Des héritages
L’archéologue étudie les civilisations à partir de leur culture matérielle, analyse les équipements dont elles se dotent, les objets inventés, produits et utilisés, les messages de leurs activités... Les traces laissées par les générations précédentes sont de nature variée (monuments, écrits, images et autres). La mission de l’archéologue est de les appréhender dans leur contexte pour mieux les étudier. Ces vestiges du passé mis au jour, inventoriés et décryptés, constituent un patrimoine riche que l’on se doit de préserver pour les générations futures. Ils font partie de l’héritage des sociétés que l’on souhaite découvrir et que l’on souhaite transmettre. Si l’on aborde l’héritage romain, le mot français lui-même par son étymologie, heres signifiant l’héritier en latin, fait partie de ce processus de transmission réalisée par les hommes jusqu’à nous. On pense ainsi à la langue, mais aussi aux lois, aux voies ou à la culture. L’homme transforme parfois son héritage1, réfléchit à ce qu’il doit faire des ruines, recompose le passé comme dans la culture cinématographique du péplum – on pense à Gladiator qui a déjà 20 ans ou encore à la série Rome (Aziza 2016), mais aussi au site Antiquipop qui recense et décode les références à l’Antiquité dans la culture populaire contemporaine2 – et c’est là aussi une forme d’héritage. Comme l’exprimait Laurent Olivier, conservateur du département d’archéologie celtique et gauloise au Musée d’Archéologie nationale de Saint-Germain-en-Laye, lors d’un entretien à France Culture en 2013, le Romain agit dans le présent, sous une forme masquée3.
Le tout premier héritage, important s’il en est, est ici celui de nos enseignants, de nos directeurs de recherches dans la droite ligne desquels nous nous inscrivons ; notre héritage universitaire. Travaillant sur la Morinie antique et en tant qu’ancien élève de Roland Delmaire4, c’est tout naturellement que je pense à lui ici et à son ouvrage, sa thèse de troisième cycle, qui concerne mon sujet de doctorat : Étude archéologique de la partie orientale de la cité des Morins, (civitas morinorum), paru en 1976. J’ai souhaité souligner cet héritage en intitulant ma thèse en VAE soutenue le 2 décembre 2021 à l’Université de Lille : Des Morins romains, des Romains morins. Étude archéologique et historique de la cité des Morins.
Mon sujet de recherche porte donc sur le peuple des Morins et sur la Morinie, cité de Gaule Belgique, ancien territoire du peuple gaulois éponyme, décrit par Virgile dans l’Énéide (VIII, 727) comme des extremi homines, les hommes des confins (Hoët-Van Cauwenberghe, 2016 : 74 ; Hoët-Van Cauwenberghe, 2020 : 201). La Morinie antique dans le paysage de la géographie gauloise correspond à plus de la moitié du territoire du Pas-de-Calais actuel, du Ternois au Boulonnais, de la Canche à l’Aa. L’héritage des Morins commence ici par leur nom qui perdure encore de nos jours avec l’ancienne Communauté de Communes de la Morinie (avant sa fusion avec la Communauté d’Agglomération du Pays de Saint-Omer), le collège de la Morinie (à Saint-Omer), la Maison de la Morinie (à Thérouanne), le Doyenné de la Morinie ou encore une agence immobilière, une société d’ambulance et bien évidemment, le bar-tabac brasserie de Thérouanne, nommé le Moriny.
Les Morins ont pour capitale Thérouanne, Tervanna5, dont le nom figure sur plusieurs itinéraires routiers antiques et notamment la Table de Peutinger. Le nom même de Tervanna est un héritage, gaulois, et celui-ci découle d’un hydronyme, de tarwos, le taureau, associé au suffixe –anna. Or, Thérouanne est situé au niveau d’un passage à gué de la Lys (Legia), Lys qui prend sa source à Lisbourg, dont le nom est encore un héritage.
