les « noces » entre la nature et l’homme permettent l’intégration de celui-ci à l’univers de l’Un, leur interpénétration. Mais, encore une fois, le propre de Camus est de ne pas se contenter de conceptualiser cette communication profonde et harmonieuse, mais de la chanter, sur un mode lyrique et vibrant : « […] cette entente amoureuse de la terre et de l’homme délivré de l’humain – ah ! Je m’y convertirais si elle n’était déjà ma religion » (Camus, 2006 a : 133). L’écrivain regrette, en outre, de ne « jamais assez » se rapprocher « du monde » (Camus, 2006 a : 133). Et là encore, sa manière propre est d’employer des ressources littéraires pour exprimer ce thème métaphysique auquel il donne la dimension concrète des sensations physiques, sublimées par des métaphores et des effets de sonorités. Ainsi, afin de s’intégrer totalement à la nature, il lui faut, écrit-il, « être nu, et puis plonger dans la mer, encore tout parfumé des essences de la terre » dans le but d’embrasser la terre dans une « étreinte pour laquelle soupirent lèvres à lèvres depuis si longtemps la terre et la mer » (Camus, 2006 a : 133).

Cette communion charnelle relève, à l’évidence, d’une religiosité païenne. Elle est une sorte de cérémonie qui scelle le principe d’une unité inébranlable entre l’univers et l’homme, permettant à ce dernier d’approcher le divin cosmique, voire de devenir le sacré lui-même en s’identifiant au monde. Ce culte est alors la source d’une joie indéfectible, ainsi que l’affirmera encore l’auteur dans La Peste : « C’est dans la joie que l’homme prépare ses leçons et, parvenue à son plus haut degré d’ivresse, la chair devient consciente, et consacre sa communion avec un mystère sacré dont le symbole est le sang noir. » (Camus, 2006 b : 86).

De même que l’apôtre Saint-Paul a écrit : « Ce n’est plus moi qui vis, c’est le Christ qui vit en moi2 », pour Camus, ce n’est plus lui qui vit, c’est la divinité de l’univers qui vit en lui à travers cette fusion. L’homme ne s’interroge alors plus sur son destin, car il a trouvé sa véritable identité : « Dans cette grande confusion du vent et du soleil qui mêle aux ruines la lumière, quelque chose se forge qui donne à l’homme la mesure de son identité […] » (Camus, 2006 a : 111). Difficile, à cet égard, de ne pas songer à la phrase fameuse de la Préface à L’Envers et l’Endroit, selon laquelle « une œuvre d’homme n’est rien d’autre que ce long cheminement pour retrouver par les détours de l’art les deux ou trois images simples et grandes sur lesquelles le cœur, une première fois, s’est ouvert ». Dans le cas de Camus, à quoi ce cœur s’est-il ouvert, sinon au sentiment ontologique de l’unité ? On peut à tout le moins estimer, avec Jean Sarocchi, que ce « cœur ouvert » évoque « une amorce de conversion » et rappelle « le mouvement de l’âme dans les Ennéades » (Sarocchi, 2014 : 18).

Selon Arnaud Corbic, chez Camus, cette expérience cosmique « vise un désir de fusion sacrée et impersonnelle, voire mysthique » (Corbic, 2003 : 144). L’homme se débarrasse ainsi de la hantise de l’intelligence et de l’Histoire, il se retrouve à l’état brut afin d’accueillir l’appel sacré de l’Un. L’écrivain s’exclame ainsi, toujours sur un mode lyrique, qui est celui d’un poète plus que d’un métaphysicien : « Quelle tentation de s’identifier à ces pierres, de se confondre avec cet univers brûlant et impassible qui défie l’histoire et ses agitations ! » (Camus, 2008 a : 830). Dans cette fusion, Camus assiste en quelque sorte à sa renaissance, comme si c’était « un dieu qui (le) caress(ait) » : en tant que « Premier Homme », il se « regarde naître », tout en contemplant cet état heureux, car il considère que son « royaume est de ce monde » (Camus, 2006 b : 799).