L’héritage de la Morinie antique se retrouve aussi dans les frontières actuelles, du moins en partie. Même si les cités antiques n’ont pas à proprement parler de frontières mais plutôt des limites (Hoët-Van Cauwenberghe, 2016 : 185), et même si dans le détail la frontière ne peut être caractérisée partout avec assurance, le dossier de la civitas Morinorum a été traité et résolu par Roland Delmaire (Delmaire, 1976 : chapitre I ; Delmaire, 1994 : 64). La frontière héritée de l’Antiquité et qui est toujours d’actualité entre le Nord et le Pas-de-Calais, soit entre les Ménapiens et les Morins d’alors, correspond à l’Aa.
L’héritage antique dans la campagne de Thérouanne : un exemple d’analyse archéogéographique
Nous avons vu en partie l’héritage par le biais de la toponymie, par l’héritage des frontières, mais l’héritage antique se perçoit encore de nos jours dans le paysage, à travers la topographie et par le biais d’une discipline encore jeune : l’archéogéographie. Cette science consiste en « (...) l’étude de l’espace des sociétés du passé, dans toutes ses dimensions et à plusieurs échelles d’espace et de temps, dans le but de contribuer à la reconstitution de l’histoire périodisée des formes et à la connaissance des dynamiques de long terme qui constituent les héritages. (…). L’objet de cette archéogéographie est donc tout autant l’étude de la mémoire des formes que l’étude des projets des sociétés à certains moments précis » (Watteaux, 2014). De nombreux outils s’offrent aux chercheurs avec l’émergence et le développement accru de nouvelles technologies pour l’analyse spatiale en particulier. L’utilisation de la technologie Lidar repose sur le principe de la télédétection par laser et peut aider à la découverte de nouvelles structures. Une campagne a ainsi été menée autour de Thérouanne sur 100 km², dans le cadre d’un Projet Collectif de Recherche6.
Un premier cas autour de Thérouanne, issu d’une opération de fouille récente, menée en 2018 à 4 km à vol d’oiseau du chef-lieu des Morins, nous renseigne sur un habitat rural du Haut-Empire et son cimetière associé : le site du Complet à Saint-Augustin, au niveau de la ZAC du Parc des Escardalles (Figure 1).
Deux axes se distinguent à la lecture du plan : un axe NNO/SSE et un autre OSO/ENE. De l’observation émergent plusieurs réflexions.
En premier lieu, l’orientation des fossés par rapport à l’habitat attire l’attention. Il apparaît ici que les fossés en question ne sont pas axés comme ceux de l’enclos de l’occupation romaine fouillée. En revanche, la structuration de l’espace semble plus proche de l’enclos mis au jour au nord du cimetière familial et qui le précède dans le temps. Il est intéressant de noter que, à l’instar du fossé de l’enclos au nord du cimetière, ceux mis au jour à l’ouest sont conditionnés par la topographie générale du secteur. Le fossé sud de l’enclos fouillé en 2018 épouse parfaitement la ligne de la courbe de niveaux ; ceux qui lui sont parallèles ou presque parallèles, situés plus au nord, suivent également les courbes de niveaux. Cet ensemble fossoyé mis au jour à l’ouest de l’extension du Parc des Escardalles laisse entrevoir un chemin qui, à l’est, passe entre le secteur d’habitat et le secteur funéraire.
Les fossés qui sont axés NNO/SSE ne sont pas perpendiculaires au chemin précédemment décrit ; ils sont en revanche parallèles au système d’enclos de l’habitat et si l’on se projette jusqu’à la voie romaine principale Thérouanne - Cassel, située plus au sud, ils lui sont perpendiculaires.
L’enclos qui précède l’installation du cimetière familial se développe vers le nord. Un fossé parallèle à celui-ci a été mis au jour à plus ou moins 80 m. Ce fossé OSO/ENE pourrait très bien délimiter l’enclos en question. Non repéré plus à l’est en raison vraisemblablement de l’érosion du secteur, on peut l’estimer a minima d’une longueur d’environ 70 m. Partant de ce postulat, un enclos de l’ordre de 80 m x 70 m environ, couvrirait 6300 m². Considérant qu’à l’époque romaine un actus quadratus mesure 1260 m², 6300 m² représentent donc l’équivalent de 5 x 1 actus quadratus. Cet exercice a ses limites certes, mais il doit être tenté afin de mettre en lumière ou non l’existence d’une structuration à la romaine du paysage.