Cette expérience extatique est tellement vive chez l’écrivain qu’il la transpose dans son œuvre de fiction, la partageant avec ses créatures imaginaires, comme par exemple Janine dans « La Femme adultère ». En effet, ce personnage, qui a eu beaucoup d’ennuis et de soucis, se laisse envahir par l’univers, découvrant son vrai « soi » et le sentiment de l’unité jusqu’à atteindre l’exaltation émotionnelle ultime. Dans cette profonde sérénité, Janine rejoint ce royaume mystique de la fusion de l’être individuel avec le monde :

Devant elle, les étoiles tombaient, une à une, puis s’éteignaient parmi les pierres du désert, et à chaque fois Janine s’ouvrait un peu plus à la nuit. […] Alors, avec une douceur insupportable, l’eau de la nuit commença d’emplir Janine, submergea le froid, monta peu à peu du centre obscur de son être et déborda en flots ininterrompus jusqu’à sa bouche pleine de gémissement. » (Camus, 2008 b : 17-18).

Dès lors qu’il l’attribue à un personnage de fiction, il semble évident que l’écrivain a lui-même vécu l’extase ici décrite, dont on voit mal comment elle pourrait être le fruit de son imagination. Et il la transcrit avec une maîtrise qui la rend d’autant plus convaincante : d’un côté la focalisation interne (« la contemplation ») fait que nous épousons la vision du personnage, avec son subjectivisme (« les étoiles tombaient, une à une »), mais d’un autre côté, le choix d’une narration hétérodiégétique maintient le narrateur à une certaine distance. Ainsi, Camus est tellement imprégné par cet état de l’Un développé par Plotin, il l’associe avec une telle puissance émotionnelle qu’il ne peut l’exprimer que sur un ton lyrique et poétique, ajoutant à la métaphore de la submersion la suggestion d’une étreinte dont l’intensité est accrue par les connotations érotiques de la clausule.

C’est avec une remarquable constance que l’expérience d’une telle fusion cosmique se répète tout au long de l’œuvre fictionnelle de Camus, jusque dans son dernier roman – interrompu par sa mort. Dans Le Premier Homme, en effet, on retrouve ce même entrelacement – ce « chiasme » dirait Merleau-Ponty – du sujet et de son environnement, qui suscite une extase que le romancier n’est pas loin de tenir pour la forme ultime du bonheur. Plus encore, pour l’auteur, l’entremêlement de la nature et de l’homme se présente à tout le moins comme le berceau de la joie et d’un sentiment irraisonné de toute-puissance que partagent tous les hommes :

La mer était douce, tiède, le soleil léger maintenant sur les têtes mouillées, et la gloire de la lumière emplissait ces jeunes corps d’une joie qui les faisait crier sans arrêt. Ils régnaient, sur la vie et sur la mer, et ce que le monde peut donner de plus fastueux, ils le recevaient et en usaient sans mesure, comme des seigneurs assurés de leurs droits leurs richesses irremplaçables. (Camus, 2008 b : 770).

Ici, le monde de l’Un est toujours émouvant et vivant pour l’auteur, mais, comparé à Noces, où le narrateur chantait cette fusion sur un ton poétique, voire exalté, comme s’il était le seul à ressentir cette extase, dans Le Premier Homme Camus la relate désormais d’une manière plus étendue, suggérant ainsi que tout homme peut ressentir cette joie issue de l’expérience extatique de l’Un.

En définitive, si la pensée de Plotin inspire Camus à travers sa théorie de l’Un, elle l’inspire aussi par sa quête de la beauté et son refus de l’Histoire. Comme l’explique Pierre-Louis Rey : « Aux gnostiques chrétiens, Plotin reproche d’ignorer la beauté, soit qu’ils la rapportent à quelque chose d’intelligible, soit que, par paresse, ils ne sachent pas la contempler ; ainsi ignorent-ils, notamment, le spectacle des astres » (Rey, 2000 : 18). Nous allons donc voir, tout d’abord, dans la partie suivante, comment l’attachement plotinien à la beauté extérieure traverse l’œuvre de Camus, avant de nous pencher sur sa découverte du divin en l’homme.