En changeant encore d’échelle, du site fouillé en 2018 à la totalité du Parc des Escardalles, l’on peut dès lors connecter cet ensemble de l’arrière-pays de Thérouanne à la capitale des Morins et à son réseau routier.
Au-delà de l’habitat et de son petit cimetière associé, l’opération de fouille du site du Complet vient alimenter la réflexion sur la structuration du paysage dans la proche campagne de Thérouanne antique. Le site en question se situe à moins de 2 km au nord-est à vol d’oiseau du chef-lieu de la cité des Morins et à un peu plus de 1 km de la voie romaine principale menant de Thérouanne à Cassel. Ainsi, les données issues de la fouille et l’emplacement de celle-ci permettent d’aborder la problématique du réseau des voies et de l’organisation de la campagne proche de Tervanna.
Concernant le système viaire au sein de Thérouanne et de ses abords - l’étoile itinéraire de Térouane (Haigneré, 1841 : 206) - la littérature est abondante et particulièrement depuis le XIXe siècle7. La voie romaine principale menant de Tervanna à Castellum Menapiorum (Cassel) est attestée de longue date, et notamment par l’Itinéraire d’Antonin (Parthay, Pinder 1848 : 179, § 376) et sur la Table de Peutinger. Le tracé est aisément perceptible encore de nos jours, car la voie antique est recouverte en partie par la route contemporaine (Delmaire, 1976 : 296). Le tracé de cette voie est notamment pétrifié dans la toponymie des lieux avec par exemple le hameau de Cauchies d’Ecques dont le nom dérive du bas latin calchia qui signifie chaussée. Plus à l’ouest, son tracé débouche en haut du Mont Saint-Martin aux abords du chef-lieu des Morins. La pénétration de cet axe au sein de la ville demeure floue dans le détail mais quelques pistes avaient été avancées pour celle-ci ainsi que pour les trois voies observées dans la périphérie orientale de Tervanna (Merkenbreack et al., 2019 : 207).
Parallèlement à ces voies, si l’on analyse le découpage cadastral d’avant le remembrement (mais encore pour partie celui d’aujourd’hui) associé avec les vues aériennes à notre disposition (via Géoportail notamment) ou plus simplement les cartes IGN, on se rend compte que, comme pour la campagne de Cassel (Jacques, 1987 : 101), des orientations dominantes dans le parcellaire se dessinent à l’est de Thérouanne (Malvache Pouchain, 1994). Un travail complet d’archéogéographie, d’analyse et d’intégration à un système d’information géoréférencé des données cadastrales est à accomplir, c’est ce à quoi se consacre actuellement Aurore Di Liberto dans le cadre de son travail doctoral, pour ce secteur notamment8. En attendant l’achèvement et la publication de ses travaux de thèse, l’on peut d’ores et déjà évoquer quelques aspects de l’héritage d’un cadastration romain à proximité de Thérouanne, cadastration au sein de laquelle le site du Complet est installé.
Ainsi, si l’on prend pour base la distance de 710 m environ (soit 20 actus ; 1 actus = 35,5 m), ce qui correspond à un module de centurie dans le système de cadastration romain (Chouquer et al., 1980 : 14), et que l’on analyse la portion de la voie Thérouanne / Cassel sur près de 4 km (jusqu’à la limite communale au niveau de la parcelle 76 du hameau de Cauchies d’Ecques), plusieurs éléments apparaissent, et ces derniers semblent respecter à la fois un système de mesure et une orientation de 35° NO9.
Tout d’abord, sur ce tronçon de 4 km, il est à noter que tous les 710 m environ des indices (Olivier et al., 2014 : 232) à la fois topographiques et archéologiques sont présents (Figure 2).