La beauté et la divinité en l’homme

En plus de l’Un, Camus partage également la passion du philosophe grec pour la beauté du monde : « Le monde est beau, et hors de lui, point de salut » (Camus, 2006: 135). Cette sensibilité exceptionnelle pour la beauté le mène à une nostalgie irréductible de l’harmonie sur terre, où l’Unité s’exprime « en termes de soleil et de mer » (Camus, 2006 a : 124), comme il l’écrit dans Noces.

Jean-Michel Maulpoix, qui est lui-même poète, écrit à ce sujet : « Cette brillance du monde, à laquelle les Grecs furent infiniment sensibles, tient au fait que ses éléments les plus infimes portent tous le témoignage de la mystérieuse unité à la poursuite de laquelle s’engage la poésie » (Maulpoix, 2002 : 326). Ce qu’il souligne ici, c’est que la vision poétique du monde, qui est aussi celle de Camus, comporte des sources philosophiques. Du reste, si la Grèce est le berceau de la civilisation occidentale et notamment de son rationalisme, elle est aussi la source de sa conscience esthétique, de son sens de la beauté. Dans la Grèce antique, l’homme vivait à la mesure de la beauté et celle-ci y était comme la mesure de l’existence. La beauté avait presque une dimension sacrée pour les Grecs, au point que les pages que lui consacre Platon se teintent d’une coloration mystique. Or, cette passion grecque pour la beauté, une beauté conçue comme universelle, a fasciné Camus, fascination dont nous découvrons la trace dans son œuvre.

Camus déclare dans L’Envers et l’Endroit : « Chaque artiste garde ainsi, au fond de lui, une source unique qui alimente pendant sa vie ce qu’il est et ce qu’il dit » (Camus, 2006 a : p. 32). Il est fort probable que cette source, dans son cas, fut la beauté dans sa conception grecque, fondée sur l’harmonie et la mesure. Telle est aussi la conviction de Pierre-Louis Rey, pour qui « la beauté est toujours demeurée chez Camus première, au sens chronologique du terme » (Rey, 2000 : 15). On pourrait même dire, de façon un peu triviale, que la beauté est toujours le mot-clé dans l’écriture de Camus. En effet, pour cet homme qui a grandi sous un soleil étincelant, au bord de la mer Méditerranée, la beauté semble avoir été le point de départ de sa perception du monde, ne cessant ensuite d’alimenter sa vie et son œuvre.

Si les paysages méditerranéens sont sans doute à l’origine de la passion de Camus pour la beauté, son attachement à cette dernière s’est ensuite développé sous l’influence de la Grèce antique, qui lui a donné une justification philosophique. Lui que nous reconnaissons aujourd’hui encore comme l’un des grands penseurs de l’homme moderne, confronté à l’absurdité de vivre, affirmait pourtant en 1948 n’être pas moderne : « On comprend alors que, si les Grecs ont formé l’idée du désespoir et de la tragédie, c’est toujours à travers la beauté et ce qu’elle a d’oppressant. C’est une tragédie qui culmine. […] Pour les Grecs, la beauté est au départ. Pour un Européen, elle est un but, rarement atteint. Je ne suis pas moderne. » (Camus, 2006 b : 1111).

La beauté, qui occupait une place primordiale dans la vie des Grecs de l’Antiquité, est donc devenue le soubassement inébranlable de l’existence de Camus, constituant également le socle sur lequel il a édifié ses pensées esthétique, philosophique et religieuse. Si Camus a reçu le baptême de la beauté intense dès son enfance méditerranéenne, il en a ensuite reçu la confirmation – si l’on prolonge la métaphore chrétienne – lors de son voyage en Grèce, comme il le note lui-même dans ses Carnets : « Ces vingt jours de courses à travers la Grèce, je les contemple d’Athènes maintenant, avant mon départ, et ils m’apparaissent comme une seule et longue source de lumière que je pourrai garder au cœur de ma vie. » (Camus, 2008 b : 1233).