Partant du haut du Mont Saint-Martin à l’emplacement du début du tracé rectiligne de la voie Thérouanne-Cassel, 710 m à l’est nous arrivons au niveau du Mont Brûlé de l’autre côté de l’autoroute à l’emplacement du croisement entre la D192 et la voie romaine. C’est là qu’en 1980 Jean-Claude Routier a mis au jour les vestiges d’un petit édifice et de quelques tombes romaines ; la nature même de l’édifice demeure inconnue mais l’inventeur propose d’y voir une « chapelle » (un monument funéraire ? Routier, 1980). Continuant 710 m plus à l’est, nous arrivons au croisement entre la voie romaine et la rue haute du village de Clarques qui devient au nord, le chemin de Westecques / rue de Clarques sur le territoire de la commune d’Ecques. Toujours 710 m plus à l’est, cette fois-ci c’est une limite administrative qui marque la mesure, entre les communes de Clarques et d’Ecques. Prolongeant de 710 m, c’est alors un calvaire au niveau du hameau de Cauchies d’Ecques qui se trouve en limite. Enfin, et nous arrêterons là l’exercice, 710 m encore plus à l’est, c’est la limite communale entre Ecques et Roquetoire qui marque ce découpage. Nous avons ainsi parcouru 2,5 milles romains, soit la distance de 5 centuries de 20 actus de côté.
Ce bref exercice démontre, s’il en est besoin, l’existence toujours pérenne des traces d’un arpentage antique à l’est de Thérouanne et directement au sud de la fouille du site du Complet. La prédominance des indices topographiques et historiques dans ces limites de mesure n’est pas une nouveauté et a déjà fait l’objet d’observations au sein de la Gaule10. Si on prend en compte le secteur géographique localisé entre la voie Thérouanne-Cassel et le site de fouille du Complet (Figure 3), le chemin localisé au nord du site d’habitat (qui est potentiellement d’origine antique) se situe à 1,4 km, soit 1 mille romain, de la via Tervanna-Castellum Menapiorum. Le fossé méridional de l’enclos de l’habitat de la zone nord est à 1,258 km soit environ 35 actus et le fossé nord délimitant le petit cimetière familial se situe quant à lui à 1,042 km de la voie soit environ 30 actus.
Ainsi, avec une analyse succincte des éléments topographiques et cartographiques de ce secteur comprenant le site du Complet et les abords de Tervanna, on peut mettre en évidence que la campagne orientale de Thérouanne est bien structurée à l’époque antique : c’est ici un héritage où le passé continue d’agir dans le présent (Olivier, 2014 : 230).
Thérouanne et la circulation des matières premières
La circulation en histoire et en archéologie se mesure à la mobilité des biens, des personnes, des idées et en général de la culture. La civilisation romaine s’est répandue y compris jusque dans la cité des Morins. De nombreux indices vont en ce sens. Ainsi, les Morins ont adopté des techniques, des savoir-faire, utilisé des matériaux venus de Méditerranée, mais ont aussi eu recours à des produits locaux dans le cadre d’une circulation à l’échelle de la cité. L’exemple de la muraille de Thérouanne est représentatif de ce phénomène. Lors d’une opération réalisée en 2015, nous avons mis au jour l’enceinte fortifiée de la ville durant l’Antiquité tardive, dont le tracé était jusqu’à présent inconnu (Merkenbreack, 2017). Cette portion de fortification nous apporte de nombreuses informations à commencer par la provenance des matériaux. Ici, c’est le concours d’une étude géologique (menée par Jean-Pierre Gély) menée dans le cadre du PCR de Thérouanne – ville antique et médiévale, qui nous a permis d’identifier l’origine du matériel lapidaire pour ce mur en opus vittatum mixtum. Le matériau principal utilisé pour la construction de la maçonnerie est de provenance locale, il s’agit de grès de Matringhem, localité située à 11 km à vol d’oiseau au sud-ouest, sur le cours de la Lys. C’est par cette dernière que les matériaux étaient acheminés, une partie du cours d’eau ayant été canalisé à l’époque romaine selon des récentes découvertes archéologiques faites à Thérouanne (Merkenbreack, 2019). Nous avons aussi découvert lors de cette opération de la pierre de Marquise, provenant du littoral boulonnais et de la pierre bleue extraite des Ardennes belges, de Tournai ou de l’Avesnois, soit à environ 150 km de Thérouanne. La circulation des matériaux, à l’instar de nombre de productions dans l’Antiquité, peut également se faire sur de bien plus grandes distances et les découvertes de Thérouanne viennent le confirmer. Ainsi, au sein d’un petit sondage, un abondant matériel lapidaire a été mis au jour. Ce dernier représente plus de 10 kg de marbre de provenances différentes sous la forme principalement de plaquettes et de quelques moulures caractéristiques d’un décor en opus sectile. Au total, parmi les calcaires marbriers et brèches calcaires, on dénombre 6 variétés et parmi les marbres blancs encore 6 autres variétés de pierres extraites en France, Turquie, Grèce, Tunisie, Italie et Égypte (Figure 4).