L’expérience qu’il a faite dès sa jeunesse du soleil éblouissant, de la mer éclatante, des joies physiques, a ainsi fini par se confondre avec la beauté grecque, dont l’émerveillement ne cessera plus de l’inspirer. La beauté des paysages méditerranéens, ayant acquis au cours de son séjour en Grèce une dimension culturelle et philosophique, deviendra une lumière invincible qui attisera désormais sa vie et l’empêchera même de sombrer dans la dépression.

La beauté est mentionnée à plusieurs reprises dans les Carnets, en des termes souvent définitifs : « La beauté, c’est la justice parfaite » (Camus, 2008 b : 1248). Or la fidélité de Camus à la beauté est visiblement indissociable de sa fidélité à la Grèce antique. L’écrivain se représente les anciens Grecs comme étant entourés par de magnifiques paysages, sous une lumière étincelante, s’enivrant par conséquent de la beauté du monde avec une innocence presque enfantine et un cœur pur prompt à lui dédier des hymnes, chantant le monde avec la lyre, l’instrument d’Apollon. Non seulement, affirme Camus, « aucun peuple ne peut vivre en dehors de la beauté » (Camus, 2006 b : 993), mais, chez les Grecs, cette beauté suscitait une exaltation dionysiaque, pouvant même mener à l’ivresse poétique.

Ce « cœur grec » (Camus, 2008 b : 476), présent dans la plupart des œuvres de l’écrivain, est toujours évoqué avec une émotion intense, fût-elle parfois contenue. Partout où il est question de sa passion pour la beauté du monde, nous observons un jaillissement affectif, trahi par un style lyrique et le ton péremptoire d‘un hédoniste qui juge superflu d’argumenter : « Hors du soleil, des baisers et des parfums sauvages, tout nous paraît futile » (Camus, 2006 a : 106). Si Camus est passionné par la beauté du monde tout comme les Grecs anciens, il la découvre aussi à l’intérieur de lui-même, jusqu’à ce que se révèle au fond de lui la présence du divin, comme chez Plotin.

Non seulement Plotin apprécie la beauté du monde, mais il découvre également celle qui réside à l’intérieur des êtres, confondant ainsi ces deux formes de beauté, et se rattachant de façon manifeste à l’humanisme grec, qui accorde toujours une importance suprême à l’homme lui-même. Selon Plotin, en trouvant cette beauté souveraine, l’homme s’identifie, en quelque sorte, au divin :

Souvent, lorsque je m’éveille à moi-même en sortant de mon corps, et qu’à l’écart des autres choses je rentre à l’intérieur de moi, je vois une beauté d’une force admirable, et j’ai alors la pleine assurance que c’est là un sort supérieur à tout autre : je mène la meilleure des vies, devenu identique au divin, installé en lui, parvenu à cette activité supérieure en m’étant établi au-dessus de tout le reste de l’intelligible. (Plotin, 2002 : 241).

Plotin a découvert, grâce à la beauté, une force abondante à l’intérieur de lui, lui permettant d’atteindre une sorte de supériorité divine. Il répète ensuite, d’un ton lyrique, mais déterminé, qu’il devient le Divin lui-même à la faveur de cette beauté miraculeuse : « Je deviens extérieur aux choses, intérieur à moi ; je vois une beauté d’une miraculeuse majesté. Alors, j’en suis sûr, je participe à un monde supérieur. La vie que je vis, c’est la plus haute. Je m’identifie au Divin, je suis en lui. » (Plotin, 2002 : 241).

Cette union entre le sujet et la transcendance divine témoigne d’un humanisme éclatant. Plotin attribue une valeur suprême à la dignité de l’homme à la puissance de sa beauté intérieure, grâce à laquelle il pénètre dans le monde de l’Un divin. Cette union est alors illimitée, perpétuelle, sereine et ineffable. Joseph Cochez précise en ces termes la conception plotinienne de la beauté, qui se confond avec les êtres et qui permet à l’homme de trouver en lui la divinité :

Le principe premier de toute beauté se confondant avec les êtres, tous les êtres ont part à la beauté essentielle de la divinité et leur beauté se confond avec leur essence : cette beauté, ils ne la tiennent donc pas ailleurs, ils la possèdent souverainement parfaite ; l’homme qui parvient à se contempler pur de toute attache à la matière peut s’écrier en toute vérité : "Croyez-m’en, je suis un dieu immortel", car lui-même alors est Dieu souverain, jouissant sans entraves de sa souveraine beauté. (Cochez, 1913 : 301).

Dieu, pour Plotin, n’est évidemment pas le dieu des religions, il est le représentant de l’Un dans son ensemble, signifiant la divinité, la beauté et le bien. C’est la splendeur suprême. Dans l’œuvre de Camus, l’homme retrouve aussi la splendeur divine lorsqu’il libère sa beauté souveraine dans la saturation de la beauté du monde. Il se fond dans le monde et trouve la divinité en lui, tout se rejoint dans l’unité – l’homme, le monde et la divinité : « Si j’étais arbre parmi les arbres, chat parmi les animaux […], je ferais partie de ce monde. Je serais ce monde […] » (Camus, 2006 a : 254).

Ainsi, Camus fusionne avec le monde et découvre la divinité au fond de lui. Ce monde de l’Un plotinien, origine de toute cause et de tout résultat, selon Anne Prouteau, est une présence qui comprend la présence de la divinité du monde en l’homme et la présence de l’homme dans le monde, présence qui mêle l’homme et la divinité. Comme elle le souligne, pour Plotin la présence de Dieu en homme et dans l’univers « efface toute opposition entre le monde intérieur et le monde extérieur » (Prouteau, 2008 : 45). Cette fusion de l’homme avec Dieu a grandement influencé Camus, qui se montre sensible à la divinité présente dans l’univers.

Cette présence divine est une présence totale de l’homme à lui-même et à l’univers, une heureuse union. L’homme ressent ainsi une part de divin et de sacré en lui, au lieu de réflexions rationalistes, comme le pense Camus. Il voit souvent cette divinité en l’homme : les jeunes qui courent sur la plage le long de la mer, la mère taciturne qui s’assoit dans la cuisine (Le Premier Homme), la jeune fille dont le cou laisse perler des gouttes de sueur lorsqu’elle danse (Noces), en somme l’homme qui s’ouvre devant la beauté du monde tout en retrouvant celle qui est à l’intérieur de lui.

 

Bien que Plotin ait eu une influence considérable sur l’œuvre de Camus, il n’en reste pas moins qu’un autre auteur est aussi très présent dans sa pensée : il s’agit de saint Augustin.

Camus et saint Augustin

Le premier lien entre saint Augustin et Camus est leur terre natale. En effet, saint Augustin est né sur le territoire de l’Algérie actuelle seize siècles avant Camus. La terre de l’Afrique du Nord leur est donc commune : « Afrique du Nord [...] c’est une véritable floraison [de nouveaux talents] ! Les fruits poussent vite là-bas. Il est vrai que ce fut la terre [...] de Saint Augustin » (Camus, 1965 : 1342), déclare Camus dans une interview. Est-ce parce qu’ils ont grandi sur la même terre que les deux hommes sont hantés par des préoccupations communes, sur la mort, le mal, le sens de la vie et la fatalité humaine ?

Dans son mémoire Métaphysique chrétienne et Néoplatonisme, l’écrivain consacre un chapitre entier à l’analyse de la pensée augustinienne. Dans ce chapitre, il aborde différents thèmes augustiniens, tels que l’obsession du mal, la recherche de la vérité ou encore une réflexion sur la mort. Ces aspects coexistent dans les textes et la pensée de Camus, celui-ci se situant, en quelque sorte, entre Plotin et saint Augustin.