Cette grande diversité de marbres issus de gisements très éloignés implique de facto un coût relativement élevé. Ce ne pouvait être à la portée que d’un riche propriétaire s’il s’agit d’un bâtiment privé mais il semble plus vraisemblable présentement d’attribuer ce bâtiment à la cité elle-même ou à l’évergétisme d’un notable pour la construction d’un édifice public (Allag, Tardy, 2012). La question de l’approvisionnement et du transport, de la circulation de ces matières premières reste un sujet à approfondir. La présence proche du port militaire de Boulogne-sur-Mer, qui a pu servir de lieu de transit des importations (plus aisé que par la route), doit être ici rappelée.
De la nécessité de transmettre au plus grand nombre
L’héritage archéologique à Thérouanne est riche, complexe et passionnant pour les amateurs mais peut se révéler lourd, encombrant et subi pour d’autres (aménageurs, élus, certains habitants). Cet héritage qui influe fortement sur le développement du village aujourd’hui nécessite impérativement une médiation, un dialogue entre tous les intervenants concernés et par ce biais, d’autres approches sont possibles pour que le transfert culturel se fasse dans de bonnes conditions (Lavigne, 2011 ; Tranchevent, 2014 ; Laurent-Dehecq, 2014 ; Dulauroy-Lynch, Gravier, 2014). La diffusion des informations au grand public est une nécessité. Cet héritage que nous venons de présenter succinctement pour la ville antique de Tervanna est notre patrimoine commun, un bien collectif, inaliénable que nous pouvons certes détruire ou ignorer, mais que nous ne pouvons pas refouler ou occulter (Olivier, 2014 : 234). En conséquence, comme le disait l’ethnologue et anthropologue Daniel Fabre (Bortholot, Sagnes, 2016), « le patrimoine c'est nous" » ; tel était aussi l’intitulé d’une table ronde qui s’est tenue en 2014 à l’Institut national du patrimoine dans le cadre du colloque L'archéologie à la rencontre des publics, Transmission et médiation des résultats de la recherche11. Il est donc important de faire circuler les connaissances, de les transférer, d’en faire un héritage commun. Ainsi, chaque opportunité archéologique à Thérouanne est complétée par une mise en valeur des connaissances et des découvertes réalisées au sein de la commune. Cette médiation prend alors la forme de visites, le chantier est alors ouvert à un public large, de visites spécifiques destinées aux scolaires du village, de conférences ouvrant les premières conclusions scientifiques au public (Figure 5) et d’une disponibilité accrue des archéologues départementaux afin d’accompagner au mieux les différents projets d’aménagements menés au sein de la commune. Ce transfert de connaissance se réalise aussi au travers de la collaboration étroite menée auprès des institutions (commune, communauté de communes, collège) œuvrant localement à la diffusion des résultats des recherches et des fouilles et à la mise en valeur du patrimoine.
Pour conclure, cum Tervannae foditur – quand on fouille à Thérouanne on plonge dans un héritage archéologique dense, riche et complexe certes, mais aussi à des héritages, à notre héritage commun. Ce patrimoine archéologique local sans cesse renouvelé au gré des découvertes, des nouvelles approches ou encore de nouvelles disciplines concourt à une meilleure connaissance de cette agglomération antique, de son territoire, de ces Morins qui y ont vécu, de leurs goûts, de leur mode de vie, de leur façon de commercer, de leurs réseaux, de ce qu’ils nous ont laissé en héritage et qui résonne forcément avec ce que nous nous laisserons en héritage. Le métier d’archéologue est, il est vrai, de « discourir sur les choses anciennes » mais ce travail pour être bien fait se doit d’être transmis au plus grand nombre avide d’en apprendre plus sur ses racines.
Le sous-sol est d’une importance vitale pour les structures matérielles de l’existence contemporaine, comme pour nos souvenirs, nos mythes et nos métaphores
(Macfarlane, 2020 : 24).