Pourtant, Camus n’adhère pas au christianisme, malgré l’influence de saint Augustin sur lui et sa sensibilité à l’humanisme chrétien. Lors d’une conférence au couvent de La Tour-Maubourg, il affirme qu’il ne peut pas entrer totalement dans le monde du Christ : « Je ne partirai jamais du principe que la vérité chrétienne est illusoire, mais seulement de ce fait que je n’ai pu y entrer » (Camus, 2006 b : 503). Dans son discours de Stockholm, il souligne, de même, qu’il a « des préoccupations chrétiennes », mais que sa « nature est païenne » (Camus, 2008 b : 285). S’il se rapproche de saint Augustin, ce n’est donc pas par la foi, c’est par une même obsession du mal, de la mort et de la recherche de la vérité, comme on le devine à travers ce passage de Métaphysique chrétienne et Néoplatonisme où il est question du futur évêque d’Hippone : « Grand passionné, sensuel, la crainte de ne pouvoir observer la continence diffère longtemps sa conversion. Dans le même temps, il a le goût des vérités rationnelles. […] Mais en même temps le problème du mal l’obsède : « Je cherchais d’où vient le mal et je n’en sortais pas » [De Beata vita 4 ; saint Augustin, Confessions, VII, 5] » (Camus, 2008 a : 1063).

Comme saint Augustin, Camus s’interroge sans cesse sur le mal qui ronge la société des hommes, laissant souvent entrevoir ses doutes sur la toute-puissance divine : « Il y a tragédie, lorsque l’homme par orgueil entre en contradiction avec l’ordre divin » (Camus, 2006 a : 1704). Or, sur ce mystère du mal qui obsède nécessairement tout croyant, les positions de Camus rejoignent souvent celles de l’auteur des Confessions. Comme l’assure Jean-François Petit : « En essayant de faire le bien plus qu’en diminuant le mal, sa réponse se rapproche en fait de celle d’Augustin » (Petit 2015 : 271). D’ailleurs, Camus n’hésite pas à citer saint Augustin notamment lorsqu’il s’agit de l’idée de la mort : « J’étais rongé par la crainte de mourir sans avoir découvert la vérité » (Camus, 2008 a : 1063) ; il ajoute : « Grec par son besoin de cohérence, chrétien par les inquiétudes de sa sensibilité, il resta longtemps à l’écart du Christianisme » (Camus, 2008 a : 1063).

L’initiation spirituelle qu’il a reçue de saint Augustin sur les questions fondamentales qui se posent à l’homme a incité Camus à construire dans son œuvre son propre chemin vers la tragédie et la philosophie, en s’interrogeant sur l’origine du mal, la crainte de la mort, l’espoir de la vie future et l’incarnation de la grâce. Il aura côtoyé le monde d’une manière à la fois sensuelle et rationnelle, en abordant des réflexions sur le péché originel et la grâce divine. Il écrit ainsi dans « L’incroyant et les chrétiens » : « Et pour moi il est vrai que je me sens un peu comme cet Augustin d’avant le christianisme qui disait : ‘‘Je cherchais d’où vient le mal et je n’en sortais pas’’ » (Camus, 2006 b : 473). Les œuvres de Camus sont toujours teintées d’un fond philosophique en quête de réponses aux questions fondamentales sur l’homme et le sens de la vie. S’il traite ces questions avec une passion augustinienne, certains de ses points de vue sont très différents de ceux de l’évêque d’Hippone, notamment sur le péché et l’espoir.

Il s’avère que Camus et saint Augustin ont un « fort désir de voir diminuer la somme de malheur et d'amertume qui empoisonne les hommes » (Camus et Grenier, 1981 : 23), mais avec des méthodes différentes. Camus refuse totalement le monde de l’au-delà du christianisme : pour lui, ce monde n’existe pas. L’espoir d’un arrière-monde, formulé par saint Augustin, est tout aussi vain, la mort étant pour Camus « une porte fermée » (Camus, 2006 a : 113). Il est libéré de tous les espoirs chrétiens après la mort et considère que le moment présent est le plus important dans la vie. Tourmentés tous deux par le mal et la mort, les deux hommes apportent à ces questionnements des réponses différentes, qu’ils trouvent l’un dans le christianisme, l’autre dans le présent et la révolte.

S’il est donc loin de partager toute la doctrine augustinienne, Camus se considère néanmoins comme l’« Augustin d’avant le christianisme », comme il a déclaré au couvent de Latour-Maubourg. Son refus de la vision chrétienne l’a mené à « une réélaboration en creux de l’idée de Dieu, au nom même de sa compréhension de l’homme » (Petit, 2015 : 272), si bien que, même « sans croire en Dieu », il « reste profondément religieux » (ibid., 271).

Conclusion

En définitive, si l’influence de Plotin sur Camus est considérable, ce dernier n’en partage pas moins avec saint Augustin un certain nombre de questions ontologiques. Aux yeux de Camus, l’expérience qu’il fait de la magnificence du monde rejoint la métaphysique de Plotin et construit le socle de son panthéisme, d’essence païenne. Loin d’être d’abord un disciple de Plotin, il se nourrit de la pensée de celui-ci pour donner une armature conceptuelle à l’évidence eudémonique de son rapport au monde, sublimant dans le sentiment d’une extase cosmique un sensualisme spontané indissociable du soleil méditerranéen. Et c’est précisément parce que ce plotinisme de Camus est une expérience intime, physique, que les notions philosophiques de totalité, d’unité, se manifestent chez lui le plus souvent sur un ton poétique, le lyrisme du style, inséparable d’impressions sensibles que relaient des métaphores brûlantes, révélant l’exaltation ultime que l’écrivain ressent face à la beauté de l’univers. Par là se trouve confirmé, s’il en était besoin, que dans l’œuvre de Camus le philosophe, l’écrivain – et le poète même – sont indissociables, voire indiscernables, l’exposé de la pensée reposant très souvent sur des notations tactiles ou visuelles qui déploient une sorte de métaphysique des corps à laquelle son écriture se reconnaît entre toutes. Métaphysique chrétienne et Néoplatonisme, le titre du fameux mémoire de recherche qui nous livre, avec l’élan émouvant de la jeunesse, les sources scolaires de la pensée camusiennes est donc trompeur, comme on l’aura compris à la lecture de cette étude. Car le néoplatonisme d’un Plotin, avec sa mystique de la beauté, a manifestement eu plus d’influence sur la genèse de l’œuvre camusienne que la métaphysique augustéenne du mal et de la mort. Manifestement l’un écrase l’autre, par où s’affirme toute la modernité du futur prix Nobel : celle d’une éthique de l’immanence, définitivement délivrée de la vieille dialectique du péché et de la grâce.

Bibliography

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Notes

1 ‘2006 a’ renvoie à Œuvres complètes d’Albert Camus, tome I ; ‘2006 b’ renvoie à Œuvres complètes d’Albert Camus, tome II ; ‘2008 a’ renvoie à Œuvres complètes d’Albert Camus, tome III ; ‘2008 b’ envoie à Œuvres complètes d’Albert Camus, tome IV. Return to text

2 « Je vis, mais ce n’est plus moi, c’est le Christ qui vit en moi. Ce que je vis aujourd’hui dans la chair, je le vis dans la foi au Fils de Dieu qui m’a aimé et s’est livré lui-même pour moi » (Saint-Paul, Galates 2 : 20). Return to text

References

Electronic reference

Chunnan Liu, « L’héritage culturel de Plotin et de saint Augustin dans l’œuvre d’Albert Camus », Mosaïque [Online], 16 | 2021, Online since 19 janvier 2022, connection on 11 décembre 2024. URL : https://www.peren-revues.fr/mosaique/224

Author

Chunnan Liu

Chunnan Liu est docteure en langue et littérature françaises de l’Université de Lille (France), au sein du laboratoire Analyses littéraires et histoire de la langue (ALITHILA – UR 1061). Elle vient d’achever sous la direction du professeur Yves Baudelle une thèse intitulée La Poésie dans Noces, L’Été, L’Exil et le Royaume et Le Premier Homme d’Albert Camus. Elle poursuit actuellement ses recherches sur la poésie dans l’œuvre d’Albert Camus.

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